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Analyse pragmatique du discours de Barack H. Obama à  Accra. Approche énonciative

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par Rigobert MUKENDI
Institut facultaire des sciences de l'information et de la communication Kinshasa RDC - Licence 2010
  

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Section 3 : Evaluation des données

Dans cette section, nous allons évaluer ou analyser ce discours selon les pronoms d'interlocution, les modalités, la ponctuation, les formules conatives ou de bienséance. Selon les pronoms d'interlocution, nous distinguons les pronoms personnels, démonstratifs ainsi que les présentatifs. Au sujet des modalités, nous allons nous appesantir sur les verbes tels que vouloir, pouvoir, être, douter, croire, etc. Sur la ponctuation, nous nous intéresserons à tout ce qui apparaît comme signes de ponctuation dans ce discours. Rentrent aussi dans cette catégorie, les formules de bienséance qui contiennent des marques, manifestes ou non, d'énonciation et les déictiques spatio-temporels.

3. 3. 1. Les pronoms d'interlocution

a) Pronoms personnels

Ils remplissent, dans ce discours, les mêmes fonctions que les noms. Ils sont employés comme des sujets : 

E11 : Je vous parle à la fin d'un long voyage ;

E21 : Nous devons partir du principe qu'il revient aux Africains de décider de l'avenir de l'Afrique

Nous remarquons bel et bien que les pronoms Je et nous sont des sujets faisant l'action dans cette phrase.

Mais également comme objets lorsqu'ils sont compléments d'objet :

E1 : Ça me plaît ! Cela nous diminue partout

Dans cet énoncé, le pronom personnel est objet parce que complément d'objet indirect ; l'on pourrait bien poser la question ça plaît à qui ? Et y répondre ça plaît à me.

b) Pronoms démonstratifs

Ils désignent, sans les nommer, les êtres que l'on montre, ou dont on va parler, ou dont on vient de parler. Il y a des démonstratifs considérés comme purs déictiques :

E202 : Mais je puis vous promettre ceci : l'Amérique vous accompagnera tout le long du chemin, en tant que partenaire, en tant qu'amie

Le démonstratif ceci montre ce que Barack Obama promet aux Africains : le fait que l'Amérique s'emploiera à travailler avec l'Afrique comme partenaire et amie.

Mais également ceux qui se combinent avec un nom :

E180 : Les peuples d'Afrique sont prêts à revendiquer cet avenir.

Dans cet énoncé, Obama montre l'avenir comme objet de revendication des Africains. Mais il montre ce dont on a déjà parlé :

E179 : le démontre si bien : comme je l'ai dit, l'avenir de l'Afrique appartient aux Africains.

A ce niveau, il sied de parler de la notion de contexte qui est différent de celle du cotexte.98(*) L'on parle du cotexte lorsque les unités linguistiques (ce et ce) se succèdent immédiatement, c'est l'environnement discursif.

Et le contexte, quant à lui, fait allusion à l'environnement est extralinguistique.

E20 : Ce partenariat doit se fonder sur la responsabilité mutuelle et sur le respect mutuel : c'est ce dont je tiens à vous parler

Le premier ce, en tant que déictique anaphorique, relève du contexte tandis que le deuxième ce, en tant que déictique situationnel, participe du cotexte. Ce dernier indique toujours ce dont on vient de parler dans un même énoncé ou dans le précédent.

c) Présentatifs

Ces éléments (voici/ voilà) ont servi à signaler à l'attention de l'allocutaire l'apparition de nouveaux référents :

E191 : Et voici ce que vous devez savoir : le monde sera ce que vous en ferez ;

Ou encore

E159 : voilà notre humanité commune.

La seule différence que nous pouvons dégager, à ce niveau, est que voici présente ce qui vient après le propos et cela indique ce qui vient d'être énoncé ou ce dont vient de parler dans la même phrase ou dans une phrase précédente.

d) L'identité dans l'emploi de « je ».

Ce pronom personnel remplace, dans ce discours, Barack Obama qui est le locuteur.

- « Je » comme Président des USA, africain ou encore père de famille.

E87 : J'ai demandé à mon gouvernement d'accorder davantage d'attention à la corruption dans notre rapport sur les droits de l'homme

Il parle en tant que président des Etats-Unis d'Amérique et il engage, par cet acte de parole, son gouvernement à respecter ce qu'il dit.

Mais il parle encore comme un natif du continent africain :

E23 : Après tout, j'ai du sang africain dans les veines, et l'histoire de ma famille englobe aussi bien les tragédies que les triomphes de l'histoire de l'Afrique dans son ensemble

Et enfin, comme père de famille :

E06 : Je suis très reconnaissant de l'accueil que j'ai reçu, tout comme le sont Michelle, Malia et Sacha Obama.

- « Je » comme Auteur de la parole (sujet d'énoncé) ou énonciateur (sujet d'énonciation). Il est auteur de la parole ou sujet d'énoncé quand il dit :

E08 : Je voudrais remercier la présidente et tous les membres de la chambre des représentants de nous accueillir aujourd'hui

Ce que Obama dit ne lui est dicté par aucune instance énonciative, il est la personne reçue à Accra ; c'est pourquoi il remercie ceux qui l'ont accueilli avec sa famille.

