b- Description de la recherche
Ces deux élèves ont été choisis
ensemble pour rechercher durant un mois et une semaine afin de travailler sur
les temps de recherches prévus à cet effet. Cette recherche
débouchera sur une représentation en public.
Lorsque les deux élèves ont eu le sujet, ils ont
choisi de travailler davantage sur la recherche que dans la technique, c'est
à dire qu'il y a eu un temps de réflexion avant de monter sur le
plateau pour rechercher les mouvements. Ils étaient tout les deux
désireux d'avoir une approche abstraite de cette oeuvre, faire en sorte
qu'il puisse y avoir plusieurs lectures ou interprétations possibles.
Après avoir lu l'histoire de Don Quichotte, ils ont
analysé les problèmes qu'elle pouvait soulever et une liste de
thèmes et de mots a été constituée sous forme de
brainstorming. Il en a été ressorti le thème de la raison
et de la folie, du rêve, de la réalité puis de
l'identité, du rapport entre le fou et le jugement des autres, du regard
de la société. Puis des thématiques se sont
développées telles que l'identité ou encore «
être soi-même et être l'autre ».
Il est vrai qu'entre la réflexion et la pratique ce
n'est pas évident de mettre en forme les actes qu'on a pensé.
Après avoir gardé comme thèmes « être
soi-même ou être l'autre », ils se sont mis en situation sous
les conseils de leurs professeurs qui les a orienté pour jouer à
être l'autre, imiter, donner des illusions afin de ressembler à
l'autre. Beaucoup d'idées ont émergé mais un
problème s'est posé : il n'y avait pas de lien entre les
différentes actions et les différents gestes trouvés
susceptibles d'être intéressants à montrer.
Tout en gardant en tête la contrainte et le
thème, ils ont donc cherché à savoir la raison pour
laquelle ils allaient rentrer sur le plateau26. Les
élevés ont donc cherché leurs caractéristiques
personnelles, l'un d'eux était vu comme étant maniaque et l'autre
d'humeur taquine.
Il y a donc eu une période d'improvisation, chacun
jouait son propre rôle en exagérant leurs caractéristiques.
Emilien a donc décidé de compter ses pas en faisant un
carré au sol et l'autre élève, Rosaline l'a imité.
Cela a crée de la matière, ils ont cherché un moment
où ils pourraient y avoir confrontation mais il y a eu un blocage, plus
de jeu entre eux, ils ne savaient pas quoi faire après avoir crée
cette confrontation.
Après avoir sollicité les conseils de
l'intervenant qui encadrait ces moments de recherches ce dernier s'est rendu
compte que derrière les actions qu'ont fait ces élèves il
n'y avait pas réellement d'objectifs, pas de réelle intention de
jeu, pas de but final à cette rencontre.
Ce qui peut donc nous permettre de soulever cette question :
Est-ce que créer c'est jouer? Si oui a quel jeu ?
Il faut savoir que dans ce temps de recherche pour l'instant
aucun objet n'est présent, se sont seulement les deux personnes qui sont
mises en scène. Afin de trouver un objectif Emilien a donc introduit des
balles au sein de cette rencontre et a continué à marcher autour
de son carré imaginaire en y déposant une balle à chaque
coin, Rosaline quant à elle le suivait 2 mètres plus loin et les
récupérait sans qu'il s'en aperçoive au début en
suivant le
26 Le plateau désigne ici la scène ou ce
déroule le numéro devant le public.
même chemin que lui jusqu'à temps qu'il s'en
aperçoive et puisse créer cette rencontre.
L'objectif a pu être défini, le but était
que le jongleur puisse récupérer ses balles d'une façon ou
d'une autre. A partir de ce moment là la recherche a pu continuer par
l'improvisation en essayant différentes manières de provoquer
cette rencontre, (mimétisme, jeu de cache cache, portés
acrobatiques...). Plusieurs mouvements ont été trouvés et
ont été programmés de façon à ce que cette
rencontre entre les deux individus puisse être évolutive.
