IV-2- Population d'enquête
Dans un souci de diversification de sources des données
on a mené les recherches (enquêtes) auprès de
différentes catégories de populations susceptibles d`apporter des
éclaircissements par rapport à l`objet :
1) Les acteurs initiaux et finaux du phénomène
de la contrebande, c'està-dire : les fournisseurs, les distributeurs,
les acheteurs, les commerçants, les détaillants, et les vendeurs
susceptibles de produire de la contrebande.
2) Les agents et cadres des services des douanes, de la police
économique et de la gendarmerie nationale.
3) Les responsables administratifs et le personnel de la chambre
de commerce et du ministère du commerce.
4) Les responsables de l`ONG STOP FRAUDE (ONG en faveur de la
lutte contre la fraude fiscale et la contrefaçon sans frontière
en cote d'ivoire).
5) Les responsables de l`Office Ivoirien de la Protection
Intellectuelle (OIPI).
IV-3-Echantillon
Les acteurs pratiquants la contrebande dans le district
autonome d`Abidjan le font dans le noir et non pas à ciel ouvert, ils
sont difficilement observables et repérables, il a fallu l`aide
d`acteurs témoins en l`occurrence les agents de (police, gendarmerie,
douane) pour espérer avoir un effectif de 33 individus. Quoique de
petite taille l`échantillon a toutes les caractéristiques de la
population mère d`où il a été tiré, tous les
acteurs ci-dessus cités s`y retrouvent représenter en tenant
compte des caractères correspondants à la population mère.
On a dans l`effectif de l`échantillon : les fournisseurs, les
distributeurs, les acheteurs, les commerçants, les détaillants,
et les vendeurs, les agents des services des douanes, de la police
économique et de la gendarmerie nationale.
Les responsables administratifs de la chambre de commerce et du
ministère du commerce.
L`échantillon se compose d`intervenants initiaux et
finaux de la contrebande dans le district autonome d`Abidjan répartis en
deux cohortes.
La première cohorte compte 18 acteurs actifs (cf.
Tableau 2) pour chacune des 13 communes du district autonome d`Abidjan on a :
(2) pour ABOBO, (2) pour ADJAME, (2) pour ATTECOUBE, (2) pour ANYAMA, (1) pour
COCODY, (1) pour BINGERVILLE, (1) pour le PLATEAU, (1) pour YOPOUGON, (2) pour
TREICHVILLE, (1) pour KOUMASSI, (1) pour MARCORY, (1) pour PORT-BOUËT, (1)
pour SONGON.
La deuxième cohorte compte 15 acteurs passifs
(complices): (2) pour ABOBO, (2) pour ADJAME, (1) pour ATTECOUBE, 1 pour
ANYAMA,
(1) pour COCODY, (1) pour BINGERVILLE, (1) pour PLATEAU, (1)
pour YOPOUGON, (1) pour TREICHVILLE, (1) pour KOUMASSI, (1) pour MARCORY, (1)
pour PORT-BOUËT, (1) pour SONGON .
La première cohorte est composée d`acteurs ayant
toujours participé à la contrebande de façon
régulière, la deuxième, de ceux ayant été
complice, ou ayant participé occasionnellement ou accidentellement
à la contrebande.
Tableau 1: Échantillon de l'enquête par
cohorte, par type d'acteurs
Les communes du district d'Abidjan
|
Cohorte acteurs actifs
|
Cohorte acteurs passifs
|
TOTAL
|
ABOBO
|
02
|
02
|
04
|
ADJAME
|
02
|
02
|
04
|
ATTECOUBE
|
02
|
01
|
03
|
ANYAMA
|
02
|
01
|
03
|
BINGERVILLE
|
01
|
01
|
02
|
COCODY
|
01
|
01
|
02
|
KOUMASSI
|
01
|
01
|
02
|
MARCORY
|
01
|
01
|
02
|
PORT-BOUËT
|
01
|
01
|
02
|
SONGON
|
01
|
01
|
02
|
TREICHVILLE
|
02
|
01
|
03
|
YOPOUGON
|
01
|
01
|
02
|
TOTAL
|
18
|
15
|
33
|
La méthode d'échantillonnage retenue, non
probabiliste, est celle par «choix raisonné» (Beaud, 1984).
Cette méthode est apparue la plus appropriée en raison de
l`objectif de recherche qui consiste à mettre au jour les implications
directes ou non, permanentes ou occasionnelles des acteurs contrebandiers dans
l`essor et la pérennisation du phénomène de la contrebande
et de points de vue différents de ces différents acteurs.
À ces deux critères, s'ajoutait celui de la position
occupée dans le groupe des rapports de force au sein du groupe.
