Introduction générale
Il y a des écrits qui nous embarquent, nous font
rêver, nous bousculent et nous font grandir. C'est dans cet esprit que
nous pouvons aborder l'écrit de ce mémoire. Il se doit être
utile, pragmatique et ambitieux.
Utile pour ce qu'il suscite comme réflexion et oriente
le projet de l'association Sahel Vert, pragmatique dans son lien entre la
théorie et l'action et ambitieux dans la conceptualisation d'un projet
associatif résultant de processus qui découlent de la rencontre
entre identité et altérité.
Utile
Au cours du premier chapitre, une approche contextuelle, nous
permet de situer l'objet d'étude, dans une dynamique d'époque.
Nous allons focaliser notre recherche, d'une part, en la
situant dans une période. Selon JeanPierre Saez, nous sortons d'un monde
dont nous sommes imprégnés, régenté par des
modèles culturels à prétention universelle,
symétriques ou concurrents, ayant l'intention de réduire les
différences ou à nier leur valeur.
L'ère postcoloniale où nous entrons,
établit de nouvelles règles qui font évoluer les
représentations de soi et de l'Autre, dans un monde globalisé et
en même temps parcellisé mais unifié par des processus.
Nos représentations se modifient, des contradictions
apparaissent et poussent au débat. Une modification des relations
humaines et environnementales, nous amènent à penser le
développement différemment.
L'Homme aborde une idée d'un développement qui
puisse le satisfaire sans compromettre le présent et le futur.
Il se mobilise mais demeure dans ses contradictions. Il passe
par des mouvements collectifs pour mieux se définir. La constante du
sentiment d'ambivalence auprès de tout groupe humain, "oblige"
l'étranger de sa présence.
Face à un système dominant, l'Homme fait valoir
ses utopies, un futur avec un avenir pour chacun. Il s'organise et nous
pouvons voir pourquoi au cours du XXe siècle "la
solidarité internationale" se développe, s'institutionnalise
et mène dans
les années 1990 des personnes à une réelle
démarche et approche professionnelle.
La professionnalisation favorise et engendre une approche
méthodique et structure ces élans spontanés, où
l'émotion guide les premiers pas.
Les éléments qui apparaissent très fortement
au cours de cette démarche contextuelle et conceptuelle nous donnent un
cadre de recherche.
De questions en réponses nous arrivons à la
question centrale pour définir la problématique en quoi la
caractéristique d'association militante de solidarité
internationale engendretelle une relation d'altérité ou de
dominant à dominé ? Nous avons pu voir que l'ère
postcoloniale où nous entrons, établit de nouvelles règles
qui font évoluer les représentations de soi et de l'Autre, en
mesurer les enjeux pour établir une hypothèse et une contre
hypothèse qui en découle. Nous allons vérifier si le
mouvement associatif de solidarité, plus précisément de
solidarité internationale force à une relation
d'altérité entre les personnes coproductrices de l'action
associative.
La contre hypothèse se situe dans l'idée que le
mouvement associatif de solidarité, plus précisément de
solidarité internationale maintient et renforce une relation de dominant
à dominé entre les personnes coproductrices de l'action
associative.
Pour conclure le premier chapitre, un tableau
récapitulatif des éléments contextuels et conceptuels,
nous permet d'introduire l'objet d'étude, en passant par les
conséquences et les besoins repérés.
Pragmatique
L'objet de ce second chapitre est d'établir le lien entre
la théorie et la pratique. Dans un premier temps, il nous faut cerner
l'association Sahel Vert. Depuis sa genèse en passant par un état
des lieux, nous nous attachons à identifier les éléments
de son histoire.
Nous allons repérer les éléments
impliquant, de manière déterminée, un collectif de
travail au sein de l'association et les mettre en lien avec les
éléments
théoriques de la professionnalisation. Une approche
similaire est faite pour les éléments d'institutionnalisation.
Ce travail permet une première prise de distance par
rapport à l'objet d'étude, complétée par un
énoncé autobiographique mis en lien avec la théorie.
Dans un second temps, nous présentons la
démarche du projet action pour un repositionnement stratégique de
l'association Sahel Vert dans le cadre du Dispositif Local d'Accompagnement. Au
cours de cette démarche les entretiens exploratoires sont
menés.
Le recueil de données et l'analyse nous permettent
d'établir un diagnostic interne et externe. Des pistes de
développement sont élaborées et identifiées pour un
repositionnement stratégique.
En partant d'éléments contextuels et
d'éléments conceptuels, nous avons essayé d'établir
leurs liens et relations à un repositionnement stratégique de
l'association Sahel Vert dans la capacité d'implication des individus et
du collectif à la coproduction du projet associatif. Par cette
démarche nous essayons de vérifier les hypothèses
émises.
Ambitieux
Ce troisième chapitre concrétise à
travers l'écrit du projet de l'association Sahel Vert l'efficience du
travail de recherche. Il est à considérer les
éléments constitutifs du projet associatif qui vont être
modifiés, réorganisés par cette démarche. Il
demeure un outil de travail.
1ER CHAPITRE
UTILE
« Utile pour ce qu'il suscite comme
réflexion et oriente le projet de l'association Sahel Vert
»
4
I. LE CONTEXTE : une démarche exploratoire
objective.
1. Le « postcolonialisme » une construction
processuelle
Selon JeanPierre Saez, lors du séminaire de Delphes en
octobre 2000, en référence à la thèse de Thomas Mc
Evillry, nous sortons d'un monde dont nous sommes imprégnés,
régenté par des modèles culturels à
prétention universelle, symétriques ou concurrents, ayant
l'intention de réduire les différences ou à nier leur
valeur. L'ère où nous entrons, établit de nouvelles
règles qui font évoluer les représentations de soi et de
l'Autre, dans un monde globalisé et en même temps
parcellisé mais unifié par des processus. La pensée
postcoloniale émerge à la fin des années 1970, dont les
fondements se situent dans l'oeuvre d'Edward Saïd, l'Orientalisme paru en
1978, marque le début du processus postcolonial.
1.1. Le processus postcolonial
ème
A la fin du XIX siècle début du
XXème siècle, nous sommes en pleine expansion
coloniale, la notion de « race inférieure »
est intégrée, constitue le socle idéologique pour penser
« l'altérité ». Au milieu du XXème
siècle, l'anthropologie reconnaît à l'Autre le
caractère de « traditionnel ». La différenciation
sociétale est présentée sous les termes de
société moderne, industrielle - de société
traditionnelle. Les découpages ethniques et territoriaux
réalisés par l'administration coloniale contribuent d'une
certaine manière à la construction voire à la
falsification de l'histoire. L'histoire est « pensée »
uniquement dans une perspective évolutionniste et comparative, les
représentations de l'Autre se construisent dans cette perspective.
