Section 2 : Construction du modèle d'analyse.
<< Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum
et peut être situé dans ou par rapport à des courants de
pensées qui le précèdent et
l'influencent.»28 Mieux, << la problématique est
l'approche théorique ou perspective théorique qu'on décide
d'adopter pour traiter le problème posé par la question de
départ. Elle est une manière d'interroger les
phénomènes étudiés.»29
Ainsi commencerons-nous dans un premier temps par <<
exploiter les lectures et les entretiens et faire le point sur les
différents aspects du problème qui y sont mis en évidence
»30 , pour arriver dans un deuxième temps à
<< choisir et construire sa propre problématique. »31
1. La question des relations familiales posée en
occident.
28 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de
recherche en sciences sociales, 2ème éd, Paris,
Dunod, 1995, p.43.
29 Ibid. p.85.
30 Ibid. p.85.
31 Ibid. p.86.
Tout d'abord, « le mariage définit les
modalités d'une union légitime, approuvee par la societe et
determinant plus precisement les relations entre mari et
femme.»32 Par ailleurs, definir le mariage revient à
evoquer le choix du conjoint qui, a priori, est tout aussi important.
Pour Martine SEGALEN, « le mariage unissant deux conjoint
qui se sont librement choisis est une invention occidentale recente des
societes democratiques. »33 Dans cette etape du choix du
conjoint, le concubinage se manifeste en tant qu'étape transitoire entre
le célibat et le mariage reconnu.
Aujourd'hui, « le mariage nous semble une affaire
individuelle, ne concernant que les futurs conjoints. »34
D'autant plus que « chacun desormais considère le choix de son
conjoint comme un acte dont il assume la responsabilite ; que cette liberte
soit illusoire ou non [...I L'essentiel est de signaler le changement
observé : les parents d'aujourd'hui n'interviennent guère dans le
mariage de leurs enfants. Non seulement ils " n'arrangent " plus leur mariage,
mais la "demande de la main " d'une jeune fille à ses parents semble
desormais une demarche desuète. Ce sont les interesses qui decident leur
mariage et qui en règlent les modalites. »35
Louis ROUSSEL nous présente l'évolution du
mariage dans la societe française. L'auteur fait une description de ce
phénomène en s'appuyant sur certains aspects tels l'homogamie
socioprofessionnelle, le cas particulier des étudiants,
l'évolution au 20ème siècle ou encore le choix
du conjoint. En effet, en ce qui concerne le choix du conjoint, Louis ROUSSEL a
pu se rendre compte qu'il n'est plus une affaire des parents, plutôt des
conjoints eux-mêmes. L'enquete menée dans ce sens prouve que
l'effacement des parents dans le choix du conjoint de leurs enfants
paraît clairement perçu par l'ensemble de la population.
32 Jacques LOMBARD, Introduction à
l'ethnologie, 2ème éd., Paris, Armand Colin,
(coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998,
p.54.
33 Martine SEGALEN, Eloges du mariage, Paris,
Gallimard, (coll. « Découvertes, culture et
société »), 2003, p.11.
34 Encyclopédie AXIS, l'Univers
documentaire, dossiers, volume 6, Paris, Hachette, 1995, p.372.
35 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la
société contemporaine. Faits de population, données
d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll.
« Travaux et documents »), cahier n°73, 1975,
pp.346-347.
Cependant, les parents restent toujours présents car
l'importance du patrimoine, le souci de sa transmission ou de son
accroissement, la nécessité de trouver un successeur capable de
le gérer, peuvent en effet rester déterminants dans le choix d'un
gendre ou d'une bru. Mais insiste t-il sur le fait que les parents n'arrangent
plus le mariage de leur fils ou de leur fille. De facto, les jeunes sont donc
libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins qu'ils savent
désormais que leurs parents n'interviendront généralement
qu'avec la plus grande prudence dans leur mariage.
Ils connaissent les raisons de cette prudence : le souci de
respecter le choix personnel de leur enfant, et aussi parfois la conscience
qu'une opposition résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une
brouille temporaire avec le jeune ménage. A ce propos, comme brouille
que l'on peut soulever ; n'est-ce pas celui du choix de la bru par le fils et
surtout les rapports entre la bru et la belle-mère ?
Dans son article intitulé « Choix du conjoint
et processus de maturation dans les Kibboutz (pp.263-268) », Yonina
TALMON36 fait état d'un possible conflit entre les
générations au sujet du choix du conjoint. Si pour la
première génération ; celle des parents, pour qui se
marier à l'intérieur du Kibboutz (c'est-à-dire une
exploitation agricole collective en Israël), pour la seconde
génération par contre, celle des enfants, il y a cette tendance
à l'exogamie. Cette interprétation de l'exogamie jette une
nouvelle lumière sur les fonctions intermédiaires des structures
du mariage. Ces structures sont des solutions de compromis qui permettent aux
membres de la seconde génération de résoudre à demi
le problème des pressions que l'on exerce sur eux et le dilemme entre la
continuité et la discontinuité, entre l'endogamie et exogamie.
Aussi, la sélection du conjoint est ainsi une solution
au dilemme fondamental de la formation de l'individualité. L'exogamie,
cette tendance à se marier à l'extérieur,
représente un effort pour la seconde génération à
s'individualiser et
échapper aux restrictions de leurs parents.
Néanmoins, le choix de la bru ne vient-il pas poser un problème
en terme de rapports avec la belle-mère puisqu'il s'agit d'un choix fait
par le fils et qu'il s'inscrit dans l'exogamie ?
