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Relations entre OPJ et APJ (Officier de Police judiciaire et Agent de Police Judiciaire ): analyse criminologique de la pratique de l' OPJ debout

( Télécharger le fichier original )
par Albert MUTOMBO NGOY BANZE
Université de Lubumbashi école de criminologie - Diplôme d'études approfondies en criminologie 0000
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

UNIVERSITE DE LUBUMBASHI

Ecole de Criminologie

Les relations entre OPJ et APJ :

Analyse criminologique de la Pratique

de l' « OPJ debout »

Par : MUTOMBO NGOY BANZE Albert

Travail présenté et défendu en vue

Promoteur  : de l'obtention du Diplôme d'Etudes

Prof. Raoul KIENGE-KIENGE Approfondies en Criminologie

Co-promotrice :

Prof. Sara LIWARENT

Octobre 2007

Épigraphe

« Je suis Officier de Police Judiciaire de métier et j'en suis fier. Mais, je suis plus fier, infiniment plus fier d'être un criminologue. Celui-là s'investit en « juge » tandis que celui-ci contextualise les faits pour mieux les comprendre sans les juger. »

M.N.B.

Dédicace

· A tous les Officiers et Agents de Police Judiciaire qui ont contribué à la construction de ce savoir en qualité des acteurs participants.

· A tous les militants de la justice comme modèle pratique non prescrite de régulation sociale des conflits visant l'harmonie, la tranquillité et la paix sociale.

· A eux donc, je dédie ce travail.

REMERCIEMENTS

Si l'on signe seul, on n'écrit jamais seul, écrit Monjandet D. (1996 : 6), C'est typique pour cette recherche. Sa réalisation n'a été rendue possible qu'avec le concours à la fois scientifique, matériel et financier de plusieurs personnes.

Dès cet instant, nous trouvons l'opportunité de nous acquitter d'un agréable devoir, celui de remercier du fond de notre coeur, le Professeur Raoul KIENGEKIENGE qui a accepté volontier de diriger de mains de maître, cette recherche, nonobstant ses nombreuses fonctions administratives et académiques.

Une pensée éblouissante enracinée au fond de notre coeur s'adresse spécialement au Recteur de l'Université de Lubumbashi, le professeur KAUMBA LUFUNDA PRINCE et le Professeur émérite Françoise DIGNEFFE pour leur initiative à la création de l'Ecole de criminologie qui, autrefois rêve mais aujourd'hui une réalité produisant des fruits savoureux et enviés. Chers professeurs, que cette recherche vous couronne des succès.

Que les membres du corps scientifique, académique et administratif soient félicités pour leur mérite élogieux apporté à notre formation. Que chacun trouve sa pierre à travers cette recherche.

Que le professeur SARA LIWARENT soit particulièrement remerciée pour avoir contribué à distance à la production de cette recherche par ses remarques et suggestions combien pertinentes et enrichissantes. Les verbes nous manquent pour vous exprimer notre gratitude.

A ma bien aimée KABULO MONGA Françoise, une femme vertueuse, qui la trouvera ? Votre sacrifice est aujourd'hui récompensé.

A ma progéniture : GUJA, JERRIJA, DIVIJA, BELIJA, OLIJA, BENAJA, ABEJA, NEROJA. Que ce travail vous serve de modèle.

A tous les miens, cette recherche est le fruit de votre soutien et nous unit à jamais.

Que tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de cette recherche et dont nous taisons par commodité le nom, l'expression nous manque pour vous témoigner notre reconnaissance.

Fait à Lubumbashi, le 20 juillet 2007

MUTOMBO NGOY BANZE Albert

TABLE DES MATIERES

Épigraphe I

Dédicace II

REMERCIEMENTS III

TABLE DES MATIERES IV

INTRODUCTION GENERALE - 1 -

CHAPITRE 1 : CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE
ET SA MISE EN CONTEXTE
- 8 -

I. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE - 9 -

1.1. LA CONCEPTION ET LA MISE EN TRAIN DE L'OBJET DE RECHERCHE - 9 -

1.2. L'ÉTAT DE LA QUESTION - 13 -

1.2.1.Thèses et mémoires - 13 -

1.2.2. Ouvrages policiers - 15 -

1.2.3. Ouvrages juridiques - 15 -

1.3. DÉTERMINANTS DE LA RECHERCHE - 16 -

1.4. DÉLIMITATION DU CHAMP DE RECHERCHE - 17 -

1.4.1. Du point de vue spatial - 17 -

1.4.2. Du point de vue temporel - 17 -

1.4.3. Du point de vue conceptuel - 17 -

1.5. PROBLÉMATIQUE - 18 -

1.5.1. La mise au point - 18 -

1.5.2. Fixation de la problématique - 19 -

1.5.3. La pertinence de l'acteur social et l'organisation - 22 -

1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE - 23 -

II. MISE EN CONTEXTE HISTORICO-SOCIO-ECONOMIQUE DE L'OBJET D'INVESTIGATION - 26 -

2.1. CONTEXTE HISTORIQUE - 26 -

2.1.1. Epoque précoloniale - 27 -

2.1.2. Epoque coloniale - 28 -

2.1.2.1. La Force Publique - 28 -

2.1.2.2. La police des chemins de fer et les corps de police territoriale - 29 -

2.1.2.3. La Gendarmerie - 30 -

2.1.3. Epoque post coloniale - 31 -

2.1.3.1. Les corps de police provinciale - 31 -

2.1.3.2. Police nationale congolaise : première formule - 32 -

2.1.3.3. La gendarmerie nationale - 32 -

2.1.3.4. La Garde civile - 33 -

2.1.3.5. Police Nationale Congolaise : Nouvelle formule - 36 -

2.2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE - 37 -

2.2.1. Epoque précoloniale - 37 -

2.2.2. Epoque coloniale - 38 -

2.2.3. Epoque post coloniale - 39 -

2.2.3.1. De 1960 à 1965 - 39 -

2.2.3.2. De 1965 - 1970 - 39 -

2.2.3.3. De 1970 - 1996 - 39 -

2.2.3.4. De 1996 à nos jours - 44 -

2.3. PROLOGUE SUR LA POLICE JUDICIAIRE - 46 -

2.3.1. Police judiciaire quid ? - 47 -

2.3.2. Missions et importance de la police judiciaire - 47 -

2.3.3. Evolution de Police Judiciaire - 48 -

2.3.3.1. Police judiciaire coutumière - 48 -

2.3.3.2. La Police judiciaire selon  le droit des « autres » - 49 -

2.3.4. Conditions de validité des actes posés par les OPJ - 51 -

CHAPITRE 2 : DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES ET CADRE
REFERENTIEL
-
55 -

I. CADRE METHODOLOGIQUE - 56 -

1.1. LE TRACÉ DE LA RECHERCHE - 56 -

1.2. JUSTIFICATION METHODOLOGIQUE - 57 -

1.3. LE CHOIX DES TECHNIQUES DE RÉCOLTE DES DONNÉES - 62 -

1.3.1. La participation observation - 62 -

1.3.2. L'entretien semi-directif - 64 -

1.3.3. Technique documentaire - 67 -

1.4. ECHANTILLONNAGE - 67 -

1.4.1. Le choix de l'échantillon - 67 -

1.4.2. Sélection des acteurs pertinents - 68 -

1.4.3. La saturation - 69 -

1.5. LA MISE EN oeUVRE DU TRAVAIL DE TERRAIN - 69 -

1.5.1. L'insertion personnelle sur le terrain - 69 -

1.5.1.1. La posture du chercheur - 69 -

1.5.1.2. L'exigence linguistique - 75 -

1.5.2. Mise en train des techniques de recueil des données - 76 -

1.5.2.1. Observation in situ - 76 -

1.5.2.2. L'entretien semi-directif - 77 -

1.6. ANALYSE DES DONNÉES - 79 -

1.7. LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ET CRITIQUES DE LA RECHERCHE - 80 -

II. CADRE REFENTIEL DE RECHERCHE : SOUS-COMMISSARIAT DE POLICE KAFUBU - 83 -

2.1. DESCRIPTION DU SITE - 83 -

2.2. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SOUS-COMMISSARIAT KAFUBU - 85 -

2.3. « BAKONZI BAKEYI, BAKONZI BATIKALI » - 89 -

2.3.1. « Balinga pete, balinga pete baboma mboka » - 90 -

2.3.2. Le « Nkunzi » - 93 -

2.3.3. Police, « mosala te » - 94 -

2.3.4. « Kubambisha touche » - 95 -

2.4. POLICE NAYO INAKATAKA MAMBO YA BANTU - 98 -

2.4.1. « Les plaintes » - 98 -

2.4.1.1. La recevabilité et l'enregistrement d'une « plainte » - 98 -

2.3.1.2. Le télescopage des « plaintes » - 100 -

2.3.1.3. Le tracé d'une « plainte » - 101 -

2.4.2. Les traitements des « plaintes » - 103 -

2.3.2.1. Le « Mukwao » ou « l'embouchi » (c'est le piège) - 103 -

2.3.2.2. La police : « Tribunal de paix » - 106 -

2.3.2.3. Le « un-quatre » tient le « quatre-deux » en état - 108 -

2.3.2.4. Affaire « un-quatre » transformée en affaire « quatre-deux » et vice versa - 109 -

2.3.2.5. Police : instance de tension - 110 -

2.3.2.6. Le parquet : « Mpwila mambo » - 111 -

2.3.2.7. « Mabuso » - 112 -

2.3.2.8. Les relations entre les policiers et les impliqués en garde à vue - 113 -

2.3.2.9. L'OPJ entre le marteau et l'enclume - 115 -

2.4.3. L'issue des « plaintes » - 117 -

2.5. LA POLICE ET SES RELATIONS - 120 -

CHAPITRE 3 : ANALYSE CRIMINOLOGIQUE DE LA PRATIQUE
DE L'« OPJ DEBOUT » - 122 -

I. L' « OPJ DEBOUT » : UN MODELE PRATIQUE NON PRESCRIT DE REGULATION SOCIALE POLICIERE - 123 -

1.1. « BISO TOSALISAKA BANGO NA KUNDELPAIN MPO
BAYOKANA »
- 125 -

1.1.1. « Le Piquet » - 125 -

1.1.2. « La main dans le sac » - 129 -

1.1.3. « La Garde » - 130 -

1.1.4. Le « Tshitshani ou le Tshambuluka » - 132 -

1.1.5. Le « Kibeta »ou « Kiwanja » - 133 -

1.1.6. Le « mabuso » - 134 -

1.1.7. Le « mawindo » ou « bokila » - 135 -

1.2. LÉGITIMATION POLICIÈRE DE LA PRATIQUE DE L' « OPJ DEBOUT » - 136 -

1.3. « TOZALI BANYAMA NA NGUNDA» - 140 -

1.3.1. Les pesants de la pratique - 140 -

1° Le « disappro » - 141 -

2° Les patrouilleurs « pirates » - 142 -

3° « Les pirates du marché pirate » - 143 -

4° Le « millième » - 144 -

5° « Kosumba nyei na secteur » - 145 -

6°  L' « infracata provoquée ou similée » - 146 -

1.3.2. « Lorsque nous pensons à toutes ces souffrances, il nous arrive à oublier le devoir
de protéger la population »
- 147 -

II. LES DIFFERENTES SUBSTITUTIONS DE L' « APJ » - 148 -

2.1. « APJ SUBSTITUT DE L'OPJ » - 148 -

2.2. « APJ MAGISTRAT » - 149 -

2.3. « APJ  JUGE » - 151 -

2.4. « APJ LÉGISLATEUR » - 153 -

2.5. « APJ DÉPÉNALISTE » - 155 -

2.6. « APJ L'ETAT » - 155 -

III. LES OPPOSITIONS BINAIRES - 156 -

3.1. « OPJ ET « APJ » - 156 -

3.2. « ORALITÉ » ET « ÉCRIT » - 157 -

3.3. « LA NORME SOCIALE » ET « LA NORME JURIDIQUE » - 158 -

3.4. « L'ARBRE À PALABRE ET « TRIBUNAL » - 158 -

3.5. « L'ANORMAL » ET « LE NORMAL » - 159 -

3.6. « DÉTENTION » ET « LIBERTÉ - 160 -

3.7. « LE UN-QUATRE » ET « LE PÉNAL » - 160 -

3.8. « POLICE » ET « ARMÉE » - 161 -

3.9. « CONNAISSANCE » ET « IGNORANCE » - 161 -

IV. LES « ATOUTS ET LES BOULES » MOBILISES PAR LES POLICIERS « APJ - OPJ » - 162 -

4.1. LES « ATOUTS » - 162 -

4.2. LES « BOULES » - 164 -

4.2.1. Le « parapluie » - 165 -

4.2.2. Les « réseaux protecteurs » - 165 -

4.2.3. Le « téléphone » ou « Kapraza » - 168 -

V. LA NATURE DES RELATIONS ENTRE « OPJ » ET « APJ » - 169 -

5.1. LES RAPPORTS DE FORCE ENTRE LES DEUX ACTEURS - 169 -

5.2. LA « TREIZALITÉ » - 182 -

5.2.1. Les « types de treizalité » - 183 -

5.2.1.1. La « treizalité » horizontale - 183 -

5.2.1.2. La « treizalité » verticale - 186 -

5.2.2. Les formes de « treizalités » - 186 -

5.2.2.1. « La treizalité du pouvoir » - 186 -

5.2.2.2. « La treizalité financière » - 186 -

5.2.2.3. « La treizalité relationnelle » - 187 -

5.2.2.4. « La treizalité tribale ou ethnique » - 187 -

5.2.2.5. « La treizalié du poste ou détachement » - 187 -

5.2.2.6.  « La treizalité sexuelle » - 188 -

5.2.3. Le « degré de treizalité » - 188 -

VI. LA RECHERCHE DES LOGIQUES, DES SENS ET DES REPRESENTANTIONS - 189 -

6.1. LES LOGIQUES - 189 -

6.2. LE CHAMP SÉMANTIQUE - 190 -

6.3. L'IMAGE DE LA POLICE - 197 -

6.3.1. La « militarisation policière » - 197 -

6.3.2. La « tribunalisation policière » - 198 -

6.3.3. La « précarité induit la treizalité » - 199 -

VII. LES PERSPECTIVES OU PISTES DE RECHERCHE - 201 -

CONCLUSION GENERALE - 205 -

BIBLIOGRAPHIE - 210 -

I. OUVRAGES - 211 -

II. ARTICLES D'OUVRAGES ET DE REVUES - 214 -

III. COURS, THESES ET MEMOIRES - 215 -

INTRODUCTION GENERALE

La présente étude porte sur la question des pratiques policières à travers les règles du jeu entre l'Officier de Police Judiciaire, « OPJ », et l'Agent de Police Judiciaire, « APJ », dans l'exercice de leur travail.

Ce faisant, le point de départ le plus obligé d'une recherche scientifique repose sur l'observation qui suscite la question centrale.(1(*))

Avant d'y arriver, une mise au point de la démarche conceptuelle s'impose. Nous avons ciblé quelques cas susceptibles d'éclairer et de fixer le lecteur à ce propos.

Un adage dit : « un ventre affamé n'a point d'oreille ». A l'antipode, nous disons qu'il en a. Pour comprendre l'affamé, il faut le placer dans son contexte. Mêmement, « un muet parle » puisqu'il s'exprime et communique. S'il en était autrement, comment parvient-il à nommer sa progéniture ?

Aussi, « un grain de maïs grillé peut-il germer ». Impossible pour un esprit borné, cette pensée traduit la perte d'un avantage actuel au profit des relations qui produiront des merveilleux fruits dans le futur.

Ces belles démonstrations veulent simplement renseigner que la recherche scientifique va au-delà des apparences et des connaissances vulgaires. Sans doute, nous permettent - elles de rendre compte de façon illustrée et métaphorique de « la position constructiviste » comme une position de « méfiance » par rapport aux évidences qui sont trompeuses, aux cadrages des objets qui sont des morceaux choisis et à la réalité des objets eux-mêmes qui sont les accords sociaux figés puisque la réalité sociale est construite. (KAMINSKI D, 2005 : 6).

Nous alignant dans cette perspective, il sied de la soutenir par quelques illustrations empiriques permettant au lecteur de bien s'imprégner de la portée réelle de cette étude.

« Il est 9 :00 heures, vendredi, 2 février au sous-commissariat de police. Le commandant est absent et le chef de poste fait son office. « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali » c'est le principe de continuité de service. »

Monsieur OLALA porte plainte contre Mr. SANTOS, un transporteur grec de l'axe Lubumbashi - Kasenga pour la perte de son sac de fretins. Le chef de poste reçoit la plainte et envoie trois policiers. Sur le lieu, Mr. SANTOS qui se préparait pour voyager, il sollicita l'arrangement à l'amiable. Après négociation, OLALA accepta et une décharge fut établie et les deux parties offrirent 8000 FC aux policiers. »

« 21 mars, vers 22 : 30, Mr KIBALAMETE qui rentrait chez-lui à Kinkaville, a été intercepté par les patrouilleurs. Après la fouille, ils lui ont pris 15.000 FC et 20 $ U.S. pour circulation à des heures tardives. »

« Non loin du Bar « Joli Soir » NGOYA et KABEDI, vivant grâce à la prostitution, s'étant bagarrées pour un amant, les patrouilleurs qui passaient par là, les arrêtent pour les acheminer au commissariat. Chemin faisant, elles sont libérées après avoir payé l'une 5.000 FC et l'autre l'acte sexuel. »

Sans doute, le lecteur non avisé trouvera-t-il ces actes anormaux, insensés et inacceptables. A ce propos, GOFFMAN E. sous la plume de VAN CAMPENHOUDT stigmatise que : « traiter un comportement comme insensé, c'est se placer dans l'impossibilité d'y comprendre quoi que ce soit » (2001 : 34)

Sous cette perspective, l'agissement des policiers n'est insensé que dans la vision de la personne qui omet de le contextualiser. Restituées dans ce cadre, les pratiques paraissent adaptées aux circonstances et sont parfaitement normales et sensées ; Loin de nous l'idée de les vanter puisqu'il y en a qui clochent et sont pesantes, mais néanmoins contribuent au maintient fonctionnel et à la pérennité de la police comme organisation.

Parmi elles, il y en a qui contribuent à l'harmonie sociale comme un modèle particulier de rendre justice en réconciliant les deux parties en situation problème, telles sont les pratiques à valoriser dans cette recherche.

Sous d'autres cieux, il sied de comprendre et de retenir que les pratiques policières cessent d'être insensées et anormales lorsqu'elles sont saisies de l'intérieur, restituées et placées dans leur contexte. (VAN CAMPENHOUDT L., 2001 : 34)

Du reste, étant à la fois sujet observant et observé, il faut savoir et comprendre que les recherches scientifiques, s'il y a les plus complexes, parmi elles, retenons celle où l'acteur analyse de l'intérieur sa propre institution, son propre métier ou profession. A ce sujet, ALBARELLO L., écrit :

« Faire émerger un projet scientifique de recherche n'est pas chose aisée lorsqu'on est soi-même partie prenante de l'action. Que de pertes de temps et d'hésitation, que de découragement lorsqu'il s'agit de concevoir son projet, c'est-à-dire d'identifier précisément ce que l'on cherche » (2004 : 12)

Sans doute, cette posture place-t-elle le chercheur entre le marteau et l'enclume. Faut-il dévoiler son métier ?

La police étant une organisation discrétionnaire, la dévoiler, revient à décortiquer ses méfaits, c'est se dénuder. Faut-il s'investir au nom de la science ou se laisser voiler en ne présentant que ses intérêts et mérites ?

Voiler ses méfaits au profit de ses mérites serait la production d'un savoir erroné et teinté de jugement des valeurs. Alors devant cette situation, comment contourner les contraintes liées à la déontologie et au secret professionnel ?

A ce sujet, la voie indiquée est de prendre la distance en tant que chercheur professionnel avec l'objet de recherche par l'usage des méthodes et techniques appropriées de récolte des données. En révélant les pesants du métier, c'est une manière d'ouvrir une piste de réflexion pour les améliorer dans le cadre de réforme de la police. Au regard de la prise de distance de la posture du chercheur, ALBARELLO précise ce qui suit : « Le chercheur professionnel doit s'investir en acteur - chercheur pour prendre la distance avec les évidences » (2004 : 20 - 21).

Nous alignant dans une perspective constructiviste, notre démarche consiste à mobiliser le cadre juridique à déconstruire pour construire la réalité sociale de la police à travers les règles du jeu entre « OPJ » et « APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire. C'est à ce juste titre qu'il nous revient d'épouser la pensée de FAGET. J. (2002 : 11-12) lorsqu'il évoque les expressions « la justice pénale et « la sociologie des organisations ».

La première traduit l'ensemble des organes participant à la production symbolique et instrumentale des décisions de justice. Pour le cas échéant, la police est un de ces organes et en constitue la première instance ; la pratique de l'OPJ debout en constitue son avant-garde.

FAGET précise que : « l'appareil judiciaire est un épicentre d'un jeu complexe de régulations sociales qui n'ont pas seulement une fonction répressive, mais d'organisation du contrôle social et de prévention » (2002 : 11)

Quant à la sociologie des organisations, elle éclaire l'analyse de la police en termes d'un fonctionnement d'ensemble humains ordonnés et hiérarchisés en vue d'assurer la coopération des membres pour atteindre les buts définis.

Ainsi, la connaissance des logiques et des modes opératoires de la justice pénale, indique l'auteur, ne peut donc se concevoir sans son appui. (2002 : 12).

La présente recherche part d'une piste de réflexion dénichée à travers la thèse de Raoul KIENGEKIENE. En analysant la gestion de la « délinquance » des jeunes à Kinshasa, l'auteur démontre que la police dispose de plusieurs ressources du contrôle social.

Il précise : « la norme juridique n'est qu'un aspect des normes et l'absence d'une loi ne signifie pas un vide juridique » (2005 : 31).

L'auteur renchérit et stigmatise qu'il n'y a pas que la norme pénale comme mode de règlement des conflits, l'exigence de la réparation et de la conciliation en est aussi un (2005 : 53).

Sur ce, nous épousons cette dernière perspective comme piste de recherche pour analyser le travail de la Police Judiciaire à travers les relations entre « OPJ » et « APJ ». De ces relations, découle la pratique de l'OPJ debout comme mode singulier de règlement des conflits. C'est à travers les différents jeux de pouvoir que l'APJ « renverse » l'ordre hiérarchique pour s'investir en « OPJ » que nous appelons dans le jargon policier « OPJ debout » qui régule les situations problèmes à sa portée dans l'ombre.

Cette recherche se veut dans son analyse, considérer la police comme « organisation » et les policiers comme « acteurs sociaux » (DEBUYST. C, 1990 : 25- 26). Police comme organisation, celle-ci est une construction abstraite et idéale. Elle peut être façonnée, modifiée et adaptée par les acteurs qui entrent en jeu en interagissant aux buts définis par elle lorsqu'ils sont contraires à leur visée.

Les policiers comme acteurs, ne sont pas de sujets passifs, mais actifs. C'est ainsi que dans leur manière d'être et de faire pour rendre justice, les policiers se comportent en acteurs sociaux ; ils tordent et torturent les missions, les lois et la procédure pénales. A ce sujet, interagissant dans la justice pénale, ils transforment les faits civils en faits pénaux et vice versa, selon les intérêts en présence.

En plus, mobilisant les ressources et stratégies de couverture, selon les circonstances et les aspirations du moment, ils traitent et clôturent certains conflits à leur niveau sans se référer chacun à son chef hiérarchique.

Sous d'autres cieux, ils arrivent aussi à inventer et à interpréter les infractions à leur guise et selon leur visée. C'est comme le cas de la circulation à des heures tardives érigée en infraction par les policiers patrouilleurs. Nous confirmons cette pensée avec Raoul KIENGEKIENGE lorsqu'il écrit : « il n'y pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs en produisent aussi ». (2005 : 31)

Pour ce tandem « OPJ - APJ », la norme n'est pas seulement celle que le droit pose, les habitus et les coutumes s'imposent aussi. Dans le cas d'espèce, en tant qu'acteurs sociaux et sujets historiques, les policiers ont la marge de liberté et des manoeuvres pour réguler les situations problèmes. Tout dépend des « clients » en présence pour utiliser telle ou telle recette régulatrice.

La pratique de l' « OPJ debout » comme nous mode régulateur des conflits, nous permet de réfléchir sur la finalité de la justice pénale. Nous avons tablé sur la recherche de DAYEZ B., qui éclaire à ce sujet que : « le jugement est à la fois vérité et contre vérité ... Il n'atteint jamais l'objectif que la loi lui assigne. » (1999 : 15)

Le juge dit la justice, mais ne la rend pas. Le tribunal n'est pas un lieu de vérité, mais d'argumentation et de logique où prime la question de responsabilité de l'acte posé.

La finalité de la justice est selon l'optique de cette recherche, la quête de l'harmonie entre individus vivant en société. Là où il y a des hommes, les problèmes ne manquent jamais. S'il n'y a pas un sage dans un village, précise l'adage « Luba Shankadi », même un aveugle peut s'ériger en arbitre pour trancher le problème. C'est dans cette orientation que la réflexion d'EBERHARD C. tombe à point : « c'est bien nos praxis qui doivent constituer le centre de notre attention et ne peuvent se comprendre que dans le grand jeu de nos vies. En dernière analyse, nos vies ne sont pas esclaves de systèmes quels qu'ils soient. » (2002 : 33).

Ainsi, la pratique de l' « OPJ debout », comme nous l'avons dit, est-elle un avant-garde du passage de la réaction sociale diffuse à celle dite formelle dans le contrôle de la police judiciaire. Concernant la réaction sociale, chaque communauté conçoit la déviance selon la façon dont elle établit ses normes. Il est vain d'analyser les infractions aux règles sans avoir aucune idée du processus de leur production. La déviance elle-même consiste en conduite paraissant simplement dangereuses sans nécessairement l'être (LIANOS M. et DOUGLAS M., 2001 : 148).

Sur ce, les policiers évoluent à la fois dans les normes formelles et informelles. Ces deux sphères organisationnelles se renforcent mutuellement. Les dernières sont imposantes et déterminent la pratique de l'OPJ debout. C'est grâce à ce sphères que la police fonctionne. En détacher une, revient à bloquer la machine policière et méconnaître l'acteur social.

La visée est la recherche de l'essentiel à travers la pratique dit de l'OPJ debout. Pour ce faire, notre analyse n'a été rendue possible que par la manipulation des outils méthodologiques et techniques de recueil des données (MARY M., 1990 : 4).

La méthode qualitative constitue le coeur de notre démarche. Elle permet une observation rigoureuse et approfondie de notre objet. Elle est doublée de l'entretien sémi-directif et l'analyse du contenu (QUIVY R. et VAN CAMPENOUDT L., 1995 : 194).

Pour rendre intelligible notre discours, nous l'avons articulé autour de trois axes :

- le premier est centré sur la construction de l'objet de recherche et sa mise en contexte ;

- le deuxième cerne les dispositifs méthodologiques et le cadre référentiel ou champ d'analyse ;

- le troisième et dernier axe présente l'analyse criminologique de la pratique de « l'OPJ debout ». Il expose les résultats de recherche.

La conclusion générale met un terme à la présente. Elle récapitule les principaux résultats de cette recherche que nous considérons comme notre contribution scientifique.

CHAPITRE 1 

CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE
ET SA MISE EN CONTEXTE

Le contenu de ce chapitre consiste à répondre à la question de savoir quel est l'objet de cette recherche et sa mise en contexte ?

Elle implique une réponse à double dimension : l'objet de recherche (1) et son contexte (2).

I. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE

Cette partie du travail présente la conception et la mise en train de l'objet de recherche, cerne l'état de la question, fixe ses déterminants, délimite son champ, précise la problématique et les questions de recherche.

1.1. La Conception et la Mise en train de l'Objet de Recherche

La présente étude rentre dans la perspective de la finalité de l'Ecole de Criminologie. Nous devons préciser qu'une recherche peut être menée à titre individuel par les étudiants en formation, tout comme ce processus peut-être mis en oeuvre par l'institution. Ce faisant, l'Ecole de Criminologie a recruté les étudiants professionnels. C'est un atout pour qu'ils puissent produire un savoir scientifique de l'intérieur qui cadre avec leurs institutions respectives. Faisant notre cette finalité, notre souci a été celui de savoir quel objet cerner pour une telle étude.

Comme toute recherche a comme un point de départ l'observation empirique, celle-ci suscite un questionnement en vue de répondre aux interrogations découlant d'une pratique sociale. C'est du questionnement que dérivent la fixation et la précision de l'objet. (ALBARELLO, 2004 : 13) Il s'agit d'une longue et pénible gymnastique intellectuelle qui nécessite la maîtrise méthodologique, un raisonnement cohérent doublé d'une formation appropriée. Ainsi, nous a-t-il fallu d'abord partir du contact de l'existence de plusieurs problèmes vécus et observés dans le cadre du travail de la police.

A ce sujet, il a été constaté sur terrain un réel conflit entre l'Officier de Police Judiciaire (OPJ) et l'Agent de Police Judiciaire dans l'exercice de leur travail. Non pas seulement le conflit les oppose, mais aussi la nomination et l'avancement en grade l'amplifient. Par ailleurs, la police est militarisée et contient des éléments issus de toutes les factions belligérantes découlant de deux guerres qu'a connues notre pays. En plus, les différents éléments ont des formations différentes.

Focalisant notre attention sur le problème de grade, la situation conflictuelle nous a permis de jeter un regard orienté vers l'organisation hiérarchique de la police pour y repérer et localiser le tandem « Officier et Agent de Police Judiciaire (OPJ et APJ) qui évoluent chacun avec un statut et des rôles différents et spécifiques.

L'Officier de Police Judiciaire jouit d'une formation spécialisée, d'une fonction, d'une compétence et d'un grade y afférents lui conférant sa qualité et sa compétence en matière judiciaire. Par contre, un agent de police judiciaire reçoit une formation de base qui comprend la phase militaire et judiciaire.

Dans la pratique, il a été constaté que l'Agent de Police Judiciaire évolue et entre en compétition avec l'officier de Police Judiciaire dans le cadre informel lors de ses différentes missions : ordinaires et extraordinaires (LUNSUA P., 2006 : 8-9).

A ce sujet, l'Agent de Police Judiciaire dans l'exercice de ses différentes missions comme l'arrestation d'un sujet, s'érige ou se transforme en Officier de Police Judiciaire pour gérer les situations qui sont de la compétence de ce dernier.

A titre illustratif, l'Agent de Police Judiciaire envoyé par son commandant qui est un OPJ en vue d'arrêter un suspect pour abus de confiance, au lieu d'arrêter ce dernier, demande aux deux parties de s'arranger à l'amiable. S'il réussit l'arrangement, les deux parties lui donnent son dû et il rentre au sous-commissariat donner un faux rapport à son chef selon lequel le suspect est absent de telle manière que la partie plaignante rentre chez-elle.

Dans cette logique, il parait impérieux de préciser le concept d' « OPJ debout » dans le contexte empirique. Il n'est pas à confondre avec le Magistrat debout. Celui-ci est appelé ainsi par analogie à la procédure judiciaire qui oblige l'officier du Ministère Public à se tenir debout chaque fois qu'il prend la parole à l'audience. Il est le chef judiciaire de l'OPJ, à qui ce dernier rend compte de toutes ses activités judiciaires.

« L'OPJ debout », quant à lui, tire sa source dans sa pratique. C'est un APJ qui, sans papier, ni bic, ni bureau, non assermenté et non habilité, travaillant sous la supervision de l'OPJ, se permet de gérer les situations problèmes lors de l'exercice de ses différentes missions de Police Judiciaire, à l'insu de l'OPJ.

Il est nommé ainsi puisqu'il est expéditif dans sa pratique. Il ne se met pas debout pour trancher, mais la position « debout » exprime ici la manière expéditive de gérer le problème. Il improvise l'arrangement. En cas de non compromis, le problème est porté auprès de l'OPJ assermenté.

Par analogie au juge du siège, nous entendons par « OPJ » un officier ou un sous-officier de la Police Nationale de première classe qui a sous sa supervision les APJ. Il dispose d'un bureau. Ayant prêté serment, il est assermenté, habilité et compétent pour dresser les procès-verbaux judiciaires et rend compte de ses actes au Procureur de la République.

Il est OPJ à compétence générale à l'opposition de l'OPJ à compétence restreinte sur le plan matériel. (ALANGI EBE, 2006 : 16-19). Pour éviter l'équivoque dans cette recherche entre ces deux acteurs, nous appelons « OPJ debout » l'Agent de Police Judiciaire et « OPJ assis ou assermenté », l'Officier de Police Judiciaire.

La police est organisée hiérarchiquement sous réserve des règles par le corps de procédure pénale en ce qui concerne les missions de la police judiciaire. Elle est placée sous l'autorité de Ministère Public (LOFIMBO, 2006 : 9). Sous d'autres cieux lorsque les acteurs se trouvent en conflit avec la loi dans l'exercice de leurs missions, ils répondent de leurs actes à l'Auditorat Militaire qui relève du Ministère de la défense.

La police étant une institution génératrice de recettes, l' « OPJ assermenté ou assis » est un Agent de perception qui doit rendre compte à la Direction Générale des Recettes et Domaniale qui relève du Ministère des Finances et Budget. Toutefois, le versement se fait par la voie hiérarchique.

Du reste, l'article 14 de la loi n°80-003 dispose qu'avant d'entrer en fonction, l'Agent, selon la conception de cette étude, l' « OPJ debout » est tenu de prêter le serment suivant : « je jure fidélité au Président de la République, obéissance à la constitution et aux lois de la R.D.C. » (KAKESE E. et MBUMBA A., 2006 : 10).

Vu sous cet angle, l' « OPJ debout » n'a pas la compétence matérielle et géographique (territoriale) pour traiter les matières pénales. Par conséquent, il est même dépourvu de la compétence restreinte, celle qui est destinée au personnel des entreprises. (ALANGI EBE, 2006 : 18)

Cependant, il y a lieu de retenir que le manque de compétence de cet acteur suscite une réflexion à analyser empiriquement pour prendre la distance. Il en est de même pour l' « OPJ assermenté ou assis » qui travaille à la fois dans le formel et l'informel.

La fonction de l' « OPJ assis » a ses exigences spécifiques. Le policier ne peut exercer effectivement ses attributions, ni se prévaloir de cette qualité qu'après avoir été personnellement habilité par le Procureur de la République et prêté le serment suivant :

«Je jure fidélité au Président de la République, obéissance à la Constitution et aux lois de la R.D.C., de remplir fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d'en rendre loyalement compte à l'Officier du Ministère Public (OMP) (KAKESE E., et MBUMBA A., 2006 : 10)»

Les deux acteurs ayant un statut, des rôles différents et spécifiques, il a été constaté dans la pratique, qu'il y a un conflit dans l'exercice de la mission judiciaire. Ainsi, l'analyse conflictuelle entre les deux acteurs nous a-t-elle captivé pour y consacrer la recherche sur la pratique qui en découle.

Nous en sommes arrivé à expliquer les conflits des rôles et statuts entre « OPJ » et « APJ » dans l'exercice de la mission de Police Judiciaire.

La préoccupation est pertinente du point de vue production scientifique du savoir. Elle est aussi faisable puisqu'elle peut répondre à la réalité du terrain. Toutefois, elle pose la difficulté de clarté et de précision. (QUIVY R., et CAMPENOUDT L.V., 2006 : 28)

Sans doute, nous limiter uniquement au niveau du conflit entre les deux acteurs, reviendrait-il à réduire le champ. Celui-ci se veut plus vaste, mais précis pour ne pas s'écarter de l'objet.

Ainsi l'analyse conflictuelle a-t-elle été sujet de discussion avec notre promoteur qui nous a guidé d'aller au-delà des conflits pour aborder l'analyse des « relations » entre les deux acteurs. Ce concept est vaste et intégrateur.

Nous nous sommes posé la question suivante :

- Quelles sont les relations que les « OPJ » entretiennent avec les « APJ » et quel est l'impact de ces relations sur la mission de la police judiciaire ?

L'analyse des incidences est essentielle et peut-être retenue comme question de recherche. Cependant, la question centrale pêche contre le principe de la concision, c'est pourquoi, elle a été résumée de cette manière ?

- Quelles sont les relations entre « OPJ » et « APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire ?

Cette question centrale est concise, claire et précise. Elle a l'avantage d'être large puisqu'elle inclut les deux acteurs et offre la possibilité de s'élargir tout au long de la construction du savoir. Elle reste le fil conducteur de cette étude puisqu'elle est dans le possible ou le réalisable et analyse ce qui existe. C'est ainsi que nous retenons « le travail de la police judiciaire comme notre objet d'analyse criminologue ».

1.2. L'état de la question

Il nous permet non seulement de recenser et de fixer la littérature existante sur la question de recherche en vue d'opérer une rupture démarcative, mais aussi il ouvre des nouvelles pistes de réflexion susceptibles d'enrichir et d'élargir l'objet de recherche. Il permet également de retenir ou capitaliser certains concepts pouvant être mobilisés dans la recherche.

Selon notre recension faite sur la littérature disponible au regard de notre objet de recherche, il n'existe pas d'études spécifiquement consacrées à la pratique de l' »OPJ debout ». Néanmoins, certains ouvrages peuvent nous éclairer. Cette étude est une première contribution à l'analyse criminologique de cette pratique.

1.2.1.Thèses et mémoires

- Raoul KIENGEKIENGE INTUDI (2005), le contrôle policier de la délinquance des jeunes à Kinshasa, Thèse, UCL, Louvain. Il analyse de l'extérieur, l'écart entre la loi et la pratique au regard de la délinquance des jeunes. Par contre, celle-ci analyse de l'intérieur le décalage entre les missions judiciaires et la pratique de régulation sociale.

Si Raoul a épinglé la capitalisation horizontale, la présente va au-delà pour cerner également celle dite verticale. Son étude est un repère qui nous lance dans une piste de réflexion abordant les relations entre « OPJ » et « APJ » desquelles découle la pratique de l' « OPJ debout » comme un modèle particulier de règlement des conflits.

- Ildefonse TSHINYAMA (2006), la rencontre entre les policiers et les jeunes délinquants à Lubumbashi, Mémoire de DEA, Ecole de Criminologie, Université de Lubumbashi. Il exploite le même phénomène que Raoul, mais dans une perspective comparative. C'est le contrôle policier qui nous intéresse par les recettes non prescrites de régulation sociale.

- Norbert LUPITSHI WA NUMBI (2006), les pratiques non réglementaires dans le réseau automobile des transports en commun à Lubumbashi, mémoire de DEA, Ecole de Criminologie, Université de Lubumbashi. Il stigmatise la remise du rapport aux policiers de roulage par les automobilistes. Ce rapport est une facette de la pratique sous-étude. Le recoupement nous permettra d'opérer la « transfectabilité » de cette recherche.

- Honoré NGOY MWENZE (2006), La sécurité privée au Katanga : pratique et représentation de la DSA sécurité, mémoire de DEA, Ecole de criminologie, Université de Lubumbashi. La sécurité privée recourt à la police. Son étude nous servira à dégager les relations entre la police et la sécurité privée.

- Gabin KABUYA (2006). Son étude démontre que les magistrats recourent aussi à d'autres canaux normatifs que pénaux. Il en est de même des OPJ dans le contrôle policier. En plus, elle nous permet de stigmatiser les enjeux des acteurs dans la détermination de l'issue du dossier.

- NSAMBAY KABAMBA (2006), le travail juridique de la Police Nationale Congolaise : une étude empirique de la justice pénale, Mémoire de licence, Université de Kinshasa. Son étude est menée de l'extérieur et constitue une des sphères de notre recherche qui embrasse l' « OPJ assis ou assermenté ». La présente va au-delà de cette sphère pour cerner la pratique de l' « OPJ debout » comme point d'ancrage de cette recherche.

1.2.2. Ouvrages policiers

- MONJARDET, D. (1996), ce que fait la police, Paris, La Découverte. L'ouvrage présente la triple détermination de la Police. Dimension organisationnelle (travail), institutionnelle (valeur) et professionnelle (intérêt). C'est la première dimension qui nous captive. Il épingle ou décrit les pratiques quotidiennes des agents de la police qui sont relatives d'une police à l'autre.

- OCQUETEAU F., (2004), Polices entre Etat et marché, Paris, éd. PSP. Il démontre l'essor de la sécurité du secteur privé comme une défaillance de l'Etat dans ses allocations de ressources de protection.

- JOBARD F., (2002), Bavures policières ? La force publique et ses usages, Paris, La Découverte. L'auteur présente la violence des policiers exercés sur la population. L'ouvrage nous permet de lire la police comme une organisation discrétionnaire. En plus, les auteurs de la violence sont punis administrativement pour cacher les méfaits de la police.

- SMITS M. (2003), Etudier la police : une nécessité démocratique, Jurbise, C.E.P. En tant qu'une nécessité, la police et démocratie ouvrent pour nous une piste de réflexion d'une recherche ultérieure en termes de Police, droits de l'homme et démocratie.

1.2.3. Ouvrages juridiques

- DAYEZ B., (1999), A quoi sert la justice pénale ? Bruxelles, De Boeck. Elle nous permet de réfléchir sur la finalité de la justice sociale et nous permet à soutenir la pratique de l' « OPJ debout » comme un modèle de justice spécifique par l'arrangement entre parties en conflit.

- LEVY T., (2004), Eloge de la barbarie judiciaire, Paris, Odile Jacob. Elle nous permet de soutenir les avantages et intérêts de la pratique policière de l' « OPJ debout ».

1.3. DÉTERMINANTS DE LA RECHERCHE

La question centrale étant fixée, l'objet déterminé, la démarcation avec les études précédentes opérée, il est indispensable d'investir les orientations et les finalités de la recherche. Cette démarche est capitale puisqu'elle permet d'approfondir et de justifier les déterminants de l'objet d'investigation.

Faisant nôtre la perspective constructiviste qui suppose la pluralité du savoir, KAMINSKI D., précise qu' « elle est utile pour échapper à la croyance qu'il suffit d'avoir un objet pour faire la recherche, de ne pas croire aux évidences du sens commun (les hôpitaux servent à soigner les malades, les prisons à punir les criminels...), c'est-à-dire échapper le plus possible à la conventionalité des questions de recherche » (2005 : 13-14).

Dans cette optique, la présente étude a comme visée la recherche de l'essentiel à travers la pratique policière de l' « OPJ debout ». elle mobilise deux orientations inclusives et cumulatives.

· La première visée est la recherche de la cohérence logique et l'essentiel des faits. Elle analyse d'abord les relations entre « OPJ » et « APJ » dans l'organisation policière. Elle analyse ensuite les relations entre les phénomènes et privilégie la recherche des règles d'association qui structure les relations sociales. Dans cette optique, elle vise à démontrer comment la manière de faire de l' « OPJ » peut créer la pratique de l' « OPJ debout ». La non distribution implique la non participation et induit la pratique. L'APJ s'institue en « OPJ debout » et devient une instance de pouvoir. L'analyse porte sur les variations et les constances de ces relations en termes de situations à la fois de conflits et de coopération entre ces deux acteurs. La participation et la distribution sont mobilisées comme indicateurs d'analyse (QUIVY R. et CAMPENHOUDT L.V, 2006 : 228-229).

· La deuxième orientation est la recherche des contradictions. Elle vise la recherche du sens profond pour mettre à jour des contradictions dans les faits eux-mêmes et dans les interprétations des phénomènes. Cette perspective permet de relever les contradictions par les convergences et les divergences. Elle s'opère par le schème dialectique pour dégager les incidences des relations entre les deux acteurs dans l'exercice de leurs missions judiciaires. Elle est une aide qui permet de stigmatiser la pratique sous-étude comme mode non réglementaire de règlement des conflits. Elle prend en compte les avantages de la pratique policière comme intérêts à privilégier ou à réglementer et ses limites comme pesants à améliorer. Notre souci est de démontrer comment le conflit est structurant des objets sociaux.

Ceci étant, quel est le champ d'analyse de cette recherche et ses contours ?

La réponse à cette question fera le contenu du point suivant.

1.4. DÉLIMITATION DU CHAMP DE RECHERCHE

Les objectifs de la recherche étant fixés, il y a lieu de cerner ses limites d'analyse. Il s'agit de la précision spatiale, temporelle et conceptuelle de l'objet de notre étude.

1.4.1. Du point de vue spatial

L'étude portera sur le site d'observation qui est le sous-commissariat de police de « KAFUBU » dans la commune de Kampemba à Lubumbashi, comme milieu professionnel et de stage.

1.4.2. Du point de vue temporel

L'étude rentre dans la période du stage débuté au mois de janvier de l'an courant. Cependant, le fait a ses racines plongées dans la nuit du temps et qui seront éclairées dans la mise en contexte de l'objet de recherche.

1.4.3. Du point de vue conceptuel

Le travail de police judiciaire est un objet de recherche très vaste et il importe de préciser le contenu qui nous intéresse. L'analyse portera sur les relations entre l' « OPJ assis » et l' « OPJ debout » dans une situation dynamique autour de la « participation du pouvoir et de la « distribution ». De ces relations, découle la pratique de l »OPJ debout » qui est notre point d'ancrage.

Le champ étant bien délimité, quelles sont les lunettes d'approches (ou la grille de lecture) appropriées et convenables susceptibles de bien appréhender notre objet de recherche ?

