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Gorbatchev et la politique soviétique 1985-1991

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par Kouassi Roger DJANGO
Université de Bouaké - Master I histoire 2010
  

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SOURCES

APPEL DU COMITE POUR L'ETAT D'URGENCE DE

L'URSS

En cette heure pénible, critique pour les destinées de notre patrie et de nos peuples, nous vous lançons un appel ! Notre grande patrie est menacée d'un danger de mort ! La politique de réformes lancée à l'initiative de Mikhaïl Gorbatchev est conçue comme le moyen de garantir un développement dynamique du pays et la démocratisation de la vie sociale, est tombée dans l'impasse pour certaines raisons. L'enthousiasme et les espérances des premiers jours ont cédé la place à l'absence de confiance, à l'apathie et au désespoir. Le pouvoir s'est aliéné la confiance populaire à tous les niveaux. L'esprit politicien a évincé de la vie sociale le souci des destinées de la patrie et du citoyen. Toutes les institutions d'Etat commencent à être bafouées de manière pernicieuse. De fait, le pays est devenu ingouvernable.

Des forces extrémistes ont émergé à la faveur des libertés accordées et ont foulé aux pieds les premiers germes de la démocratie, afin de tenter de liquider l'Union Soviétique, de démanteler l'Etat et de prendre le pouvoir à tout prix. Les résultats du référendum national sur l'unité de la patrie ont été aux pieds. La spéculation cynique sur les sentiments nationaux n'est qu'un écran pour satisfaire des ambitions. Les aventuriers politiques ne se soucient ni des malheurs traversés actuellement par les peuples, ni de leur avenir. En créant une situation de terreur politique et morale et en cherchant à se cacher derrière le bouclier de la confiance populaire, ils oublient que les liens qu'ils dénoncent et qu'ils rompent avaient été établis sur la base d'un soutien populaire bien plus large et qui, d'ailleurs, étaient passés par l'épreuve séculaire de l'histoire. Ceux qui cherchent en fait, aujourd'hui, à renverser le régime constitutionnel doivent répondre devant les mères et les pères des nombreuses victimes inter-ethniques. Ils ont sur la conscience les destinées mutilées de plus d'un demi-million de refugiés. Ils ont troublé la paix et la joie de vivre de dizaines de milliers de Soviétiques qui, hier encore, vivaient unis dans leurs familles et qui, aujourd'hui, sont devenus des parias dans leur propre demeure.

C'est au peuple de décider du régime constitutionnel à adopter et on a tenté de le priver de ce droit.

Au lieu de se soucier de la sécurité et du bien- être de chaque citoyen et de toute la société, les gens portés au pouvoir utilisent souvent ce dernier dans les intérêts étrangers au peuple et comme un moyen d'auto-affirmation ne reposant sur aucun principe. Les flots de paroles et les montagnes de déclarations et de promesses ne font qu'accentuer le peu d'actes concrets. L'inflation du pouvoir, plus redoutable que toute autre inflation, mine notre Etat, notre société. Chaque citoyen éprouve une certitude croissante en l'avenir, une profonde inquiétude au sujet de l'avenir de ses enfants.

La crise du pouvoir a eu un impact catastrophique sur l'économie. Le glissement vers le marché, chaotique et spontané, a provoqué une explosion d'égoïsme régional, corporatiste, collectif et personnel. La guerre des lois et l'encouragement des tendances centrifuges ont provoqué le dysfonctionnement d'un mécanisme économique unique qui date de plusieurs décennies. Il s'en est suivi une baisse brutale du niveau de vie de la majeure partie des Soviétiques, la prospérité de la spéculation de l'économie parallèle. Il est grand temps de dire la vérité à la population: si des mesures urgentes et énergétiques ne sont pas prises pour stabiliser l'économie, nous serons inévitablement placés, et dans un avenir très proche, devant la famine et un nouvel appauvrissement, situation d'où ne sont pas les manifestations massives de mécontentement spontané, lourdes de conséquences dévastatrices. Seuls les gens irresponsables peuvent espérer une aide de l'étranger. Aucune aumône ne résoudra nos problèmes, notre salut est entre nos propres mains. Le temps est venu de juger la crédibilité de chaque homme et de chaque organisation en fonction de son apport réel au redressement et au développement de l'économie nationale.

Depuis de nombreuses années, nous entendons de tous côtés des déclarations sur l'attachement aux intérêts de l'homme, le souci de ses droits, la protection sociale. Mais, en fait, l'homme a été humilié, bafoué dans ses droits et possibilités réelles et plongé dans le désespoir.