Une démarche identitaire au détriment de l'Autre
La représentation de l'Autre « ethnicisée
» fictive et archaïque répond à une logique,
à des fins de domination auprès de la société
civile des pays colonisateurs. En France, par exemple, le clivage
"ethnique"Francs/GalloRomains
a influencé l'historiographie nationale jusqu'au
XIXème siècle.
Ce clivage a été supplanté par la
découverte de la figure de « l'Autre lointain », celle du
Barbare ou du Sauvage qui s'est substituée à celle du Gaulois,
fédérant les tensions "interethniques"antérieures vers une
unité nationale ayant une mission, entre autre, civilisatrice.
Ce processus colonisateur, ayant une grille de lecture
ethnique est appliquée aux populations conquises sur le même mode
manichéen, poussant les colonisés à s'identifier au
discours de l'oppresseur. Franz Fanon décrit ce processus
d'aliénation culturelle où un peuple dominé en vient
à faire sien, concernant sa propre culture, les modèles de
représentation fournis par le colonisateur dans une dialectique
dominant/dominé.
Il faut des témoins
Sur ce socle idéologique et en pleine époque de
conquête coloniale, apparaît une propagande de masse pragmatique et
positiviste visant à administrer la preuve de
l'infériorité des peuples conquis afin de justifier leur
domination et la conquête coloniale. C'est l'exhibition, selon une
hiérarchie prédéfinie, de sujets d'Amérique latine,
d'Afrique et d'Asie dans le cadre des zoos humains. L'Exposition coloniale de
Vincennes en 1931 est un des grands moments fédérateurs et de
communion des Français du siècle dernier. Cette Exposition
coloniale internationale et des pays d'outremer représente
l'apogée de la propagande impériale en France avec 34 millions de
billets vendus en 6 mois et huit millions de visiteurs. Ce
phénomène est concomitant d'une pensée eugéniste et
évolutionniste qui amène à dresser un inventaire du
vivant, plaçant sur le même plan le végétal,
l'animal et l'humain.
Un mécanisme unitaire
Ces expositions se sont déroulées, durant le
XIXème et au début du XXème
siècle, ont engendré auprès du citoyen lambda une praxis,
en diffusant et en rendant accessible un racisme scientifique, culturel,
littéraire et donc théorique au sein de la population au plus
grand nombre. D'autres effets sont à constater, entre autres
dans la construction des États nations européens
en homogénéisant les représentations de
l'altérité culturelle et de l'identité « occidentale
». Elles ont aidé à déterminer les
référents identitaires communs à toutes les factions
à la fois sociale, culturelle et communautaire qui composent la nation
en cette période. La démonstration de la barbarie africaine, les
populations dénigrées vont servir de référent
négatif dans la construction de l'identité collective
européenne et française en particulier. Hannah Arendt
écrit « Bien plus que la pensée de classe, c'est la
pensée raciale qui a plané sur le développement de
l'alliance des nations européennes telle une ombre constante pour
finalement devenir l'arme redoutable de la destruction de ces
nations»1.
Création d'un référentiel
Cette mise en scène de la diversité raciale
contribue à la vulgarisation d'une typologie raciale qui permet de
repérer la place de chacun et qui légitime les fondements du
nouvel ordre mondial. Face à l'Européen, "maître"
étalon, les différentes "races" sont présentées de
manière à mettre en évidence une hiérarchisation
des "spécimens exotiques". Le souci de légitimation des
conquêtes coloniales croise les préoccupations "savantes", le
spectacle de l'indigène permet, de visualiser les progrès
possibles de la sauvagerie au contact de la civilisation et de confirmer, le
bienfondé de l'oeuvre coloniale.
Un processus d'altération de l'Autre qui confirme
l'Autre
Cet Autre traditionnel archaïque, voire sauvage par qui
la modernité est mise en évidence, devient « l'objet »
révélateur à investir de la modernité pour entre
autre asseoir un pouvoir et confirmer l'action de modernité. Le message
est relayé par le cinéma, la photographie, les cartes postales,
les bandes dessinées qui inventent un stéréotype du "
sauvage ". Ce message engendre une nouvelle perception de
l'altérité et le modèle de l'identité occidentale.
Cette perception et ce modèle se constituent par un processus de
différenciation qui installe et conforte un ethnocentrisme raciste
structurant les imaginaires collectifs.
1 Hannah Arendt, L'impérialisme. Aux origines du
Totalitarisme. Edition Fayard, 1982.p. 73.
Un processus élitiste s'auto détruisant
La mise en pratique des fondements anthropologiques «
darwiniens » de la science politique, illustrée et
popularisée par de telles exhibitions, va très vite donner une
résonance au projet eugéniste de Georges Vacher de Lapouge, dont
le programme consiste en l'amélioration des qualités
héréditaires de telle ou telle population au moyen d'une
sélection systématique et volontaire. Sur toile de fond colonial,
un racisme populaire s'est mis en place relayé et renforcé par la
grande presse qui accrédite l'idée d'une soushumanité
vestige du néolithique ou une race inférieure et
dégénérée.
Les preuves irréfutables de l'action civilisatrice
Les années 1920, la conquête coloniale est
achevée, un discours sur l'efficience de l'action civilisatrice est
attendu. Pendant la période de l'entredeux guerres, il faut montrer la
capacité d'éducation des indigènes, de construction
d'infrastructures, d'amélioration du quotidien donc de leur sort.
Les effets contre productifs du processus colonial
Selon Nicolas Bancel, la disparition des expositions
coloniales n'est pas liée simplement à la lassitude des
populations françaises mais à la logique coloniale qui
démontre implicitement, par ces expositions des indigènes
cannibales, sauvages, barbares, son inefficacité et
incapacité.
Autour des théories du discours colonial et
néocolonial, la pensée postcoloniale émerge à la
fin des années 1970, dont les fondements se situent dans l'oeuvre
d'Edward Saïd, l'Orientalisme paru en 1978. Il fournit des outils
critiques permettant d'analyser, en tant que théorie littéraire,
les écrits des auteurs issus des pays faisant partie des anciens empires
coloniaux français, britanniques, espagnols et portugais. Les pays
d'Afrique, d'Inde, des Caraïbes et d'Amérique du Sud sont les
principaux concernés.
Un système bousculé par ses valeurs
Les problèmes identitaires sont des thèmes souvent
traités dans les oeuvres post
coloniales. En effet, le colonialisme a instauré un
système de valeurs fondé sur des idées européennes
: la supériorité du monde occidental. La question identitaire
devient cruciale après l'indépendance pour deux raisons
principales. Après l'indépendance, les pays excolonisés
font souvent recours à des idées nationalistes qui exacerbent une
identité nationaliste. L'autre raison se situe dans l'origine des pseudo
autochtones de pays dont les premiers habitants ont été
exterminés par les envahisseurs européens, mais dont les
conditions sont celles des opprimés, sans pouvoir, vivant dans une
situation déplorable pendant des décennies.
