III-2: Les effets de distorsion et l'instabilité
économique
Sur le plan macro-économique, l'importance des flux en jeu
inquiète les experts qui commencent a en mesurer les effets
néfastes sur l'ensemble de l'économie mondiale.
La confiscation des revenus criminels nuit a la
répartition normale des richesses et donc a la croissance mondiale. Par
ailleurs, l'afflux d'argent "sale" peut, localement, déstabiliser un
marché, voire une économie. Il est indéniable que les
activités criminelles, difficiles a mesurer, faussent les statistiques
économiques disponibles et empêchent tout diagnostic
précoce d'une crise en germe. Une variation de la demande d'une monnaie
nationale, par exemple, a des effets sur le taux de change et les taux
d'intérêts; si l'origine en est un mouvement de capitaux dü
au blanchiment d'argent, il n'apparaItra pourtant pas dans les statistiques.
Enfin, l'argent "sale" présente un risque pour le fonctionnement
efficient des marchés dans la mesure oü les déplacements de
capitaux se font hors de toute logique économique: ceux qui veulent
blanchir de l'argent recherchent non pas le meilleur rendement, mais le
meilleur compromis entre sécurité du recyclage des fonds et
objectif de rentabilité de l'opération. Les plus pessimistes
soulignent le danger, encore théorique, de voir une coalition
d'intérêts criminels s'attacher a déstabiliser une
économie nationale, par exemple parce que les mesures mises en place par
le gouvernement du pays pour lutter contre les trafics illicites seront
jugées dérangeantes. En d'autres termes, les blanchisseurs
d'argent se préoccupent non pas d'obtenir un bon rendement de leurs
investissements, mais de protéger leurs gains. C'est pourquoi ils
<< investissent >> leurs fonds dans des activités qui ne
sont pas nécessairement rentables pour le pays dans lequel se trouvent
ces fonds. En outre, dans la mesure oü le blanchiment et la
délinquance financière privilégient des investissements de
faible qualité qui masquent leurs gains, au détriment
d'investissements judicieux, la croissance économique du pays risque
d'en souffrir.
Ainsi, dans certains pays, des secteurs entiers comme le
bâtiment et l'hOtellerie sont financés, non pas en réponse
a la demande, mais en fonction des intérêts a court terme des
blanchisseurs de capitaux. Quand ces secteurs cessent d'intéresser les
blanchisseurs de capitaux, ces derniers les abandonnent, causant ainsi leur
effondrement. Cette situation engendre des pertes énormes pour les
Etats, et compromet sérieusement les politiques de développement
économique, en particulier s'il s'agit de pays pauvres.
Concrètement, au cours des dernières années, plusieurs
crises financières majeures ont ébranlé l'économie
internationale: le Mexique en décembre 1994, puis la ThaIlande a
l'été 1997, avec des conséquences en
cascade sur toutes leurs sous-régions respectives d'abord, et sur
l'économie mondiale ensuite. Puis, dans le début des
années 90, le système bancaire japonais au bord de la faillite a
fait trembler les marchés financiers et imposé une remise en
question majeure de la sphère financière nippone. Il serait
certes abusif de prétendre que les crises mexicaine et asiatique ont
pour origine unique le blanchiment d'argent: on connaIt les causes
structurelles et conjoncturelles qui ont conduit a l'effondrement du
peso10 en 1994 et du baht 11en 1997. Néanmoins, on
ne peut ignorer non plus que ces deux pays jouent un rOle régional pivot
dans le narcotrafic et le blanchiment d'argent.
Toutefois, toutes les conséquences économiques de
ce phénomène ne sauraient exister sans un corollaire au plan
social.
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