2.6.4. Campagne
électorale
Si l'on veut saisir les clefs de la victoire
démocrate, il faut aussi mettre de nouveau en lumière
l'extraordinaire travail de campagne qui a été mis en place par
Obama et son équipe. Non seulement un candidat, quasiment inconnu il y a
quatre ans, a battu la machine électorale Clinton et la parti
républicain, mais il l'a fait en innovant et en transformant les
méthodes de campagne. Il faut signaler la discipline implacable d'une
campagne sans scandales, ni rumeurs et autres conflits d'égo. En 2006,
il l'a annoncé à ses amis : « Je veux une
campagne sans scandales ».
Ce principe sera repris en dans un slogan :
« No Drama Obama ». Mais ce n'est pas le seul principe
qu'Obama énonce dès le début. Chicago, sur le terrain, le
pouvoir de mobilisation de toutes les communautés, y compris les
syndicats. Il explique donc qu'il veut une campagne qui « parte
de la base ». Utilisant ingénieusement les nouvelles
technologies (Internet, téléphones portables), la campagne Obama
va créer des réseaux de sympathisants et de
bénévoles dans tous les Etats.
Pour sa première victoire lors des primaires du
petit Etat de l'Iowa, Obama a pu ainsi compter sur 37 bureaux de campagne sur
le terrain. Alors qu'en 2000 et 2004 les républicains passés
maîtres dans l'art de mobiliser l'électorat (grâce à
la stratégie élaborée par Karl Rove en particulier), en
2008 c'est la campagne d'Obama et, notamment David Plouffe, qui élabore
une stratégie électorale gigantesque, sophistiquée et
très efficace. Au point que ses prévisions d'avant campagne
(primaire et présidentielle) ressemblent de très près aux
résultats finaux.
Le camp Obama est très fier en particulier d'un
programme surnommé « projet Houdini » qui,
recroisant plusieurs bases de données, a permis aux
bénévoles le jour même de l'élection et presqu'en
temps réel, d'identifier les électeurs potentiels ne
s'étant pas encore rendu aux urnes. Non seulement cette infrastructure
va mobiliser plus de monde, en particulier des pans de la population qui votent
peu à l'accoutumée, les jeunes et les minorités, mais en
plus ce réseau va lui permettre de lever comme aucun candidat avant lui.
Cette nouvelle ressource financière venant
compléter les méthodes plus traditionnelles, va lui permettre de
refuser le financement public de sa campagne pour les élections
primaires, mais aussi, et c'est une première aux Etats-Unis, pour les
élections générales.
Nous pouvons rappeler ici que la levée de fonds aux
Etats-Unis est essentielle puisque l'estimation du coût du cycle
d'élections du 4 novembre 2008 atteint, d'après le Center for
Responsive Politics, la bagatelle de 5,3 milliards de dollars. Ce qui,
rapporté au nombre d'habitants, ne fait que 18 dollars par personne. Les
sommes mobilisées pour les seules élections
fédérales ont atteint les 4 milliards de dollars (400 millions
pour le Sénat, plus de 960 millions pour la Chambre des
représentants et 2,6 milliards pour la présidentielle).
John McCain et Barack Obama ont dépassé,
à eux deux, le milliard de dollars avec un net avantage pour le
démocrate (742 millions contre 367). Avec cet avantage financier, Obama
a pu compléter son travail sur le terrain par une visibilité
accrue dans les médias. Il parvint à se payer notamment une
publicité documentaire d'une demi-heure, diffusée avant la
retransmission du match de la finale de base-ball (35 millions de
téléspectateurs pour un coût de 4 millions de
dollars).
Lors de cette élection, Obama a gravi une marche en
termes de communication politique. Fort d'une incroyable base de données
engendrée grâce à toutes sortes d'événements
médiatiques (meetings, concerts, rassemblements locaux), Obama
été capable de communiquer directement avec une dizaine de
millions de personnes. De plus, en ciblant ses messages et autres
vidéos, il était en mesure de s'adresser à certaines
parties du pays ou certaines parties de l'électorat de façon
précise.
En effet, toujours très soucieux de ne pas
apparaître seulement comme un candidat noir, Obama a pu faire une
campagne afro-américaine de façon relativement discrète
sur le plan national. Ainsi, un concert du rappeur Jay-Z en Floride est presque
passé inaperçu dans les médias. Pouvoir cibler et
identifier toujours plus précisément les électeurs
potentiels, grâce notamment à des techniques de marketing, permet
de maximiser le retour sur investissement. Malgré son avantage
financier, la campagne Obama a été très soucieuse de
limiter les coûts.
Contrairement aux campagnes McCain et Clinton qui, lors
des primaires, ont largement dépensé, l'équipe Obama a
toujours regardé à la dépense en incitant les
bénévoles ou es employés à partager leur chambre
d'hôtel ou à prendre les transports publics plutôt que des
taxis. Des petits exemples qui illustrent la discipline d'une campagne qui n'a
jamais considéré que la campagne était gagnée
d'avance.
Si la campagne délivre peu d'informations sur les
qualités réelles du candidat en matière de gouvernement
d'un pays, elle en donne de très forte sur les capacités
d'organisation et de management du candidat. La campagne d'Obama fut un
succès parce qu'elle a pu atteindre des proportions titanesques sans
perdre sa structure d'ensemble et son lien très étroit avec la
base locale. En quatre ans, Obama est passé du stade de quasi-inconnu
à celui du président de la première puissance du monde. Il
lui aura fallu de la chance et une conjoncture toute particulière pour
réussir ce tour de force. Il doit aussi cette ascension fulgurante
à ses qualités propres, entre autre une insatiable ambition et
une remarquable aisance.
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