INTRODUCTION GENERALE
3
« La maladie est la zone d'ombre de la vie, un
territoire Auquel il coûte cher d'appartenir .En naissant, nous
Acquérons une double nationalité qui relève du royaume Des
biens -portants comme de celui des malades. Et bien Que nous
préférions tous présenter le bon passeport, le Jour vient
oft chacun de nous est contraint, ne serait-ce Qu'un court moment, de se
reconnaître citoyen de l'autre Contrée. »
Susan SONTAG.
Quand la métaphore exerce un droit de
réification à tel point qu'elle crée une
indiscernabilité entre l'irréel et le réel, nous assistons
à une production d'une nouvelle réalité ayant une
frontière fine avec l'imaginaire. Une métaphore consiste à
comparer, à penser par analogie. La métaphore est une image
mentale, elle est une représentation. Ce qui revient à dire que
les métaphores, dans le cadre de notre étude, sont des
représentations sociales.
En Afrique centrale, les représentations sociales comme
partout ailleurs, s'inscrivent dans des figures de styles littéraires.
« Une représentation sociale est une préparation à
l'action (...) Sa qualité éminente est de donner un sens au
comportement, de l'intégrer à un ensemble de comportements
déterminés1.» Dans cette étude, il s'agit
de décrire l'une des diverses représentations de la maladie et,
plus précisément, de la maladie du Sida. Il s'agit de
décrire, les lieux de production de ces représentations sociales.
Pour ce faire, nous avons retenu les bars, les marchés, les
cimetières, les églises et les mbandjas2 qui
produisent des mots, des expressions, des métaphores, des
représentations. Nous les qualifions, à la suite de Michel
FOUCAULT, les hétérotopies. Ce sont « des lieux
réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans
l'institution même de la société, et qui sont des sortes de
contreemplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans
lesquelles les emplacements réels [...] sont à la fois
représentés, contestés et inversés, des sortes de
lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient
effectivement localisables »3. Entre autre, des lieux du
sacré mais aussi le lieu de toutes les transgressions4.
Dès que l'on se retrouve en présence d'expressions
métaphoriques de la maladie du sida, telles que Sidonie, maladie du
siècle, maladie du sang, de Mbumba, Mbumba Iyanô, Kôhng, ou
encore, de punition divine ou de karma, nous sommes face à des mots
produits par les usagers des hétérotopies. En fait, les
hétérotopies sont des lieux oü l'on produit et use des
métaphores dans une perspective métonymique ; jouant aussi sur
des images. En d'autres termes, les images sont dotées de puissance ou
encore de pouvoir au sens où elles sont censés agir comme des
forces. Ce sont donc des lieux de représentations sociales. Le propre
des représentations sociales en Afrique centrale est d'être
gouverné par une violence de l'imaginaire. Sauf que ce gouvernement qui
administre les populations par la violence de l'imaginaire est lui-même
aliéné, car possédé par
1 Serge MOSCOVICI, Préface du livre de Claudine
HERZLICH, Santé et maladie, Paris, Editions EHESS, 2005, p
10.
2 André RAPONDA-WALKER et Roger SILLANS,
Rites et croyances des peuples du Gabon, Libreville, Editions Raponda
Walker, coll « hommes et société », 2005, p 216.
3 Michel FOUCAULT, Dits et écrits IV,
Paris, Gallimard, 1994, p 756
4 Michel FOUCAULT, l'art de penser,
Conférence audio MP3, 1966
l'imaginaire. Ce qui permet de dresser une différence
entre violence de l'imaginaire et violence symbolique. A la différence
de la violence de l'imaginaire, la violence symbolique est une violence qui ne
peut-être exercée par celui qui l'exerce et qui ne peut-être
subie par celui qui la subit que parce qu'elle est méconnue en tant que
telle5, la violence de l'imaginaire est une violence consentie. Or
pour TONDA, la violence de l'imaginaire est « cette violence qui s'exerce
sur les corps et les imaginations au moyen d'images (icônes, symboles,
indices), de gestes corporels, de mots, [et qui ] doit son efficience aux
consentements révoltés et aux connivences paradoxales de ces
corps et imaginations6».