Une trame a donc pu être organisée : Au
début, il s 'y passe un jeu de cache cache, puis du mime de la part de
Rosaline mais aussi du contact avec les balles qui sont entre eux, puis des
portés acrobatiques ensemble (Fig 1 et 2). La relation c'est
donc transformée entre eux par le fait qu'il y a eu des moments
d'improvisation et de jeu qui ont permis de trouver ce concept. C'est donc bien
le thème « être soi » qui ressort de ce numéro,
le corps a, selon l'élève interviewé, «
assimilé la réflexion » qui avait été faite au
début de la recherche. L'improvisation a pris une direction et a
gardé un lien avec cette contrainte imposée au début, bien
que sur le temps de recherche les deux élèves n'y pensaientt pas
tout le temps.
Figure 1 Figure 2
J'ai demandé quelles étaient les motivations
pour ces deux élèves qui permettaient de continuer à
chercher de nouvelles idées à chaque fois qu'ils avaient un
blocage, pourquoi n'arrêtaient ils pas ?
La question sur le fait de s'arrêter ne s'est pas
posée car les élèves sont conscients que dans leur
avenir professionnel ils seront confrontés à des
difficultés de mise en place d'un
spectacle ou d'un numéro. Se retrouver face à
des difficultés durant ces temps de recherche leur permet donc de
trouver comment les affronter afin de recommencer au mieux les fois prochaines
en ayant intégré les différentes solutions possibles pour
palier à ces difficultés rencontrées. La motivation
principale était d'apprendre.
Pour ce qui est de la dimension esthétique (ce qui se
réfère à la notion du beau, c'est à dire qui cause
une vive impression capable de susciter l'admiration en raison de ses
qualités supérieures dépassant la norme ou la moyenne) je
lui ai demandé quelles approches avait-il eu durant ce temps de
recherche. Le fait qu'il y ai plusieurs niveaux de lecture était
important c'est à dire que le spectateur puisse interpréter de
différentes manières possibles la création.
La matérialisation de l'espace visuelle était
important dans le sens où il fallait qu'il y ai une fluidité dans
les mouvements construits, les déplacements devaient être limpides
et non saccadés, ce qui casseraient l'émotion transmise par ces
deux circassiens.
Les élèves ne se sont pas inspirés de
précédents numéros qu'ils avaient pu voir ou faire si ce
n'est l'assimilation des différentes techniques acquises lors des
précédentes étapes de recherche de l'année. Ils ne
se sont pas fiés à un modèle.
J'ai demandé par la suite s'ils considéraient
que ce qu'ils avaient produit était une performance artistique. Il m'a
été répondu que non ce n'en était pas une, la
performance est plus visible au sein du cirque dit « traditionnel »
ou là le circassien va essayer de réussir un exploit (jongler
avec le plus de balles possible, sauter de plus en plus haut, tenter des
figures de plus en plus dangereuse...) sans forcément chercher à
transmettre un message. Il a donc été compris que le
définition du mot performance n'était pas la même pour
chacun d'entre nous, cet élève parlait de performance comme une
« performance sportive » et non de performance « artistique
» qui s'inscrit dans l'art vivant et où différents arts s'y
croisent et produisent un effet sur le public. Cet élève se dit
faire du cirque contemporain et/ou nouveau dans le sens ou il y a beaucoup de
recherches derrière un numéro où la technique est
intégrée. Je me suis rendue compte aussi qu'il y avait beaucoup
de jeu théâtral et de jeu d'acteur.
Pour ce qui est de la part d'improvisation durant le
spectacle, il y en a une bonne partie. Tant que les élèves
gardent leur objectif final, ils peuvent se le permettre. Les principales
orientations du numéro sont définies aupréalablement mais
il est moins frustrant et angoissant de laisser une part d'improvisation pour
les artistes que de tout écrire noir sur blanc pour chacun des gestes
effectués. L'effet rendu risquerait de faire moins naturel,
surjoué. Notons que durant la représentation du numéro les
élèves ne pensaient pas à jouer un rôle, ils
étaient vraiment eux (en référence au thème choisi)
ce qui leur a permis de trouver plus de confiance en eux.
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