Toutes les institutions démocratiques créées par la volonté du peuple ont perdu, à nos yeux, prestige et efficacité, ce qui résulte des actions libérées de ceux qui, en violant grossièrement la Loi fondamentale de l'URSS, commettent pratiquement un coup d'Etat anticonstitutionnel et cherchent à accéder à une dictature personnelle illimitée. Des préfectures, des mairies et d'autres structures illégales ne cessent de remplacer ouvertement les Soviets élus par le peuple.

Une offensive a été lancée contre les droits des travailleurs. Le droit du travail, à l'enseignement, à la santé publique, au logement et au repos est mis en cause.

Même la sécurité personnelle élémentaire des gens est de plus en plus menacée. La criminalité augmente rapidement, s'organise et se politise. Le pays plonge dans un gouffre de violence, qui met en péril la santé et la vie des générations futures, n'a jamais connu dans l'histoire du pays une telle envergure. Des millions de personnes exigent que des mesures soient prises contre une criminalité tentaculaire et une immoralité inqualifiable flagrante.

La déstabilisation de la situation politique et économique, qui s'aggrave en Union soviétique, compromet nos positions dans le monde. Des notes revanchardes commencent à retentir ici et là, on exige de réviser nos frontières. On appelle même à démembrer l'Union Soviétique et à établir une tutelle internationale sur certains ouvrages et régions de notre pays. Telle est la réalité amère. Hier encore, un Soviétique qui se retrouvait à l'étranger se sentait le digne citoyen d'un Etat influent et respectable. Aujourd'hui, il est un étranger de seconde catégorie et se heurte à des attitudes de mépris ou de compassion.

La fierté et l'honneur de l'homme soviétique doivent être rétablis dans toute leur plénitude.

Pleinement conscient de la gravité de la crise qui affecte notre pays,le Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence prend sur lui la responsabilité de l'avenir de la patrie et se déclare tout à fait résolu à prendre les mesures les plus sérieuses pour faire sortir le plus vite possible l'Etat et la société de la crise.

Nous promettons d'organiser une large consultation du peuple tout entier sur le projet de nouveau Traité de l'Union. Chacun aura le droit et la possibilité de réfléchir, dans un climat serein, à cet acte extrêmement important et d'arrêter sa position en la matière, car le sort de nombreux peuples de notre grande partie dépendra de l'avenir de l'Union.

Nous entendons rétablir sans délai la légalité et l'ordre légal, mettre fin à l'effusion de sang, déclarer une guerre sans merci au monde de la criminalité et extirper les phénomènes honteux qui discréditent notre société et qui humilient les citoyens soviétiques. Nous nettoierons les rues de nos villes des éléments criminels et nous mettrons à l'arbitraire des pilleurs des biens du peuple

Nous nous prononçons pour de réels processus démocratiques et pour une politique conséquente de réformes conduisant à un renouveau de notre patrie, à une prospérité économique et sociale qui rendra capable d'occuper une place digne dans la communauté internationale des nations.

Le développement du pays ne doit pas passer par la baisse du niveau de vie de la population. L'amélioration constante du niveau de vie de tous deviendra la norme dans une société saine.

Sans négliger le renforcement et la protection des droits de l'individu, nous concentrerons notre attention sur la défense des intérêts des couches les plus vastes de la population, de ceux qui ont été tout particulièrement touché par l'inflation, par la désorganisation de la production, la corruption et la criminalité.

Tout en développant les multiples modes de production dans le domaine de l'économie nationale, nous soutiendrons l'entreprise privée en lui accordant les possibilités nécessaires au développement de la production et des services.

Notre premier souci sera le règlement des problèmes alimentaires et locatifs. Toutes les forces disponibles seront mobilisées pour satisfaire ces besoins vitaux du peuple.

Nous appelons les ouvriers, les paysans, les travailleurs intellectuels, tous les soviétiques à rétablir, dans les plus brefs délais, la discipline au travail et l'ordre, à relever le niveau de la production pour aller résolument de l'avant. Notre vie, l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, l'avenir de notre patrie en dépendent.

Nous sommes un pays épris de paix et nous nous engageons à respecter scrupuleusement tous nos engagements. Nous n'avons aucune prétention à l'égard de quiconque. Nous voulons vivre avec tous dans la paix et de l'amitié. Mais nous déclarons fermement que personne ne sera jamais autorisé à attenter à notre souveraineté, à notre indépendance et notre intégrité territoriale. On coupera énergiquement court à toute tentative de parler à notre pays en termes de diktat, d'où que cela vienne.

