Les implications juridiques du transfert des affaires du Tribunal Pénal International pour le Rwanda devant les juridictions rwandaises( Télécharger le fichier original )par Jean Maurice Mugabonabandi Université nationale du Rwanda - Bachelor's degree 2008 |
INTRODUCTION GÉNÉRALELa question du transfert des affaires du TPIR devant les juridictions rwandaises qui est une des conséquences de la fermeture des portes du TPIR n'a pas été précisée lors de sa création par la Résolution 955 du Conseil de Sécurité des Nations Unies1(*). La pérennisation du TPIR n'a pourtant jamais été souhaitée. Le transfert des affaires du TPIR est devenu une option pertinente pour respecter les délais qui lui sont impartis. L'idée du transfert a vu le jour dans l'impératif catégorique de la Résolution 1503 du Conseil de Sécurité qui fixait la fin des procès de première à l'horizon 2008 et l'ensemble de ses travaux en 20102(*). Le Conseil de Sécurité demandait ainsi à la communauté internationale d'aider les juridictions nationales à renforcer leurs capacités afin de pouvoir connaître des affaires transférées par le TPIR3(*). Partant de cette exigence, certains pays désireux de recevoir les affaires du TPIR y compris le Rwanda, ont commencé à aménager leurs législations nationales afin de l'adapter aux exigences internationales. C'est dans le même ordre d'idée qu'en 2007, le Rwanda a adopté une loi organique portant abolition de la peine de mort et la Loi Organique relative au renvoi vers le Rwanda des affaires par le TPIR et autres États. Ainsi, devant le TPIR depuis 2006, plusieurs dossiers relatifs à des enquêtes en cours ou à des accusés déjà incarcérés étaient progressivement transférés vers les juridictions nationales. En 2007, les actes d'accusation de Laurent Bucyibaruta et Wenceslas Munyeshyaka ont été transférés vers la France4(*). Néanmoins et en raison de l'absence de la compétence matérielle, la Chambre de première instance III a rejeté la requête du procureur visant à transférer Michel Bagaragaza vers la Norvège5(*). De même, n'étant pas convaincue que les accusés recevront un procès équitable et que l'emprisonnement avec isolement ne serait pas appliqué, trois chambres de première instance du TPIR ont rejeté des requêtes du procureur visant à transférer différents accusés (Yussuf Munyakazi, Gaspard Kanyarukiga, et Ildephonse Hategekimana) vers le Rwanda6(*). Lorsque nous parlons des transferts des affaires du TPIR devant les juridictions rwandaises, il convient de souligner que le transfert des affaires doit être entendu ici au sens de renvoi d'actes d'accusations confirmés du TPIR devant les juges Rwandais. Notre problématique est principalement axée sur une question essentielle: quels sont les enjeux, le fondement et les perspectives du transfert des affaires du TPIR devant les juridictions rwandaises ? Cette question principale se subdivise en trois questions secondaires : Quels sont les principes applicables au transfert des affaires du TPIR au Rwanda ? Comment les tribunaux nationaux rempliraient-ils leur mandat et qui assurera la garantie d'un procès équitable devant les juridictions rwandaises? Quels sont les obstacles pouvant empêcher le transfert des affaires du TPIR devant les juridictions Rwandaises ? III. HYPOTHÈSESComme hypothèse principale, nous disons que le transfert des affaires du TPIR devant les juridictions rwandaises est consacré par l'article 11 bis du RPP du TPIR. Cet article 11 bis évolue au fil des ans et réside fondamentalement dans le potentiel de l'entraide répressive internationale. La réussite du transfert est subordonnée à deux facteurs: l'inexistence de la peine de mort et la garantie d'un procès juste et équitable devant les juridictions rwandaises. Enfin, le transfert des affaires du TPIR devant les juridictions nationales pourrait déboucher sur une abondante jurisprudence, applicable au développement du droit international humanitaire. Le choix de ce sujet était fondamentalement motivé par l'importance que l'actualité juridique internationale accorde au transfert des affaires du TPIR vers le Rwanda. L'un des problèmes que pose la question du transfert est de savoir si la législation rwandaise a aménagé la protection des droits des accusés relatif au procès équitable et que la peine de mort ne serait ni prononcée ni appliquée tel que prévus par les standards internationaux. La matière évoluant