Cette préoccupation fera l'objet dans cette section que nous abordons. C'est la perspective théorique appelée autrement problématique.

1.5. PROBLÉMATIQUE

Choisir une problématique est selon KAMINSKI D, « se donner une orientation théorique, choisir un type de rapport (le type d'explication au sens large) que l'on va établir entre son objet de recherche et les « explicans » disponibles. Il s'agit donc d'une spéculation hypothétique, non pas sur la réponse à apporter à la question de départ, mais sur le caché théorique dans lequel on va inscrire sa question » (2005 :24)

Le même auteur renchérit qu'établir la problématique de recherche revient à définir trois éléments :

1° Ce que l'on cherche à expliquer (l'explicancun ou variable indépendante).

2° Ce avec quoi on veut le mettre (l'explican ou variable dépendante).

3° Le type de relation entre ces deux premiers éléments (2005 : 25).

Pour nous, la problématique est cette manière théorique d'approcher l'objet d'étude. C'est la conception de l'objet selon une grille de lecture théorique adaptée et convenable qui servira des lunettes visionnaires.

Ce faisant, notre problématique s'est construite à trois temps à savoir : le premier est celui de la mise au point qui consiste à cibler parmi les théories, celle qui convient à cette recherche, le second consiste à préciser et à fixer la théorie retenue. Il permet aussi d'adapter notre question de départ pour la rendre plus fine. Le troisième dégage la pertinence de la grille retenue.

1.5.1. La mise au point

Notre recherche porte sur les relations entre l' « OPJ » et l' « APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire. Sur terrain, il a été constaté qu'à travers ces relations, l' « APJ » travaille sous l'ordre hiérarchique de l' « OPJ ». Cependant, celui-là, au lieu de respecter la procédure et ses missions judiciaires, il « renverse » l'ordre hiérarchique pour se substituer à celui-ci. En effet, l' « APJ » régule à son niveau certains conflits entre les parties concernées en lieu et place de l' « OPJ » et à son insu.

Par ailleurs, l' « OPJ », dans l'exercice de son travail judiciaire n'applique pas seulement et nécessairement les normes pénales, aussi et surtout les normes non prescrites comme mode de contrôle policier ou de règlement des conflits. Il se fait aussi qu'il clôture certains dossiers à son niveau en brisant son serment selon lequel il doit rendre compte de ses activités judiciaires à l'Officier du Ministère Public. Il va même au-delà pour réguler à son instance et clôturer certains problèmes tels que le viol, vol qualifié, avortement ... dont la loi et la procédure ne l'autorisent pas.

Devant ce fait, quelle est la grille pertinente et susceptible de rendre compte de la manière d'agir et de faire de ce tandem « OPJ - APJ » ?

C'est l'approche actancielle qui a été retenue dans cette recherche comme point de départ de notre problématique. Elle est fondée sur l'idée que les comportements des « acteurs sociaux » ne peuvent être réduits à des effets de structure ou de système. (QUIVY R. et VAN CAMPENHOUDT L., 2006 : 91).

Elle est processuelle et analyse le phénomène comme une réalité en devenir, produite par l'action des humains ou les contradictions internes du phénomène étudié (KAMINSKI D., 2005 : 24).

Cette approche semble plus susceptible de rendre compte que d'autres selon la visée de cette recherche qui tend à valoriser la pratique de l' « OPJ debout » comme mode spécifique ou forme non prescrite de règlement des conflits.

L'importance de cette approche a été celle de nous avoir guidé à cibler la police non pas comme un système, au contraire comme une « organisation » animée par les « acteurs » qui sont les policiers.

1.5.2. Fixation de la problématique

Ce qui nous intéresse, c'est la manière spécifique avec laquelle une théorie pose le problème et interroge les phénomènes à analyser et permet de se poser à leur propos des questions de recherche qui prolongeront la question centrale.

Ce faisant, la police comme « organisation » et les policiers comme « acteurs sociaux » nous renvoient aux théories qui traitent de l'interaction entre « l'acteur et l'organisation ».

A ce sujet, le travail de lecture nous a mis sur la piste de l'analyse stratégique de CROZIER M. et FRIEDBERG E., (1977) dans l'acteur et le système, qui s'est présentée comme une grille de lecture pertinente. Cependant, après l'avoir soumise à une analyse profondément mûrie, elle semble limitée par le concept « système » qui constitue un enfermement de l'acteur dans un cadre sans issue. Pour cette raison et celle d'éviter le débat sur « le système ouvert ou fermé », cette théorie est mise en jachère. Toutefois, en cas de pertinence, elle peut servir d'appui ou de référence.

En parcourant la littérature exploratoire, nous avons repéré la recherche de MONJARDET D., qui présente une analyse mieux indiquée « la police comme organisation ».

Il la conçoit en ces termes : « une organisation complexe, régie par des règles contraignantes, et dont les membres sont loin, de partager une vision identique des finalités de la police en général et de leurs propres missions en particulier. L'organisation informelle y joue un rôle déterminant » (1996 : 64).

La police comme organisation est caractérisée par une division et une spécialisation des tâches, des techniques, des procédés, des savoirs, une structure hiérarchique et des normes informelles.

Cette recherche a mobilisé cette grille de lecture pour expliquer la police comme « organisation » et les policiers comme « acteurs sociaux » dans les relations entre « OPJ » et « APJ » au regard de leur travail judiciaire. Elle nous permet de comprendre et d'analyser la police dans une perspective microsociologique.

C'est ainsi que nous avons stigmatisé la police en termes « d'organisation » comme instance hiérarchique où « OPJ » et « APJ » sont des « acteurs sociaux » définis par leurs statuts (grade) et leur rôle (fonction), mobilisent et coordonnent des ressources (maîtrise de la loi et de la procédure et les manières de les contourner...) en vue de réaliser leurs missions judiciaires. Régis par des règles contraignantes, évoluent dans le jeu de pouvoir, développent les stratégies pour réaliser leurs attentes personnelles et divergeant souvent avec celles de l'institution.

Ils sont en contact avec l'extérieur. Les normes et l'organisation informelles y sont déterminantes et imposantes.

Ce que fait la police, c'est ce que les policiers font et en font (MONJARDET D.,  1996 : 9). Ceci justifie bien la grille de l'acteur social et l'organisation qui montre les policiers non pas comme les simples animateurs, mais comme les acteurs sociaux qui font bouger la police et lui donne un visage particulier où émerge un « iceberg » dont la partie submergée constitue la pratique « d'OPJ debout » évoluant dans l'ombre. C'est ainsi que la nuit soutient le jour, et l'invisible constitue le socle du visible, c'est comme le latent et le manifeste, le non dit et le dit, le potentialisé et l'actualisé. C'est l'organisation informelle qui soutient celle dite formelle.

Cette grille de l'acteur social et l'organisation retenue comme problématique de cette recherche, dans le sillage de MONJARDET D., (1996), éclaire l'analyse des relations entre « OPJ » et « APJ » qui débouchent à la pratique dite de l' « OPJ debout ». L'organisation est un cadre abstrait. En tant que telle, elle ne fonctionne donc jamais en conformité parfaite avec les normes qui sont censées la régir, même si celles-ci ne sont pas contradictoires. Ces failles font que les policiers en tant qu'animateurs interprètent et adaptent les règles de l'organisation. C'est en cela qu'ils sont acteurs.

D'après cet auteur, les policiers jouissent d'une « autonomie » qu'il appelle « pouvoir d'initiative ». C'est ce que LOUBEL J.L., définit en termes de « pouvoir d'appréciation »  comme « une prise de décision qui n'est pas strictement gouvernée par des règles légales, mais qui comporte un élément significatif de jugement personnel. » (2006 :210)

MONJARDET insiste plus sur l'organisation que sur l'action des acteurs. Le pouvoir d'interpréter et d'adapter les règles de l'organisation ainsi que celui d'initiative ou d'appréciation dépendent des enjeux du pouvoir, du point de vue de chaque acteur, de son histoire et de ses projets propres. C'est ici que nous trouvons pertinent d'enrichir cette grille par celle de DEBUYST (1990 : 25-26).

Cette grille nous permet d'expliquer comment les policiers sont des « acteurs sociaux » agissants, intervenants et interagissants dans le secteur pénal selon leur point de vue lorsqu'ils se trouvent confrontés à des règles contraignantes. Leur point de vue est fonction de leur histoire et projet propres. Ils sont adultes, responsables et parents ; ils doivent prendre à charge leurs familles, s'équiper et aspirer au bien être ; le point de vue est aussi lié à leur expérience en vue de réaliser leurs attentes différentes de celle de l'organisation. Sinon, ils démissionneraient de la police depuis longtemps. C'est grâce à ces pratiques informelles qu'ils se maintiennent et que la police fonctionne comme telle.

Par cette problématique, la question de départ se précise pour se transformer et se prolonger en question de recherche :

« Qu'est-ce qui est essentiel dans les relations entre « OPJ » et « APJ » lors de leur travail judiciaire ? »

Sans doute, elle sera complétée et enrichie par d'autres questions pour approfondir et élargir l'objet de recherche.

1.5.3. La pertinence de l'acteur social et l'organisation

L'organisation permet de saisir la police comme un construit idéal qui a deux sphères dont l'une apparente, impérative, normative et contraignante. C'est celle qui est visible, apparemment rigide sans nécessairement l'être. C'est le règne d e prescription et de ligne de conduite, de décision et de sanction.

Elle exige la conformité. Cependant, elle peut être corrompue par les acteurs qui interprètent les règles et les adaptent selon leurs aspirations.

L'autre potentielle, elle sert de pilier fonctionnel à la première. C'est la sphère de l'adaptation et d'interprétation des prescriptions. Elle constitue la sphère non réglementaire. Elle est puissante et déterminante. Sans elle, la machine policière bloque. Elle assouplit les tensions et ouvre la voie aux pratiques. Elle constitue le point focal pour cette recherche puisqu'elle nous permet d'expliquer la pratique de l' « OPJ debout » qui n'est pas à considérer comme une déviance, mais comme une adaptation fonctionnelle valorisée en « déviance créatrice » puisqu'elle permet aux acteurs de créer leurs propres lois, d'autres modes de régulation...

L'acteur et l'organisation suggèrent comme mode d'appréhension le processus et le sens. A ce propos, la substitution de l' « APJ » en « OPJ » a un sens à découvrir (DIGNEFFE F., 1990 : 360) et les relations entre ces deux acteurs sont porteuses de signification à dévoiler (CROZIER M. et FRIEDBERG E., 1977 : 16).

La grille nous permet de dégager les logiques et les représentations des actions des acteurs.

Finalement, les policiers dans l'organisation sont des acteurs sociaux constamment pris dans l'élaboration de leur propre identité à travers les règles formelles et informelles. Celles-ci sont puissantes et déterminantes puisqu'elles permettent la production des pratiques en tant que réalités se structurant et en devenir dans l'organisation.

C'est ainsi que les acteurs modèlent les règles contraignantes de l'organisation policière en général et du champ pénal de régulation sociale en particulier. Ils les interprètent, les jaugent, les discernent et les adaptent ou en créent d'autres selon les occasions en présence et leur point de vue.

Il sied de préciser que cette problématique n'est qu'une spéculation hypothétique à soumettre aux données empiriques. C'est celles-ci qui en dernière analyse élucideront ses limites et son adaptation en vue de valider la transferabilité de cette recherche.

1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE

La question centrale est le pivot de toute recherche. Après l'avoir soumise à une analyse profondément mûrie, nous avons retenu la question suivante comme question de départ : « Quelles sont les relations entre « OPJ » et « APJ » dans l'exercice du travail de police judiciaire ? »

La problématique étant cernée, la question centrale transformée, précisée et prolongée en question de recherche, ci-après, il est impérieux d'en envisager d'autres qui serviront de point d'ancrage d'hypothèse. Comme il sera intéressant de décortiquer pour découvrir sur base des données empiriques les préoccupations suivantes :

1° Qu'est ce qui est nécessaire dans les relations entre « OPJ » et « APJ » lors de leur travail de police judiciaire ?

Le point capital de ces relations n'est pas visible, il est difficilement observable puisqu'il se pratique dans l'ombre. C'est la pratique de « Kundelpain »qui signifie en « cachette ». Elle est le point d'ancrage de cette recherche. Elle stigmatise l'organisation policière comme cadre imparfait dont les acteurs modèlent et façonnent pour la fonctionnalité. Sans elle, la machine policière bloque.

Elle surplombe l'organisation observable. Elle est dénichée dans la sphère informelle qui s'avère puissante et imposante malgré les contraintes de l'organisation policière. Ce qui est important, ce n'est pas ce qui est visible, mais ce qui est caché. La nuit est plus importante que le jour. Tout ce qui se passe pendant le jour est une projection de ce qui se passe pendant la nuit. Le jour, c'est l'ombre de la nuit. C'est de la nuit que découle le jour. C'est comme la fondation et le mur. Celui-ci est visible et parait plus important que celle-là.

Pourtant, cette apparence n'est qu'un leurre, un trompe oeil. La fondation est invisible et plus essentielle que le mur puisqu'elle le soutient. Sans elle, le mur ne résiste pas et peut s'écrouler. Les deux se soutiennent pour former un édifice solide. S'ils ne se soutiennent pas l'édifice est fragilisé.

L'essentiel est à dénicher dans la nature, les enjeux du pouvoir ou règles du jeu, les ressources et stratégies mobilisées à travers les relations internes et externes de deux acteurs.

Dans une cohérence logique, ces concepts ciblés trouveront réponses à travers le corpus de cette recherche en vue d'éclairer l'essentiel qui s'inscrit dans la posture non prescrite comme modèle de règlement des conflits dans le contrôle policier. Ils demeurent des questions de recherche en veilleuse.

2° Quelles sont les pratiques qui naissent de ces relations, les logiques qui les sous-tendent et les contradictions qui s'en dégagent ?

Si des pratiques il y en a, nous visons l'essentiel de celle dite « OPJ  debout ». Elle suit la logique de précarité et de la vulnérabilité sociétale. Se trouvant au bas de la hiérarchie l' « OPJ debout » est fragilisé par ses supérieurs en commençant par l' « OPJ assis » s'il ne distribue pas. Ce dernier subit les mêmes effets par ses supérieurs et l'Etat qui ne distribuent pas. D'où le tandem « OPJ assis et debout » s'institue à l'Etat pour se payer. C'est ainsi que les deux acteurs mobilisent les sources et stratégies pour répondre à leurs attentes.

Ce qui est essentiel, n'est pas le fait de capitaliser pour les intérêts personnels à l'antipode de ceux de l'organisation, mais c'est ce qui est derrière la capitalisation que nous devons décortiquer.

Les contradictions qui en découlent permettent de rendre compte la manière dont les acteurs légitiment leurs actes non prescrits lors du travail judiciaire. Elles rendent comptent, en paraphrasant MONJARDET D., et OCQUETEAU F., « ce que fait la police, c'est ce que les policiers font et en font » (2004 : 75)

Elles permettent de fixer les intérêts, les pesants, les limites du modèle non réglementaire de justice. Les contradictions visent le non dit, le no perçu, c'est-à-dire les significations et le sens des actes. A titre illustratif, les policiers disent ou chantent : « oyo mosala te, oyo mosala te bandeko » Ce qui se traduirait « La police n'est pas un travail mes frères ».

L'idée exprime le travail pénible de la police.

Si le travail était pénible, comment se fait-il que le policier ne l'abandonne pas et continuent à travailler avec zèle ?

La réponse « Esengo ekoya, ya bulo yango » qui veut dire, « la joie du travail viendra ». Cette joie et le travail zélé trouvent leur impulsion dans les pratiques policières qui rentrent dans la sphère informelle.

3° Comment ces relations influent-elles sur le fonctionnement de la police judiciaire et quelles en sont les différentes représentations par les acteurs eux-mêmes en interaction avec la population ?

La question est très pertinente puisqu'elle nous renvoie à saisir la police comme un modèle de justice à deux sphères dont l'une est en « Kundelpain » et l'autre visible. La police est une instance de justice, un « tribunal » ou le champ normatif est diversifié.

Tout dépend du jeu des acteurs en présence pour le recours à telle ou telle recette régulatrice : pénale, sociale coutumière, habitus... Il n'y a pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs en produisent aussi. Cette perspective, nous a permis de souscrire à la grille criminologique de l'acteur social que nous avons eu le loisir de cerner ses contours dans la phase précédente.

II. MISE EN CONTEXTE HISTORICO-SOCIO-ECONOMIQUE
DE L'OBJET D'INVESTIGATION

La mise en contexte du phénomène sous-étude est un préalable scientifique qui n'est pas à considérer comme une finalité en soi, mais comme un moyen approprié permettant de comprendre mieux le comportement des policiers et le fonctionnement de la Police. Celle-ci est envisagée sous une dimension organisationnelle de régulation sociale.

La mise en contexte nous a permis de nous mettre dans la peau des acteurs pour les observer, les écouter et comprendre leur agissement à travers l'évolution historique et le cadre socio-économique où ils interagissent.

Le phénomène que nous analysons est ancien puisqu'il a ses racines plongées dans la nuit du temps. Sa spécificité ou sa singularité est mal identifiée puisqu'il évolue dans l'ombre. Il peut se comprendre comme produit de l'histoire et de l'évolution socio-économique permettant aux acteurs (OPJ assis et debout) d'agir sur les modes de régulation des situations, la manière d'exprimer leur logique, leur représentation dans leur manière de faire justice.

Toutefois, retenons que l'analyse de ce qui se passe dans l'ombre nous interdit toute corrélation mécanique entre pratique et carrière délinquante, comme l'indique RICORDEAU G. (2001 : 165)

Par contre, l'attitude scientifique est de valoriser ce qui est positif dans la pratique de nuit au regard des relations entre « OPJ assis et debout » dans l'exécution du travail de police judiciaire.

Notre visée dans ce faisant, c'est l'analyse de la structuration sociale du comportement des acteurs en recherchant le rôle essentiel de la pratique de l' « OPJ debout ».

2.1. CONTEXTE HISTORIQUE

L'historique des forces de police est le fruit de notre synthèse intellectuelle, adaptée et enrichie par d'autres sources, du cours de « l'histoire et organisation de la police » dispensé par le professeur (KAUMBA LUFUNDA, 2006).

Pour mieux comprendre les forces de police dans notre pays, il convient de distinguer les missions militaires de défense et de sécurité du territoire, de missions de police relatives à la sécurité publique, à l'ordre public et à la salubrité publique. A travers l'histoire, la police a toujours été militarisée et ses missions ont été exercées par différents corps que voici : la Force Publique, la Police territoriale, la Gendarmerie, la Police provinciale, la Police nationale, la Gendarmerie nationale, la Garde civile et la nouvelle formule de la Police nationale qui est en vigueur.

Avant d'entrer dans le vif, il convient de préciser, avec le Professeur KAUMBA LUFUNDA Prince ce qui suit :

« Les forces de police sont un maillon du système global de sécurité d'un état. Leur organisation évolue avec la conception que l'Etat se fait de l'ordre publique, en fonction des préoccupations sécuritaires qui prévalent à telle ou telle période de l'histoire ; le visage des agents de l'ordre témoigne ainsi le visage de l'Etat et de la manière dont l'Etat gère les rapports des citoyens à la loi » (2006 : 1)

Ainsi, les grandes étapes de cette évolution s'articulent-elles autour des préoccupations de sécurité se focalisant tantôt sur la sécurité du territoire, tantôt sur la sécurisation du territoire, tantôt sur la consolidation de pouvoir, tantôt enfin sur la sécurité des personnes et des biens et sur le bien-être social.

Sur ce, le cheminement de ces formes s'articulera autour de trois grandes périodes de l'histoire : la période précoloniale, l'époque coloniale et l'indépendance.

2.1.1. Epoque précoloniale

L'histoire nous renseigne qu'avant la colonisation de notre pays, il comptait et regorgeait plusieurs sociétés organisées en communautés étatiques et non étatiques. Les communautés organisaient leurs forces de l'ordre dans des systèmes non permanents. Il existait autour, du chef des groupes armés qui assuraient et assumaient le maintien de l'ordre dans la communauté et qui étaient appelés à la défendre en cas d'agression comme l'indique (LUNSUA KUNZENZE, 2006 : 7).

Les différentes situations problèmes pouvaient émerger dans la communauté entre les membres. Elles étaient traitées par le chef et ses notables autour de l'arbre à palabre. C'est le principe de l'arrangement à l'amiable. Et les deux parties en conflit versaient chacune une calebasse de vin de palme et un régime de banane comme symbole de remerciement aux « juges » pour le service rendu. Cette forme de régulation a été rejetée par la colonisation sous prétexte du droit de non civilisés en faveur du Droit pénal écrit. Mais, aujourd'hui, elle est valorisée en Europe par ceux qui l'ont rejetée.

2.1.2. Epoque coloniale

2.1.2.1. La Force Publique

En 1885, la conférence de Berlin consacra la propriété du territoire du Congo pour le Roi Léopold II. Peu après la création de l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C), Léopold II créa la Force publique par le décret du 5 Août 1888. Elle est une institution militaire dotée des missions militaires d'occupation et de défense du territoire.

Faute d'une force de police, elle en assuma les premières missions en combattant le commerce des esclaves et en garantissant la liberté du commerce dans le bassin du fleuve Congo.

Après la première guerre mondiale, la Force publique fut d'abord glorifiée et ensuite oubliée et réduite. Son budget s'amenuisa, entraînant la diminution de ses objectifs et de ses moyens. C'est ainsi que le décret du 10 mai 1919 redéfinit alors ses missions :

- assurer l'occupation et la défense du territoire colonial ;

- maintenir la tranquillité et l'ordre public ;

- prévenir les infractions ;

- surveiller et assurer l'exécution des lois, décrets, ordonnances et règlements, spécialement ceux relatifs à la police et à la sûreté générale.

Les officiers et sous-officiers étaient officiers de police judiciaire. Le recrutement se faisait par le volontariat ou par le système milice.

Le décret du 22 mars 1927 introduisit la distinction entre troupes campées et troupes en service territorial. Les premières étaient organisées pour lutter contre l'ennemi, tandis que les deuxièmes veillaient à l'ordre intérieur et assuraient ainsi les rôles de la police. Elles exercèrent des fonctions d'ordre économique et social, en participant à la création des postes, et intervenant notamment dans des conflits tribaux.

Indépendamment des commandants militaires gérant les troupes campées, les administrateurs du territoire qui furent pour la plupart des militaires, disposaient également d'une force pour assurer la sécurité publique et le maintien d'ordre intérieur. C'est ce que (LUNSWA K., 2006 : 7) appelle la « garde civile blanche qui se manifesta par la création dans certaines localités, un corps de volontaires européens en guise de compensation de la puissance accordée aux militaires indigènes.

2.1.2.2. La police des chemins de fer et les corps de police territoriale

Instituée par le décret du 10 décembre 1903, la police des chemins de fer était chargée d'assurer l'ordre et la tranquillité publique, et spécialement d'exercer une surveillance active et continue sur les magasins, ateliers, dépôts, wagons de marchandises...

C'est la naissance des services de gardiennage comme le souligne Prince KAUMBA LUFUNDA (2006 : 2).

Si les responsables des chemins de fer avaient tant besoin d'une force de sécurité, que dire des administrateurs à qui incombe cette charge ?

Ne pouvant disposer à leur guise de la Force publique, ils installèrent progressivement des unités de police en créant la police des collectivités, celle des Centres extra-coutumiers ainsi que celle dite urbaine dans certaines grandes ville comme Léopoldville (Kinshasa) et Elisabethville (Lubumbashi).

Ainsi, l'Ordonnance du 22 mars 1927, institua-t-elle dans les grands centres le corps de police municipale tandis que le décret du 22 novembre 1928 donna naissance au corps de police administrative, indépendant de la Force Publique.

Cette situation évolua progressivement jusqu'à donner lieu à la création des corps de Police Territoriale, par ordonnance n°21/432 du 10 décembre 1948. Ces corps furent mis en service des provinces et leur effectivité se réalisera à partir de 1950.

Notons que le système ne réalisa pas les résultats escomptés puisqu'il eut des révoltes, trouble et grèves dans les mines du Katanga ainsi que des mutineries que la Force ne sut mater (LUNSUA K., 2006 : 7).

Il sied de remarquer que la fonction policière est prise en considération à partir du moment où les préoccupations militaires de défense territoriale baissent. C'est notamment en 1919 et 1948, l'après deux guerres mondiales, dates repères coïncidant avec la mise en vedette de deux modes d'exercice de la fonction policière. Il y eut une fonction mixte, propre à la gendarmerie, à savoir celle des troupes en service territorial, et celle de la fonction de police proprement dite apparaissant avec la création des corps de police territoriale.

2.1.2.3. La Gendarmerie

Si la police des chemins de fer était tournée vers la défense de l'économie et que la police territoriale cernait la protection des personnes et des biens, c'est parce que le pays et le pouvoir qui s'y exerçait étaient à l'abri des tribulations majeures. C'est pourquoi l'accent a été focalisé davantage sur la population et son bien-être.

Cependant, la situation allait changer à la veille de l'indépendance. Le 04 janvier 1959, il eut des émeutes dans la capitale. Les forces de l'Ordre intervinrent dans des manifestations à caractère politique et il eut des morts. Le pouvoir colonial se sentant menacé, il fallut réorganiser les forces surtout dans les milieux urbains où les tensions étaient plus perceptibles.

Le pouvoir colonial décida alors la création d'une gendarmerie calquée sur le type belge. Elle ne fut pas exécutée suite à des contraintes budgétaires. C'est donc toute la Force Publique qui fut responsabilisée pour le maintien et rétablissement de l'ordre public (MROP) après les événements du 4 janvier 1959.

Cette force de l'ordre fut alors organisée en troupe de première intervention pour le service territorial et en troupe campée comme unité de réserve.

Il eut des émeutes en octobre 1959, à Stanleyville (aujourd'hui Kisangani, 3ème ville de notre pays), suivies d'une nouvelle intervention musclée de la Force publique.

Il a fallu attendre le 11 mai 1960, presqu'à la veille de l'indépendance, pour voir naître « la gendarmerie », par l'ordonnance législative n°081/188.

Cette base légale fut le premier texte de service du maintien et de rétablissement de l'ordre. C'est ainsi que les troupes de la Force publique en service territorial furent consacrées « GENDARMERIE » qui signifie étymologiquement, les gens d'armes. D'où gendarmer a comme acception, se mettre en colère, s'emporter, réagir vivement, protester (REY A. et al., 2002 : 504).

La gendarmerie désigne la force militaire chargée d'assurer le maintien de l'ordre public, l'exécution des lois ainsi que la sécurité aux armées sur tout le territoire national. Elle désigne également les bureaux où les gens d'armes assurent leurs fonctions administratives.

2.1.3. Epoque post coloniale

2.1.3.1. Les corps de police provinciale

A l'accession de notre pays à l'indépendance, il hérita d'un système comprenant aussi bien les unités de la Force publique que celles des polices territoriales et de la gendarmerie.

Les membres de ces corps avaient pratiquement suivi la même filière : jeunes éléments de la Force publique, ils étaient passés aux unités en service territorial avant d'être convertis en gendarmes. C'est en ce moment précis que les premiers policiers congolais accèdent aux fonctions de sous-commissaires de police, réservées autrefois aux seuls cadres européens, à l'instar des grades d'officiers au sein de la Force publique.

Quant à leur organisation, les unités de police provinciale se différencient nettement de la Force publique qui est devenue Armée Nationale congolaise (ANC) si celle-ci est unitaire et fortement centralisée, les forces de police par contre échappent au pouvoir central et relèvent des autorités politico-administratives provinciales. Ceci va favoriser leur profession à l'autonomisation et à leur transformation en milices au profit des détenteurs des pouvoirs provinciaux.

A partir du 5 juillet 1960, l'armée se mutinera et la police contribua à sa façon à la destruction de l'unité nationale. La fonction militaire l'emportera sur celle de la police pour l'intégrité nationale. C'est ainsi que les polices sécessionnistes deviendront des armées rebelles. La pacification du pouvoir territoire correspondra avec la restauration du pouvoir et de l'autorité de l'Etat et nécessitera, comme au lendemain de deux guerres planétaires et des troubles de 1959, la restructuration des forces de police ainsi que la réorganisation de l'armée.

Suite à ces incidents, il sera créé par décret-loi du 13 octobre 1964, une force de police du gouvernement central, selon l'esprit de la Constitution de Luluabourg, qui viendra en renfort aux forces de police provinciale et qui, le cas échéant les matera en cas de leur compromission.

2.1.3.2. Police nationale congolaise : première formule

Pour mettre fin à la disparité des forces de police et éviter ainsi les empiètements entre la force du gouvernement central et celles des provinces, il sera procédé, après le coup d'Etat du 24 juin 1965 par Joseph Désiré Mobutu, à la fusion de toutes les forces de police existantes. C'est ainsi que la première Police Nationale de République Démocratique du Congo fut créé par l'Ordonnance-loi n°66-423 du 20 juillet 1966. Elle était forte de 20.000 hommes, dont plus ou moins 2.000 officiers.

Cette unification obligera l'harmonisation de la hiérarchie des grades et la standardisation de la formation dans les différents centres d'instruction disséminés à travers les provinces. Les officiers devant passer par l'Ecole Supérieure de Police de Matete à Kinshasa et d'autres suivirent des spécialisations à l'étranger. Et les cadres universitaires furent recrutés à partir de 1967, licenciés en droit, sciences administratives, sciences sociales, ingénieurs en télécommunication et médecins).

2.1.3.3. La gendarmerie nationale

Ayant ses exploits comme actifs, l'expérience de la Police Nationale se buta contre l'insécurité entretenue par les rebelles, les groupuscules rivaux et les mercenaires. Il fut nécessaire, devant cette menace, de renforcer l'action de l'armée en lui attribuant toutes les forces disponibles. Les exigences de type sécuritaire s'imposaient ainsi que l'intégration des différentes structures de l'Etat dans le parti unique. C'est ainsi que l'instrument du pouvoir qu'est la sécurité était concentrée entre les mains du Chef de l'Etat qui se proclama Ministre de la Défense et commandant en chef des forces armées. Ayant la main mise du système global de sécurité, les forces de l'ordre autrefois dépendant du Ministère de l'Intérieur, passaient au Ministère de la Défense Nationale.

L'opportunité fut offerte par quelques mouvements de mécontentement au sein des unités de la Police de Kinshasa. C'est ainsi que par l'Ordonnance-loi n°72/031 du 31 juillet 1972, la Gendarmerie et la Police Nationale sont fusionnées pour former la « GENDARMERIE NATIONALE ». A la même occasion, l'Ordonnance-loi n°72/033 entraînant la dissolution de la Police Nationale.

Il se passa qu'un grand nombre de policiers fut mis à la retraite prématurée ou versé à la vie civile. Certains officiers ayant intégré cette gendarmerie furent rétrogradés et humiliés dans les centres d'instruction et furent par la suite démobilisés.

Contrairement à la Police Nationale, la nouvelle institution fait partie intégrante de forces armées. Ses membres sont des militaires et les éléments intégrés de la police subirent une formation militaire.

Sur ce, elle est une « armée » et récupère la mission dévolue à la Police et dispose des officiers de Police judiciaire nommés à la fois par le Ministre de la défense et celui de la justice. Ils sont « bifaces » ou « bicéphales » puisqu'ils sont militaires avant d'être auxiliaires de la justice.

Quant à la formation, elle regorgeait un corps d'officiers très qualifiés ayant suivi le cursis de l'Ecole Royale Militaire, les criminologues modelés à l'université de Liège, ainsi que des techniciens et brevetés d'Etat-Major.

Les conditions de vie dégradantes ainsi que le travail militaire poussèrent ses agents à la déliquescence morale. Elle fera l'objet de vives critiques. Les deux guerres du Shaba et celles de Moba I et II eurent de répercussions sur l'organisation et le fonctionnement de la Gendarmerie Nationale.

2.1.3.4. La Garde civile

Les quatre guerres qu'a connues le Shaba, aujourd'hui Katanga (la guerre de 80 jours, celle de six jours à Kolwezi, Moba I et II), l'émergence du terrorisme international et le trafic des drogues accolé de nouvelles formes de criminalité, la dislocation de l'URSS qui suscita de nouvelles stratégies hégémoniques, militèrent à la création d'une nouvelle force qui devrait sécuriser les frontières et maintenir l'ordre interne.

Par ailleurs, le comportement des gens d'armes au lendemain de la première guerre du Shaba poussa le Président MOBUTU à le déplorer à travers son discours du 24 novembre 1977 en ces termes :

« Il est inadmissible que l'étranger ou le citoyen zaïrois qui voit surgir l'ombre du magistrat, du gendarme, se sente terrorisé plutôt que de se sentir sécurisé. Et trop souvent, bien des injustices sont commises à l'endroit des innocents tandis que les véritables coupables courent les rues librement et orgueilleusement »

Le premier noyau de formateurs et encadreurs était prêt, la première guerre de Moba survint pour confirmer le besoin par le constat fait en 1977 à savoir que « nos frontières ne sont pas seulement perméable, mais elles sont des véritables passoires ». Cette situation frontalière précipita la création d'un nouveau corps de police.

Sur ce, la nouvelle force de police aura à assumer les missions suivantes :

- assurer la défense des frontières ;

- lutter contre la criminalité économique ;

- traquer les nouvelles formes de criminalités ;

- constituer un bouclier efficace contre le terrorisme international.

Ainsi, la GARDE CIVILE sera créée par l'Ordonnance-loi n°84/036 du 28 août 1984. Le personnel de la gendarmerie mal encadré et vieilli, la nouvelle force devait se substituer à la Gendarmerie Nationale pour ne plus mêler les forces armées aux opérations ordinaires de la police. Le problème dénominationnel se posa avec acquitté. L'aléatoire voulu qu'en ce moment précis, la Garde Civile espagnole fit parler d'elle dans les médias et son nom inspira les initiateurs de cette nouvelle force. C'est ainsi que naquit la Garde Civile du Zaïre.

Quant à son organisation et son fonctionnement, ils sont dictés par l'Ordonnance-loi n°86/227 du 25 juillet 1986 portant règlement d'administration inhérent au personnel, au fonctionnement et à l'équipement de la Garde Civile du Zaïre.

C'est vers 1987 que cette force fut effective et se focalisa sur la lutte contre la fraude douanière. Des résultats probants et spectaculaires furent obtenus à la grande satisfaction de la population. Ici au Katanga, à l'époque Shaba, les éléments de cette force avaient occupé le poste douanier de Kasumbalesa.

A l'antipode de la Gendarmerie ou gens d'armes, cette nouvelle force est un corps non militaire qui relevait de la présidence. Ses agents ne sont soumis ni au règlement de discipline militaire, ni aux juridictions militaires (Auditorat). Le port d'uniforme, des grades et des insignes de grade sont différents.

Se substituant à la gendarmerie avec ses missions, la Garde Civile s'est vue ajouter des missions spéciales relatives à la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite des stupéfiants, la fraude douanière et la contre bande. Pour réussir de telles missions, il faut un corps militaire quoique l'esprit des initiateurs le déshabille de cet attribut. Pour nous, la Garde Civile fut une force militarisée.

Nous confirmons ce propos avec le Professeur (KAUMBA LUFUNDA, 2006 : 8) lorsqu'il parle de la formation du personnel. Les éléments de cette force avaient suivi des formations spécialisées dans le Centre d'Entraînement des Troupes Aéroportées (CETA) pour les parachutistes ainsi que dans celui de Kota-koli pour les commandos. Les types de formation et d'armement sont les caractéristiques de base de la militarisation suite aux besoins de sécurité du pouvoir.

Par la suite, ce corps connu des modifications avec l'avènement de la démocratie pluraliste. Ces modifications rappellent les préoccupations de la Force Publique à la veille de l'indépendance lorsque le pouvoir colonial s'est senti en danger. Se battant sur le plan de l'économie, ce corps allait davantage se militariser pour s'impliquer énergiquement dans les opérations de maintien et rétablissement de l'ordre public, en gérant les manifestations de divers groupes politiques s'opposant au régime mobutiste.

Dès lors, les éléments de ce corps étaient désormais justiciables des juridictions militaires. Par ailleurs, ce corps a réintégré les forces armées en adoptant les insignes et grades et le Président Général est remplacé par un commandant Général qui est militaire. Il sied de remarquer que la Garde Civile comme force, vécut à couteaux tirés avec la gendarmerie qui fut négligée, jusqu'à l'avènement de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) qui ressuscita le 2 août 1997 la Police Nationale Congolaise nouvelle formule ».

2.1.3.5. Police Nationale Congolaise : Nouvelle formule

Il se fait que la chute de la deuxième république s'est accompagnée de démantèlement non seulement des Forces armées, mais aussi des Forces de l'ordre, à savoir la Gendarmerie nationale et la Garde Civile. Ces deux forces vécurent à couteaux tirés jusqu'à l'avènement de l'alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) comme le précise bien LUNSUA K. (2006 : 8)

Dès ses débuts, la Police nationale s'est démarqué des Forces armées en se dotant de mesures simples et fonctionnelles. Ainsi donc, à la date du 2 août 1998, l'AFDL ressuscita la dénomination « Police Nationale Congolaise nouvelle formule » ses effectifs sont parfaitement maîtrisés, la rémunération est régulière sur toute l'étendue du territoire national et ses rapports avec la population sont cordiaux.

En effet, le rythme et la vitesse de croissance de cette police a crée ces problèmes structurels pour répondre aux besoins de la lutte contre la criminalité. C'est pourquoi, pour y parer, il a été procédé à des recrutements à la va vite. C'est ainsi qu'au sein de la police, il y est retrouvé les éléments formés : [les anciens de Forces Armées Zaïroises, de la Gendarmerie de la Garde Civile, éléments formés à Maluku et Mvula Matadi, militaires venus d'Angola (tigres)] ainsi que nombre d'agents volontaristes dont les insuffisances entament le crédit du corps.

En gros, il s'agit de toutes les forces belligérantes y compris les mayi-mayi ou forces de résistances qui constituent les poches de résistances dont les conséquences sont encore perceptibles aujourd'hui.

A la liste, s'engrènent aussi les « Kadogo » appelés en Afrique de l'Est et du Centre les enfants soldats. A ce sujet CHEUZEVILLE H., précise le concept en ces termes :

« Kadogo est un mot swahili signifiant « petite chose », chose sans importance. Sans doute le concept a-t-il été inventé par les chefs de guerre eux-mêmes. Ce qui est révélateur de peu d'importance qu'ils attachent aux enfants qu'ils utilisent pour parvenir à leurs fins. Ce sont des porteurs, des domestiques, des « tueurs » rendus dociles par les mauvais traitements et le chanvre.

Malades, morts d'épuisements ou au front, on les abandonne, on les remplace à volonté. Le réservoir semble inépuisable puisqu'ils sont volés à leurs familles impuissantes» (2003 : 10)

Renchérit l'auteur :« Même si tous les enfants dont je raconte ces souffrances n'ont pas été des enfants soldats, des « Kadogo », tous sont des victimes sacrifiées à ces guerres absurdes se découlant dans l'indifférence générale des gouvernements, des grandes multinationales et des organisations internationales.» (2003 : 10)

A l'heure actuelle, les « Kadogo » ont cessé de l'être puisqu'ils sont devenus majeurs. Et parmi eux, certains ont intégré la Police au même titre que les éléments d'autodéfense populaire (FAP). Ainsi, la Police comme force, fonctionne dans un premier temps sans texte de base jusqu'au 26 janvier 2002, date à laquelle elle prit une existence légale par le décret-loi n° 002/2002 en vigueur à ce jour(2(*)) avec ses problèmes structurels : nomination de grades sans mise en place, ni critères objectifs, la non maîtrise des objectifs, l'insuffisance de formation, la perte de confiance dans le chef de la population.

2.2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE

Il sera ici question de décortiquer les conditions socio-économiques, en tant que cadre de vie où les différentes forces ont évolué à travers le temps.

2.2.1. Epoque précoloniale

L'époque précoloniale est une période non étatique dans le vrai sens du terme. Chaque communauté était pourvue d'un chef qui disposait d'une force de l'ordre. Le chef était censé puissant économiquement.

Disposant des ressources humaines et matérielles, il pouvait les redistribuer et par contre, il recevait des « milambu » qui sont des dons. C'est pourquoi, le jugement entre deux parties en conflit se terminait souvent par l'arrangement à l'amiable et chaque partie lui versait un pot de vin et un régime de bananes en guise de remerciement pour le service rendu, à savoir, la restauration de la paix pour l'harmonie.

Les éléments de force du chef dépendaient économiquement de lui Ils vivaient grâce à sa magnanimité et avaient une certaine considération dans la communauté.

2.2.2. Epoque coloniale

A l'époque coloniale, les conditions socio-économiques étaient d'une manière générale bonne.

Nos propos sont corroborés par DIBWE DIA MWEMBU dans son étude sur le processus d'informalisation, il relate le récit de Richard NKULU, élément des Forces Armées Zaïroises qui rappela les conditions de vie relativement bonnes pour les militaires de la Force publique à cette poque :

« Pendant la période coloniale, le militaire était pris en charge par le pouvoir public. Les camps militaires étaient pourvus de cantines qui fournissaient tous les produits alimentaires comme la farine de maïs, l'huile de palme, l'huile d'arachides, les haricots, le riz, le sucre, le sel, le lait, la viande, les poissons frais ... les cantines fournissaient donc tout ce qu'il fallait pour permettre aux militaires d'avoir un régime alimentaire de trois repas par jour.

A la fin du mois, il touchait quelque chose qui lui permettait de payer des habits et de faire quelques économies.» (2002 : 39)

Toutefois, il y a lieu de signaler qu'à cette époque, l'Etat a connu aussi le problème de gestion de ces forces suite à la difficulté financière. C'est comme la création de la Gendarmerie calquée sur le modèle Belge n'eut pas lieu à cette époque suite au problème budgétaire.

2.2.3. Epoque post coloniale

2.2.3.1. De 1960 à 1965

La situation que connut le pays au lendemain de l'indépendance eut des conséquences néfastes sur le plan économique et social.

Il se passa que le départ des Européens entraîna le rapatriement des capitaux, la chute des investissements, le ralentissement des activités économiques et le licenciement massif des travailleurs.

La crise fut amplifiée par les rébellions (sécessions katangaise par Moïse Tshombé et kasaienne par Albert Kalonji). Il y eut aussi des mutineries.

Au Katanga, les troubles politiques opposèrent le Nord et le Sud entre Moïse Tshombé et Janson Sendwe et provoquèrent non pas seulement le ralentissement et l'arrêt de certaines activités économiques, mais surtout la réduction de l'emploi. Aussi les grèves éclatèrent dans les milieux industriels et furent brutalement réprimées.

Le climat politique et économique malsain, l'affaiblissement de l'appareil de l'Etat, la détérioration des conditions de vies ont marqué cette période. C'est une ouverture à l'économie informelle ou mécanisme de survie. Comme le dégage DIBWE DIA MWEMBU (2002 : 40) « l'informalisation » en fut une de ses conséquences logiques.

2.2.3.2. De 1965 - 1970

Cette période est dite de prospérité puisque le pays avait atteint son apogée économique. L'unité de la monnaie zaïre équivalait à 2 Dollars Américains.

2.2.3.3. De 1970 - 1996

Cette période de prospérité évoquée ci-haut a laissé vite la place à la crise engendrée par la politique de zaïrianisation en 1973 qui a visé et récupéré pour le compte des nationaux, les entreprises étrangères.

Cette politique va créer une structure d'inégalité sociale qui a profité aux hauts cadres du Parti comme acquéreurs. Elle a découragé les investisseurs et a amplifié les conditions de vie déjà précaires. Ces conditions seront aggravées par les quatre guerres qu'a connues le Katanga à savoir : Shaba I et II, Moba I et II.

Dans le secteur économique, les abus sont enregistrés et les recettes entières de la vente de certaines ressources minières et énergétiques qui font de ce pays « un scandale géologique » ne passent pas par les caisses de l'Etat, mais dans le compte du tenant du pouvoir, comme le précise KUYU MWISSA (1990 : 166). La privation de la violence d'Etat n'a pas profité seulement à l'autorité politique, mais aussi à ceux qui, sous de formes variées, détiennent une parcelle de pouvoir : officiers supérieurs de l'armée, policiers, partisans, commerçants, parents amis et connaissances. (1990 :167)

Cette situation est analysée par le Professeur KAUMBA LUFUNDA en termes d'un « Etat Kleptocratique » concept emprunté à Gould. (2006 : 100)

Il ressort de son analyse que le système juridique, l'ordre social, le fonctionnement des institutions politiques, les programmes d'action, les projets de coopération : tout était conçu pour et en fonction du vol. La justice s'alignait dans cette logique : vol en association où les voleurs solitaires se retrouvaient en prison pour non respect des règles du jeu... Un tel état, ne pouvait que faillir car le vol a ses limites : l'âge des voleurs, dispute de partage, précarité des associations, incertitudes...

Prince KAUMBA LUFUNDA précise les comportements de militaires dans un tel état : « Ils s'enrichissent grâces aux produits du vol, émousse leur courage et leur ardeur et deviennent inaptes à la guerre. Une armée de pillards, de voleurs, de commerçants ne peut assurer la protection du Territoire. Le réflexe du pillard est de s'enfuir, de s'en aller protéger les butins ou produits pillés, avec le secret espoir de pouvoir en jouir pendant la période d'accalmie (2006 : 101).