En ce qui a trait à la sélection des sujets en
fonction de leur point de vue et de leur position dans le groupe des rapports
de force, trois principes ont guidé l`étude. Il s'agit des
principes de saturation,
d'hétérogénéité et de
structure.
Le principe de saturation réfère ici à
l'épuisement de la variété des explications ayant cours au
sein d'un ensemble donné d'acteurs à propos d'une
réalité ou d'un phénomène. L'application de ce
principe s'est concrétisée dans le cadre de notre enquête
par l'ajout d'entrevues tant que nous apprenions quelque chose de nouveau sur
notre objet de recherche. L'étape de la réalisation des entrevues
a par conséquent pris fin lorsque les sujets que nous rencontrions
répétaient, globalement, ce que les sujets
précédents nous avaient déjà appris.
Le principe d'hétérogénéité
réfère, pour sa part, à l'exigence d'explorer ou, en
quelque sorte, de saturer les divers points de vue repérés.
L'application de ce principe s'est traduite par une sélection des sujets
en fonction de cet objectif d'exploration de la variété des
points de vue.
Enfin, le principe de structure réfère à
la correspondance postulée (Bourdieu & WACQUANT, 1992) entre le
point de vue exprimé par l'acteur et la position occupée dans la
structure des rapports de force. La prémisse sous-tendant ce principe
étant que le discours des sujets n'est pas un discours
désincarné ou neutre, en marge de la dynamique des rapports
sociaux, mais participant au contraire à cette dynamique.
L'opérationnalisation de ce principe nous a conduits à choisir
des sujets occupant des positions différentes dans la structure des
rapports de force au sein de leur groupe d`activité.
L'hétérogénéité des discours
procédait en partie de la position occupée par les sujets dans
l`organisation criminelle.
L'application des principes de saturation,
d'hétérogénéité et de structure dans la
sélection de nos répondants rendait nécessaire
l'acquisition de ce que Bourdieu appelle "la compétence
spécifique» du milieu étudié (1993);
c'est-à-dire une connaissance préalable des logiques sociales et
des rapports de force qui permet de sélectionner adéquatement les
sujets au regard de notre objectif de recherche et d'interpréter leur
discours à travers la dynamique des rapports de force dans lequel ils
évoluent. La nécessité d'acquérir cette
"compétence spécifique» nous a conduits à faire une
première analyse des données au moment même où nous
procédions à la cueillette des données. Bien que
préliminaire à cette étape de l'enquête, cette
analyse constituait néanmoins un élément clé du
processus de sélection des sujets. À partir d'informations
recueillies auprès des acteurs interviewés, nous
procédions ainsi à la sélection d'autres intervenants dont
la participation nous paraissait pouvoir enrichir nos données en
apportant un point de vue soit différent, soit opposé, où
soit concordant avec ceux recueillis jusque-là. Par exemple, si, dans le
cadre d'une entrevue, un participant nous communiquait une information que nous
jugions pertinente de vérifier ou d'approfondir, nous
sélectionnions un autre intervenant qui, sur la base de notre
connaissance du milieu qui allait en s'approfondissant pouvait contribuer
à enrichir nos données et notre connaissance de la logique de la
discipline.
Un refus de participation plus grand chez les femmes que
chez les hommes. L`échantillon ne compte que 10 femmes : cinq
à ABOBO et cinq à ADJAME. Deux raisons peuvent expliquer cet
état de fait. La première tient à la composition
même de la population visée par notre enquête, plus
particulièrement dans la contrebande. En effet, le nombre de femmes
contrebandières dans le district d`Abidjan est extrêmement faible
en comparaison avec celui des hommes; elles sont la plupart du
temps des revendeuses donc en fin de processus. Au moment de
la réalisation de l'enquête notre échantillon ne comptait
que trois femmes contre 30 hommes, et par la suite nous sommes parvenus
à 10 contre 23 acteurs masculins pour un peu équilibrer les
données. La deuxième raison tient au fait que la majorité
des femmes contactées refusaient de participer à l'enquête
où ne retournaient pas nos questionnaires. Les raisons motivant les
refus étaient la crainte d'être reconnue (quatre femmes), le
manque de temps (deux femmes), le manque d'intérêt (une femme), le
fait d'être un acteur dans la contrebande «atypique» (trois
femmes). En ce qui a trait à ce dernier motif de refus, bien que nous
expliquions aux femmes que le seul critère de sélection des
répondants et répondantes était qu'ils ou qu'elles
participent à la contrebande sur le territoire douanier du district
autonome d`Abidjan et qu'ils ou elles soient en permanence ou occasionnellement
dans la contrebande, les femmes maintenaient leur décision. On peut