L'idée que nous voulons soutenir ici est que les
métaphores du sida ont pour fonction de zombifier7 et
vampiriser un individu ; lequel individu est généralement celui
qui donne la maladie qui tue, qui est un assassin, un sorcier (Chapitre 1). Le
zombie ou le vampire est « un être indifférent à
l'humiliation, à l'horreur, à la peur, sans conscience et sans
personnalité8». Le Souverain moderne (le nganga et le
pasteur) qui est le dénominateur par lequel on arrive aux
représentations sociales du Sida (Chapitre 3) est finalement, « une
autorité qui dévore la vie [et] une autorité productrice
de morts, ou, ce qui revient au même, de morts-vivants,
c'està-dire des zombies, des vampires, au sens oü l'imagination
populaire donne à ce mot au Gabon, à savoir les sorciers. Les
« cités africaines » sont, dans cette perspective, des
cités de « vampires9». Mais cette vampirisation
s'établit par le moyen de « l'économie des miracles de la
foi, des croyances aux fétiches, magies et sorcelleries nationales et
internationales, et qui consiste en l'administration d'une violence indivisible
sur les corps et les imaginations 10 ». Donc, le Souverain
moderne gouverne et administre, les populations vampirisées et
mystifiées, par l'argent, la force et les représentations
sociales : les métaphores.
Mais si tant est que nos villes de l'Afrique centrale sont des
lieux de vampirisation et de zombification, des « espaces
hétérotopiques », il va de soi que la maladie ne peut,
elleméme, qu'être englobée par ce nuage efficient d'images
de l'imagination. Car « se représenter (...) c'est en
réalité, aller au-delà, édifier une doctrine qui
facilite la tâche de déceler, de programmer ou d'anticiper actes
et conjonctures11.» La maladie à ce titre est une
maladie en rapport avec l'autre. Elle n'est jamais personnelle, mais toujours
collective. Ce qui explique qu'elle soit un phénomène social. Un
phénomène social qui siège dans le « deuxième
monde, deuxième cité, monde pandémonium, ou
quatrième dimension12» : les
hétérotopies.
5 Pierre BOURDIEU, Questions de sociologie,
Paris, Les éditions de minuit, 1984, p 141.
6 Joseph TONDA, Le Souverain moderne, Op cit,
p.7
7 A ce sujet lire Jean et John COMAROFF, «
Nations étrangères, zombies, immigrants et capitalisme
millénaire », Bulletin du Codesria, 3 et 4, 1999.
8 Joseph TONDA, Le Souverain moderne, Op cit,
p 11.
9 Joseph TONDA, Op cit, p 10.
10 Joseph TONDA, Ibid, p 10.
11 Serge MOSCOVICI, Op cit, p 11.
12 Filip De BOEK, « Le deuxième monde et
les enfants-sorciers en république démocratique du Congo »,
Paris , Karthala, coll « Politique africaine », n°80,
décembre 2000, p33.
5
Chacun, dans les cités postcoloniales d'Afrique
centrale, se donne une idée du réel au moyen des
représentations. Ceci est le propre de l'idéologie. Dans la
cité des vampires, la maladie se décrit par les moyens de la
métaphore et de la métonymie. Seulement, « mon propos n'est
pas la maladie physique en soi, mais l'usage qui en est fait en tant que figure
ou métaphore13». Sauf qu'en Afrique centrale, dans les
cités des vampires, il n'y a pas que les métaphores mais aussi la
métonymie. Dans les villes postcoloniales, la maladie et la maladie du
Sida sont étranges. C'est parce que comme le dit Susan SONTAG, « un
mal aussi irréductible est, par définition,
mystérieux14». L'homme est donc enclin à avoir
peur de ce qu'il ne maîtrise pas. Il faut justifier l'injustifiable. Mais
encore, il faut donner sens à cette pandémie pour rassurer. Le
Souverain moderne se doit donc « de préserver l'apparence d'une
maîtrise de la situation [qu'il n'a pas]15». En fait,
« une nouvelle situation réclame une nouvelle magie
16» comme le dit les COMAROFF.
