CHAPITRE 2
BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE
La présentation d'une bibliographie analytique fait
penser comme le précise le dictionnaire Larousse à une analyse du
contenu des ouvrages indiqués plus haut dans la bibliographie
signalétique. Cet exercice bien souvent difficile permet de faire un
bilan des connaissances sur la question étudiée afin de pouvoir
parfaire le cadre conceptuel et méthodologique de la recherche
effectuée puisque « une recherche documentaire bien faite
permet de réaliser une analyse fouillée et critique des travaux
déjà effectués sur le sujet
d'étude » (Gumuchian H. et Marois C. 2000, page 123).
Mais à ce stade de notre travail, il n'est pas possible
de faire une présentation exhaustive des ouvrages indiqués plus
loin. Il sera ainsi question de quelques documents (ouvrages, articles,...)
sélectionnés selon deux critères qui nous ont paru
importants. D'une part la disponibilité du document et d'une autre sa
pertinence par rapport au stade de la recherche. Les autres seront
consultés par la suite durant tout le temps que durera la
réalisation des travaux de la thèse.
En tout état de cause, nous aborderons cet aspect de
notre travail en nous inspirant des thématiques tel qu'elles ont
été présentées dans la précédente
partie. Ainsi, après avoir présenté la quasi inexistence
de « querelles épistémologiques en
géographie » qui aurait pu rendre complexe la
définition d'une approche conceptuelle et méthodologique
singulière et rencontrant l'approbation de tous dans le cadre d'un
travail de recherche dans cette discipline, nous présenterons les
éléments de l'analyse de l'espace géographique dans lequel
se déroule l'étude. Du Plateaux Est à l'Afrique
subsaharienne en passant par le Togo dans son ensemble, l'évidence de
trois espaces géographiques imbriqués l'un dans l'autre avec des
réalités physiques, humaines et économiques diverses se
dégagera. C'est à la suite que suivra la définition du
monde rural, son aménagement et les contours de son développement
avant de clore cette section par la problématique centrale de notre
sujet : l'enclavement en zone rurale. Il s'agit dans cette ultime partie
de présenter les perceptions des uns et des autres sur les implications
sociales, culturelles et économiques du phénomène de
l'isolement des campagnes d'Afrique subsaharienne.
2.1. APPROCHE CONCEPTUELLE ET METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
GEOGRAPHIQUE DE L'INSERTION SPATIALE DES SOCIETES : UN DEFIS QUASI
INEXISTANT
La géographie, étude de l'espace, de son
organisation et de son fonctionnement ou mieux science de l'organisation et de
la différenciation de l'espace (Gumuchian H. et Marois C 2000) est la
science qui depuis des siècles s'est intéressée aux
nombreux problèmes des sociétés. De ce fait, elle a,
durant les époques, changé d'objet central. Ainsi elle est
passée de la science du dessin de la terre à celle des
territoires (Brunet R. 1990). Dans cette logique, quand Ritter C. énonce
au XIXième siècle que la géographie est une
discipline empirique à la recherche d'hypothèses et de lois
(Ritter C. 1859), il n'a pas plus raison que Claval P. qui avance que c'est la
science de l'organisation de l'espace qui ne se limite pas à la
description mais à la recherche de l'explication (Claval P. 1993). Quoi
qu'il en soit, la véritable préoccupation de la géographie
de nos jours reste le bien-être ou mieux encore les questions synonymes
de celles des sociétés desquelles sont issues les
géographes. C'est d'ailleurs pourquoi à travers le temps, les
questions de l'espace ont pris de l'ampleur dans les études
géographiques au point où on a pu parler, pour emprunter les mots
d'un géographe contemporain d'« une science sociale ayant
comme objet central l'espace et/ou le territoire qui n'a pas renoncé
pour autant à prendre en compte, tant en matière de
réflexion que d'action, les faits naturels constitutifs du
territoire », (Bertrand G.1992).
Eu égard à cette orientation, la
géographie doit s'intéresser aux faits naturels en se laissant
imposer une approche méthodologique et des outils qui autrefois
pouvaient paraître inappropriés pour un géographe. De cette
volonté d'appréhender la complexité socio-spatiale sur la
base des concepts centraux énoncé par Bertrand G. (1992)
(Géosystème, territoire, paysage) naît une démarche
méthodologique appropriée.