Des siècles de rang, notre peuple multinational a vécu, fier de sa patrie, nous n'avions pas hontes de nos sentiments patriotiques, et nous estimons naturel et légitime d'élever dans cet esprit les générations présentes et à venir de notre grande puissance.

Ne rien faire en cette heure critique pour les destinées de notre patrie signifierait endosser une responsabilité lourde de conséquences tragiques, vraiment imprévisibles. Quiconque chérit sa patrie, veut vivre et travailler dans la sérénité et la certitude, ne veut plus que se poursuivent les conflits interethniques, voit son avenir dans une patrie indépendante et prospère, doit faire le choix juste. Nous appelons tous les vrais patriotes, les gens de bonne volonté à mettre fin à cette période trouble.

Nous appelons tous les citoyens de l'Union Soviétique à prendre conscience leur devoir vis-à-vis de la patrie et à apporter tout le soutien nécessaire du Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence et aux efforts entrepris pour le pays de la crise.

Les propositions constructives provenant des organisations politiques et sociales, des collectifs de travailleurs et des citoyens seront acceptées avec reconnaissance en tant que manifestation de leur volonté patriotique agir énergiquement afin de rétablir l'amitié séculaire au sein de la famille unie des peuples frères, et de faire renaître la patrie.

Le Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS

Source : histoire secrète d'un coup d'Etat, PP.276-280

RESOLUTION DU COMITE D'ETAT POUR L'ETAT

D'URGENCE EN URSS

Afin de défendre les intérêts vitaux des peuples et des citoyens de l'Union des RSS, l'indépendance et l'intégrité territoriale du pays, de rétablir la légalité et l'ordre légal, de stabiliser la situation, de surmonter la très grave crise, et de ne pas laisser s'installer le chao, l'anarchie et une guerre civile fratricide, le Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence décide que :

1-Tous les organes du pouvoir et l'administration de l'URSS, des républiques fédérées et autonomes, des territoires, des districts, des villes, des régions, des localités, et des villages garantissent le strict respect du régime de l' l'Etat d'Urgence conformément à la Loi de l'Union des RSS  « Sur le régime juridique de l'Etat d'Urgence» et aux résolutions du Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS. En cas d'incapacité à garantir l'exécution de ce régime, les pleins pouvoirs des organes du pouvoir et l'administration correspondants sont suspendus et l'exercice de leurs fonctions est confié à des personnes spécialement mandatées par le Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS.

2-Les structures du pouvoir et de l'administration, les formations paramilitaires agissant au mépris de la Constitution et des lois de l'URSS sont dissoutes immédiatement sans délai.

3-Les lois et les décisions des organes du pouvoir et de l'administration contrevenant à la Constitution et aux lois de l'URSS sont dorénavant considérées comme nulles et non avenues.

4-L'activité des partis politiques, des organisations sociales et des mouvements de masse empêchant la normalisation de la situation est suspendue.

5- Dans la mesure où le Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS prend provisoirement en charge les fonctions du Conseil de sécurité de l'URSS, l'activité de ce dernier est suspendue.

6- Les citoyens, établissements et organisations sont tenus de remettre immédiatement toutes les armes à feu, munitions, explosifs, matériel et équipements militaires qu'ils détiennent illégalement. Le Ministère de la Défense de l'URSS, le Ministère de l'Intérieur et le KGB garantissent la stricte application de cette exigence. En cas de refus, il faut confisquer ce matériel par contrainte et engager une responsabilité pénale et administrative sévère à l'encontre des contrevenants.

7-La procurature, le Ministre des Affaires intérieures, le KGB et le Ministre de la Défense de l'URSS organisent une interaction efficace des organes juridiques et des forces armées en vue d'assurer la protection de l'ordre public et la sécurité de l'Etat, de la société et des citoyens conformément à la Loi de l'URSS « Sur le régime de l'Etat d'Urgence » et aux résolutions du Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS.

8-Les meetings, les défilés de rue, les manifestations ainsi que les grèves sont interdits.

En cas de nécessité, il faut décréter le couvre-feu, effectuer des patrouilles sur le territoire, effectuer des contrôles, prendre des mesures pour renforcer le régime frontalier et douanier.

Il faut placer sous contrôle et, si nécessaire, sous protection, les principaux ouvrages de l'Etat et les principaux ouvrages économiques, ainsi que les systèmes de survie.