Cet Etat Kléptocratique s'est accompagné de la privatisation de la violence d'Etat qui a enregistré une catégorie d'intouchable avec un discours particulier. « Takupotesha » « je peux te faire disparaître » contrairement, sous ce régime, beaucoup de personnes ont disparu pour de conflits individuels sans lien avec l'existence ou l'organisation de l'Etat, non plus avec le fait « pénal ».

Nos forces de l'ordre étant constituées des pillards, après le discours du 24 avril 1990, elles allaient être confrontées aux problèmes des populations qui allaient désavouer les autorités politico-administratives :

- la nuit du 10 au 11 mai 1990, il eut massacre des étudiants au campus de Lubumbashi. C'est l'opération  lititi mboka.

- Les phénomènes BINDO, NGUMA et MANDOVA promotions qui ont eu lieu en Avril et Mai 1991 sous le gouvernement MULUMBA LUKOJI, constituent l'explication de la loi tendancielle de baisse de profit. La redistribution de l'argent aux plus démunis pour préparer les prochaines élections, n'eut pas de succès comme au Gabon et en Côte d'Ivoire à cause de la cupidité des dignitaires du régime.

- Les pillages et leurs retombées : ceux du 23 et 24 septembre 1991 ont failli basculer le régime. La foule et les militaires affamés recherchaient les vivres et les moyens de les conserver. Et par après les articles de luxe et les armes, le mouvement échappait au contrôle de l'autorité. Il a fallu l'intervention des armées belge et française. Ainsi, le pardon général fut accordé aux pillards, un gouvernement issu de l'opposition fut installé et des opposants mis à la tête de certaines provinces comme KYUNGU WA KUMWANZA au Katanga. Celui-ci déclenchera le conflit Kasaïen Katangais. Il s'est crée au Katanga une identité Katangaise cimentée par l'opposition aux populations non originaires, particulièrement aux Kasaïens réputés dominants et dominateurs.

Il eut encore d'autres pillages que VATA DIAMBAZA qualifie de mutinerie de la honte dont il décrit de cette manière :

« Les 28 et 29 janvier 1993, au lieu de signer l'acte de décès de la dictature agonisante, les soldats ont préféré les dépôts de nourriture et les chambres froides, la destruction des patrimoines familiaux. En allant voler et violer en compagnie de leur épouses et leurs enfants, ils ont publiquement montré ce qu'ils sont : hommes sans scrupules et sans idéal » (1993 : 2 - 3)

La misère étant grande, certains soldats ont emporté deux ou trois oeufs trouvés dans le frigo, un plat de Bukari entamé ou une marmite de bitoyo (poisson salé) ou de haricots cuits.

Pour échapper aux pillages et prévenir des agressions, beaucoup de citoyens ont décidé d'organiser eux-mêmes leur sécurité. En plus des gardes du corps, ils ont à leur service des commandos constitués d'éléments de l'armée à leur charge.

Le même auteur précise que « c'est le temps des milices privées pour ceux qui en ont le moyen : il est aussi de tous les dangers pour la majorité de la population, sans défense, exposée aux exactions et aux attaques des bandits armés. » (1993 : 2 - 3)

Jean Baptiste AYALA décrit de sa manière les pillages du 28 - 29 janvier 1993 en ces termes : « les dégâts dans le secteur sanitaire sont effrayants. Plusieurs cliniques et hôpitaux ont été pillés et saccagés. Les pillards ont poussé leur barbarie très loin, s'en prenant aux prématurés qui ont été jetés au sol tandis que les couveuses emportées. On a même vu des malades sous oxygène passés à tabac et leur lit volés. » (1993 : 6 - 7)

Dès lors, la population crée une rupture avec les forces de l'ordre. C'est la perte de confiance.

Nous ne pouvons pas passer sous silence la date du 16 février 1992, le dimanche de l'horreur où des chrétiens manifestant pacifiquement contre la suspension de la Conférence Nationale Souveraine, sont froidement abattus par les éléments de forces armées (Vata DIAMBANZA, 1993 : 18 - 19)

Ces événements ont provoqué une crise sans précédent. Les autorités militaires en furent conscientes. Suivons le propos du Général MAYELE LIEKO BOKUNGU (1992 : 6) :

« Dans le temps, le militaire recevait une somme et les avantages pour ses besoins utilitaires. Aujourd'hui, cette solde, devenue salaire, ne lui permet pas de nouer les deux bouts du mois. Il est courant de voir le militaire se partager entre son métier et des activités « extra-muros » à tous les niveaux hiérarchiques. D'autres s'illustrent par des abus, tracasseries et extorsions »

Les chefs hiérarchiques utilisent les subalternes pour survivre en les louant comme sentinelle auprès des personnes physiques ou morales privées. Les avantages et la somme obtenus sont partagés avec le chef. Ce système sera aussi démontré comme mécanisme monté par le chef hiérarchique dans la police actuelle qui lui sert de tremplin pour s'enrichir.

Par ailleurs, les plus gradés s'adonnaient aux activités plus rentables, ils détournaient et vendaient non pas seulement les produits vivriers destinés aux militaires, mais aussi les équipements tels que les véhicules, les armes...

A ce propos, écoutons Richard NKULU sous la plume de DIBWE DIAMBWEMBU (2002 : 55) :

« D'importantes sommes d'argents étaient débloquées pour le ravitaillement des cantines. Il y avait des sacs de farine de froment, des boites de conserves, du riz, du sucre... Je m'efforçais de me procurer ces articles à un prix dérisoire auprès de mes supérieurs pour ouvrir un kiosque...

Les bénéfices ajoutés au salaire me permettaient un régime à deux repas par jour presque. Ce salaire étant irrégulier, je vivais grâce à cette activité..

Un lieutenant comme moi de la Garde Civile me mit sur le circuit du trafic d'or. Il renchérit, si tu meurs de faim dans ce pays, tu es parmi les plus grands imbéciles puisque le pays est fabuleusement riche ...

Le trafic de cobalt à l'époque de KYUNGU WA KUMWANZA m'a permis d'acheter une parcelle, de la construire et de l'équiper. J'ai dû même payer une voiture Peugeot de 4.000 $ U.S.»

Cette situation montre l'émergence et la cristallisation de l'économie informelle, une société ultra-libérale où chacun est seul responsable de sa survie. C'est ainsi que les équipements militaires et les armements de Forces armées furent vendus à l'Est du pays, vers l'Angola (UNITA) et dans la Province Orientale.

Les autorités dans l'exercice de leur commerce illicite de vente d'armes disposaient chacune des avions personnels. C'est ainsi que dans cette mésaventure, un avion Antonov surchargé d'armes et munitions destinées à l'UNITA, s'écrasa au marché type K à Ndolo et des milliers victimes parmi les populations civiles furent dénombrées. (KAUMBA LUFUNDA, 2006 : )

La Garde Civile qui dépendait de la présidence, se livra à des actions contre-civiles. La confiance s'éternisa et les forces de l'ordre deviennent ennemies des civiles.

Il ressort du savoir recueilli de la conférence nationale sur les droits de l'homme(3(*)), sans en épingler toutes, nous pouvons retenir les violations suivantes :

- Des arrestations arbitraires qui sont contraires au principe de la liberté ;

- Violation des procédures pénales et civiles. A ce sujet, il a été constaté, précise le rapport, qu'avant qu'ils ne soient entendus, que les officiers de sécurité présentent les suspects à la Télévision ». Pour nous, c'est une pratique contraire à la présomption d'innocence. La visée est de ternir l'image du suspect avant qu'il ne soit criminalisé par le Tribunal. C'est l'étiquetage du suspect. (ROBERT Ph., 2005 : 71)

Il sied de préciser que la situation décrite se vit encore aujourd'hui. Le dossier de KIKUYU âgé de 40 ans contre Dorcas âgée de 9 ans est encore fraîche dans la mémoire. Traité de violeur, le présumé a été filmé par la chaîne MWANGAZA. Les deux parties ont voulu régler le problème au niveau de la police, mais l'étiquetage ayant amplifié la visibilité de l'acte, le dossier a suivi son cours normal. L'acte posé par la chaîne est contraire au principe de présomption d'innocence.

Au regard des services de sécurité, il a été enregistré :

- la confusion entre missions de sécurité et celles des services de sûreté ;

- l'immixtion dans les affaires ne relevant pas des matières spécifiques de la sécurité de l'Etat.

Même aujourd'hui sur terrain, il a été constaté que les Agents de renseignement traitent les affaires ou les infractions relevant du Droit commun :

- le Trafic d'influence, des brimades et exactions diverses sont des pratiques courantes.

2.2.3.4. De 1996 à nos jours

Si le régime mobutiste a profité à une bourgeoisie minoritaire et de compradore, la majorité populaire par contre croupissait dans la misère.

A ce sujet, CHEUZEVILLE H., décrit la situation des fonctionnaires en ces termes : « ils ne sont pas payés depuis longtemps et doivent avoir recours à toutes sortes d'expédients pour pouvoir survivre. Les militaires non plus ne sont plus payés, mais eux au moins, ils peuvent rançonner la population pour se nourrir. » (2003 : 173)

Avec l'avènement de l'AFDL en date du 17 mai 1997, il a été constaté que les militaires étaient bien payés puisqu'ils touchaient une prime de 100 $ U.S. Il se passe que même les couches démunies pouvaient consommer les poissons tomsons appelés « MPIODI » qui autrefois étaient un luxe.

Cette période du lait et du miel s'est vite éclipsée puisque la prime n'a pas été indexée en dollars et est restée insignifiante. A cette période, il eut mariage entre agents de force de Police et la population. Un ivrogne pouvait être conduit à son domicile par les patrouilleurs.

Avant la constitution de la Police c'est l'armée qui assumait l'ordre par le fouet sur le ventre et l'arme à feu comme moyen de régulation sociale. C'est-à-dire forme de contrôle social. A cet effet, le cachot et la prison n'existaient pas. Certains innocents périrent sans forme de procès, criblés de balles par des militaires.

Aujourd'hui, la police a évolué pour fonctionner sur de base légale avec les problèmes liés à l'organisation, à l'équipement, à la formation et à la survie du personnel. Il y a divorce entre la police et la population qu'elle est appelée à protéger.

Quelle police faut-il pour cette république naissante ?

Nous pensons qu'elle revêtira le type du pouvoir en place. Ne dit-on pas que la police est le visage de l'Etat.

L'opportunité nous est aussi offerte pour présenter d'une manière laconique comment a évolué chronologiquement la précarité à travers la lecture d'affichage sur les grilles de mission d'habitation dans la ville de Lubumbashi. Concrètement, nous pouvons retenir ce qui suit :

« Kazi iko » (il y a du travail). C'est l'époque de l'ascension économique, l'époque avant la zaïrianisation ou la nationalisation.

« Kazi hakuna » (il n'y a pas d'emploi). C'est la période de la crise qui s'installe et se cristallise.

« Simba iko, Tembo iko, Fresco iko » (Ici, l'on vend de la bière et du succré). Entre-temps, l'on écrit aussi « Imbwa makali » (chien méchant). C'est l'économie informel qui se pratique comme mécanisme de survie.

« munkoyo iko, mayi matalala iko » (ici l'on vend le munkoyo ou boisson traditionnelle et de l'eau froide). La crise prend une allure inquiétante puisqu'il était autrefois inconcevable que l'eau soit vendue en sachet.

« Maheu, loly, sun glace iko » (vente de ces boissons dont les deux premières sont importées et le sun glace fabriqué localement). Ceci traduit la persistance de la précarité et de l'économie informelle.

Propriété gardée par securicor, Force one, DSA » Ceci traduit le gardiennage privé qui protège une partie minoritaire de la population. C'est la sécurité privée qui émerge aujourd'hui.

2.3. PROLOGUE SUR LA POLICE JUDICIAIRE

La police judiciaire est l'un des auxiliaires de la justice. Son rôle et son importance dans l'administration de la justice nous intéressent puisqu'ils cadrent avec notre objet de recherche.

Nul n'ignore que ce monde est secoué par la violence et les attentats jusque hier insoupçonnés, tels ceux du 11 septembre 2001 perpétrés aux Etats-Unis, ont laissé le monde perplexe et ont remis en question la politique de prévention criminelle et le système de sécurité de cette grande puissance.

Par ailleurs, la loi pénale congolaise, elle-même se trouve quelquefois dépassée tant l'ingéniosité du criminel s'avère déroutante. Aujourd'hui l'on parle du vol de courant, vol à l'informatique. Ainsi, la loi pénale doit être dynamique et doit s'adapter à l'évolution technologique et à l'émergence de nouveaux types de crime.

Cette littérature ne consiste pas à insinuer que la police judiciaire s'occupe seulement des faits spectaculaires qui défrayent la chronique. Soutenir cette proposition serait une aberration et une position fallacieuse. Elle s'occupe aussi des faits simples et plus légers comme l'injure pouvant être très délicate et qu'il convient de traiter avec soin afin d'en constituer un dossier complet car la finalité étant la recherche de l'harmonie et de la paix dans la société, reposant sur la tranquillité publique.

Cette partie du travail définit la police judiciaire, ses missions et son importance, la dualité de la police judiciaire ainsi que les conditions de validité des actes posés par les OPJ.

2.3.1. Police judiciaire quid ?

Le responsable d'un Etat dispose du pouvoir de prendre des mesures de police, destinées à garantir l'ordre social. Il ne suffit pas seulement de vendre des mesures mais aussi de recruter le personnel chargé de veiller au respect de ces lois et au maintien de l'ordre public. C'est la tâche de la Police Nationale Congolaise.

La police administrative veille au maintien de l'ordre public et à la prévention des infractions. Tandis que la police judiciaire a pour rôle de rechercher les infractions que la police administrative n'a pu empêcher de commettre, d'en rassembler les preuves et d'en livrer les auteurs aux autorités chargées par la loi de les punir (BOUZAT et PINATEL, 1970 : 1034). Ainsi, la police administrative est-elle préventive tandis que celle dite judiciaire est répressive.

La police judiciaire est un service public dont la mission consiste à rechercher les infractions, à en identifier les auteurs et à réunir les preuves de leur culpabilité en vue de rendre possible l'exercice de l'action publique devant les juridictions répressives ; L'expression désigne à la fois la fonction et les officiers publics chargés de l'exercer. (HOEFFLER J., 1956 : 70)

2.3.2. Missions et importance de la police judiciaire

L'essentiel de la mission de la police judiciaire fait l'objet des articles 1 à 10 du code procédure pénale et consiste en :

- la connaissance de l'infraction par le flagrant délit, la plainte, la dénonciation ou les renseignements recueillis ;

- la recherche des éléments de l'infraction, l'interrogatoire de toutes les personnes susceptibles de l'éclairer et l'arrestation des auteurs et complices de cette infraction (LE CHAT R., 1959 : 89).

Il sied de remarquer que les OPJ dressent à cette fin les procès - verbaux qui se terminent par le serment écrit : « je jure que le présent procès - verbal est sincère ». Ils sont transmis directement à l'autorité compétente. Par ailleurs, ils sont aidés dans leurs missions par les Agents de l'ordre qui sont les Agents de Police Judiciaires. Ces Agents n'ont pas la qualité d'OPJ.

Du reste, l'importance de la police judiciaire est considérable dans l'administration de la justice.

Elle se trouve à la base de toute la procédure criminelle et la répression des infractions dépend en grande partie du zèle qu'elle apporte à exercer ses fonctions. Elle désigne la phase préalable qui précède le premier exercice de l'action publique et la série des actes qui ont pour but d'éclairer non pas le juge, mais le ministère public (GARRAUD, 1909 : 533)

C'est pour aider le ministère public que la loi a organisé un rouage auxiliaire qui est la police judiciaire, sans laquelle, la plupart des crimes resteraient impunis car les OPJ sont les yeux et les oreilles du ministère public. (1909 : 536)

2.3.3. Evolution de Police Judiciaire

Il sera question de présenter ici la pertinence de la police judiciaire telle qu'elle a été mise en pratique par le Droit coutumier et par le Droit écrit ou le Droit importé ou encore mieux le Droit des autres.

2.3.3.1. Police judiciaire coutumière

Il est fallacieux de penser que dans le droit coutumier congolais, la notion de police judiciaire était méconnue et inexistante. Avant la colonisation, notre pays avait plusieurs entités politiques fortement organisées et structurées.

A titre illustratif, le droit coutumier Luba Shankadi de la province du Katanga, l'organisation judiciaire était bien structurée. Ainsi, il existait dans chaque village d'une certaine importance, une sorte de police judiciaire appelée Kalala, Kabama ou Kankasa. Bien que portant des noms différents, cet organisme avait partout dans ses attributions la police judiciaire et la recherche des infractions (LANFANT, 1935 : 80).

C'est donc KALALA ou TSHIKALA qui était le chef de la police de la localité. Il procédait à la recherche des éléments de l'infraction avant de conduire l'accusé devant le tribunal. Dans les territoires de Kabongo et de Sampwe, la police judiciaire était exercée par le « Senga » qui instruisait les affaires, entendait les plaignants, témoins et prévenus, la nuit, et cela dans le plus grand secret. L'enquête terminée, l'affaire était soumise au chef qui décidait de la fixer en audience publique. Il jouait également le rôle de médiateur dans les situations problèmes soumises au Mulopwe (chef coutumier) et l'apaisait quand il était en colère. (COLLARD J., 1962 : 3) Cette pratique était la même dans le territoire de Sampwe (SHOUMEKER, A, 1935 : 97) Toujours dans la province du Katanga, chez les Bayeke, les fonctions d'officier de police judiciaire étaient exercées par les Baboni. (GREVISSE, 1937 : 170)

Il sied de remarquer que la police judiciaire coutumière a cédé le pas au droit écrit pour subsister non pas d'une manière organisée et structurée, mais comme une phase intermédiaire par les sages du village qui jouent le rôle de conseiller pour chercher la paix et l'harmonie avant que l'affaire ne soit portée au chef. Avec le temps, cette notion restera dans les oubliettes. Notons que cette notion était connue et d'application là où le droit pénal se dégageait de l'arsenal juridique des sociétés traditionnelles (KENGO WA DONDO, 1972 : 22).

2.3.3.2. La Police judiciaire selon  le droit des « autres »

Il s'agit de la police judiciaire telle que définit et précisée par le code de l'organisation et compétence judiciaire, qui est un droit importé. Son article premier stipule que les officiers de Police judiciaire appartiennent au personnel judiciaire.

Le personnel judiciaire comprend les magistrats, les agents de la police judiciaire des parquets, les officiers de police judiciaire et les agents de l'ordre judiciaire.

- Les magistrats sont des officiers du ministère public

- Les agents de la police judiciaire des parquets sont des inspecteurs judiciaires des parquets. Ce sont des officiers de police judiciaire qui dépendent directement du ministère public dont ils sont les bras droits et les collaborateurs immédiats. Selon l'article 3 de ce code qui les régit, ils ont une compétence générale à la fois matérielle et territoriale. Contrairement aux magistrats qui dépendent de leur ressort, ces officiers jouissent d'une compétence territoriale étendue.

- Les officiers de police judiciaire de la deuxième catégorie sont les agents de l'Etat chargés d'une fonction administrative et qui ont, en vertu de leur statut ou de la loi, une compétence d'officier de police judiciaire, les qualifiant pour constater les infractions de toute nature ou limitée au constat de certaines catégories d'infraction en rapport avec leurs activités administratives (RUBENS A. 1970 : 194).

La qualité d'officier de police judiciaire est donc attribuée à des catégories entières d'agents, soit attachée à une fonction (1965 : 59).

Ainsi, le seul fait pour une personne d'être nommée à une fonction à laquelle est attachée la qualité d'officier de police judiciaire lui confère automatiquement cette qualité. C'est le cas d'un bourgmestre qui une fois nommé ou élu selon le cas, il a automatiquement la qualité de l'OPJ.

C'est dans cette deuxième catégorie où nous trouvons les officiers de police judiciaire militaire. L'ordonnance du 03 juin 1921 portant nomination des OPJ dispose que certains officiers et sous - officiers des Forces Armées Zaïroises (FAZ) ont la qualité d'OPJ. Mais le décret du 18 décembre 1964 portant Code provisoire de justice militaire est muet sur ce sujet. Il est donc logique qu'à l'instar des OPJ de la gendarmerie, tous les OPJ de l'armée relèvent directement de l'auditeur général. Selon l'article 48 de l'ordonnance-loi n°72/041 du 30 août 1972 portant organisation de la gendarmerie nationale.

Ainsi donc, ils sont tenus, comme tous les autres OPJ, de transmettre leurs procès-verbaux de constat de plainte ou de dénonciation à l'autorité judiciaire compétente, c'est-à-dire que cette autorité soit un auditeur militaire, si le délinquant est un militaire, soit un magistrat du ministère public civil si le délinquant ou l'un des délinquants est civil.

Il sied de préciser que le décret-loi n°002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution, organisation et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise actuelle, précise dans le chapitre premier, article 8 que les agents de la PNC des catégories d'emploi de commandement et de collaboration, jusqu'à la catégorie de sous-officiers de première classe, ont la qualité d'officier de police judiciaire à compétence générale. Tous les autres sont des agents de police judiciaire. Ils sont tous soumis aux conditions légales pour l'exercice des fonctions d'officier ou d'agent de police judiciaire.

En effet, selon l'article 4 du code d'organisation et procédure judiciaire, les OPJ restent soumis au statut de leur fonction principale tout en étant aussi soumis au régime disciplinaire propre aux agents de police judiciaire des parquets. Ainsi, cette dépendance hybride des OPJ a-t-elle souvent géré leur rendement dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires. En effet, sur les plans de la carrière, du signalement, du traitement et du régime disciplinaire, ils relèvent de leur fonctions principales et ont naturellement tendance à négliger l'aspect judiciaire de telle manière que l'action de contrôle des officiers du ministère public qui doit être exercée sur eux en vertu de la loi parait dérisoire.

2.3.4. Conditions de validité des actes posés par les OPJ

Les OPJ appartiennent à la famille judiciaire. Ils constituent le premier chaînon de la répression des infractions qui suppose la découverte du délinquant et de la vérité. La réussite de cette double mission repose sur la police judiciaire.

La police judiciaire est une délégation de la justice et doit présenter les garanties judiciaires. Pour cela, la première condition est la compétence. L'OPJ de la PNC qui nous concerne jouit d'une compétence matérielle générale et d'une compétence territoriale restreinte. C'est pourquoi, il doit prêter serment chaque fois qu'il change de ressort.

La deuxième manière de rendre compte de la validité des actes posés par les OPJ est le serment. C'est le serment qui impose chaque fois que toutes les opérations couchées dans un procès verbal doit obligatoirement se terminer par cette formule : « Je jure que le présent procès-verbal est sincère ».

Sur ce, les OPJ sont des auxiliaires de la justice. Le serment leur est imposé parce que les activités qu'ils exercent sont une opération administrative. De ce fait, ils sont considérés comme des agents de l'exécutif qui participent accessoirement à l'exercice du pouvoir judiciaire, c'est-à-dire à l'administration de la justice (RUBENS, T, 1965 : 67)

Le procès-verbal, sans ce serment, est nul et de nullité absolue. Or, le contenu peut servir à l'administration de la justice. Le serment a son sens certes, mais il ne doit pas être une condition sine qua non.

Signalons aussi que l'usage des violences physiques dans le but d'obtenir l'aveu s'oppose à la validité de l'acte. Cependant, il est admis que les OPJ peuvent exercer certaines activités incompatibles aux fonctions de magistrat. Ils peuvent avoir des relations avec les repris de justice, se déguiser, procéder à des filatures, à des embuscades et même adhérer à une association des malfaiteurs en vue de déjouer leurs plans. (KENGO WA DONDO, 1972 : 40 - 42)

Ces procédés font parties intégrantes de la mission générale qui incombe à la police et à laquelle aucune société ne peut être indifférente quelle que soit la structure politique, sans se vouer elle-même à l'anarchie et à la destruction (BESSON A., 1958 : 133).

Ainsi, la recherche de l'efficacité pousse les OPJ à ne pas respecter le droit fondamental de l'homme. C'est comme la pratique qui consiste à garder à vue un membre de la famille du délinquant afin que ce dernier soit obligé de se présenter. Encore une fois, la recherche de l'efficacité pousse les acteurs à ne pas respecter la dignité humaine. Un innocent est sanctionné à la place d'un sien. Tout se passe comme si la plainte est filiale. La responsabilité est mise au second plan.

Nous ne pouvons pas clôturer cette partie du travail sans parler des agents de l'ordre. Ils sont des auxiliaires de la justice. Dans le cadre de cette recherche, ce sont les Agents de Police Judiciaire qui travaillent sous le commandement de l'OPJ. Ils sont sous ordres et par conséquent, sont censés de les exécuter dans le cadre des activités judiciaires.

C'est dans ce contexte que nous présentons cette recherche qui consiste à montrer comment un APJ se substitue à l'OPJ pour poser les actes en lieu et place de ce dernier. La compétence pour lui n'est pas l'habilitation et la prestation de serment, mais son expérience sur terrain dans la manière de résoudre le conflit, c'est-à-dire de rendre justice pour créer l'harmonie sociétale qui n'est que relative et temporaire.

Quant au serment du procès-verbal, il est officier de police judiciaire debout. Il n'a ni bureau, ni papier, ni bic, il ne dresse pas le PV. , sa finalité est de résoudre le conflit entre les individus et enfin de compte, il trouve sa récompense. Il ne vise pas à obtenir l'aveu, mais la réconciliation, l'arrangement à l'amiable. C'est pourquoi, il doit avoir de l'art et de l'expérience. De cette manière, il échappe au recours à la violence physique. Son plus grand souhait est qu'il arrive à une solution. Ainsi, l'arrestation n'est-elle pas reléguée au second plan. Elle ne peut intervenir qu'en de non compromis entre les deux parties. Dès lors, l'idée de prise en « otage » d'un membre de la famille du délinquant est obnulée par la recherche de la nécessité de son action réconciliatrice.

Quelle synthèse pouvons-nous tirer de ce chapitre ?

Pour comprendre comment l' « APJ » renverse la « hiérarchie » en se substituant à l'« OPJ au regard du travail judiciaire, nous avons mobilisé la police comme « organisation » et les policiers comme « acteurs sociaux ». Sur ce, la manière la mieux indiquée pour les comprendre a été de les contextualiser, une façon pour nous de prendre la distance par rapport aux évidences.

Du point de vue historique, la Police Nationale Congolaise est une organisation fortement hiérarchisée. Elle est militarisée et répond à une logique militaire. Elle est jeune tout en étant vieille. Elle est jeune par sa création juridique et veille par sa composition qui regorge les membres de toutes les forces qu'a connues notre pays. En son sein, nous enregistrons les anciens de la Force Publique, la Gendarmerie, la Garde Civile, la Division Spéciale Présidentielle, les éléments de la Force Armée Zaïroise en général, les factions belligérantes, sans oublier les militaires. Les retraités militaires, les veuves et orphelins de la police. Elle est hybride puisque sur papier, elle tient du militaire et du civil, du professionnel et du non professionnel.

Du point de vue socio-économique, la police évolue dans un contexte guidé par la précarité dominée par le souci de « treizer » c'est-à-dire de capitaliser.

Du point de vue travail judiciaire, la police judiciaire n'est pas l'apanage du seul droit écrit puisque le Droit coutumier en disposait également et s'imposait où celui-là n'était pas d'application. Du reste, la recherche de l'efficacité est un obstacle au respect de la valeur humaine.

Ceci étant, quelles sont les perspectives méthodologiques adaptées et convenables pour recueillir et analyser les données empiriques ?

Cette question est mieux exploitée dans le chapitre qui suit.

CHAPITRE 2 

DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES

ET CADRE REFERENTIEL

Ce chapitre exploite les dispositifs méthodologiques de recueil des données (1) et présente le sous-commissariat de Police « KAFUBU » comme poste d'observation et cadre d'analyse(2).

I. CADRE METHODOLOGIQUE

Il comprend le modèle d'analyse, la justification méthodologique, le choix des techniques de récoltes des données, l'échantillonnage, la mise en oeuvre du travail de terrain, la méthode d'analyse des données et les considérations éthiques de la recherche.

1.1. Le tracé de la recherche

C'est la construction du modèle d'analyse. Elle impose le choix entre deux grandes démarches scientifiques, deux grandes postures philosophiques (paradigmes criminologiques) deux perspectives méthodologiques et deux types de résultats diamétralement opposés et contradictoires. L'enjeu est l'action de la recherche en termes de mouvement logique de la raison.

La première posture est une démarche « déductive » ou « vérification ». Elle s'opère par la formulation des hypothèses à vérifier. Elle relève de l'attitude philosophique positiviste. D'après elle, il n'y a qu'une seule vérité. Elle repose sur le principe du tiers exclu. Elle est déterministe. La réalité existe en soi, elle est naturelle et observable. Elle procède par l'expérimentation et utilise les méthodes quantitatives. Elle vise l'objectivité et la falsification des hypothèses en cas d'inadéquation avec les résultats du terrain. Le résultat obtenu est extrapolable, c'est-à-dire généralisable. Puisque la démarche va du particulier au général. Cette démarche « hypothético-déductive » consiste dans le passage d'une règle à ses applications. Elle a pour but d'indiquer la recherche de la vérification empirique d'hypothèses dérivées ou déduites d'une théorie (KAMINSKI D., 2005 : 29).

La deuxième posture par contre se veut inductive. Elle procède par des stéréotypes d'ancrage qui sont les équivalents de l'hypothèse non pas à vérifier, mais qui sert la voie d'entrée donnant l'accès à la production des données pertinentes pour la question de recherche que l'on se donne (2005 : 28).

Elle s'aligne dans une logique philosophique constructiviste. Elle repose sur le postulat selon lequel, la réalité n'existe pas en soi. Elle est une oeuvre humaine. Par conséquent, elle est construite. Elle impose la posture méthodologique du type qualitatif et subjectif. Elle vise la transferabilité des résultats et non leur généralisation.

La présente recherche s'inscrit dans la grille criminologique de l'acteur social. Cette grille s'aligne dans la logique constructiviste et impose le choix de la démarche inductive comme modèle d'analyse.

A cet effet, les questions de recherche nous ont servi de repère pour fixer les stéréotypes d'ancrage dont les résultats sont exposés dans le corpus du travail, immédiatement après la mise en oeuvre méthodologique. Les questions, à travers cette démarche, nous ont permis de dégager les logiques, les contradictions, les représentations et les pratiques policières dont celle dite d' « OPJ debout » qui est le point focal de cette recherche.

1.2. Justification methodologique

Avant de justifier le choix qui a dicté de mobiliser la méthode ethnographique du type qualitatif et de dégager sa pertinence, il nous parait impérieux de préciser la notion de méthodologie. Celle-ci est un substantif féminin qui désigne une partie de la logique qui étudie les méthodes de divers ordre de connaissances. La méthode, quant à elle, est un substantif féminin étymologiquement construit du grec « methodos » tiré de méta et d'odas qui signifie avec voie. Elle désigne une marche raisonnée, qui l'on suit pour arriver à un but. (AKOUN A., 1974 : 644)

Très large et imprécise, il sera question ici de stigmatiser la méthode de recherche scientifique. MUCCHIELLI distingue à ses propos la méthode et la technique. Il précise que celle-là se veut large et globalisante. Elle est un agencement spécifique de techniques de traitement, appropriées à la résolution d'une problématique de recherche. (2004 : 213)

KIENGEKIENGE R. fait remarquer que l'explication par le chercheur de sa démarche méthodologique rend intelligible les choix qu'il fait dans la construction de l'objet et permet en même temps de soumettre la recherche à la critique scientifique rigoureuse sur la portée et la validité du savoir qu'il construit sur l'objet. (2005 : 17)

Pour nous, la méthode consiste à répondre à la question : « comment concevoir l'objet dont on se livre à l'étude » et les techniques sont les réponses à celle de savoir « comment l'atteindre ».

Les opérations et manipulation techniques nous aident dans la volonté de faire surgir le sens. C'est à ce moment qu'apparaît la spécificité fondamentale des méthodes qualitatives qui s'inscrivent dans le paradigme compréhensif, c'est-à-dire subjectiviste ou interprétatif. (KAUFMAN J.C., 1996 : 23)

Le chercheur doit être capable d'interpréter et d'expliquer les phénomènes à partir des données recueillies. La compréhension n'est qu'un instrument, le but c'est l'explication du social. (1996 : 23)

La méthode qualitative repose sur l'herméneutique. Son fondement épistémologique considère les phénomènes humains comme des phénomènes de sens qui peuvent être compris par un effort spécifique tenant à la fois à la nature humaine de ces phénomènes de sens. Cet effort, MUCCHIELLI A., l'a appelé l' « empathie » (2004 : 213).

Le même auteur conçoit, définitif et précise la visée de la méthode qualitative en ces termes : « elle est une succession d'opération et de manipulation techniques et intellectuelles qu'un chercheur fait subir à un objet ou phénomène humain pour en faire surgir les significations pour lui-même et les autres hommes. (2004 : 212)

Comme nous venons de le démontrer dans le tracé de la recherche, la démarche inductive dicte le choix de la posture méthodologique du type qualitatif et subjectif. A cet effet, agir autrement serait pêché à la règle de contre nature. La recherche qualitative est une forme d'investigation visant l'avancement des connaissances théoriques ou pratiques au sujet d'un phénomène (MUCHIELLI A., 2004 : 193)

Il s'agit d'une approche méthodologique susceptible de produire un savoir criminologique pertinent par l'échange de connaissances entre le chercheur et les acteurs qui vivent la réalité à étudier.

Sa pertinence est justifiée par la logique de la découverte, de l'exploration et de la construction émergente. Pour elle, la conceptualisation de l'objet est toujours, en partie, une affaire de terrain, d'examen in situ, du matériau empirique. (2004 : 196)

Elle permet au chercheur d'aborder le terrain avec des questions volontairement encombrantes, avec des hypothèses formelles, avec des prioris théoriques, auxquels ils n'accordent, toutefois qu'une valeur instrumentale.

En tant que chercheur à la fois observant et observé, elle permet de découvrir les connaissances nouvelles échappant à notre horizon de savoir. Elle permet de rendre compte que les individus participent en permanence à l'édification de la réalité par leurs actions et réactions réciproques, leur manière de voir les choses, leur représentation sociale et interprétation de la vie.

Le choix de la méthode qualitative du type ethnographique a été dicté à la fois par notre formation de base anthropologique et notre profession ainsi que sa pertinence. Cette méthode tire sa source de l'ethnographie. Celle-ci est l'enquête sur le terrain pour l'établissement de monographie. C'est l'étude la plus exhaustive possible d'un groupe social pris comme une totalité. L'ethnographe se veut en quelque sorte le « biographe d'une seule société de petite dimension, ce qui lui permet la construction d'une étude exhaustive (AKOUN A., 1974 : 172 - 173)

Cette méthode présente deux alternatives diamétralement opposées. La première posture est celle où le chercheur mène une recherche dans une communauté qui est différente de la sienne. L'impératif de cette méthode l'oblige à demeurer pendant longtemps dans la communauté pour apprendre la langue de ses membres et avoir l'opportunité de recueillir les données fiables et pertinentes. L'exigence linguistique est un préalable parce que la langue n'est pas seulement un instrument de communication, il est aussi un véhicule du vécu quotidien d'une communauté. La connaissance de la langue du milieu évite le recours à l'informateur avec tout ce qu'il comporte comme danger de déformation et surtout s'il est lié au secret, il ne saura pas se dévoiler. Il s'agit ici d'une enquête menée de l'extérieur par un chercheur étranger que la communauté considère comme « outsider ». Il faut qu'il s'intègre pour qu'il soit « insider ».

La seconde posture est celle où le chercheur mène une étude de l'intérieur, c'est-à-dire il est membre de la communauté dont il étudie. Précisions que le chercheur est un autobiographe, non pas de sa vie, mais plutôt de sa communauté.

La présente recherche épouse cette dernière posture qui pourrait être la mieux indiquée et adaptée ; Le chercheur analyse sa propre communauté. Celle-ci n'est pas à entendre comme une communauté ethnique ou linguistique, mais plutôt comme une communauté professionnelle. Ici, c'est la police qui est prise comme une communauté d'étude avec une organisation particulière qu'il faudra décortiquer.

La première pertinence de cette méthode est qu'elle offre au chercheur les atouts privilégiés de part sa position d'appartenance à la communauté, d'analyser scientifiquement certains faits auxquels un chercheur de l'intérieur ne saura pas facilement approcher, comme ceux liés aux « tabous », «interdits » ou « secret ».

Toute communauté linguistique ou professionnelle a des sujets « interdits » ou « secrets » auxquels on ne touche pas impunément, que l'on soit scientifique ou non. Le chercheur est buté au dilemme de rechercher la réalité à tout prix ou de l'abandonner. C'est le hic ou le noeud de cette recherche. C'est la question de la légitimité même de la recherche sociale appliquée à certains objets.

La police est une organisation liée au principe du secret et dispose d'une déontologie professionnelle. La grille de lecture criminologique mobilisée dans cette recherche de l'acteur social et l'organisation nous a éclairé sur les deux sphères de l'organisation policière. L'une est le cadre de pratiques prescrites ou réglementaires et l'autre de celles dites non prescrites ou non réglementaires. Pour légitimer cette recherche au regard du secret professionnel, l'opportunité nous est offerte de pénétrer le « secret » des pratiques non prescrites pour en décortiquer les intérêts ou avantages à élever aux valeurs de la société. C'est le point focal de cette recherche dont la visée essentielle ne pourra être atteinte que grâce à la position du chercheur et à la pertinence de cette méthode menée de l'intérieur.

Par ailleurs, la censure de la recherche libre ne s'exerce plus au nom de la religion, ou d'une idéologie politique, mais plutôt au nom de l'éthique considérée comme l'ensemble des valeurs d'une société.

C'est ici que nous rejoignons l'idée de SHAKESPIRE qui indique que : « le chercheur est donc appelé sinon à choisir, du moins à composer avec les valeurs de la société qui tendent au maintien du statuquo et celles de la science qui invitent au savoir, à la remise en question des idées reçues ». (1987 : 2007)

Manifestement, cette méthode nous a permis de cerner en tant que chercheur acteur professionnel, les représentations, les logiques, les contradictions et la nature des relations entre « OPJ assis et debout ». Elle rend compte des pratiques observables qui rentrent dans la prescription du champ pénal et celles qui évoluent dans l'ombre comme soutien invisible de celles-là. C'est le champ non réglementaire de régulation des conflits dans le contrôle policier qui est plus intéressant et dont nous avons l'opportunité d'analyser.

Son utilité est la construction d'un savoir scientifique par l'interaction du chercheur avec les participants grâce à l'observation et l'entretien. Elle exige l'adaptation de la recherche aux participants et impose la prise de distance avec l'objet de recherche. Elle exige l'acquisition d' « attitude neuve ». Il s'en faut toutefois, pour qu'un chercheur puisse faire « tabula rasa » de ses connaissances, et se présente à l'écoute de la réalité (MUCCHIELLI A., 2004 : 197) C'est une des manières pour cette méthode de valider la connaissance.

Cette méthode a aussi l'avantage de mettre à notre portée les informations originales très variées et diversifiées. Il faut pour cela, acquérir le « réflexe de la source originale » précise ALBARELLO L., (2004 : 59)

Elle permet non seulement de dégager la pertinence de recueillir des données originales auprès des « OPJ et APJ » dont il s'agit précisément d'épingler les motivations, les représentations mentales qui les animent et le sens qu'ils donnent à leurs pratiques, mais aussi la voie de matérialiser les données et de les manipuler. Cela est réalisé grâce à l'enquête par entretien.

Dans une méthode qualitative, on distingue classiquement la phase de recueil et celle de traitement données. Elles sont développées dans la phase qui suit.

1.3. Le choix des techniques de récolte des données

La méthode qualitative de type ethnographique a ses techniques spécifiques et appropriées à savoir : l'observation participante, l'entretien semi-directif et l'observation indirecte du type documentaire. Telles sont les techniques ciblées et mobilisées pour cette recherche. Elles indiquent trois manières de recueillir les données et que nous avons eu l'opportunité de manipuler pour les rendre opérationnelles.

1.3.1. La participation observation

Rien n'est dans l'intelligence qui ne soit entré par le sens. La vue est un instrument qui nous permet d'acquérir les connaissances. C'est par l'observation qui consiste à regarder attentivement et d'une manière raisonnée pour fin de recherche. Il s'agit de l'observation comme porte d'entrée de la connaissance.

Elle est directe, lorsque le recueil des données accède à l'objet de connaissance directement sans biais. Elle est dite indirecte lorsqu'elle accède à la connaissance par l'instrument (informateur, enquêté ou acteurs participants, les documents). C'est l'observation directe qui intéresse cette recherche comme mode de la cueillette de données dans le contexte qualitatif. Elle vise la compilation de l'information la plus complète possible sur une situation particulière de la police comme organisation dans le champ non réglementaire. Ce type d'observation est complété par les démarches documentaires, ou les entrevues dans les recherches où on l'utilise par un questionnement des acteurs de telles situations sociales, afin de pouvoir déterminer le sens de leur action. (LAPERRIERE A., 2003 : 229) Ceci montre la relation logique entre la grille de lecture mobilisée, le modèle d'analyse, la méthodologie et les techniques de recherche.

La motion d'observation directe étant fixée, il convient d'examiner l'observation participante et par l'entremise de celle-ci, par inverse appelée « participation observation » comme technique qui convient pour cette recherche qui analyse l'organisation policière de l'intérieur. Ces deux techniques relevant du type ethnographique qualitatif « observation participante » et « participation observation » utilisent l'observation directe de façon plus large. Elles vont au-delà de l'observation directe appelée aussi « observation pure » pour qu'elles impliquent une série d'approches complémentaires comme la cueillette documentaire ou les entrevues avec les policiers qui sont les acteurs participants. L'observation doublée de ces approches permet de nous révéler le sens des pratiques observées. Les significations que les policiers attribuent à leurs pratiques sont essentielles pour l'analyse criminologique.

L'observation participante consiste à participer réellement à la vie et aux activités des sujets observés, selon la catégorie d'âge, de sexe ou de statut dans laquelle le chercheur parvient à se situer par négociation avec ses hôtes en fonction de ses propres considérations ou de la place que ceux-ci consentent à lui faire. (MUCCHIELLI A., 2004 :197)

L'observation participante convient au chercheur qui analyse adéquatement une situation de l'extérieur. Le chercheur est un « outsider » puisqu'il est étranger à la communauté. Il est obligé de s'investir en participant aux activités communautaires. La finalité du chercheur n'est pas « la participation » mais plutôt l' « observation » dictée ou déclenchée par l'intérêt de la recherche. Dans ce contexte, la participation devient un moyen d'accéder à l'observation et par conséquent à l'information. La participation se veut ici une stratégie d'intégration du chercheur dans la communauté en vue de camoufler sa visée réelle. Le chercheur est un « observant participant ». C'est la technique censée être utilisées par KIENGEKIENGE R., (2005) et TSHINYAMA I., (2006) dans leur recherche portant sur le contrôle policier sur la délinquance juvénile, dans une posture menée de l'extérieur.

Pour le chercheur dont l'objet de recherche porte sur sa communauté, est censé d'exploiter non pas l'observation participante, mais plutôt la « participation observation ». il est avant tout membre de la communauté en question. Il est « insider » puisqu'il est dans le jeu et analyse sa communauté de l'intérieur. Il est permanent et participe à toutes les activités communautaires. Il est avant tout acteur avant d'être chercheur puisqu'il est participant permanent. Il ne devient chercheur observant que lorsqu'il s'insère dans la recherche par le recueil des données.

C'est cette posture qui a été mise en oeuvre dans la perspective de cette recherche. Elle est la mieux indiquée pour le chercheur acteur professionnel qui analyse sa communauté. La communauté est considérée ici comme monde de travail, à l'instar la police. Cette technique sera mieux développée dans la phase d'insertion personnelle sur le terrain.

1.3.2. L'entretien semi-directif

L'opportunité du recours à l'enquête par entretien répond à la logique de la démarche méthodologique du type ethnographique. L'entretien est une communication verbale entre le chercheur et l'acteur participant en vue de récolter les données. Dans le cas d'espèce, il permet de rendre compte du sens et de représentation des pratiques policières échappés à l'observation directe par la participation observation.

L'enquête par entretien permet de recueillir les discours non provoqués ni fabriqués par la question, mais bien construits par le processus interlocutoire, le prolongement d'une expérience concrète ou imaginaire. Il révèle la logique d'une action, son principe de fonctionnement. Il déroule le cours de chose, propose les éléments contenus dans les phénomènes étudiés, leurs composants et non leur contenant, ni leur enveloppe, les rationalités propres aux acteurs, celles à partir desquelles ils se meuvent dans un espace social, et non pas ce qui les détermine à se mouvoir dans cet espace social. Quant aux résultats visés, il ne prend pas en charge le pourquoi, mais fait apparaître le processus et le « comment ». (BLANCHET A. et GOTMAN A., 1992 : 40 - 41)

Ainsi, l'entretien peut aussi consister en la méthode centrale d'une recherche criminologique dans la mesure où l'objet même de la recherche est constitué par les représentations sociales du champ pénal. (KAMINSKI D., 2005 : 64) Il se prête particulièrement à l'analyse du fonctionnement de la police. Il permet de dégager les contradictions fonctionnelles de la police comme organisation.

