I-2-Pertinence sociale
En ce qui concerne la présente thèse, la
contrebande est considérée comme la manifestation d`une
économie souterraine du point de vue international, national et local,
voilà comment elle fonctionne si on se réfère à
PHILIPPE BARTHELEMY (1998). Pour lui, de nombreux auteurs
préfèrent approcher la réalité concrète de
l'économie souterraine en procédant à des études de
terrain.
Dans les pays occidentaux par exemple, le niveau des
prélèvements obligatoires est la variable la plus
souvent évoquée. Dans les pays de l'ancien bloc de l'Est, la
variable réglementation a le pouvoir explicatif
principal. Dans les pays en développement, l'accès
à l'informel obéit à une contrainte de survie ou à
un désir de performance selon les pays et les époques.
Au niveau ivoirien, on peut situer l`existence de la contrebande dans un
contexte de contrainte de survie, ou à un désir de
performance).
Dans les pays occidentaux, l'économie souterraine se
présente en premier lieu comme un moyen d'échapper à
l'impôt, aux cotisations sociales ou
aux divers règlements. C'est une illustration
particulière de l'adage selon lequel trop d'impôt, tue
l'impôt. Dans cette logique, plus l'écart entre le coût du
travail dans les économies (officielles et non officielles) est grand,
plus l'incitation à travailler en marge des règles est
importante. La réglementation est également avancée comme
frein à l'initiative. Le respect des règles sur le marché
du travail entraîne souvent une élévation des coûts,
peu adaptée à un marché où la concurrence est
vive.
En affectant, par exemple, à un échantillon de
76 pays un indice de réglementation allant de 1 à 5, il a ainsi
été montré que l'augmentation d'un point de l'indice
provoque une poussée de 10% des activités cachées
(Johnson, KAUFMANN et ZOIDO-LOBATON, 1998).
Ces activités complémentaires relèvent de
l'entraide, de la convivialité et génèrent souvent des
échanges sous forme de troc. La sous-traitance est une autre facette de
l'informalité, qui mérite un traitement spécifique.
Certaines firmes, soucieuses de ne pas subir les effets de conjoncture,
préfèrent nouer des relations de sous-traitance plutôt que
d'embaucher. Ainsi, en cas de récession, elles n'ont pas à
licencier, et peuvent se contenter d'interrompre leurs contrats de fournitures.
La firme sous-traitante peut à son tour se protéger des
fluctuations en ayant elle-même recours à des sous-traitants et
ainsi de suite. Les salaires de l'entreprise du centre sont ainsi rendus
stables au détriment de ceux de la périphérie, derniers
maillons de la chaîne, qui subissent tous les aléas. Cette main
d'uvre exploitée en raison de sa vulnérabilité est parfois
localisée à l'étranger, reproduisant ainsi le
modèle centre périphérie entre pays
développés et pays en développement.
Quelque soit le pays étudié, certains secteurs
sont moins propices que d'autres aux activités souterraines. Les
industries situées en amont du processus productif se prêtent mal
à l'informalité car les coûts d'entrée y sont
considérables et parce que leurs clients sont des entreprises de
transformation qui achètent des matières premières ou des
produits intermédiaires sur lesquels la Taxe de valeur ajoutée
est récupérée. La propension à frauder y est
faible. À l'inverse, les secteurs comme les activités domestiques
ou les services fournis aux ménages ou aux entreprises individuelles
constituent toujours des viviers de l'économie souterraine (conseil,
baby-sitting, emplois de maison, réparation des
équipements ménagers et des automobiles, travaux
de secrétariat...). Ces activités forment un noyau dur de
l'économie souterraine car les prestations entre donneurs d'ouvrage et
professionnels arrangent les deux parties. Les ménages, ne
récupérant pas la T.V.A., ont tout intérêt à
payer des prestations de qualité à un prix inférieur au
prix du marché tandis que les prestataires de services reçoivent
une rémunération nette supérieure à celle qu'ils
recevraient s'ils déclaraient leurs heures de travail.
