CHAPITRE 2
CADRE THEORIQUE ET REVUE DE LA LITTERATURE
2.1. CADRE THEORIQUE SUR LA LIBERALISATION
A. Les bases doctrinales de la libéralisation
agricole
Pour comprendre le fonctionnement de la libéralisation
agricole au Cameroun, il est utile au préalable de se pencher sur les
postulats économiques qui la fondent. Ce détour théorique
nous permettra de mettre en perspective les contraintes normatives
dénommées conditionnalités qui encadrent et
déterminent la politique agricole au Cameroun. Pour ce faire, l'analyse
de la doctrine économique du FMI est un préalable
nécessaire ; c'est en effet cette institution qui a lancé les
premières mesures de libéralisation au Cameroun. Jusqu'à
ce jour les réformes structurelles en vigueur au Cameroun sont
marquées de son empreinte.
1. Les postulats économiques du FMI en
matière de déséquiibre économique.
Conformément aux missions qui lui sont dévolues,
les interventions du FMI dans les économies nationales sont
motivées par le souci d'aider les pays en crise à «
résorber les déficits de la balance de paiement et de freiner
l'inflation » (Marie-France ,1990). Pour ce faire, le FMI opère
toujours préalablement une analyse des causes du
déséquilibre économique observé ; il propose des
emprunts de ressources financières à la condition que certaines
reformes structurelles soient entreprises. Ces réformes ont pour
objectif de garantir que l'économie considérée aura
désormais toutes les chances pour éviter une éventuelle
banqueroute. Dans tous les cas les réformes du FMI se fondent sur une
analyse à deux échelons complémentaires : une approche
macroéconomique conduisant à définir des stratégies
de contrôle de la demande et une analyse microéconomique
débouchant sur des actions ciblées sur l'offre.
a) L'approche macroéconomique dans l'analyse
économique du FMI.
Il s'agit d'une approche qui se fonde sur une analyse des
agrégats internes de demande globale et d'offre globale des biens, des
services et des capitaux. Elle met aussi en perspective l'analyse des
données externes relatives aux activités d'importation et
d'exportation. Pour le FMI c'est la recherche de l'équilibre global qui
est visé. La situation recommandée est l'équilibre de la
balance de paiement. Cependant, dans la démarche du FMI
c'est l'équilibre interne qui conditionne
l'équilibre externe. Pour ce faire deux instruments sont
privilégiés et emportent des conséquences en termes de
réformes proposées : il s'agit d'abord de l'instrument de la
politique monétaire. En effet, le FMI considère que si un pays
accuse un déséquilibre de la balance de paiement, ce
phénomène est le fait de l'excès d'émission
monétaire dans le pays considéré. Par conséquent,
il faut une politique monétaire restrictive pour revenir à
l'équilibre .Ce raisonnement monétariste est
complété par une analyse néo-keynésienne de
l'absorption qui fait de la demande interne le facteur principal du
déséquilibre de la balance de paiement .Un ancien directeur
général du FMI résumait cette position en affirmant que
« l'inflation et le déséquilibre de la balance de paiement
viennent l'un et l'autre de ce que la société prise dans son
ensemble cherche à se procurer plus de ressources qu'elle n'en peut
produire » ( Witteveen, 1978); dans un tel raisonnement les
déséquilibres viennent de ce qu'en plein emploi l'excès de
demande conduit à l'inflation et au déficit de la balance de
paiement. Il convient par conséquent pour revenir à
l'équilibre de compresser la demande interne à des proportions
compatibles avec les capacités de l'économie
considérée.
Selon certains auteurs le FMI serait à la fois
d'inspiration monétariste et néokeynésienne. La
théorie monétariste souligne l'importance cruciale des variables
monétaires dans la détermination des causes des
déséquilibres. Elle conduit à mettre sur pied des
politiques de contrôle du crédit et des politiques
monétaires restrictives. La théorie néokeynésienne
quant à elle analyse l'incidence des composantes de la demande globale
sur l'équilibre économique ; elle propose de contenir les
importations par compression de la demande globale. Dans tous les cas le FMI
propose l'austérité budgétaire dans son approche macro
économique.
b) L'approche microéconomique dans la perception
économique du FMI
Il s'agit d'une approche complémentaire de la
première, elle vient en réponse à la critique de
l'école structuraliste dans les années 502. Celle-ci
fonde les causes du déséquilibre de la balance de paiement sur la
structure même des économies du Sud. Ces pays sont enserrés
dans un schéma du commerce international qui les rend dépendants
de l'environnement extérieur pour leur équilibre. En fait ces
pays exportent des produits de base et importent des produits
manufacturés. Dès lors ils sont plus affectés par la
détérioration des
2 L'école structuraliste soutient que les
déséquilibres se trouvent dans les structures
particulières des économies et qu'il faut non pas « la main
invisible » d'Adam SMITH pour revenir à l'équilibre mais bel
et bien la main visible de l'Etat (SINGER ; PREBISCH ; SUNKER ; TAVARES)
termes de l'échange. De plus ces économies ont
des rigidités structurelles qui empêchent au marché de
jouer son rôle de régulateur. Les moyens de la mobilité des
facteurs et de la parfaite transparence n'étant pas réunis,
l'ajustement traditionnel par les prix est impossible. Pour les structuralistes
les réformes doivent donc s'orienter par un rôle actif de l'Etat
à renforcer les capacités de l'offre. Le FMI a
intégré dans sa démarche une partie des observations de
l'Ecole structuraliste. En réalité il s'agit plus d'une «
récupération » dans le sens où le FMI attribue ces
difficultés structurelles à une insuffisance de
l'intégration dans l'économie mondiale et à un rôle
excessif de l'Etat. Une idée force guide le FMI dans ses analyses
microéconomiques : la supériorité de la rationalité
privée sur toute autre ; d'où la tendance
généralisée au retrait de l'Etat au profit de la
libéralisation des marchés et de la privatisation des entreprises
publiques comme condition à l'accès des pays comme le Cameroun
aux prêts du FMI.
|