La fourniture : elle consiste à
pouvoir livrer une certaine quantité de marchandises spécifiques
pour répondre à une demande et accepter de le faire. La demande
de fourniture peut ne pas être conforme du tout à la norme du pays
producteur et donc nécessiter une fabrication spéciale qui ne
sera peut-Otre pas possible qu`au-delà d`une certaine qualité.
Par exemple, il n`est pas possible de faire fabriquer des cigarettes d`une
qualité et d`un nom particulier à moins d`en commander au moins
un conteneur de 30 pied (40 m3), si cette quantité est largement
supérieure à ce que les clients peuvent acheter, il faudra alors
que le producteur renonce à cette vente ou que l`on trouve d`autres
clients ayant les mêmes besoins pour arriver au seuil minimum de
production. Cette recherche de clientèles complémentaires
peut-être faite soit par le fabricant de cigarettes lui-même qui va
alors devenir un complice actif car il ne peut pas ignorer qui est ses
véritables clients. Elle peut-être faite aussi par une entreprise
intermédiaire spécialisée faisant office de courtier, qui
va chercher d`autres =`commandes« permettant de remplir le conteneur.
Dans de nombreux cas, des réseaux commerciaux
parallèles fonctionnent depuis très longtemps et des usines
travaillent en grande partie pour leur seul usage.
Le gouvernement ivoirien et les autorités locales du
district d`Abidjan, tout comme bien d`autres doivent publier des listes
d`entreprises accusées de fournir les fabricants de marchandises de
contrebandes. Par exemple, la liste établie en 1996 et parue dans El
TIEMPO, le 30 novembre, comprenait 104 noms d`entreprises fournissant de la
machinerie ou des matières premières au départ de divers
pays tels que les Etats-Unis, l`Espagne, l`Allemagne, le Danemark, la Hollande,
l`Italie,
la Suisse, l`Argentine, le Brésil, le Mexique, le
Panama, l`Inde, Taiwan, la Chine et Hong Kong. L`Allemagne Mercedes BENZ y
figure ainsi que différents laboratoires chimiques nord
américains.
La vente : elle consiste à signer un
contrat par lequel des marchandises s`échangent contre de l`argent. Elle
se distingue de la fourniture du fait de l`intervention fréquente
d`intermédiaires qui servent d`écran entre le fournisseur et
l`acheteur. Ces intermédiaires sont obligatoirement des complices
actifs, indispensables au fonctionnement de la contrebande.
Le conditionnement : elle est une
opération importante car une même marchandise peut
nécessiter un conditionnement différent selon qu`elle va suivre
un parcours officiel au clandestin. Ces conditionnements varient selon deux
critères principaux : la présentation finale du produit et ses
conditions de transport. Pour la présentation, chacun connaît les
imitations plus ou moins réussies que les contrebandiers
réalisent dans le domaine de la mode, des cosmétiques, des
parfums,
etc. la tricherie est souvent si
évidente que seuls les circuits de contrebande peuvent introduire ces
marchandises dans de nombreux pays. La présentation peut
également être modifiée pour que le fournisseur ne soit pas
identifiable ou pour satisfaire à des impératifs de
commercialisation locale. Il peut apparaître des publicités
mensongères ou abusives que de nombreuses législations
occidentales et même africaines comme celles de la Côte d`Ivoire
n`autoriseraient pas sur leur territoire. On peut ainsi citer les
=`médicaments« prétendant blanchir la peau et dont on omet
de dire à quel point leur usage peut-être
cancérigène ou d`autres remèdes prétendument
aphrodisiaques. Pour leur transport, les marchandises peuvent nécessiter
un conditionnement particulier permettant leur manutention effective tout au
long du parcours qu`elles devront suivre
avant de parvenir à l`acheteur final. Ces parcours
sont parfois inattendus et complexes : chemins détournés,
camouflages, dans d`autres produits, etc. les choses ne se passent pas toujours
bien et un récent exemple québécois l`illustre fort bien,
où l`on a vu en juillet 1991 les agents de la sUreté du
Québec faire une =`pèche miraculeuse dans le fleuve Saint-Laurent
sur de nombreux fûts métalliques contenant pour plus de 600
millions de dollars de drogue. Ces mêmes genres de pèche ont
souvent lieu sur le territoire douanier ivoirien cependant à des
échelles plus réduits.
Le transport : il est
précisément l`opération la plus délicate dans
laquelle tous les intervenants sont des complices actifs de l`opération.