rapidement, notre étude intègre les développements factuels, juridiques ou doctrinaux afin de mûrir la réflexion engagée au sein de la communauté des juristes pour explorer pourquoi le transfert des affaires du TPIR vers les instances rwandaises n'est pas opérationnel. Durant notre étude, nous avons utilisé deux méthodes: la méthode exégétique et la méthode comparative. La méthode exégétique nous a permis d'interpréter et d'analyser les dispositions statutaires et réglementaires applicables devant le TPIR en rapport avec la problématique de transfert des affaires devant les juridictions rwandaises. C'est grâce à cette méthode que nous allons puiser dans la jurisprudence du TPIR et du TPIY, la doctrine, les publications des juristes, les matériaux documentaires et les conventions internationales. La méthode comparative nous a permis de comprendre comment l'article 11 bis du TPIY a été appliqué par rapport à celui du TPIR. Nous nous limiterons au renvoi des actes d'accusations vers le Rwanda sans faire allusion au transfert des dossiers d'enquêtes et autres moyens de preuves. Dans le but de vérifier nos hypothèses, nous tenterons de mettre en lumière les enjeux juridiques que le mécanisme de « délocalisation » implique pour le TPIR autour de deux axes : le premier chapitre exposera les fondements juridiques et la mise en ouvre du transfert des affaires du TPIR devant les juridictions nationales ; le second chapitre examinera les défis du transfert des affaires du TPIR devant les juridictions Rwandaises. * 1 Voy. Résolution S/RES/955 (1994) du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, par.1 : `Décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu'il a reçu du Gouvernement rwandais (S/1994/1115) , de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables de la violation grave du Droit international humanitaire commis sous le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés de tel actes ou violation commis sous le territoire des États voisins, entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994, et d'adopter à cette fin le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda annexé à la présente résolution'. * 2 Voy. Résolution S/RES/ 1503 (2003) du 28 août 2003 du Conseil de Sécurité des Nations Unies: Le Conseil de Sécurité a demandé au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et au Tribunal pénal international pour le Rwanda de prendre toutes mesures en leur pouvoir pour mener à bien les enquêtes à la fin de 2004, achever tous les procès en première instance à la fin de 2008 et terminer leurs travaux en 2010 * 3 Idem, par.1. * 4 Procureur c. Laurent Bucyibaruta, Affaire n° ICTR-2005-85-I (Chambre de première instance), Décision relative à la requête du procureur aux fins de renvoi de l'acte d'accusation contre Laurent Bucyibaruta aux autorités françaises, 20 novembre 2007. : « ORDONNE que l'affaire le Procureur c. Laurent Bucyibaruta soit renvoyée aux autorités françaises, à charge pour celles-ci d'en saisir immédiatement la juridiction compétente dans leur État » ; Procureur c Wenceslas Munyeshyaka, Affaire n° ICTR-2005-87-I, (Chambre de première instance), Décision relative à la requête du procureur aux fins de renvoi de l'acte d'accusation contre Wenceslas Munyeshyaka aux autorités françaises 20 novembre 2007, « ORDONNE que l'affaire le Procureur c. Wenceslas Munyeshyaka soit renvoyée aux autorités françaises, à charge pour celles-ci d'en saisir immédiatement la juridiction compétente dans leur État ». * 5 Procureur c. Michel Bagaragaza, Affaire n° TPIR/98/44/AR11 bis (Chambre d'appel), Decision on Rule 11bis Appeal, 30 Août, 2006. * 6 Procureur c. Yussuf Munyakazi, Affaire n°TPIR/97/36/11bis, (Chambre de première instance), Décision sur la requête du procureur de renvoyer l'affaire à la République du Rwanda, 28 mai 2008, par.67: « The chamber is not satisfied that the accused,if transferred to Rwanda at the time, would receive a fair trial ». Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Affaire no ICTR-2002-78-R11bis, Décision sur la requête du procureur de renvoyer l'affaire à la République du Rwanda, 6 juin 2008, par.104 ; Procureur c. Ildelphonse Hategekimana, Affaire n° TPIR-00-55B-I (chambre de première instance), Décision sur la requête du procureur de renvoyer l'affaire à la République du Rwanda, 19 Juin 2008, par.78. |
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