Le prix du marché souterrain fluctue entre les
régions (dimension spatiale) et d'une période à l'autre
(dimension temporelle) en fonction de l'offre et de la demande. Une côte
informelle des prix circule entre les agents via des réseaux de
connaissance de nature professionnelle, associative ou sociale. Notons que,
contrairement aux idées reçues, les personnes exclues de ces
réseaux (chômeurs de longue durée ou personnes
isolées) ne participent guère aux activités souterraines,
ni du côté de l'offre, ni du côté de la demande.
Dans certaines professions, il arrive que l'offre officielle
soit proche de zéro. Tel est le cas des aides ménagères ou
des personnes qui travaillent chez les personnes âgées
dépendantes car les tarifs pratiqués excèdent les
barèmes fixés par les administrations pour les prises en charge.
Ce phénomène risque de s'amplifier avec le vieillissement de la
population. Les quelques cas d'offre qui demeurent émanent de personnes
qui ont un intérêt personnel à travailler à un prix
administré, s'assurant ainsi une couverture sociale. Dans ce cas, le
tarif officiel est souvent majoré ou le nombre d'heures de travail
déclaré inférieur au nombre d'heures effectives.
D'autres secteurs ont une activité principale favorable
aux activités parallèles comme l'agriculture et le tourisme
qui ont en commun une forte saisonnalité, les professions du
bâtiment sont exercées par des
micros entreprises (entretien ou construction de maisons
individuelles). En bref, les secteurs où l'économie souterraine
est importante sont ceux où les firmes sont situées en aval du
processus productif, où les clients sont des ménages ou des
entreprises individuelles ou artisanales, et où la concurrence entre les
entreprises est forte. Ceux où l'économie souterraine est faible
ont en commun de se situer en amont du système productif et de
posséder pour clients des entreprises (Barthélemy, 1997).
L'économie souterraine s'est développée,
dans ces pays, en opposition à une économie officielle
intégralement planifiée, où tout le monde était
salarié et où les exigences du plan privilégiaient les
biens d'équipement et des biens de consommation très
standardisés. L'économie parallèle était une
activité à temps partiel, parasitant l'économie officielle
(prélèvement de matières premières dans les
entreprises d'État, détournement du temps de travail officiel
à des fins privées) et les biens produits étaient
autoconsommés ou échangés sur des marchés
parallèles. Ces économies étant entrées en
transition au début des années 1990, leur économie
souterraine s'est adaptée aux nouvelles règles
économiques, témoignant de la flexibilité de ce type
d'activités. Des causes spécifiques viennent renforcer celles que
l'on connaît dans les pays occidentaux: Le manque de confiance envers les
institutions, l'inefficience de l'administration et sa corruption, des
contraintes administratives fortes pour les entrepreneurs, des impôts
élevés en liaison avec une offre de biens publics
inadéquate. En outre, une faible probabilité d'être
appréhendé ou sanctionné comme travailleur au noir ou
fraudeur aboutit à un calcul coûts/avantages tel que le travail
illicite est plus attractif que le travail officiel et régulier. Dans
nombre d'économies en transition, les hommes politiques et les
fonctionnaires essaient de contrôler les entreprises à travers des
mesures administratives et des règlements. Cela accroît
l'incitation à verser des pots-de-vin pour exercer
une activité officielle, ce qui rend plus attractif
l'exercice d'une activité non officielle. A mesure que les impôts
et les barrières administratives s'élèvent, les rentes
constituées par les activités illicites s'accroissent et avec
celles-ci la rentabilité de ces dernières. Lorsque la
prégnance administrative s'amplifie, il devient même
nécessaire de verser des potsde-vin pour entrer dans
l'illégalité; l'économie souterraine peut alors devenir
majoritaire dans certains pays, notamment dans ceux de l'exU.R.S.S.
