II. L'ETAT DE L'ART
II.1. Analyse bibliographique
Il s'agit ici de faire un état de lieux de
manière théorique en se basant sur un certain nombre de travaux
relatifs à notre thématique. En effet, l'OS a suscité
l'intérêt de multiplier les études surtout dans les villes
africaines pour apporter une réponse adéquate aux
problèmes vécus dans ces zones.
De nombreux documents ont été consultés
dans les centres de documentations, établissements universitaires,
administrations publiques, privées, etc., qui traitent des questions de
l'environnement de la ville, du phénomène urbain, de la gestion
des ressources naturelles, etc., que nous voulons mettre en évidence.
Mais vu leur nombre très élevé, nous avons jugé de
sélectionner, ceux qui nous semblent être les plus pertinents.
Ainsi Benkrid, 2008. Etude de l'évolution
spatio-temporelle de l'occupation du sol dans la plaine du bas Chéliff
(Algérie), Mémoire Master BGAE, souligne l'intérêt
de s'interroger sur la question de l'OS (p.3) et apporte un aperçu sur
l'historique de l'étude et la cartographie de l'OS. Pour cet auteur,
cette étude très importante dans la compréhension de la
dynamique socio-économique et son impact sur le milieu naturel, mais
aussi de la confrontation entre le milieu naturel et activité humaine.
Il conclut que les changements d'occupation et d'utilisation du sol sont des
facteurs clés du développement durable.
Mais il faut noter que les changements d'OS sont
caractérisés par une urbanisation galopante.
Philipe et Geneviève Pinchemel par exemple à
travers leur ouvrage : « Face de la terre », 1992 renseignent sur le
contexte africain de l'urbanisation. Pour eux la croissance urbaine a surtout
touché les Etats en voie de développement entre 1950 et 1980,
leurs populations urbaines ont augmenté de 697 millions d'habitants (de
275 à 972), avec des taux de croissance urbaine de l'ordre de 7 à
8 % par an, soit un doublement en moins de onze ans. Ces auteurs nous
amènent à comprendre les origines de la croissance
accélérée des territoires urbanisés et les
conséquences qui en découlent.
Niang (1995), Diop (2006), Sneih (2006), Sène (2008)
ont abordé dans le même sens que Pinchemel en illustrant leurs
propos sur les zones côtières. Pour elles les zones
côtières sont les plus dynamiques. C'est autant toutes les
conséquences de l'héritage de la politique coloniale qui
procédait d'une logique basée sur la rentabilité de la
colonie.
D'ailleurs, au Sénégal, de nombreuses
études ont été menées dans ce sens comme celles de
Dubresson (1979), Sakho (1985), Ba (2004), le SRDS (2005 et 2008), Faye (2010).
Pour Dubresson, Dakar est devenue une nouvelle centralité grâce
à son statut de capitale de l'AOF, à la multiplication des blocs
administratifs, au développement de ses infrastructures, lui permettant
ainsi de supplanter Rufisque dont le poids est jusque là
incontestable.
Cette position de Dubresson a été
illustrée par le SRDS dans son rapport sur « la situation socio-
économique de la région de Dakar >> de 2005 qui a
été finalisée en 2008. Ce rapport indique la
suprématie de la région de Dakar et sa forte attractivité
par rapport au reste du pays.
Ce contraste territorial a été longtemps
signalé par des auteurs comme Seck (1970), Gravier (1947). Ce dernier
compare Dakar et le reste du pays, dans cette expression « Dakar et le
désert sénégalais >>, pour montrer comment Dakar est
dans une situation macrocéphalique. Cette macrocéphalie urbaine,
selon Granotier (1980), traduit l'importance démographique et
économique prépondérante d'une ville par rapport aux
autres et à l'ensemble du pays. Les villes macrocéphaliques se
caractérisent par une concentration plus que proportionnelle des
catégories sociales à fort pouvoir d'achat, de
l'équipement industriel et des structures bancaires et
financières >>.
Dès lors, on comprend pourquoi ces villes sont des
pôles d'attraction pour de nombreux migrants.
Pour le SRDS Dakar est une terre privilégiée
pour l'exode rural du fait de sa position géographique, une
région de transit pour l'émigration internationale. Il est
caractérisé par un dynamisme urbain de sa population qui
s'accentue d'année en année. Cela résulte
généralement de la combinaison de deux principaux facteurs,
à savoir la croissance naturelle de la population et l'immigration.