Il faut barrer résolument la route à la diffusion de rumeurs provocatrices, aux actes de natures à provoquer des violations de l'ordre légal et attiser la haine interethnique, ainsi qu'à l'insoumission aux fonctionnaires qui assurent le respect du régime de l'Etat d'Urgence.

Il faut établir un contrôle sur les grands moyens d'information, en chargeant un organisme spécialement mis en place auprès du Comité d'Etat pour l'Etat d'Urgence en URSS de veiller à son application.

9-Les organes du pouvoir et de l'administration, les dirigeants des établissements et des administrations prennent les mesures pour renforcer l'organisation, rétablir l'ordre et la discipline dans tous les domaines de la vie sociale. Ils assurent le fonctionnement normal de toutes les entreprises dans tous les secteurs de l'économie sociale, appliquent rigoureusement les mesures destinées à préserver et à rétablir, durant la période de stabilisation, les liens verticaux et horizontaux entre les sujets économiques sur l'ensemble du territoire de l'URSS, font respecter scrupuleusement les plans établis de productions, de livraisons de matières premières, de matériaux et composants.

Il faut instaurer et maintenir un régime d'économie rigoureuse des moyens matériels et techniques ainsi que des devises, élaborer et mettre en oeuvre des mesures concrètes pour lutter contre l'incurie et le gaspillage des biens du peuple.

Il faut lutter énergiquement contre l'économie parallèle, appliquer invariablement des mesures de responsabilité pénale et administrative dans les cas de corruption, de viol, de spéculation, de refus frauduleux de vente, d'incurie et dans tout autre cas de crime économique.

Il faut réunir les conditions susceptibles d'accroître l'apport réel de toutes les réformes d'entreprises, développés en conformité avec les lois de l'Union des RSS, potentiel économique du pays et à la garantie de besoins vitaux de la population.

10- Il faut considérer comme incompatible le cumul de fonctions permanentes au sein des structures du pouvoir et de l'administration avec les activités d'entreprise.

11-Le cabinet des ministres de l'URSS procède, dans un délai d'une semaine, à l'inventaire de toutes les ressources alimentaires et articles industriels de première nécessité disponible et informe le peuple des biens dont dispose le pays. Il établit un contrôle extrêmement strict afin d'en assurer la protection et la distribution.

Il faut lever toutes les restrictions faisant obstacle à l'acheminement sur le territoire de l'URSS des denrées alimentaires et des produits de consommation courante, ainsi que des matières premières nécessaires à leur production. L'application de cette disposition fera l'objet d'un contrôle rigoureux.

Une attention particulière sera accordée au ravitaillement en priorité des crèches, jardins d'enfants, orphelinats, établissements scolaires et universitaires, hôpitaux, ainsi que des retraités et invalides.

Des propositions seront faites, dans un délai d'une semaine, concernant le réajustement, le gel et la réduction des prix de certains produits alimentaires et industriels, en premier lieu des aliments pour enfants, des services courants et de la restauration publique, concernant également l'augmentation des salaires, retraites, allocations et compensations versés aux différentes catégories de la population.

Il faut dans un délai de quinze jours élaborer des mesures concernant le réajustement des salaires des dirigeants de tous niveaux travaillant dans l'administration, les établissements publics, les coopératives et autres entreprises et sociétés.

12-Compte tenu de la situation critique de la récolte et la menace de faim, des mesures exceptionnelles seront adoptées en vue d'organiser le stockage et la transformation des produits agricoles. Il faut accorder aux agriculteurs toute l'aide possible en machines, pièces de rechanges, carburants et lubrifiants, etc. Il faut assurer dans l'immédiat l'envoi à la campagne, en quantités suffisantes, d'ouvriers et employés des entreprises et sociétés, d'étudiants et de soldats.

13-Le cabinet des ministres de l'URSS élabore, dans un délai d'une semaine, un arrêté prévoyant l'octroi en 1991-1992 à tous les citadins qui le souhaitent des lopins de 0,15 ha pour entretenir un jardin ou un potager.

14- Le Cabinet des ministres de l'URSS s'achève, dans un délai de quinze jours, l'élaboration de mesures urgentes pour combattre la crise dans le complexe énergétique et préparer l'hiver.

15-Pour 1992 des mesures seront élaborées et communiquées au peuple, dans un délai d'un mois, en vue d'améliorer considérablement la construction de logements et accroître le parc locatif.

