II.2. La perception paysanne de la variabilité
climatique
Hormis les analyses scientifiques précédemment
faites, le monde paysan a également sa compréhension de
l'évolution du climat. La variabilité climatique concerne toute
la planète et ses effets menacent de façon générale
la survie de l'humanité. Ce qui explique par ailleurs les actions que Al
Gore mène pour la sensibilisation des terriens. Bien que des
incertitudes demeurent sur l'impact réel des changements climatiques sur
les activités humaines, les populations font un lien entre leurs
activités et la manifestation de certains paramètres climatiques.
Les revers des activités agricoles ont un moindre impact sur la
modification du climat. « L'activité agricole est
intrinsèquement tributaire du temps et du climat qui affectent
directement ou indirectement le niveau de la production végétale
ou animale » ESTIENNE P et al. (1998). Les aléas climatiques
peuvent avoir, au niveau de l'agriculteur, un impact soit négatif (perte
d'une partie ou la totalité de la production de l'année), soit
positif (année particulièrement favorable). Le paysan, bien
qu'il
ait des notions « empiriques » du climat, sa
compréhension de la manifestation des paramètres climatiques
s'avère souvent concordante avec les analyses scientifiques.
Sur l'échantillon de la population
enquêtée, 71,23 % affirment que les paramètres climatiques
ont beaucoup évolué. Le seul paramètre d'analyse paysanne
est la pluviométrie. Ils associent souvent l'état de
dégradation de la végétation à sa baisse. Ainsi,
64,2 % de la population enquêtée disent qu'ils n'arrivent plus
à suivre correctement le calendrier cultural depuis plus d'une dizaine
d'années. De ce fait, les populations se basent souvent sur le
comportement de certains éléments naturels pour apprécier
la pluviométrie.
II. 2.1. Les éléments d'analyse paysanne
de la variabilité climatique
Les populations perçoivent les variabilités
climatiques à travers le changement de comportement de quelques
éléments de la nature. Les analyses sont plus orientées
vers le calendrier cultural, les quantités pluviométriques, les
mauvais rendements des cultures, etc. Aussi, certains végétaux,
les astres (étoiles) en passant par les animaux ont longtemps
constitué des repères d'analyse de la bonne ou mauvaise saison
pluvieuse.
II.2.1.1. Les espèces locales de
référence
Les paysans (44,5 %) se focalisaient sur la physionomie des
arbres pour commencer leur saison ou pour mettre fin aux semis. Les arbres qui
ont toujours servi de repère aux populations sont : le
néré (Parkia biglobosa); le tamarinier (Tamarindus
indica); le karité (Vitelaria paradoxa) et le baobab
(Adansonia digitata). La floraison ou l'apparition des fruits de ces
arbres annonce le début de la saison selon la population. Certains, par
contre, ont recours au mouvement ou comportement des animaux pour
préparer leurs champs. Le mouvement des oiseaux migrateurs (le calao,
l'hirondelle, l'épervier) vers le sud ou vers l'ouest annonce le
début de la saison pluvieuse. Leur retour marque la fin de la saison.
D'autres éléments du cosmos sont utilisés pour
apprécier la pluviométrie. L'apparition de certaines
étoiles sert de repère à la décision.
Généralement, les agriculteurs commencent leur semis lorsqu'ils
voient apparaître au sud ou à l'est, certaines étoiles
communément appelées soucis ou
nagtètba1. De nos jours, les populations ne s'appuient
plus sur ces éléments pour commencer leurs activités de
saison hivernale. Ces repères ont soit disparus, soit leurs
manifestations ne coïncident plus avec les supputations des paysans. Les
changements climatiques peuvent être évoqués pour expliquer
le
39
1 Constellation d'étoiles
décalage de la période de floraison de ces
espèces et le changement de comportement de ces animaux.
II.2.1.2. La baisse des rendements
Le démarrage tardif, l'interruption des
précipitations pendant la phase végétative ou
l'arrêt brusque en fin d'hivernage contribuent à retarder la
maturité des plantes. Les populations (78.3 % de l'échantillon)
imputent la baisse des rendements au changement du climat. Elles
perçoivent la dégradation de leurs terres à travers
l'apparition de Striga hermonthica (wango en mooré)
dans les champs. En dehors de la pauvreté des sols, la mauvaise
répartition des pluies est également considérée
comme la cause des faibles rendements. Les populations (84,3 %) affirment que
les productions céréalières ne font que baisser chaque
année depuis plus de dix ans. La saison pluvieuse commence tardivement.
Elle s'installe effectivement dans le mois de juin et finit brusquement au mois
de septembre. Cette situation est anormale car dans le temps, le mois de mai
était le début effectif de la saison pluvieuse.
En plus du fait que la saison s'installe tardivement, les pluies sont
malheureusement mal réparties dans le temps et dans l'espace et
finissent précocement. Cette situation ne favorise pas la bonne
production céréalière.
Les superficies cultivées sont très faibles.
55,3 % des populations exploitent 1 à 5 hectares tandis que seulement
3,7 % cultivent plus de 5 hectares. Une partie des enquêtées (41
%) n'arrivent pas à estimer leurs superficies cultivées. Le
manque de nouvelles terres explique en majorité le faible taux
d'exploitation. La pauvreté des sols, accentuée par la
désertification, combinée aux mauvaises pratiques culturales et
à la forte croissance démographique réduisent la
productivité des sols. Les productions céréalières
sont en baisse dans la région du centre (la province du Kadiogo). Les
estimations faites par les populations rejoignent les analyses que donne la
Direction Générale de la Promotion de l'Economie
Rurale (DGPER). Le Kadiogo fait partie des provinces ayant enregistré un
déficit céréalier inférieur à 90 % durant la
campagne 2008-2009 (DGPER, 2009).
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