2. La relation conflictuelle entre bru et
belle-mère.
A la lecture de ce qui est précédemment dit,
nous remarquons que le changement du comportement du fils envers sa mère
est dû à sa nouvelle manière de voir les choses avec
l'intrusion de la bru dans sa vie. Cela a bouleversé la relation
<< mère-fils » et cette nouvelle configuration de cette
relation << mère-fils » peut altérer à
son tour la relation << belle-mère-bru. » En effet,
si auparavant on a eu à observer les devoirs de la bru vis-à-vis
de la belle famille, particulièrement envers sa belle-mère, c'est
parce que la belle-mère constituait une seconde mère, une
conseillère incontournable dans la bonne marche du mariage de la bru.
Aujourd'hui a priori, il s'agit de rapports conflictuels entre la
belle-mère et la bru, voire en rivalité.
<< Classiquement, c'est la belle-mère qui
déclenche les différends »236 parce qu'elle a
mauvaise réputation dans la vie. « On dit qu'elle est casse-pieds,
fouineuse, jalouse et même parfois sorcière. Or, ceci crée
des situations conflictuelles entre bellefille et
belle-mère.»237 Les plus mauvaises langues disent
qu'elles voudraient avoir un mari qui n'a plus de mère, soit aveugle ou
muette. De plus, si nous venons de voir que généralement c'est la
belle-mère qui déclenche les différends, << il
survient dans certains cas que la belle-fille provoque elle-même les
disputes afin de pousser son
235 Pasteur OGOULA-O /(<(, UIop.cit, p.86.
236 Dalila SOLTANI, « Des échanges relationnels
conflictuels (le mague-journal de
culture-société-peopledécryptage télé)
», op.cit., p.1.
237 Rita MENSAH AMENDAH, op.cit., p.53.
époux à se débrouiller pour
acquérir un appartement personnel. La bru étant à la
quête de stabilité use de ces différends qui rendent le
climat familial toxique pour pousser son conjoint à lui assurer un
domicile individuel.»238 Ce qui conduit à une
compétition entre la belle-mère et la bru.
D'autant plus que « les relations des femmes entre elles,
enserrées dans une formidable compétition obligent à
devancer la rivale potentielle et à frapper la première
»239 et pourquoi pas, pour se faire passer pour une victime
auprès du fils pour l'une, le mari pour l'autre.
Comme l'écrit Dalila SOLTANI, c'est habituellement la
belle-mère qui déclenche les différends, cela peut trouver
son explication dans le fait qu'il peut s'agir d'une belle-mère qui
débarque à l'improviste, qui critique sans arrêt la
façon de la bru de cuisiner ou d'éduquer les enfants ou encore
une belle-mère qui peut passer son temps à espionner le
ménage de son fils, et particulièrement les agissements de la bru
et être envahissante, voire très protectrice.
Au sortir de nos entretiens avec nos informateurs, il ressort
que bru et bellemère entretiennent des rapports conflictuels parce qu'il
ya un conflit d'intérêt qui s'installe ; d'autant plus que la bru
vient contrarier les projets de la belle famille. D'ailleurs selon monsieur
I.I, pour les Myènè, particulièrement les Galoa qui sont
de filiation matrilinéaire, « les mamans veulent que leurs fils
soient là pour s'occuper de la progéniture de leurs filles. On
met en marge nos propres enfants. Pour elles ; quand vous prenez une femme,
ça fait obstacle à leurs ambitions (de la belle-famille). Alors
par moment la bru est adulée par la famille maternelle. Avec le temps
j'ai constaté qu'on dit que ma femme s'accapare de moi, elle m'a fait
mangé des choses. »240
238 Dalila SOLTANI, ibid., p.1.
239 Nedjima PLANTADE, op.cit., p.165.
240 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle
à l'ASECNA, marié à l'état-civil à une
sénégalaise, 3 enfants.