Mais de manière générale, «c'est
l'esprit qui trahit le corps17», les mots ou le sens qui
trahissent le corps. C'est ainsi que « méme si la maladie n'est pas
ressentie comme la punition de la communauté [comme attaque
lancée par un sorcier], elle le devient après coup à
mesure qu'elle amorce l'effondrement inexorable de la morale et des
moeurs18». En fait, elle finit par corrompre le langage comme
le dit SONTAG. Le langage est corrompu par les représentations sociales,
par les métaphores, le Kongossa (Chapitre 2). C'est ainsi que dans nos
cités zombifiées, « la maladie intervient en tant que
châtiment surnaturel, ou possession démoniaque19».
C'est ce sens qui est problématique. C'est le mot et son sens qui
pervertissent la maladie. Ainsi, « rien n'est plus répressif que
d'attribuer une signification à une maladie, cette signification se
situant invariablement au plan moral. Une maladie grave, dont l'origine demeure
obscure et qu'aucun traitement ne réussit à guérir sera,
tôt ou tard, totalement envahie par le sens qu'on lui donnera. Dans un
premier temps, les terreurs les plus profondément enfouies (corruption,
pourriture, pollution, anomie, débilité) sont identifiées
à la maladie. Celle-ci devient alors métaphore. Puis, au nom de
cette maladie (c'est-à-dire) en l'utilisant en tant que
métaphore), l'horreur est à son tour greffée sur des
éléments étrangers. La maladie devient adjectif. On
l'emploiera comme épithète pour parler de quelque chose de
répugnant ou de laid20». Nous avons ici une
définition de ce que nous entendons par violence du sens. Nous entendons
par violence du sens la puissance ou le pouvoir que le sens des expressions,
des mots et des images exercent sur les individus par laquelle ils arrivent
à créer une fabulation du réel. De même, cette
violence du sens conduit à ce que nous parlions de la prestidigitation
sociale. La corruption du sens du mot est une forme de prestidigitation. La
13 Susan SONTAG, La maladie et ses
métaphores, le sida et ses métaphores, Paris, Christian
Bourgeois éditeur, coll « titre 101 », 1993, p 11.
14 Susan SONTAG, Op cit, p13.
15 Jean-Pierre DOZON et Didier FASSIN, « raison
épidémiologique et raisons d'Etat. Les enjeux socio-politiques du
Sida en Afrique », Sciences sociales et santé, Paris, Vol.
VII, n°1, février 1989, p 28.
16 Filip De BOEK, « Le deuxième monde et
les enfants-sorciers en république démocratique du Congo »,
Op cit, p34.
17 Susan SONTAG, La maladie et ses
métaphores, le sida et ses métaphores, Op cit, p 57.
18 Susan SONTAG, Op cit, p 58.
19 Susan SONTAG, Op cit, p 61.
20 Susan SONTAG, Op cit, p 80.
prestidigitation est une notion qui consiste à
déformer le réel en irréel à tel point que
l'irréel prend une autorité qui le confond et le fait
paraître pour la réalité.
D'aucuns diront que les métaphores de la maladie du
Sida existent au-delà des frontières de l'Afrique centrale. En
effet, et c'est la raison qui conduit à ce que notre objet
d'étude soit les métaphores postcoloniales et les
hétérotopies. Les métaphores de la maladie semblent
différentes dès qu'elles croisent la viscosité et la
densité de l'imaginaire des sociétés postcoloniales
d'Afrique centrale. Elles sont englouties, et « digérées "
par les représentations de sorcellerie, de Dieu, et de cette
frénésie à presque tout mettre en rapport avec le sexe
(chapitre 4). L'exploitation de la maladie en Afrique centrale, plus
précisément dans le milieu de la médecine hors secteur
biomédical (MHSB)21, prend pour support une production
imaginaire qui met la maladie dans une situation biomédicale complexe.
Une situation complexe car la médecine dans la postcolonie porte les
stigmates du conflit des guerres, rebellions pour les indépendances des
sociétés dominés. Cette médecine reste,
peut-être inconsciemment, la fille du colonialisme qui a servit à
« mater " les peuples dits « primitif ".