Mieux encore, Gilles FERREOL et Jean-Pierre
NORECK37 mettent en avant le fait que << le choix d'un mari-
première constatation- ne signifie pas seulement satisfaction sexuelle
ou affective ; il correspond, pour la future épouse, à
l'ouverture d'un nouveau portefeuille qu'il convient de gérer de
manière rationnelle. »38 Or, même si le choix du
conjoint qui est un acte individuel, c'est a priori la gestion de
manière rationnelle du portefeuille de son mari qui peut être ici
à l'origine des conflit avec la belle-mère ; qui se voit à
la longue détrônée de son autorité et de son
influence sur son fils. De plus, << la sélection du partenaire ne
se réalise pas au hasard mais s'opère- consciemment ou non- en
fonction de déterminants socioéconomiques. »39
Pour rester toujours dans la perspective du choix du conjoint,
nous avons retenu l'ouvrage collectif de André BURGUIERE et
al40, qui fait la présentation de l'augmentation des
divorces, chute des mariages, prolifération des familles monoparentales
et des solitaires en milieu urbain, émergence des mères porteuses
et de diverses techniques de fécondation artificielle applicables au
genre humain. D'où nous nous posons la question de savoir si la famille
n'est-elle pas en train de disparaître ? Cet ouvrage n'a pas pour
ambition de deviner l'avenir, plutôt, apporter une meilleure connaissance
des formes variables que l'institution familiale a revêtue au cours des
temps et des rôles qui lui étaient assignés, elle doit
permettre de comprendre les problèmes qui se présentent
maintenant et bien sûr, de les affronter.
37 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, 6ème
édition revue et mise à jour, Paris, 2005, Armand Colin,(coll.
« Cursus Sociologie »), 191 p.
38 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, ibid., p.108.
39 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, ibid., p.108.
40 Histoire de la famille. Préface de Claude
LEVI-STRAUSS, tome 1 : Mondes lointains, Paris, Armand Colin, 1986,
447p,
Finalement, l'ouvrage combine les méthodes les plus
récentes de la démarche historique et le regard de
l'ethnologie.
Pour sa part, Jean-Hugues DECHAUX41 estime que
définir ce qu'est la famille, est devenu bien difficile tant ses
transformations depuis les années 1970, en France comme dans les
sociétés occidentales, sont profondes. La démarche
adoptée dans cet ouvrage consiste non pas à proposer une
théorie générale, mais d'élaborer étape par
étape une vision d'ensemble qui soit un diagnostic sociologique sur ce
qui constitue une nouvelle donne familiale.
Dans la même perspective, Pierre Bourdieu42
parle d'une unification du marché matrimonial, qui constitue un moment
dramatique de découverte des bouleversements de la table des valeurs, se
traduisant par une crise de l'ordre paysan ancien.« C'est ainsi que, dans
l'ancien régime matrimonial,du fait que l'initiative du mariage revenait
non aux intéressés mais aux familles, les valeurs et les
intérêts de la « maison » et de son patrimoine avaient
plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les hasards du
sentiment.»43 L'école est à l'origine de cette
mutation, car elle exerce une violence symbolique sur les jeunes,
particulièrement les jeunes filles du monde paysans ; qui prennent
conscience de leurs droits de choisir elles-mêmes leurs futurs
conjoints.
En outre, chez Jean-Claude KAUFMANN44, jamais les
ruptures conjugales n'ont été aussi nombreuses, et jamais le
couple n'a été autant célébré sur l'autel
des valeurs contemporaines. Contradiction ? Nullement, c'est justement parce
que l'on attend beaucoup du couple qu'il est devenu si difficile à
construire. Aujourd'hui, on se satisfait plus d'un demi bonheur. Ce qui hier
encore allait de soi est désormais systématiquement mis en
question. Ce livre fait le point sur le point sur les différents
41 Jean-Hugues DECHAUX, Sociologie de la
famille, Paris, La Découverte, (coll. «
Repères/sociologie n°494 »), 2007, 128 p.
42 Pierre Bourdieu, le bal des
célibataires. Crise de la société paysanne en
Béarn, Paris, éditions du Seuil, (coll. «
Points »), 2002, p.230.
43 Ibid., p.231.
44Jean-Claude KAUFMANN, Sociologie du couple,
4ème édition refondue, Puf/ QSJ ? (coll.
« Encyclopédique »), 2003, 127p.
aspects de la vie en couple...Il nous permet de
connaître les mystères du fonctionnement conjugal à l'heure
où, depuis une génération au moins, celui-ci évolue
très rapidement. Amour, choix du conjoint, étapes su cycle
conjugal, gestion de l'insatisfaction et des attentes réciproques,
rôles féminins et masculins : les nouvelles règles de la
vie à deux.
Les familles se caractérisent aujourd'hui par la
progression de styles de vie marqués par l'individualisme moral. Les
exigences individuelles se sont continûment affirmées au
détriment se la stabilité de l'institution familiale. Loin de se
dissoudre, les normes se redéfinissent et se multiplient : il existe
désormais différentes façons de " faire famille",
également légitimes. Cette coexistence est source
d'instabilité, mais aussi d'inégalité entre milieux
sociaux, sexes et générations.
On retient que le mariage, tel qu'il se présente
aujourd'hui à savoir l'état-civil, a subi de nombreuses
mutations. Ce qui fait qu'en occident, il est une affaire individuelle, donc
des conjoints. Le lien avec notre objet vient du fait que nous ne pouvons pas
étudier les rapports entre belle-mère et bru, sans avoir recours
à l'histoire du mariage ; voire comment la bru a été
choisie. Cependant, tous parlent du choix du conjoint sans évoquer le
conflit qui peut surgir entre bru et belle-mère.
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