Dans le même sens, monsieur J.A.A241 affirme
que << le plus souvent ma maman se trouve en rivalité avec sa
belle-fille. Car ma mère avait une emprise sur moi étant
donné que j'étais seul et je dormais chez elle. J'ai trois
enfants hors mariage, le fait d'envoyer 80000 fcfa a chacun de mes enfants
était un cauchemar pour ma mère. >> Il poursuit en
disant que << j'ai marié ma femme en 2004 en France sans
l'aval de ma mère, mon père étant
décédé, cela a suscité vraiment des conflits. J'ai
dis clairement à ma mère que je suis grand, je fais ma vie, j'ai
pratiquement 40 ans, j'ai le droit de me marier, toi tu t'es mariée
à 18 ans alors ne me fais pas le bruit. Elle a dit que je me rebelle.
>>242 De même, << ma mère est
toujours au milieu de ma relation avec ma femme. Ma mère est protectrice
et voyait qu'il n'y avait plus d'attachement pour elle.
>>243
On peut aussi compter sur le vécu de monsieur I.S qui a
connu ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme. <<
Lorsque j'ai fais venir ma mère chez moi à Franceville, ma
mère se prenait pour l'épouse. J'ai dli me fdcher, j'ai remis les
choses sur pieds parce que mon épouse n'est pas gabonaise, j'ai dis que
ici au Gabon, je suis son père, sa mère et que si tu la touche,
tu me touches. >>244
D'après les brus, les belles-mères
considèrent toujours leurs fils comme des bébés et pour
les belles-mères, les brus ne sont pas à la hauteur donc, les
belles-mères sont en permanence en surveillance des faits et gestes des
brus. Ces relations conflictuelles se manifestent par des actes et des verbes
de ces deux acteurs. Par la notion de << verbe >>, il faut
entendre les discours que ces deux acteurs tiennent réciproquement. Le
"verbe" désigne les mots, les paroles, les injures car << le mot,
par sa force et ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à
ce que l'idée se réalise ; et aussi pour le manipuler dans la
théâtralité et l'ambiguïté.
>>245
241 Monsieur J.A.A, Myqn~, 47 ans, cadre au Minist~re des mines,
marié à l'état-civil, 3 enfants.
242 Propos de monsieur J.A.A.
243 Propos de monsieur C.A.E, Fang, ingénieur marketing
à Zain Gabon, père de 3 enfants, vit en concubinage depuis 9
ans.
244 Propos de monsieur I.S, Conseillé du Ministre des
Mines et enseignant du supérieur, Myènè, 49 ans,
Myènè, il a épousé une mauricienne et a 3
enfants.
245 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes,
Paris, Balland, 1992, p.26.
En ce qui concerne les brus, leurs actes et verbes sont
illustrés par les cas de mesdames Y.H, I.E.E, B.A, M.A, A.E.M, A.M.S et
O.E, des brus que nous avons rencontrées pour la circonstance. En effet,
dans le cadre des actes, madame Y.H a, pour corroborer nos dires,
été victime de la surveillance de sa belle-mère et de ses
critiques sur l'éducation des enfants : << ma
belle-mère surveillait la maison et affirmait que son fils participe
seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, elle disait sans arrêt
que l'éducation des enfants n'est pas bien
faite.>>246
Pour sa part, madame I.E.E se plaint du fait que <<
quand je me dispute avec mon mari, ma belle-mère prend la part de
son fils. Lorsque je dors avec mon mari, elle vient me réveiller
à 5 heures du matin en disant que vous êtes entrain de"baiser",
allons-y en brousse.>>247 D'autre part, madame B.A
affirme que << ma belle-mère et moi avions d'assez bons
rapports au début, après ça capoté quand son fils a
pris une deuxième femme donc ça ne m'a pas plu et la
belle-mère était du côté de son fils parce qu'elle
couvrait son fils. Parce que ola deuxième femme restait chez ma
belle-mère et j'avais le sentiment de n'être plus
appréciée.
Il n'est pas souhaitable de vivre avec sa belle-mère
car vous ne pouvez pas vous entendre, siton mari t'aime, la
belle-mère ne va pas l'accepter.>>248
Enfin, O.E raconte que << il ya de cela plus de 10
ans, depuis le jour où je suis partie de la maison de mon père,
pour habiter avec mon amant chez lui. Au début, tout allait bien, 2
à 3 mois après, j'étais devenue comme une esclave, des
humiliations allant jusqu'aux injures publiques en excitant sa fille (soeur
aînée de mon amant) à se battre avec moi bref. Depuis que
nous sommes partis de chez elle, tout va mieux du moins, je suis chez moi. Je
gère mon couple comme je peux même si elle cherche toujours
à s'ingérer dans nos problèmes. Ce qui fait qu'il n'est
pas souhaitable de vivre avec elle parce qu'elle s'occupe de tout, elle veut
être dans la prise des décisions.>>249
246 Propos de madame Y.H, bru, vit en concubinage, avec 2
enfants, psychologue.