Un programme concret, échelonné sur cinq ans sera élaboré, dans un délai de six mois, prévoyant l'accélération de la construction de logements d'Etat, les coopératives ou les particuliers.

16-Les organes du pouvoir et de l'administration, tant au centre que localement, accordent la priorité aux besoins sociaux de la population. Il faut trouver des moyens susceptibles d'améliorer nettement l'assistance médicale et l'enseignement public gratuit.

Source : histoire secrète d'un coup d'Etat, PP.282-285

Discours de démission de Mikhaïl Gorbatchev le

25 décembre 1991

Dans une allocution à la télévision, Mikhaïl Gorbatchev annonce sa démission. Le lendemain, l'URSS est formellement dissoute

Chers compatriotes, chers concitoyens.

En raison de la situation qui prévaut actuellement, je mets fin à mes fonctions de président de l'URSS. En cette heure difficile, pour moi et pour tout le pays, alors qu'un grand Etat cesse d'exister, je reste fidèle à mes principes, qui m'ont inspiré dans la défense de l'idée d'une nouvelle union.

J'ai défendu fermement l'autonomie, l'indépendance des peuples, la souveraineté des républiques. Mais je défendais aussi la préservation d'un Etat de l'Union, l'intégrité du pays. Les évènements ont pris une tournure différente. La ligne de démembrement du pays et la dislocation de l'Etat a gagné, ce que je ne peux accepter car j'y vois de grands dangers pour nos peuples et pour toute la communauté mondiale. Et après la rencontre d'Alma-Ata, ma position sur ce sujet n'a pas changé.

Néanmoins, je ferai tout mon possible pour que les accords qui y ont été signés conduisent à une entente réelle dans la société et facilitent la sortie de la crise et le processus des réformes. Je veux encore une fois souligner que, durant la période de transition, j'ai tout fait de mon côté pour préserver un contrôle sûr des armes nucléaires.

M'adressant à vous pour la dernière fois en qualité de président de l'URSS, j'estime indispensable d'exprimer mon évaluation du chemin qui a été parcouru depuis 1985. D'autant qu'il existe sur cette question beaucoup d'opinions contradictoires, superficielles et non objectives. Le destin a voulu qu'au moment où j'accédais aux plus hautes fonctions de l'Etat, il était déjà clair que le pays allait mal. Tout ici est en abondance : la terre, le pétrole, le gaz, le charbon, les métaux précieux, d'autres richesses naturelles, sans compter l'intelligence et les talents que Dieu ne nous a pas comptés, et pourtant nous vivons bien plus mal que dans les pays développés, nous prenons toujours plus de retard par rapport à eux.

La raison en était déjà claire : la société étouffait dans le carcan d'un système administratif de commande. Condamnée à servir l'idéologie et à porter le terrible fardeau de la militarisation à outrance, elle était à la limite du supportable. Toutes les tentatives de réforme partielle -et nous en avons eu beaucoup- ont échoué l'une après l'autre. Le pays perdait ses objectifs. Il n'était plus possible de vivre ainsi. Il fallait tout changer radicalement.

C'est pourquoi je n'ai pas regretté une seule fois de ne pas m'être servi du poste de secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique uniquement pour "régner" quelques années. Je l'aurais jugé irresponsable et amoral.

Je comprenais qu'entamer des réformes d'une telle envergure et dans une société comme la nôtre était une oeuvre de la plus haute difficulté et, dans une certaine mesure, risquée. Mais il n'y avait pas de choix. Aujourd'hui encore je suis persuadé de la justesse historique des réformes démocratiques entamées au printemps 1985. Le processus de renouvellement du pays et de changements radicaux dans la communauté mondiale s'est avéré beaucoup plus ardu qu'on aurait pu le supposer. Néanmoins, ce qui a été fait doit être apprécié à sa juste valeur.

La société a obtenu la liberté, s'est affranchie politiquement et spirituellement. Et ceci constitue la conquête principale, encore insuffisamment appréciée, sans doute parce que nous n'avons pas encore appris à nous en servir. Mais aussi parce que le chemin de la liberté, que nous avons emprunté il y a six ans, s'est avéré épineux, incroyablement difficile et douloureux.

