CHAPITRE 3
ENCLAVEMENT ET DEVELOPPEMENT DANS LES ZONES RURALES
D'AFRIQUE SUBSAHARIENNE : Analyse thématique de la bibliographie
analytique.
L'approche bibliographique de la question de l'enclavement des
contrées rurales en Afrique subsaharienne nous a permis de
présenter les ouvrages recensés et qui de part leur titre, leur
résumé ou leur contenu peuvent nous éclairer dans la
perspective de nos travaux de thèse. Ainsi, après avoir
présenté ces ouvrages, exposé les thématiques
développées dans ceux que nous avons pu consulter dans ce que
nous avons appelé respectivement bibliographie signalétique puis
analytique, il devient nécessaire à partir des grands axes
thématiques de mener une analyse synthétique à travers
laquelle nous essayerons de montrer en quoi ces écrits que nous avons
présentés puis consultés participent au recadrage de notre
travail actuel et futur dans le débat scientifique se rapportant
à notre problématique centrale.
Au terme de nos lectures, que suscitent en nous les nombreux
thèmes abordés par les uns et les autres ? Quels apports et
quelles insuffisances se dégagent du contenu de ces lectures ?
Bref, quelle place occupe notre étude dans le contexte de la recherche
actuelle en géographie ?
L'éclaircissement des différents concepts se
rapportant à l'approche conceptuelle et méthodologique, la
considération des principaux traits physiques et humains de l'Est des
Plateaux au Togo, un pays en Afrique au sud du Sahara, la présentation
de l'enclavement et des contours du développement dans les zones rurales
qui en souffrent permettront de mettre en exergue tous les
éléments relatifs aux réponses susceptibles
d'élucider les interrogations sus énoncées.
3.1. QUELLE APPROCHE CONCEPTUELLE
ET METHODOLOGIQUE POUR ETUDIER L'INSERTION SPATIALE DES SOCIETES DANS LES
RESEAUX ?
En dépit de l'existence d'une méthodologie
commune aux sciences humaines et plus encore aux études
géographiques, il important dans le cadre de l'approche que nous menons
sur les zones rurales enclavées de clarifier certains concepts afin de
mieux en préciser le sens d'une part et de définir une
méthodologie en parfaite adéquation avec la problématique
centrale du sujet.
3.1.1. Zone rurale, zone enclavée : de la
difficulté d'une définition conceptuelle à la
nécessite d'une délimitation spatiale et/ou statistique
Défini comme une représentation mentale et
abstraite, le concept est une construction intellectuelle des
phénomènes et pratiques au monde. En tant que tel, un concept n'a
de sens que dans une problématique précise et en
géographie plus particulièrement, toute une série de
concepts aident à comprendre le monde et ses pratiques car
« la géographie, science sociale, fait appel à un
certain nombre de notions et de concepts. Les concepts ne se présentent
jamais isolés mais toujours en interaction, prenant leur sens au sein
d'un réseau conceptuel dont la hiérarchie change avec la
situation, l'éclairage que l'on veut donner, le problème que l'on
pose, les hypothèses que l'on émet en un kaléidoscope
recréé à chaque situation analysée »
(Cours de DEA 2006, page 11). On voit donc l'importance de notre
démarche qui consiste à préciser le sens que prendront
certains fondamentaux dans le cadre de notre étude. Et, puisque
l'étude spatiale plus que toute autre étude en géographie
nécessite de nouveaux outils conceptuels, autant dire que des
précisions terminologiques s'imposent. Il est essentiellement question
eu égard à la polysémie et à la
transdisciplinarité des concepts d'en préciser les limites
statistiques ou/et spatiale en vue de distinguer d'une part le rural de
l'urbain et d'une autre l'enclavé du désenclavé.
Toutefois, plusieurs autres concepts entrent dans l'analyse de notre sujet.
Quels sont les concepts fondamentaux entrant dans le cadre de
notre étude ? Que revêtent-ils par rapport à tout ce
que nos devanciers en ont dit ? Voilà présentées les
interrogations qui vont constituer le ciment du chapitre présent.
1-
Aménager
Ce verbe se dit de la préparation, de l'organisation en
vue d'une utilisation précise. Dans le sens d'aménagement, le
concept est entré dans le vocabulaire géographique comme action
concertée en vue d'une amélioration certaine. Il a pris ses
premiers sens en Europe au XVIIIième siècle et s'est
vu rapidement se rapporter au territoire. On a donc pu parler de
l'aménagement du territoire. C'est dans ce sens précis que nous
faisons usage de ce concept pour traduire toute action pouvant consister
à construire des infrastructures de communication et de
télécommunication en vue du désenclavement d'un
territoire. Qu'est-ce que le territoire alors ?
2-
Territoire
Employé pour désigner une étendue de
terre sur lequel vit un peuple, le territoire est de plus en plus perçu
au-delà de son caractère physique et n'est plus qu'une simple
étendue de terre. Le territoire va donc au-delà et prend la
connotation de l'expression vivante des rapports entre l'homme et son milieu ou
mieux du « lien intime qu'une société au fil du
temps et par une somme ininterrompue d'efforts d'aménagement, noue avec
l'espace » (d'Angio R. 2000). Cette conception se perçoit
très bien à travers les formules « tout groupe
social aménage un espace x qui devient un territoire y »
ou encore « le territoire c'est le passé des hommes
enraciné dans un espace ».
Dans le cadre de notre étude, par-dessus les usages que
nous ferons du concept d'aménagement du territoire, nous concevrons
notre analyse de l'enclavement à partir d'une considération de
type nouveau. Il s'agira d'user du territoire comme un fait socioculturel qui
s'intègre à la compétition économique
imposée par la mondialisation et qui contraint tout espace à
s'insérer dans un ensemble de relations que nous appellerons
réseaux. Il en découle une orientation qui rendra le concept
fécond, opératoire et qui en fera le pivot autour duquel
graviterons d'autres comme le milieu géographique, le paysage ou la
région, qui ne sont que des déclinaisons scalaires à
travers le temps et l'échelle et auxquels s'ajouteront ceux de
réseaux, théories, modèles, ... Aménager le
territoire, qu'est-ce que c'est ?
3- Aménagement du
territoire
Il désigne l'ensemble des actions concertées
entreprises en vue de créer un certain équilibre dans
l'organisation d'un territoire. En tant que science, l'aménagement du
territoire a vu le jour en Grande Bretagne à la suite de la
Révolution Industrielle du XVIIIième siècle en
vue de rendre les villes qui s'emplissaient de nouveaux travailleurs des
industries plus belles. En France, il se formalise seulement dans les
années 50 avec comme déclic l'ouvrage de Gravier J. en 1947,
Paris et le désert français. Ici, il vise
essentiellement à partir de l'autorité de l'aménagement du
territoire rattaché au Ministère de la reconstruction
d'après-guerre à réduire les disparités entre Paris
la capitale nationale et les autres capitales provinciales comme Lyon,
Marseille, Bordeaux ...
En Afrique, l'aménagement du territoire a vu le jour
avec le fait colonial et la volonté des colons d'équiper les
colonies en infrastructures devant faciliter leur pacification et leur
exploitation économique. Il s'est traduit dans les faits par la
construction des routes, des chemins de fer et autres infrastructures pouvant
faciliter les échanges entre les régions, les pays, ...
(Aloko-N'guessan J. 2001).
A l'échelle nationale, le Togo à l'instar des
autres pays africains comme la Côte d'Ivoire, s'est doté de
politiques d'aménagement du territoire après son
indépendance. On a ainsi assisté à la répartition
du territoire national en cinq régions dites économiques,
à l'exécution de quelques projets à consonance
régionale (FED Kara) ou nationale (construction de routes), quelques
fois internationale (construction de la route Lagos, Cotonou, Lomé,
Accra et du barrage de Nangbéto) dans le compte des regroupements
sous-régionaux. Dans le cadre de notre étude,
l'aménagement du territoire ressemble davantage au processus de
désenclavement au profit des zones rurales. A quoi s'identifie le
rural ?
4-
Rural
Larousse avance que rural est employé pour
désigner tout ce qui est relatif à la campagne et aux personnes
qui y vivent. Néanmoins, dans le contexte géographique, le sens
de ce concept devient de plus en plus ambigu avec les nombreuses mutations qui
s'opèrent dans le monde urbain par rapport auquel l'on perçoit la
campagne. C'est d'ailleurs ce qui nous fait dire à la suite Balima M.
(2005) que « de plus en plus de citadins acquièrent un
patrimoine foncier rural. Les villes se ruralisent tandis que les campagnes
s'urbanisent » page 21.
En fait, les définitions usuelles du rural le
considèrent comme un espace s'opposant simplement à la ville. Il
serait alors aux dires de Schmitt B. et Goffette-Nagot F. (2000)
« un espace à faible densité de population, aux
sols peu artificialisés, à forte prégnance
agricole ». Autant dire que tous les auteurs s'accordent
à dire que le rural se différencie nettement de ce qui est urbain
par des faits autant physiques qu'humains (Balima M. 2005, Kola E. 2005,
Cabanne 1984 et Grawitz M. 1999). Il se dégage alors une
unanimité qui évoque entre autres éléments de
réflexion des mécanismes économique, culturel et social
qui rendent compte de la dispersion dans l'espace des populations et des
activités. Le rural va servir tout au long de cette étude
à désigner les milieux différents des villes et où
s'exercent en priorité des activités agricoles. C'est d'ailleurs
dans cet espace que s'inscrit notre environnement d'étude qui en
dernière analyse présente un type de paysage agraire. Qu'est-ce
alors un paysage agraire ?
5-
Paysage agraire
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