247 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2 enfants,
sans profession.
248 Propos de madame B.A, bru, divorcée, 6 enfants,
secrétaire.
249 Propos de madame O.E, bru, concubinage, 4 enfants, conseiller
pédagogique.
S'agissant du verbe, les brus affirment qu'elles sont victimes
des injures publiques de la part des belles-mères. En témoigne
mesdames I.E.E, O.E, M.A, A.E.M et AM.S.
Madame I.E.E nous déclare que << lorsque nous
sommes à table, ma belle-mère dit : "ma nourriture que j'ai
payée, c'est une fille inconnue qui vient manger". Elle dit que l'argent
de la bricole de son fils, c'est moi qui finis. Lorsque je dors avec mon mari,
elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous
êtes entrain de "baiser", allons-y en brousse. Quelques fois, elle
m'insultait publiquement "ton con", tu n'as pas trouvé un autre
"bangala", c'est seulement celui de mon fils ? "Ton con" là, c'est toi
qui as sorti l'enfant dans "ton con" ? Et moi je répondais "la
manière dont tu as fais sortir l'enfant dans ton con", c'est comme
ça que ma mère m'a fait sortir dans "son
con".>>250 Les propos de madame I.E.E nous permettent de
nous rendre compte qu'il ya, entre elle et sa belle-mère, la tenue de
paroles injurieuses et grossières, traduisant l'ampleur des rapports
conflictuels.
La situation est quasiment la même pour madame O.E, car
<< au début, tout allait bien, 2 à 3 mois après
j'étais devenue comme une esclave, des humiliations allant jusqu'aux
injures publiques en excitant sa fille (soeur aînée de mon amant)
à se battre avec moi bref. >>251 Aussi, <<
ma belle-mère demande chaque fin de mois à son fils de lui
donner une part et ne veut pas entendre parler de mon ménage avec son
fils. Pour moi, la belle-mère est une rivale, par son comportement, la
manière dont elle réagit dans ce qui me
concerne.>>252 Madame A.M.S affirme que << ma
belle-mère me disait que c'est moi qui mange l'argent de son fils, que
c'est moi qui commande son enfant, et c'est moi qui
décide.>>253 Compte tenu de l'éducation
qu'elle a reçu de ses parents, madame A.M.S se gardait de ne pas
répondre à sa belle-mère, quelque soit la situation. De
plus, il ya des brus qui subissent des menaces verbales de mort comme c'est le
cas de madame M.A et de madame A.E.M.
250 Propos de madame I.E.E, 30 ans, bru, sans profession, vit en
concubinage, 2 enfants.
251 Propos de madame O.E, 36 ans, conseiller pédagogique,
4 enfants, vit en concubinage.
252 Ibidem.
253 Propos de madame A.M.S, bru, 63 ans, institutrice
retraitée, mariée à la coutume et à
l'état-civil, mère de 8 enfants.
A cet égard, madame M.A nous a confié que ses
rapports avec sa belle-mère reposent sur l'hypocrisie, de sa
belle-mère et que « ma belle-mère me disait que mes
enfants et moi nous ne pouvions pas manger l'argent de son fils seuls car ses
enfants appartiennent à la mère et ce sont les neveux qui sont
ses propres enfants. Elle me disait "si c'est moi qui a mis au monde cet
enfant, tu verras". Ce qui fait que je me sente en rivalité avec elle
car il ya la différence des enfants de son fils et ceux de la fille.
»254
Quand à madame A.E.M, pour qui le choix de la
belle-fille est à l'origine du conflit, notre enquêtée nous
a fait part du fait que sa belle-mère a amené son nom chez le
Nganga, ce qui a fait qu'elle soit distante de sa belle-mère. Plus
encore, « elle me répétait touts les jours que j'allais
mourir en décembre 2006 si je ne partais pas de la maison de son fils.
