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> Tableau de la construction du concept du «conflit
» . 36
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Dédicace
Remerciements Index du tableau
Sommaire
Introduction générale .
1
Les préalables épistémologiques
3
Section 1 : Objet et champ de l'étude .
3
Section 2 : Construction du modèle
d'analyse 9
Section 3 : Démarche
méthodologique 34
Première partie : La question du mariage
au Gabon en période précoloniale 39
Introduction de la première partie
.... 40
Chapitre I : Aperçu historique sur la
question du mariage 41
Section 1 : La conception du mariage dans la
commune ancienne 41
Section 2 : Echanges relationnels entre la bru
et la belle famille 51
Chapitre II : L'impact de la période
coloniale sur la société gabonaise 59
Section 1 : Instrumentalisation des valeurs
occidentales 59
Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint
64
Conclusion de la première partie
70
Deuxième partie : Les rapports entre bru
et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle ..71
Introduction de la deuxième partie
.72
Chapitre III : Les rapports mère-fils
à travers la bru 73
Section 1 : La relation «
mère-fils » 73
Section 2 : Domination symbolique et relation
belle-mère et bru 77
Chapitre IV : La réfraction des rapports
sociaux au sein du couple 96
Section 1 : L'instabilité du couple et le
recours à différentes pratiques telle la
sorcellerie ..96
Section 2 : Affirmation de la bru 102
Conclusion de la deuxième partie
106
Conclusion générale
108
Références Bibliographiques
111
Table des matières 118
Annexes
Introduction générale
La Sociologie de la famille, du mariage est une des nombreuses
branches qui composent la Sociologie générale. Il va de soi que
cette sociologie de la famille, du mariage s'intéresse
particulièrement au phénomène du mariage ; en ce sens que
pour nous, il n'y a de famille que parce qu'il y aurait eu au préalable
mariage. Affirmer cela, c'est dire que « le mariage définit des
modalités d'une union légitime, approuvée par la
société et déterminant plus spécialement les
relations entre mari et femme. >>1 Justement, en partant de
cette définition du mariage que nous propose Jacques LOMBARD, nous nous
intéressons à la formation sociale gabonaise actuelle.
A ce sujet, nous avons constaté qu'au sein même
de la famille gabonaise actuelle, précisément dans la relation
entre belle-mère et bru, il existe un conflit qui apparaît
manifeste ou latent selon les situations, et a des répercussions dans le
couple. De plus, il prend forme par des actes et des injures de la part des
deux acteurs tels : « quand je me dispute avec mon mari, ma
belle-mère prend la part de son fils. Lorsque je dors avec mon mari,
elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous
êtes entrain de"baiser", allons-y en brousse.>>2 Ou
encore, « quand elle lave le linge de son mari~ n'a jamais
pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de la
belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères du
mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la
vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères
et
la belle-soeur sachant que les beaux-frères ne
travaillent pas souvent, c'est la belle-soeur quis'occupe du reste
du ménage. Elle aime toujours rester dans la chambre et quand le mari
est
là, ils passent plus de temps dans la chambre mari
et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque fin de mois, il ne me
donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester avec
nous.»3
1 Jacques LOMBARD, Introduction à
l'ethnologie, 2ème édition, Paris, Armand Colin,
(coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998, p.54.
2 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2
enfants, sans profession.
3 Propos de madame I.M.J, 43 ans, belle-mère,
archiviste, 10 enfants.
Notons que ces conflits mettent le fils dans une situation
délicate. Selon toute vraisemblance, c'est ce genre de conflits ou
rapports conflictuels entre belle-mère et bru qui alimentent les
conversations dans les différents quartiers de Libreville, sous la
rubrique du << Kongossa4. » Aussi,
toute la difficulté de cette étude résiderait dans le fait
d'expliquer ce phénomène social en se gardant de donner le tort
à un des acteurs : et qu'il a été souvent difficile de
pouvoir collecter les récits de vie des informatrices et des
informateurs, qui vivent ces situations.
Pour la simple et bonne raison qu'il s'agit de «
s'introduire » dans la vie privée des gens ; dans le but de nous
faire partager leurs expériences ; que les femmes trouvent douloureuses
en réveillant ces souvenirs. Elles préférèrent
tourner la page. Porter notre regard sur le phénomène des
rapports << mère-fils >> à travers la bru,
c'est montrer que l'homme est un alibi pour voir comment se lisent les rapports
entre belle-mère et bru. C'est aussi tenter d'appréhender,
à partir de la famille gabonaise, considérée comme le
premier canal de socialisation de l'individu, des logiques de pouvoir et de
lutte qui s'installent et se manifestent ; out comme qui détient le
pouvoir.
Faire cette incursion dans la vie du couple, c'est en outre
tenter de comprendre en vue d'expliquer les mécanismes en filigrane qui
expliqueraient les divorces les divorces, les familles recomposées, etc.