L'identité et l'altérité : un nouvel
ordre social
De ce processus postcolonial, ressurgissent les questions de
l'identité, de l'altérité et des références
culturelles. Dans cette dynamique l'ordre social est mis en question.
Aujourd'hui l'impensé colonial et néocolonial stigmatisent les
minorités d'origine des pays colonisés et renforcent les
défenses réactionnaires à leur égard. Pour JeanLoup
Amselle, anthropologue contemporain, le phénomène de durcissement
des identités et l'essor des fondamentalismes "ethniques"et religieux
peuvent trouver leurs explications de la frustration et de la violence que
l'impensé colonial et néocolonial engendrent. Les lignes de
forces bougent dans une société où l'impensé
colonial et néocolonial peuvent faire désordre.
1.2. Nos représentations se modifient
Pascal Blanchard, chercheur associé au Centre National
de Recherche Social et directeur de l'agence de communication historique Les
Bâtisseurs de mémoire et Sandrine Lemaire Agrégée et
docteur en histoire à l'Institut européen de Florence
considèrent que cette catégorisation moderne/sauvage influe
encore sur les représentations françaises, sur la manière
de penser l'Autre et la place qu'il occupe dans la société
française.
Des contradictions qui poussent au débat
De cette dérive, la France contemporaine ne veut plus
en entendre parler. Lieu de mémoire oublié, car refoulé,
l'Exposition coloniale a été pourtant un pôle
fédérateur de la nation française. Les réflexions
actuelles sur le devenir du modèle d'intégration y trouvent sans
conteste une résonance qu'il faut bien un jour assumer. Être ou
avoir été coloniale et en même temps promouvoir
l'égalité de tous les hommes est contradictoire pour les
républiques démocratiques faisant référence aux
Droits de l'Homme.
La métamorphose des formes littéraires et
artistiques
Abdelwahab Meddeb écrit dans « Le postcolonialisme
Décentrement Déplacement Dissémination » « Le
processus postcolonial a accéléré la circulation dans le
monde des références culturelles non occidentales : le recours
à ces références infléchit les formes
littéraires et artistiques telles qu'elles ont évolué dans
l'ère occidentale. C'est par ces voies que se réalise le partage
de l'énergie créatrice qui aura créé un double
décentrement : on assiste d'une part à l'oblitération ou
au moins à la marginalisation des centres culturels que
représentaient les anciennes métropoles coloniales ; on
enregistre d'autre part la contribution à la métamorphose des
formes littéraires et artistiques de créateurs et de penseurs
originaires de pays non occidentaux, le plus souvent anciennement
colonisés. ».
D'une pierre deux coups
Par ce décentrement, une double perspective de
transformation critique est diffusée à travers le monde, l'une
défiant le canon occidental, l'autre démontant les
systèmes de valeurs des cultures traditionnelles.
Rattrapée par son histoire
Dans notre société française
postcoloniale, la persistance des discriminations raciales, qui depuis des
décennies empoisonnent la vie de millions de Français issus ou
non des anciennes colonies ou d'autres pays, peut être perçue
comme un déni de l'histoire douloureuse de l'esclavage et la
colonisation.
Tous héritiers d'une histoire commune
Aujourd'hui la France est inscrite dans le processus
postcolonial, une situation en grande partie qui lui est nouvelle, à
travers la formation de groupes s'affirmant être les "descendants" et les
"héritiers" d'épisodes historiques. Ces groupes cherchent
à revenir sur une généalogie historique souvent
occultée et ainsi à redonner une signification à leurs
origines, un enracinement à leur histoire et, sans doute, un sens
à leur présence au sein de la nation française. Par cette
recherche de sens, la question de la capacité de leur intégration
au sein de la société française, emprunte du processus
postcolonial, ressurgit parfois maladroitement voire violemment.
Un nouveau « développement », une perspective
commune
Les lignes de forces bougent dans une société
où l'Etat doit pouvoir se réformer pour aborder sereinement ce
processus postcolonial au risque d'être dépassé par une
société civile emprunte elle aussi en son sein du même
processus.
Arcbouté, pour l'un sur sa mission de maintien de la
paix sociale et pour l'autre sur ses exigences de changements, mues par ses
valeurs, une voie commune s'ouvre en pensant à un nouveau «
développement ».
2. Une modification des relations humaines et
environnementales
Aujourd'hui dans notre société, par rapport au
modèle dominant libéral, des rapports de force
s'établissent entre les volontés des uns partisans d'une rupture
consommée « la nuit du dernier jour », pour certains plus
nuancés considérant le nouveau modèle n'étant pas
juste l'inverse du modèle dominant pour d'autres mus par une
volonté de continuité trouvant dans ce modèle dominant le
moteur et la panacée des modèles tendant vers la
modernité, la méritocratie, l'élitisme.
Une nécessité
Un nouveau développement s'impose, nécessaire face
à la crise qu'engendre la
pensée libérale ; au delà des effets de
mode, le développement durable offre une piste. Gustave Massiah,
déclare dans un article de mars 2000, « Le bon développement
n'est pas juste l'inverse du mal développement, il ne s'agit donc pas de
prendre le contre pied de l'ajustement structurel. Ce n'est pas parce que le
modèle dominant idéalise le marché que le modèle
alternatif doit reposer sur sa négation ». Comment peuton faire la
part de ces différentes approches de rupture, de continuité ou de
réajustement ?
Des propositions sur différents sujets émergent
Dans les forums civils des grandes conférences
multilatérales, des propositions ont été discutées
à Rio par rapport à l'environnement, à Copenhague par
rapport au développement social, à Vienne par rapport aux droits
fondamentaux, à Pékin par rapport aux femmes, au Caire par
rapport à la population, à Istanbul par rapport aux villes. Issus
de ces forums, des grandes lignes ont été établies pour un
développement économiquement efficace, écologiquement
soutenable, socialement équitable, démocratiquement fondé,
géopolitiquement acceptable, culturellement diversifié
préconisant des pistes. Ces pistes doivent être explorées,
leur cohérence vérifiée, des lieux
d'expérimentation sont créés ayant l'objectif de
vérifier l'efficience de ces pistes.