Elle dit aussi que je finis l'argent de son fils et qu'elle va m'abattre comme
un chien si je ne parts pas de SOTEGA. Son fils va nous coucher toutes les deux
et on aura le même goût. Moi je ne répondais pas.
»255 Ces menaces verbales sont a priori courantes et on
peut constater qu'elles proviennent généralement des
belles-mères.
De manière générale il ressort que les
belles-filles disent que leurs bellesmères déclarent que ce sont
elles qui finissent l'argent des fils, ce qui exacerbe les brus. Ce qu'il faut
retenir encore, c'est que la bru est réifiée par sa
belle-mère qui, par le verbe, montre qu'elle est la maîtresse des
lieux, et partant, l'unique "propriétaire" du fils. Vu les diverses
plaintes faites par les brus au sujet du comportement de leurs
belles-mères, a priori la belle-mère fait en sorte que la bru
puisse commettre l'irréparable par des provocations directes ou
indirectes ; voire la rabaisser par tous les moyens.
En outre, sur la question de la jalousie, inconsciente la
plupart du temps a priori, il faut dire à ce sujet que « la
belle-mère envie sa belle-fille et se dit : ce que
254 Propos de madame M.A, bru, concubinage, 4 enfants, 32 ans.
255 Propos de madame A.E.M, bru, concubinage, enseignante du
préscolaire, 32 ans, 1 enfant.
mon fils fait à sa femme, mon mari son père ne
me l'a jamais fait. Cette jalousie se situe au niveau de la femme. C'est une
femme qui en envie une autre.»256 En bref, il s'agit donc d'une
mère possessive, en tant qu'autre manifestation de cette jalousie ; la
belle-mère qui dit : « elle me vole mon fils, il est à moi,
elle me prend ma place, il n'écoute plus qu'elle.»257
Elle sent donc qu'elle perd son influence, son autorité
sur le fils. De plus, la lutte entre la bru et la belle-mère, symbolique
soit elle, cache en profondeur un sentiment de jalousie et une relation de
rivalité s'amplifie avec le temps. Parce que « la bru est une
intruse qui a débarqué pour chambouler la vie familiale. D'abord,
elle s'est mariée avec le fils (ce qui signifie, pour la mère,
qu'elle n'est plus propriétaire de cette partie d'elle-même
qu'elle a toujours protégée et entretenue.) Le sentiment
d'être dépossédée de ce fils laisse naître
chez la mère une sensation de mal-être. D'ailleurs, elle se sent
reléguée au dernier plan. Elle a l'impression de ne plus
être importante puisque cette "autre femme" est venue s'approprier son
fils et sa maison.»258
En dernier lieu, « ne pouvant supporter cette
situation, la belle-mère commence à lancer des messages hostiles
à l'égard de sa bru. Implicitement puis ouvertement, des
critiques et des sous-entendus sont lancés de manière à
pousser la belle-fille à riposter et, donc, à entrer en conflit
avec la belle-mère. Le but principal de la belle-mère est de
clairement signifier à sa bru qu'elle est l'unique chef des lieux et
qu'elle ne peut être qu'un subordonné. La belle-mère
n'hésitera pas, une fois la dispute enclenchée, à se
mettre sur la défensive, à responsabiliser sa bru et à
demander à son fils de se positionner par rapport au conflit, de punir
son épouse et d'exiger d'elle le respect et
soumission.»259
Après avoir traité des actes et des verbes
posés par les belles-mères à l'encontre de leurs brus,
venons-en à présent à ceux posés par les brus
à l'endroit des belles-mères. Si nous avons vu tantôt les
diverses plaintes faites par les brus au sujet
256Rita MENSAH AMENDAH, ibid., p.54.
257 Ibid., p.54.
258 Propos de madame I.E.E., 30 ans, concubinage, 2 enfants, sans
profession.
259 Propos de madame I.M.J, 43 ans, mariée à la
coutume, 10 enfants, archiviste.
du comportement des belles-mères, il n'en demeure pas
moins vrai que les bellesmères elles aussi se plaignent du comportement
des brus, qu'elles qualifient d'irrespectueux.
Partant des actes posés par les brus, il faut dire que
selon les propos des belles-mères en général, les brus ont
du mépris pour la belle famille, particulièrement à leur
égard, elles sont irrespectueuses, n'aiment que leurs maris et sont
surtout paresseuses. Pour être mieux édifiés sur cette
question, nous avons retenu les propos de certaines de nos belles-mères
tels mesdames M.D, mesdames E.T, I.M.J, M.J, B.M.G.