Cette étude veut saisir les fondements sociaux des rapports conflictuels
entre la belle-mère et la bru. Enfin, notre Mémoire de
Maîtrise se compose de 3 parties qui sont respectivement, les
préalables épistémologiques, d'une première partie
axée sur la question du mariage au Gabon en période
précoloniale et pour finir, la seconde partie traitera des rapports
entre bru et belle-mère comme objet à proprement parlé.
Préalables
épistémologiques
Section 1 : Objet et champ de l'étude.
1- Les rapports mère-fils à travers la bru
comme objet d'étude.
Le travail que nous avons réalisé porte sur la
« famille. » Il s'agit d'étudier les rapports entre
la mère et son fils à travers la bru dans la famille gabonaise
actuelle. Pour mener à bien notre étude, nous nous sommes
appesantis sur la famille élargie; celle composée du père,
la mère, les enfants, les grands-parents, les neveux, les oncles, les
tantes etc. vivants sous un même toit. Il convient de noter avec Henry
MENDRAS que, << le terme de famille est ambigu dans notre langage (...)
Il désigne les gens liés par le sang et éventuellement les
alliés : mes oncles, mes tantes, mes grands-parents, mes cousins,
constituent ma famille. »5
Dans notre contexte d'étude6, trois cas de
figures ont été constatés en ce qui concerne la
belle-mère et la bru. En effet, la
belle-mère désignerait ici la femme qui a mise au monde
l'enfant et l'a élevé elle-même ; soit celle qui n'a pas
mise au monde l'enfant mais l'a élevé jusqu'à ce qu'il
soit grand ou alors, les grandes soeurs du mari qui ont participé
à son éducation, après le décès de la maman
ou alors, quand cette dernière n'avait pas de moyens. De même,
la bru ou belle-fille désignerait l'épouse de
son fils. Par épouse on attend ici soit celle qui vit en concubinage
depuis plus de cinq ans dans le foyer; soit celle qui est mariée que ce
soit à la coutume, coutume et état civil, état civil ;
état civil et religieux.
Notre étude part du constat selon lequel les
belles-mères et les brus s'accusent mutuellement sinon
réciproquement d'impolitesse. Ce conflit se manifeste dans le verbe
(c'est-à-dire qu'il s'exprime par des injures, des railleries, des
ragots) et dans des actes pratiques. Comme verbe, on peut retenir par exemple
les injures de la bellemère sur la bru telles : << ce n'est
pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore
5 Henry MENDRAS, Eléments de
sociologie, 2ème tirage, Paris, Armand Colin, p.145.
6 Signalons que nous n'avons pas choisi une ethnie
précise.
d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là,
tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu
t'occupes mal de mon fils >>7 ; « mon fils
participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, l'éducation
des enfants n'est pas bien faite. >>8
En ce qui concerne les injures des brus envers les
belles-mères, nous avons retenu par exemple « qu'on ne souffre
pas avec les mères des maris. Nos mères ne vivent plus. Des fois,
elles se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère
de mon mari, je ne veux pas que mon mari donne de l'argent à sa
mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui"
c'est-à-dire "maboule, les yeux rouges". >>9 Autre
injure de la bru envers la belle-mère : « tu n'es pas la
mère de mon mari, dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir
une mère infirme, tu fais exprès de ne pas marcher.
»10 Ou encore, « sorcière, c'est toi qui a
mangé mon fils dans mon ventre. »11
Quant aux autres pratiques révélatrices de ce
conflit à la maison, on note comme actes des belles-mères
qu'« elle passe son temps à nous espionner, des fois, elle
rentrait dans notre chambre sans cogner. >>12 Mieux
encore, « ma belle-mère m'avait emmené en brousse, elle
savait que je ne connaissais pas sa plantation. Elle m'avait rempli le panier
de nourriture malgré ma petitesse et m'a laissé seule en brousse
jusqu'à ce que je sois arrivée au village en me renseignant car
il était déjà tard. »13 En outre,
« quand mon mari apportait le poisson, elle prenait la part de poisson
de la deuxième femme et écaillait, laissant pour moi au sol
jusqu'à ce que je revienne de mon bricole. Quand je laissais mon enfant
endormi pour aller au travail, elle ne s'occupait pas de mon enfant, gardait
mon enfant avec la couche que j'ai
7 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants,
âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage
depuis 7 ans.
8 Entretien avec une belle-fille, madame Y.H,
âgée de 40 ans, psychologue, Myènè, vit en
concubinage depuis 9 ans, avec 2 enfants.
9 Entretien avec madame M.D, né vers 1930,
belle-mère, sans profession, veuve avec 8 enfants, elle a trois
belles-filles. Elle est Massango.
10 Entretien avec madame M.J, belle-mère, 42
ans, Mitsogho, sans profession avec 5 enfants, elle vit en concubinage.
11 Entretien avec madame B.M.G, belle-mère,
âgée de 52 ans, Punu, commerçante, elle a 6 enfants. Elle
est divorcée.