Comment les géographes abordent-ils les études
des questions spatiales ? Y a-t-il une approche dominante qui se
dégage de toutes celles qui ont été
proposées ? Peut-on parler d'une unité conceptuelle et
méthodologique en matière d'analyse des faits spatiaux ? La
question de l'enclavement relève-t-elle de l'analyse de l'insertion
spatiale des sociétés ? Doit-on nécessairement
entreprendre son analyse selon la dichotomie
enclavement/désenclavement ?
La question de la démarche méthodologique et de
l'approche conceptuelle dans l'analyse de la question de l'enclavement qui
elle-même s'inscrit dans la réflexion sur l'insertion spatiale des
sociétés (Debrie J. & Steck B. 2001) requiert à tous
égards une singularité qui, aux dires des uns et des autres
semble donner naissance à une nouvelle façon de concevoir et
d'étudier l'espace en géographie. Il est question en effet
d'aborder la problématique enclavement/développement selon une
approche qui fait appelle à une tendance singulière de la
géographie ; tendance qui a prévalue depuis la fin des
années 70 et au début des années 80 avec pour point de
mire le courant humaniste selon lequel toute géographie repose sur des
représentations, des codes et des langages « qui
valorisent certains caractères du réel plutôt que d'autres
et qui se meuvent dans les limites parfois étroites de la pratique
sociale ... », (Bailly A. et Béguin, 1993).
Ainsi, la géographie au XXIième
siècle apparaît comme un ensemble de facettes
caractérisé par « une spécialisation
disciplinaire, un intérêt constant pour les méthodes et les
techniques tant quantitatives que qualitatives, (...) par une géographie
dite active à la recherche de nouvelles thématiques, proposant
même des solutions en matière de gestion de l'espace par
exemple » (Schaefer F. K. 1953). La polémique positiviste
qui a donné naissance à ce courant trouve ses origines dans la
visée nomothétique des années 50 aux Etats-Unis où
Schaefer F. K. dénonce « l'exeptionalisme »
d'une géographie qui doit avoir une méthode spécifique
parce que discipline « intégratrice » ou
« science de synthèse aux objets relevant de
l'unicité, à l'opposé des sciences
systématiques » (Schaefer F. K. 1953).Il reconnaît
donc volontiers qu'expliquer les phénomènes que l'on
décrit revient toujours à les reconnaître comme la
manifestation de lois, la science n'étant pas tant
intéressée par les faits isolés que par les schémas
qu'ils révèlent. En géographie, conclut-il,
« les principales variables qui produisent des trames sont bien
entendu spatiales ».
C'est aussi dans ce sens qu'abonde Bunge W. quelques
années plus tard quand il oppose à la conception idiographique
une méthodologie scientifique et sa « norme de
l'explication ». La «new geography» dont il fait
état repose désormais sur une base « quantitative
et théorique » tout en s'appuyant sur un langage
mathématique et des recherches théoriques avec des
méthodes hypothético-déductives et la modélisation
(Bunge W. 1962). La géographie pour lui a pour objet la recherche de
lois proprement spatiales.
Il découle de cette approche facilement attribuable aux
anglo-saxons la prise en compte ou mieux encore l'attention de plus en plus
grande accordée à certains concepts et à certaines
interrogations. De ce point de vue, la distance, la situation ou la
localisation (où ? pourquoi ici et pas là ?), la
(dis)continuité spatiale, les formes focalisent la réflexion et
fait naître des modèles de l'analyse spatiale (locational
analysis de Scheafer F. K. 1953) et des théories de localisation
(location theories de Bunge W. 1962) pour aboutir à la
théorie des lieux centraux qui devient le modèle de cette
nouvelle géographie qui s'intéresse non plus aux lieux
exclusivement mais désormais à l'espace. Pour cette science de
l'interaction spatiale, la terre devient un cadre neutre livré à
la technique et le géographe peut l'aménager ; c'est le
space management aux USA, l'aménagement du territoire en
France et le Raumordung en Allemagne.
On se rend bien compte que la nouvelle définition de la
géographie qui dans la plupart des cas évolue avec les
préoccupations de la société de laquelle sont issus les
géographes impose une exigence scientifique et tend à
s'apparenter aux sciences expérimentales en cherchant des lois selon le
dispositif suivant : théorie / hypothèse et modèle /
mesure / test statistique. Ce renversement de méthode et de perspective
est tel que l'on a employé les expressions de « nouvelle
géographie » et de « révolution
quantitative ». On assiste dans un premier temps à la
ruée des géographes sur des modèles de localisation plus
ou moins anciens en vue de les tester en les appliquant aux
réalités contemporaines. Les modèles de Von Thünen
(1827), de Weber A. (1909) de Christaller W. (1933) sont revisités et
rassurent d'une valeur quantitative certaine encore valable dans les
années 60. D'ailleurs, ils donnent lieu à de nouvelles recherches
et propositions théoriques. On peut ainsi citer la géographie de
Brunet R. qui analyse et illustre les modes de production et d'organisation de
l'espace (Encyclopédie Encarta 2003).
Toutefois, cette unité relative semble se compromettre
dès lors que certains y apportent d'autres analyses
géographiques. Ainsi, en réaction à la géographie
soucieuse d'établir des lois ou d'expliquer des
régularités dans l'organisation de l'espace, de nouveaux courants
apparaissent. D'une part, le courant culturel montre le rôle et la place
des valeurs humaines dans la différenciation de l'espace et ses usages
(Claval P. 1993) alors que d'une autre, naît une géographie dite
« radicale » à laquelle s'ajoute la
géopolitique remise à jour par Yves Lacoste. Celle-ci analyse les
divisions territoriales et les problèmes frontaliers, les conflits
liés à la présence de groupes sociaux et culturels
distincts, politiquement dominants ou dominés. Cependant, loin d'en
constituer un obstacle, ces critiques renforcent les acquis du passé
tout en les enrichissant des faits issus du vécu quotidien des
contemporains. La dimension conceptuelle et méthodologique s'enrichit
également puisque le paradigme de l'espace est intimement lié
à celui de l'homme comme élément d'une
société elle-même appartenant un complexe plus global. Et
lorsque l'on associe la préoccupation de localisation comme
énoncée plus haut à celle de relation entre les
sociétés qui forme cet ensemble globalisant, il est difficile
d'ignorer la place combien déterminante de la question de l'insertion
spatiale des sociétés.
L'analyse de la question de l'enclavement devra
légitimement se baser sur celle de l'inscription spatiale des
sociétés (Debrie J. & Steck B. 2001). Dès lors,
l'utilisation des concepts affilés à cette notion ne peut plus
faire l'objet d'un débat, encore moins celle de la démarche
méthodologique y attenant levant du coup l'existence d'un défis
conceptuel et méthodologique qui, la plupart du temps divise les
chercheurs en géographie. Notre réflexion sur
l'accessibilité des zones rurales en Afrique subsaharienne nous renvoie
donc à une considération sérieuse de la question de
l'aménagement du territoire, rural surtout, dans cette partie du monde
et nous oblige à l'instar de beaucoup de chercheurs contemporains
à inscrire le débat dans une dimension qui nous permette de
prendre en compte l'étude de quelques réseaux de transport, de
télécommunication de même que leur intégration dans
des réseaux plus importants (Aloko-N'guessan J. 2000, Debrie J. 2005,
Debrie J. & Steck B. 2001, Lombard J. 2002, Yesguer H. s.d.) afin de
parvenir en dernière analyse à la compréhension de la
dynamique de l'enclavement à travers le couple continuités -
discontinuités dans les réseaux qui éloignent ou au
contraire rapprochent les ensembles spatiaux.
Mais au-delà des querelles méthodologiques et
conceptuelles inexistantes, toute étude géographique se
déroule dans un environnement qu'il est nécessaire de bien cerner
par des éléments qui permettent son analyse et qui à terme
permettent de dégager les nombreuses implications socio spatiales. L'Est
des Plateaux, le Togo et l'Afrique subsaharienne ; quels
éléments d'analyse ?
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