Par exemple, madame M.D a trois belles-filles avec qui elle a
eu de bons rapports ; elles affichaient un bon comportement. « Mais
lorsque mon mari est mort en 2006, tout a changé, je ne sais pas
pourquoi »260 nous a-t-elle confié. Ensuite elle a
ajouté que ses brus ont commencé à mal se comporter vu que
pour elle, ses belles-filles « n'aiment que leurs maris et n'aiment
pas la belle famille et la belle-mère. Elles ne me donnent pas la
nourriture, même pas le bonjour, elles restent que dans leurs chambres.
Nous sommes dans la même concession mais pas dans la même maison.
Quand elles me donnent la nourriture aujourd'hui, elles font deux jours sans me
donner la nourriture. C'est mon fils qui me donne à manger.
»261 En ce qui concerne madame E.T, il faut dire qu'elle
reprochait à sa bru qu'elle ne lui prête pas du tout attention, ce
qui, aux dires de la belle-mère madame E.T, l'ennui car elle n'a pas
agit de la sorte. « Nous avons les mauvais rapports car elle avait un
mauvais comportement. Quand je suis tombée malade la deuxième
année après ses présentations, elle était venue
passer un jour, elle a dormi jusqu'à midi sans faire un tour chez moi
pour travailler, juste me dire bonjour. Après elle disparaissait pendant
3 à 4 mois sans venir voir la belle-mère, ni son mari. Les
raisons étaient que je garde l'enfant de ma soeur (la première
année de ses présentations), la deuxième année
c'était maintenant ma soeur qui a
accouché.»262
260 Propos de madame M.D, belle-mère, 78 ans, sans
profession, veuve avec 8 enfants et avec 3 brus.
261Ibidem.
262 Propos de madame E.T, 63 ans, retraitée, 7 enfants,
belle-mère.
En outre, madame I.M.J reproche à sa bru le fait
qu'elle soit paresseuse. << Quand elle lave le linge de son mari, n'a
jamais pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de
la belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères
du mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la
vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères et la
belle-soeur sachant que les beaux-frères ne travaillent pas souvent,
c'est la belle-soeur qui s'occupe du reste du ménage. Elle aime toujours
rester dans la chambre et quand le mari est là, ils passent plus de
temps dans la chambre mari et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque
fin de mois, il ne me donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester
avec nous.>>263
En plus de madame I.M.J, madame M.J nous a relaté que
sa bru incite son fils à l'insulter elle et sa fille et se plaint
également de la paresse de sa belle-fille. << Les rapports
entre ma belle-fille et moi sont mauvais. Il n'ya pas d'entente, elle ne veut
pas que mon fils me garde. S'il a l'argent, c'est juste pour elle ; elle est de
son côté, elle ne travaille pas. Elle ne veut pas que j'attrape
mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle dit à mon
fils de séparer la maison en deux. Je ne vois vraiment plus mon fils, il
a changé avec moi. Mon fils veut même me porter main. Depuis que
nous sommes ensembles là, elle n'a jamais préparé pour le
grand-père du mari, ni jamais donner la nourriture aux enfants de sa
belle-soeur malgré qu'elle soit en voyage.»264
Enfin, nous terminons nos illustrations avec le cas de madame
B.M.G qui entretient aussi de très mauvais rapports avec sa belle-fille
; de surcroît qui vit avec elle dans la même maison. <<
On a souvent des conflits, ma belle-fille est en concubinage avec mon fils,
elle ne me rend pas service, c'est-à-dire puiser de l'eau, me laver le
linge, ne me prépare pas la nourriture que j'aime pour me donner car mon
fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas quelque chose à
boire. Je ne suis pas contente car j'ai souffert avec son mari "9 mois de
grossesse". Jamais elle a pris 5000 ou 10000 f pour me donner. Lorsqu'elle se
réveille, elle utilise mes marmites propres et les laisses sales. Moi je
ne suis pas d'accord. Quand je suis malade, elle ne me chauffe pas de l'eau, je
fais même quatre jours alitée et ne vient même
pas me dire bonjour. Je me sens en rivalité car
elle m'accuse de sorcière, c'est moi qui avais mangé son enfant
dans le ventre puisqu'elle a accouché un mort-né à 9 mois.