Ainsi, les métaphores du Sida relaient cette maladie
vers les « affaires du corps " qui ne sont que « toutes les
situations de santé et de maladies, de fortune et d'infortune à
la chasse, dans les champs, dans les affaires, à l'école, au jeu,
à l'église, au bureau de l'administration, au marché, au
foyer, en politique, en amour, en famille, etc.22" qui se diffusent
par la rumeur. Ces affaires du corps n'ont alors rien avoir avec la
conceptualisation médical du Sida. S'agit-il d'ignorance ou d'une lutte
entre biomédecine et pratique thérapeutique indigène ?
Toutefois, la maladie en Afrique, et plus
particulièrement le Sida, est dédoublée. Il y a ce que
nous pourrons appeler le Sida du premier monde et le Sida du deuxième
monde en reprenant De BOEK23. Le Sida du premier monde est le Sida
biomédical. Un Sida qui repose son argumentaire théorique sur la
véracité des notions étiologiques. Le Sida du
deuxième monde n'est plus ce qu'en pense la biomédecine. Mais, il
est un sort, une possession par une donnée inconnue. En fait, de
manière générale la maladie du deuxième monde est
toujours en rapport avec l'autre. Lorsque nous parlons de possession par une
donnée inconnue, nous ne disons pas qu'il ne connaisse pas l'origine de
la maladie. Mais que par des moyens invisibles l'autre peut donner la maladie
à son voisin.
Ces représentations utilisent le sens par le moyen des
métaphores et des métonymies. « Car l'intérêt
de la métaphore réside précisément dans le fait
qu'elle se réfère à une maladie envahie par la
mystification, remplie des fantasmes de la fatalité à laquelle on
n'échappe pas24".
21 Joseph TONDA, « La santé en Afrique ou
l'esprit contre le corps », l'Homme et la maladie, Libreville,
Editions Raponda Walker, coll « palabres actuelles »,n°2-Vol A,
2008, p 69.
22 Joseph TONDA, La guérison divine en
Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2002, p 41.
23 Filip De BOECK, « Le deuxième monde et
les enfants-sorciers en République Démocratique du Congo »,
Paris, Politique africaine, n°80, décembre 2000.
24 Susan SONTAG, La maladie et ses
métaphores, le sida et ses métaphores, p113.
7
Cet énoncé suggère que la maladie du Sida
se retrouve englobée dans un marché linguistique. Nous y
retrouvons les acteurs de ce marché qui sont les ngangas, les
rosicruciens et les pasteurs. Pierre BOURDIEU parle de ce marché comme
un marché oü s'échange les mots. C'est en fait un
marché du sens. Chacun dispute et échange le sens des mots et des
expressions que l'on utilise pour se représenter la maladie du Sida.
Ici, l'intervalle de réflexion est strictement dans le domaine du
symbolique. C'est l'échange, l'interaction du symbole du mot et de son
sens, ainsi que celui des producteurs de ces sens et ces mots qui
préoccupent cet auteur.
A contrario ou par extension, nous entendons ce marché
avec Max WEBER non plus comme un marché du sens mais une économie
des mots. Il y a en fait un commerce des mots et des expressions dans les
représentations sociales de la maladie du Sida. Ceci s'explique par le
biais de la présence du charisme, de la puissance de l'imaginaire. Les
acteurs de cette économie des mots appuient leur pouvoir sur la
présence d'un surnaturelle, d'un invisible qui préside au monde
terrestre. En fait cette économie des mots est rendu possible par la
force de l'enchantement du monde. Sans enchantement, les pasteurs, ngangas et
rosicruciens n'auraient « aucune autorité " dans la
société car leur pouvoir charismatique n'existerait pas.
L'économie des mots revient à postuler que les mots et leur sens
sont exploités, perverties dans un but lucratif et charismatique.