L'économie non officielle constitue, dans les pays en
développement le mode de production dominant et on s'accorde pour y
distinguer deux types d'économie informelle: la forme traditionnelle,
essentiellement rurale, et la forme moderne, essentiellement urbaine. La
production informelle du premier type est surtout une autoproduction agricole,
presqu` une activité domestique. C'est une économie de
subsistance dont les échanges se réduisent aux membres d'une
même communauté, et où le troc domine largement les
échanges monétarisés. La production informelle du second
type est principalement une conséquence du processus de migration vers
les villes et de la bidonvilisation des métropoles du tiers Monde. Les
petites entreprises non déclarées, les petits métiers
exercés à partir de matières premières de
récupération, les activités commerciales de vente à
l'unité de produits alimentaires procurent des revenus de subsistance
à une population démunie et sans espoir d'intégrer le
secteur moderne.
Ces activités productives ne sont pas à
confondre avec celles de l'artisanat traditionnel, très organisé,
souvent autour d'un monopole ethnique, requérant une connaissance
approfondie du métier généralement acquise par un
apprentissage auprès de maîtres artisans.
Les produits de cet artisanat sont de qualité, le
personnel qualifié, les revenus fonction de l'ancienneté.
Dans ce domaine, c'est plus par tradition que par
volonté de dissimulation que les firmes ne sont pas
déclarées ou ne le sont que de façon partielle. Elles ne
sont pas à confondre non plus avec un secteur informel, qualifié
de concurrentiel, dont on trouve de nombreuses illustrations en Amérique
latine ou en Asie, et qui entretient avec le secteur formel des relations
étroites de sous-traitance et parfois même qui produit des biens
à grande échelle en utilisant une main d'uvre
qualifiée.
On observe ainsi dans les pays d'Amérique latine une
surreprésentation des travailleurs de moins de 25 ans et de ceux de plus
de 45 ans dans le secteur informel. Pour les plus jeunes, l'accès
à l'emploi passe par le secteur informel où ils acquièrent
une qualification qui leur permet d'accéder au secteur moderne. Les
entreprises de ce secteur n'ont pas à investir dans le capital humain de
leurs salariés, celui-ci est acquis sur le tas dans les entreprises
informelles. Arrivés à l'âge mûr, de gré ou de
force, ces salariés rejoignent le secteur informel de leurs
débuts en tant que patrons d'une petite entreprise ou travailleurs
indépendants. Ces mouvements témoignent d'une parfaite
rationalité des individus qui adaptent leurs comportements aux carences
des systèmes de formation, de santé et de retraite. Les micros
entreprises remplacent le système éducatif en permettant aux
jeunes d'acquérir une formation professionnelle. Elles suppléent
ensuite le système de sécurité sociale défaillant
en procurant un revenu permettant de couvrir les dépenses de
santé, et de remplacer le système de retraite qui n'est en rien
généralisé à tous les travailleurs, ou qui ne
permet pas d'assumer les besoins fondamentaux. Dans ce cas, secteurs formel et
informel se révèlent complémentaires (BARTHELEM, 1998).
L'économie illégale doit, bien entendu,
être combattue car la recherche de l'équité entre citoyens
ne peut conduire qu'à condamner ceux qui ne participent pas au
financement des biens collectifs. Il reste néanmoins que l'on peut
légitimement s'interroger sur l'opportunité d'enlever un revenu
à une personne à qui on ne peut proposer un revenu légal
de substitution. Tel est l'un des enjeux de l'économie informelle dans
les pays en développement. En empêchant les enfants de travailler
dans des ateliers textiles en Asie du Sud-est, ne les a-t-on pas indirectement
poussés à se tourner vers la prostitution ou la contrebande? Le
remède n'est-il pas parfois pire que le mal? Cette observation ne
légitime pas la tolérance, elle soulève la
complexité d'un phénomène dont on s'est efforcé de
décrire les multiples aspects.
La contrebande apparaît où l'économie va
mal. C'est l'un des symptômes d'un Etat malade où les agents
économiques trouvent plus avantageux de tourner la loi pour toutes
sortes de raisons. Symptôme, elle est aussi une alerte et doit comme
telle interpeller les décideurs.