Selon Houimli (2008) la redistribution spatiale des
populations et des activités économiques dans un espace plus
large a été favorisé par la déconcentration de
l'automobile et l'amélioration des routes.
L'importance du phénomène migratoire à
inciter à une recherche de solution durable à travers les plans
nationaux d'aménagement du territoire (PNAT). Ces plans sont
nécessaires comme le soutient Sawadogo (2008) dans sa revue sur «
l'évolution de l'occupation du sol de Ziga dans le Yatenga (Burkina
Faso)>>.
Pour lui l'élaboration de plans locaux de
développement où tous les groupes d'intérêts sont
représentés, constitue un véritable gage de succès
dans la gestion des ressources naturelles.
Mais force est de noter que ces plans n'ont pas poussé
à redynamiser ou à impulser les zones économiques capables
de retenir la population et les investissements. Cela se manifeste, comme le
dit Sène (2008), par l'impossibilité de la région de Dakar
de satisfaire les besoins essentiels de ses habitants. Ce qui se traduit par
une urbanisation incontrôlée et non souhaitée. Et les
signes d'une explosion et implosion urbaine sont visibles à travers la
problématique du logement et de l'emploi.
L'urbanisation rapide et incontrôlée a
été soulignée par Diop (2006) et Sneih (2006)
malgré leur échelle d'études différentes. Pour ces
auteurs cette urbanisation se manifeste par une occupation anarchique des zones
non aedificandi. Elle est plus connue par une dégradation de
l'environnement. Et, il est évident que les manifestations les plus
évidentes d'une pareille situation résident en l'occupation
anarchique du moindre espace vacant, en la cherté du prix au
mètre carré, des biens, meubles et immeubles.
D'ailleurs, dans son article sur « l'évolution
récente de la population, de l'occupation des sols et de la
diversité floristique sur un territoire agricole du Sud-ouest du Niger
», Atta (2010) indique que ce phénomène entraîne de
profonds changements dans l'occupation des sols et une pression accrue sur les
ressources naturelles qui ont une incidence importante sur l'allure de la
végétation.
Bamba (2010) a orienté sa recherche dans le même
sens qu'Atta. Pour lui, l'un des effets immédiats de l'impact humain sur
la biosphère est la suppression de la couverture végétale
favorisée par l'ouverture des routes et pistes.
Autres conséquences que l'on peut signaler,
l'érosion côtière. Selon Niang (1995) le littoral subit une
forte urbanisation. Dans ces conditions, même un faible taux de recul du
littoral peut engendrer d'importantes conséquences écologiques,
économiques (destructions d'infrastructures et d'habitation), sociale
voire culturelle (abandon des lieux de culte).
Le rapport du SRDS est un exemple pour comprendre les
contraintes liées à l'urbanisation galopante de la région
de Dakar qui se résume en ces termes : taux de croissance de la
population très élevé sur un espace réduit ;
déficit en matière de logement, d'infrastructure et
d'équipements collectifs ; extension urbaine
déséquilibrée ; surexploitation et salinisation des nappes
; graves problèmes d'environnement et de cadre de vie ; avancée
de la mer ;
dégradation des Niayes ; problèmes
d'approvisionnement en eau et en énergie domestique ; défaut de
maîtrise foncière et grand retard dans la planification urbaine ;
problèmes aigus de transport et de circulation ; activités
socioéconomiques mal réparties dans l'espace régional ;
problèmes d'emplois ; fortes immigrations dans un espace
réduit.
Ces recherches, même si elles ne traitent pas notre
thématique ou notre zone d'étude, nous donnent beaucoup
d'informations sur la pression que subit l'espace suite à
l'évolution démographique et aux conditions climatiques dans les
années qui ont suivi les Indépendances. Ces auteurs soulignent
tous les déséquilibres sociodémographiques et
économiques nés d'une mauvaise distribution géographique
des activités et des hommes. Celles-ci sont imputables en grande partie
à l'histoire avec la littoralisation de l'économie par les
puissances coloniale et au volontarisme d'une classe politique qui n'a pas
cherché à se départir d'une pratique coloniale.
