III.4 Discussion des résultats de l'enquête
Partant des résultats de notre enquête
confinés dans les différents tableaux en amont, notons que les
femmes représentent la majorité de notre population
d'étude.
Dans la globalité, les tontiniers de ce groupement ont
un niveau d'étude primaire. Ceux du niveau supérieur
représentent la minorité. Cela s'explique essentiellement par la
faiblesse du revenu agricole, l'exploitation dont est victime le monde rural
par les urbains (le capitalisme urbain), c'est-à-dire que ces derniers
exploitent le monde rural en défaveur des ruraux ; ce qui a comme
corollaire directe la baisse du niveau supérieur. Soulignons
également que les femmes, contrairement aux hommes, ce qui est
inhabituel, s'adonnent aux études que ces derniers.
Les femmes sont donc devenues des principales concurrentes
des hommes dans divers domaines de la vie. Ça serait dû aux
externalités positives de leur émancipation.
Une forte présence des mariés dans le
système tontinier dans ce groupement a été
constatée. Cela se justifierait par la multiplicité des charges
familiales auxquelles ceux-ci sont appelés à faire face.
L'épargne tontinière constitue, à cet effet, une garantie
contre les aléas de la vie.
En outre, une explosion des commerçants est à
souligner. Cette explosion aurait comme mobile la constitution d'un capital
important afin d'améliorer leur niveau d'activité ; ce qui
corrobore ce qui se passe partout ailleurs dans les tontines.
Bien plus, notons que le secteur agricole intéresse la
majeure partie de notre des tontiniers de Bashali Mokoto. Cependant, ceux qui
n'investissent pas dans celui-ci évoquent la faiblesse de la production
agricole comme étant le principal goulot d'étranglement. Celle-ci
serait due à plusieurs facteurs à l'instar des conditions
climatiques ; l'homme n'a pas de main mise sur la nature. Il se contente
ainsi du peu que lui fournit nature et son revenu s'en trouve sensiblement
réduit en période de vache maigre ; ce qui implique, en
effet, le manque d'intérêt à l'égard
l'agriculture.
Quant aux difficultés que connaissent les tontiniers de
Bashali Mokoto, il est à noter que le non respect de
l'échéance constitue le différend majeur qu'ils
connaissent ; soit 63,2 % de notre échantillon. Dix seulement
(5,3%) soulignent le manque d'appui alors que 30 tontiniers (15,8%) ne
connaissent pas de difficulté.
En plus, trente tontiniers (15 ,8%) évoquent les
conflits entre les membres, le détournement des fonds par le responsable
du groupe ou même le caissier(e). C'est la catégorie
« Autres ».
Là encore, la mise en exergue de la
confiance mutuelle entre les membres comme garantie ; ceci vient
également corroborer ce qui a été évoqué
dans notre cadre théorique en ces termes : « Mais
les défaillances de plus en plus fréquentes des membres dans un
contexte de crise, d'appauvrissement et d'exclusion constituent une source de
difficultés en chaîne qui effrite dangereusement l'étoffe
de la confiance qui constitue l'essence de la tontine. Ceci contribue à
en fragiliser les fondements ».
La reconnaissance juridique des
tontines serait ainsi indispensable. Cependant, les avis sont partagés.
D'une part, ceux dont l'occurrence est pour la reconnaissance juridique de la
tontine ; soit 150 enquêtés (78,9%), estiment que le secours
à l'Etat leur permettrait de résoudre les différends
surgissant entre eux. De l'autre part, ceux dont l'opinion est contre
représentent la minorité, soit 40 tontiniers (21,1%). Pour eux,
l'Etat est un gourmand et voudra ainsi s'accaparer de leur argent.
En rapport avec la contribution à chaque tour, il
parait beau de signaler que l'effectif important de nos enquêtés
contribue 5$ ; soit 21,1% de notre échantillon. En addition, les
contributions extrêmes sont respectivement de 1 et 200$. Il se
dégage ainsi une étendue importante entre celle-ci ; soit
199$.