L'entretien peut être administré à un individu. Il est dans ce cas individuel. Il peut être aussi administré directement à un groupe d'acteurs participants bien sélectionnés. C'est l'entretien collectif.

Par ailleurs, l'entretien peut être directif, non directif ou semi - directif. L'entretien est dit « directif lorsque le participant de la recherche réagit d'une manière dirigée. Il est limité dans un cadre bien déterminé qui l'oriente. Ce type d'entretien restreint la marque de liberté de l'acteur et son point de vue. Il réagit au questionnement du chercheur selon un cadre bien tracé. Il implique une grille des questions bien établies. A l'antipode de cette limite, il a l'avantage de produire les données précises et voulues. Dans les entrevues, l'acteur est guidé. Il est « non directif » lorsque le chercheur laisse une grande marge de liberté aux acteurs de produire un discours au regard du questionnement. Le chercheur peut poser une seule question qui concerne l'objet de recherche pour que le participant y réagisse. A titre, illustratif, l'on demandera au participant d'expliquer la pratique d'OPJ debout. L'auteur n'est limité que par l'objet de recherche. Il peut même aller au-delà pour livrer des connaissances pertinentes auxquelles le chercheur ne s'attendait pas. L'avantage c'est la découverte. La non directivité ne signifie pas le dialogue à sens unique. Le chercheur intervient toujours, mais le moins possible, pour raison de précision et d'éclaircissement. Selon notre avis, nous pensons qu'il est convenant à la recherche qui approche l'objet par la grille de l'acteur social.

L'entretien est semi-directif lorsqu'elle est une juste moyenne entre les deux précédents. Il est directif puisqu'il impose une grille d'entretien qui fixe le cadre. Mais, il présente comme avantage la construction des stéréotypes d'ancrage qui se dégagent dans le corpus du travail. C'est la grille thématique d'entretien façonnée par le chercheur qui préside à la construction du corpus. L'avantage est dans le chef du chercheur de viser les données bien cadrées et bien précises. Sous cet angle, cette grille limite la marge de liberté et y enferme les acteurs. Il est aussi non directif puisque les acteurs ont cette marge de liberté de réagir à travers la grille. Il ne s'agit pas de questions fermées, mais ouvertes pour solliciter les points de vue, les avis et les opinions sur leurs pratiques.

La prédilection de cette recherche a comme inclinaison, l'entretien semi directif que nous trouvons le mieux indiqué au regard de l'objet sous-étude. Non seulement ce type d'entretien nous fournit des données bien cadrées, mais aussi, il fixe les limites de l'acteur et les contourne. A ce sujet, le chercheur demande à l'acteur à la fin de l'entretien s'il y a les points qui restent obscurs ou qui n'ont pas été développés.

Sur terrain, il nous est arrivé que certains acteurs nous fixaient eux-mêmes un rendez-vous pour approfondir l'entretien. Dans ce cas, ils ont la grande manoeuvre de liberté et d'expression. L'entretien suivant est un atout pour enrichir le précédent. D'autres acteurs par contre, s'estimaient satisfaits du contenu de l'entretien puisque l'objet était censé bien épuiser.

La pertinence de cette technique est qu'elle se veut une enquête de terrain qui vient en complément à l'observation directe. Il enrichit les données de l'observation et ouvre au chercheur une piste de découverte de nouvelles connaissances. Il permet de dénicher et de décortiquer certains faits ayant échappé à l'observation directe ou « pure » ou encore « in situ ».

Cette observation est limitée au champ visuel du chercheur qui ne peut être que partiel. C'est pourquoi, la construction scientifique est partielle. Elle est limitée à la vision du chercheur.

Il est important de rappeler que cette limite, de l'observation directe est corrigée par l'entretien qui l'enrichit. L'observation implique deux stratégies. Elle peut être utilisée par un chercheur de l'extérieur tout comme de l'intérieur. De l'extérieur, le chercheur est un « outsider ». Il vise l'observation et la participation devient une stratégie et un moyen d'acquisition de connaissance. C'est l'observation participante. L'inverse se produit lorsqu'on est chercheur acteur professionnel. Il analyse sa communauté de l'intérieur. C'est la participation observation. Il est participant, l'observation est suscitée par l'intérêt de recherche. Il entre sur le terrain par le camouflage qui offre une position privilégie pour récolter les données.

Le participant -observant est un dilemme. Comment prendre la distance entre la participation et l'observation ? Cette question sera analysée dans la phase portant l'éthique de cette recherche. Néanmoins, le recours à l'observation « indirecte » est une manière de prendre distance.

Il sied de retenir que les deux observations se soutiennent. L'observation directe est la voie directe d'entrée de connaissance tandis que celle dite indirecte la précise, l'enrichit et lui donne le sens. L'observation « pure » ou « directe » complétée par l'entretien semi-directif et la documentation qui sont les observations indirectes. Ainsi, parait-il évident que la recherche sous-étude a mobilisé l'observation « directe » et « indirecte » sous leurs formes particulières à savoir : la participation observation, l'entretien semi-directif et la documentation. Comment avons-nous exploité cette dernière technique ?

1.3.3. Technique documentaire

Elle a été exploitée largement dans cette recherche. Elle nous a permis de fixer l'état de la question. C'est par le travail de lecture exploratoire qu'il a été pertinent de le cerner. A titre illustratif, cette technique nous a aidé à cibler la grille de lecture criminologique de l'acteur et l'organisation sous l'inspiration du modèle de MONJARDET D. (1996) que nous avons tenté d'adapter en l'enrichissant par celle de DEBUYST C., (1990).

En définitive, cette technique a enrichit cette recherche en lui fixant le cadre méthodologique, en ouvrant certaines pistes de réflexion, en lui servant de cadre de référence pour appuyer, argumenter, enrichir, certains aspects de la recherche. Sa mise en train se manifeste à travers le corpus de recherche par la présence de référence. Le profil bibliographique à l'annexe de cette recherche justifie la mise en pratique de cette technique.

1.4. Echantillonnage

Cette partie méthodologique comprend le choix de l'échantillon, la sélection des acteurs et la saturation.

1.4.1. Le choix de l'échantillon

Il est fonction du souci de recherche. S'il vise la mesure précise, la représentativité de la population, l'échantillon sera du type quantitatif. Par contre, si le point d'ancrage est la recherche de la cohérence logique, nous sommes dans le type qualitatif. C'est ce dernier qui intéresse cette recherche.

L'échantillonnage de la production des données qualitatives et de niveau microsociologique s'effectue par cas unique ou par cas multiple.

L'échantillonnage qui convient pour cette recherche est celui par « cas unique ». il s'agit de la construction de l'échantillon de milieu géographique ou institutionnel. Ce type d'échantillon est le mieux indiqué pour cette recherche. Il répond à la finalité de l'Ecole de Criminologie qui a eu comme prédilection d'orienter les recherches des étudiants professionnels dans leurs institutions respectives pour y mener l'analyse criminologique de l'Intérieur. A ce sujet, le sous-commissarait de Police KAFUBU est notre milieu à la fois géographique et institutionnel puisqu'il constitue le lieu de notre travail en tant que policier. Il est un atout pour nous. Il est convenable de nous fournir des données pertinentes et diversifiées de notre objet d'étude.

1.4.2. Sélection des acteurs pertinents

En tant qu'officier de Police Judiciaire, le sous-commissariat de Police KAFUBU est un poste de Police perçu comme un site d'observation convenable pour l'analyse de notre objet. Il dispose spontanément les « OPJ » et « APJ ». Parmi eux, il y a les plus gradés et les moins gradés, les anciens et les nouveaux ; d'une qualité diversifiée des policiers. Parmi ces derniers, retenons les « OPJ » et les « APJ », les policiers et les policières les plus gradé et les moins gradés et les sans grade ; les anciens (de l'armée démantelée) et les nouveaux (insérés récemment dans la police). Les acteurs étant diversifiés et disponibles et constitués en soi comme pertinents, cette situation implique l'échantillon spontané » FELICES LUNA M., (2007).

C'est pourquoi, il est évident de savoir que la constitution de l'échantillon « spontané », implique un mode particulier de s'insérer personnellement sur le terrain de recherche lorsque le chercheur s'investit en chercheur acteur professionnel pour étudier sa propre communauté. Il l'analyse de l'intérieur. Son insertion se fait par l'intérêt et la finalité de la recherche. Il s'y insère sans aucune formalité administrative s'il s'agit de son poste de travail. Nous n'avons pas eu concrètement de formalité administrative pour débuter la recherche puisque nous avions une recommandation de l'échelon supérieur autorisant notre formation en criminologie. Nous étions bien placé pour mieux observer les policiers dans leur moindre geste et parole à leur insu, dans leur milieu censé naturel. La pertinence est que cette source peut être féconde des données quant on cherche à observer les pratiques pour savoir les comprendre.

Par ailleurs, la recherche menée de l'extérieur exige des formalités administratives et de stratégies personnelles pour s'insérer personnellement sur le terrain. C'est le cas probablement de la recherche de Raoul KIENGEKIENGE (2005) et de Ildefonse TSHINYAMA (2006) sur le contrôle policier. Bref, de toutes les recherches menées jusqu'à présent de l'extérieur à l'Ecole de criminologie de l'Université de Lubumbashi, le cas de la recherche de BOLAA EWALA (2007) est une recherche menée par le policier dans une autre unité qui n'est pas sienne. Ce type de recherche exige aussi les formalités administratives pour le stage de recherche. Une autre possibilité qui lui est offerte est la permutation temporaire de son unité à celle de recherche.

1.4.3. La saturation

Elle désigne le moment lors duquel le chercheur réalise que l'ajout des données nouvelles dans la recherche n'occasionne pas une meilleure compréhension du phénomène étudié (MUCCHIELLI A., (2004 : 237 - 23)

La saturation constitue un signal d'alarme ou une alerte pour le chercheur qu'il peut cesser la collecte des données ou leur analyse ou encore mieux les deux actions vécues simultanément.

Si dans la posture positiviste, le point de saturation constitue un signal de représentativité des données dont la visée est la généralisation des résultats. Par contre notre modèle d'analyse inductif et constructiviste, la saturation permet la production d'un savoir riche, adéquat, nuancé, intimement lié aux contextes à l'intérieur desquels ils avaient été produits. La vision visée est la production d'un savoir transférable.

1.5. La mise en oeuvre du travail de terrain

Cette partie du travail indique la manière dont nous nous sommes inséré sur le terrain et la mise en train du dispositif de recueil des données.

1.5.1. L'insertion personnelle sur le terrain

Deux aspects sont exploités ici à savoir : la posture du chercheur et l'exigence linguistique des acteurs.

1.5.1.1. La posture du chercheur

Tablant sur la méthode ethnographique du type qualitatif que nous avons mobilisée, deux manières se présentent pour s'insérer sur le terrain « professionnel ». la première est celle où le chercheur pour mener une enquête scientifique de l'intérieur de sa profession, analyse une unité policière qui n'est pas sienne, selon l'intérêt dicté par la recherche. C'est le cas d'un policier de l'unité de garde qui analyse l'objet portant sur la Police d'investigations criminelles. La deuxième posture est celle où le policier chercheur analyse l'objet de recherche sur sa propre unité et régulièrement son propre poste ou lieu de travail.

Pour le premier cas, l'insertion sur le terrain oblige au chercheur le recours à des formalités administratives auprès de son échelon supérieur. Celui-ci peut lui accorder l'autorisation de stage ou la permutation ou transfert provisoire pour seule fin d'enquête.

Pour la deuxième option dans laquelle s'inscrit cette recherche, le chercheur s'investit en acteur professionnel. Ainsi, ne s'insère-t-il pas dans le milieu ou terrain de recherche puisqu'il y est déjà inséré par la profession. Par conséquent, il n'est pas tenu à des formalités administratives.

Il sied de remarquer que la méthode ethnographique est subjective. Sous cet angle, l'opportunité nous est offerte de procéder personnellement à la substitution momentanément de l'emploi de « Nous » de majesté par « je » pronom personnel inaccentué ou atonique qui indique la personne qui agit ou subit, et par « moi » qui est tonique et qui, accentue le « je » dans cette phase du travail. Il y a aussi lieu de mettre en évidence le pronom personnel « neutre » pour marquer la neutralité de notre discours. « Il » remplace « mon » et « je » qui représentent le chercheur.

C'est pour dire que la tradition humaniste a produit une quantité des processus effectifs de l'enquête de terrain à la « première personne » EMERSON R., 2003 : 409)

La visée est d'exprimer la subjectivité à trianguler avec le savoir des acteurs participants « OPJ » et « APJ » afin de réaliser l' « intersubjectivité ». D'où la démonstration et la raison d'être de cette formule à trois dimensions qui traduisent le même fait.

Subjectivité

Subjectivité

Intersubjectivité

+

=

Négatif

Négatif

Positivité

+

=

Chercheur

Participants

Neutralité

=

+

L'intersubjectivité est synonyme de l'objectivité dans une perspective positiviste. C'est une manière de valider ce savoir en tant que chercheur acteur professionnel. Il ne sera validé que lorsque les acteurs se reconnaissent et s'identifient à l'objet du travail. A ce moment là, le chercheur aura atteint la validité de la recherche. Et la recherche matérialisée devient un miroir où le chercheur et les acteurs s'y mirent pour voir le reflet de leur manière de travailler. C'est l'un de grands avantages de la méthode ethnographique. Cependant, elle pose le dilemme de la prise de distance entre le chercheur et l'objet d'étude. Cet aspect sera détaillé en profondeur dans la phase d'éthique de recherche.

Sur ce, je me suis inséré sur le terrain de quatre manières selon l'exigence du milieu professionnel et celle de la recherche. Le terrain exige l'adaptation liée au secret du travail et la recherche implique la validité. La recherche du terrain exige des stratégies et du savoir faire du chercheur.

1° «  Chercheur à couvert »

Ce concept est puisé dans les empiries. La police congolaise a toujours été militarisée et l'est encore aujourd'hui comme force contraignante ou régalienne. Dans les tactiques militaires, être « à couvert » c'est être à l'abri, éviter d'être cible, c'est se cacher pour se protéger. C'est aussi se camoufler pour passer inaperçu. Par contre, être à découvert, c'est s'exposer comme cible vu devant l'ennemi.

Dans le premier moment de cette recherche, je me suis inséré sur le terrain comme un chercheur « à couvert », masqué, voilé, camouflé pour observer dans l'ombre. Cette manière de s'insérer sur le terrain d'enquête sans que les acteurs participants (OPJ et APJ) le sachent, est une posture privilégiée pour le chercheur professionnel qui a les atouts d'observer profondément les faits. C'est une opportunité propice pour tirer les observations fécondes puisque le chercheur les récolte au moment de leur production dans leur contexte naturel. Si le chercheur de l'extérieur a des difficultés d'observer surtout ce qui se passe en « kundelpain » c'est-à-dire en secret ou en cachette comme la pratique de l'« OPJ debout », le chercheur acteur professionnel jouit d'une position privilégiée qui est censée féconde.

Pour suivre la formation criminologique, l'école exigeait préalablement l'autorisation de l'employeur. L'ayant obtenue de mon échelon supérieur, dès ce moment là, il n'était plus nécessaire que je sois présenté à mes collaborateurs « OPJ et APJ » comme chercheur. De toutes les façons, ils savaient que j'étudiais et ignoraient tout sur ma recherche. C'était un secret pour moi puisque l'enquête sur terrain a été déterminée par mon calendrier personnel de recherche. Elle coïncide avec mon stage que j'avais prévu du janvier au mois d'Avril. Le reste du temps m'était profitable pour enrichir ma recherche. Inaperçu et ignoré des policiers, j'ai commencé l'observation dans l' « incognito ». C'est ce qui justifie le concept du « chercheur à couvert ». C'est cette posture que j'ai portée dans le premier moment de recherche et d'insertion personnelle sur le terrain. C'est l'observation in situ qui a primé.

2° «  Chercheur  à découvert »

C'est le chercheur dévoilé, démasqué ou dépisté par soi-même pour raison de quête de données. C'est le deuxième moment d'insertion. Après avoir bénéficié des avantages de la première posture, le respect du calendrier de recherche m'imposait l'entretien exploratoire avec quelques « OPJ et APJ ». il fallait dès lors, me présenter à mes collaborateurs comme étudiant chercheur. D'une manière informelle, j'étais stagiaire dans mon sous-commissariat de police où je travaille. C'est de cette manière que j'ai été amené à réfléchir et à partager avec eux leurs expériences pratiques dans le champ non réglementaire du contrôle policier.

L'objet étant très glissant et très délicat, il est lié aux pratiques secrètes à découvrir. Vu ma position hiérarchique « OPJ », il y a eu méfiance puisque certains policiers me prenaient pour un imposteur qui voulait les démasquer et démanteler leurs pratiques. C'est ainsi que par la stratégie du « gagne coeur » ou de la mise en confiance, découlant de mes relations habituelles déjà tissées depuis longtemps avec eux, que j'ai du contourner la « méfiance ». Ceci pour dire que le chercheur professionnel se bute aussi à la méfiance...

Sur ce, le cas de SANTOS décrit dans l'introduction nous permet d'illustrer le cas de « méfiance ». Informé du cas, j'avais glané l'information auprès du chef de poste et du chef d'équipe qui étaient intervenus pour ce cas ; pour recouper l'information, j'avais demandé à un policier participant à l'action. J'ai eu du mal à lui arracher ce qu'ils avaient fait malgré les relations approfondies entre nous ; il cachait l'information que j'avais déjà, il avait une attitude de panique. Peur de répercussion, il a cru que j'avais besoin des informations pour lui créer des ennuis en lui privant la liberté par la détention. Bien avant, j'avais discuté le bien fondé de ma recherche avec lui. Mais, il n'a pas eu confiance suite à ma fonction hiérarchique occupée dans l'organisation. Il voulu s'assurer s'il y avait un problème. IL me demande « kuko mambo » qui veut dire « y a t il un problème ». Il finit par me donner une histoire décousue. Le lieu n'était pas bien propice puisque c'était mon bureau malgré mon insistance sur l'importance du bien fondé de ma recherche, la méfiance n'a pas été balayée. Le policier s'est méfiée de la recherche en s'accrochant à ma position hiérarchique. Deux jours après, ne voyant aucun événement lui survenir à ce propos, dans un endroit retiré, sous un café, il me relata tous les faits.

Toute cette longue littérature pour tout simplement dire que la recherche menée de l'intérieur se bute aussi au problème que pose la « méfiance » si l'objet à cerner est délicat et est tenu pour secret ou stratégie de gagne pain dans une situation non réglementaire, la peur de répercussion ou rebondissement du problème, la crainte de « mbanu » ou « punition ». La police est un lieu de coercition d'abord pour les policiers eux-mêmes pour raison de conformité. C'est ainsi que la police comme corps, ou force, dispose d'une déontologie spécifique dite déontologie policière. (LOFIMBO L.S., 2006 : 5-59). DONATIEN KALOMBO (2000) a aussi partagé ses connaissances sur la déontologie policière.

Toutefois, il sied de remarquer que le premier moment de l'insertion sur terrain est celui de l'observation directe dite « in situ ». Tout est à observer. « C'est une observation « pure » qui est générale. Le deuxième moment provoqué par l'entretien exploratoire, c'est celui de l'observation orientée et sélectionnée. Notre attention a été braquée sur toutes les situations liées au champ du contrôle policier : les policiers et leurs manière de rendre justice dès la plainte jusqu'à son issue. Les observations sont ici raffinées puisque fixées et précisées par l'objet de recherche.

3° «  Chercheur participant ou observé »

Pendant les recherches, j'exerçais les activités professionnelles comme d'habitude. Je recevais les plaintes, je les gérais jusqu'à leur issue en clôturant certains dossiers à mon niveau selon les cas et d'autres suivaient leur cour normale par la voie de transfert au Parquet de Grande Instance.

Je participais tout en ayant l' « oeil » d'un observateur avisé. J'étais à la fois un participant actif puisque j'étais plongé dans les activités d'OPJ en oubliant par moment que j'étais chercheur surtout lorsque l'observation tendait à la saturation. C'est une limite méthodologique pour la recherche menée de l'intérieur et la participation devient un avantage du chercheur externe puis qu'elle est cette opportunité d'observation et de tisser les relations de mise en confiance pour faciliter les entrevues.

En faisant ce que font les policiers en tant que policier, je faisais aussi d`elle ce qu'en font les policiers que nous aurons l'intérêt à analyser en profondeur au moment opportun. Même si par moment, je m'oubliais comme chercheur, souvent, je participais avec l'esprit en éveil tout en m'observant par l'introspection, je fournissais un effort pour opérer à la fois une double observation, sur moi-même et sur les actions des « OPJ et APJ ».

La pertinence est que le chercheur se trouve dans une bonne position de s'analyser à travers les pratiques professionnelles, policières dans ce cadre précis. C'est comme s'il s'agissait de son autobiographie. Autobiographie par analogie métaphorique, le chercheur s'analyse à travers sa profession et se découvre. La recherche devient un miroir réflexif de son travail qui constitue une communauté professionnelle. OEuvre autobiographique au sens strict du concept, la recherche n'en est pas une puisque ce savoir n'est pas seulement l'expérience du chercheur participant et s'auto-observant, mais aussi et surtout elle s'affirme comme la restitution des pratiques par les policiers participants (OPJ et APJ).

4° «  Chercheur observant »

En tant que participant, l'attention est focalisée plus sur la participation que sur la recherche. Le chercheur se confond à l'objet pour s'observer s'analyser. A un certain moment, il fallait prendre distance avec l'objet en observant les policiers sans provoquer les événements ou les occasions à exploiter. Il fallait agir dans le naturel en se laissant guider par le déroulement des activités policières.

C'est ainsi qu'il m'arrivait le plus souvent que possible de confier le dossier aux stagiaires pratiques et je m'occupais de l'observation. Je suivais le déroulement de l'audition et de l'instruction du dossier du début à la fin. Ils concluaient le dossier en sollicitant mon avis en secret. C'est une manière d'être observant. Parfois, je demandais à mes collègues d'instruire mes dossiers et j'en profitais pour récolter les données utiles. Il m'arrivait surtout d'assister au déroulement de la majorité des dossiers traités au sous commissariat. C'est une manière d'être d'un chercheur observant dans l'étude ethnographique analysée de l'intérieur.

1.5.1.2. L'exigence linguistique

La méthode ethnographique exige la maîtrise de la langue des acteurs. C'est pourquoi elle impose un temps long dans le milieu pour cette fin. Dans le cas contraire, le chercheur « outsider » c'est-à-dire hors communauté ou étranger doit recourir à un interprète ou un informateur membre de la communauté avec le risque de déformation, de la méfiance et de rétention de certaines informations secrètes.

Pour le cas qui nous concerne, l'exigence de la connaissance de la langue des acteurs est déjà résolue en tant qu'acteur chercheur professionnel. En réalisant Cette recherche, j'ai manipulé trois langues avec les policiers.

1° Lingala

La police comme force, est le fruit du démantèlement de la Gendarmerie et de la Garde Civile qui représentaient le visage de l'Etat pendant la 2ème République. Comme la police a été et reste encore militarisée, le lingala fut la langue de l'armée. Elle fut terrifiante et intimidante. Ce sont les militaires qui l'ont rendue ainsi. A titre indicatif, il suffisait seulement d'entendre le mot « Telema » qui traduit « arrêtez-vous» pour se sentir dans l'insécurité. La « sommation », était le propre de gendarmes et des garde civiles.

Le lingala est une des quatre langues nationales de la R.D.C. Elle est surtout parlée du côté nord et ouest de la R.D.C. La langue en tant que véhicule de la culture, elle sert de trait d'union du bloc Ouest.

2° Swahili

En démantelant les forces de la deuxième République, l'AFDL du feu président L.D. Kabila utilisant le swahili qui est aussi une des langues nationales. Il sert de lien du bloc de l'Est où il est plus parlé. Il avait supplanté le lingala tout au début de l'occupation. Il était facile d'entendre : « we takumaliza » qui veut dire « toi, je veux t'achever ». « Fimbo kitofuni » se traduisant « fouet sur le nombril » ou alors « kitambulisho » qui signifie « pièce d'identité ». Quelques années après, le lingala refait surface dans la police et évolue en équilibre avec le swahili.

3° Français

C'est la langue officielle de la police puisque les honneurs et les rapports administratifs se font en Français. Il y a sous peu, les honneurs militaires et le commandement se faisait en swahili ou en lingala.

Maîtrisant les trois langues, les entrevues se réalisaient selon les acteurs en présence. Avec les OPJ, les entretiens se déroulaient en Français tandis qu'avec les Agents, le choix était entre le swahili et le lingala. C'est le swahili qui primait en tant que langue du milieu. C'est grâce à ce trilinguisme que nous avons pu par l'observation indirecte, récolter les données empiriques.

1.5.2. Mise en train des techniques de recueil des données

Il sera question dans cette partie du travail de présenter la manière dont nous avons récolté les données de l'observation et des entretiens.

1.5.2.1. Observation in situ

Pour construire notre savoir, nous avons dans le premier moment de notre insertion sur le terrain, procédé à l'observation générale de gestes, paroles et attitudes de tout ce qui se passait au niveau du sous-commissariat.

La deuxième phase de notre insertion nous a permis de récolter sur le vif, les données de l'observation sélectionnée et orientée au regard de notre objet d'étude. L'observation était centrée sur les paroles ou discours, gestes produits par les OPJ et APJ lors de l'enregistrement des plaintes, leur traitement et leur issue.

Concrètement, nous avions plusieurs opportunités de prendre note sans que les acteurs participants puissent s'en rendre compte. Nous avions à notre disposition trois grandes notes books. Le premier carnet nous servait pour la transcription des notes cursives prises sur le vif et à la dérobée comme aide mémoire pour le compte rendu détaillé.

La deuxième fiche signalétique résume les principaux thèmes ou événements de l'unité de l'observation. Cette fiche nous a été d'une grande utilité dans le repère des thèmes lors de notre analyse du contenu exploitée sous une perspective thématique. Il sied de faire remarquer que les propos des acteurs sont enregistrés entre guillemets et les traductions sont mises entre parenthèses. Il en est de même concernant certains concepts que nous avons eu la difficulté de remplacer par ceux dits neutres. Cette technique nous permet de distinguer avec notre réflexion personnelle. Celle-ci est consignée dans le troisième carnet qui est le journal de bord qui présente l'état de notre subjectivité.

Les fiches sont précieuses et présentent une double fonction à savoir : elles permettent d'accumuler les observations prises sur le vif et les idées dans leur fraîcheur initiale, tout en constituant un instrument pour dépasser les incertitudes de la pensée (STRAUSS, 1992 : 290), en se forçant à écrire tout ce qui se passe par la tête (KAUFMANN J.C (1996 : 79).

Sur ce, la recherche a crée en nous une nouvelle habitude de se prémunir partout où l'on se trouve d'un carnet personnel de recherche qui nous a permis d'accoucher toute idée qui passe à travers la tête et en rapport avec la recherche puisque la mémoire humaine est infidèle, faillible. Ainsi, donc, nous avons été emballé par la recherche qui a fait que tout notre raisonnement soit focalisé sur cette étude. S'agissant d'un mémoire et non d'une thèse, nous sommes donc limité à ne pas tout exposer.

1.5.2.2. L'entretien semi-directif

Rien n'est dans l'intelligence qui ne soit entré par le sens. La connaissance acquise de l'observation se fait par la vue et ouie. Quant à l'entretien, la connaissance pénètre par l' « ouie » c'est-à-dire par l'audition. D'où pour acquérir les connaissances sous cet angle de vue, il faut savoir écouter. Savoir écouter implique les stratégies d'écoute qui permet au chercheur de traiter en temps réel l'information communiquée par l'interviewé. (BLANCHET A., et GOTMAN A., 2001 : 78)

Ainsi, savoir écouter, c'est savoir comprendre. Savoir comprendre, c'est savoir expliquer les faits dans le contexte et les logiques des acteurs participants. C'est savoir les comprendre et partager ensemble leur expérience.

Faute de moyens de disposer d'une enregistreuse, nos différents entretiens ont été transcrits directement avec l'accord des participants qui intéressés par le sujet qui concerne directement leur pratique, ils nous ont facilité la tâche en s'adaptant à notre rythme de transcription. L'interruption se faisait seulement pour éclairer un fait obscur ou pour enrichir un point important. Les participants nous demandaient souvent si nous étions à la page de leur discours et l'on continuait ainsi jusqu'à la fin. Sur notre initiative, parfois sur celle des intervenants, le rendez-vous était fixé pour passer à peigne fin notre entretien.

L'avantage de la transcription directe de discours est le gain du temps dans la récolte des données. L'inconvénient est que le chercheur est par moment, selon le rythme du discours, plongé dans sa transcription et a de la peine d'enregistrer les attitudes ou hésitation de l'acteur. Fort heureusement, ce désavantage est corrigé par l'analyse thématique qui veut que la manipulation thématique jette l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac à thèmes qui détruit définitivement l'architecture cognitive et affective des personnes singulières. (BARDIN, 1991 : 93)

Du reste, étant emballé par l'allure de la recherche, nous avons été prudent pour observer les attitudes des intervenants tout en transcrivant leurs propos.

La scène d'entretien est caractérisée par la définition des lieux (le décor et ses significations sociales) et la configuration des places (les positions occupées par les partenaires de l'entretien). Ainsi, chaque lieu ne communique-t-il pas des significations susceptibles d'être mises en acte dans le discours de l'interviewé. La situation commande des rôles et des conduites spécifiques. (BLANCHET A. et GOTMANN A., 2001 : 70).

Notre premier entretien a eu lieu dans notre bureau. A notre qualité d'OPJ, en interviewant l'APJ, la production n'a pas été fameuse. C'est comme si l'APJ est pris au piège pour décrire ce que l'OPJ lui a toujours reproché et qu'il sait d'avance que la chaise sur laquelle il est assis, c'est celle où les différentes personnes en conflits avec la loi s'assoient. Le milieu peut entraîner la frustration de l'intervenant qui peut se rétracter et retenir les informations. C'est dans ce contexte que les auteurs précités précisent que : « Dans le bureau de l'interviewer, l'entretien sera davantage marqué par ce que les lieux traduisent de l'intentionnalité professionnelle de l'interviewé ». (2001 : 70)

Pour contourner cette difficulté, nos différents entretiens s'effectuaient toujours dans notre site à des moments de pause et dans les différents véhicules en parking qui sont confortables et qui nous servent de lieux de repos. En partageant un coca-cola, ou fumant une cigarette amicale avec des acteurs participants, c'est dans cette ambiance que nous avons pu réaliser nos entretiens.

La grande difficulté pour cette analyse, c'est la recherche du grand thème qui constitue le grand sac où l'on fourre les autres thèmes. C'est ici où le chercheur doit être réflexif et doit s'investir en bricoleur. Mais, il ne s'agit pas de n'importe quel bricolage, mais d'un bricolage scientifique adapté au milieu de recherche, à la manière d'approcher l'objet et les instruments servant à recueillir les données.

1.6. Analyse des données

Il s'agit bien de l'analyse des données de l'observation ainsi que de l'entretien. L'analyse de l'exploitation des données utilisée dans la présente recherche est celle dite thématique à la fois verticale et horizontale. Elle vise la cohérence et la mise en oeuvre des modèles explicatifs de pratiques ou de pratiques ou de représentations, et non pas de l'action. (BLANCHET A., et GOTMAN A., 2001 : 98)

Cette analyse a la particularité comme nous l'avons dit plus haut dans la mise en train de l'entretien de jeter l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac à thèmes qui détruit définitivement l'architecture cognitive et affective des personnes singulières. (BARDIN, 1991 : 93)

L'analyse thématique défait la singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d'un entretien à l'autre, se réfère au même thème. Les dimensions utilisées dans cette analyse sont considérées comme des thèmes. L'analyse est dite « verticale » lorsqu'elle consiste à passer en revue les « thèmes » abordés par chaque sujet séparément pour en faire la synthèse. Par opposition à l'analyse thématique « verticale », l'analyse thématique « horizontale » relève les différentes formes sous lesquelles le même thème apparaît d'un sujet à l'autre.

Concrètement, pour établir les thèmes et construire la grille d'analyse, nous avons procédé à la lecture minutieuse de chaque entretien, un par un. L'identification et la construction de la grille d'analyse se sont effectuées à partir des stéréotypes d'ancrage de la recherche qui permettront la constitution de notre corpus. Ainsi, l'unité thématique n'est pas définie à priori, elle est par contre une construction sur base du noyau de sens repérable en fonction de la problématique et des points d'ancrage de la recherche. Dès lors, une fois sélectionnée pour l'analyse d'un corpus, les thèmes constituent le cadre stable de l'analyse de tous les entretiens. (BLANCHET A. et GOTMAN, 1992 : 98)

La grille d'analyse étant hiérarchisée en thèmes principaux et secondaires que nous désignons en termes des thèmes et sous thèmes, susceptibles de nous fournir les informations pour en repérer les éléments significatifs et factuels en vue de minimiser les informations non contrôlées. Après cette tâche, il suffisait de découper les énoncés correspondant et les classer dans les rubriques ad hoc. Ces énoncés sont des unités de signification complexe et de longueur variable.

Il sied de faire remarquer que certains éléments plus importants étaient soulignés et mis entre guillemets pour nous servir de référence. Ainsi, les guillemets fixent le discours des acteurs tandis que les parenthèses présentent leur traduction en Français. En définitive, toute cette longue littérature sur l'analyse thématique des données, se dégage dans le corpus qui prend sa posture empirique par la présentation du cadre référentiel.

1.7. Les considérations éthiques et critiques de la recherche

Au regard des considérations éthiques, nous nous sommes imposé une discipline rigoureuse en respectant dans la mesure du possible, les exigences d'une recherche scientifique. Le contrôle personnel de la validité intérieure a été pour nous un cheval de bataille tandis que le contrôle externe sanctionné par la validité de la publication soutenue par le résultat jugé transférable, a constitué pour nous un cheval de parade.

La présente recherche, comme nous ne cessons de le rappeler, rentre dans une posture constructiviste. Sous cet angle, elle crée une rupture avec le sens commun. C'est dans cette optique que nous avons présenté notre épigraphe selon lequel, l'OPJ juge les faits tandis que le criminologue les contextualise pour les comprendre sans les juger. C'est cette pensée qui a conduit de stigmatiser la visée de cette recherche qui consiste à creuser dans les pratiques informelles pour en dégager l'essentiel de la pratique de l' « OPJ debout » comme modèle non prescrit de régler les conflits entre les individus vivant dans la communauté.

Le souci de la validité interne nous a poussé à une introspection qui consistait à faire chaque fois une réflexion rétrospective centrée sur la cohérence entre la question de recherche, l'approche théorique mobilisée, le modèle d'analyse, la méthode et technique de recueil des données ainsi que leur analyse.

Nous pensons avoir présenté cette recherche avec minutie en présentant les détails des informations et la manière dont elles sont empiriquement récoltées.

Par ailleurs, nous avons aussi présenté d'une manière précise, les différentes sources d'informations dans la collecte des données. Nous pensons aussi avoir respecté l'anonymat des acteurs participants et leur point de vue dans la manière d'enregistrer les données que dans celle de les présenter. Par surcroît, nous avons aussi fourni un effort dans la rédaction pour utiliser les concepts neutres en évitant ceux susceptibles d'apporter les jugements de valeurs. A défaut de trouver un équivalent neutre, il nous arriver aussi d `utiliser ce concepts teintés de jugement en les mettant entre guillemets surtout s'ils relèvent des données empiriques.

Il sied de signifier que cette manière de faire une autocritique de la recherche implique l'idée de crédibilité et de transparence de la recherche. L'homme étant imparfait, sa construction quoi que prétendue scientifique en est un témoignage matériel. Il en est de même pour cette recherche. L'idéal d'un chercheur est de présenter une recherche respectueuse qui tient compte d'une description parfaite et d'une analyse interprétative qui fait que les acteurs participants puissent se découvrir, s'identifier et se reconnaître à travers la recherche non pas singulièrement, mais d'une manière globale en tant que membre de la communauté analysée.

L'objet et la méthode imposent des limites à la recherche. Parmi, elles, nous pouvons épingler celle qui s'aligne au souci du savoir. En préparant cette étude, nous avons été animé par le souci non pas de savoir, mais plutôt celui de savoir plus et de tout savoir sur la question de recherche. Ce souci que nous avons aussi considéré comme l'une des finalités de recherche est limitée par la question centrale.

Sur ce, le souci du savoir plus et de tout savoir quoi que limité, offre des opportunités d'ouvrir les brèches comme nouvelles pistes de recherche ultérieure. C'est pourquoi, en élaborant cette étude, nous avons pensé à cerner aussi la déontologie policière et la discipline militaire. Déontologie policière parce que la police est un corps de l'ordre ou de commandement. Elle a une déontologie appropriée. Et la discipline militaire puisque la police est militarisée. Cette discipline n'est autre que la manifestation de l'extériorisation des règlements militaires.

La déontologie policière et la discipline militaire dictent la ligne de conduite des policiers. Si la première se limite au rôle directif, la seconde par contre va au-delà de prévention et s'affirme répressif. C'est le cas de violation des consignes souvent utilisées comme élément de preuve pour en punir l'auteur « transgressant », relève du règlement militaire qui régit aussi la police. Le fil conducteur de la recherche est la question centrale. Aborder ces deux notions en termes spécifiques et en profondeur c'est outrepasser l'objet de recherche. C'est dans ce contexte que ces notions sont mises en jachères pour des études futures ;La présente recherche reste dans la posture du travail judiciaire en visant l'essentiel de la pratique de l' « OPJ debout ».

Une autre limite est celle liée à la documentation. Nous avions à notre portée plusieurs ouvrages sur la police et surtout d'éditions très récentes. Pour éviter la gloutonnerie livresque, nous nous sommes limité à ceux qui touchent d'une manière ou d'une autre, à notre objet de recherche. L'inconvénient est l'absence des vieux documents auxquels renvoient les nouveaux comme référence. Pour éviter les sources de seconde main, il n'y a qu'à s'abstenir puisque les moyens font défaut pour les commander.

Nous avions aussi cerné la limite liée à notre « être » ou l'être du chercheur. En qualité de chercheur participant observant et observé, il est difficile d'échapper à la subjectivité. C'est pourquoi cette recherche est à la fois partiale et partielle. Partiale puisque liée à notre propre vision par opposition à partielle qui fait que cette construction ne soit qu'une partie du savoir puisqu'il se passe que notre « mémoire » en tant qu'humain, est faillible, imparfaite et incapable de nous restituer toute la pensée qui traverse notre esprit. L'on ne peut évoquer que ce qui est présent à l'esprit. C'est pourquoi dans la phase finale de la recherche, de nouvelles idées viennent basculer les idées déjà conçues et fixées.

Comme remède à cette faculté de l'oubli, une nouvelle culture du chercheur se cristallise en nous. C'est la maladie de disposer à tout moment et à tout lieu d'un bic et d'un carnet, à défaut, d'un crayon et d'un papier pour noter toute idée qui passe par la tête et qui est en rapport avec notre recherche. C'est dans ce contexte que nous avons produit ce savoir.

Si le sous-commissariat de Police KAFUBU a été ciblé comme cadre référentiel et site d'analyse, notre observation est allée au-delà de ce site. Pour recouper les données de l'observation, il nous était arrivé d'observer la pratique policière au stade, au marché pirate et pendant la patrouille.

II. CADRE REFENTIEL DE RECHERCHE : SOUS-COMMISSARIAT DE POLICE KAFUBU

Dans le cadre référentiel de recherche, il sera tracé le dessin de l'organisation et du fonctionnement de la police sur terrain dont les OPJ et APJ en sont les animateurs pertinents. Sur ce, les matériaux empiriques récoltés sur le champ en traduisent les faits concernant la police comme instance du contrôle social.

2.1. Description du site

Le sous-commissariat de police de Kafubu est l'un de sept postes opérationnels du commissariat de Kampemba. Il est situé au n°1 de l'Avenue Mungomba, actuellement propriété privée de Monsieur Kapata, un sujet grec et commerçant de Lubumbashi. C'est dans le quartier Kafubu dont tire le nom du poste. Par ailleurs Kafubu et le nom de la rivière qui longe la bordure sud-Est du dit quartier dans la commune Kampemba.

Celle-ci est une de sept communes que regorge la ville cuprifère de Lubumbashi. Elle est réputée en activités économiques et plus précisément commerciales et industrielles. Le quartier Kafubu est réputé par les activités commerciales et plus singulièrement le marché des poissons salés et fumés. La partie commerciale est une ancienne exploitation commerciale grecque. Autrefois florissante, avec l'avènement de la nationalisation, les grecs sont partis au profit de zaïrois, aujourd'hui congolais. La situation économique précaire a fait que les magasins soient transformés en dépôt des denrées alimentaires agricoles (arachides, haricots, maïs) et surtout les produits de la pêche (poissons séchés et fumés). C'est la vente des poissons qui fait la renommée du Quartier Kafubu, surtout la partie commerciale appelée dans le jardon local « Njanja ».

Nous pensons que c'est la présence de ces activités qui a motivé l'implantation du poste de police dans une logique à la fois préventive et répressive à laquelle s'ajoute celle de service générateur des recettes. Le poste est situé entre « l'Arrêt Mandevu » et « Apollo » sur la route autrefois Munama, aujourd'hui Kapwasa, derrière le Bureau de la Sonas Kampemba. Il est en face du temple des Saints des Derniers Jours ou « le Mormon ».

Il occupe une surface d'à peu près 50/100 m. Cet espace sert aussi de garage et de parking pendant la nuit. C'est dans cette optique que cet espace constitue l'objet de « treizer » capitalisation à raison de 500 FC pour véhicule excepté le camion dont le frais varie entre 1500 et 2500 FC pour le gardiennage d'une nuit.

Le sous-commissariat occupe l'ancienne boyerie qui lui a été cédée à titre gratuit pour raison de service public. Le bâtiment a 3 portes en face et une derrière qui fait office de lieu d'aisance. La première porte donne la voie au corps de garde qui fut la douche dont les traces sont encore visibles sur le pavement. Le corps de garde est une salle très exiguë et sert à la fois de cachot des détenus du sexe féminin et des mineurs. Il constitue l'office des Agents de police sous le commandement du chef de poste.

La deuxième porte constitue le bureau du sous-commissariat. Il a deux pièces reliées par une porte. L'entrée est l'office des OPJ tandis que l'anti-chambre est le bureau du commandant en place. La salle des OPJ contient deux tablettes, deux chaises et quatre tabourets, tandis que celle du commandant est garnie d'une tablette, d'une chaise et de deux tabourets, un calendrier et la photo de l'occupant pendue sur le mur. Une grande armoire abrite les différents documents rangés en pile.

La troisième porte c'est l'Amigo dont l'écriture à la couleur vive sur le mur peint en blanc, au dessus de la porte, indique l'Hôtel Amigo pour héberger ses clients qui sont les personnes en conflit avec la loi. Il a une dimension de 2/1,5 m. Il n'a pas de fenêtres, mais une porte métallique dont la partie supérieure permet d'aérer le cachot. Sur la façade latérale peinte en blanc, on peut lire ces écriteaux en bleu : Police Nationale Congolaise, Commissariat de Kampemba, Sous commissariat de Kafubu.

2.2. Organisation et fonctionnement du sous-commissariat Kafubu

A titre de rappel, le sous commissariat de Kafubu est un poste de police. Il relève du commissariat de Kampemba. Celui-ci est l'un des sept commissariats du commandement ville appelé autrement District police ville de Lubumbashi qui est le Bataillon. C'est la police territoriale. Le commandement ville dépend directement de l'Inspection provinciale du Katanga ainsi que toutes les unités spécialisées de la Police. L'inspection du Katanga représente l'Inspection Générale qui collabore directement avec le Ministère de l'intérieur duquel elle relève.

Les sous-commissariats sont implantés dans les communes, au niveau de chaque quartier. Faute d'effectifs et de moyens, certains en sont dépourvus et d'autres sont inopérationnels.

En principe le sous-commissariat est dirigé par un commandant qui a la qualité d'OPJ et le rang de chef peloton. Le peloton organique est de 48 éléments tandis que le sous-commissariat ne dispose au plus que 16 éléments et d'autres n'en disposent que quatre avec toutes les difficultés que le moindre effectif pèse sur le fonctionnement. Ce poste compte 4 OPJ en son sein et 2 stagiaires pratiques.

Si dans le commissariat, les différents OPJ se relèvent pour assurer la permanence nocturne et diurne les jours fériés, samedi et dimanche, par contre dans le sous-commissariat, elle est assurée par le chef de poste qui est un APJ. Pendant la nuit, c'est lui qui coiffe le sous-commissariat. Présentement, le poste de police de Kafubu dispose d'un effectif de 16 éléments sous la disposition du Gradé d'élite chargé de contrôler leur présence et de repartir les tâches journalières. Il joue le rôle de mère du poste et c'est lui qui introduit les APJ au commandant pour le rapport lorsqu'ils ont un problème. Ceci pour dire que la police suit la logique militaire. Il est à la fois avocat et accusateur des policiers.