Ainsi, conscient de cette situation inquiétante de la
région de Dakar, l'Etat à travers des politiques dites
aménagements du territoire tente de résoudre ce
phénomène. Des textes juridiques ont été mis en
place pour la maîtrise du sol. Ils sont souvent non respectés par
la population. C'est pour cela en 1996 une loi a été
établie par l'Etat du Sénégal. Cette loi
n° 96- 06 du 22 mars 1996 portant la création des
collectivités locales ou régionalisation érige la
région en troisième ordre de collectivité locale en plus
de la commune et de la communauté rurale. Le « contrôle de
légalité a postériori, rapproché » se
substitue « le contrôle de légalité a priori,
centralisé ». Aussi dans le souci de mieux rapprocher
l'administration aux administrés, les grandes communes sont
subdivisées en plusieurs communes qui prennent le nom de communes
d'arrondissement (CA). Ces grandes communes sont appelées « ville
». C'est ainsi que la région de Dakar est divisée en 43
communes d'arrondissement (dont 19 pour le seul département de Dakar).
La loi n°96-09 du 22 mars 1996 fixe l'organisation
administrative et financière de la CA et ses rapports avec la ville.
Tandis que la loi n°96-07 du 22 mars 1996 transfère aux
collectivités locales neufs domaines de compétences (Domaine ;
Environnement et gestion des ressources naturelles ; Santé, population
et action sociale ; Jeunesse, sport et loisirs ; Culture ; Education ;
Planification, Aménagement du territoire ; urbanisme et habitat).
Aussi, il faut signaler que la majeure partie des élus
locaux de même que la population comprennent mal ces lois dont certaines
sont imprécises.
C'est ce que remarque Dickarodo (2004) dans le bilan des
rapports entre la commune et la CA où il indique par exemple que la
notion comme de « petits travaux » prérogative des CA est
floue. Pour lui ces imprécisions ne font que croître les rapports
de conflits entre les collectivités locales.
Les CA ont fait l'objet de plusieurs travaux de recherche du
fait de leur complexité et de leur spécificité.
D'ailleurs Kane (2006) souligne dans son Mémoire sur
les « mutations socioéconomiques sur l'espace d'un quartier
résidentiel : cas du Point E dans la CA de Fann-Point E-Amitié
» que le quartier Point E enregistre des activités commerciales et
de services qui contribuent à la verticalité de l'habitat
contrairement à sa vocation d'un espace résidentiel. Cela prouve
que l'espace est changeant et résulte d'un produit social.
Sène (2007) a orienté ses recherches dans le
même sens que Kane et Dioume (2007). Pour lui Médina a subi un
processus de transformation et de sa composition ethnique durant plusieurs
phases dont les effets varient. Cela entraine un contraste de classe sociale
avec la croissance du prix au mètre carré.
Dioume, à la différence de Sène s'est
intéressé aux taudis du Niaye Thioker dans la CA du Dakar
Plateau. Il souligne également que ce quartier subit un changement
vocationnel de taille. L'analyse des données cartographiques sur le
quartier laisse apparaitre une occupation continue de l'espace.
Ces recherches nous permettent de bien cerner la
problématique. Mais, la CAHBA est à distinguer par rapport
à ces CA du fait de ses spécificités à savoir sa
position géographique, son contexte de création et où la
production littéraire sur les dynamiques de l'occupation du sol est
moins fournie.
Des auteurs ont étudié sur cette zone comme Diop
(2006) et Faye (2010) ont étudié cette zone. Mais une
étude quantitative et qualitative précise n'y a pas
été faite, notamment avec les outils de la géomatique.
Dans ce cadre scientifique, on trouve beaucoup de travaux sur
l'étude de l'évolution spatiotemporelle de l'occupation du sol en
utilisant les différentes données, méthodes et outils de
la géomatique.
C'est ainsi que Sneih (2006) utilise une méthode
combinée des outils géographiques et des approches
socio-anthropologiques. L'approche géographique consiste à faire
une cartographie
diachronique de 1980 à 2002. La méthode de
socio-anthropologique a nécessitéessentiellement des
interviews semi-structurées. La même méthode a
été utilisée par Diop (2006).
Sawadogo (2008) contrairement à Sneih (2006) utilise une
méthode basée uniquement sur l'interprétation des
photographies aériennes de différentes dates du site de Ziga.
A l'échelle du pays, l'étude et la cartographie
de l'OS sont assurées par plusieurs organismes (DTGC, CSE, LERG). Les
travaux effectués par ces structures sont réalisés
à partir des outils de la géomatique mais souvent à des
échelles moyennes ou petites. Aussi, ces interpolations engendrent des
informations qu'il faut renforcer par des études topographiques, des
observations de terrain et une utilisation élargie d'images de Haute
Résolution.
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