Une approche qui répond à des besoins
spécifiques
Nous pouvons trouver dans l'approche et les
préconisations de Bertrand Schwartz, une expérience qui a
répondu aux besoins d'expérimentation et apporté par leurs
évaluations, des réponses concrètes par rapport à
la formation individuelle des adultes. « Un adulte n'est prêt
à se former que s'il peut trouver dans la formation une réponse
à ses problèmes, dans sa situation. »2
Conscient de la finitude
Une politique de développement durable est un concept
dont le contenu est à
2 B. Charlot & D. Glasman, "Les jeunes,
l'insertion, l'emploi" PUF 1998 Pédagogie d'aujourd'hui, B. Schwartz
"Trente ans d'expériences et d'hypothèses sur la formation et
l'insertion" page 38
construire qui intègre entre autre la
préoccupation de l'environnement. Il s'agit de mettre en oeuvre au cours
du XXIéme siècle un type de développement pour
résoudre une série de problèmes, en raison de
l'introduction de nouvelles échelles de temps et d'espace.
Le souci de l'environnement n'est pas nouveau :
Au XXéme siècle déjà,
plusieurs lois ont eu pour objet d'assurer une gestion rationnelle des
ressources de la nature et une certaine protection du patrimoine naturel des
sites et des monuments naturels, prévenir des risques relatifs aux
établissements dangereux insalubres ou incommodes, conserver la faune,
la flore, du sol, du soussol, de l'atmosphère, des eaux en
général d'un milieu naturel présentant un
intérêt spécial en créant des parcs nationaux.
L'environnement s'élargit
Parallèlement à cette prise de conscience, le
constat que l'extension des activités humaines est le principal moteur
de l'extinction d'espèces naturelles devient une évidence. Aussi,
à partir des années soixante, le sens du mot environnement
s'élargit à l'ensemble des conditions naturelles et culturelles
susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités
humaines. Il apparaît peu à peu que les ressources naturelles sont
limitées, et que leur destruction est irréversible.
Les intentions sont nommées
C'est alors que prend forme la prise de conscience d'un
devenir commun de l'humanité mettant l'homme au centre des
préoccupations. Les relations entre les hommes changent -
coïncidence avec la période des décolonisations
l'environnement est un facteur considéré. Cette prise de
conscience collective du monde politique et de la société civile
se traduit par les différentes rencontres internationales, des
conventions qui en résultent et l'adoption de la Charte de
l'environnement.
2. L'Homme et le développement durable : le
manuscrit d'une histoire
Soucieux du bien commun
Une politique de développement durable doit être
soucieuse du bien commun. Alors que la multiplication des situations
d'incertitude, telles que les crises environnementales et sanitaires, met en
évidence l'influence de plus en plus prégnante des interactions
économiques et écologiques, il devient évident que le
respect du bien commun ne peut plus relever de la seule loi. Il est
indispensable, par une démocratie de proximité d'intégrer
les citoyens, les associations, à la prise de décision.
Une première définition
Le « développement durable » est, selon la
définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur
l'environnement et le développement, issu du rapport de Brundland «
un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette
notion: le concept de " besoins ", et plus particulièrement des besoins
essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus
grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de
nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité
de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à
venir. »
Une démarche de réconciliation
L'environnement est en effet apparu à partir des
années 1970 comme un patrimoine mondial essentiel à transmettre
aux générations futures et le philosophe Hans Jonas a
exprimé cette préoccupation dans son livre Le Principe
responsabilité 1979. Au Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro
en 1992, la définition Brundtland, axée prioritairement sur la
préservation de l'environnement et la consommation prudente des
ressources naturelles non renouvelables, est modifiée
par la définition des « trois piliers » qui
doivent être conciliés dans une perspective de
développement durable: le progrès économique, la justice
sociale et la préservation de l'environnement.
En dehors de toute idéologie
Le terme de « développement » peut faire
écho à la notion de progrès, qui au XIXe
siècle, s'est construite autour du progrès industriel, ayant des
connotations idéologiques issues de l'idéologie du
progrès. Il est important que le terme de « développement
» soit entendu en dehors de toute idéologie mais dans sa dimension
processuelle.
Le développement durable, la mondialisation et l'Internet
correspondent à une nouvelle vision du monde.
Chaque pilier se croise, formant par leur point commun la
durabilité.
Cette idée d'un développement
« soutenable », « durable »
porté en concept offre les pistes pour un développement
économiquement efficace, écologiquement soutenable, socialement
équitable, démocratiquement fondé, géopolitiquement
acceptable, culturellement diversifié. Aujourd'hui nous sommes dans la
nécessité d'explorer ces pistes, de
vérifier leur cohérence, avant de pouvoir les
rédiger en objectif et d'établir un programme.
Des lieux d'expérimentation et d'évaluation
méthodique
Le mouvement associatif est porteur de la mise en oeuvre de la
liberté
16
d'association et de la liberté d'expression en
explorant et vérifiant ces pistes en prenant en considération les
principes de durabilité, d'égalité, de citoyenneté
et de solidarité. En partant de ces principes, le mouvement associatif
dans le champ de la solidarité internationale, construit leur analyse
spécifique des situations et des contextes, pour définir leurs
positions par rapport aux politiques nationales et aux institutions
internationales. Il avance les critères d'évaluation pour garder
un maximum d'objectivité et permettre l'autoévaluation des
dispositifs mis en oeuvre.
Un devoir de sensibilisation collective
Aujourd'hui le manuscrit de « L'Homme et le
développement durable » est en cours de rédaction,
délai nécessaire à l'appropriation de l'ensemble des
citoyens de ce monde de cette approche conceptuelle du «
développement durable ».
Une exigence de démocratie de proximité
Une politique de développement durable engendre une
exigence démocratique de proximité intégrant les citoyens,
les associations, à la prise de décision dans un souci du respect
du bien commun. Les nouvelles collectivités intercommunales, la
dimension des « Pays » issues du programme de décentralisation
sont des espaces d'expérimentation du concept de développement
durable.
De réelles solutions à des situations
"idéologiques" problématiques
Les immigrés qui n'ont pas la nationalité
française sont exclus du droit de vote.
La Constitution de 1958 dispose que : "Sont électeurs,
dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux
français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques". François Mitterrand avait fait de la question du droit de
vote des étrangers aux élections politiques locales, une de ses
propositions de son programme de campagne à l'élection
présidentielle de 1981. Mais la concrétisation de cette
proposition a toujours été remise à plus tard. Les
municipalités ont associé la population étrangère
à la vie politique locale de différentes manières
(commissions extramunicipales d'immigrés, conseils
municipaux associés ou encore conseil consultatif des
étrangers). Mais toutes ces structures n'ont qu'un caractère
consultatif. Le Traité de Maastricht en 1992, a institué une
citoyenneté de l'Union. Les citoyens de l'Union sont les personnes ayant
la nationalité d'un Etat membre. Le Traité leur accorde le droit
de vote et d'éligibilité aux élections municipales et
européennes. Droits que d'autres pays européens ont
déjà octroyés.
La question du droit de vote des minorités
immigrées n'ayant pas la nationalité française peut par
l'approche d'une démocratie de proximité, sortir d'un clivage
idéologique ou d'un affrontement politicopoliticien à
visée électoraliste en trouvant sa raison d'être dans cette
approche conceptuelle du développement durable.