Mon nom était gaspillé chez tout le monde. Elle ne garde pas bien
ses enfants, ils sont sales avec la gale. Mon fils avait promis me frapper
à cause d'elle. Je ne dépenserai jamais mon argent pour aller la
marier, je la déteste. Ce n'est pas la faute de mon fils car il est
manipulé par sa femme. Je connais mon fils, il était bien avec
moi. Depuis qu'il est avec cette fille, il ya eu un changement
terrible.»265
S'agissant du verbe des brus sur les belles-mères, nous
avons retenu le discours de mesdames B.C, M.J, de madame B.M.G et de madame M.D
pour enrichir les paroles des brus envers les belles-mères.
Pour madame B.C, chaque fois qu'elle arrive chez sa
belle-fille, << elle me dit d'aller me servir moi-même à
la cuisine dans la marmite»266, ce qui constitue un manque
de respect à l'égard de la belle-mère par la bru, aux
dires de madame B.C dans notre entretien. C'est ce genre de paroles et d'actes
qui font qu'elle soit en conflit avec sa bru car cette dernière
mépriserait la belle-famille.
Autre cas à signaler, c'est celui de madame M.J, qui ne
s'entend pas du tout avec sa bru. En effet, << ma belle-fille ne veut
pas que j'attrape mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle a
dit à mon fils de séparer la maison en deux. Je ne vois
même plus vraiment mon fils, il a changé avec moi. Elle m'insulte
ouvertement "tu n'es pas la mère de mon mari, dis-nous sa vraie
mère, il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais
exprès de ne pas marcher". Elle dit à son mari de m'insulter
devant les gens sinon elle part chez elle. Et mon fils m'insulte "mon gros con"
; même jusqu'à ma petite soeur.»267
Dans le même ordre d'idée, madame B.M.G se trouve
confrontée dans cette situation où elle est accusée
d'être une sorcière par sa belle-fille, ce qui fait
également qu'elle a de très mauvais rapports avec sa belle-fille
qui vit dans la même maison qu'elle. « Tu vois, ma belle-fille
m'accuse de sorcière, que c'est moi qui avais mangé son
265 Propos de madame B.M.G, commerçante,
belle-mère, divorcée, 52 ans.
266 Propos de madame B.C, belle-mqre, 45 ans, mariée
à l'état-civil, 6 enfants et sans emploi.
267 Propos de madame M.J, belle-mère, 42 ans, sans
profession, avec 54 enfants, concubinage.
enfant dans le ventre puisqu'elle a accouché un
mort-né à 9 mois. Mon nom était gaspillé chez tout
le monde.»268 Aussi considère t-elle sa bru comme
une rivale irrespectueuse.
Enfin, madame M.D se plaint non seulement du fait que ses
belles-filles n'aiment que leurs maris et pas la belle-famille, encore moins la
belle-mère, mais aussi qu'elle est victime d'injures et pamphlets de ses
trois belles-filles : « elles m'ont dit qu'on ne souffre pas avec les
mères des autres (maris). Nos mères ne vivent plus. Des fois,
elle se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère
de mon mari ; je ne veux pas que mon mari donne l'argent à sa
mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui"
c'est-à-dire maboule ; "les yeux rouges".»269
Pour résumer, les belles-mères estiment pour
leur part que les brus d'aujourd'hui sont irrespectueuses à leur
égard et elles comparent, a priori, ce qu'elles vivent maintenant
à leurs propres vécus hier quand elles étaient brus ou le
sont encore. Outre le non respect des belles-mères, ces dernières
affirment que les brus sont paresseuses et ont du mépris pour la belle
famille.
Dans cette présentation du conflit, même si nous
observons quelques exceptions, généralement c'est toujours la
belle-mère qui déclenche le conflit, pour asseoir sa domination
symbolique ; en tant que chef et propriétaire des lieux. Mais cette
domination symbolique tend à être renversée par la bru.
Cependant, il est important de savoir quels sont les éléments
déclencheurs du conflit ?