Ce fort écart entre les contributions extrêmes
reflèterait, bien attendu, la forte tension salariale. Partant des
théories économiques, l'épargne d'un ménage
dépend de son revenu ; c'est-à-dire que plus le revenu est
important, l'épargne le sera également.
Paradoxalement, plus le revenu est faible, il est globalement
affecté à la consommation présente. Il est ainsi difficile
pour les ménages se situant dans cette dernière catégorie
d'épargner suffisamment. Le choix inter temporel, tel
qu'évoqué par les néoclassiques, fait à ce que ces
derniers optent généralement pour la consommation présente
que celle future ; ce qui corrobore le slogan populaire ci
après : « vivre au taux du jour ».
Il appert que sur 150 tontiniers dont l'objectif était
d'affecter leur levée à l'achat des nouvelles terres pour
l'extension et la création des cultures, achat des outils
agricoles ; 130 atteignent leur objectif ; soit 87%.
En outre, les quarante autres dont l'objectif n'était
pas d'affecter leur levée à l'agriculture atteignent
également le leur.
La distribution de khi deux nous donne une valeur tabulaire
à 1ddl et au seuil 0,005 de 7,87944. Ainsi, comme khi deux
calculé (10,978) est supérieur au khi deux
tabulaire (7,87944) au seuil de 0,005 à 1ddl,
l'hypothèse nulle est rejetée. Tout porte à croire que
l'objectif que poursuit un tontinier influence significativement l'affectation
de sa levée.
En addition, il parait beau de noter que les statistiques Phi
et V de Cramer ont une même valeur de 0,760. La valeur
du test est très significative (p<0,005) ; ce qui indique que
les chances d'obtenir 0,760 par hasard est très faible. En termes de
corrélation, il s'agit d'un effet de grande taille. Il y a ainsi une
forte association entre l'objectif que poursuit un tontinier et l'affectation
faite de sa levée. De même, le coefficient de contingence est de
0, 605 ; ce qui corrobore le résultat de khi
deux.
Dans la suite, il est à noter que dix tontiniers
ayant une levée de 50$ affectent 10% de celle ci à l'agriculture
alors que dix autres dont le montant perçu est de 100$ y allouent 5% et
ainsi de suite. Dans l'ensemble, le taux affecté au secteur agricole est
inférieur à 50% des levées respectives des tontiniers de
notre échantillon.
La distribution de khi deux nous donne une valeur tabulaire
de 135,807 au seuil de 10% à 100ddl. Ainsi, khi deux calculé
(174, 167) est supérieur au khi deux tabulaire
(135, 807) ; ce qui rejette l'hypothèse nulle en
faveur de celle alternative. Pour tout dire, il y a une association entre la
levée et la part allouée au secteur agricole. Il s'agit,
d'après nos analyses, d'une évolution en termes facial mais pas
en termes relatif.
Les statistiques V de Cramer (0,913) et le
coefficient de contingence (0,950) ont une valeur tendant
vers 1 ; cela représente une forte association entre la
levée et la part de la levée affectée à
l'agriculture. Il s'agit également d'un effet de grande taille.
En outre, les coefficients de corrélation de
Pearson et Spearman sont tous positifs (respectivement +0,921
et +0,912) et situés au dessus de 0,8 ; ce
dénote une corrélation de forte intensité entre la
levée et la part affectée au secteur agricole. La
positivité des coefficients de Pearson et Spearman indique, en plus, que
la part affectée à l'agriculture augmente simultanément
avec la levée. Pour tout dire ; toutes ces statistiques
associées au khi deux viennent corroborer son résultat : la
relation entre la part de la levée affectée au secteur agricole
et le montant perçu est statistiquement significative.
Les difficultés d'accès au système
bancaire pour une frange de la population du territoire de Masisi en
général, et ceux du groupement de Bashali Mokoto en particulier,
ont favorisé la création de circuits financiers informels. Les
tontines, l'un des éléments essentiels de l'épargne,
jouent un rôle très important et progressif dans l'entreprenariat
de ce groupement.
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