En ce qui concerne la Côte d`Ivoire en
général et le district d`Abidjan principalement, la contrebande a
toujours été un phénomène insignifiant. Elle
s'opérait plutôt, quand elle apparaissait, depuis le territoire
national vers les pays limitrophes. Signe que les produits ivoiriens et les
prix étaient jugés intéressants par les ressortissants
voisins qui leur faisaient franchir les frontières en contrebande pour
éviter la taxation.
Depuis quelques temps maintenant, précisément
depuis que l`économie est en crise et les produits ivoiriens sont chers
du fait de l'inflation fiscale, ainsi le phénomène s'est
inversé. C'est vers la côte d`Ivoire que viennent les marchandises
de contrebande des pays voisins.
La contrebande a pris une telle ampleur que le gouvernement
ivoirien et les autorités locales du district d`Abidjan ont finie par
en reconnaître
l'existence et la nuisance, allant jusqu'à mettre en
place un dispositif de lutte contre cette pratique. Dispositif regroupant les
ministères de l'Economie et des Finances, de la Défense, de
l'Intérieur et de la Justice.
Toutes sortes de marchandises proviennent des autres Etats
limitrophes, depuis les cigarettes jusqu'au carburant en passant par les
produits de beauté. Et l'on ne compte plus les accrochages violents
(à l'arme à feu) entre les contrebandiers et les forces de
police, des douanes et de la gendarmerie nationale chargées de la
réprimer aux différentes entrées routières du
district d`Abidjan.
Face au problème, les autorités chargées
de la lutte contre le phénomène exhortent la population des
régions frontalières du nord, de l`ouest d`une part, de l`est et
des zones côtières du Sud d`autre part à faire preuve de
vigilance et de civisme. Cependant, elles ne se contentent que de cette
exhortation, or le problème est trop grave pour être traité
par le seul verbe. Si ces autorités s'imaginent qu'il suffit d'aller
prêcher la bonne parole, au volant de rutilantes grosses
cylindrées et dans une mise luxueuse, à une population à
bout de souffle à force de misère, elles se fourvoient
lourdement.
Interrogé, un habitant a eu ces mots : " Ils viennent,
puant l'argent public, oser nous donner des leçons de civisme, à
nous autres que leur mauvaise gestion accable de
misère. Comme le dit un proverbe djiboutien, «ce n'est pas par
hasard si la marmite vient à ébullition ».
La contrebande n'est ni tombée du ciel ni sortie de
terre, elle a des causes objectives qu'il faut avoir le courage d'admettre et
de traiter. Il y a contrebande parce qu'il y a demande. Le corps social
paupérisé dans le district d'Abidjan à force de
chômage, de baisses de salaires (surtout dans le secteur public comme
privé n'arrive plus à acquérir sur le marché local
des produits sans cesse plus chers du fait de la hausse
des taxes. Il cherche alors d'autres sources,
accessibles à ses maigres ressources, d'où la contrebande. La
contrebande vient des pays limitrophes parce que dans ces Etats, la pression
fiscale est faible et les marchandises d'autant moins chères.
Elle vient toujours de ces pays, où les contrebandiers
avec ou sans la complicité des routiers, font entrer des marchandises
(facteur dû surtout aux failles dans le dispositif de contrôle des
marchandises aux entrées routières du district d`Abidjan). Des
produits tels que le carburant, l'alcool, le café ou les pagnes de
contrebande franchissent clandestinement les frontières ivoiriennes et
s'écoulent à bon prix sur le marché national d`une part et
local du district d`Abidjan d`autre part, quand ils ne repartent pas pour
d'autres destinations.
La contrebande offre ce que n'offre plus l'économie
officielle à un pouvoir d'achat social fortement réduit : un bon
rapport qualité prix.
Voilà pourquoi il devient tentant, pour des
particuliers mus par l'appât du gain et pour une rentabilité
économique, de se lancer dans ce commerce illicite surtout quand ils ont
conscience des faiblesses du dispositif de contrôle des marchandises aux
entrées routières de différents territoires douaniers
comme celui du district d`Abidjan.