12 Propos de madame I.E.E, belle-fille,
âgée de 30 ans, Massango, sans profession, vit en concubinage
depuis 8 ans. Elle a 2 enfants.
13 Propos de madame M.M.A, belle-fille, 46 ans,
mariée à la coutume et à l'état-civil, avec 6
enfants, Akélé, sans emploi.
laissé, l'enfant restait avec les cacas
jusqu'à ce que j'arrive. »14 Enfin,
«quand j'accouche, elle ne vient pas me rendre visite, elle peut faire
même trois mois sans venir nous voir, elle ne touche pas le
bébé.»15
Au sujet des actes des brus, nous avons retenu par exemple
« lorsque j'arrive chez elle, quand elle veut elle me dit bonjour,
soit elle me dit d'aller me service moi-même à la cuisine dans la
marmite. Elle ne rendait pas visite à la belle-famille, restait toujours
avec son mari. »16 En plus, « Malgré que
je sois malade, elle ne vient même pas me rendre visite ; elle n'envoie
pas les enfants venir me voir, je reste seule dans la grande maison ; elle ne
respecte pas le gens, elle n'a que du mépris pour la belle famille ; ne
prépare même pas pour le grandfrère du mari. Quand les gens
arrivent chez elle, ils restent avec la faim. Elle ne garde pas les enfants du
côté de son mari rien que son côté meme lorsque tu
arrives, il n'y a que ses parents dans la maison. »17
Aussi, « elle ne me rend pas service, c'est-à-dire me laver le
linge, me puiser de l'eau, ne me prépare pas la nourriture que j'aime
pour me donner car mon fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas
quelque chose à boire. Lorsqu'elle se réveille, elle utilise mes
marmites propres et les laisse sales. Quand je suis malade, elle ne me chauffe
pas de l'eau, je fais meme quatre jours alitée et ne vient meme pas me
dire bonjour.»18
Ces mots et ces actes sont socialement significatifs parce
qu'ils ont pour fonction de rabaisser l'autre, mais également, de faire
prendre conscience surtout à la bru de son statut, du rang qu'elle
occupe dans la famille. En fait, l'ironie, la moquerie et le ragot ont pour
fonction, selon Pierre BOURDIEU19, de rappeler à l'ordre et
à une certaine prise de conscience, c'est-à-dire à la
conformité et à l'uniformité à toute la
communauté, la famille et lui signifier clairement qu'il y a un
maître des lieux.
14 Propos de madame M.A.M, belle-fille, 51 ans,
mariée à la coutume, 7 enfants, Kota, elle a fait 25 ans de vie
conjugale avec son mari.
15 Des propos de madame I.M.J, belle-fille, 43 ans,
mariée à la coutume, Massango, archiviste, avec 10 enfants.
16 Entretien avec madame B.C, belle-mcre, 45 ans, 6
enfants, mariée à l'état-civil, sans emploi. Elle est
Akélé.
17 Propos de madame B.F, belle-mère,
Nzébi, sans profession, veuve avec 10 enfants.
18 Propos de madame B.M.G, divorcée avec 6
enfants, âgée de 52 ans, Punu et commerçante.
19 Pierre BOURDIEU et al, Un art moyen. Essai sur
les usages sociaux de la photographie, 2ème
édition, Paris, Les éditions de Minuit, 1965, 360 p.
Il apparaît clair que c'est le fils qui soit à
l'origine de ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme.
D'où, nous avons voulu saisir les fondements sociaux de ce type de
rapports entre les belles-mères et les brus. Ce sont ces frictions, ces
tensions et affrontements symboliques qui font l'objet de notre étude.
Il faut dire qu'à travers la lecture des rapports entre mère
et fils, il s'agit juste d'un alibi pour lire en réalité les
rapports entre la belle-mère et la bru. Rapports qui, en
général, apparaissent comme conflictuels.
Mieux, on parlera de frictions ; « des frictions de plus
en plus fréquentes et vives entre deux femmes les plus aimées
d'un homme: sa mère et son épouse. La première trouve
souvent que la seconde est une intrigante, qui menace plus ou moins la vie de
son fils, et elle n'hésite pas à l'accuser d'user de sorcellerie
pour envoûter son fils ; quant à l'épouse, elle voudrait
bien voir sa belle-mère s'occuper surtout de son propre ménage et
un peu moins de celui de son fils, qu'elle revendique comme le sien. En un mot,
chacune trouve que l'autre est trop envahissante et devrait, sinon
disparaître, du moins s'estomper un peu de la vie de l'homme qui les a
mis face à face. »20
Il est en de même au Gabon où les brus que nous
avons rencontrées pour la circonstance, nous ont affirmé qu'il
n'est pas toujours souhaitable de vivre avec les belles-mères dans la
même maison, parce que la bru n'aura pas sa place dans son propre foyer
et serait relayée au second plan. C'est fort de ce constat que nous nous
posons la question de savoir pourquoi existe-t-il des rapports
conflictuels entre la belle-mère et la bru ?
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