> L'origine du conflit
On peut d'abord partir des mutations qui ont
façonné l'Afrique, particulièrement le Gabon et qui
conduisent au fait que le choix du conjoint soit dû
268 Propos de madame B.M.G, belle-mère, 52 ans,
commerçante, divorcée.
269 Propos de madame M.D, 78 ans, sans profession, veuve, 8
enfants dont 3 belles-filles.
au sentiment exclusif des conjoints qui se sont
rencontrés soit en pleine balade, à l'école, au travail.
Car << les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens
au moins qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront
généralement qu'avec prudence : le souci de respecter le choix
personnel de leur enfant et aussi la conscience qu'une opposition
résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire
avec le jeune ménage.»270
Ce qui fait que les conjoints ignorent presque comment sont
les comportements de la famille du conjoint, de même la famille du
conjoint ignore d'où vient ce conjoint, quelle est la renommée de
cette famille et se sent écartée, frustrée ; constituant
une perte d'influence et de son autorité.
<< Arrive alors une femme qui, au nom de la relation
d'alliance, au nom du mariage, devient plus proche de ce fils, son
époux, que ces femmes dont il est le débiteur, et qui
prétend, soit les écarter de la jouissance de ces biens, soit
venir avant elles dans le partage de ces prestations. Elles se sentent
frustrées de devoir passer après une autre qui n'a aucunement
contribué, au départ tout au moins, à
l'épanouissement de l'époux. La relation entre la bru d'un
côté, la belle-mère et les belles-soeurs de l'autre,
devient nécessairement conflictuelle»271 parce que la
bru apparaît comme une accapareuse. Signalons que l'origine du conflit
est de deux natures : celle qui tend à faire entrer la bru dans la
famille et celle qui tend à faire ressortir le fils de la famille.
En ce qui concerne l'arrivée de la bru dans la famille,
il s'agit de faire connaître cette dernière auprès de la
belle-mère. Ceci implique la cohabitation. Cette cohabitation est en
majeure partie une des tensions excessives de la bru envers sa
belle-mère. Nous pouvons dire que la cohabitation existe depuis dans les
sociétés précapitalistes car on vivait en
communauté, c'était la solidarité mécanique dans la
société gabonaise. La belle-famille est élargie
c'est-à-dire que l'on retrouve les soeurs, les tantes, les
frères, les cousins etc. Rare est la situation où nous ne
trouvons rien que
le père, la mère et les enfants. D'où la
belle-fille a la charge de s'occuper de cette famille là. Cette
cohabitation permet de mieux se connaître.
C'est pourquoi la belle-fille devait passer un certain temps
avec les beaux-parents si le conjoint n'avait pas encore de situation stable.
La belle-fille était contrainte d'aller rester dans la maison familiale.
Et celle qui avait un mari ayant un salaire ; son mari et elle partaient faire
un mois et plus avec la belle-mère pour se connaître étant
donné qu'elle ignore (belle-mère) la famille de l'homme, comment
est cette fille ; est-elle travailleuse, polie ou encore c'est la
belle-mère qui se déplace pour aller trouver le couple.
Cette cohabitation entraînerait la surveillance de la
bru qui pour elle, n'admet cette situation. Ce qui fait apparaître les
tensions. L'élément déclencheur du conflit serait dii
à la décision du fils d'aller présenter sa conjointe
à sa mère. A signaler que cette décision a
été motivée par le fait que la bru avait
déjà un enfant. Ce qui a pour corollaire les présentations
officielles auprès de la belle-famille. C'est le cas par exemple de
madame I.E.E272 qui, quand elle est allée habiter dans la
maison de la belle-mère, était enceinte de 4 mois mais n'avait
rien dit à la belle-mère. En fait, tout a commencé lorsque
la belle-mère lui proposa d'allée laver le corps chez le Nganga
avec elle, parce qu'il n'était pas normal qu'elle puisse rester avec son
fils qui ne travaille pas ; elle mérite mieux et lui a demandé de
ne rien dire à son fils. Quand la bru a décliné l'offre de
la belle-mère d'aller voir un Nganga, la belle-mère s'est
fâchée en disant que « moi, on ne m'a pas fait sortir
l'argent pour qu'on m'épouse ; je ne peux pas aussi le faire,
jamais.» Pour madame Y.H273, le conflit débute ici
dès la naissance du 1er enfant ; ce qui faisait que la
belle-mère commençait à faire des tours de temps en temps
à la maison de la bru puisqu'elle aidait sa belle-fille à garder
l'enfant. On notera que la belle-mère a commencé à
surveiller la maison ; en cherchant par exemple à savoir ce qui a
été préparé pour son fils, il faut mettre de l'eau
de javel dans les toilettes, la nourriture n'est pas bien nettoyée.