Et il est énonciateur ou sujet d'énonciation quand il énonce :

E19 : Je ne considère donc pas les pays et les peuples d'Afrique comme un monde à part ; je considère l'Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté, comme un partenaire des Etats-Unis en faveur de l'avenir que nous souhaitons pour tous nos enfants

Dans cet énoncé, ce dont parle Obama relève de l'expérience personnelle et même de l'histoire du monde entier. C'est en réalité un reproche qu'il fait à ceux qui ont considéré l'Afrique comme leur vache à lait, comme un continent qui leur sert de base de réserve pour leur survie et leur épanouissement ; ce, au détriment des populations locales. C'est qu'il fustige ce comportement mais sans accuser personne.

Mais le sujet d'énonciation coïncide avec le sujet d'énoncé dans l'énoncé :

E211 : Je vous remercie

Celui qui remercie est en même temps auteur de la parole et initiateur de ce processus d'énonciation.

A ce niveau, nous pouvons expliciter la notion de sujet parlant et de la polyphonie. Il transparaît dans ce discours que le sujet parlant dispose de deux identités :

- une identité sociale c'est-à-dire quand il est celui qui prend la parole et pourvu d'une intention communicative, c'est le locuteur :

E11 : Je vous parle à la fin d'un long voyage

Délibérément, Obama prend la parole pour informer les Ghanéens de son voyage qui l'a amené en Russie et en Italie. Il est clair qu'il a cette intention de communiquer.

- une identité discursive qui définit le sujet parlant comme un être de langage qui s'exprime à travers la mise en oeuvre du processus d'énonciation. C'est l'énonciateur :

E19 : Je ne considère donc pas les pays et les peuples d'Afrique comme un monde à part ; je considère l'Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté, comme un partenaire des Etats-Unis en faveur de l'avenir que nous souhaitons pour tous nos enfants

Il s'inspire de la déconsidération dont les peuples africains sont victimes depuis la nuit des temps. Puisque certaines autres grandes puissances et certains anciens présidents des Etats-Unis d'Amérique n'ont pas considéré l'Afrique comme partenaire, Obama ne veut pas isoler l'Afrique dans la résolution de certains problèmes qui taraudent la mémoire africaine. C'est un partenariat qu'il veut signer avec les Africains et une sorte de réprimande à l'endroit de ceux qui avaient agi de la sorte.

Par ailleurs, il y a opposition entre production et réception. Cette opposition renvoie aux rôles que tiennent les partenaires d'un échange verbal lors de son déroulement. Successivement et alternativement, ils tiennent le rôle de celui qui produit l'acte de langage à l'adresse d'un autre, et de celui qui reçoit un acte de langage et tente de l'interpréter :

E203 : Cependant, le progrès ne viendra de nulle part ailleurs, il doit découler des décisions que vous prendrez, des actions que vous engagerez et de l'espoir que vous porterez dans votre coeur

La notion de la polyphonie est de nouveau avérée. C'est après avoir constaté que toutes les grandes puissances ne servent que leurs intérêts, qu'Obama invite les peuples africains à poser des actes positifs d'appréciation afin de prendre leur destin en mains et réaliser leur progrès. Cela revient à dire qu'aucun énoncé dans ce discours n'est prononcé par pur hasard. Tout ce dont il parle, il le sait pertinemment bien et le tient de son expérience personnelle ainsi que de l'histoire. Il n'est donc pas externe à ce discours.

e) Le « nous » : inclusif ou exclusif

Il est inclusif quand il inclut le locuteur et son ou ses interlocuteur(s) donc, moi+tu ou vous ; et il est exclusif quand il est composé de moi+il ou ils :

E119 : Nous avons tous - en particulier le monde développé - le devoir de ralentir ces tendances, en réduisant les effets du changement climatique et en changeant la façon dont nous utilisons l'énergie

Le nous est exclusif parce que ceux à qui il parle ne sont pas concernés par ce propos relatif à la pollution de l'environnement. Ce qui justifie l'emploi des tirets dans cet énoncé ; et l'incise encadrée par ce tiret, en donne la précision. C'est dire qu'Obama invite ceux qui polluent l'environnement, y compris les Etats-Unis d'Amérique, à réduire les effets du changement climatique et à utiliser l'énergie de façon efficiente.

Mais le nous est également inclusif :

E121 : Ensemble, nous pouvons coopérer en faveur de notre planète et de la prospérité et aider les pays à accroître leur accès à l'énergie tout en sautant, en contournant les phases les plus polluantes du développement

Ici, le nous est inclusif parce qu'il est formé de Je, celui qui parle, et de vous, ceux à qui il parle. Bien qu'Obama parle, dans cet énoncé, à tous ses auditeurs, il s'adresse avant tout à ceux qui l'écoutent immédiatement, les Ghanéens.

* 98 MAINGUENEAU D., L'Enonciation en linguistique française, Paris, Hachette, 1991, p. 27.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci