CONCLUSION
La contrebande, phénomène ancien de par ses
causes et ses manifestations, revêt aujourd'hui des formes multiples.
Elle entraîne des conséquences dommageables inestimables pour
l'industrie locale. L'exemple de l`industrie textile confrontée à
la fraude sur le pagne en est une illustration convaincante.
Concernant les formes actuelles de contrebande, on pourrait
distinguer entre la contrebande transfrontalière, pratiquée par
les populations de localités riveraines, des différents corridors
routiers et des entrées routières par exemple d'une part, et la
contrebande structurée pratiquée par des commerçants de
l'informel disposant d'une bonne assise financière et matérielle,
d'autre part.
Dans le premier cas, la contrebande transfrontalière
trouve sa justification dans l'hétérogénéité
de l'environnement économique, fiscal et monétaire dans lequel se
meut la Côte d`Ivoire. En effet, elle partage ses frontières avec
la Guinée et le Liberia à l`ouest, le Mali et le Burkina Faso au
nord et le Ghana à l`est. Ces pays fondent leur économie sur une
politique de réexportation de produits importés sur le
marché mondial à des prix dérisoires vers la Côte
d`Ivoire. Ceci explique un différentiel de prix énorme entre les
marchandises produits par la Côte d`Ivoire et ceux frauduleusement
importés. Il faut aussi ajouter que la contrebande est un
phénomène très ancien fondé sur des échanges
commerciaux longtemps pratiqués par les populations de ces Etats
respectifs qui ont toujours ignoré les frontières coloniales
puisque étant liées par les mêmes origines historiques et
familiales. Quant à la contrebande structurée, elle est le fait
de trafiquants professionnels et organisés disposant de moyens
financiers et matériels très importants.
Habitués des rouages de l'administration, ils usent des
imperfections du système de contrôle douanier pour faire entrer
irrégulièrement des marchandises sur le territoire ivoirien en
général et du district d Abidjan en particulier. Aussi,
détiennent-ils de nombreux circuits de commercialisation de leurs
produits à travers tout le pays. C'est la raison pour laquelle, le
législateur ivoirien a défini un cadre de répression de
cette forme de concurrence déloyale. Enfreint ainsi la loi, celui qui
s'adonne à cette forme d'activité. L'exercice de cette pratique
illégale est puni par les dispositions de loi. Il a
été établi par la loi n° 64-291 du 1er Août
1964 (J.O. 64 Page 1103) portant code des douanes.
La sévérité de la répression varie
en fonction de la pratique à laquelle s'est adonnée le
contrevenant. Ces dispositions vont dans le sens d'une meilleure protection de
la production nationale. Dans le cas de la Côte d`Ivoire et du district
d`Abidjan en particulier, ces territoires ont subi de façon directe les
méfaits liés à cette pratique. Une analyse des ventes en
Côte d`Ivoire durant la période de monopole et après la
libéralisation intervenue dans le secteur des industries a permis
d'apprécier l'acuité de la question de la contrebande sur le
marché national de marchandises d`une part et du district d`Abidjan
d`autre part.
Relativement à ce dernier, il faut dire que son cadre
juridique a eu à subir de profondes mutations en raison des multiples
transformations de l'environnement économique national et international.
Du monopole, on est passé à la libéralisation
complète mais encadrée.
Cependant, pour mieux encadrer ce processus, le district
d`Abidjan a, dans le cadre de la politique d'intégration
économique et monétaire mise en place par l'UEMOA,
adhéré au dispositif tarifaire commun à
sousrégionale ouest africaine : cependant, cela n'a pas totalement
endigué la
poussée grandissante de la contrebande qui met en
péril la survie de l'industrie ivoirienne et locale du district
d`Abidjan.
En effet, qu'elle soit transfrontalière ou
structurée, la contrebande constitue de façon indéniable
une menace grave et permanente pour l'industrie ivoirienne notamment celle du
district. Elle a des répercutions graves dans tous les domaines de la
vie économique, sociale et politique de notre pays et du district.
A l'Etat et au district, elle cause des pertes en recettes
fiscales et douanières considérables. L'industrie locale subit
des pertes en chiffres d'affaires très énormes. Certaines
entreprises confrontées à des problèmes de méventes
mettent la clef sous la porte jetant ainsi des milliers de travailleurs au
chômage. C'est la raison pour laquelle, il a fallu définir des
stratégies concrètes et efficaces de lutte contre ce
phénomène qui a pris de nouvelles dimensions inquiétantes
: il s'agit de sa criminalisation et de sa professionnalisation grâce aux
NTIC.
S'agissant de la lutte en cours, il faut dire qu'elle est
engagée simultanément par :
- l'Etat à travers les différents services
nationaux ou déconcentrés compétents en matière de
lutte contre la fraude sur le territoire national d` une part et sur le
territoire du district d`Abidjan d`autre part ;
- les organisations syndicales qui se sont fortement
impliquées dans la lutte tant au niveau national que local ;
- et la Chambre de Commerce et d`Industrie dont l'engagement
se manifeste à travers les différentes actions qu'elle a eu
à mener au niveau interne et externe.
Quant aux perspectives dans le cadre de la lutte
engagée contre ladite concurrence, il faut dire qu'elles reposent sur
des stratégies à court et long terme.
Concernant les premières, il faudra envisager de
renforcer les moyens de la douane à travers la dotation de celle-ci en
moyens matériels et humains devant permettre à ces soldats de
l'économie de venir à bout des fossoyeurs de l'économie.
Aussi, convient-il de renforcer la sensibilisation pour inciter les populations
à consommer les produits locaux. Aussi, incombe t-il à la chambre
de commerce et d`industrie de développer une bonne politique de
marketing qui lui permettrait d'une part de vanter les qualités de son
produit par rapport aux marchandises importées frauduleusement et
d'autre part de soigner son image extérieure pour mieux valoriser ses
actions et réalisations aux plans national et local.
S'agissant des secondes, il reviendra à l'Etat
d'assainir l'environnement concurrentiel et fiscal du marché. Un
renforcement et réaménagement du dispositif tarifaire de l'UEMOA
s'imposent à cet effet. Par ailleurs, il faudra élargir les bases
de la lutte contre la contrebande en y associant tous les pays qui composent
l'espace UEMOA.
A la lumière de ce qui précède, on peut
dire que la contrebande constitue une menace pour l'industrie ivoirienne en
général, du district d`Abidjan en particulier et qu'il revient
à tous les acteurs de la vie économique, sociale et politique de
s'impliquer dans cette lutte pour venir à bout du
phénomène qui risque d'hypothéquer l'avenir de notre
économie.
Il revient aux entreprises de prôner et d'adhérer
au concept d' «entreprise citoyenne » pour intéresser
travailleurs et populations sur leur devenir. Elles doivent faire preuve
d'intelligence économique et
sociale pour réussir leur intégration dans le
nouvel ordre économique mondial.
L'intégration de notre pays dans la mondialisation doit
nécessairement s'accompagner d'une protection efficace de notre
industrie locale. L'Etat doit favoriser le développement d'une industrie
locale compétitive capable de produire la totalité de la
consommation nationale. A l'importation, doit se substituer
l'industrialisation. Celle-ci doit être le seul moyen de relever le
défi du développement. Selon l'Organisation des Nations Unies
pour le Développement Industriel (ONUDI) : « pour un pays en
développement, l'industrialisation signifie plus que le simple fait
d'augmenter le revenu et le volume de production. Elle constitue pour lui ,un
moyen de moderniser sa structure primitive (l`économie informelle ou
souterraine) de production et de transformer toute la tradition
socioéconomique qui y est associée. De ce contexte, il est
important de mesurer l'industrialisation sous toutes ses dimensions,
c'est-à-dire à la fois quant à son étendue et
à son intensité.
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