Les représentations métaphoriques du Sida au
Gabon dans les espaces hétérotopiques, sont une forme
d'explicitation du marché du sens des représentations sociales de
la maladie du Sida au Gabon. Dans sa forme inhérente, le marché
linguistique et l'économie des mots ne sont qu'une copulation qui permet
de mettre au jour l'exploitation de la maladie du Sida et celui du charisme
religieux. Que cela n'en déplaise à certains détracteurs,
le monde social Gabonais est encore dans le « stade métaphysique "
que nous illustrait Auguste COMTE dans son cour de philosophie positive. La
présence du charisme, de l'imaginaire est tellement encrée dans
les représentations sociales qu'elles nous permettent de dire que nous
sommes bien dans un monde enchanté ! Probablement du fait que «
l'héritage de la modernité coloniale, tel qu'il s'est
incarné dans l'État postcolonial, est parfois perçu comme
une source de sorcellerie et de mal25."
Une introduction à ce mémoire doit
nécessairement amener le lecteur à retenir que deux grands axes
situent l'ossature logique de cet argumentaire. Le premier axe est celui de la
violence de l'imaginaire. S'il est besoin de rappeler que la violence de
l'imaginaire est une « violence qui s'exerce sur les corps et les
imaginations au moyen d'images (icônes, symboles, indices), de gestes
corporels [et] de mots26» c'est pour dire que la
représentation des imaginaires des expressions et des mots, du charisme
sont les dignes produits de cette violence de l'imaginaire. Le terrain n'a fait
que corroborer ce point de vue. Le second axe est celui qui présente le
fait que les métaphores postcoloniales sont une forme de
réinvention d'un monde « indigène ". Un monde qui cherche et
recherche une identité tout en niant et
25 Filip De BOEK, « Le deuxième monde ou
les enfants-sorciers en République Démocratique du Congo »,
Paris, Karthala, coll « Politique africaine », n°80,
décembre 2000, p34.
26 Joseph TONDA, Le Souverain moderne, Op
cit, p 7.
déniant les acquis biomédicaux qui sont
perçus, par extension, comme une idéologie coloniale qu'il faut
faire disparaître.
L'objet de cette étude est les représentations
sociales, les métaphores postcoloniales du Sida ou, pour être
précis, les mots qui disent les maux du Sida. De fait, sur mon terrain,
« je n'ai pourtant rencontré que du langage [...] Le seul fait
empirique que j'aie pu noter, c'était de la parole27».
Il n'y avait rein d'autres que des mots pour décrire un mal. Et cette
description s'établissait dans des espaces du sacré, où
curieusement la déviance et la transgression avaient élues
domiciles. Ces espaces sont métaphoriquement des abcès qui n'ont
pour objectif que de faire souffrir la société en lui
administrant des doses d'imaginaires ayant les vertus de la morphine (Chapitre
4). C'est donc, à l'intersection dense des grilles de lecture de Pierre
BOURDIEU, Max WEBER et de Michel FOUCAULT que nous nous inscrivons dans un
cadre théorique qui semble proche de la sociologie imaginative de Jean
et John COMAROFF. Pour eux, cette sociologie « a trait aux constellations
symboliques que les individus mobilisent collectivement pour donner sens
à l'univers28.» L'hypothèse que nous formulons
à l'endroit de la question qui est de savoir pourquoi existe -t-il
autant de métaphores de la maladie du sida dans les espaces
hétérotopiques à Libreville est la suivante. Ces
métaphores existent car elles sont le produit des
hétérotopies, de l'imaginaire postcoloniale qui cherche à
réinventer et recréer un monde « indigène » qui
exclu l'idéologie coloniale. Tout ceci, se structurant autour d'un
marché linguistique de la maladie du sida dont la notion de charisme est
un stéréotype de l'outil d'exploitation du sens de la maladie.
C'est de manière hypothético-déductive que nous explorons
les hétérotopies et les métaphores du Sida à
Libreville par le moyen des entretiens et une analyse de contenu des
discours.
27 Jeanne FAVRET-SAADA, Les mots, la mort, les
sorts, Paris, Gallimard, coll « Folio/Essais », 1977,P 25.
28 Jérôme DAVID, « Sociologie
imaginative, néomodernisme et réalisme symbolique »,
Zombies et frontières à l'ère
néolibérale. Le cas de l' Afrique du Sud post-apartheid,
Paris, Les prairies ordinaires, coll « penser/croiser », 2010,
p14.
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