noter que ces femmes étaient de tout âge et qu'elles pouvaient
donc percevoir comme une menace potentielle le fait d'être
interrogée sur leurs activités criminelles. Pour ce qui est des
hommes, ils répondaient en général plus favorablement
à notre demande de participation. Quelques-uns ne nous ont pas
retourné nos questionnaires, un a refusé parce qu'il
n'était pas intéressé, un par manque de temps et un
troisième parce qu'il se disait «étranger au monde
fermé des contrebandiers». À l'instar des trois femmes ayant
refusé parce qu'elles se disaient «atypiques», il n'est pas
improbable que ce troisième acteur ait pu percevoir quelque chose de
menaçant dans notre enquête. Biais possibles pouvant
découler du type dinformations recherchées. En raison du
caractère relativement personnel des informations que nous
désirions obtenir et du nombre restreint de sujets faisant partie de
notre échantillon, il n'est pas improbable que certains acteurs aient pu
refuser de participer à l'enquête parce qu'ils anticipaient
la possibilité d'être éventuellement
reconnus. En ce sens on pourrait reprocher à notre échantillon
d'être biaisé en présumant que ceux qui ont refusé
d'en faire partie partagent des caractéristiques communes qui sont
différentes de celles des sujets ayant accepté. Plus
précisément, on pourrait supposer que ceux qui ont refusé
avaient comme trait distinctif de se percevoir comme non conformes à la
définition légitime du «bon» citoyen. Toutefois, si
ceci a pu s'appliquer, certains intervenants initiaux comme finaux de la
contrebande qui ont accepté de faire partie de l'étude se sont au
contraire présentés d'emblée comme non conformes à
la définition légitime du «bon» citoyen dans leur
communauté et/ou groupe et ont vu dans l'entrevue une occasion de faire
valoir leur point de vue. Le matériau disponible nous permet donc de
prendre en compte le point de vue de ceux qui ne font partie des groupes
dominants. Il va de soit que les pratiques des contrebandiers constituent un
objet de débat parce qu'elles sont évaluées de
façon statutaire et interpersonnelle; choisir d'en parler dans le cadre
d'une enquête universitaire n'est donc pas neutre. En ce sens, notre
étude pouvait constituer pour certain un cadre où poursuivre la
lutte pour la définition légitime du «bon» citoyen.
Nous en étions conscients, et c'est pourquoi il était important
pour nous de connaître, au moins globalement, la position des
répondants dans la configuration des rapports de force au sein de leur
groupe social ou communauté. Cette position étant l'un des
éléments permettant de comprendre le sens de leur discours. La
confrontation des points de vue sur les pratiques constituait la base de
l'analyse de la dynamique de construction sociale de la science. Dans cette
confrontation, les points de vue étaient analysés en tenant
compte de la position des répondants. Notre analyse repose ainsi sur le
postulat que le «réel est relationnel » (BOURDIEU
& WACQUANT, p. 72), les acteurs d'un champ étant engagés dans
un système de relations
«objectives», de sorte que les actions des acteurs
ne sont compréhensibles que replacées dans le système de
relations. Les secteurs du district d'Abidjan retenus sont (les
marchés, les grands espaces commerciaux, les postes de contrôles
ou corridor d'entrée, et les entrepôts d'entreprises
privées ou publiques au sein des zones industrielles.). Afin de
limiter l'ampleur du corpus à étudier (critère de
faisabilité) et de prendre en compte le poids des traditions
universitaires, nous avons choisi d'étudier le phénomène
dans ces différents secteurs d`activités économiques, en
l'occurrence les grands marchés et les grands espaces commerciaux des 13
communes qui constituent le district d`Abidjan, les quatre grands corridors
d`entrée du district d`Abidjan ( les corridors d`entrée de DABOU,
et de GESCO sur l`autoroute du nord et celui d`ADZOPE, les corridors
d`entrée de BINGERVILLE et de la route ABIDJAN-BASSAM-ABOISSO. Les zones
industrielles du district d`Abidjan. Ces différents secteurs ont
été retenus parce que beaucoup d`activités
économiques s`y déroulent. Par ailleurs, le choix d'observer les
sciences économiques et la sociologie criminelle dans l`étude de
ce phénomène, et non dans d'autres études où
peuvent se retrouver des sociologues et des économistes (criminologie,
relations industrielles, communication) tient au fait que ce sont dans ces
genres de sujets d`études que la logique propre à chacune des
deux disciplines s'observerait le mieux. Ceci, en raison de
l'indépendance entre ces deux disciplines scientifiques. Cette
indépendance est bien sûre toute relative.
CHAPITRE 5 : TECHNIQUES DE RECUEILS DES DONNEES
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