Analyse pragmatique du discours de Barack H. Obama à Accra. Approche énonciative( Télécharger le fichier original )par Rigobert MUKENDI Institut facultaire des sciences de l'information et de la communication Kinshasa RDC - Licence 2010 |
2. 3. La nouvelle polyphonie selon Oswald DucrotToutefois, et nous l'avons bien dit ci-haut, le concept de polyphonie est l'un des concepts centraux de la théorie de l'énonciation. Ses origines remontent aux travaux de Mikhaïl Bakthine sur le roman de Dostoïevski.66(*) La particularité de ce roman serait liée à la « multiplicité des voix équipollentes » qui s'y expriment.67(*) Ainsi, la polyphonie qui peut se définir comme « le discours d'autrui dans le langage d'autrui » se manifesterait sur le mode du recours au « langage commun », à travers notamment les personnages. Oswald Ducrot reprend ce concept dans le cadre des études de l'énonciation. Pour lui, la principale faiblesse de la polyphonie de Bakhtine est de ne pouvoir s'appliquer à des énoncés isolés. La polyphonie se redéfinit comme la possibilité qu'une lecture unique d'un énoncé fasse éclater l'énonciation en une multiplicité illocutionnaire désignant, dans le modèle d'Austin, l'acte effectué en disant quelque chose : l'assertif, le directif, l'expressif, etc. Aussi, considère-t-il que les interlocuteurs ne sont pas homogènes dans un discours. Il faut distinguer, du côté de l'émission, celui qui produit l'acte de langage (le locuteur) et celui qui en prend la responsabilité (l'énonciateur) ; et du côté de la réception, la personne qui écoute le discours (l'allocutaire) et celle à qui l'acte de langage est adressé (le destinataire). Ducrot donne cet exemple devenu classique : si le ministre de l'intérieur (le locuteur) affirme : « L'ordre sera maintenu coûte que coûte ! », il s'adresse à un allocutaire unique : l'ensemble des citoyens, qui entendent le discours, mais en tant qu'énonciateur, il pose deux actes illocutionnaires différents : le premier est une promesse dont les destinataires sont les bons citoyens ; le second est une menace, destiné aux fauteurs des troubles.68(*) Mais pour que les concepts nouvellement définis (locuteur / énonciateur) établissent plus nettement leur pertinence, O. Ducrot utilise des comparaisons avec le théâtre et le roman. « L'énonciateur est au locuteur ce que le personnage est à l'auteur... Le locuteur, responsable de l'énoncé, donne existence, au moyen de celui-ci, aux énonciateurs dont il organise les points de vue et les attitudes ».69(*) Quant au roman : « Le correspondant du locuteur c'est le narrateur, que Gérard Genette oppose à l'auteur, de la même façon que le locuteur est opposé au sujet parlant empirique.70(*) L'auteur imagine ou invente les événements, le narrateur les rapporte ».71(*) * 66 BAKHTINE, M., La poétique du Dostoïevski, Paris, Seuil, 1970. * 67 Idem, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978. * 68 DUCROT, O., Les mots du discours, paris, Minuit, 1980. * 69 Idem, Le dire et le dit, Ed. Minuit, Paris, 1984, p. 205. * 70 BAKHTINE, M., Dialogisme et analyse du discours, Paris, Bertrand- Lacoste, 1995, p. 119. * 71 DUCROT, O., op. cit., 1984, p. 207. |
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