Le sous-commissariat dispose de 16 éléments dont 4 sont détachés. Ces éléments sont organisés en 3 équipes de 4 éléments. Quand la première assure la garde, la seconde est chargée de la patrouille et la dernière assure le piquet d'intervention. La relève s'effectue après 48 heures pour toutes les équipes. L'effectif est moindre et l'on constatera qu'il manque une équipe de réserve destinée à faire la tournée ou renforcer l'équipe de piquet en cas d'éventualité. L'équipe de garde fait 24 h/24 pendant deux jours, celle de piquet reste sur place de 7 heures à 18 heures.

Il sied de remarquer que le commandant sous-commissariat et ses OPJ n'assurent ni la garde, ni le piquet, ni la réserve. Néanmoins, ils assurent la permanence et supervisent la patrouille au niveau du commissariat selon le rôle mensuel établi pour cette fin.

Le chef de poste est responsable de la garde. Il est épaulé par le caporal de poste qui est le gardien de l'Amigo ou cachot. Il assure la relève en suivant le rôle de veille. Il tient également à la propreté du bureau, de l'Amigo et de l'espace extérieur en donnant la corvée aux personnes en détention. Les autres sont les sentinelles responsables des points à surveiller. Elles se communiquent les consignes et ne peuvent utiliser les armes que dans les cas prévus par les dispositions réglementaires (cas de légitime défense, cas de nécessité absolue). A l'approche d'une autorité ayant droit aux honneurs, la sentinelle qui est à l'entrée prévoit la garde.

Le gardien intervient la nuit en cas de nécessité, acte les plaintes qui viennent et fait le rapport le matin au commandant sous-commissariat. La garde est une occasion pour le chef de poste de faire la pratique de l'OPJ debout. D'ailleurs, pendant la nuit, la police en tant que service d'intérêt public, tous ceux qui viennent l'appellent commandant, à moins que la personne connaisse le rouage de la police. A titre indicatif, deux rivales s'étaient battues pendant la nuit. La première femme a porté plainte contre sa rivale. Après avoir payé les frais, la rivale a été arrêtée et acheminée au sous-commissariat. Le chef de poste qui assiste souvent au déroulement des différentes auditions a assez l'expérience pour entendre verbalement les deux parties. Leur mari étant intervenu et un terrain d'entente a été trouvé. C'est ainsi que le chef de poste va recourir au principe d'Archimède qui dit qu'un corps plongé dans l'eau, remonte verticalement. « Anesha kwangukiya mu mayi, atatokamo wa kukauka » (elle est déjà tombé dans l'eau, elle ne va pas en sortir séchée.) Par manque d'argent, le mari a laissé en gage sa radio cassette à retirer le matin après avoir payé 10.000 FC d'amende transactionnelle. Comme le chef de poste s'était déplacé, ledit mari est venu avec ladite somme pour récupérer sa radio. Il nous demandait de lui indiquer le commandant qui a fait la permanence la nuit pour lui verser l'argent et récupérer sa radio. Nous lui avons dit d'attendre le chef de poste en vue de régler son problème. C'est de cette façon que nous avons su que le chef de poste a fait la pratique de l'OPJ debout à notre insu et pendant la nuit.

Dans son fonctionnement, le sous-commissariat se bute à beaucoup de difficultés. A titre purement illustratif, nous en indiquerons quelques unes relatives à la logistique, infrastructure, personnel et équipement.

- Carence des fournitures de bureau, ce qui donne l'occasion aux OPJ de demander les frais de papiers ou bics au plaignant ou prévenu.

- Effectif des APJ sensiblement réduit et qui rend difficile le service de garde, de piquet de patrouille et d'organiser l'équipe de réserve.

L'effectif réduit surtout par le détachement augmente le surplus des tâches et prive les repos aux policiers. Il affaiblit l'autorité et réduit le contrôle en limitant les punitions au besoin de service ; Pour échapper à la contrainte des tâches, les policiers créent la rubrique malade ou congé des circonstances.

- Le détachement rend aussi difficile le service normal. La plupart de nos agents sont détachés dans les entreprises minières. C'est un handicape sérieux au fonctionnement du sous-commissariat.

- Manque d'appareil de communication, le chef de poste est obligé d'avoir un appareil cellulaire et des unités pour communiquer chaque 5 heures du matin, la situation de garde et du quartier Kafubu au commandant sous-commissariat. Celui-ci informe à son tour le commandant commissariat qui la répercute au commandant ville qui contacte l'inspecteur provincial qui communique à ses supérieurs.

- Manque de frais de fonctionnement qui fait que les OPJ demandent les frais d'instruction, de plainte et de transfert du dossier.

- Manque de véhicule de transport. Les policiers sont obligés de recourir aux particuliers, ce qui rend difficile et illusoire toute forme d'intervention en cas d'appel urgent. Lorsqu'ils arrivent en retard sur le lieu d'appel, ils sont reçus sous le jet des cailloux et de cris de moquerie « quelle police d'intervention retardée ?» Les APJ sont obligés d'effectuer de longues distances à pied, à leurs risques et périls, parfois avec des détenus qui guettent une occasion pour s'évader. En effet, il faut passer au commissariat en payant deux trajets pour avoir le numéro du procès-verbal en vue de se rendre au Parquet pour le transfert.

- Insuffisance d'armes et munitions pour différents services.

- Affluence des injonctions émanant du Parquet de Grande Instance, d'Auditorat militaire, le trafic d'influence, « intimidation » des OPJ dans l'exercice de leurs fonctions.

- Manque de bureau approprié. C'est l'habitation privée qui est transformée en bureau. Il se trouve dans un état de détérioration plus ou moins avancé avec les mobiliers qui ne permettent pas de travailler à l'aise. Certains « clients » de la police se mettent debout durant l'audition par manque de chaises.

- L'inexistence des documents d'identité pour citoyen, ce qui rend incertains les renseignements fournis par les « justiciables ». D'aucuns ne disposent que de la carte d'électeur. Cependant, plusieurs viennent au bureau sans en être munis.

- Manque d'uniforme pour certains policiers. La plupart d'entre-eux se débrouillent tant bien que mal dans la friperie où ils achètent des pantalons bleu marine et des chemises bleu-ciel ainsi que des bottines de fortune qu'ils peuvent trouver par occasion.

Il y a une certaine discrimination dans la dotation, ce qui fait que la minorité reçoit la dotation et les autres sont abandonnés à leur triste sort et doivent se débrouiller. Dans l'entre-temps, les uniformes de la police sont vendues dans le couloir et en privé.

Il y a lieu aussi d'indiquer les différents documents que doit avoir un OPJ conformément aux Articles 2 et 3 de l'Ordonnance régissant la police judiciaire.

Parmi les documents existants, nous pouvons citer :

- registre de consignation ;

- carnet de convocation ;

- carnet de transmission ;

- registre d'écrou ;

- registre de correspondance ;

- registre des plaintes.

Ces documents ci-après de nature obligatoires n'y existent pas :

- registre des procès-verbaux ;

- registre général d'officier de Police Judiciaire (ROS) ;

- registre de dépôt (R.D) ;

- livre de caisse auxiliaire ;

- registre de dommages-intérêts ;

- quittancier de dommages-intérêts et un registre individuel d'officier de Police Judiciaire.

2.3. « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali »(4(*))

Selon MONJARDET A., la police est une organisation à la hiérarchie courte et discontinue, aux tâches indéterminées qui ne procurent qu'un canevas lâche. C'est le lieu par excellence de la grande dysfonction entre le pouvoir formel et l'autorité réelle. On y trouve aussi bien des gradés détenant et exerçant les deux, ceux qui tentent d'exercer un pouvoir sans détenir d'autorité, certains ayant l'autorité sans exercer le pouvoir, et d'autres qui sont démunis de l'un et de l'autre. (1996 : 74)

La Police Nationale Congolaise dispose d'une organisation différente de celle décrite par MONJARDET (1996 : 74). En effet, elle répond à une logique militaire qui nécessite une organisation fortement hiérarchisée avec le principe d'unité de commandement et de continuité dans le commandement. D'où cet adage policier qui tombe à ce propos « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali » (les chefs sont partis en même temps il sont restés). C'est le principe de continuité.

2.3.1. « Balinga pete, balinga pete baboma mboka »(5(*))

Les grades et leurs insignes distinctifs sont déterminés par le Décret n°042/2002 du 11 avril instituant des grades et insignes distinctifs au sein de la Police Nationale Congolaise.(6(*))

Selon ce décret, les grades sont classifiés suivant 6 catégories :

- inspecteur ;

- commissaire ;

- sous-commissaire ;

- brigadier ;

- agents de police

1° La catégorie des Inspecteurs Divisionnaires comprend trois grades :

- Inspecteur divisionnaire en chef avec trois étoiles en ligne verticale cadrées par deux palmes croisées dans leur partie inférieure, en broderie dorée, sur passant de couleur bleue à porter sur les épaules ;

- Inspecteur divisionnaire dont le jalon a deux étoiles. Il correspond au Général Major.

- Inspecteur divisionnaire adjoint, il porte le même insigne que ses supérieurs, mais décoré de deux étoiles. Il a le rang de Général de Brigade.

2° La catégorie des officier supérieurs :

- Inspecteur Principal dont l'insigne dispose de trois têtes de lion en ligne verticale sur un passant noir. Il a le rang de colonel.

- Inspecteur porte deux têtes de lion sur son galon. Il a le rang du Lieutenant colonel.

- Inspecteur adjoint : une tête de lion et a le rang de major.

Il sied de remarquer que notre pays a changé l'ensemble du lion par celui de Léopard. Il en est de même de notre équipe nationale qui n'est plus « Simba » (lion), mais plutôt Léopard. D'où, il faut un changement des insignes pour cette catégorie d'officiers.

3° La catégorie des officiers subalternes

- Commissaire principal portant trois rubans dorés horizontaux sur un passant noir. Il est équivalent du capitaine.

- Commissaire : deux rubans et a le rang d'un lieutenant

- Commissaire Adjoint : un ruban et a le rang d'un sous-lieutenant.

4° La catégorie de sous-officiers de Police : la première classe comprend

- Sous-commissaire principal qui doit porter trois rubans blancs horizontaux sur passants de couleur noire. Il est équivalent de l'Adjudant chef.

- Sous-commissaire qui a deux rubans et a le rang d'un Adjudant de 1ère classe.

- Sous-commissaire adjoint porte un ruban sur ses passants et a le rang d'un adjudant de 2ème classe.

5° La deuxième classe de sous-officiers

- Brigadier en chef : trois rubans blancs en forme de « V renversé » sur passants noirs. Il est l'équivalent du 1er sergent Major.

- Brigadier : 2 rubans et il est correspondant de Sergent marjor.

- Brigadier : adjoint : il en porte un et correspond au sergent de l'armée.

6° La dernière catégorie comprend :

- Agent de police principal : deux rubans blancs en forme de « V » sur une bande de couleur noire à porter sur le bras gauche. Il correspond au caporal de l'armée.

- Agent de Police : un ruban blanc en forme de « V » à porter sur l'épaule gauche. Il correspond au militaire de 1ère classe.

- Agent de police adjoint : sans insigne particulier et a le rang d'un militaire de 2ème classe.

La nomenclature des grades trouve sa place dans cette recherche non pas comme une finalité en soi, mais un moyen de montrer comment la police est fortement hiérarchisée comme l'armée. Evoluant dans une logique militaire, la nomenclature n'est pas respectée avec rigueur dans la police. Elle est respectée pour les deux dernières catégories, à savoir le Brigadier et l'Agent de Police. Pour le reste, c'est la nomenclature de l'Armée qui est la plus courante, parfois même au niveau de la parade, on entend toujours, mon Général lorsqu'on rend les honneurs à l'Inspecteur Provincial. Nous pensons que c'est le complexe d'infériorité. Les gradés lorsqu'ils sont appelés Inspecteurs, ils sont mécontents puisqu'il ya risque de confusion avec les différents inspecteurs de l'enseignement, de Garde Industrielle ou d'autres services de l'Etat. C'est pourquoi l'appellation de colonel, de Major est la bien venue pour valoriser le grade et la position hiérarchique. Il en est de même des commissaires qui préfèrent la nomenclature de capitaine, lieutenant, Adjudant de peur qu'il ne soient confondus aux civils ; Or, ils sont paramilitaires. Lorsqu'ils sont interpellés à l'Auditorat, ils se défendent que la police est différente de l'armée. Quel paradoxe ?

La nomination et l'avancement en grade est généralement fonction des études faites, de la formation suivie, de la bravoure et de l'ancienneté. Notre police étant constituée des anciens et de nouveaux, de professionnels et de non professionnels, les veuves et les orphelins de la police ; le conflit réel entre les anciens et les nouveaux, les combattants et les non combattants a fait que les grades soient distribués aux uns et refusés aux autres comme le partage de cacahuettes. Les réseaux, les affinités tribales et amicales, le système « masua » (policiers ayant suivi la même formation se solidarisent) ont largement influencé la nomination de grades actuels. Cette nomination exerce une grande influence dans la manière de travailler des policiers. Ils chantent pendant le « muchaka » (exercice qui consiste à courir) : « Balinga pete baboma mboka » (ceux qui aiment le grade ont détruit le pays). Ainsi, les grades sans compétence induit le travail judiciaire.

Aussi, à grade égal, la fonction prime sur le grade. A l'absence de fonction, c'est l'ancienneté qui est prise en compte. Police « eza lokola ma pumbu ya ntaba, ekendaka liboso mpe ezongaka na sima » (la police est comme les bourses d'un bouc qui font des navettes vers l'avant et l'arrière). Ceci veut dire qu'en matière de grade, un supérieur peut être dégradé et un inférieur primé. C'est la dialectique de nomination et avancement en grades. Nous avons vécu ce cas dans le sous-commissariat Kafubu. Le commandant en place a été remplacé par son subalterne qui a été promu au rang de commissaire adjoint de police.

2.3.2. Le « Nkunzi »

C'est le diminutif de « mokonzi » qui signifie le chef ou le commandant. Obéissant à la logique militaire, le « nkunzi » implique les honneurs. Le sous-commissariat est dirigé par un sous-commissaire. Lorsqu'il arrive aux bureaux, les APJ lui rendent les honneurs dus à son rang en criant « debout ». Cependant, parmi les OPJ, il y a un commissaire adjoint qui a le grade supérieur à son chef, mais, il reçoit les honneurs de son rang, les éléments de garde crient « A l'ordre » et se mettent debout en signe de respect hiérarchique. L'un dit qu'il est le chef puisqu'il coiffe le sous-commissariat et l'autre rétorque qu'il est plus gradé. Qui rend honneur à qui ?

Le « nkunzi » implique le commandement et l'obéissance. La police est un service de l'ordre. Vue comme telle, elle repose sur la discipline non pas policière, mais militaire. Le manquement à la discipline impose les sanctions sévères. Sur terrain, cela se traduit par ce fait : « Nani atindiyo oya awa, po omona pasi ya pamba. Kipande koloko funga ngumi, kipande kilobko, viniringika, kipande kiloko fimbo, kipande kiloko muna busu »

(Qui vous a dit de venir dans la police pour subir la souffrance vaine : un petit fait, pomper (exercice physique de pompage), tantôt rouler dans la boue ou la poussière, tantôt, c'est le fouet ou matraque sur tout le corps, tantôt c'est le cachot).

Le principe de commandement étant militaire, ces punitions sont légitimées par la discipline militaire. « soki discipline ezangi, ba soda bakotombola botoba » (Sans la discipline, les militaires, ici policiers vont marcher dans le désordre comme les chèvres). Ainsi, la discipline « eza kotosa, kozongisa monoko te, eza komemya bakonzi » (la discipline est une obéissance voulue et sans réplique aux ordres du chef).

La discipline renforce la soumission et le respect des règlements en vigueur. Malgré cela, les policiers arrivent à ne pas du tout les respecter parce qu'ils ont leur point de vue, leur projets et leur expérience et leur histoire qui font qu'ils discernent avant tout les règlements pour les contourner ou les appliquer selon les circonstances du moment. Ils sont le maître du terrain. A ce propos, un adage de légitimation de refus de règlement tombe à point « Discipline eza bo umbu te. Batosaka mokonzi, babangakaye te » (la discipline n'est pas l'esclavage, on obéît au chef, mais on ne le craint pas) en plus, il y a un garde fou selon lequel, un ordre mal donné ne s'exécute pas.

L'Agent de Police Judiciaire est avant tout un Agent de l'Ordre sous le commandement de l'OPJ. L'ordre est hiérarchique et se donne du haut en bas. C'est ainsi que l'OPJ est censé donné de l'ordre à l'APJ qui doit l'exécuter « sans faille » dans le domaine judiciaire.

2.3.3. «  Police, mosala te »

« Oyo mosala ya police, eza mosala te » (la police n'est pas un boulot, un métier). Il ne l'est pas à cause des tâches contraignantes et la discipline qui suit une logique répressive. Comment se fait-il que les policiers travaillent avec zèle malgré les taches contraignantes et sans repos : la garde, la patrouille, la tournée, le maintien de l'ordre ... ?

Sur terrain, il a été constaté que les policiers travaillent avec zèle puisqu'ils vivent au « taux du jour » et le travail leur procure chaque jour le pain quotidien. En plus, ils contournent les contraintes de tâches, par l'existence des rubriques. Pour s'absenter, ils peuvent recourir à la rubrique malade, la rubrique circonstancielle, motiver un voyage circonstanciel sans voyager.

Du reste, ils passent outre les règlements pour évoluer dans l'informel en appliquant la pratique de « l'OPJ debout » parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas traduits à l'auditorat, mais subiront une punition de corps. Le moindre effectif fait qu'ils soient vite libérés lorsqu'ils sont privés de liberté comme mesure disciplinaire. Ils savent aussi qu'ils ne feront pas le cachot parce qu'il n'y a pas assez de policiers pour faire la patrouille et le maintien de l'ordre.

Les règlements sont affaiblis par l'effectif moindre qui fait que les punitions ne soient pas sévères suite aux exigences des tâches à exécuter. Empiriquement, il a été observé que les tâches anergissantes, contraignantes et la prime insuffisante, poussent quelques policiers à déserter pour prester ailleurs. Certains par contre, ne trouvent pas d'autres issues. Dans la sécurité privée, l'accès est difficile puisqu'elle ne recrute pas les policiers ni les anciens militaires. Ils vivent grâce aux relations qu'ils tissent avec la population. « Njaa ya mu Congo inaisha kututosha aya dju ya kuomba » (La famine dans notre pays a fait que nous puissions nous dépouiller de la honte pour demander sans gène).

D'autres policiers n'ont pas de possibilité de prester ailleurs puisqu'il n'y a pas d'engagement. Ils ne savent pas où aller s'estiment stables, le travail facile, noble et respectent le rôle et les tâches leur confiées par la hiérarchie.

Quelle leçon pouvons nous tirer de l'unité de commandement et du pouvoir continu ?

La police fonctionne avec des règles paraissant contraignantes sans nécessairement l'être puisque les policiers ont une grande part de manoeuvre pour les contourner et travailler avec zèle.

2.3.4. « Kubambisha touche »ou « kosimbisa touche »

« Kubambisha touche » (faire surprendre quelqu'un la main dans le sac). Nous sommes dans le contexte du commandement et du pouvoir. « Kubambisha touche » tire son fondement dans le jeu de football lorsqu'un joueur touche le ballon de sa main. C'est une touche. Elle est sanctionnée par un coup franc. Si elle est volontaire, elle peut entraîner le carton rouge qui induit l'exclusion du jour. Elle est grave lorsqu'elle est commise dans la surface de réparation, elle entraîne le penalty.

Quel est le sens que nous pouvons cerner de cette notion ?

Cette notion de « touche »est liée à celui du pouvoir. Celui-ci est un processus intentionnel affectant au moins deux acteurs qui, par une redistribution des ressources obtenues par des stratégies diverses, affecte le niveau relatif de capacité de l'un et de l'autre d'une manière compatible avec la formule de légitimité en usage. (BOUDON R. et BOURRICAUD F., 1982 : 464)

La relation du pouvoir présente deux enjeux : le contrôle du processus coopératif et le partage de bénéfice qui en résulte. Elle peut être associative ou hiérarchique. Celle-là parce qu'elle peut être négociée sous forme d'instruction qui laisse une marge d'appréciation aux intéressés. Celle-ci parce que le modèle peut revêtir la forme de commandement. Il vise à établir une conformité stricte entre les attentes des dirigeants et le comportement des exécutants. (1982 : 464)

Ce pouvoir hiérarchique nous intéresse dans ce sens que c'est lui qui lie l'APJ à l'OPJ. Il paraît rigide et irréversible. Cette rigidité et irréversibilité ne sont qu'apparentes même sur le plan judiciaire. La barrière entre OPJ et APJ est fluide puisque sur terrain, l'APJ s'investit en OPJ par la pratique de l'ombre. Cette préoccupation sera mieux approfondie dans le troisième chapitre.

A l'antipode de ce pouvoir hiérarchique, celui qui nous intéresse présentement, c'est le pouvoir comme cette capacité de freinage ou de sabotage, qui est un pouvoir de nuire (1982 : 364). Ainsi, « Kubambisha touche », c'est le pouvoir de nuire. Le pouvoir de nuire se manifeste lorsque l'APJ ne trouve pas sa part dans « le treize ou la treizalisation » (la capitalisation de l'OPJ). A ce sujet les policiers disent « kazi ya mpunda, shioneye mo, ata imbwa banamutupiyaka mufupa » (J'ai fait le travail du cheval, je ne m'y retrouve pas, même chien, on lui jette un os). Le travail sans récompense est vain. L'on ne dit pas que tout travail mérite salaire ?

Le manque de redistribution peut entraîner le pouvoir de nuire, de se venger entre APJ eux-mêmes ou entre APJ et OPJ. Lorsqu'il se partagent mal, il y a mécontentement. Pour exprimer ce mécontentement, certains disent : « unanibotcher, unaninyonga, unanigommer, aina mambo, takubambisha touche » (vous m'vez dupé, vous m'avez roulé, vous m'avez effacé, ce n'est rien, je vous nuirai). « Kubambisha touche » a le sens de compromettre une personne à partir d'une faille pouvant être sanctionnée.

C'est comme ce cas qui s'est passé sur terrain. Un vendeur de poissons salés a fait arrêter son ami soupçonné d'avoir soustrait à son insu la somme de 50.000 FC. Après avoir passé deux nuits au cachot, leur chef, le commandant en place donnera l'ordre au chef de poste de libérer l'impliqué, faute de preuve, toutefois liberté conditionnée par le « mulambu », cadeau à offrir au chef ou le « mabonza » (l'offrande).

Comme il n'y avait pas de distribution, l'OPJ instructeur du dossier et les APJ ayant participé à l'arrestation de l'impliqué, mécontents de « salela nga nalia » (travail pour mois pour que je mange), ont trouvé une occasion de nuire à leur chef. Les relations `étant déjà tissées avec la personne qui avait sollicité la justice, elle sera influencée pour porter plainte contre le chef hiérarchique à l'Auditorat militaire pour n'avoir pas eu la réparation. En plus, l'argent a été versé et n'en a pas bénéficié, elle a saisi cette instance qui considère la police comme son « Bilanga, mashamba » (le champ). Le sens de « bilanga » c'est la récolte non pas de produits agricoles, mais de l'argent liquide ou en nature (biens gagés).

« Il faut que commandant asanza, aliaki eloko ya mbwa, préparer mbangu » (il faut que le commandant vomisse, il a mangé, consommé la nourriture du chien, qu'il prépare sa fuite). C'est ainsi que nous verrons un inspecteur judiciaire de l'Auditorat entrer dans le bureau avec ses deux Agents. Par astuce, il sera invité dans un bistrot pour prendre du sucré et négocier le problème. Il percevra son « mulambu » ou sa récolte avec promesse de réparer le fait. Cela fut fait.

« Ndjo vile commandant alibambaka touche » (C'est de cette manière que le commandant a subi la vengeance, « asanzaki oyo aliaki » (il avait vomi ce qu'il avait consommé). C'est une façon de nuire. L'APJ a aussi cette capacité de « kubambisha touche » ; il en a le pouvoir puisqu'il a aussi l'expérience.

Par ailleurs, il sied de stigmatiser que l'Inspecteur a arrangé le problème à la manière de l'OPJ debout, en dehors du bureau, sans bic ni papier. C'est cet aspect qui sera plus analysé dans le troisième chapitre. L'inspecteur a contribué à l'harmonie et à la paix sociale. C'est l'essentiel dans l'administration de la justice. Le cadre de l'audience est artificiel et étranger aux impliqués. Il n'est pas une fin en soi, mais un moyen parmi tant d'autres comme l'arbre à palabre, le domicile des impliqués..., la rue peut aussi servir de cadre, comme le marché pour résoudre certains problèmes lorsque les deux parties peuvent s'entendre, elles-mêmes ou par les intermédiaires. Bref, la justice peut se faire même dans la rue lorsque les gens se battent, ils peuvent trouver amicalement un terrain d'entente. C'est çà sa finalité.

La touche a aussi sa finalité : c'est la sanction qu'impose l'acte posé dans le but de nuire. La sanction peut se traduire par la perte de confiance de la part de son chef, par la réprimande, la punition du corps ou administrative et la plus nuisible, c'est la privation de liberté. C'est pourquoi la fonction d'OPJ est comparée au couteau à double tranchant qui peut se retourner contre son auteur. « Ule anabambanaka, naye banamubambaka », (Celui qui arrête, peut être aussi arrêté). A titre indicatif, un OPJ qui ne sait pas conjuguer le verbe manger « je mange, nous mangeons » peut être trahi par les APJ qui participent sans être récompensés. Ils peuvent livrer l'information à leur supérieur pour que le concerné puisse perdre sa crédibilité. C'est le cas d'un OPJ qui avait un « dossier ya mafuta » (dossier huilé » ce qui veut dire rentable). La somme perçue étant considérable, le commandant informé sans goûter au délice, il avait signé sa permutation pour un « poste garage » (poste de réserve ou d'attente), « poste ya pamba pamba » (poste sans importance), « poste ya manyuka » (délavé, lessivé) c'est-à-dire un sous commissariat non viable ou improductif ou encore mieux non rentable et non « treizable »

2.4.» Police nayo inakataka mambo ya bantu «(7(*))

Là où il y a les hommes, les problèmes ne manquent jamais. L'harmonie sociétale n'est que précaire. La plupart des problèmes sont résolus amicalement et localement entre les parties. Le recours aux valeurs culturelles joue un rôle important dans la résolution des problèmes qui se posent au niveau de famille ou dans le groupe partageant ces mêmes valeurs.

Cependant, d'autres problèmes qui surgissent dans un groupe hétérogène aux valeurs culturelles différentes et diversifiées, trouvent parfois localement solution par l'arrangement à l'amiable, en cas de désaccord, les parties impliquées recourent à d'autres instances notamment la police et le Parquet par voie de plainte ou au tribunal par la citation directe ; la police est l'instance la plus sollicitée de toutes sortes de problèmes répressifs ou non.

Seront traités respectivement dans cette partie du travail, la gestion des plaintes, leurs traitements et leurs issues.

2.4.1. « Les plaintes »

Elles sont la voie par excellence de la reportabilité sociale. C'est la porte d'entrée dans la sphère répressive.

2.4.1.1. «  La recevabilité et l'enregistrement d'une  plainte »

Si ailleurs, la réception et l'enregistrement d'une plainte s'effectuent au niveau du secrétariat ou de l'OPJ, au sous-commissariat de Kafubu, cette opération est l'affaire du corps de Garde. Cette organisation interne a été conçue pour permettre au corps de garde de « treizer » la plainte. Cependant, la grande difficulté se situe au niveau intellectuel des acteurs dont la majorité ne savent pas écrire ni qualifier « l'infraction ». Cette rubrique reste vide pour être complétée par l'OPJ instructeur du dossier. C'est pourquoi la police est un métier difficile et noble. Etre policier n'est pas facile, il faut avoir l'intelligence et l'endurance.

Au regard de l'enregistrement des plaintes, il sied de relever avec Prince KAUMBA LUFUNDA ce qui suit : « Les OPJ eux-mêmes sont très peu portés à laisser des traces pour les dossiers qu'ils clôturent souvent par les amendes transactionnelles exorbitantes et sans aucun rapport avec la gravité des faits » (2004 : 47)

La plainte peut être à caractère répressif ou « un quatre » (civil). Les deux types de plainte sont recevables à la police. Celle-ci traite même les affaires « un quatre » qui relève de la compétence du tribunal. Nous en parlerons spécialement en profondeur dans les lignes qui suivent. L'OPJ est un acteur social puisqu'il va au-delà de sa compétence pour se substituer à celle du juge, voire même à celle du législateur. Nous aurons à le stigmatiser en abordant la pratique de l' « OPJ debout ».

La plainte est non recevable si elle n'est pas « visitée », « treizée » c'est-à-dire, si elle n'est pas motivée ou capitalisée. La plainte, pour être acceptable, elle est sujet de monnayage. Pour avoir accès à la justice policière, il faut avoir le »dix vingt-cinq » (l'argent). Dans le cas contraire, il faut aller ailleurs, or, le parquet et le tribunal sont les instances plus coûteuses que la police.

Sur terrain, nous avons assisté à plusieurs cas de non recevabilité de plainte par manque de « 10.25 » malgré l'exigence et les actions qui peuvent en découler pour la non assistance des personnes en danger. Le cas de la bagarre sanglante entre la famille DIBWE et MABIKA peut édifier le lecteur. Le conflit entre deux enfants a amené les deux familles à une bagarre spectaculaire. Etant agressée à son domicile, la famille DIBWE a dépêché un jeune homme pour l'intervention. Comme il n'avait pas le « Kingiya pori » (l'argent qu'on donne à un tradipraticien pour lui permettre d'aller cherche les racines dans la brousse en vue de commencer le traitement) . Ici, il s'agit de frais de plainte ou « 10.25 »

Toutefois, il y a aussi des cas où la police intervient sans « treizer ». Elle accomplit sa mission sans exiger les frais. Du reste, le commandant intervient lorsque les gardes se dérobent de leur mission s'ils ne trouvent pas leur part et ont la méfiance du plaignant et savent que c'est l'OPJ qui veut y trouver son compte par le « mulambu » (offrande), ici amende transactionnelle. La police est l'image de l'église où les fidèles offrent les aumônes qui ne vont pas chez « Dieu » mais chez le pasteur ou propriété, dans notre contexte, débouchent dans les poches de l'OPJ.

Selon les données du terrain et la pénalité, nous avons aussi trouvé la « plainte inutile » et « abandon de la plainte ». La première est celle où le plaignant paie le frais de plainte pour son enregistrement et le « ya makolo » frais de déplacement des pieds pour arrêter l'impliqué qui doit 4.000 FC et il en dépense l'équivalent et parfois plus et sans rien récupérer. La seconde est celle où le plaignant paie tous les frais dus pour que la police arrête l'impliqué et s'en va pour ne plus revenir. C'est l'aubaine pour la garde.

2.3.1.2. «  Le télescopage des  plaintes »

Le sous-commissariat de Kafubu est circuité par d'autres services au regard des plaintes. C'est le cas du quartier administratif qui reçoit les plaintes du droit commun à savoir civil ou répressif, qu'il traite et clôture à son niveau. Ce n'est qu'en cas d'échec que le dossier est orienté vers la police. La finalité de la justice, c'est l'harmonie dictée par l'entente entre les parties en conflit pour la tranquillité publique. Il n'y a pas que la police pour réguler les problèmes, d'autres instances telles que la famille, l'administration du quartier jouent également ce rôle.

Par ailleurs, l'Agence Nationale de Renseignement, le Bureau de renseignement militaire, le bureau de renseignement de la police oeuvrant dans le secteur « Njanja », centre commercial du quartier Kafubu, reçoivent aussi des plaintes qui échappent à la comptabilité de la police pour mesurer la distribution de la criminalité dans une posture « positiviste » implique le chiffre noir.

Du reste, une même plainte peut être enregistrée deux ou plusieurs fois dans les registres différents de services précités.

Tel est le cas d'un dossier traité au sous-commissariat et transféré au Parquet sans prévenu. Mécontent de l'issue du dossier, au lieu de se rendre au Parquet, il le trouve inefficace et porte plainte à la police d'investigation criminelle pour que l'impliqué soit fouetté. « Mulianja kumuchezesha. Nilimupeleka ku BSRS anapata discipline ». (Vous l'avez cajolé, je l'ai acheminé au Bureau de surveillance, recherche et renseignement, ancienne appellation de la Police d'investigation criminelle où il a été discipliné).

Il est aussi fréquent au moment où un OPJ instruit un dossier, un membre de la famille accusée porte aussi plainte dans une autre unité de la Police telle que le Groupe Mobile d'Intervention. Conséquence, un même dossier est traité par deux OPJ différents et à des endroits différents. Les uns sont arrêtés d'un côté, et les autres de l'autre. La solution dans ce cas est le transfert de deux dossiers au Parquet pour célérité et unité d'instruction unique.

2.3.1.3. «  Le tracé d'une  plainte »

Le tracé d'une plainte est la voie par laquelle elle passe avant d'être traitée. A titre purement de renseignement, en voici les pistes :

- Toutes les plaintes n'arrivent pas au sous-commissariat de police Kafubu. Il y en a certes, qui sont réglées à l'amiable et localement par les parties en conflit. Beaucoup de problèmes qui surgissent en famille, dans une communauté solidaire, dans une association, sont souvent traités par le groupe et dans le groupe. C'est dans ce contexte que tombe à point cet adage : « les linges sales, se lavent en famille ». Les parties en conflits peuvent appartenir aussi à des communautés différentes, mais arrivent à les régler à l'amiable. S'il n'en était pas ainsi,le bureau de police serait inondé « des plaintes ».

- La police n'est pas l'unique instance de régulation sociale. Certaines plaintes sont ramenées au Parquet, au tribunal, à la municipalité communale. Au parquet par la voie de plainte, au tribunal par citation directe, à la commune par plainte ou par transfert.

- La police étant la voie d'entrée ou la grande porte de la reportabilité sociale, beaucoup de plaintes sont ramenées au sous-commissariat ; parmi elles, il y en a qui sont traitées par les parties en conflits avec l'assistance d'un policier. D'où « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali » (les chefs partent, les chef restent) c'est le principe de continuité du pouvoir. A l'absence du commandant, c'est le chef de poste qui coiffe le sous-commissariat. C'est dans ce contexte qu'il reçoit la plainte assiste les parties en leur prodiguant des conseils et en les orientant vers un arrangement à l'amiable. Une fois les conflits réglés, les deux parties lui donnent sa part de « dix. Vingt-cinq » (l'argent) par cette pratique, le chef de poste est un « OPJ debout ».

- Les plaintes réellement enregistrées, mais non traitées par la police puisque abandonnées ou négligées sans être retirées. D'autres sont enregistrées et retirées sans être traitées

- Le sous-commissariat reçoit aussi des plaintes lui transférées par d'autres instances avec lesquelles il circuite ou télescope. C'est-à-dire, d'autres services de sécurité lui canalisent ou irriguent les plaintes. C'est comme le quartier de Kafubu, l'ANR, les différents services de l'Etat oeuvrant dans cette entité. Quelques plaintes viennent du Parquet en donnant le devoir à l'OPJ d'instruire.

- Il y a certaines plaines qui sont renvoyées ; il s'agit des plaintes rejetées et jugées non recevables par les policiers lors de leurs enregistrements. C'est à ce titre que nous avons parlé de monnayage de la plainte. Elle doit être motivée avec le « 10.25 ».

- Les plaintes enregistrées et traitées à la police. D'autres non enregistrées mais traitées réellement à la Police. Il y en a aussi exploitées par d'autres instances avant de parvenir à la police. Souvent, c'est quand ces instances n'arrivent pas à réconcilier les parties qu'ils transfèrent les dossiers à la police. Le tracé des plaintes étant décortiqué, comment sont-elles traitées ?

2.4.2. «  Les traitements des  plaintes »

Il s'agit des plaintes enregistrées ou non, mais traitées à la police.

2.3.2.1. Le « Mukwao » ou « l'embouchi » (c'est le piège)

C'est comme le filet. Pour attraper les gibiers, il faut leur tendre le piège. C'est comme les poissons qui sont attrapés à l'aide du filet ou d'une nasse. Le « mukwao » désigne l'arrestation du concerné. Pour parvenir à cette fin, le « mukwao » s'opère surtout par trois documents qui tiennent lieu et place du mandat sans l'être.

- « La convocation » qui est une simple invitation du concerné, sert de mandat d'amener. Souvent, l'OPJ écrit sur la convocation « très urgent et se faire accompagné par les policiers dès réception ». Pour amener l'impliqué à se présenter au bureau de la police, au bas de ce document on y lit cette formule : « Faute d'obtempérer à la présente le concerné fera objet d'un mandat d'amener auprès de l'Officier du Ministère Public ».

Si certains tombent dans le « mukwao » d'autres par contre en échappent et déchirent même la convocation. La convocation n'est pas un document adapté à la culture congolaise. Une fois que la personne est invitée à la police, il voit le « mabusu » (le cachot) et fait tout pour échapper à la justice. C'est ici où le droit n'a pas été contextualisé. Le droit des autres, celui imposé par la logique et le contexte colonial est loin de s'accommoder avec notre culture. S'il faut agir toujours conformément à la loi, en arrêtant sur base d'un mandat d'amener, la police serait inefficace. C'est la recherche de l'efficacité qui est une des problématiques du respect des valeurs humaines et des droits fondamentaux de l'homme qui tient à sa dignité.

Toutefois, il y a aussi des citoyens congolais qui, une fois la convocation réceptionnée, se présentent à l'heure et à l'office indiqué. Des tels citoyens sont à encourager et doivent bénéficier des mesures de relaxion puisque nous sommes dans un pays entrain de se construire et où il faut surtout vulgariser les valeurs humaines.

Concernant la mentalité de la population vis-à-vis de la convocation, il arrive aussi que l'OPJ aspire à respecter la dignité de l'homme, mais il est poussé de faire le contraire suite à la méfiance comportementale de certains invités impliqués. A ce propos, le dossier MUJOS, dépositaire des poissons salés, invité à la police pour avoir perdu deux sacs de poissons salés d'un de ses clients, peut édifier le lecteur. Par insuffisance des preuves, l'OPJ Instruisant lui confie une convocation pour le jour suivant au nom du principe de liberté et dont l'arrestation en constitue une exception. Au lieu de se présenter le lendemain, c'est la réquisition d'information qui tombera sur la table de l'OPJ. Les interférences sont fréquentes dans la police. Elles font l'essentiel de la recherche de GUY KAYAMBA (2007). Dans l'optique de cette étude, elle est assimilée au « trafic d'influence » qui sera épinglé un peu plus loin.

Dans la pratique, il arrive aussi que l'OPJ envoie la 3ème convocation en lieu et place de la première et sans souche dans le seul but de pousser le concerné à se présenter en craignant le mandat d'amener. Il est aussi courant qu'un OPJ envoie la première convocation le matin, la deuxième le soir et la troisième le lendemain matin.

A titre de rappel, l'article 2 de l'ordonnance n°78-289 du 03 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier et agent de Police judiciaire près les instances de droit commun, la police judiciaire est chargée de rechercher et de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. C'est dans ce cadre que nous venons de voir qu'un OPJ convoque, dans ce but de les entendre, les personnes susceptibles d'éclairer l'enquête. En cas de refus, nous l'avons dit, il peut les y forcer par mandat d'amener sollicité auprès du magistrat du Parquet. Il ne peut décerner un tel mandat selon l'esprit procédural en droit congolais, qu'en cas de flagrance et a une durée de 6 mois non renouvelable.

- En dehors de la convocation, l'OPJ recourt aussi au « Bulletin de service » comme un mandat de justice. La plupart des « mukwao » opérés à la police, se réalisent par le Bulletin de service équivalent dans ce contexte au mandat d'amener. Pour les policiers, le Bulletin de service est un document qui permet l'efficacité de l'intervention policière. Il est livré sur place par l'OPJ aux APJ en vue d'opérer les « mukwao » des personnes impliquées. Il permet de contourner la longue procédure pour obtenir le mandat d'amener. Et de ce fait, il échappe au contrôle du magistrat. C'est en qualité d'acteurs sociaux que les policiers agissent ainsi quoique sachant les punitions qu'ils peuvent encourir. C'est comme la suspension de ses fonctions ou le retrait définitif de son habilitation ou une servitude pénale qui tombe sous le coup de l'article 67 du code pénal livre II alinéa 1 qui stipule ce qui suit : « est puni de servitude pénale d'un an à cinq ans, celui qui, par violence, cause ou menace, a enlevé, arrêté ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque ».

Il sied de remarquer que l'usage de ce Bulletin de service dans la logique du mandat par les OPJ n'est pas encore sujet à des sanctions parce que ceux qui ont subi le « mukwao » ignorent le caractère « délictueux » de cette démarche. Par ailleurs, leurs chefs hiérarchiques ferment les yeux sur l'acte puisqu'ils sont complices et savent qu'ils y tirent profit « le mulambu » (offrande). Ainsi, le pouvoir disciplinaire est affaibli par la logique de « 13 » ou treizalisation.

Du reste, même les personnes qui connaissent leurs droits doutent de saisir les instances judiciaires pour raison des frais de justice et l'incertitude `obtenir le gain de cause suite à la cupidité de certains acteurs de la régulation sociale. Le Bulletin de service est selon son cadre conceptuel, un document administratif valant l'ordre de mission, destiné à couvrir le déplacement d'élément de force de l'ordre. C'est un document justificatif de l'accomplissement de telle ou telle mission effectuée par les policiers. (MUDEKEREZA M., 2005 : 15)

L'article 17, alinéa 1 et 2 de la Constitution dispose pour garantir la liberté du citoyen ce qui suit : « La liberté individuelle est garantie. Elle est la règle, la détention en constitue l'exception. Nul ne peut être poursuivie, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit. »

Malgré toutes les dispositions procédurales, les OPJ sur terrain dressent et signent le Bulletin de service, portant mandat d'arrestation. Les OPJ légitiment le bulletin - « mandat » par la rubrique missions spéciales qui y figurent et qu'ils complètent sous cette formule : « Rechercher, arrêter et acheminer devant nous les nommés [ ] pour avoir commis tels faits prévus et punis par ... » Le Bulletin dispose aussi d'une place réservée à la consigne qui dépend de chaque OPJ. Elle peut être :

- exécution sans faille. Il s'agit d'une mission impérative.

- Respect de la loi, courtoisie, mais fermeté. Or le Bulletin est un acte administratif et non un mandant. D'où il est contra legen et l'OPJ exige à l'APJ le respect de la loi.

Cette dernière consigne tisse une marge de manoeuvre d'appréciation de l'APJ exécutant qui peut trouver une opportunité de réguler les problèmes sur le terrain et faire un faux rapport à son chef tel qu'il s'est buté à une résistance. La recherche de l'efficacité poussera l'OPJ de solliciter le mandat et va se retrouver dans l'aspect réglementaire.

- « L'avis de recherche » est aussi un autre document portant mandat d'amener. Il est aussi d'usage à la police comme le Bulletin de service et convocation. Sa partie conceptuelle et qu'il est émis dans le cas d'un condamné en fuite, d'un déserteur, d'un infracteur inconnu. Cependant, dans la pratique ce document est livré même pour arrêter une personne dont l'adresse est connue et sa fuite non à craindre. Le but c'est d'arriver à opérer le « mukwao » sous la recherche de l'efficacité.

2.3.2.2. La police : « Tribunal de paix »

La police est un service public susceptible d'être requis par chacun. Ayant participé au colloque sur « le processus de reforme de la police : Expérience belge et perspectives congolaises » qui s'est tenu à Lubumbashi le 17 juillet 2007 à l'Ecole de Criminologie de l'Université de Lubumbashi, avons été intéressé par l'exposé du Professeur GORUS J portant sur « la police et la nouvelle gouvernance ».

L'auteur en stigmatisant la reforme de mentalité qui doit passer par la transparence, précise ce qui suit : « Beaucoup de congolais s'intéressent à la police pour résoudre leurs différents problèmes sans passer au Tribunal. Plusieurs gens ayant des problèmes civils s'adressent à la police pour appliquer leur droit. C'est le cas de propriétaire d'immeuble qui sollicite la police pour le déguerpissement du récalcitrant pensant que c'est la fonction de la police. Les policiers y participent à cause de précarité, mauvais payement, mauvaise condition de vie. D'où, il faut une bonne gouvernance, une meilleure organisation de l'Etat devant créer une meilleure organisation de la police. Une meilleure police pour assurer une bonne gouvernance. »

Une réflexion pertinente, certes, qui tient compte du contexte fonctionnel de la police sous-tendu par la logique de précarité. Cependant, le professeur analyse les faits criminologiques avec les lunettes juridiques. Sous cette perspective, la recherche légale et procédurale obnubilent la finalité de la justice : la recherche de l'harmonie, de la paix et de la tranquillité sociétale. Le professeur semble oublier que le droit congolais tel appliqué, nous a été imposé par le processus colonial. Il est inapproprié, inadapté et non contexctualisé et parfois contradictoire vis-à-vis de nos valeurs culturelles.