De même, avec madame L.C274, le conflit a
declenche après la naissance du 2ème enfant et les presentations
ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et le conflit
s'est véritablement manifesté d'abord avec les belles-soeurs et
les beauxfrères qui vivaient avec eux dans la maison du mari. Le conflit
a declenche après la naissance du 2ème enfant et les
presentations ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et
le conflit s'est véritablement manifesté d'abord avec les
belles-soeurs et les beaux-frères qui vivaient avec eux dans la maison
du mari.
Tout comme pour madame A.E.M275 lorsque le mari a
commence à travailler, il a décidé d'aller se
présenter au bout de 4 ans. De là, la belle-mère a
proteste en disant que si il decide de vivre avec sa femme, ils doivent donc
sortir de sa maison et la belle-mère racontait que sa belle-fille etait
sterile. Venons-en à présent à l'origine qui tend à
faire sortir le fils de la famille.
A cet effet, le conflit s'accentue lorsque les fils
s'obstinent à aller vivre avec leurs conjointes sur leurs propres toits,
malgre le refus de leurs mères. Nous prendrons le cas des hommes maries
avec des gabonaises et des etrangères ; pour mieux illustrer nos
propos.
Monsieur I.S276 nous a dit que « quand je
suis rentré au Gabon, j'étais déjà marié
donc je n'avais pas de compte à rendre à mes parents. Je ne suis
pas resté longtemps à Libreville, je suis parti loin de la
famille à Franceville, je suis resté là-bas pendant 10 ans
donc la famille je ne voyais que pendant les vacances. » Pour
monsieur J.A.A277 « je me suis marié en 2004 en
France avec elle. Dès qu'elle est arrivée au Gabon, je suis
allé directement louer avec elle, à la maison il y avait
rien. » En outre, « quand j'ai commencé à
travailler, j'ai décidé de quitter la maison familiale. Le fait
de quitter la maison a été un souci pour ma mère, car
c'était d'ordre affectif, elle se sentait
dépossédée étant dans la maison familiale ;
elle
274 Madame L.C, Massango, mariée à la
coutume, 39 ans, 6 enfants, étudiante.
275 Madame A.E.M, Fang de Minvoul, 32 ans, 2 enfants,
concubinage, enseignante préscolaire.
276 Monsieur I.S, 49 ans, Myqn~, marié à
l'état-civil avec une mauricienne, conseiller du ministre des mines et
enseignant du supérieur, père de 3 enfants.
277 Monsieur J.A.A, 45 ans, 4 enfants, cadre au
minist~re des mines, marié à une fang à
l'état-civil.
pensait me gérer. Savoir comment j'allais, juste
pour elle je n'étais pas assez grand, et avec une personne, elle se
demandait comment j'allais ma comporter. Ça n'a pas été
facile.>>278
Ici, nous voyons avec Louis ROUSSEL que l'enfant est un «
caractéristique irréductible du lien conjugal. C'est la
décision d'avoir un enfant qui "change tout " et transforme le couple en
conjoints. La naissance de l'enfant transforme inévitablement le lien
qui unit les conjoints et confère à l'épouse des
responsabilités qui demeurent, pour ma majorité de l'opinion, de
son ressort.>>279 Cet enfant est apparu dans les
résultats comme essentiel au mariage : sans lui, pas de vrai mariage.
En effet, avec la naissance de l'enfant, la belle-mère
se sent déstabilisée, mieux encore, avec le mariage, la
belle-mère perd la bataille, sans parler de l'éloignement du fils
et la décohabitation. A cela, Séverin Cécile
ABEGA280 parle de la « mort symbolique >> de la
belle-mère par la bru.
278 Propos de monsieur C.A.E, 38 ans, Fang, ingénieur en
marketing, 3 enfants, vit en concubinage avec une fang.
279 Louis ROUSSEL, op.cit., p.290.
280 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., pp.98-99.
|
|