L'intérêt individuel et l'intérêt
commun
Dans ce contexte, il est à considérer deux
dimensions que sont l'individu inscrit dans son « Ambivalence »
l'intérêt individuel et la création collective de
mouvements associatifs militants, l'intérêt commun. L'individu et
le mouvement associatif forment la société civile.
2.2. L'individu ambivalent - le collectif
militant
Dans un contexte d'une société emprunte de
multiculturalisme et d'ambivalence de l'étranger gérée par
un système politique démocratique définie comme
«l'ensemble des garanties institutionnelles permettant de combiner
l'unité de la raison instrumentale avec la diversité des
mémoires, l'échange avec la liberté »3
pousse à la recherche d'une conciliation entre des fronts
opposés.
L'identité collective, une reconnaissance de la
différence
En effet le contexte actuel laisse apparaître, à
travers de nombreuses recherches et analyses sur le thème de
l'identité collective, des positions diamétralement
opposés. Une position partisane de l'universalisme, de
l'égalité des droits individuels, l'autre position prônant
une défense identitaire refusant toute contamination d'un
multiculturalisme. Au demeurant le multiculturalisme demande
3 Alain Touraine, « Qu'est-ce que la
démocratie ? », Fayard, Paris, 1994, pages 11-12
la reconnaissance de la « différence » et doit
l'affirmer comme insurmontable car elle en est son fondement et donc sa
survie.
Un débat nécessaire
Sousjacent aux conflits armés au nom des
identités culturelles, à la diffusion du racisme, demeure de
manière récurrente et cruciale pour nos sociétés
contemporaines le débat sur le multiculturalisme.
Le multicuturalisme un débat mobilisateur
L'enjeu est tel, car il fait appel à l'identité
collective, qu'il cristallise les passions, destructeur ou constructeur et est
la source de mobilisation collective. Le débat sur le multiculturalisme
de nos sociétés contemporaines oppose de prime abord deux
positions à propos des normes réglementant la rencontre entre
« identité » et « altérité » et les
processus qui en découlent de cette rencontre. Le contexte
sociétal se complexifie et l'enjeu du vivre ensemble est de trouver une
médiane transformant ce segment de deux points diamétralement
opposés en un triangle.
Triangle de l'ethnicité une médiation
pédagogique
Aujourd'hui, des chercheurs de notoriété
refusent de s'enfermer dans une dualité entre l'universalisme de la
raison et le multiculturalisme relativiste. Dès lors la recherche de
médiation, d'intégration, de confluences entre les positions
opposées est entreprise.
Michel Wievorka parle explicitement du « triangle de
l'ethnicité », selon Somenetta Tabboni, pour d'autres chercheurs
cela apparaît de manière implicite mais ils sont dans une
démarche d'identifier une médiation entre universalisme et
particularisme.
Un ensemble complexe
L'enjeu pour les démocraties est de garantir en
même temps l'égalité des droits et le respect de la
différence, dans des Etats nations engagés dans un
processus postcolonial. Il est important de souligner la complexité
de l'ensemble que forment
les peuples, les nations et les Etats.
Face à cette complexité, toute approche par
l'emploi du concept d'identité tend à obscurcir un peu plus les
processus en jeu, mais la théorie sociologique doit pouvoir les
systématiser.
Plus large que des conflits identitaires et
d'intérêts
Aujourd'hui les arguments développés, mettant en
jeu le ressenti dû à l'exclusion économique et à la
précarité engendrées par le système dominant du
marché libéral, poussant le citoyen à se replier sur une
logique communautaire ne sont pas totalement convaincants.
En effet cette approche tend à amener les conflits
identitaires à des conflits d'intérêts, alors que nos
sociétés contemporaines sont multiethniques et que la logique
d'affrontement entre identités collectives ne peuvent pas se
réduire uniquement à des conflits d'intérêts qui eux
sont négociables, mais à une lutte contre le racisme. Somenetta
Tabboni, en référence aux remarques d'Alain Touraine et Michel
Wieviorka, écrit « C'est,(...) , justement, à cause de la
grande difficulté qu'il y a à rompre la logique d'affrontement
entre identités collectives culturellement connotées et à
la traduire en un conflit d'intérêts et en une négociation
que s'organise la lutte contre le racisme et contre la guerre interethnique
»4.
Les mouvements sociaux lieu et moyen de rencontre
Pour Alain Touraine, les sujets ou les mouvements sociaux ont
la tâche de recomposer ce que la rencontre entre identité et
altérité sépare de plus en plus dans nos
sociétés contemporaines. Cette tâche, emprunte de
subjectivisme, doit conjuguer les deux points opposés de la
modernité : l'identité, le sentiment d'appartenance - la
rationalité universaliste du marché, de la science, des droits de
l'homme.
4 Sous la direction de Michel Wieviorka, « Une
société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat
», La Découverte&Syros, Paris,1997 - page 231, Simonetta
Tabboni, Le multiculturalisme et l'ambivalence de l'étranger.
Nous pouvons voir dans l'errance du sujet dans l'espace du
triangle imaginaire, du « triangle de l'ethnicité », sa
difficulté d'un positionnement équidistant entre l'issue
communautaire ou inversement la suprématie de la seule raison
individualiste. Ce positionnement lui garanti une capacité d'agir en
tant que sujet. «Individualisme, communautarisme, subjectivité :
l'ethnicité n'est aucun de ces trois éléments pris
isolement, mais elle ne peut pas en faire l'économie. Elle est l'effort,
difficile, fragile, instable, pour les combiner ou les articuler, avec toujours
le risque de voir cet effort échouer et l'acteur basculer pour
s'installer sur un seul d'entre eux. »5
Une constante le sentiment d'ambivalence
Dans l'approche contextuelle, il est important de constater
que les anthropologues sont d'accord pour remarquer le sentiment ambivalent,
observé auprès de tout groupe humain, par l'expression
simultanée de réaffirmer la fidélité à
l'identité collective protectrice et d'aller voir de l'autre
côté de la clôture du voisin « différent »
si l'herbe de son champ y est plus verte, voire même de s'approprier
le champ et le voisin !
L'étranger nécessaire
Cette constante réactionnelle de tout être humain
ouvre la question de savoir si un groupe sereinement replié sur sa
particularité, auto satisfait, atil existé ? « Y a t il
jamais eu un monde indifférent à l'appel de l'expérience
de l'altérité, traumatisante, mais en même temps exaltante
? »6. Les recherches laissent à penser que non,
l'identité culturelle dès son origine est constituée de
« l'étranger » et de la brèche qu'il ouvre dans les
remparts de la sphère de l'identité collective.