A titre purement indicatif, nous pouvons prendre le cas d'adultère qui n'est recevable que lorsque l'un des conjoints lésé, porte plainte. Or, selon la coutume, les parents, les membres de la famille ou de la communauté sont habilités à accuser. D'où, le professeur doit tenir compte du relativisme juridique et culturel.

Par ailleurs, il sera énoncé de penser que le Tribunal est l'unique instance de régulation des problèmes civils. Beaucoup de problèmes civils sont résolus par l'arrangement à l'amiable dans la communauté. D'où la non reportabilité de certains faits et l'existence des chiffres noirs qui constituent un mal nécessaire au fonctionnement de la justice. Nous pensons que, sous d'autres cieux, la police a aussi cette fonction qui se fait dans la sphère non réglementaire.

Il se passe que beaucoup de problème concernant à titre illustratif, les conflits de bail, orientés vers l'urbanisme et habitat ou au tribunal ne trouvent pas de solution et que la procédure est longue et coûteuse, le public pense que la police peut jouer et joue déjà cette fonction régulatoire des affaires civiles. L'OPJ joue le rôle d'intermédiaire en respectant le délai légal de préavis. Après compromis, les deux parties établissent, sous la directive de la police, l'acte d'engagement de fin de contrat et le préavis légal que les deux parties doivent respecter.

La garantie restituée, l'OPJ prélève le 10% et à la date convenue, le récalcitrant quitte la maison. La police utilise, en tant que force régalienne, une solution appropriée et dans un délai convenable. C'est cette expérience qui fait que le public se communique de bouche à oreilles, pour mon cas avec mon bailleur ou mon locataire, l'affaire a trouvé solution à la police. « Ushipitishe wakati yako bure kwenda ku Parquet ao ku Tribunal, utatupa franga, ku la Police utapata solution. » (Ne perdez pas votre temps inutilement d'aller au Parquet ou au Tribunal où vous aurez à gaspiller inutilement votre argent. A la police, vous y trouverez la solution.)

Nous pensons que lorsque les deux parties en conflit en matière civile trouvent un terrain d'entente à la police, c'est l'essentiel puisque la finalité de la justice n'est pas la procédure, celle-ci n'est qu'un moyen, mais s'affirme par la recherche de la paix. Le professeur GORUS s'aligne dans une posture étiologique « positiviste ». Les actes illégaux sont posés par les policiers à cause de leur précarité et mauvais traitement (salaire). Pour nous, ce n'est pas l'ignorance qui guide le public à saisir la police dans cette matière mais c'est la recherche de l'efficacité de la police qui fait que certaines valeurs humaines ne soient pas respectées par ces acteurs.

Certes, la police actuelle a ses pesants qui font qu'elle est parfois boudée par la population, tel le déguerpissement sans mandats. Toutefois, elle a aussi ses mérites. C'est ici que tombe à point la pensée de MONJARDET, D., qui précise à ce propos : « Rien n'est plus trompeur que la distinction d'une « bonne » police, qui protège, opposable à la mauvaise police, qui réprime. » (1996 : 9)

Le professeur GORUS J., termine son propos par une meilleure police pour une bonne gouvernance. Nous estimons que parler de la meilleure et de la bonne serait porter un jugement de valeur. Au tant parler d'une police convenable pour assurer une juste gouvernance. Il n'existe pas de « bonne « ou « meilleure » organisation. Celle-ci étant une construction humaine, elle est imparfaite. Elle présente des mérites et des failles qui, ensemble, contribuent au fonctionnement de l'organisation.

Ainsi donc, selon la finalité de la justice, lorsque la police assure l'harmonie en régulant les problèmes qui se posent dans la société, elle s'érige en « tribunal de paix. » C'est dans cette logique que le public se présente à la police : « tunachoka na ihi mambo mu cité, tunakuja mutu unge, mutupatanishe » (Nous sommes fatigués de ce problème, nous venons ici pour nous réconcilier). La police est un tribunal de paix puisqu'elle réconcilie. En jetant un coup d'oeil au registre des plaintes pour en savoir leurs issues, il y a lieu de remarquer que peu de dossiers évoluent vers le Parquet et la majorité est régulée sur place. Ceci pour dire que la police est une « instance de la paix » et l'OPJ un « juge de paix ».

2.3.2.3. Le « un-quatre » tient le « quatre-deux » en état

Quelle est la logique qui guide le « Tribunal policier » quand le « un-quatre » (civil) et le « quatre-deux » ou le « quarante-deux » (pénal) se tiennent les mains ?

Il convient de renseigner que la police fonctionne en utilisant les messages codés appelés « code de 10 » pour garder le secret professionnel. C'est dans ce contexte que le civil est appelé « un-quatre » et le pénal « quatre-deux » ou « quarante -deux ». C'est ainsi au lieu de dire « arrêter ce civil » les policiers disent « quarander ce un quatre ».

Si la logique juridictionnelle repose sur le principe selon lequel, le « quatre-deux » tient le « un-quatre » en état c'est-à-dire, le pénal tient le civil en état qui veut que le tribunal sursoit le civil pour traiter d'abord le pénal, la régulation policière procède par une démarche contraire. Selon ce « tribunal de paix policier », c'est le « un-quatre » qui sursoit le « quatre-deux ». La logique est guidée par le « treize » (capitalisation). Pour mieux « treizer », il faut d'abord procéder à l'arrangement et à la réparation pour clôturer le dossier pénal sanctionnée par le « mulambu » (amende transactionnelle) appelé aussi « mabonza » (offrande).

Le cas par exemple des coups et blessures avec la destruction des biens, l'OPJ vise d'abord à trouver un terrain d'entente entre les deux parties impliquées, par le conseil en condamnant l'auteur pour l'inviter à la réparation des biens détruits et réparation des préjudices causés au regard des lésions corporelles. Sa première tâche est d'obliger l'auteur à assurer les soins et à restituer les biens abîmés. Ce n'est qu'en dernière instance qu'il sanctionne le pénal pour clôturer le dossier.

Ainsi, l'OPJ s'institue en « juge de paix » et « juge civiliste ». C'est là le hic de cette recherche qui vise la finalité de la justice. L'avantage « est de régler les affaires civiles à l'amiable pour que chaque partie y trouve satisfaction. « Tunakuya ku la police mutu katiye mambo, mu tu conseiller » (nous venons à la police pour trancher le problème et nous conseiller). A cet effet, certains problèmes, civils ou pénaux sont réglés par le conseil de l'OPJ sans sanctionner. L'OPJ peut s'investir en « conseiller » selon les circonstances présentes, c'est le cas des faits bénins.

2.3.2.4. «  Affaire « un-quatre » transformée en affaire « quatre-deux »
et vice versa »

La police perçue comme « tribunal de paix » et instance de régulation sociale, est saisie aussi bien pour les affaires civiles que pénales. Elle traite les affaires pénales et peut orienter les affaires civiles ou les statuer à son office. Il se passe que, selon les enjeux en présence, l'OPJ arrive parfois à transformer l'affaire civile en affaire pénale, tel est le cas de conflit de bail transformé en abus de confiance. C'est ici où nous rejoignons la réflexion du professeur GORUS Jan lorsqu'il stigmatise que les actes « illégaux » sont provoqués par les privés et les policiers y participent à cause de précarité, mauvais payement et mauvaises conditions de vie que nous avons stigmatisés par la recherche de l'efficacité policière.

En effet, les OPJ connaissent la loi et la procédure, mais ne les appliquent pas nécessairement d'une manière convenable selon le cas, leur point de vue et les acteurs en présence. Ils criminalisent même le non coupable pour les « treizer », ils les savent bien mais le persuadent de sa culpabilité, profitant de son ignorance pour qu'il verse le « mulambu ». La bouche qui a tranché, réparé, se dessèche et qu'il faut mouiller par le « makonde » (banane), ici, l'argent pour le service rendu. C'est le cas de la dette qui est une affaire civile « un-quatre » transformée en affaire pénale « quatre-deux », c'est-à-dire, en abus de confiance. L'OPJ sait qu'il faut orienter une telle affaire au Tribunal, mais il persuade le soit impliqué pour le « treizer ». C'est dans cette optique qu'une dette non remboursée à échéance et qui n'a rien de pénal est transformée facilement en abus de confiance. Egalement, le non remboursement de la garantie locative à un ancien locataire était géré aussi comme une affaire pénale.

A l'inverse, une affaire pénale se transforme en civile lorsque la partie plaignante est partiellement désintéressée en recevant une partie de son dû. Il suffit aussi qu'elle accepte une décharge pour que l'affaire devienne civile et que la concernée paie l'amende. L'OPJ devient juge puisqu'il met fin au droit de poursuite et contourne le magistrat en clôturant le dossier à son niveau en le classant sans suite.

2.3.2.5. Police : «  instance de tension »

Comme chaque médaille a son revers, la police a ses mérites et ses failles, ses intérêts et ses pesants. En transformant le « un-quatre » en « quatre-deux » et vice versa, la police devient un instrument de tension puisque la balance n'est pas respectée. Cette pratique crée les tensions impliquant la méfiance, l'indifférence et le manque de confiance. C'est dans cette posture que la police devient incompétente pour réguler les problèmes. Malgré ses mérites lui reconnus faisant reconnaître son rôle fondamental, la population lushoise, comme le précise Prince KAUMBA LUFUNDA dans l'approche de la criminalité à Lubumbashi, a une image largement négative de la police influencée par l'image du temps passé. (2004 : 140)

A titre de rappel, nous avons déjà évoqué le revers de la police à travers la mise en contexte historique de notre objet d'étude. Nous en parlerons spécifiquement dans le troisième chapitre en exposant les pesants de la police que JOBARD F. stigmatise en terme de violences ou bavures policières exercées sur la population et qui sont gérées d'une manière discrétionnaire et moins spéculaire. (2002 : 7 - 11)

C'est ce que nous appelons dans ce contexte, la couverture policière qui cadre avec son aspect discret, c'est-à-dire, lié à un secret professionnel.

2.3.2.6  « .Le parquet :  Mpwila mambo »

NSAMBAY KABAMBA considère le Parquet comme le déversoir des dossiers peu intéressants, compliqués ou compromettants ou improductifs. (2006 : 40) Nous pensons que le transfert du dossier au Parquet dépend des enjeux des acteurs et de la finalité de la plainte. Nous en parlerons un peu plus loin. Pour le moment, ce qui nous intéresse est l'image du Parquet considérée comme « Mpuila mambo » (Terminus de problème)

Le Parquet est « Mpwila mambo » puisqu'il constitue une voie d'entrée vers la prison appelée « grand monde » quoi qu'elle soit concrètement petite. C'est pourquoi, selon les données du terrain, certains justiciables disent : « ihi mambo tutafika nayo paka ku mwisho, nakumwisho ya mambo yote, ni ku Parquet » (Avec ce problème, nous allons en finir, et le terminus de tous les problèmes, c'est le Parquet).

Il faut remarquer que la population a la crainte du Parquet à cause de son caractère répressif tel que le mandat d'arrêt provisoire ou le mandat de dépôt. Toutefois, renseignons que seul, le Tribunal est censé criminaliser la personne et non le Parquet.

Contrairement à ce que soutient SAMBAYI KABAMBA, le Parquet n'est pas seulement le déversoir des affaires compliquées et improductives, il est le « mpwila mambo » où toutes affaires sont déversées selon, les enjeux des acteur sen présence, et qu'il s'agisse des dossiers compliqués ou non, rentables ou improductifs.

Sur terrain, il a été constaté qu'un dossier facile et rentable comme l'injure publique est déversé au Parquet suite à l'intransigeance du plaignant. Il peut aussi arriver que l'impliqué insiste pour que le dossier soit transféré au Parquet puisqu'il y a des connaissances. Par contre, beaucoup de dossiers d'injures se terminent à la police. Il y a aussi les affaires compliquées comme le viol qui se terminent à la police sur compromis des parties impliquées ou envoyées au Parquet en cas de non entente. Il en est de même des dossiers rentables qui sont transférés ou traités sur place. Par ailleurs, d'autres dossiers rentables ont été régulés à la police sans les « treizer » et d'autres déférés au Parquet. Comme il arrive aussi que les affaires improductives soient traitées à la police et se terminent par le conseil. Toute cette longue littérature veut simplement dire que le Parquet n'est pas un déversoir des dossiers peu intéressants et improductifs, mais de toutes les affaires les plus faciles et les plus rentables jusqu'aux plus complexes et improductifs et tous ces types sont aussi clôturés au niveau de la police.

L'auteur semble ignorer qu'il existe aussi des réseaux entre OPJ et magistrats. Pour éviter que le dossier intéressant « ya mafuta », « dossier ya « kulipa » (rentable) ne lui soit arraché, il le transfert directement au « magistrat collaborant » en complicité avec la partie plaignante par la voie de réquisition. De cette manière, l'OPJ y trouve sa part.

Retournons au civil comme une affaire compliquée, mais plus rentable, il se clôture aussi à la police. Le viol est compliqué puisque la procédure et la loi ne prévoient pas la transaction. Cependant, la finalité de la justice c'est l'harmonie sociétale. Il peut arriver que la partie lésée oblige uniquement la réparation. Et pour l'obtenir, la logique veut que l'acteur soit libre. C'est ainsi que les deux parties peuvent s'entendre pour réguler ce problème sur place. Souvent, la famille lésée demande une ou plusieurs chèvres et l'OPJ profite le 10% et exige au coupable de payer une forte amende ou le « mulambu » considérable puisque dans cette matière, la loi ne prévoit pas le « mulambu » mais la « prison ». C'est dans ce contexte que se justifie la grille de l'acteur social. L'OPJ va au-delà de sa compétence et de la procédure pour réguler les situations problèmes à son niveau.

2.3.2.7. « Mabuso »

Lorsque les APJ opèrent ce « mukwao », les impliqués sont gardés à vue dans le « mabuso » c'est-à-dire le cachot ; il porte plusieurs noms avec des sens particuliers, mais rapprochés. Ce faisant, le sens et les représentations seront décortiqués dans le troisième chapitre. Pour le moment, nous trouvons l'opportunité d'en citer.

« gereza » (enfer) « jangwa » (désert)

« kota okola » (entrer pour grandir)

« Nyumba yetu » (notre maison)

« maison de passage »

« Hôtel » « faculté sans professeur »

« Amigo »...

L'APJ peut miser sur les intérêts présents ou futurs. C'est en ciblant le futur que cet adage africain tombe à point : « de même le maïs grillé peut germer ». Les relations peuvent produire des fruits et de bons un jour. Ce qu'on a perdu dans le présent, peut nous bénéficier dans le futur. L'impliqué devient « Amigo ». Il peut être relâché sans paiement d'amende. Pendant qu'il est au cachot, il bénéficie la détente à l'extérieur par de petites corvées qu'il exécute.

2.3.2.8. «  Les relations entre les policiers et les impliqués en garde à vue »

Comme les surveillants de prison et les internés tissent les relations de coopération ou de tension, il en est de même pour les agents de police chargés d'assurer la Garde des impliqués. Sur terrain, nous avons pu dénicher trois types de relations que voici :

1° APJ « avocat » « Défenseur » « protecteur » de l'impliqué

Les agents de police arrivent parfois à se familiariser avec les impliqués. C'est dans le contexte que Prince KAUMBA LUFUNDA compare ce fait à l'image de « Stockholm » caractérisé par le développement d'un climat de familiarité entre les otages et les terroristes. (2004 : 34)

En effet, il arrive que les APJ se familiarisent avec les impliqués pour partager ensemble la cigarette et le repas. Pendant la nuit, il extrait le concerné du cachot pour passer la nuit au corps de garde et le matin, il y retourne. Ainsi, sympathisant avec l'impliqué, l'APJ se transforme-t-il en « avocat » défenseur » de l'impliqué. D'avoir participé au « mukwao », il a la facilité de contacter la partie plaignante en vue de plaider pour trouver le terrain d'entente et sollicite sa liberté auprès de l'OPJ instruisant ce dossier. Il peut aussi intervenir pour réduire le montant de l'amende. Dans ce contexte, il n'y a rien pour rien dans ce monde.

2° APJ « adversaire » de l'impliqué

Ce cas se manifeste souvent lorsque l'impliqué a posé la résistance lors de « mukwao » (arrestation). Parfois, c'est l'échange des paroles vexatoires entre ce couple qui engendre l'adversité et l'impliqué subi les mauvais traitements tels que nous l'avons observés sur le lieu. « Natafuta kuyamba, munakatala, nami niko muntu shina nyama. Mu cachot amubakiyake ngozi, mitatoka paka » (je voudrais me soulager, vous refusez, je suis aussi un homme et non un animal, je finirai par sortir et je ne dois pas laisser ma peau au cachot). Le policier rétorque : « shi ulitoka pomba, unatutshambula, sasa uko wapi, kama niko paka hapa, nachakula autaipata » (Vous étiez invincible en nous insultant, maintenant où est-ce que nous en sommes, vous n'aurez pas le repas tant que je suis ici à la police).

De tels cas sont fréquents au sous-commissariat de Kafubu. La visite et le repas de l'impliqué sont conditionnés par le « dix-vingt-cinq » (l'argent). Les visiteurs savent qu'il faut verser le droit de visite. Pour nous, le monnayage de service est une « déviance fonctionnelle. » Il arrive aussi que la visite, la plainte, la libération s'effectuent sans paiement de « 10-25 » ou amende.

3° L'impliqué « affaire propre » de l'APJ

Il a été aussi constaté que certains policiers se rendent justice eux-mêmes. L'APJ MUNGULUMA étant en conflit avec son voisin pour le problème des enfants, il s'arrange avec son équipe pour arrêter son voisin et le placer dans le « mabuso » (cachot) à l'issue du commandant ou de l'OPJ et sans aucune forme de procès. Une fois le voisin écroué, il lui dit « nakusukisa, unanichezeyaka, ujuwe ya kama mungu yulu, police chini » (Je vous ai prouvé, vous vous moquiez de moi, après Dieu dans le ciel, c'est nous la police sur la terre.) Quand le commandant passe pour le contrôle de l' « Amigo » ou « mabuso », l'impliqué est soustrait pour y retourner après. Il arrive que l'APJ se venge en se rendant justice.

4° Policier « serviteur » de l'impliqué

L'APJ assurant la garde est un serviteur de l'impliqué. Celui-ci se trouve dans un petit carré qui constitue son monde fermé. « Natafuta kuyamba, munipe mayi ya kunya, munyujiye tumbako, bitumbula, munitosheko ni pite mpepo » (je voudrais me soulager, donnez moi de l'eau à boire, des beignets, sortez-moi d'ici pour que je prenne aussi de l'air). Ainsi, l'APJ est tenu à satisfaire tous les besoins de l'impliqué. Il peut même abandonner son poste pour informer la famille du concerné, lui payer quelques biens de nécessité (bougies, cigarettes, à manger...).

C'est dans ce contexte que l'APJ est un serviteur de l'impliqué, lui procure les nécessaires, passe nuit avec lui au corps de garde quoi qu'il soit étiqueté « de malfra ». Certains par confiance due à l'excès de zèle, facilite l'évasion de l'impliqué sans le vouloir et prend sa place dans le petit carré. C'est pourquoi « l'excès de zèle » est punissable dans cette police militarisée.

2.3.2.9. «  L'OPJ entre le marteau et l'enclume »

A titre de rappel, le travail judiciaire le place sous l'autorité du Ministère Public qui relève du Ministère de la justice. Sous d'autres cieux, la police étant militarisée, l'OPJ répond de ses actes à l'auditorat militaire qui dépend du ministère de la défense. Concernant les recettes, il doit rendre compte de ses perceptions à la Direction Générale des Recettes et Domaniale relevant du Ministère des Finances et Budget en passant par sa voie hiérarchique. L'OPJ en tant que policier, dépend du ministère de l'Intérieur.

Sur ce, la position de l'OPJ le place dans une situation « des pressions » qu'il subit de part et d'autres de ses supérieurs :

1° Du Ministère public

L'OPJ dépend du Ministère public auprès de qui est doit rendre compte de ses activités « directement ». Ici le concept a le sens du délai lui imparti par la loi qui ne peut pas dépasser 48 : 00 heures à moins qu'il sollicite une prorogation ».

Il se passe qu'en pratique, au moment où l'OPJ est en train d'instruire un dossier, sur demande de l'une des parties, une réquisition du Ministère public tombe sur la table de l'OPJ qui se voit dessaisir le dossier. Tel est le cas de Monsieur KALABA, un transporteur qui n'avait pas bien bâché son camion, une vingtaine des sacs des fretins ont connu la putréfaction. Au moment où son chauffeur TSHABALA comparaissait à la police, KALABA s'est arrangé avec un magistrat qui a envoyé une réquisition obligeant toute affaire cessante pour le transfert du dossier et du véhicule saisi contenant les fretins. Ce type d'intervention est fréquent au sous commissariat.

2° Du commandement de la police

L'article 9 du code de procédure judiciaire ainsi que les cours et tribunaux consacrent l' « indépendance de l'OPJ » en réalité, l'OPJ n'est pas indépendant. L'indépendance n'est qu'un leurre. A ce sujet, le travail del'OPJ dépend largement de son chef hiérarchique dans le cadre du commandement. A titre de renseignement, la réunion qui s'est tenu le 24 janvier 2007 par l'inspection provinciale à l'attention des OPJ peut édifier le lecteur. Il ressort de cette réunion que l'OPJ de la Police Nationale n'est pas indépendant sur le plan judiciaire. Il doit rendre compte de ses activités à son chef administratif. En cas de refus, il peut être privé de cette qualité en lui confiant une autre fonction telle que chargé de transmission, chargé de ravitaillement, chef du camp... Et par conséquent un OPJ compétent est celui qui verse. Le montant est d'avance fixé, 10 $ par semaine.

Il va de soi que cette situation renforce les stratégies de l'OPJ en tant qu'acteur social qui discerne le fait et cherche les moyens de le contourner. Il ne se soumet pas aveuglement, discerne le fait désavantageux pour les contourner par d'autres voies. L'enregistrement, l'audition de la plainte et la perception de l'amende transactionnelle se font à l'absence du chef. Au lieu d'enregistrer cinq plaintes réelles, il enregistre une ou deux et d'ailleurs en caractère pénal transformé en « civil ».

3° De l'Auditorat

L'auditorat intervient souvent à la police et surtout en matière judiciaire. Parmi ces interventions, relevons celle d'un inspecteur de la société nationale d'assurance, qui en état l'ivresse, s'est battu avec le gérant de l'Hôtel « WA KUMIKOMA » pour avoir refusé de lui accorder une chambre. Dépêché sur le lieu, l'OPJ a instruit le dossier et l'inspecteur a pris à charge les premiers soins. Comme c'était la nuit, il fallait que les deux parties se présentent le matin pour voir dans quelle mesure clôturer le dossier. Le matin, avant qu'il n'entre au sous-commissariat, l'OPJ a subi le « mukwao » tendu par les agents de l'Auditorat. Menotté, l'OPJ a été ridiculisé et a eu la liberté grâce au « mulambu ».

4° Agent de Police Judiciaire

Lorsque l'OPJ instruit le dossier, il doit avoir en tête qu'il faut le rentabiliser pour se partager avec les APJ participants au dossier ainsi qu'au commandant. Dans le cas contraire, il perd son poste. D'où il doit « treizer » son poste pour le conserver. Si l'APJ ne trouve pas sa part, il peut nuire à l'OPJ par la voie de « kokunda » (enterrer), appelée autrement « kubambisha touche » dont la finalité ou la visée est de faire punir. Les différentes pressions exercées sur l'OPJ permettent de stigmatiser que la loi et l'organisation judiciaire des « autres » ne s'adaptent pas au contexte pratique. Cadre réglementaire paraissant contraignant, impératif et rigide, ne l'est que par l'apparence. Celle-ci est trompeuse puisque les limites juridiques sont fluides. Elles permettent aux acteurs de ce champ d'avoir une marge de manoeuvre pour adapter la loi pénale et la procédure au contexte du milieu « Naza mwokonzi » « niko chef » (Je suis le chef). Le chef a le pouvoir de libérer. Ce pouvoir est limité au point de vue, l'expérience, la visée guidée par le projet et l'histoire des acteurs.

2.4.3 «  L'issue des  plaintes »

Il sera question ici de cerner le trafic d'influence dans sa manière d'induire l'issue du dossier ainsi que les trois acteurs impliqués dans le jeu du champ pénal.

2.3.3.1. «  L'OPJ sous la pression du trafic d'influence »

Nous rejoignons la recherche du Prince KAUMBA LUFUNDA dans sa recherche sur l'approche de la criminalité dans la ville de Lubumbashi lorsqu'il explique ce qui suit :

« Certains prévenus exigeaient que le dossier en cours d'audition soit immédiatement transmis au Parquet de Grande Instance. Aussi, le magistrat sur réquisition d'information réclamait-il le transfert du dossier en cours du traitement. » (2004 : 50)

Nous avons eu à enregistrer plusieurs cas sembables. Parmi ces interventions, retenons à titre purement d'information celle de « KILOLO, victime de coups et blessures par ses voisins. Le sous commissariat informé par téléphone, les coupables seront arrêtés et acheminés à l'Office. Pendant l'audition, la soeur du coupable à l'OPJ téléphone pour recevoir l'ordre de libérer sans condition et immédiatement les coupables. L'OPJ insiste pour les soins à prendre à charge. Malgré l'insistance, il céda sous la pression du chef pour conserver son poste. C'est ainsi que la loi et la procédure étaient foulées au pied et monsieur Kilolo, victime, sorti attristé et plaintif, « la loi des autres » telle que appliquée et limitée par les acteurs, demeura impuissante pour lui rendre justice et créer l'harmonie. L'OPJ obéit à la logique militaire : « l'exécution avant tout et la réclamation après » bien qu'un ordre mal donné ne s'exécute pas.

Ainsi donc, le trafic d'influence peut déterminer l'issue du dossier pour qu'il soit clôturer au niveau de la Police ou transféré au Parquet.

2.3.3.2. «  Les enjeux des acteurs »

Pour déterminer l'issue du dossier, nous avons ciblé trois acteurs y relatifs : le plaignant, l'impliqué et l'OPJ.

1° « L'exigence du plaignant »

C'est le motif de la plainte. Le plaignant parait visiblement pesant dans le dossier. Il détermine l'issue du dossier par ses déclarations à travers les attentes de la plainte. La manifestation de ses aspirations consiste à répondre à la question comme celle-ci :

« Que voulez-vous que la police fasse pour vous ?

Cette question peut être aussi formulée de cette manière : « Que réclamez-vous à la justice ? »

Cette question oriente l'issue du dossier. A titre de renseignement, nous avons pu enregistrer ces quelques illustrations :

- « Tunakuya ku la police dju mutushaurye » (Nous venons à la police pour le conseil).

« La police-conseil » se limite au conseil et blâme. Elle est fréquente pour les faits simples et surtout familiaux.

- « Kupatanisha »

« souci yangu ni mwitupatishe » (souci est de nous reconcilier).

La police est une instance de paix

- « Kupanda yulu » (monter)

« Dossier yangu aitaishiya hapa, tupande naye ku ngazi la djuu, paka ni mu sukise » (Mon dossier ne doit pas se clôturer à ce niveau de la police, montons avec lui au niveau élevé, je dois l'achever). La police est un niveau bas. Certains souhaitent que le dossier suive son cours normal jusqu'au Parquet qu'ils trouvent efficace en matière répressive.

- « Kuamuwa »

« Tunakuya mwituamuwe » (Nous sommes venus pour nous juger ». La police est une instance de justice par le jugement. « La police juge ». Elle sépare le délinquant du non délinquant. Elle est sélective.

- « Hukumu »

« Paka alale mukasho, tasamba naye kesho ».

(Qu'il soit incarcéré, je comparaîtrai avec lui demain »)

Certains plaignants précisent de punir l'impliqué par le payement d'amende. D'autres sollicitent le cachot de 15 jours plus le fouet tout en ignorant que la détention a des limites. L'intention ici est de faire souffrir. Certains donnent l'argent aux policiers pour fouetter l'impliqué.

- « Kulipa »

Il s'agit du payement de la victime qui exige réparation.

- « Kurumiya »

Le plaignant peut désister et pardonner l'impliqué. Malgré le désistement, l'OPJ sanctionne l'impliqué par « mulambu ». Sur terrain l'on a vu certains plaignants se transformaient en avocat de l'impliqué en suppliant l'OPJ de le libérer. Celui-ci retorque : « ulizani uku ni kanisa, anesha kwangukiya mu mayi, inapashwa alipe. (Vous avez cru que c'est à l'église, il est déjà tombé dans l'eau et doit payer l'amende. Parfois, le plaignant paie pour l'impliqué pour clôturer le dossier.

Tout dépend de la visée du plaignant quant à la formulation de la plainte. C'est le point de vue qui va orienter l'OPJ. Si la visée est la réparation, le plaignant a tout intérêt d'éviter la répression puisque les deux sont incompatibles. Subissant la peine, l'impliqué échappe à la réparation.

2° «  Le poids de l'impliqué »

Apparemment, il ne fait que subir la pression du plaignant. Toutefois, il y a ces cas où l'impliqué pèse sur l'issue du dossier. C'est ici où nous rejoignons la recherche de Gabin Kabuya qui montre aussi que l'impliqué a aussi du poids (2006 :44)

Nous avons constaté que lorsque la visée du plaignant est la réparation, l'impliqué se trouve devant une alternative de choix entre le grand boulevard (Parquet) cheminant dans le « grand monde » (la prison) et la réparation en vue de clôturer le dossier sur place.

3° «  L'OPJ , le grand meneur du jeu »

Sa première visée d'un dossier en main est de voir s'il peut en tirer profit. La procédure judiciaire étant renversée, le civil tient le pénal en état. Son grand jeu est d'amener les deux parties sur un terrain d'entente en vue de clôturer le dossier par le « mulambu ».

Il sied de retenir qu'en arrière plan du « treize » se localise une nécessité imposante : l'arrangement à l'amiable qui est le garant de la paix dans ce contexte. C'est pourquoi l'adage dit « vaux mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès ». En cas de non compromis, le dossier est transféré avec ou sans prévenu.

Un regard sur l'issue des plaintes sur terrain indique que peu de dossiers suivent leur cour normal et beaucoup sont clôturés sur place. La police est à la fois un filtre et une sélection des impliqués.

2.5.  La police et ses relations

Le sous commissariat Kafubu est en relation d'abord avec d'autres polices spécialisées surtout dans le cadre de renfort en maintien de l'ordre. Dans le cadre judiciaire, il y a le télescopage dont nous avions parlé bien avant. Par ailleurs, il arrive que l'OPJ soit dessaisi du dossier au profit du bureau de renseignement dans le but de procéder aux enquêtes approfondies. Encore une fois l'indépendance de l'OPJ est foulée au pied.

Les privés recourent aussi à la police pour le gardiennage. C'est le détachement dans le jargon policier. A ce propos, le phénomène « mining » (la recrudescence des sociétés minières) dégarnit le sous-commissariat de ses éléments par le détachement. Celui-ci est payant.

Les policiers sont aussi détachés dans les institutions publiques pour protéger les infrastructures et le personnel. (Parquet, mairie...). La police est en relation avec les forces privées de sécurité (Force one, Mamba Sécurity, Bras, DSA, Delta Force, Groupe 4 Sécuricor...) où sont détachés les policiers. C'est ici où nous rejoignons la recherche d'HONORE MWENZE lorsqu'il soutient que la police travaille dans l'illégalité avec les sécurités privées.(2006 : 49 )

En effet, les sécurités privées ne sont pas autorisées à employer les policiers ou militaires (anciens ou en service) selon l'esprit de l'article 7 du décret n°98/008 réglementant le gardiennage : « Est prohibé tout détachement des éléments actifs, des Forces Armées et de la Police Nationales auprès desdites sociétés ». Ainsi, cette loi n'est pas rigide puisqu'on pratique, les policiers sont détachés dans ces forces qui les paient mieux. Mais, elle est aussi une sorte de garde fou, sinon les policiers, dans la logique de précarité, déserteraient de la police au profit de ces forces privées.

Quelle synthèse pouvons-nous tirer de ce chapitre ?

Le tracé inductif, nous a conduit à la méthode qualitative du type ethnographique impliquant la « participation observation » doublée de l'observation documentaire et de l'entretien semi-directif. Le traitement des données s'est réalisé par l'analyse thématique verticalement et horizontalement en dégageant les thèmes principaux et secondaires qui constituent le corpus empirique.

Le cadre référentiel nous a permis de cerner la police dans sa sphère réglementaire dont la loi et la procédure judiciaire en tant que construction émanant des autres, présentent des limite. Elles paraissent rigides, contraignantes et imposantes sans nécessairement l'être puisque les acteurs les contournent par les pratiques non prescrites qui feront l'essentiel du dernier chapitre.


CHAPITRE 3 

ANALYSE CRIMINOLOGIQUE DE LA PRATIQUE

DE L'« OPJ DEBOUT »

Ce chapitre, sans toutefois minimiser les précédents, il se veut essentiel puisqu'il présente les résultats des analyses et interprétations des données réalisées lors de nos investigations empiriques. Il décortique tour à tour l' « OPJ debout » comme un modèle non réglementaire de régulation sociale policière (1), les différentes substitutions de l' « OPJ debout »(2), les oppositions binaires (3), les manoeuvres et les « boules » (stratégies) mobilisées par l' « OPJ debout et OPJ assis ou assermentés »(4), la nature de leur relation (5), le sens qu'ils donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés dans le cadre de leur travail judiciaire : les logiques et les représentations selon les sens de leurs propres expériences (6) et les perspectives de transférabilité de la recherche.(7)

I. L' « OPJ DEBOUT » : UN MODELE PRATIQUE NON PRESCRIT DE REGULATION SOCIALE POLICIERE

Il sera question ici de dégager l'essentiel de la pratique de l' « OPJ debout » qui répond à la finalité de la « justice » ou de la régulation sociale qui consiste à rechercher l'harmonie entre les deux parties en situation problème. C'est l'intérêt de cette recherche qui vise à creuser dans la pratique informelle, ce qui est positif pour le valoriser dans une perspective d'innovation contextuelle.

A ce propos, POULET Isabelle indique ce qui suit :

« Les « secteurs informels » oscillent entre valorisation et disqualification. On valorise l'informel au nom de ses vertus supposées d'expression spontanée d'une forme de créativité, d'innovation ou de résistance au pouvoir contraignant et rigide de l'Etat. L'informel s'explique par un trop de réglementation, un trop d'Etat (...), il ne manque pas des voix pour dénoncer les effets néfastes d'un manque de droit et de contrôle par l'Etat des valeurs d'équité, d'égalité, des droits sociaux qui caractérisent l'Etat. C'est le retrait de l'Etat que l'on dénonce. » (1999 : 153-154)

Par ailleurs, tout ce qui parait non prescrit, alimente l'organisation pour son fonctionnement. C'est dans ce contexte que nous nous sommes intéressé à la pratique de l' « OPJ debout » dans le cadre de régulation sociale. A ce sujet, le même auteur indiqué :

« L'informel s'est étendu avec « la crise » de l'Etat- providence, identifiée dans tous les domaines comme à l'origine de la constitution des « secteurs informels ». C'est là où l'Etat est mis en cause pour l'inefficacité de ses institutions et la faillite de ses modes de régulation que l'on découvre le plus d'informel » (1999 : 155)

Ainsi, le formel ne peut-il se concevoir sans l'informel et ne peuvent pas être opposés, mais complémentaires puisque c'est l'ensemble qu'ils constituent les règles du jeu et se soutiennent mutuellement. Sur terrain, il a été constaté que les pratiques informelles ou non prescrites n'émergent pas du vide, mais tirent leur fondement dans les pratiques prescrites. Et à l'inverse, celles-ci sont soutenues par celles-là pour le fonctionnement de l'organisation. Le même auteur précise :

« Le formel et l'informel ne sont pas si séparés, qu'ils sont au contraire et dans tous ces domaines fortement imbriqués, qu'ils peuvent être complémentaires. » (1999 : 154)

La pratique de l' « OPJ debout » est une médaille qui a ses revers ; c'est-à-dire, ses intérêts et ses pesants. L'on ne peut pas étudier une médaille en tenant compte de la pile sans la face. C'est dans cette perspective que cette recherche embrasse les intérêts et les pesants de la pratique pour des raisons à la fois méthodologique et pédagogique. Toutefois, il ne s'agit pas d'émettre un jugement des valeurs, mais de comprendre la pratique dans toutes ses formes en situant les acteurs dans leur contexte en vue de mieux saisir la réalité selon le sens et les logiques de policiers expérimentant la pratique.

Il sied de remarquer qu'il est aberrant de distinguer la bonne et la mauvaise pratique, tout comme la bonne ou la mauvaise police, le bon ou le mauvais policier puisque c'est le même policier qui pose les actes « louables » comme le secours ou ceux de tension social comme le « Disappro » (s'approprier les biens d'un-quatre par force).

1.1. « BISO TOSALISAKA BANGO NA KUNDELPAIN MPO BAYOKANA »(8(*))

L' « OPJ debout » c'est la pratique de « Kundelpain » (en cachette), puisqu'elle s'opère dans l'ombre « butubutu » (nuitamment) ou pendant la journée à l'insu de l' « OPJ assermenté ». Souvent, elle prend appui sur les règles prescrites comme l'exécution de mandats de justice. Nous en parlerons un peu plus loin. Ici, nous trouvons opportun de présenter les occasions de la pratique et sa description dans toutes ses facettes.

1.1.1. « Le Piquet »

A titre de rappel, le piquet constitue une équipe des policiers en réserve et prête pour l'intervention à toute éventualité. A l'absence de tous les cadres, les éléments de piquet, sous le commandement du chef d'équipe, au lieu de respecter les consignes et la procédure, ils reçoivent les plaintes, perçoivent le « ya makolo » (pour les jambes), frais de plainte et de déplacement. Une fois les formalités remplies, ils vont opérer le « mukwao » c'est-à-dire l'arrestation de l'impliqué ou des personnes impliquées.

Selon les données des entretiens et des observations, plusieurs opportunités se présentent lors de l'exécution de « mukwao ». A titre d'information, en voici les possibilités saillantes :

- Si les éléments du piquet ne sont pas accompagnés de la partie plaignante, ils se sentent à l'aise. Au lieu d'arrêter l'impliqué, ils se transforment en OPJ pour l'auditionner verbalement et se rendre compte de la teneur du problème. Ils négocient avec l'impliqué en lui présentant les inconvénients d'être arrêté à la police. Ils argumentent pour le convaincre de coopérer avec eux afin qu'il reste arranger à l'amiable avec le plaignant en cherchant un intermédiaire parmi les connaissances ou les membres de la famille du plaignant. C'est de cette manière que l'impliqué est persuadé, donne l'argent aux policiers. Parfois, l'initiative vient de la population présente. « Vieux, muishane naye, utalala mu cachot na autatokamo bule » (Mon vieux, autant terminer avec eux, au lieu d'être arrêté, vous n'allez pas sortir du cachot sans avoir payé l'amende).

Surtout si c'est le samedi, les policiers persuadent l'impliqué en ces termes : « aujuwe ya kwamba leo ni samedi, tuishane, kama tunenda naweye, abata kusambisha, plaignant alimupa commandant Franga, billet d'écrou iko na ku chunga ». (Vous oubliez que nous sommes samedi, arrangeons le problème sur place, si nous vous acheminons à la police, vous serez arrêté sans être entendu, le plaignant a donné l'argent au commandant pour vous malmener, votre billet d'écrou est déjà préparé). Ils emportent le « 10 - 25 » (l'argent) et donnent le faux rapport au commandant.

A titre de rappel nous avons parlé du policier « avocat » de l'impliqué. Sur le lieu d'arrestation ou au domicile de la personne à arrêter, les éléments de police peuvent lui demander de l'argent pour qu'ils jouent le rôle d'avocat auprès de l'OPJ qui les a mandatés. Lorsqu'ils rentrent donner le rapport, ils rassurent l'OPJ que le concerné n'est pas là, ou soit il passera demain ou soit encore il y a eu résistance.

- Quelles sont les manoeuvres que les APJ font lorsqu'ils sont accompagnés de la partie plaignante pour opérer le « mukwao » ?

Trois possibilités se présentent dans le cas de la pratique de l' « OPJ debout »

* Pendant le trajet, le chef d'équipe donne les consignes à la partie plaignante. « Il ne faut pas que l'impliqué nous perçoit avec vous, il risque de s'enfuir et nous échapper, votre devoir est de nous indiquer la maison et la personne à distance en vue de faciliter l'opération d'arrestation. Le plaignant reste à un endroit indiqué et attend la suite ».

Lorsque l'équipe arrive au domicile de l'impliqué, le chef d'équipe l'informe que la police est saisie de son problème avec tel et qu'il est venu l'arrêter pour l'acheminer à l'office. Toutefois, il a déjà causé avec le concerné pour que le problème soit arrangé sur place. Il lui demande s'il reconnaît le fait et si il est prêt à négocier pour le résoudre sur place. S'il est d'accord, le chef d'équipe envoie un agent appelé le plaignant et la solution une fois trouvée, les deux parties versent la quote-part aux policiers médiateurs.

A titre d'illustration, ce cas tombe à point :

« MASHIMANGO, menuisier de formation et de métier, a perçu la somme de 300 $ de mains de Mr. MUNGO pour la fabrication d'un salon au plus tard dans deux semaines. Il se passe que Mr. MASHIMANGO n'a pas pu s'exécuter après deux mois depuis leur convention. La police étant saisie par Mr. MUNGO, les piquets se rendent à l'atelier du menuiser. En cours de route, le chef d'équipe demande au plaignant de l'attendre quelque part en vue de faciliter son opération. Sur le lieu, il demande à MASHIMANGO, s'il reconnaît le fait et s'il dispose du montant en question ou d'un bien qu'il peut mettre à la disposition du plaignant pour qu'il lui donne un délai court afin de parachever son salon. MASHIMANGO étant d'accord de remettre son poste téléviseur en couleur plus la magneto, le groupe électrogène et un buffet à titre de gage à MUNGO en attendant qu'il termine son salon. C'est ainsi que le chef d'équipe envoya un de ses coéquipiers appeler le plaignant et l'arrangement fit un succès et les policiers eurent leur part de deux parties. De retour à l'office, le chef d'équipe fait le rapport à l'OPJ que le concerné est absent et le plaignant a trouvé inutile de revenir à l'office. »

C'est un exemple empirique qui illustre une des manières par lesquelles les policiers de piquet en exécutant le mandat de justice, s'instituent en OPJ que nous appelons dans le langage policier « OPJ debout ».

* La deuxième possibilité est celle où le plaignant refuse de rester à distance et accompagne les policiers au domicile de l'impliqué. Sur le lieu, seuls les policiers entrent dans la maison et s'arrangent avec l'impliqué. Celui-ci leur donne leur part et rentrent au bureau présenter le faux rapport à l'OPJ qu'il y a eu résistance. C'est à ce moment que le plaignant profite de l'occasion pour dire à l'OPJ : « Tunamukuta, banabakata milomo, banamwacha » (Nous l'avons trouvé, il les a corrompus et l'on laissé). C'est à de telles occasions que l'OPJ sollicite le mandat au Parquet puisque le bulletin de service n'est pas un mandat de justice, il est informellement utilisé pour cette fin. Chaque fois que l'OPJ envoie les agents avec un bulletin de service, il leur donne cette consigne : « en cas de résistance ou de trouble, il faut replier, utilisez la sagesse et non la violence ». C'est une occasion pour les policiers de « treizer » et de se transformer en « OPJ debout ». Une fois l'arrangement réussi, ils rentrent donner un faux rapport : « il y a eu résistance. »

L'informel et le formel se tiennent et se complètent. Le bulletin de service étant non prescrit, en cas d'échec, l'OPJ recourt au mandat d'amener sollicité au Parquet en vue d'opérer le « mukwao ».

* Une troisième possibilité est celle où dans la maison de l'impliqué, les policiers accompagnés du plaignant, au lieu de procéder à l'arrestation, préfèrent jouer le rôle de médiateur. « Kama munenda ku bureau, we plaignant batakubeba 10%, batakufunga nawemweyewe dju bakule Franga, mwishane tu hapa » (Si nous allons à l'office, même vous plaignant vous allez payer 10%, et vous serez arrêté pour que vous payiez l'argent ».

Sur terrain, le cas suivant issu d'un des entretiens nous a beaucoup intéressé.

« KILUFYA, un commissionnaire des poissons salés à Njanja, sollicite 5 sacs de poissons à Mme KITOMPA d'une valeur de 250 $ à lui verser après la vente. il se passe que Mr. KILUFYA après avoir vendu les poissons, dissipe 100 $ et verse à la responsable 150 $. Mécontente, cette dernière se rend à la police. Après les formalités d'usage, les éléments de Piquet, sous la conduite du chef d'équipe, se rendent au domicile de l'impliqué pour son arrestation, en compagnie de la concernée. Sur le lieu, au lieu de l'arrêter, le chef d'équipe KISULA préfère jouer à la médiation. Il informe la plaignante qu'il est très avantageux de terminer le problème sur place qu'à la police puisqu'elle risque aussi d'être arrêtée et de gaspiller son argent en versant 10% du montant perçu comme frais proportionnel de justice. Il demande à KILUFYA si il peut disposer de la moitié et d'un bien à mettre en gage pour garantir la concernée. C'est ainsi qu'il accepta et désintéressa KITOMPA avec 50 $ en Francs congolais et lui confia sa radio cassette « Simba » d'une valeur de 100 $ à récupérer après épuration. Une décharge fut établie et l'affaire clôturée. Et les deux parties donnèrent aux policiers leur quote part et les deux parties sont satisfaites. »

C'est aussi une autre manière de la pratique de l' « OPJ debout » par la médiation policière. Le rôle du policier ici est d'amener les deux parties à trouver un terrain d'entente pour un arrangement à l'amiable. La visée du policier est la « treizalité normale » conditionnée par l'arrangement à l'amiable. A ce sujet, il ressort du terrain ce qui suit : « Soki batindi biso kokanga moto, tosalaka makasi po bayokana, tosalisaka bango » (Si nous sommes envoyés arrêter une personne, nous nous impliquons pour que les deux parties s'entendent, nous les aidons).