Celle-ci consiste à faire franchir physiquement une frontière aux
marchandises de contrebande. Là encore les exemples en Côte
D`ivoire et ailleurs abondent et leur variété n`a pour limite que
celle de l`imagination humaine. Le 05 novembre 1991, radio France
internationale présentait un bulletin consacré à la
contrebande entre la Chine et le Vietnam. Elle représentait alors un
volume annuel d`environ 20 millions de dollars. Le transport s`effectue
à dos d`homme avec des charges individuelles comprises entre 50 et 60
kilos. La rémunération des porteurs était de 12 francs
français par voyage soit 1200 francs CFA. Nous observons exactement ces
mêmes opérations aux frontières routières de
côte d`ivoire en général et plus particulièrement
aux frontières routières de la région des lagunes.
L'achat : c`est l`achat de marchandises de
contrebande par celui qui les a commandées en connaissance de cause, ce
qui représente un acte totalement illégal. L`acheteur est
complice actif de cette opération, voire mOme souvent l`initiateur. La
discrétion et la sécurité de cette opération
sont donc totalement indispensables. Un achat comporte
évidemment un paiement qui doit être fait lui aussi dans des
conditions de sécurité et de discrétion totale pour les
deux parties. Cela peut supposer l`intervention d`un intermédiaire
financier.
La distribution: elle constitue l`avant
dernière étape de la chaîne d`opérations de
contrebande aux frontières routières de la région des
lagunes de la Côte d`Ivoire. Elle consiste à écouler les
marchandises soit à des petits revendeurs disséminés dans
les environs des différents corridors douaniers soit directement aux
utilisateurs. Dans les deux cas, il s`agit d`une opération à
grande visibilité, quasi publique, et présentant donc le risque
d`être décelée par les contrôles de police. Certains
distributeurs peuvent être des complices neutres ou passifs, en
particulier dans le cas de petits revendeurs du tiers monde qui sont
étrangers à certaines considérations légales et
dont le seul souci est de perpétuer un petit commerce qui assure tant
bien que mal leur survie.
Lorsque la distribution est assurée directement par
l`acheteur, la visibilitésera moins grande. Cela sera surtout le cas
pour des marchandises
chères et vendues en faibles quantités, comme
des automobiles, des
métaux précieux, des diamants,
etc. la facilité de certaines
opérations
peut parfois amener certains acteurs à manquer
totalement de prudence.
La consommation : la consommation de
produits de contrebande est un acte illégal pouvant parfois être
accompli de bonne foi. Il n`en reste pas moins que la responsabilité du
consommateur est toujours engagée.
En conclusion, les différentes formes de fraude sont
souvent la
conséquence inéluctable des restrictions mise en
place par les autorités
locales de la région des lagunes et sont d`autant plus
fortes que les restrictions sont grandes.
Mais il ne suffit pas de frauder pour gagner. Des contraintes,
tant
externes qu`internes, délimitent
précisément les champs de rentabilitédes fraudes. Les
entreprises ou les personnes auxquelles il peut-être
demandé de participer à de telles manuvres
doivent connaître les raisons et le fonctionnement précis afin de
pouvoir décider en toute connaissance de cause. Il s`agit là d`un
engrenage susceptible de les entraîner, parfois, beaucoup plus loin
qu`elles ne souhaitaient aller ! Quoiqu`il en soit, la contrebande
s`avère Otre un champ de manuvre passionnant pour les différentes
organisations délinquantes car celles-ci se prête bien au
schéma général de la pieuvre. Il y faut des têtes
bien faites et bien placées à la limite du monde criminel et du
monde des affaires pour définir sur quoi portera le prochain trafic. Il
faut un certains nombre de =`tentacules« à gros bras et petits
tOtes pour assurer la =`sécurité« de certaines
opérations et également la rentrée des paiements. Il faut
enfin un grand nombre de fourmis pour toutes les petites opérations plus
ou moins clandestines de terrain, allant de la vente de marchandises au
détail jusqu`au vol d`une marchandise, en passant par le coup de tampon
qui crée un document officiel ou le coup d`il ailleurs quand passe un
camion.
On retrouve bien ces trois niveaux d`implication lors de
l`action. Mais, là encore, on n`en retrouve le plus souvent que deux
quand vient le temps de la répression et de la réparation, le
niveau de la tête de la pieuvre échappant le plus souvent aux
investigations.
La figure ci-après représente ces
différentes opérations en indiquant les différents
assortiments possibles de rôles
Source : Gérard VERNA, (juillet
1993)
Tableau 3: Différents rôles possibles et
leur implication illégale
dans une opération de contrebande
par importation
Source : Gérard VERNA, (juillet 1993)
La
chaîne "raccourcie" de la contrebande
Il y a au moins onze rôles possibles, en ne tenant pas
compte des intermédiaires probables qui vont s'insinuer à tel ou
tel endroit de la chaîne.