La solidarité résonne au son des utopies
Le processus postcolonial de nos sociétés,
l'individuation des membres de ces dernières, emprunts pour chacun
d'ambivalence, la mondialisation, les nouvelles
5 Sous la direction de Michel Wieviorka, « Une
société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat
», La Découverte&Syros, Paris,1997 - page 232, Simonetta
Tabboni, Le multiculturalisme et l'ambivalence de l'étranger.
6 Idem page 234
technologies de communication recueil d'information «
virtuelloréelle » Internet sont les éléments
contextuels de notre époque.
Pour une génération marquée par une
insécurité sociale la solidarité résonne au son des
utopies. Pourtant, ces trente dernières années ont vu la
création de nombreuses associations de solidarité.
Une concrétisation des utopies
Les actions de solidarité mises en oeuvre sont «
solidaire » dans leur dimension de coproduction d'un service à la
personne, créatrice de lien social, où la rencontre de l'Autre se
joue dans ses dimensions identitaire et d'altérité. Nous pouvons
voir dans la création des associations de solidarité
internationale une forme de « débataction », l'amorce du
débat nécessaire dans nos sociétés postcoloniales
sur le multiculturalisme, la rencontre de l'Autre qu'elle permet en son sein,
sa proportion de gérer la relation entre identité et
altérité et d'en mesurer de manière méthodique ses
effets. L'utopie se concrétise.
2.3. L'idéologie dominante : l'arbre qui cache la
forêt des utopies
Pour une génération marquée par les
effets négatifs de la mondialisation emprunte de l'idéologie
dominante néolibérale, la précarité et la
paupérisation exponentielles d'un public vulnérable, peut
percevoir le développement durable et solidaire comme une utopie.
Un avenir pour « un autre possible »
Force est de constater, sans tomber dans les travers d'un
idéalisme fantasmé n'ayant rien à voir avec la
réalité du vécu quotidien de ce public vulnérable,
que des actions de solidarité sont menées concrètement
avec des méthodes d'évaluation laissant apparaître une
perspective d'amélioration effective qui alimente la réflexion du
stade expérimental des pistes préconisées par le concept
du développement durable.
La perspective de projet rationnel, d'action solidaire pour un
avenir porteur d'un
autre possible qu'une société fragmentée,
portant en son sein les stigmates d'une paupérisation récurrente
n'est plus une pure utopie.
Une consommation sans limite utopie néo libérale
Face à une menace environnementale, à laquelle
nos sociétés de surproduction contribuent, l'Homo Sapiens Sapiens
peut se mobiliser en fédérant ses tensions interethniques autour
d'un concept de développement durable. Il doit répondre
dès aujourd'hui aux besoins existentiels, identitaires, culturels,
conjuguer son ambivalence et son besoin d'altérité dans un milieu
urbain multiculturel. Il s'est construit par rapport à l'Autre en
passant par plusieurs processus relationnels. Aujourd'hui vatil se
définir avec l'Autre face à une menace commune mettant en
péril son « espèce » en définissant une
stratégie commune pour vivre en harmonie avec l'environnement ?
De la sphère privée à la sphère
politique
Cette prise de conscience est en route, au quotidien jusque
dans la sphère privée par le tri sélectif de nos ordures,
la récupération, le recyclage par la rénovation ou la
transformation. Ces actions, de moins en moins atypiques sont
génératrices de richesse par le travail qu'elles engendrent et
des emplois créés. Des gouvernements nomment des ministres dans
le champ des économies « solidaires » pour l'intégrer
totalement dans un régime de contribution à une solidarité
nationale et de fait quitter le domaine des « utopistes, des farfelus des
doux rêveurs » et entrer de plein pied et de plein droit dans la
sphère politique.
Une stratégie de récupération le
débat est ouvert
Pour certains cela relève d'une stratégie de
récupération, sentiment exacerbé par la rupture entre la
sphère politique et la société civile à l'origine
des économies solidaires. Le débat est ouvert sur le fondement
solidaire, car en quoi l'autre économie ne l'estelle pas? En effet cette
dernière contribue à la solidarité nationale par
redistribution de l'impôt dont elle est soumise. Aujourd'hui nous parlons
de nouvelles économies dans le champ d'intervention qui relève du
tiers marchand ou du quaternaire en référence à la
classification des secteurs de
l'économie. Roger SUE, sociologue, dans son livre "La
richesse des hommes vers l'économie quaternaire" Odile Jacob, 1997,
nomme le nouvel âge de l'économie, secteur quaternaire. Dans ce
secteur, l'homme s'empare de la production, les individus trouvent, à
côté de l'emploi salarié, des gratifications et des
critères d'investissement personnel profondément
différents de ceux du marché et du secteur public. Les acteurs de
cette nouvelle économie sociale auront un objectif clair,
d'utilité économique et sociale, et un statut crédible vis
à vis de l'extérieur : le volontariat.
Une méthode pour évaluer les écarts entre
utopie et réalité
Par méthode d'évaluation et de mesure des
écarts, des effets escomptés, des impacts indirects de l'action
sociétale il est à observer, constater, évaluer ces
écarts et tendre vers cette utopie. Le champ de la «
solidarité » est investi par nécessité
économique et sociale tout en respectant des valeurs humanistes.
« Souciezvous, en quittant ce monde, non d'avoir
été bon, cela ne suffit pas, mais de quitter un monde bon! »
Bertolt Brecht.
3. Professionnalisation et Institutionnalisation de la
Solidarité Internationale La professionnalisation et
l'institutionnalisation du mouvement associatif de solidarité en
général, plus précisément de solidarité
internationale ont des raisons plurifactorielles, nous relevons celles qui
semblent être les principales.
3.1. Les raisons d'une professionnalisation
Trois facteurs sociétaux vont nous renseigner sur les
raisons d'une professionnalisation de la solidarité internationale
dès les années 1990. Certes une étude plus approfondie de
l'histoire7 peut nous faire comprendre son ampleur et ses
mécanismes. Il est important d'appréhender les raisons
sociétales pour relativiser l'évolution de l'association Sahel
Vert et de pouvoir l'inscrire dans un courant commun de l'histoire des
associations et des organisations.
Un lieu de contact nécessaire
L'effondrement entre le monde politique et la
société civile dans les systèmes démocratiques
amènent les politiques à considérer certains collectifs
comme un moyen pour renforcer leur base sociale. Des ponts sont établis
entre la classe politique et les organisations. La Commission
Européenne, par exemple, convaincue de l'importance de cette tendance,
contribue au développement des Organisations Non Gouvernementales
européennes. C'est un facteur qui a poussé ces dernières
à se professionnaliser pour maximiser leur influence.
Un regard des plus critique
Un autre facteur peut être souligné, c'est
l'éclatement du mécontentement dans certains groupes de la
société. L'action collective se fragmente en lutte pour
défendre des statuts professionnels menacés ou en faveur de
causes humanitaires, plus mobilisatrices d'une faction de la jeunesse. Ces
mouvements s'organisent autour d'une lutte défensive, transcendant les
classes sociales et ne correspond plus à l'idée d'un conflit et
d'un mouvement social centraux soutenus par quelques professionnels de la lutte
sociale.
7 Sous la direction de José GOTOVITCH et Anne
MORELLI « Les Solidarités Internationales Histoire et Perspectives
» Labor, à Tournai en Belgique, février 2003 La Noria
Des collectifs s'organisent et se structurent autour de la
cause à défendre. Les années 60 avec l'accès
à l'indépendance des colonies, les luttes pour le droit à
l'autodétermination des peuples, contre l'apartheid, contre le racisme
et la xénophobie font évoluer le contexte
général.
Un besoin de nouvelles compétences
A travers les minorités actives, les questions de
culture et d'identité, la société change et s'autoproduit.
La coopération évolue vers des actions coproduites et non de
substitution, avec une approche méthodologique de projet/action qui
demande de repenser la place du « militantisme » et de la
compétence professionnelle requise.
Stratégie de développement, un sujet d'expert
Un dernier facteur énoncé favorisant la
professionnalisation relève des politiques de communications et de
gestion de ressources humaines des organisations qui renforcent ou limitent
l'engagement que ces dernières souhaitent développer. La
pérennité des organisations est directement liée à
leur structuration et à leur capacité à gérer les
opportunités et les contraintes. En fonction de ces évolutions
organisationnelles et institutionnelles, les compétences requises pour
s'investir dans des organismes de solidarité internationale
relèvent certes de convictions et de valeurs profondes à forte
prégnance philanthropique mais tendent vers une ligne de vie
évoluant pour certains en une carrière professionnelle faisant
référence à des compétences professionnelles.
Une migration Nord Sud?
Dans un contexte de besoin de création d'emploi
favorisant l'entreprenariat, « un autre lointain » peut être
perçu et exploré comme un lieu d'investissement professionnel
exceptionnel. Une démarche migratoire du Nord vers le Sud qui ne porte
pas forcément son nom. Nous percevons quelques initiatives d'action
éducative, en faveur d'adolescents relevant de la protection des mineurs
relative à l'enfance délinquante, cherchant dans « un autre
lointain » un support pédagogique pour « un autre possible
».
La professionnalisation engendre des risques
Ces trois facteurs énoncés ne sont pas
exhaustifs des raisons de la professionnalisation de la solidarité
internationale et ne sont pas sans risque par rapport à la
représentation que peuvent avoir le monde politique et la
société civile des organisations. En effet, un investissement de
la sphère politique au sein des organisations et réciproquement
risque la confusion des genres et d'annihiler les forces d'un contre pouvoir
nécessaire à toute approche démocratique par une position
de juge et partie, se coupant mutuellement d'un regard critique et devenant de
simples sous contractants.
Une démarche entreprenariale
La création d'emploi, par les opportunités
décelées et les capacités à se structurer mettant
en exergue le caractère entreprenarial de la part des organisations peut
donner une image intéressée de la part des acteurs et
peutêtre suspecte aux yeux des politiques et de la société
civile qui restent accrochés aux caractères
désintéressés de l'implication.
Une modification organisationnelle
D'autre part, le fait de repenser la place du «
militantisme » et de la compétence professionnelle requise favorise
une évolution organisationnelle de forme bureaucratie professionnelle.
Henry Mintzberg la définit parmi sept formes d'organisation comme celle
qui assure la coordination par la normalisation des compétences. Elle
doit faire appel à des opérateurs dûment formés qui
s'octroient une grande latitude par les zones d'incertitudes identifiées
et investies. Le risque ne réside pas dans la valeur d'une
qualité organisationnelle, jugement qui d'ailleurs n'a pas lieu
d'être, mais par rapport aux compétences qu'une telle organisation
requière prenant le pas sur les élans spontanés et
l'adhésion aux valeurs de l'organisation. Les objectifs changent, le
système de régulation interne prend de l'importance. Un processus
d'institutionnalisation est en oeuvre par une formalisation des règles,
une standardisation des procédés et une augmentation du nombre
des niveaux hiérarchiques.
3.2. Institutionnalisation de la « Solidarité
Internationale »
Elle est un processus qui ne garantie pas plus
d'indépendance, de liberté d'action et de penser.
3.2.1. Définition et tendance des associations de
solidarité internationale
Les associations de solidarité internationale ont
commencé à se développer et se multiplier depuis une
trentaine d'années en réaction à la pauvreté, la
dégradation de l'environnement et la croissance démographique en
répondant de plus en plus souvent à des besoins d'urgence. Selon
Jacques Gevers8, les réponses données à des
objectifs de moins en moins ambitieux, « comme une forme de charité
condescendante rappelant les missionnaires » risquent de masquer des choix
politiques délibérés par des gestes de
générosité. Il est important de noter une modification
sémantique portant sur les termes internationale et internationalisme.
L'utilisation du terme internationale est moins connotée militantisme,
ouvriériste et plus porteur de modernité.
En effet, la solidarité d'hier s'est proclamée
« internationaliste », doctrine selon laquelle les divers
intérêts nationaux doivent être subordonnés à
un intérêt général supranational. Il est à
repérer qu'actuellement l'internationalisme le plus patent est celui de
l'économie, du capital et de la finance, système
générateur d'exclusion et de pauvreté
mondialisé.
3.2.2. Conférence de Seattle de nouvelles voix et
voies se révèlent
La société civile a fait irruption sur la
scène de l'Organisation Mondiale du Commerce lors de la
conférence de Seattle en novembre 1999, par la présence de huit
cents Organisations Non Gouvernementales venues du monde entier, mobilisation
très forte de toutes sortes d'Organisations, une alliance très
hétérogène. Sous la pression des évènements
du système néolibéral, les Organisations trouvent un
langage commun et une approche commune.
8 Sous la direction de José GOTOVITCH et Anne
MORELLI « Les Solidarités Internationales Histoire et Perspectives
» page 6 Labor, à Tournai en Belgique, février 2003 La
Noria
Acteur ou coproducteur d'une citoyenneté?
La citoyenneté se définit dans la sphère
de l'économique et social et de plus en plus en dehors du monde
politique, conséquence d'une reformulation des rapports entre ces
derniers. Cette modification des rapports est due à un
rétrécissement de la souveraineté des Etats, ils sont de
moins en moins capable d'assurer un niveau acceptable de protection sociale, de
garantir le lien social face à la mondialisation.