1.1.2. « La main dans le sac »

C'est une pratique qui s'opère surtout pendant la tournée. C'est le cas de « flagrance ou réputée comme telle » dans le jargon juridique. L'équipe arrête un pic pocket ou « voleur à la tire » pendant la tournée. Au lieu de l'acheminer à l'office, les policiers s'investissent en OPJ pour restituer les biens soustraits au propriétaire. Celui-ci à titre de reconnaissance, leur donne un peu d'argent. Ils font semblant d'acheminer l'auteur impliqué à l'office. Agissant en équipe, celle-ci intervient en payant l'argent aux policiers pour obtenir sa libération.

« Nous sommes samedi du mois d'avril, vers 12 : 00 heures, l'APJ ILUNGA un fin policier se demande comment passer le week-end pour nourrir sa famille. Il fait une tournée personnelle contrairement au principe qui soutien l'action de masse ou d'équipe en vue de mater toute situation éventuelle. Dans un endroit isolé, il perçoit trois jeunes en train de jouer aux cartes. Le jeu de hasard étant prohibé, il profite de l'occasion en les surprenant. Son premier mouvement est de récupérer les cartes et l'argent mis en compétition. Brusquement et rapidement, il arrête les trois jeunes. Il les fouillent et récupère tous les contenus de leur poche. Il les menotte et fait semblant de les acheminer à la police. Chemin faisant, leurs amis interviennent en suppliant l'APJ ILUNGA à qui ils versent 10.000 F.C.

Ce récit montre que, sous l'initiative personnelle, un APJ peut s'instituer en OPJ lorsqu'il trouve un fait punissable par la loi entrain de se commettre. C'est le « libaku » (la chance) dans le langage policier.

1.1.3. « La Garde »

C'est le poste de police ou le sous-commissariat. La pratique s'opère pendant la nuit. « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali » (les chefs partent, mais restent). L'expression traduit la continuité du pouvoir. A l'absence du commandant en place, c'est le chef de poste qui est le chef d'équipe qui gère les plaintes la nuit et se transforment en commandant et par surcroît en OPJ. Il verbalise sans papiers, ni bic, ni registre. Il est debout tout en terminant le dossier. Parfois, si le bureau est resté ouvert, il l'utilise. Pour mieux « treizer », ses coéquipiers l'appellent circonstantiellement commandant et il occupe le bureau de l'OPJ.

Ainsi, il envoie les policiers procéder à des arrestations, il juge les faits et clôturent le dossier à son niveau, sauf le cas qu'il trouve « grave et compliqué » ou celui qui est objet d'une rétention sociale celui où la reportabilité sociale a une grande visibilité, qu'il laisse au soin de ses supérieurs.

Par ailleurs, s'il traite le dossier et que l'impliqué s'avère insolvable, dans ce cas, il l'écroue pour la disposition du commandant. Il joue presque le rôle de l'officier de permanence avec une manoeuvre d'appréciation.

A titre de rappel, les dossiers sont difficiles ou compliqués selon les enjeux des acteurs. D'autres peuvent paraître difficiles pour les réguler, mais trouvent solution auprès du chef de poste qui s'investit en « OPJ debout » tel le cas de « Muviolo » (viol).

« Agée de 13 ans, « MICHOU », la fillette d'une certaine nommée « MWABANA » a été victime d'abus sexuel par « KABA » âgé de 18 ans avec qui, elle a des relations de voisinage. Vers 17 : 00, à l'absence de leurs parents respectifs, « KABA » appelle « MICHOU » et couche avec elle dans leur toilette. Comme la maman de la fille est une vendeuse au marché, elle rentre vers 19 : 00. En examinant l'état de sa fille qui avait la fièvre et le mal au bas ventre, profita pour l'interroger. La fillette relata les faits. Sous l'impulsion de la colère, « MWABANA » pénétra dans la parcelle de « KABA » pour le saisir et l'acheminera à la police sans dialoguer avec les parents du garçon. Le chef de poste perçut l'argent de la plainte et verbalisant oralement les deux parties. Pendant qu'il écoutait la mère de la fillette, les parent de « KABA » arrivèrent et demandèrent au « commandant » qui est le chef de poste en substitution, de leur accorder l'occasion de causer avec la mère de Michou. Comme les deux parties étaient de même tribu et fréquentaient la même église, elles trouvèrent opportune de retirer la plainte pour s'arranger en famille. Toutefois, pour y arriver, le chef de poste joua le rôle de médiateur en convaincant la partie victime à accepter la négociation avec l'autre partie en vue de réparer le fait tout en insistant qu'une fois le dossier au Parquet, elle manquera la réparation et l'impliqué sera certes transféré vers le grand monde pour y purger sa peine. De ce fait, elle ne gagnera rien. En plus, sa fillette sera l'objet de publicité et aura de difficulté de contracter le mariage puisque désabusée sexuellement. Après réflexion, les deux parties, sous l'instigation du chef de poste, parvinrent à un compromis selon lequel, les parent de « KABA » doivent payer à la famille de « MICHOU » 200 $, deux chèvres et une pièce de wax CPA comme frais de réparation concernant la perte de la virginité de la fillette. Comme les parents de l'auteur avaient assez de moyens, ils verserent auprès de « MWABANA » 100 $ à titre d'acompte et le chef de poste et son équipe bénéficiaient 50 $ en devise plus 10.000 à titre de recompense. Ainsi, l'affaire se termina en « Kundelpain » (en cachette), à l'insu du commandant ».

Cet exemple illustre bien la pratique de l'OPJ debout qui est aussi à mesure de réguler certains faits dont la loi ne prévoit pas l'amende et la seule issue du dossier est la prison perçue selon la loi des autres, la peine dorsale ou le noyau dur, le pivot central du Droit pénal. Ainsi donc, la limite de la pratique est relative. Elle dépend des enjeux des acteurs et du pouvoir d'appréciation du policier. C'est dans cette optique que nous rejoignons la pensée de Jean Louis LOUBET BAYLE lorsqu'il analyse le pouvoir d'appréciation policière qu'il stigmatise en ces termes :

« Une prise de décision qui n'est pas strictement gouvernée par des règles légales, mais qui comporte un élément significatif de jugement personnel » (2006 : 210)

Nous épousons aussi la réflexion de Idelfonse TSHINYAMA lorsqu'il écrit concernant les enjeux policiers :

« Dans l'application de la loi, tout dépend des enjeux. Les acteurs chargés de sa mise en oeuvre, notamment les policiers, apprécient et voient de quel côté pèse la balance et agissent en conséquence. » (2006 : 82)

C'est dans ce contexte que nous avons présenté dans l'introduction le dossier OLALA contre monsieur Santos comme cas indicatif et illustratif de la pratique de l' « OPJ debout ».

1.1.4. Le « Tshitshani ou le Tshambuluka »

Ce sont les termes employés par les policiers dans l'opération de la lutte contre le marché pirate. Celui-ci étant une organisation non réglementaire, les policiers recourent aussi à la pratique non prescrite : « Twishane » (Qu'on en termine). A ce sujet, les propos suivants sont d'usages courants : « Baba Pulushi, shibote tuko ba taux du jour, dju ya nini utanipeleka ku bureau, unirudishiye marchandise yangu, tuishane, unapenda chef yako ye akule weye na batoto yako na bangu tulale na njala ? » (Papa policier, nous vivons tous au taux du jour, pourquoi voulez-vous m'amener au bureau, retournez-moi mes marchandises, qu'on négocie sur place. Voulez-vous que votre chef mange et que vous, vos enfants, moi même et les miens passent la nuit à jeun).

Le « Tshitshani » est un mot tshokwe déformé. Il découle de Tshitshene signifiant « paka vile », (comme toujours ; « kufanya pakavile » (Faisons comme d'habitude). En effet, il y a une sorte de mariage ou de « coopération » qui s'est tissée entre les policiers et les marchands pirates. C'est l'habitus qui se cristallise. Au début, suite à la recherche de l'efficacité, les policiers arrêtaient les vendeurs pirates qu'ils acheminaient à l'office. Avec le temps, les relations de « tension » baissaient et se transformaient en relation de « coops » diminutif de coopération. Les marchands comme les policiers recourent à la pratique de « tshitshani ». « Tufanye paka vile tunafanyaka » (faisons comme d'habitude). A ce sujet soit les policiers passent pour récolter l'argent auprès de ces marchands, soit c'est l'inverse, c'est-à-dire ces derniers délèguent un membre qui verse le fruit de la cotisation aux policiers.

Le « Tshambuluka » désigne dans le jargon policier le « marché pirate ». Toutefois, il signifie « désordre ». Le marché pirate est un désordre. Les policiers profitent de l'informalité pour « treizer ». C'est dans le champ policier où la règle d'or est le chacun pour soi, Dieu pour tous. Heureux celui qui sait bien « treizer ».

« Un jour, en tenue civile, nous avons trouvé les policiers en plein opération du marché pirate. Le chariot était plein de différents colis contenant des marchandises diversifiées. Un marchand pirate supplia un policier de lui remettre son colis de fretins contenant 6 mekas (mesurettes). Le policier mû de pitié, lui retourna son colis en empochant 1000 FC. »

Souvent les policiers saisissent les marchandises des marchands pirates et peu seulement arrivent au bureau et la plupart sont filtrées et sélectionnées comme la police le fait avec les « délinquants » et est perçue comme un grand entonnoir où reçoit plusieurs délinquants dont le minimum seulement arrivent au niveau du Parquet.

1.1.5. Le « Kibeta »ou « Kiwanja »

C'est le stade. Les policiers ont dans leur tâche, la mission d'assurer le maintien de la discipline populaire. C'est dans ce contexte que nos éléments sont appelés d'assurer la sécurité au stade pour éviter la fraude. Le « tshitshani » et le « tshambuluka » s'appliquent aussi au stade.

Au lieu d'assurer la discipline populaire, les policiers nous ont informé qu'ils créent sciemment l'embouteillage aux portes d'entrées en vue de faciliter l'entrée de leurs « candidats » qui leur ont donné l'équivalent de la moitié du prix de ticket. Certains policiers sont « botchés » c'est-à-dire, ils perçoivent parfois des billets collés dont une partie de 100 FC et l'autre de 50 FC sans au préalable opérer leur vérification puisqu'ils agissent dans la précipitation de peur d'être arrêtés.

« Le policier KABONGO se fait attrapé la main dans le sac et il a subi la punition du corps. Il a fait 6 jours de cachot ferme, nous a-t-il précisé. Et il a été libéré pour faire la patrouille »

Le cas du Policier KABONGO nous renvoie à la recherche de JOBARD FABIEN lorsqu'il parle de bavures policières. Les policiers se couvrent ou se protègent en subissant la punition du corps en cas de bévue ou de violence. (2002 : 7-11) C'est l'esprit d'équipe qui est déterminant et qui fait qu'un tel cas soit traité sur place plutôt que de le transférer à l'Auditorat militaire.

Ainsi, l'effectif réduit des policiers affaiblit le mécanisme de contrôle et donne l'occasion aux policiers à la pratique de l' « OPJ debout » puisque les sanctions deviennent faibles et inefficaces. Pendant le match, il y a beaucoup de fraudeur. Certains escaladent la clôture murale au stade à leur risque et péril. A l'intérieur, certains sont appréhendés et libérés soit gratuitement, soit en donnant l'argent aux policiers qui ferment les yeux au lieu de les conduire auprès de leurs supérieurs pour l'instruction du dossier. Ils s'instituent en « OPJ debout ». Ainsi, le « Kibeta » ou « Kiwanja » c'est le terrain non pas seulement de football pour le joueurs, il est aussi un champs de récolte pour les policiers.

1.1.6. Le « mabuso »

Les APJ sont aussi des gardiens de « détenus ». Selon les données de l'entretien, certains APJ chargés de garder les personnes au cachot, se transforment en OPJ pour libérer le détenu après avoir perçu de lui une somme d'argent. En cas d'interpellation, l'agent se défend que c'est en acheminant l'implique à la toilette pour se soulager qu'il s'est évadé. L'APJ a la manoeuvre d'apprécier le cas avant de passer à l'action. Il jauge la gravité et les conséquences de l'acte.

« Un certain soir vers 18 : 00, la police avait été débordée par plusieurs interventions à exécuter. Une policière était restée au corps de garde avec une impliquée qui devait payer l'amende pour être libérée. Au retour du commandant et d'autres policiers, l'impliquée avait disparue. La policière fut interpellée et se justifiant qu'elle était restée seule. Il fallait allumer le brasero pour préparer, c'est pourquoi, elle s'était déplacée et à son retour, elle n'avait plus trouvée l'impliquée. Le commandant sut sur le champ que la policière a pratiqué l' « OPJ debout ». C'est ainsi qu'il écroua la policière pour 48 heures de cachot ferme. »

Selon l'organisation réglementaire, c'est l'OPJ qui arrête et qui libère la personne impliquée. En pratique, l'OPJ est aussi une instance de pouvoir qui selon son point de vue, peut libérer un impliqué gardé à vue en acceptant d'assumer toutes les conséquences.

1.1.7. Le « mawindo » ou « bokila »

C'est la patrouille. Elle est une occasion de la pratique de l' « OPJ debout ». Pendant la nuit, lors de la patrouille, les APJ, repartis dans les équipes et les secteurs, arrêtent les personnes qu'ils verbalisent sans les amener à l'office. Ils préfèrent terminer toutes les affaires judiciaires pendant la patrouille. « bya mu mawindo, bineshiyaka paka mu mawindo » (les butins de la patrouille se partagent toujours pendant la patrouille).

S'ils arrêtent une personne la nuit, ils préfèrent transiger son problème debout dans la rue ou soit ils font office de l' « OPJ » au domicile de la personne concernée. A son domicile, les membres de sa famille peuvent intervenir en suppliant les patrouilleurs d'accepter la somme d'argent en vue de libérer la personne en question. Parfois la famille n'a pas de liquidité et emprunte chez les voisins pour décanter la situation.

En cas d'insolvabilité, ils peuvent laisser l'impliqué dans un poste de police proche du secteur pour le récupérer le matin en vue de le « treizer ». En cas d'échec, ils l'acheminent auprès de leur chef hiérarchique pour qu'ils puissent aussi y trouver leur compte. Si celui-ci les « botche » (empoche sans distribuer), ils se méfient de lui et à l'occasion prochaine, ils le contourne en coopérant avec un autre plus confiant. Ils ont un principe : « Na patrouille soki olali, balali yo, mbwa ba bwakelakaye ata mukuwa » (Dans la patrouille, si vous dormez, on couche sur vous c'est-à-dire on vous prive le butin. Le chien, on lui jette même un os). Ceci traduit la justesse et la souplesse dans le partage. Il faut être « ekenge » (éveillé).

La pratique qui consiste à laisser un impliqué dans le cachot d'une police proche par les patrouilleurs pour le récupérer le matin a été aussi épinglée par Prince KAUMBA LUFUNDA dans sa recherche sur l'approche de la criminalité dans la ville de Lubumbashi. (2004 : 35)

Voilà au moins épinglées et illustrées les opportunités et l'essentiel de la pratique de l' « OPJ debout » comme un modèle policier non prescrit de régulation sociale. Comment les policiers justifient-ils eux-mêmes leur pratique selon leur expérience et leur point de vue ?

1.2. «  Légitimation policière de la pratique de l'  OPJ debout »

La pratique de l' « OPJ debout » tire sa source de l' « OPJ assermenté » dans sa manière de gérer les « APJ ». Il ressort de l'observation et des entrevues empiriques que l' « APJ » se substitue à l'OPJ lorsqu'il participe au travail judiciaire sans trouver son compte. Le cas des patrouilleurs qui récupèrent le matin la personne impliquée laissée dans un poste de police le plus proche de leur secteur opérationnel en l'acheminant à l'OPJ confiant tout en contournant celui qu ne sait pas conjuguer le verbe manger au pluriel, est une illustration saillante qui présente deux façons de gestion des APJ.

Plus les APJ reçoivent la redistribution, plus ils participent au travail judiciaire et moins ils se livrent à la pratique de l' « OPJ debout » pour le profit personnel. Par ailleurs, cette pratique est un processus qui découle de l'imitation. L'APJ est appelé à opérer le « mukwao ».

De ce fait, il est le premier à entrer en contact avec les deux parties en conflit et il a les sources de premières mains concernant les conflits. Il voit, il attend, il participe aux différentes auditions de l'OPJ assermenté. En assistant, il apprend comment l'OPJ traite les dossiers civils ou pénaux et comment il transforme le dossier « un-quatre » en dossier pénal et vice-versa. Dès qu'il trouve l'occasion, sachant bien qu'il n'est pas bien distribué, il applique ce que l'OPJ fait et il acquiert ainsi l'expérience et s'érige en médiateur pour arranger les différents conflits à l'amiable. Ainsi, il s'érige en « OPJ debout ».

Dans sa pratique, il ne vise pas la procédure, mais le résultat. C'est qui compte pour lui c'est avant tout « treizer ». Et une « treize normale » nécessite un arrangement à l'amiable pour éviter le rebondissement parce qu'il opère en « Kundelpain » c'est-à-dire dans l'ombre. Il fait tout pour éviter les conséquences négatives « le contre coup ».

Selon les entrevues, la pratique est aussi essentielle puisqu'elle contribue à l'harmonie sociétale et que les deux parties y trouvent chacune sa part et sont satisfaites. A ce sujet, nous soutenons la réflexion de LASCOUMES P., pour avoir écrit ce qui suit « ...ce qui n'empêche pas les justifications des activités corrompues (selon nous informelles) d'avoir toujours une grande efficacité malgré leur caractère réducteur et souvent fallacieux ». (1999 : 158)

D'après l'empirie, la pratique de l' « OPJ debout » est une décharge du travail de l' « OPJ assis ». C'est une façon de le décongestionner puisque parfois il est afflué de dossiers. La pratique se veut une avant-garde d'entrée de la réaction sociale formelle ou du contrôle policier.

A ce sujet, la visée est de régler le problème avant qu'il ne soit judiciarisé. C'est dans ce contexte que nous faisons notre la pensée de BRODEUR J.P. lorsqu'il indique à propos de la police et l'instance judiciaire, ce qui suit :

« En réalité, la coupure entre le droit et la police est l'une des lacunes les plus visibles de notre système. Tous les programmes récents de réforme de la police (...) s'arrêtent avant l'étape judiciaire et se définissent souvent contre elle, l'objectif explicite de ces réformes étant de résoudre les problèmes avant qu'ils ne soient judiciarisés. » (2003 : 347)

De ce qui précède, force nous est de retenir dans une optique innovatrice et adaptative que la pratique de l' « OPJ debout » est une nouvelle piste non prescrite de régulation des situations problèmes avant leur juridiciarisation. Elle offre plusieurs atouts selon les empiries :

- Elle tend à la déjudiciarisation. La visée est la recherche de l'harmonie et de la tranquillité publique. Elle repose sur l'arrangement à l'amiable. L' « OPJ debout » joue le rôle de « médiateur » c'est-à-dire facilitateur. La médiation se fait par la négociation. En cas d'échec, le dossier suit son cours normal. C'est pourquoi elle est l'avant-garde du système pénal.

- Elle évite les frais de justice. Si l'administration de la justice policière est déjà coûteuse par les différents frais (pour la plainte, « ya makolo pour le déplacement, les frais d'instruction du dossier, du transfert du dossier... et que dire de frais de justice au niveau du Tribunal ?

Dans le cadre référentiel, en parlant de la gestion des plaintes, nous avons pu relever que certaines plaintes étaient non recevables puisqu'elles n'étaient pas monnayées. C'est dans ce même cadre que Prince KAUMBA LUFUNDA a parlé de la non recevabilité des plaintes (2004 : 147). Et dire qu'au niveau de la police, les dossiers sont souvent clos par les « mulambu » (amendes transactionnelles) très exorbitantes et parfois sans aucun rapport avec la gravité du problème. Que penser si le dossier suivait son cour normal jusqu'au tribunal ?

Concernant les frais comme un obstacle à l'accessibilité de la justice au niveau du Tribunal, nous trouvons opportun de stigmatiser in extenso la pensée d'Alain KOJAN et Didier KABOMBO dans leur recherche sur « la pauvreté face à la descente aux enfers de la justice » en retenant ce qui suit :

« La justice coûte chère : la consignation, les frais d'huissiers, les frais de rédaction des actes de procédure, les frais de rédaction du jugement, s'exclame plus d'un congolais.

« Moi, je ne peux pas me rendre dans cette baraque, renchérit un autre, j'en suis excédé.

«  Ces propos de table ou causerie d'affaire sont alimentés et amplifiés par la pauvreté des personnes qui interviennent dans l'administration de la justice (OPJ, magistrat, greffier et huissier). (2006 : 25-26)

Ainsi, les frais de justice limitent la population à l'accès au tribunal. La pratique de l' « OPJ debout » devient un palliatif salutaire.

- Comme la pratique décongestionne le travail judiciaire de l' « OPJ », il en est également de celui du magistrat et du juge.

- Elle échappe à la lenteur de la procédure. Elle est dite « debout » puisqu'elle est rapide dans le gain du temps. Elle trouve une solution immédiate.

- Elle vise la réparation, l'harmonie plutôt que la peine. Elle est dépénalisante. Elle évite aux impliqués le cachot et la prison.

- Elle mobilise plusieurs ressources ou recettes de régulation. Se servant du cadre juridique, elle clôture le dossier verbal par l'arrangement à l'amiable à l'issue de laquelle les deux parties sont satisfaites.

- Elle repose sur le principe selon lequel, vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès.

- Elle permet à la personne impliquée d'échapper aux erreurs judiciaires puisqu'en appliquant la procédure, il est possible que les erreurs judiciaires se glissent et qu'un innocent soit criminalisé. A ce sujet, la police est un filtre de sélection de délinquant. L' « OPJ assermenté » a la grande part de manoeuvre en transformant l'affaire « un-quatre » en affaire pénale.

Quant au niveau du Parquet et du Tribunal, les auteurs précités renchérissent ce qui suit selon les propos de certains magistrats tout en les situant dans le contexte de précarité :

« Je ne suis pas bien rémunéré, comment veux-tu que je rende une bonne justice ? Il est vrai qu'un magistrat mis dans les mauvaises conditions n'est pas à mesure de rendre une bonne justice (pour nous une juste justice) » (2006 : 26).

- Elle échappe à la fiction juridique. Concernant l'équité, le droit pénal apparaît clairement dans le choix de ce qu'il réprime et dans la manière dont il est appliqué, ne place pas tous les citoyens sur le même piédestal d'égalité devant la loi (DAYEZ B., 1999 : 118-199)

La pratique sous-étude ne vise pas la répression, mais la réparation et l'arrangement.

- Elle permet aux impliqués d'échapper au risque de la détention préventive induisant parfois de graves discriminations. Cette détention n'est qu'une forme de régulation qui est susceptible d'incarcérer quelqu'un parce qu'il est pauvre. Souvent, au niveau de la police, il est constaté que la plupart des impliqués se retrouvent au Parquet par manque d'amendes.

A ce propos de discrimination, DAYEZ B. précise ce qui suit :

« L'arrestation d'un magnat financier ou d'un politicien ou de quelqu'un à vue pouvait laisser croire que personne n'est à l'abri d'une mise à l'ombre dans le cadre préventif. Mais ne soyons pas dupés : en matière de délits financiers sur une grande échelle, le motif du mandat d'arrêt est trouvé dans les nécessités de l'instruction. Cela équivaut bien entendu à remettre l'inculpé en liberté et le risque de récidive n'est pas évoqué ». (1999 : 119)

- Le chiffre noir que peut induire la pratique est une fiction puisqu'il est un mal nécessaire pour réguler les situations problèmes entre les parties impliquées. Il est un « mal » parce que les tenants de cette pensée soutiennent qu'il obnubile le chiffre réel dans l'analyse statistique de la criminalité. Pour nous, l'important n'est pas le chiffre réel pour développer et élaborer la politique de lutte contre la criminalité, mais plutôt c'est de savoir bien gérer cette criminalité à partir de l'amplification des faits.

- La police est un service générateur des recettes. La pratique est un obstacle et un manque à gagner pour l'Etat. Ne soyons pas leurrés : la distribution du pouvoir est inégalement répartie. La redistribution n'est pas équitable et juste. Les APJ s'instituent à l'Etat pour se rétribuer. En se transformant en « OPJ debout ». Si les policiers travaillent avec zèle sans solde et se contente de la prime, c'est parce qu'il tire profit dans l'ombre grâce à cette pratique. Sans elles, la machine policière cesse de fonctionner. C'est dans ce contexte que nous avons évoqué dans le chapitre précédent que la nuit est plus importante que le jour, la fondation que le mur, ce que nous réalisons le jour n'est qu'une projection de ce qui se passe la nuit. Ainsi donc, la pratique non prescrite n'est-elle pas un soutien et un complément de celle dite réglementaire qui n'est qu'une construction abstraite et idéale à laquelle l'on demande aux acteurs de s'y conformer. C'est dans la logique de l'adaptation de la pratique réglementaire puisque non contextualisé, et de l'innovation que s'érige et se développe la pratique non prescrite.

1.3. « TOZALI BANYAMA NA NGUNDA»(9(*))

1.3.1 «. Les pesants de la pratique »

Si nous présentons ici les revers de cette pratique, ce n'est pas dans le but d'émettre un jugement de valeur, mais pour raison méthodologique et pédagogique. Du point de vue méthodologique, la logique est soutenue par la recherche des oppositions binaires, la recherche de contradiction. Sur le plan pédagogique, c'est le souci de dissection des faits, c'est-à-dire l'analyse des faits dans leur détail.

Il sied de rappeler qu'il n'existe pas de « bonne ou mauvaise » pratique. Il serait aberrant d'y croire. Il faut porter les lunettes criminologiques pour classer toute pratique dans son cadre contextuel. Quoi que paraissant anormale, elle ne l'est que dans l'optique de celui qui oublie de la contextualiser. L'anomalie n'est qu'apparente, la contextualiser, la prtaique est censée et normale. C'est dans cette perspective que se dégagent les revers de la pratique policière non prescrite appelée « OPJ debout ».

1° Le « disappro »

Le « disappro » est un mot composé. Le « dis » dérive du code policier appelé code de dix. Et l'appro est le diminutif de l'approvisionnement. Il traduit l'approvisionnement dans la poche de « un-quatre » (un civil).

Le disappro est un terme utilisé souvent dans la patrouille. « motoyo, il faut disapproner ye » (cet homme, il faut le dépouiller). C'est l'image d'une personne dont on soulève les jambes en haut et la tête en bas de telle manière que tous les contenus de ses poches lui tombent pour se retrouver dans celles des policiers.

Lors de notre investigation sur terrain, nous avons enregistré plusieurs cas parmi lesquels, celui de « Kibalamete » exposé dans la partie introductive de cette recherche. Rentrant chez lui nuitamment, il fut intercepté par les patrouilleurs qui le fouillèrent systématiquement en qualité de « suspect ». Après la fouille, toute la somme d'argent qu'il détenait se retrouva dans les mains de policiers. Après discussion, les policiers lui restituèrent une partie.

Présentement, ce cas constitue une restitution empirique de « disappro ». Cette pratique ne concerne pas seulement la subtilisation de l'argent, mais aussi tous les effets importants voire corporels que la personne dispose.

Pour illustrer ce propos, le cas de « Madame Mulubwa » tombe à point :

« Rentrant d'une fête la nuit vers 22 : 00, à 100 mètres de chez elle, dans sa rue non électrifiée, elle fut interceptée par les patrouilleurs et fut tombée dans le « mukwao » (piège) c'est-à-dire le filet tendu par les policiers. Son sac qui contenait une somme de 15.000 FC équivalent à 30$, son appareil cellulaire de marque NOKIA et autres effet, la montre qu'elle portait et ses bijoux se retrouvèrent dans un laps de temps court dans les mains des patrouilleurs qui l'ordonnant de vider le lieu en braquant et en armant leurs armes. Elle détala en vitesse et se retrouva à domicile. Ce n'est que le matin qu'elle se présenta à l'office de police. Une plainte stérile puisque les patrouilleurs ne furent pas identifiés. »

Le « disappro » est opéré par les patrouilleurs officiellement en service, par les patrouilleurs non autorisés et par les « un-quatre » qui se transforment en patrouilleurs.

2° «  Les patrouilleurs  pirates »

Ce sont les agents de l'ordre qui s'organisent dans l'ombre sans l'aval de leur commandant pour faire le « mawindo » ou le « bokila » (la chasse).

Des tels patrouilleurs sont les chasseurs « dépouilleurs » des biens de personnes pendant la nuit. A certains moments, ils dépouillaient même les habits des victimes en les dénudant pour se les approprier. De telles opérations sont l'apanage des patrouilleurs « un quatre » qui se transforment en policiers ou en militaires. Nous en parlerons dans les lignes qui suivent.

Les patrouilleurs pirates s'illustrent dans le « disappro » dont la finalité est le dépouillement de la population.

Prince KAUMBA LUFUNDA en a aussi évoqué dans sa recherche sur la criminalité à Lubumbashi :

«  Les agents de l'ordre (policiers et militaires) sont eux-mêmes auteurs d'infraction surtout pendant la nuit. Quelques uns font des patrouilles non autorisées et ne sont pas identifiés. Parfois, ils extorquent des biens appartenant à des paisibles citoyens. » (2004 : 35)

Les patrouilleurs pirates se livrent parfois à la pratique sexuelle avec des femmes et surtout des prostituées. Revenons au cas des « un-quatre » qui se transforment en patrouilleurs.

« Le centre commercial « Njanja » du Quartier Kafubu est longé par une voie ferrée à destination des usines de la Gécamines et vers la Zambie. Un groupe de 4 personnes y opéraient en « disappro » la population. Monsieur MUKOKO fut tombé dans leur filet. Heureusement pour lui, il reconnut le chef de bande que les autres du groupe appelaient commandant. Il s'échappa et porta plainte le matin. GABY le chef de groupe fut arrêté. Il nia le fait. Après confrontation, il accepta son forfait et supplia l' « OPJ » de clôturer le dossier à son niveau. Comme il avait des connaissances dans la haute sphère de la police, des coups de téléphones ne tardaient pas à retentir. Sous pression des interventions intempestives, l'OPJ fléchit. Comme il n'y avait pas à réparer, l'OPJ le libéra tout en percevant le « mulambu » (une somme d'argent) pour clôturer le dossier et le classa sans suite. »

GABY trouva sa libération après 48 heures de garde à vue suite aux différentes interventions. Ce cas illustre aussi la manière dont l'OPJ est sujet de « pression » c'est dans ce contexte que nous avons parlé de l' « OPJ » entre le marteau et l'enclume. Doit-il respecter l'ordre de se chefs ou appliquer la procédure et la loi ?

3° « Les pirates du marché pirate »

Comme il y a des patrouilleurs pirates, nous retrouvons aussi les pirates du marché pirates. Ce sont les policiers qui, sans autorisation de leurs chefs, sous leur propre initiative, ils se permettent d'opérer au marché pirate, non pas pour réprimer les contrevenants, mais pour coopérer avec eux par la pratique « Twishane ». « Tufanye paka vile tunafanyaka ». Faisons comme d'habitude. C'est l'habitus qui s'installe. Les marchands cotisent pour eux, à défaut ils se saisissent de leurs marchandises.

« Un jour, l'APJ KALILA et ses deux coéquipiers opèrent sans autorisation au marché pirate. Ils se saisissent d'un sac des poissons fumés d'une valeur de 30.000 FC équivalent à 60 $ U.S. et disparaissent du marché. La victime croyant que sa marchandise est acheminée à la police et s'y rendit. Elle fut surprise de ne pas trouver ni sa marchandise, ni les policiers. Elle décrit ces derniers et l'on sut qu'il s'agissait de l'APJ KALILA et son groupe. Deux jours après, ils furent interpellés. Ils reconnurent leur forfait, réparèrent le fait et subirent la sanction du corps. »

Il sied de remarquer que les mêmes policiers arrivent des fois à se faire avocats des marchands pirates pour faciliter le retrait de leurs biens saisis par le commandant à moindre frais puisqu'ils sont devenus des « coopérants » sur ce marché. Les policiers et marchands partagent la même difficulté de survie en vivant grâce à leurs pratiques « au taux du jour », à chaque jour suffit sa peine.

4° Le « millième »

Nous avions déjà parlé du millième en illustrant dans l'introduction le cas de deux « femmes vivant grâce au sexe » qui se disputaient un mari non loin d'un bar et furent surprises par les patrouilleurs. Sous prétexte de se rendre à l'office, la nommée « KABEDI »  concéda son corps en acceptant l'acte sexuel avec un patrouilleur pour obtenir sa libération.

Le « millième » désigne le rapport sexuel dans le jargon policier. Prince KAUMBA LUFUNDA en a aussi évoqué dans sa recherche : « les patrouilleurs arrivent parfois à violer les femmes et surtout les prostituées pendant la nuit en profitant de l'obscurité ». (2004 : 35)

Il ressort de l'entrevue ce récit qui parait mieux indiqué à titre de connaissance qui montre les conséquences négatives ou sort réservé aux policiers au regard de « muviolo » (qui traduit le viol dans le jargon populaire).

« Les APJ BEYA et IDIAMIN étaient dans une équipe de patrouille. Vers 21 : 30, l'équipe perçut dans le quartier Bongonga, dans l'obscurité deux jeunes filles qui venaient d'un kiosque où elles étaient allées payer les bougies et deux boites de conserve. Les quatre policiers les interceptèrent pour les interroger. Pendant que les deux policiers libéraient les deux filles dont « SANDRA » et « ARIJA » âgées respectivement de 17 et 15 ans, les APJ BEYA et IDIAMIN s'y opposèrent en forçant les filles à coucher avec eux derrière un kiosque non opérationnel. La patrouille se termina comme d'habitude. Lors du partage l'équipe retrancha une somme d'argent que les filles allaient payer comme caution dans la quote-part de deux policiers. Au moment de déposer les armes, les deux policiers furent surpris par la présence de deux filles victimes du « millième » accompagnées de leur père et le commandant. Ils furent arrêtés sur le champ. Malgré l'insistance du commandant auprès des parents des victimes pour la réparation et la clôture du dossier à la police, ces deniers restèrent catégoriques. L'OPJ instructeur de ce dossier recevra la réquisition d'information du Parquet de Grande Instance et le dossier fut transmis avec les concernés qui furent criminalisés et versés dans le « grand monde » qu'est la prison pénitentiaire de la Kasapa où ils croupissent jusqu'aujourd'hui. »

Un autre cas qui a attiré notre attention est celui du policier « MUBIKILAYI » alias « Rambo ».

« Pendant la patrouille, l'APJ RAMBO accompagné de ses coéquipiers un certains samedi vers minuit. Postés dans l'ombre tout près d'une église de réveil charismatique située à Kinkaville, une cellule de Kafubu, les policiers avaient intercepté une femme âgée. Comme la fouille était négative, et c'est RAMBO qui y procéda, il la tira dans ladite église, malgré le conseil de ses collègues, il y coucha ave elle. Une trentaine de minutes après, il rejoint son équipe et changea de face ; il braqua l'arme sur ses coéquipiers en menaçant de les tirer dessus. Heureusement, un des policiers le désarma au moment où les autres s'occupaient à le distraire. Il fut ligoté et acheminé à l'office. Depuis lors, il a perdu ses sens et devient un malade mental qui menace brutalement toutes les personnes se trouvant à sa portée.

C'est un exemple qui illustre le revers du « millième ». Beaucoup de policiers le pratiquent sans usage de « condom » avec le risque de se faire contaminer. Il se fait que les policiers sont exposés au VIH à travers le millième.

5° « Kosumba nyei na secteur »

Dans la patrouille, les policiers sont repartis selon les équipes et les secteurs respectifs. « Kosumba na secteur » (Faire excrément dans le secteur). L'expression traduit le « disappro » où le « millième » que les policiers font dans le secteur d'autres coéquipiers. L'acte posé, ils regagnent leur secteur pour que ces retombées pèsent sur les autres. C'est dans ce contexte que les policiers parlent de la violation du secteur. Celle-ci est une stratégie utilisée par les policiers qui abandonnent leur secteur lorsqu'ils le trouvent non rentable par l'absence des « gibiers » (populaiton) puisqu'il s'agit de la chasse, pas d'animaux, mais de « un-quatre » populaiton civile. Ils transgressent les consignes et pénètrent dans d'autres secteurs pour y opérer et passer inaperçus.

« C'est le cas de l'équipe de « LONGO » qui avait abandonné son secteur au profit d'un autre secteur. LONGO et son équipe interceptèrent un papa qui venait tardivement de son travail. Après la fouille de Mr. « YOLAMA », 100 $ U.S. et 18.000 FC que contenaient ses poches, se retrouvèrent dans celles des policiers qui lui braquèrent les armes en l'intimant de disparaître. Nuitamment, il contacta par téléphone le commandant ville et le matin, on arrêta d'abord les policiers du secteur où se passa l'acte. « YOLAMA » n'en reconnaît aucun. En lui présentant toutes les équipes, il reconnu « LONGO » et l'équipe fut sanctionné et la somme restituée à la victime ».

6°  L' « infracata provoquée ou similée »

L' « infracata » est la déformation du concept « infraction ». L' « infracata provoquée » désigne l'infraction forcée. Selon les données du terrain, lorsque les policiers sont dans le « mawindo », le « bokila » (la chasse) ici la patrouille, ils provoquent parfois les infractions pour incriminer la personne cible. L' « infracata » consiste à placer subtilement une cartouche ou douille ou encore « une boule du chanvre » dans l'une des poches ou le sac à main de la personne ciblée en vue de l'incriminer comme détenteur des effets militaires (douille ou du chanvre). Ils en profitent pour les « treizer ».

Ces actes paraissent anormaux pour ceux qui oublient de les placer dans leur contexte. En les y contextualisant, ils sont censés et normaux. A cet effet, lors de nos différentes entrevues avec les policiers, nous avons aussi voulu savoir comment ils perçoivent ces actes.

1.3.2. « Lorsque nous pensons à toutes ces souffrances, il nous arrive à oublier le devoir de protéger la population »

La patrouille est une opportunité pour les « APJ » de se transformer en « justiciers » appelés « OPJ debout ». Ainsi, les « prostituées » ne sont-elles pas arrêtées pour « vagabondage » et peuvent être amenées parfois à accepter un commerce sexuel à titre de « caution » ou d'amende transactionnelle.

Il ressort des entretiens la synthèse suivante :

« Nous sommes mal payés, nous n'avons pas de solde, mais une prime de 15.000 FC, comment pouvons nous assurer la survie. Nous passons la nuit dehors sous le froid et la pluie pendant que les autres dorment tranquillement avec leurs épouses. Nous assumons leur sécurité contre les voleurs et les « criminels » à mains armées. Pendant la patrouille, nous accompagnons certains jusqu'à leur domicile pour les sécuriser. Il nous arrive qu'ils nous traitent de mendiants, des pauvres, des sangsues et des voleurs puisque nous leur demandons du « café ou de la cigarette » (argent pour la survie) que nous appelons relation publique, lorsque nous pensons à toutes ces souffrances, il nous arrivent à oublier que nous devons protéger la population et ses biens. Après Dieu au ciel, c'est nous « l'Etat » sur la terre. Nous sommes les gardiens de « un-quatre » et ses biens. En tant que gardiens, leurs biens et leurs épouses nous appartiennent. C'est pourquoi, quand nous pensons à cela, nous recourons au « disappro » pour récupérer nos biens que la population garde pour nous et le « millième » parce que leurs épouses sont les nôtres que le « un-quatre » dispose provisoirement. « Nzambe na likolo, ba yanke na nse » (Dieu dans le ciel, et nous sur la terre). Nous sommes les « mibali » les hommes virils. Que la popultion se souvienne des pillages qu'à connus notre pays au début de la dernière décennie. Ce propos, conforme bel et bien que nous sommes maîtres du terrain et par conséquent, les biens des personnes et leurs femmes nous appartiennent. »

Voilà au moins présentés et expliqués la médaille et le revers de la pratique de l' « OPJ debout » dans la perspective contextuelle policière tels vécus et perçus par les acteurs eux-mêmes.

Ainsi, la police apparaît-elle comme une organisation aux règles contraignantes et aux tâches multiples induisant la rotation des acteurs et services ; la rigidité et le caractère contraignant des règles incitent leur transgression. C'est en assurant la garde au poste de police, en exécutant le « mawindo ou le bokila » (patrouille), en luttant contre le marché pirate, en assumant la discipline populaire au stade, en faisant tournée et en assurant le piquet que les « APJ » se transforment en « OPJ debout » pour agir en « Kundelpain » (en tapinois) c'est-à-dire dans l'ombre.

II. LES DIFFERENTES SUBSTITUTIONS DE L' « APJ »

L'Agent de Police Judiciaire n'est pas un sujet passif qui se conformerait comme un automate ou un « robot » aux règles préalablement prescrites par l'organisation policière. Il s'affirme et se comporte en sujet actif qui analyse les règles de l'organisation, les jauge pour les discerner en se référant à son point de vue, son expérience, son histoire et ses différents projets. C'est un acteur social.

C'est dans cette optique qu'il se substitue à l' « OPJ » pour se définir comme « OPJ debout », au « magistrat », au « juge » et pourquoi pas au « législateur ». C'est ici où nous faisons allusion à la recherche de NSAMBAY KAMBAMBA lorsqu'il décrit les visages pénaux de la police en présentant les différentes facettes de l' « OPJ » dans son travail judiciaire. (2006 : 53 - 54)

L' « APJ » s'intéresse moins à la qualité et à la compétence, c'est le résultat qui compte pour lui. C'est dans cette optique qu'il se comporte en acteur social et s'institue ou se substitue en tant qu'instance du pouvoir, aux différentes autorités des instances judiciaires.

2.1. « APJ substitut de l'OPJ »

L'article 14 de la loi n°81-003 dispose qu'avant d'entrer en fonction, l'Agent de Police Judiciaire est tenu de prêter le serment suivant :

« je jure fidélité au Président de la République, obéissance à la constitution et aux lois de la République Démocratique du Congo » (KAKESSE E. et MBOMBA C., 2006 : 10)

Malgré ce serment, l'APJ le foule à ses pieds selon son discernement et son point de vue pour s'instituer en « OPJ »appelé « OPJ debout » ou substitut de l' « OPJ » dans la pratique de l'ombre. Beaucoup de cas ont été étayés à travers cette recherche. A partir de l'introduction, le cas de Mr. HO ! LALA contre Mr. SANTOS, le sujet grec et transporteur de l'axe Lubumbashi-Kasenga a été présenté pour illustrer la pratique de l' « OPJ debout ». D'ailleurs, c'est cette pratique qui constitue le point focal de cette recherche dont son illustration est présentée sous toutes ses formes ou facettes selon les limites de notre connaissance.

Toutefois, ce n'est pas la substitution qui nous intéresse, mais plutôt le résultat de la pratique régulatoire qui se manifeste par la recherche de l'harmonie sociétale. Celle-ci constitue pour nous l'essentiel de la pratique dans le cadre de l'innovation et de la créativité de la pratique de régulation sociale non prescrite. C'est l'essentiel qui répond à la finalité de la justice : la recherche de l'harmonie, la paix et la tranquillité dans la communauté humaine.

2.2. « APJ magistrat »

Il ressort de cette recherche que l'OPJ, dans son exercice du travail judiciaire, agit en acteur social pour aller au-delà de ce qui lui est prescrit et s'érige au niveau du magistrat. L' « OPJ » oeuvre dans le monde judiciaire par les dispositions de la loi organique, celles du code de procédure pénale et de l'ordonnance n°78/289 du 3 juillet 1978 relative à l'attribution et à l'exercice des fonctions d'OPJ près les juridictions de droit commun. (MUSEMA NGANGURA C., 2003 : 77-78)

Par ailleurs, à titre de rappel, avant d'exercer ses fonctions d' « OPJ », il est tenu à prêter le serment suivant devant le Procureur de la République de son ressort :

« je jure fidélité au Président de la République, obéissance à la Constitution et aux lois de la République Démocratique du Congo, de remplir fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d'en rendre loyalement compte à l'OMP (KAKESSE E. e t MBOMBA C., 2006 : 10)

Nous avons pu dénombrer dans le deuxième chapitre comment l' « OPJ » transforme les affaires « un-quatre » en affaire pénale et vice-versa. Il s'agit des lois des « autres » non contextualisées et inadaptées que l' « OPJ » tente de réaménager en vue de l'adaptation contextuelle et situationnelle.