Néanmoins, une oeuvre d'une importance historique a été accomplie : le système totalitaire, qui a privé le pays de la possibilité qu'il aurait eue depuis longtemps de devenir heureux et prospère, a été liquidé. Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Les élections libres, la liberté de la presse, les libertés religieuses, des organes de pouvoir représentatifs et le multipartisme sont devenus une réalité. Les droits de l'homme sont reconnus comme le principe suprême. La marche vers une économie multiforme a commencé, l'égalité de toutes les formes de propriété s'établit. Dans le cadre de la réforme agraire, la paysannerie a commencé à renaître, le fermage est apparu, des millions d'hectares sont distribués aux habitants des villages et des villes. La liberté économique du producteur est entrée dans la loi, la liberté d'entreprendre, la privatisation et la constitution de sociétés par actions ont commencé à prendre forme.

En dirigeant l'économie vers le marché, il est important de rappeler que le pas est franchi pour le bien de l'individu. Dans cette époque difficile, tout doit être fait pour sa protection sociale. Nous vivons dans un nouveau monde : la "guerre froide" est finie, la menace d'une guerre mondiale est écartée, la course aux armements et la militarisation insensée qui ont dénaturé notre économie, notre conscience sociale et notre morale sont stoppées. Nous nous sommes ouverts au monde, nous avons renoncé à l'ingérence dans les affaires d'autrui, à l'utilisation des forces armées en dehors du pays. En réponse, nous avons obtenu la confiance, la solidarité et le respect.

Nous sommes devenus un des piliers principaux de la réorganisation de la civilisation contemporaine sur des principes pacifiques et démocratiques. Les peuples, les nations ont obtenu une liberté réelle pour choisir la voie de leur autodétermination. Les efforts pour réformer démocratiquement l'Etat multinational nous ont conduits tout près de la conclusion du nouvel accord de l'Union.

Tous ces changements ont provoqué une énorme tension, et se sont produits dans des conditions de lutte féroce, sur un fond d'opposition croissante des forces du passé moribond et réactionnaire, des anciennes structures du parti et de l'Etat et de l'appareil économique, ainsi que de nos habitudes, de nos préjugés idéologiques, de notre psychologie nivellatrice et parasitaire. Ils se sont heurtés à notre intolérance, au faible niveau de culture politique et à la crainte des changements. Voilà pourquoi nous avons perdu beaucoup de temps.

L'ancien système s'est écroulé avant que le nouveau ait pu se mettre en marche. Et la crise de la société s'est encore aggravée. Je connais le mécontentement qu'engendre l'actuelle situation difficile, les critiques aiguës exprimées à l'encontre des autorités à tous les niveaux et à l'égard de mon action. Mais je voudrais souligner encore une fois : des changements radicaux, dans un pays si grand et avec un tel héritage, ne peuvent se dérouler sans douleur, sans difficultés et sans secousses.

Le putsch d'août a poussé la crise générale jusqu`à ses limites extrêmes. Le pire dans la crise est l'effondrement de l'Etat. Et après la rencontre d'Alma-Ata, je demeure inquiet. Je suis inquiet de la perte pour nos compatriotes de la citoyenneté d'un grand pays, un fait dont les conséquences peuvent se révéler très graves pour tous. Conserver les conquêtes démocratiques de ces dernières années est pour moi d'une importance vitale. Elles sont le fruit douloureux de notre histoire. On ne peut y renoncer sous aucun prétexte. Dans le cas contraire, tous les espoirs d'un avenir meilleur seraient enterrés.

Je parle de tout cela avec honnêteté et franchise. C'est mon devoir moral. Je veux exprimer ma reconnaissance à tous les citoyens qui ont soutenu la politique de renouvellement du pays, qui se sont impliqués dans la mise en oeuvre des réformes démocratiques. Je suis reconnaissant aux hommes d'Etat, personnalités de la vie politique et sociale, aux millions d'hommes à l'étranger, à ceux qui ont compris nos desseins. Les ont soutenus, sont venus à notre rencontre, pour une coopération sincère avec nous.

Je quitte mon poste avec inquiétude. Mais aussi avec espoir, avec la foi en vous, en votre sagesse et en votre force d'esprit. Nous sommes les héritiers d'une grande civilisation, et, à présent, il dépend de tous et de chacun qu'elle ne parte pas en fumée mais renaisse pour notre joie et celle des autres. Je veux de toute mon âme remercier ceux, qui durant toutes ces années, ont défendu à mes côtés une cause juste et bonne. Je suis persuadé que tôt ou tard nos efforts communs porteront des fruits, et que nos peuples vivront dans une société démocratique et prospère. Je me démets de mes fonctions de président.

Je vous souhaite à tous tout le bien possible.

Traduction AFP

Source : www. Colisee.fr

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon