3.3. L'ENCLAVEMENT : SES
CAUSES ET SES MANIFESTIONS
L'analyse des retombées de l'enclavement sur le
développement des zones rurales en Afrique subsaharienne mérite
d'être précédée de la présentation des
éléments susceptibles d'entraîner la fermeture spatiale.
3.3.1. Des causes diverses aux effets communs :
entre éléments de la nature et possibilités humaines
à aménager un territoire
Les éléments qui apparaissent comme des causes
de l'isolement se présentent sous la double facette physique et
structurelle.
3.3.1.1. Des faits
naturels perturbateurs de la mobilité des hommes
Les éléments de la nature sont ceux qui ne sont
pas nés du travail humain et qui passent pour être le fruit d'un
pur hasard, mieux, d'un déterminisme. Leur appréciation à
ce stade de notre étude va se faire à travers une simple
énumération. En effet, l'idée d'isolat ou de fermeture qui
évoque celle de l'enclavement ou de discontinuité dans les
réseaux (Debrie J. 2005) doit se coupler avec la nécessité
de présenter les faits qui, dans l'espace engendre cette rupture. On en
distingue plusieurs.
Le relief paraît comme un élément
important dans la rupture qui peut survenir dans la considération du
dynamisme d'un réseau. En fait, une montagne qui se dresse entre deux
localités voisines constitue un élément limitant ou
même empêchant toute circulation. Noyouléwa T.A. (2005)
évoque dans son mémoire de maîtrise le cas du Mont Togo
qui, à la latitude de Koutougou dans l'est de la préfecture de la
Kéran en plein pays Temberma constitue un obstacle pour les habitants de
cette localité dans leur volonté de rallier Kantè qui
n'est autre que le chef lieu de leur préfecture. Par ailleurs,
l'hydrographie peut constituer une rupture de la continuité d'un
réseau. Il s'agit essentiellement des cours d'eau qui se dressent entre
des localités différentes. Quand le cas se présente comme
entre Koutougou et Tchitchira (Noyouléwa T.A. 2005), ou entre Pagouda et
Madjatom (Kela A.2001) ou entre Elavagnon et Nyamassila les populations sont
contraintes de rester isolées durant toute la saison des pluies.
Seulement, dans l'un ou l'autre des cas, le niveau technique de la
société peut permettre de surmonter ces difficultés. A
défaut, il s'agit de causes structurelles de l'enclavement. Comment
s'apprécient-elles ?
3.3.1.2. L'enclavement
comme une simple question d'aménagement
Lorsque des facteurs dits humains sont évoqués
pour expliquer l'enclavement, il est difficile de les percevoir stricto
sensu. Il faut alors faire comprendre qu'il s'agit en
réalité d'évoquer les possibilités
d'aménagement qui auraient pu permettre de surmonter les contraintes
naturelles en vue de favoriser le développement des échanges.
Dans ce contexte, l'inscription de l'absence d'infrastructures de communication
(routes, rails, ponts, ...) et de celles de télécommunications
(réseau de téléphonie rurale, Internet, ...) au nombre des
causes de l'isolement paraît plus que justifiée. En effet, les
flux de marchandises, d'hommes, d'informations ou d'argent ne peuvent exister
que s'il existe dans le paysage des circuits d'échanges qui ne peuvent
être que ces infrastructures. Que ce soit à Lotogou (Yatombo T.
1994), à Koutougou (Noyouléwa T. A. 2005) ou à Yembour
(Damdjigle A. 2000), les infrastructures se sont présentées comme
éléments incontournables dans la pratique de l'activité
agricole. Mais il serait inadmissible d'en finir sans évoquer
l'existence des frontières nationales comme un facteur
géopolitique de l'enclavement lorsque nous nous inscrivons dans la
logique selon laquelle tout territoire est appelé à
évoluer à partir des liaisons qui existent entre ses
localités. A quoi s'en tenir au terme de cette présentation des
causes de l'isolement ou mieux encore de la fermeture spatiale des zones
rurales ?
Les causes naturelles desquelles découlent celles
humaines ou structurelles de même que leur expression concrète
que traduisent les acceptions comme enclavement, isolement, fermeture spatiale,
discontinuité dans les réseaux, sont dans la vie quotidienne des
populations d'Afrique subsaharienne l'objet d'une lutte perpétuelle en
vue de prendre part à la vie du monde. Il s'agit pour elles de mettre
progressivement fin à une situation qui n'a que trop duré. Debrie
J. et Steck B. (2001) ne disaient-il pas : « L'Afrique est
enclavée par rapport à un système mondial qui la place en
situation de dépendance et aux marges des grands réseaux de
circulation internationale. (...) Le cadre initial d'un enclavement relatif est
posé comme produit d'un système mondial évolutif qui
commande la circulation, considérée ici comme instrument de lutte
contre la distance et comme condition de l'interaction
spatiale. » page 31. Comment se manifeste l'enclavement dans les
zones rurales ?
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