Il n'y a pas que les infracteurs individuels qui
opèrent, mais aussi et surtout les gros importateurs qui trouvent dans
la contrebande une nouvelle source d'approvisionnement. Selon des informations
policières, des tonnes de marchandises de toutes natures franchissent de
nuit les frontières pour garnir les rayons et autres stocks du district
d`Abidjan. Il faut dire que lorsque ceux-là mêmes (civils ou en
uniforme) censés combattre la contrebande, ne sont pas bien
payés, l'argument sonnant et trébuchant peut permettre des
prouesses pour les inconditionnels du profit substantiel.
Comment alors réguler le phénomène dans
le district d`Abidjan? En soignant la maladie, c'est-à-dire en
l'attaquant aux racines. Et l'attaquer aux racines, c'est mettre fin à
la crise économique et à l'inflation fiscale. Or, une crise
économique telle que la nôtre puise ses causes dans le
système de gouvernement. Elle est liée à la
logique de prédation, de pouvoir personnel et de dépenses
injustifiées. Elle est liée à l'environnement
d'incertitude politique, de non droit. Le redressement économique ne
peut donc s'opérer sans paix civile et sans concorde nationale, sans
démocratie et sans droits de l'Homme, sans bonne
gouvernance. Toutes les conditions élémentaires
nécessaires au renouveau démocratique et à la
reconquête de la crédibilité internationale. En Côte
d'Ivoire en général et dans le district d`Abidjan en particulier,
les opérateurs économiques éprouvent d'énormes
difficultés à survivre et donc à préserver l'emploi
à cause de la contrebande. Selon l'Association Industrielle Africaine
(AIA), les délocalisations des entreprises au cours des
dix dernières années associées à la contrebande ont
fait perdre globalement à l'économie ivoirienne près de
780 milliards de Fcfa par an, en matière de
marchandises prohibées de toute sorte. Par exemple, en 2005, ce sont
plus de 50% du chiffre d'affaires d`UNIWAX et 20% pour la
SITAB qui partent en fumée. Ces entreprises ont
évalué les pertes pour l'Etat à plus de 6
milliards de Fcfa en ce qui concerne leur production annuelle. Pour le
secteur de la cartonnerie et des grands moulins, les pertes sont
estimées entre 15% et 20% du chiffre d'affaires. FILTISAC et l'industrie
du tabac, ont perdu respectivement 8 milliards soit 20% de
leurs chiffres d'affaires en 2005. En effet, la contrebande telle que
pratiquée en Côte d'Ivoire en général et dans le
district d`Abidjan particulièrement est essentiellement une contrebande
d'importation qui met à mal la compétitivité.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le
secteur ivoirien de l'industrie de fabrication des médicaments
enregistre 10 à 30% des médicaments venant de l'industrie de la
contrebande. 50% des traitements antipaludéens sont des faux,
d'où de graves menaces sur la santé des populations. Le textile
est aussi fortement touché par ce fléau. Selon le rapport (2004)
de la chambre de commerce et d`industrie de Côte d`ivoire, la
société UNIWAX a déjà supprimé 8.500
emplois en moins de trois ans et a perdu d'importantes sommes. Les
pagnes Wax fabriqués par cette entreprise sont
illégalement copiés, introduits frauduleusement et vendus
à vil prix en Côte d'Ivoire. Idem pour le pagne "
FANCI " de la société GONFREVILLE à
Bouaké.
L'écart entre les prix des pagnes de contrebande et
ceux d'origine, contribue à faire évoluer le
phénomène qui est très souvent associé à la
contrefaçon en vue d`écouler ces marchandises illicites sur le
territoire ivoirien. Le pagne " Wax " qui se négociait à 25. 000
FCFA pour les trois pagnes est vendu à 7000 ou 8 000 FCFA pour les faux,
tandis que le faux " FANCI " tombe à 500 FCFA contre 2000 FCFA pour
l'original. Tout ceci est à la base de la fermeture de plusieurs
entreprises du secteur textile.