Acteur objectif d'une régulation sociale
La mondialisation ne conduit pas inéluctablement au
progrès de la société ou à sa perte. Elle peut
être perçue comme un processus contradictoire, il n'en demeure pas
moins qu'aujourd'hui une tendance dominante se référant à
un modèle social néolibéral s'impose. Ce modèle est
porteur d'exclusions, approfondit les inégalités et les anciennes
exclusions et en génère de nouvelles.
L'institutionnalisation de la solidarité internationale
réfère à la capacité des organisations de la
société civile à s'imposer comme acteurs légitimes
de la régulation sociale. Cette régulation doit se faire dans des
sociétés complexifiées par leur fonctionnement et la
division sociale du travail. Les organisations doivent dépasser la
prestation de certains services atténuant les effets d'un
système, en portant la réflexion sur les causes de la
pauvreté et une critique objective porteuse d'éléments
constitutifs à un autre ordre social.
Un développement solidaire
La nécessité d'un nouveau développement
s'impose ; elle devient d'actualité avec la crise de la pensée
libérale. Au delà des effets de mode, le développement
durable offre une piste. A condition de ne pas considérer qu'il doit
être l'inverse du modèle dominant. Le bon développement
n'est pas juste l'inverse du mal développement, il ne s'agit donc pas de
prendre le contre pied de l'ajustement structurel. Ce n'est pas parce que le
modèle dominant idéalise le marché que le modèle
alternatif devrait reposer sur sa négation. Comment faire la part entre
la continuité et la rupture en matière de modèle de
développement. En partant des
propositions portées par les mouvements, celles qui ont
été discutées dans les forums civils des grandes
conférences multilatérales : Rio et l'environnement, Copenhague
et le développement social, Vienne et les droits fondamentaux,
Pékin et les femmes, Le Caire et la population, Istanbul et les villes.
Ce sont ces propositions qui ont convergé à Seattle. On y
retrouve les grandes lignes pour un développement économiquement
efficace, écologiquement soutenable, socialement équitable,
démocratiquement fondé, géopolitiquement acceptable,
culturellement diversifié. Ces pistes doivent être
explorées, leur cohérence vérifiée, un programme
doit être une étape prochaine.
Assumer ses responsabilités
Le mouvement associatif est porteur de la mise en oeuvre de la
liberté d'association et de la liberté d'expression. Il met en
avant les principes de durabilité, d'égalité, de
citoyenneté et de solidarité. Ces principes permettent aux
associations de solidarité internationale de construire leur analyse
spécifique des situations et des contextes, de définir leurs
positions par rapport aux politiques nationales et aux institutions
internationales, d'avancer leurs critères d'évaluation pour ne
pas se laisser enfermer dans des à priori implicites, de fonder leurs
propositions et leurs méthodes d'intervention.
Une dimension subjectivité
Dans le contexte de professionnalisation et
d'institutionnalisation des associations de solidarité internationale,
nous avons pu percevoir les motivations des bénévoles, des
volontaires et des salariés. Les éléments constitutifs
d'un engagement pour un «autre lointain», font partie de l'ensemble
contextuel hors du champ politique et institutionnel. Il est pertinent de les
repérer pour pouvoir par la suite les confronter à une
démarche exploratoire subjective.
4. Les éléments constitutifs de
l'engagement pour « l'autre lointain »
Gregor Stangherlin, dans sa recherche9,
développe un modèle théorique qui
9 Gregor Stangherlin, « Les Acteurs des ONG
L'engagement pour l'autre lointain », L'Harmattan 2005, Logiques
Politiques
permet d'analyser l'engagement pour « l'autre lointain
» de manière multidimensionnelle et processuelle.
L'approche multidimensionnelle analyse l'influence et
l'interaction entre les éléments institutionnels,
organisationnels et biographiques. L'approche processuelle permet de
définir l'analyse des phases ou des moments différents :
l'adhésion, l'engagement et le désengagement de la part d'un
acteur d'une organisation, d'un mouvement social.
Il est à retenir, pour l'approche contextuelle de notre
travail, les éléments établis dans la recherche de Gregor
Stangherlin relevant de la construction relationnelle de l'engagement pour
« l'autre lointain ».
Les liens sociaux, éléments déterminants
Il est démontré que les liens sociaux au sein
desquels l'individu est impliqué et imbriqué, sont les facteurs
essentiels de l'engagement à des organisations solidaires en
général. Ces liens se construisent dans les lieux de
socialisations, la famille et le milieu social d'origine et par la suite les
milieux scolaire et professionnel. « L'individu construit son engagement
sur base des catégories - valorisées et valorisantes - dont il
dispose après le passage par une série d'institutions de
socialisation et en fonction de la légitimation et de la reconnaissance
des compétences dont il dispose dans un champ ou un système
d'action à un moment donné.»10 Ces
éléments déterminants pour l'engagement sont des
ressources propres, intrinsèques au « sujet » qui sont
valorisées au sein du secteur des mouvements de solidarité.
Une relation d'altérité
L'élément supplémentaire pour la
construction de l'engagement pour «l'autre lointain», est le rapport
à l'Autre dans la dimension de l'étranger d'un ailleurs lointain
du milieu social d'origine du « sujet ». Ce lien à l'Autre est
influencé par les ressources spécifiques du sujet en fonction
d'une structure d'opportunités et de
10 Gregor Stangherlin, « Les Acteurs des ONG
L'engagement pour l'autre lointain », L'Harmattan 2005, Logiques
Politiques page 24
contraintes, organisationnelles et institutionnelles
particulières d'un ensemble d'acteurs, d'institutions et de
procédures de la coopération au développement
internationale.
Une relation d'ambivalence
Au centre de la construction relationnelle de l'engagement
pour « l'autre lointain » se trouve le concept de relation sociale ou
de lien social. La conception du lien social est multiple voire ambiguë,
« ...(elle) est le fruit de la dualité ou de l'ambivalence du monde
social où les dimensions instrumentales ou expressives coexistent.
»11
Il faut retenir du lien social comme ressource
endogène du sujet dans sa dimension instrumentale et stratégique
- comme fondateur de l'identité sociale et symbolique, exogène au
sujet, dans sa dimension expressive et communicationnelle. La forme
identitaire, élément déterminant du lien social, se
modifie sous l'influence plus ou moins forte et/ou de l'articulation des deux
dimensions endogène et exogène du sujet.
Une socialisation à l'engagement
Nous pouvons parler des liens sociaux comme les ressources les
plus structurantes d'un point de vu de la socialisation à l'engagement
pour « l'autre lointain ».
Des ressources facteurs de sensibilisation
Les ressources culturelles et cognitives structurent quant
à elles principalement l'attitude du sujet par rapport à la
problématique des pays dits en voie de développement.
Les liens sociaux et l'attitude se renforçant
mutuellement, amène le « sujet » à construire ses
raisons d'engagement pour « l'autre lointain ».
11 idem page 24
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