b- L'improvisation
Après avoir effectué les entretiens avec les
différents artistes il a été constaté que toute
création commençait par des exercices d'improvisation qui est le
fait d'accomplir des actions sans y être préparé. Bien sur,
avant il a fallu définir un objectif, un cadre en ayant pris en compte
toutes les contraintes.
La part d'improvisation dans les créations de spectacle
n'est pas la même partout. Pour les artistes de la Bivouac Cie, les
exercices d'improvisation ont été mis en place au début de
la création du numéro d'après le thème et le
récit de base défini par la metteur en scène. En revanche
durant le spectacle aucune improvisation n'est possible, les artistes doivent
avoir mémorisé au préalable tout le spectacle (gestes,
figures), tout est fixé. Pour la metteur en scène l'improvisation
ne peut se faire que lorsqu'il y a du contact avec le public. En effet, on peut
vite jouer avec les réactions du public, elle permet une réelle
confrontation.
Pour les élèves de l'école de cirque il y
a eu des exercices d'improvisation au début lors de la première
phase de création mais ces derniers se laissaient une part
d'improvisation pendant le spectacle. Tant que l'objectif final est
gardé en tête, ils peuvent improviser. Selon eux c'est moins
contraignant, plus amusant et donne plus de confiance.
Pendant ces exercices de préparation les artistes
improvisent tout en mettant en avant leurs techniques et font ensuite le tri de
la matière après avoir filmé les différents
mouvements créés en prenant en compte la dimension
esthétique du mouvement produit ainsi que la cohérence avec le
cadre défini.
Au fil des répétitions, les gestes remplacent
les mots par réajustement grâce aux mouvements trouvés lors
d'exercices d'improvisation. Selon Jean-Pierre Ryngaert, « au lieu de
partir d'une base narrative, les improvisateurs peuvent être
stimulés par des inducteurs différenciés : un espace de
jeu, un ou plusieurs objets, l'ébauche d'un personnage, un son , un
geste, un masque à explorer. Dans ce cas la provocation au jeu est plus
efficace et la production plus ouverte, puisque, s'il y a narration, elle
naît du jeu et s'établit grâce à lui au lieu que le
jeu serve à l'illustrer. »38
c- Le jeu
Qu'est ce que jouer ?
- C'est Faire quelque chose pour se distraire, s'amuser, imiter
par jeu, manipuler distraitement...
-Faire quelque chose par jeu, par plaisanterie, qui
présente des risques, manipuler avec habileté les choses de
l'esprit et du langage.(jouer avec les mots)
En théâtre c'est :
-Représenter sur une scène. (Jouer un opéra,
un sketch, une comédie, une farce, une tragédie)
-Exercer le métier de comédien, d'acteur.
-Tenir un rôle, avoir une conduite sociale (Jouer le
personnage de...)
Après avoir étudié cette
définition la question s'est donc posée lors de l'entretien avec
l'élève de l'école de cirque afin de savoir si son travail
consistait à jouer. En effet le fait de créer est une
activité qui doit être non angoissante, agréable et non
contraignante et donc ayant des caractéristiques semblables à
celle de la définition du jeu citée précédemment.
En effet lorsque l'on fait une représentation d'un numéro,
l'artiste « joue » un rôle, il joue avec un objet, avec son
corps et cela peu présenter des risques.
38 Jean-Pierre Ryngaert, in Corvin, 2001, p. 826.
D'après les recherches déjà
effectuées, la première occasion d'une pratique proche de celle
des arts du cirque est le jeu, qui consiste pour Michel Corvin « une
action gratuite, mais organisée qui procure du plaisir »
39. On joue pour le plaisir, ce qui déclenche ce désir
peut être animé par un défi qui nous tente, un objet qui
nous attire, un exemple que l'on souhaite imiter, une compétence dont la
pratique procure du plaisir et stimule l'imaginaire. « Parfois
proposé dans un contexte éducatif, le jeu de cirque, comme celui
du théâtre, de la musique , de la danse s'apparente à
l'élaboration de ce que le psychanalyste Donald Woods Winnicott appelle
l'espace potentiel, en tant que possibilité de communication avec
soimême et avec les autres, et en définitive à une
expérience culturelle qui commence avec un mode de vie
créatif et se manifeste d'abord dans le jeu. »40 Ainsi
selon Winnicott, « Le jeu c'est la preuve continue de la
créativité, qui signifie la vie41 ».
Si l'on revient à la notion de risque et
d'équilibre/déséquilibre abordée
précédemment et présente dans la définition du jeu,
faire du cirque revient donc à transgresser d'une façon
codifiée les règles du comportement social admissible, sans
danger de réprimande, en brillant, en amusant et recevant les
admirations du public. Le regard de l'autre aiguise la sensation que l'on a de
soi.42
Ainsi, transgresser les règles et le quotidien,
rencontrer les autres et l'ailleurs, voyager, dépasser ses limites,
voici en effet ce qui nous conduit vers le cirque pour y rêver ou le
pratiquer43.
39 Goudard, Philippe, Le cirque, entre l'élan et la
chute : une esthétique du risque, p. 25.
40 Ibid. p. 25
41 WINNICOTT Donald. W, L'enfant et le monde
extérieur, p.133.
42 Goudard, Philippe, Le cirque, entre l'élan et la
chute : une esthétique du risque,p. 26.
43 Ibid. p. 24.
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