La contrebande menace la santé et la
sécurité des populations. Les produits de contrebande utilisent
des réseaux frauduleux, notamment les médicaments ou tous les
produits de consommation prohibés nuisent à la santé des
populations.
Les pièces automobiles de contrebande sont très
souvent défectueuses et augmentent les risques d'accidents de
circulation. Quant aux matériels électriques de contrebande
vendus à travers des filières illicites, ils favorisent les
courts-circuits et sont à la base de nombreux incendies. La contrebande
a aussi un impact socioéconomique réel. Ce qui se traduit
par la fermeture d'entreprises notamment dans le secteur du
textile, les licenciements massifs, la baisse de l'activité
économique et la réticence des investisseurs étrangers.
Les effets de ce fléau sont malheureusement amplifiés aujourd'hui
par l'Internet à travers le E-commerce ou le commerce en ligne.
Un des éléments qui préoccupent les
pouvoirs publics est la mobilité des groupes criminels exerçant
dans le secteur de la contrebande de marchandises, qui tirent partie du fait
que la législation n`est pas uniforme d`un pays à l`autre et se
déplacent afin d`en exploiter les failles et les incohérences.
Ils implantent leurs activités dans des pays où
le risque d`être arrêtés et condamnés à une
lourde peine est relativement peu important par rapport au profit
escompté1.
La Côte d`Ivoire qui est en train de sortir d`une crise
politico-militaire et sociale, est un exemple pour ces types d`activités
de contrebande.
On a préconisé diverses mesures pour
réduire les incohérences et la mobilité des groupes
criminels parmi lesquelles la conclusion d`accords entre divers pays, la
création de groupe de travail mixtes et une coopération accrue
entre les services de répressions. Exemple : « INTERPOL ».
Il faudrait réfléchir au fait que des mesures de
ce type, qui supposent la coordination des services de police du monde entier,
risquent de donner lieu à la création de réseaux, ainsi
qu`à des pratiques et des alliances techniques et politiques qui
échappent à tout contrôle démocratique, au niveau
national aussi bien qu`international.
1 S. ADOMOLI et al, `' organized crime around the world,
HELSINKI, EUROPEAN institute for crime prevention and control, organisme
rattaché à l'ONU, 1998, P.9»
Les craintes qui suscitent les graves menaces posées
par la criminalité contrebandière pourraient jouer au
détriment de l`Etat de droit et des droits civils2.
Il faudrait s`interroger sur le fait que la contrebande
crée une demande pour les produits qu`elle introduit sur les
marchés du district d`Abidjan.
Ainsi, la contrebande des cigarettes qui s`est
développée dans le pays dès les années 50, a
contribué au succès éclatant de certaines marques et au
déclin de la production locale.
La contrebande de biens de consommation tels que les voitures,
les vêtements, les ordinateurs et les téléphones portables
dans les pays en développement et les pays de transition peut avoir les
mêmes effets et rendre ces pays totalement dépendants à
l`égard des pays développés, dont ils cherchent à
imiter le mode de vie.
Les préoccupations des pouvoirs publics ivoiriens face
à la contrebande semblent être focalisées sur le sentiment
de vulnérabilité que les pays sous-développés
éprouvent vis-à-vis des activités contrebandières
qui prennent naissance dans d`autres pays.
Elles se manifestent par la crainte que des marchandises
illicites, plus dangereuses que toute autres marchandises produites par les
pays développés, puissent anéantir les citoyens et les
institutions des Etats en développement, exemple : le trafic illicite
des déchets toxiques ou nucléaires (Affaire Probo koala en
août 2006) dans le district d`Abidjan.
Il est donc difficile de donner un tableau complet des
principales formes contemporaines de la contrebande.
2 J. SHEPTYCKI, `' transnational policing and the
markings of a post modern state», BRITISH journal of criminology, 34;
613/635, 1996
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