Chap.III L'UNION EUROPEENNE : réel acteur du
processus de réconciliation au Rwanda ?
3.1 La Politique d'intervention et de
coopération de l'UE au Rwanda
La politique européenne de développement
constitue l'un des trois éléments clés de l'action
extérieure de l'Union Européenne. Elle se manifeste dans la
coopération commerciale, le développement et les relations
politiques. En Afrique, cette politique se traduit notamment par l'accord de
coopération économique de Cotonou, révisé et
signé le 23 juin 2000.
En janvier 2000, six mois avant la rencontre de Cotonou,
différents bailleurs de fonds qui intervenaient au Rwanda se sont
réunis à Kigali pour discuter avec le gouvernement sur les
principaux secteurs qu'il fallait soutenir le plus rapidement possible. Il
était question de relancer l'économie et participer à la
résolution des conflits qui ravageaient le pays en particulier et la
Région de Grands Lacs en général depuis le
génocide.
Les représentants de l'UE étaient
présents à la réunion et avaient accepté de
soutenir la politique rwandaise surtout dans le domaine du développement
et dans plusieurs autres domaines tels que repris dans le tableau ni. La
présence de l'UE avait été moins significative durant
toute la période d'après génocide jusqu'à cette
réunion des bailleurs de janvier 2000.
Les justifications de non intervention active au Rwanda durant
cette période sont multiples même si elles relèvent de
façon globale d'une certaine réticence de la part des Etats
membres de l'Union à intervenir militairement au Rwanda pour
empêcher et arrêter le génocide ou user d'autres moyens
politiques. Pour certains d'entre eux, cela s'explique par le poids de
l'histoire, leur passé colonial
et/ou leur alliance avec les autorités rwandaises de
l'époque. Pour d'autres, c'est l'insuffisance des capacités
disponibles face à l'immensité qui ont constitué le
principal obstacle. Pour d'autres enfin, l'Afrique en général et
le Rwanda en particulier ne présentaient aucun intérêt
historique, géographique ou stratégique, et rien ne justifiait
donc objectivement que l'UE s'y investisse militairement45.
Pourtant la politique européenne de
sécurité et de défense (PESD) permet aux forces de l'UE
d'intervenir là où la paix et la sécurité mondiale
sont menacées, dans le souci de faire respecter le modèle
européen, de soutenir l'état de droit et pour affirmer les
valeurs universelles de liberté, dignité de la personne humaine,
du développement durable pour toute la planète, qui donnent une
assise à la paix du monde46. Mais il faut savoir que la
politique de l'UE en Afrique s'appuie aussi sur un équilibre entre
non-ingérence et non-indifférence. L'UE encourage
l'émergence d'une volonté commune de voir les Etats africains
jouer un rôle moteur dans la prévention et le traitement des
crises et, parallèlement soutient cette implication47.
Après la guerre et le génocide au Rwanda, l'aide
de l'Union Européenne s'est basée plus sur les refugiés
rwandais installés dans l'Est de la République
Démocratique du Congo (ex-Zaïre), action qui n'a pas plu aux
nouveaux maîtres du régime à Kigali. Plus de 80% de l'aide
humanitaire destinée au Rwanda par l'UE, était orientée
vers les camps des refugiés48. C'est après janvier
2000 que la présence de l'UE s'est manifestée dans le programme
de l'Etat rwandais.
45 Entretien avec un haut responsable de l'Union
Europeenne au Rwanda, interview du 16/02/2010 a Kigali.
46 Christian FRANCK et Genevieve DUCHENNE,
L'action extérieure de l'Union Européenne, Role global,
dimensions matérieles, aspects juridiques, valeurs.
Actes de la X3e Chaire AGC -- Glaverbel d'études
européennes, LLN, Bruyant-Academisa, 2008, p.347
47Assemblee de l'Union Europeenne, Une Politique
Européenne de Décence, Session Ordinaire, 2e Partie,
Document 1445, 17 novembre 1994. p.26-27
48 Colette BRAECKMAN, L'en jeu congolais :
L'Afrique centrale après Mobutu, Paris, Fayard, 1999.
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