A ce sujet, il ressort des entretiens ce qui suit :

« Que voulez-vous que je fasse ? s'exclame l' « OPJ ». Un impliqué qui a une dette de 1000 $ et disparaît dans la nature. Deux ans après, il réapparaît. Sa fuite étant à craindre. Le plaignant se saisit de lui et l'achemine à l'office : « mukimwache tamoneya wapi ?» (si vous le laissez, je le verrai où ?) puisqu'il a disparu pendant deux ans. Mon commandant, vous l'arrêtez pour qu'il me remette dans mes droits et que vous bénéficiez aussi de votre part pour le service rendu. L' »OPJ » s'investit, arrête le concerné et l'oblige à s'acquitter. Il arrive que sa famille intervient, verse la moitié du montant et laisse les biens de valeur en gage. Ne voyez-vous pas qu'en agissant ainsi, je remets la victime dans ses droits et les deux parties sont satisfaites et je contribue à l'harmonie sociétale, conclut l'OPJ. »

Par ailleurs, au lieu de rendre compte loyalement de ses activités judiciaires à l'officier du ministère public conformément à la procédure, il clôture certains dossiers à son niveau sans lui rendre compte.

Quoique l'article 9 du code de procédure pénale lui reconnaît le pouvoir de proposer à l'impliqué l'amende transactionnelle pour mettre fin à sa poursuite judiciaire, il appartient au magistrat qui en dernier instance d'examiner l'opportunité ou non de poursuite judiciaire. Cependant, dans la pratique, il clôture le dossier et met fin à la poursuite judiciaire.

En effet, c'est le Ministère Public qui en dernière instance décide de l'opportunité ou non de poursuite, mais l'OPJ s'investit pour mettre fin aux poursuites judiciaires sans tenir compte du fait que l'officier du Ministère Public peut décider autrement.

Si l'OPJ assermenté se substitue en magistrat en s'arrogeant de son pouvoir qu'il exerce au niveau de la police, l'APJ s'investissant en « OPJ debout » s'institue également en magistrat dans ce sens qu'après arrangement à l'amiable, il érige un barrage contre la poursuite judiciaire. La pratique exclut la peine puisque l'acteur n'a pas de cachot ni de prison. La réussite de sa mission (arrangement à l'amiable) bloque automatiquement la voie d'entrée dans le système pénal, à moins qu'il y ait rebondissement.

L'essentiel de la pratique rentre ou répond aussi d'une manière tacite à l'esprit du législateur qui, selon la disposition de l'article 9 du code de procédure pénale présentant la possibilité de clôturer certains dossiers au niveau de la police et du tribunal par l'amende transactionnelle, avait voulu désencombrer les tribunaux, éviter certains ennuis ainsi que la discrimination aux impliqués et surtout éviter la charge publique.

Ainsi, l' « OPJ debout et OPJ assermenté » vont au-delà de l'article 9 alinéa 5 du décret du 6 août 1959 qui énonce que l'action publique est éteinte, à moins que le ministère public en décide autrement. Ce tandem d' « OPJ » se reconnaît ce pouvoir de décider sur le sort de l'action publique. C'est dans cette perspective que dans la pratique du travail judiciaire, ces deux acteurs se substituent en magistrat.

2.3. « APJ  juge »

Seul, le juge a la qualité, la compétence et la prérogative de « criminalisation » d'un impliqué. Les données empiriques montrent le controverse. La criminalisation n'est pas l'apanage du seul juge, l'APJ et l'OPJ sur terrain jouissent aussi de ce privilège. Les différents cas illustratifs exposés à travers cette recherche montrent bel et bien comment ces acteurs régulent les différents conflits aux situations problèmes.

Dans leur démarche ou procédure juridique l' « APJ » et l' « OPJ » tranchent les différents conflits, incriminent les faits, déterminent la culpabilité de chaque personne impliquée, les modes de réparation des dommages causés s'il y en a, trouvent le compromis et clôturent les différents dossiers à leur niveau. Ainsi, font-ils leur, la compétence du juge pénal qui est le seul habilité d'établir la culpabilité et de criminaliser l'impliqué ou l'acquitter.

En outre, ils transigent même les faits pour lesquels la loi n'autorise pas à
l' « OPJ » encore moins au magistrat, de proposer le paiement des amendes transactionnelles aux impliqués puisqu'elle prévoit pour ces faits une peine de servitude pénale cumulée sans alternative.

C'est le cas de « muviolo » et « avortement », la loi ne prévoit pas d'amende. Seule la peine de servitude pénale doit être d'application. Nous avons pu démontrer comment l' « OPJ debout » comme l' « OPJ assermenté » ont dans l'ombre, la grande manoeuvre de clôturer le cas de « muviolo » à leur niveau ; tout dépend des enjeux des acteurs. Ainsi, ils se substituent en « juge ». Il en est de même de l'avortement et bien d'autres faits dont la loi ne prévoit pas d'amende transactionnelle.

Du reste, seul le « juge » est habilité selon la procédure, de trancher les affaires « un-quatre ».

S'il y a des juges « un-quatre (civiles), on les trouve à la police. La police reçoit beaucoup de « dossiers » ou problèmes à caractère « un-quatre » et les régulent le plus rapidement et souvent de manière satisfaisante. Ainsi, ces acteurs s'arrogent de cette compétence. C'est pourquoi ils se substituent en « APJ et OPJ juge ».

Njanja est une cellule du quartier Kafubu où les activités commerciales sont florissantes ; il alimente le sous-commissariat des affaires civiles telles que les dettes et les conflits de bail. Et la plupart de ces problèmes sont régulés sur place.

Ce n'est pas seulement pour raison d'ignorance que beaucoup de personnes se rendent à la police pour les affaires « un-quatre ». C'est aussi pour raison d'efficacité puisqu'elles y trouvent solution, mais aussi évitent le tribunal pour raison des frais élevés qui constituent l'obstacle d'accès. C'est à titre de rappel puisque cet aspect a été développé largement dans le deuxième chapitre.

Si les personnes trouvent parfois des solutions à leurs problèmes civiles ou pénaux. Comment se fait-il que la police ne puisse pas aussi jouer ce rôle d'intermédiaire pour la recherche de l'harmonie au cas où les parties n'arrivent pas elles-mêmes à régler leurs conflits ?

2.4. « APJ législateur »

La recherche montre que les policiers agissent en acteurs sociaux, transforment certaines lois pénales et civiles ou « un-quatre » et vice versa selon les enjeux des acteurs en présence susceptibles d'orienter l'issue du conflit entre les parties en déterminant d'autres modes de régulations que pénales. Les policiers, « OPJ et APJ » adaptent les lois des « autres », les contextualisent et en innovent d'autres que pour les comprendre, il faut les restituer dans les logiques, le sens et les représentations qu'ils s'en font.

Ils transforment les lois « civiles » en lois pénales dans les conflits de location des maisons, des dettes et de mariage. Il suffit qu'un mari déserte son toit conjugal pour au moins un mois, la police lui colle l'étiquette « d'abandon de famille » sans que le tribunal ne soit saisi de l'acte. Et le fait est sanctionné par l'amende.

Ils les adaptent selon le contexte et les enjeux de deux parties en conflit. C'est dans cette ligne de pensée que nous avons évoqué le cas d'un impliqué qui avait une dette de 1000 $ et qui avait disparu pendant deux mois... Reparaissant, le « plaignant » l'a acheminé à la police où l'OPJ,  placé dans ce contexte, a transformé la « dette en « abus de confiance » c'est-à-dire, de la décriminalisation à l'incrimination. Jouant son rôle de médiateur ou d'intermédiaire, il a fini par clôturer le problème par un arrangement. Ainsi, le civil est sanctionné par le pénal, l'amende transactionnelle.

Parlant de l'amende transactionnelle, la notion a évolué dans la pratique. Il y a innovation fruit de la créativité liée à la logique de précarité. Elle n'est plus perçue seulement en liquidité, mais aussi et fréquemment en nature. En nature, les acteurs exigent la perception des biens de valeur à titre de gage pour la garantie d'un payement proche ou à titre définitive. Une autre innovation concernant la sanction, c'est le commerce sexuel qui peut être utilisé quelquefois à titre de « caution » ou d'amende transactionnelle.

Il n'y a pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs sociaux en produisent aussi. (KIENGEKIENGE R., 2005 : 31) Monsieur KABILA qui rentrait chez lui nuitamment, fut intercepté par les patrouilleurs dans leur « mawindo » ou « bokila » (la chasse, ici la patrouille) et fut « disapronné ». Les policiers l'ont criminalisé pour « heure tardive ». Se promener tardivement est érigé en « infraction » et est sanctionné par l'amende, le gage à titre définitif puisque c'est dans la chasse. « Bya mu patrouille, bineshiyaka paka mu patrouille » (le butin se partage toujours dans la chasse). Aussi, le cas exceptionnel et isolé le « commerce sexuel » peut servir d'amende.

Ainsi, une simple « suspicion » est érigée en « infraction ». Heure tardive s'accompagne souvent de « suspicion » ; la notion d'heure tardive est floue et imprécise. Elle est aussi relative et commence entre 21 : 000 et minuit selon les acteurs et le secteur à patrouiller. Dans un quartier où les gens dorment tôt, l'heure tardive est perçue tôt c'est-à-dire à partir de 21 : 00. Dans un quartier animé où les gens se couchent tard, elle est aussi prolongée et devient élastique et débute vers minuit et au-delà.

L'infraction provoquée », c'est le « treize » provoqué volontairement. Les policiers se promènent parfois avec les boules de « noix » « Djamba » « bangi » « boule, « best » (meilleur)... différentes appellations du chanvre. Pendant la patrouille, les policiers ciblent la personne qui a l'argent ou les biens de valeur. Pendant qu'ils la fouillent, l'un d'eux glisse subtilement une boule du chanvre dans l'une de ses poches pour la brandir et incriminer la personne. Ils en profitent pour transiger en visant une grande somme.

Les contraventions routières sont criminalisées et leurs auteurs incriminés. C'est le champ des policiers où ils récoltent. Elles constituent aussi les cibles de leur chasse. Selon les entrevues, pendant la patrouille, les policiers sont à la recherche des véhicules qui roulent sans phares, le monophare, les motos ou les vélos sans phare.

Ils opèrent souvent dans les environs des buvettes ou bars où ils peuvent être en contact avec le « un quatre ». Parfois, ils tendent le filet où tombent les personnes ivres et les prostituées. Celles-ci tombent sous le coup de « vagabondages » dont la liberté peut être obtenue par le « millième ».

Un jeune homme et une jeune fille trouvés seuls pendant les heures tardives dans le contexte policier, à un endroit obscur et isolé, tombent sous le coup d' « attentat à la pudeur » qui est aussi sanctionné par le « dix-vingt-cinq » (l'argent).

Voilà montré selon les limites des données de notre investigation comment les policiers innovent, adaptent et transforment les normes selon leur point de vue, leur discernement, leur expérience et leur histoire et projets propres. Ce qui est positif et essentiel, c'est la recherche de l'harmonie entre les parties en conflit.

2.5. « APJ dépénaliste »

Il apparaît à travers cette recherche que l' « APJ » substitut de l' « OPJ » appelé « OPJ debout » sanctionne aussi certains faits par les amendes transactionnelles que nous avons appelés « milambu ». Cependant, il demeure dépénaliste quoi qu'en pratique il montre à chaque partie impliqué sa part d'incrimination. Il demeure dépénaliste puisque mû par le gain, il a tout intérêt à négocier, à travers un terrain d'entente entre les parties. Il tient compte aussi de la réparation et cherche à satisfaire la victime, mais aussi l'impliqué en lui présentant le mauvais côté du système pénal, le cachot, la prison et les dépenses y afférentes et l'amène ainsi à un arrangement à l'amiable et l'évite ainsi la voie de servitude pénale. L'échec de l'arrangement ouvre la piste du pénal par le cours normal de l'affaire.

Du reste, il n'a pas de cachot, quoiqu'il en soit gardien. Il lui arrive aussi en tant qu'instance du pouvoir, de libérer une de personne en détention. Nous l'avons montré en parlant de la policière restée seule avec l'impliquée qui n'attendait qu'à payer l'amende. Il libéra à sa manière et fut sanctionnée de 48 heures d'amigo (mabuso, cachot).

2.6. « APJ l'Etat »

L'APJ ne se substitue pas seulement à l' « OPJ », au « magistrat », au « juge » et au « législateur » mais aussi à l' « Etat ». L'APJ devient une institution puisqu'il s'institue à l'Etat. Il se paie lui-même en se distribuant. Sur terrain, cet aspect se manifeste par le discours tels que : « we djo l'Etat, witukatiye mambo » (c'est vous l'Etat, tranchez ce conflit ». la police est aussi « l'Etat » « Tunakuya ku l'Etat etupataniche » (nous venons à l'Etat pour qu'il nous réconcilie).

L'APJ s'institue en institution policière : « we djo police, kata mambo » (vous êtes la police, tranchez le problème). L'APJ est divinisé : « mwe ndjo ba mungu ba pa dunia, tunakuya mwitusaidiye ku mambo yetu inetupita kipimo » (vous êtes de Dieu sur la terre, nous venons pour nous aider à décanter notre problème que nous avons été incapables de réguler.). « Kisha mungu, ni mweye l'Etat » (après Dieu, c'est vous l'Etat). La police est un pouvoir après celui de Dieu). Il y a séparation entre Dieu et l'homme. Les policiers eux-mêmes chantent : « Nzambe na likoko, ba yankes na nse » (Dieu dans le ciel, les policiers sur la terre ». Les policiers s'affirment en maître du terrain.

L'APJ va au-delà de l'institution pour s'instituer à la loi. En cas de flagrance, l'APJ s'exprime en ces termes : « miye ndjo l'Etat, minakufunga ». je suis l'Etat, je vous arrête ; il arrête la personne pour la « treizer » à son nom et non à celui de la loi.

III. LES OPPOSITIONS BINAIRES

3.1. « OPJ et « APJ »

C'est la manière de travailler de l'OPJ qui induit la pratique de l' « OPJ debout ». L'APJ travaille sous la supervision de l' « OPJ ». Celui-là est l'instrument de celui-ci pour la « treizalité » (capitalisation). Par manque de distribution, l'APJ se décolonise et s'institue en « OPJ debout pour travailler à son propre compte et à l'insu de l'OPJ qui l'envoie exécuter les différentes missions judiciaires. Ainsi, les conflits peuvent naître entre ces deux acteurs. Il n'est que situationnel. C'est-à-dire il peut s'actualiser, se manifester ou se potentialiser selon le degré de distribution. Plus la distribution est élevée, plus la participation est active. Moins l'APJ est distribué, moins il participe au pouvoir de l'OPJ. Absence de redistribution implique la non participation. Toutefois, l'APJ peut participer pour conquérir la confiance et avoir l'opportunité de « treizer » prochainement. Et dans ce cas, il a le pouvoir tacite de l'OPJ qui ferme les yeux puisqu'il sait qu'il s`agit d'un agent de confiance.

L'aspect relationnel entre les deux acteurs, sera approfondi lorsque nous aborderons le rapport de forces entre ces deux acteurs.

3.2. « Oralité » et « écrit »

Dans la pratique de l' « OPJ debout », l'oralité est un substitut fonctionnel de l'écrit. L'oralité traduit les normes coutumières qui sont valorisées par l' « OPJ debout » à l'antipode du droit écrit qui représente le droit pénal et procédure pénale que Raoul KIENGEKIENGE nomme « la loi des autres qui est imposée et inadaptée et non contextualisée ». (2005 : 33)

L' « OPJ debout » dans sa manière de rendre justice, se réfère d'abord à la loi des autres (cadre juridique) pour qualifier les faits. Par après, il recourt à d'autres recettes autres que ce droit pour les réguler. C'est ainsi que la norme pénale est une loi parmi tant d'autres. (2005 : 38)

Si l' « OPJ assermenté recourt à l'audition écrite, l' « OPJ debout » la substitue par l'audition verbale puisqu'il n'a ni bureau, ni stylo, ni papier. C'est comme la scène de l'arbre à palabre. Par contre, l' `OPJ assermenté » a comme arme efficace, son « procès-verbal » qui est un document de référence en cas de rebondissement du dossier. C'est avec cette arme qu'il se défend à l'auditorat en cas d'interpellation.

Ce document appelé « procès-verbal » contraste avec sa désignation « verbale ». Au lieu d'être verbal, il est plutôt écrit. Il a connu cette déformation à l'époque où ceux qui venaient déposer une quelconque déclaration ne savaient pas écrire, ils le faisaient verbalement et c'est le scribe, un prêtre ou une personne lettrée qui se chargeait d'écrire ce « procès-verbal ». Celui-ci étant destiné à la justice et pour le distinguer d'autres documents, il mentionnait au dessus le terme « pro-Justitia » c'est-à-dire pour la justice (René ABINDI AGNETO, 2006 : 68).

En effet, le problème de fixation se pose avec acuité. L'oralité peut se fixer par les chansons populaires, les proverbes, les devinettes, les proverbes, les adages... Les connaissances orales se transmettent de génération à génération. Un vieil homme qui meurt, c'est toute une bibliothèque qui disparaît. Cet aspect fait que l'écrit présente un avantage de conservation des faits et s'impose quant à la fixation. Ne dit-on pas que « les paroles s'envolent et les écrits restent ».

Ainsi, dans la pratique de l' « OPJ debout », il a été constaté que la coutume se substitue à la loi, la norme sociale à la norme juridique, l'audition verbale à l'audition écrite.

3.3. « La norme sociale » et « la norme juridique »

La norme sociale a un caractère général, non contraignant et non répressif. Elle a une dimension plus large que la norme juridique. Celle-ci est contraignante impérative, impersonnelle et répressive. La norme sociale trace une ligne de conduite dont la sanction peut être une désapprobation de l'acte. Tandis que la norme juridique impose une sanction pénale.

Si l' « OPJ assermenté a la latitude de recourir à la fois à la norme juridique pour réprimer et la norme sociale pour l'arrangement à l'amiable, l' « OPJ debout » quant à loi, écarte la peine et recourt à la norme sociale pour imposer la sanction non pénale et se limite à l'amende transactionnelle.

3.4. « L'arbre à palabre et « tribunal »

La logique de l'arrangement à l'amiable s'allie à l'arbre du palabre comme mode de régulation sociale à l'antipode du tribunal qui impose les sanctions pénales et criminalise l'auteur. La visée de l'arbre à palabre est l'arrangement à l'amiable entre les deux parties en conflit. Il vise l'harmonie de la société et non la criminalisation. La réparation des faits y trouve sa place.

Par contre, le tribunal vise la répression de l'auteur et la victime n'y a pas sa place. Il est centré sur la recherche de la « culpabilité » et la responsabilité de l'acte dans le chef de l'auteur. La pratique de l' « OPJ debout » repose sur l'adage : « vaut mieux un mauvais arrangement à l'amiable qu'un bon procès. Dans l'arbre à palabre, les deux parties procurent au « juge » les bananes ou une calebasse de vin pour la salive gaspillée, l'énergie perdue et le service rendu. Tandis que le Tribunal impose la peine d'amende ou de servitude pénale et non aux deux parties, mais à l'auteur de l' « infracata ».

3.5. « L'ANORMAL » ET « LE NORMAL »

L'anormalité et la normalité sont deux notions relatives. Elles varient dans le temps et dans l'espace.

Le port de mini-jupe est normal dans les sociétés occidentales et anormal dans les sociétés africaines de jadis. Pour le moment, le port de mini-jupe est devenu normal en milieu urbain congolais.

La normalité implique la conformité des faits par rapports aux valeurs d'une société donnée dans le temps et dans l'espace. Ne dit-on pas, autres temps, autres moeurs. L'anormalité quant à elle indique l'inversion des valeurs.

Au regard de l'inversion des valeurs, René ABINDI AGNETO a illustré ce qui suit que nous restituons in extenso :

«  Un jour, dit l'auteur, mon fils rentra de l'école, il trouva sur la route une vieille femme et pauvre qui peinait sous le fagot de bois qu'elle portait sur sa tête. Pris de pitié, l'enfant proposa d'aider l'infortunée. Quelle ne fut sa surprise, au lieu d'accepter, elle cria au voleur « tu veux prendre mon fardeau et partir avec. »

A nous de stigmatiser : « autres temps, autres moeurs. »

Que faire aujourd'hui avec cette inversion des valeurs ?

Tout ce qui était jadis « normal » est devenu aujourd'hui « anormal » et vice versa. A l'école, les enfants donnent de l'argent en lieu et place des travaux manuels : les élèves, voire les étudiants, achètent la réussite et sont fiers d'appeler cela coopération ou « coop » tout court. A l'hôpital, ni l'infirmier, ni le médecin, personne ne sait s'occuper d'un malade, même sur le point de mourir, si l'argent n'est déboursé d'avance. Dans les bureaux de l'Etat et dans l'administration publique, l'on ne peut avoir un document si l'on ne glisse pas les pattes de l'huissier jusqu'au directeur. A la police comme à la justice, la simple convocation ou le mandat ne peut s'octroyer sans paiement et l'on ne peut gagner le procès sans casquer. » (2006 : 23)

Il se passe que le « normal » devient « anormal » et vice-versa. Il en est de même de la pratique de l'OPJ debout ». Elle est anormale pour ceux qui oublient ou ne savent la contextualiser dans les logiques, les sens et les représentations des acteurs. En restituant la pratique dans son contexte, elle est censée normale.

A ce propos, LITTREL, sous la plume de LANDREVILLE P., et al a eu le mérite de démontrer que : « ce déplacement de valeurs a amené un déplacement de pouvoir : les personnes clés du système judiciaire ne sont plus les juges, mais les procureurs et les policiers. En d'autres mots, ceux autour de qui se joue la négociation de culpabilité et de sentence ». (1986 : 2)

3.6. « DÉTENTION » ET « LIBERTÉ

La liberté est un principe et la détention se veut une exception. Si l' « OPJ » utilise les deux notions, l' « APJ » qui s'institue en « OPJ », sa pratique exclut la détention ou la « garde à vue » puisqu'il n'a pas de cachot, par contre, elle repose sur le principe de liberté.

La détention et la liberté s'opposent. Pour réparer, il faut que l'auteur ou l'impliqué soit libre de mouvement puisque le conflit peut surgir au moment où il est dépourvu. Il lui faut du temps, dans cette vie de précarité, pour se débrouiller en vue de répondre aux exigences matérielles qu'implique la réparation. Si l'impliqué est incarcéré, il ne saura pas réparer. D'où la détention obnule, obscurcit ou handicape le processus de réparation. C'est pourquoi, l'impliqué, comme nous l'avons dit en faisant allusion à la recherche de GABY KABUYA, a du poids sur le dossier lorsque la partie victime exige la réparation. C'est dans ce contexte qu'il a écrit : l'auteur ou le coupable a aussi le pouvoir qui fait que la victime et le plaignant retire sa plainte. (2006 : 44)

3.7. « LE UN-QUATRE » ET « LE PÉNAL »

Le « un-quatre » induit la réparation et exclut la sanction pénale. Par contre, le « pénal » est répressif et exclut la réparation. L' « OPJ » assermenté » utilise les deux voies et peut les transformer, les modifier et les adapter selon les enjeux des acteurs (justiciables). L' « OPJ debout » brandit le « pénal » en présentant sa face répressive à éviter pour persuader les impliqués à négocier. Sa pratique exclut le pénal puisqu'elle est non répressive et mise sur l'arrangement à l'amiable à l'image de l'arbre à palabre. Et l'argent qu'il perçoit de deux parties symbolise le « makonde » (les bananes) et le « malevu » (vin de palme) en guise de reconnaissance pour le service rendu.

3.8. « POLICE » ET « ARMÉE »

La police est un corps organisé qui a pour finalité la protection des personnes et leurs biens. En dehors de cette mission essentielle, ce corps s'érige en organe de contrôle social. La police est une instance de régulation sociale. Par contre l'armée a pour but essentiel, l'assurance de l'intégrité territoriale qu'elle est appelée à défendre. C'est dans ce contexte que les militaires sous le drapeau, hypothèque leur sang pour la défense du territoire.

La police joue également ce rôle. C'est elle qui est la première force d'intervention en cas d'agression. Son intervention est de freiner la progression de l'ennemi en attendant le renfort de la force armée. Pour la police, la population n'est pas un ennemi, mais plutôt un adversaire. C'est pourquoi, l'usage d'arme à feu ne peut être exécuté que dans le cas de nécessité absolue, telle que la légitime défense dont la riposte doit être proportionnelle à l'attaque. Pour l'armée, c'est une logique contraire. La population pour elle n'est pas adversaire, mais un ennemi potentiel. Il suffit qu'elle se rebelle, l'armée l'anéantit par la tuerie.

La Police Nationale Congolaise comme force est militarisée. Elle a en son sein les éléments issus de toutes les forces armées qu'a connues notre pays depuis la Force Publique jusqu'à la Force Armée Zaïroise démantelée par les « Kadogo ». En plus de cette dernière force, elle enregistre aussi les éléments de toutes les forces de résistances ou « milices » issues de deux dernières guerres à savoir, celle de libération dirigée par L.D. KABILA et celle d'agression Rwando-Burundaise et Ougandaise. Ce n'est qu'un rappel puisque la police militarisée a été traitée en détail dans le premier chapitre dans la partie concernant la mise en contexte de l'objet de cette recherche et plus précisément le point qui expose le contexte historique de la police.

3.9. « CONNAISSANCE » ET « IGNORANCE »

L'adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » laisse entendre que tout le monde la connaît pour veiller à son respect. Cependant, sur terrain, c'est le contraire qui se manifeste. Les services de vulgarisation ont une grande tâche de s'acquitter de leur devoir qui reste encore loin d'être réalisé. Une autre difficulté est celle liée à une mosaïque linguistique des populations congolaises. Plus de 400 dialectes que contient le pays, il faut un personnel qualifié, diversifié, et multiple. C'est une tâche qui implique des moyens financiers et matériels énormes. La vulgarisation de la loi reste encore un grand défi et une piste de recherche ultérieure.

L'ignorance de la population fait que les principes de justice et à l'occurrence celui qui stipule : « nul n'est censé ignorer la loi » s'appliquent difficilement pour une population non avisée et non sensibilisée. A ce sujet Jean Didier KALOMBO précise :

« Nul n'est censé ignorer la loi ne signifie rien pour des personnes diminuées par la famine, le manque d'emploi et d'infrastructures convenables et appropriées » (2006 : 28)

IV. LES « ATOUTS ET LES BOULES » MOBILISES PAR LES POLICIERS « APJ - OPJ »

Les atouts constituent les manoeuvres ou les ressources tandis que les « Boules » traduisent les stratégies.

4.1. LES « ATOUTS »

L' « OPJ » dans le cadre de son travail judiciaire, mobilise d'abord le cadre juridique c'est-à-dire, la loi et la procédure pénales. C'est la loi des « autres » qui lui permet de qualifier les faits en vue d'incriminer les impliqués. Ce cadre juridique est un atout persuasif par son caractère répressif. La menace de la peine pèse sur les impliqués et les amènent à la négociation pour que le dossier se clôture à la police.

Mobilisant ce cadre, il recourt aux normes sociales voire aussi religieuses pour réguler les conflits. L' « OPJ » comme « APJ » se substituent en « pasteur » pour prodiguer des conseils, amener la partie plaignante à accorder le pardon au concerné. Enfin, une fois la réconciliation terminée, il se déshabille de la soutane pastorale pour porter la toge du juge en sanctionnant les impliqués par l'amende transactionnelle. C'est ainsi qu'à défaut de l'amende, l'OPJ sollicite les biens à gager, sinon, il recourt à l' « amigo » cachot qui est un instrument de « treizabilité ».

Mobilisant ces deux cadres (normes juridiques et sociales), il a la manoeuvre selon les enjeux en présence, de transformer le « un-quatre » en pénal et vice versa.

Quant à l' « APJ », c'est celui qui arrête les impliqués et les achemine à l' « OPJ » pour l'audition. Il participe à toute la scène de traitement de dossier. Il arrive aussi que l' « OPJ » lui demande conseil. Lorsqu'il ne trouve pas son compte, il applique dans l'ombre la fonction de l' « OPJ » parce qu'il en a l'expérience. C'est dans ce cadre qu'il est appelé « OPJ debout ». Il s'investit non pas seulement en « OPJ » mais aussi selon les circonstances en « magistrat » parce qu'il s'estime maître du terrain et de l'action publique, en « juge de paix » par son caractère conciliatif ou de médiateur, en « législateur » parce qu'il invente aussi ses propres lois, en « Etat » puisqu'il s'institue à la police qui est le miroir de l'Etat, aussi, il se paie lui-même à partir des différentes perceptions découlant de sa pratique.

Les deux acteurs font la campagne contre les instances judiciaires, à l'occurrence le Parquet et le Tribunal en présentant leur faille et le risque de perte d'argent et de temps pour les deux parties. Pour l'auteur, il a le risque d'être étiqueté « délinquant » et d'être condamné. Pour le requérant de la justice, l' « OPJ » comme l' « APJ » évoque les dépenses en argent et en temps, ainsi que les pesants ou les méandres de la justice.

A propos des méandres de la justice VINKE Pierre indique ce qui suit :

« la justice est pauvre, la population est pauvre. Le coût de la justice pour un citoyen est inabordable et la pauvreté du système lui-même est abyssale » (2006 : 21)

Pour renchérir cette réflexion, la pensée de Jean Didier KALOMBO tombe à point en stigmatisant ce qui suit :

« la justice, principe qui exige le respect du Droit et de l'équité n'est qu'un vain mot pour la population démunie et affamée » (2006 : 28)

Profitant de l'ignorance et de la pauvreté de la population, les deux acteurs utilisent l'art de persuasion afin d'amener les deux parties en conflit sur un terrain d'entente derrière lequel se trouve implanté le décor de « treizalité ».

Ainsi, la « treizalité » appelée aussi « treize », « treizage » ou « treizalisation », est une finalité et l'arrangement à l'amiable ou la négociation ou encore plus la médiation sont des moyens ou des ressources pour mieux « treizer » puisque les acteurs se trouvent dans un contexte de précarité qui guide leur pratique.

La majorité de la population vit grâce à l'économie de la débrouille. Elle est appelée à exercer ces activités chaque jour puisque vivant au taux du jour comme les policiers. C'est pourquoi, dans ce contexte, la justice est appliquée et adaptée à chaque circonstance. C'est ainsi qu'au problème courant, il arrive aussi que les populations proposent des solutions se substituant à la loi. Il en est de même concernant la pratique judiciaire par la police.

Au regard de la justice populaire, Jean Didier KALOMBO illustre ce qui suit :

«  Lors du décès d'un conjoint, l'épouse est toujours traitée de sorcière et perd tous ses droits. Un voleur une fois arrêté, n'est jamais présenté devant la justice. C'est la population qui tranche et il arrive qu'il soit brûlé vif.

Par manque de confiance en la justice et par ignorance, la population recourt à la justice populaire. La pauvreté favorise le non respect de la loi « ventre affamé n'a point d'oreille ». Conclut l'auteur. » (2006 : 29)

4.2. LES « BOULES »

Les « boules » sont un concept tiré dans le jargon policier qui traduit les stratégies ou les manèges que les policiers utilisent dans l'exercice de leur travail. Un stratège est appelé « bouliste » ou « raisonneur ». Sur terrain, lorsque le policier est « bouliste » son supérieur lui dit : « bomba mayele nayo na poche » (Gardez votre raisonnement dans la poche). Le subalterne n'a pas droit au raisonnement, c'est son chef qui raisonne en son lieu et place. Il ne lui reste qu'à exécuter la décision, or la pratique nous montre le contraire qui traduit la finesse des APJ.

Pour accentuer cette subalternance, les propos comme celui-ci est d'usage courant : « soldat azalaka matoyi munene na miso, kasi azalaka na monoko muke » (les militaires, ici le policier doit avoir de grandes oreilles pour écouter plus, les yeux grandement ouvert, pour observer l'entourage et une petite bouche pour parler peu).

Ceci étant, quelles sont les « boules » mobilisées par les acteurs ?

4.2.1. Le « parapluie »

Le parapluie est une couverture mobilisée par les deux acteurs pour être à l'abri des problèmes. L' « OPJ debout » peut contourner son chef direct pour « coopérer » avec le commandant commissariat ou les autorités supérieures de la police. Il devient intouchable. Ainsi, toutes les décisions prises contre lui par le commandant en place sont sans effets puisque contredites et anéanties par l'instance supérieure.

Il en est de même pour l'OPJ assermenté qui pour garder son poste qu'il estime rentable, coopère mieux avec ses supérieurs. La coopération ici doit être entendu dans l'optique de « treizabilité ». l'OPJ doit savoir conjugué le verbe manger : « Je mange et nous mangeons » sinon, il perd son poste. Un OPJ compétent n'est pas celui qui transfert beaucoup de dossiers au parquet, mais plutôt celui qui sait les gérer et qui verse à l'instance supérieure les amendes transactionnelles exigées. En déférant beaucoup de dossiers sans versement, l'OPJ est traité d'incompétent.

« Parapluie nayo, inatobokaka » (le parapluie peut se trouer). Il arrive que le « souteneur » ou le « porapet » ou encore mieux la personne protectrice soit mutée. Dans ce cas, le parapluie est troué et les acteurs s'en procurent toujours dans la haute sphère de la police. Les acteurs n'ont pas seulement des protecteurs dans la police, mais aussi et surtout dans les instances judiciaires à savoir le Parquet et l'Auditorat militaire. Ils établissent même les réseaux pour mieux se protéger et « treizer ».

4.2.2. Les « réseaux protecteurs »

L' « OPJ » dans le monde de son travail judiciaire est souvent sujet de pression que nous avons appelée « trafic d'influence ». Pour s'y parer, il établit des réseaux. S'il a un dossier alléchant (ya mafuta), dossier avec provision ou dossier « treizable », il recourt à ses connaissances ou « coopérants » à l'Auditorat militaire ou au Parquet civil de telle manière que le dossier ne lui soit pas arraché ou en cas de rebondissement, il a une couverture de protection.

Pour illustrer ce propos, la restitution empirique suivante peut nous éclairer et nous édifier :

« Il est midi, un certain jeudi du mois de mars, au sous-commissariat de Police Kafubu. L'OPJ MUNGOBWAKI vient intervenir pour le cas de son frère arrêté sur base d'un mandat d'amener pour abus de confiance. L'impliqué refuse l'arrangement et sollicite le transfert du dossier au Parquet puisque les produits qu'il a reçus pour vendre ont été volés à la société Gécamines. Il se passe que l'impliqué a le désire de laisser le dossier suivre son cour normal pour que le requérant soit aussi arrêté pour « vol ». En plus, le requérant avait sollicité le mandat d'amener auprès de son cousin qui est magistrat. C'est ainsi que l'OPJ MUNGOBWAKI ayant aussi plusieurs connaissances au Parquet, sollicite son collègue instructeur de ce dossier pour qu'il le transfère et entête son jeune frère à ne pas fléchir et lui rassure de son intervention au niveau du Parquet ».

Profitant de sa présence pour nous entretenir au regard de l'objet de cette recherche, il nous dira comment il a crée les réseaux au niveau du Parquet et de l'auditorat militaire. Chaque fois qu'il a un dossier rentable comme celui de « contrefaçon », il recourt à ses connaissances au niveau des instances précitées et nous relate ce qui suit :

« Un jour, il a été saisi par monsieur KATAMBO victime d'escroquerie d'une somme estimée à 14.000 $ par un sujet camerounais en complicité avec un congolais. Accompagné de son collègue, ils ont tendu le piège à ces deux impliqués et qui a échoué. Par téléphone, le rendez-vous était fixé dans un cabinet au centre ville de Lubumbashi. Par le flair, ces deux impliqués ne s'étaient pas présentés parce qu'ils avaient pressenti le « mukwao » (le piège).

Comme ils avaient demandé à monsieur KATAMBO de leur ajouter encore 16.000 $ U.S. pour qu'ils lui fabriquent une valise des billets en devise, la victime n'a récolté que 6.000 $ qu'il n'a pu convertir en Francs Congolais. Un autre rendez-vous était relancé au carrefour pour verser 6.000 $ et il fallait ajouter 10.000 $. Le rendez-vous était de nouveau fixé au centre ville. Au lieu que le camerounais se présente, c'est le congolais qui se présenta. Il fut arrêté. La population intervint pour protester que cette arrestation était contraire au droit de l'homme puisque les policiers lui avaient braqué leurs armes. Les deux OPJ s'expliquèrent à la population qui désapprouvait l'impliqué qui fut acheminé à l'office de police. Soumis à un interrogatoire sous les coups de fouet, il cria : « Beauf, c'est vous qui me maltraitez ». MUNGOBWAKI le reconnaissant, il fallait chercher les voies et moyens pour le sauver. Il se rappela qu'une semaine avant cet événement, il avait été invité pour son mariage qui a été très pompeux. Il conclut que c'est avec l'argent escroqué que l'impliqué a organisé son mariage. L'impliqué lui donna 50 $ U.S. et appela sa femme par téléphone qui compléta 100 $. Pendant qu'il instruisait le dossier, deux réquisitions dont l'une de l'Auditorat et l'autre du parquet, tombèrent sur sa table. Il jugea opportun de contacter l'Auditeur à qui il relata tous les faits ; la réquisition avait été amenée par le magistrat militaire qui se rendit compte qu'il s'agissait des « malfaiteurs ». En connivence avec l'Auditeur, il lui transféra l'impliqué et trouva dans son office 6 avocats de la partie impliquée. Le requérant et victime eut peur, frustré par la présence de 6 toges noires, il se rétracta et préféra perdre, surtout qu'il venait d'une ville située à + 350 km de Lubumbashi et qu'il n'avait pas de soutiens. Deux jours après, l'infortuné fut appelé à l'Auditorat pour recevoir 130 $.

Ainsi, l'OPJ MUNGOBWAKI conclut-il, l' « OPJ doit avoir des parapluies au Parquet et à l'Auditorat. Lorsqu'il a un dossier plausible « ya mafuta » pour qu'il ne glisse pas de ses mains, il saisit soit le magistrat du Parquet, soit celui de l'Auditorat selon les enjeux en présence, qui lui fournit une réquisition comme couverture contre les pressions et l'arrachement du dossier. Une fois l'affaire « treizée », il donne le rapport ici, le « dix-ving-cinq » ou l'argent au magistrat intervenant ou parapluie ou encore « couverture » ou « encore mieux « protecteur ».

La réquisition sert de couverture, même si une autre venait sous l'instigation de la partie lésée, il transfert directement le dossier au magistrat « protecteur » avec qui il coopère puisqu'il sait qu'il va y trouver sa part.

Parfois, pour éviter la pression et la tracasserie de l'Auditorat qui perçoit la police comme son champ de récolte pour « treizer », il sollicite un mandat d'amener ou une réquisition auprès de son « magistrat coopérant ou protecteur ». Dans l'entre temps, il perçoit une somme colossale de plus de 1000 $ de la part de l'impliqué et se dit : « je suis OPJ frappeur dans le cadre de l'amende ». Il envoie le dossier au dit magistrat ainsi que la moitié de la somme perçue, et à ce niveau l'impliqué trouvera sa liberté.

Enfin, nous a-t-il confié :  je fais cette pratique plusieurs fois et elle est efficace pour mieux tirer le profit à travers les dossiers. Je sais conjuguer le verbe manger en partageant le butin avec les chefs du Parquet ou de l'Auditorat. Il peut même garder les détenus au-delà de 48 heures puisqu'il sait qu'il ne sera pas inquiété. »

Cette manière de procéder est une pratique courante dans le chef des OPJ. Il gèle le pouvoir du contrôle judiciaire pour mieux gérer les situations conflictuelles dans l'optique du travail judiciaire. Par leur manière de faire, les OPJ maîtrisent les autorités chargées de contrôler leurs activités. Ils affaiblissent leur pouvoir et se protègent c'est-à-dire se sécurisent. Ce qui est stratégie pour l' « OPJ », l'est aussi pour l' « APJ » s'investissant en « OPJ debout ». C'est dans ce contexte que le pouvoir du magistrat est fragilisé. Il ferme les yeux dans le cas du contrôle lorsqu'il découvre les détentions irrégulières ou qui ne cadrent pas avec la loi pénale.

4.2.3. Le « téléphone » ou « Kapraza »

Les policiers sont des « boulistes » (les stratèges). Ils utilisent leurs téléphones pour avoir des dossiers. Comme ils entrent en contact avec les justiciables ainsi que la population en général qui demande d'avoir leurs numéros téléphoniques, et les cas échéants, ils appellent l'OPJ ou l'APJ pour l'intervention. Le téléphone devient non pas seulement l'instrument mobilisant les dossiers, mais aussi sert à « treizer » dans ce sens que l'impliqué gardé à vue peut recourir au téléphone pour solliciter les siens à verser les amendes.

Il se passe que le téléphone est aussi utilisé comme instrument de pression par les supérieurs qui obligent l'OPJ à libérer immédiatement l'impliqué sans aucune forme de procès avec toutes les conséquences possibles. Parmi elles, celle-ci concorde avec les faits :

« Une autorité de la police est intervenue par téléphone pour que l'OPJ libère les siens. Obtempérant aux ordres hiérarchiques en vue de sauvegarder son poste, le requerrant de la justice a saisi l'Auditorat militaire où l' « OPJ » s'est défendu qu'il a libéré l'impliqué sous pression de son chef hiérarchique. Ce dernier ayant appris le fait qu'il considère comme mépris, a pesé de tout son poids pour que les services spéciaux de la police puissent arrêter l'OPJ concerné. Il n'a trouvé sa liberté que grâce au coup de téléphone adressé au Procureur qui verra en personne l'autorité de la police afin que l'OPJ soit relâché ».

Cette illustration montre bel et bien comment l' « OPJ » est entre le marteau et l'enclume comme nous l'avons stigmatisé dans le deuxième chapitre. A cet effet, lorsqu'il « treize », il n'est pas tranquille puisqu'il peut avoir un rebondissement du dossier pour être interpellé soit au Parquet, soit à l'Auditorat. C'est dans ce contexte qu'il est tenu d'entretenir de bonnes relations avec ses chefs hiérarchiques, les magistrats du Parquet ou de l'Auditorat pour qu'en cas de problème qu'il ne soit pas inquiété. Aussi, il est contraint de partager ou de redistribuer) avec les APJ pour éviter la « touche » ou le « kokunda » (être enterré) ici, se faire prendre la main dans le sac.

V. LA NATURE DES RELATIONS ENTRE « OPJ » ET « APJ »

Il s'agira ici de présenter les rapports de force et la « treizabilité » de deux acteurs.

5.1. LES RAPPORTS DE FORCE ENTRE LES DEUX ACTEURS

Les rapports de force sont désignés dans le cadre de cette recherche par les enjeux du pouvoir. Le terme pouvoir est employé à satiété et dans une grande variété d'acception. Très généralement, il désigne trois notions connexes qui permettent de le préciser :

- l'allocution des ressources ;

- la capacité de les employer ;

- un plan d'action de ces ressources (BOUDON R. et BOURRICAUD F. 1982 : 459)

Quelles que soient les modalités du pouvoir, son exercice est soumis à certaines conditions qui ont pour effet de limiter le champ d'action de ceux qui en disposent.

Le pouvoir peut donc être traité comme un fait social puisqu'il ne se réduit pas à la force physique, même si son emploi ou son évocation constitue une des conditions de son exercice. Il est social en ce triple sens qu'il repose sur les attentes et des stratégies, qu'il tend à la réalisation de ces objectifs communs, enfin il s'exerce selon des procédures plus ou moins explicites, les règles des jeux concurrents ou coopératifs (1992 : 464).

Le pouvoir désigne aussi la capacité ou l'influence exercée sur quelqu'un. Il implique la mobilisation des ressources qui est un préalable parfois laborieux et incertain. L'incertitude réside dans la mobilisation de ces ressources exigeant aux acteurs d'être des stratèges.

Il se définit aussi en termes d'interaction dans ce sens qu'il impose une relation asymétrique entre au moins deux acteurs. C'est la capacité qu'une personne a d'obtenir qu'une autre fasse ce qu'elle n'aurait pas fait d'elle-même et qui est conforme à ses intimations ou ses suggestions. Et dans ce cas, le pouvoir est dit légitime lorsqu'il est accepté par la personne qui le subit.

Empiriquement, l'APJ est une instance de gestion des problèmes. Il a une parcelle de pouvoir. La police devient le lieu ou l'instance ou encore mieux, le niveau de contrôle où s'exerce le pouvoir. Celui-ci est une capacité de faire quelque chose ou d'agir sur quelqu'un ou sur quelque chose. Sous cet aspect, l' « APJ » a le pouvoir de garder, d'orienter, d'influencer ou de bloquer les activités d'un « OPJ ».

A titre illustratif, nous avons parlé du cas où l'APJ a été mécontent par manque de redistribution et a fait tout pour que l' « OPJ » tombe dans le piège de l'Auditorat en influençant la partie requérante qui n'avait pas trouvé satisfaction.

Qui détient le véritable pouvoir ?

L' « APJ » dispose d'un pouvoir de « treizalité » professionnelle par rapport à son supérieur. Celui-ci gère le climat professionnel, soit il fait de bénéfice, soit il le rend moins efficace. Sur le plan institutionnel, c'est l' « OPJ » qui a le pouvoir. L' « APJ » travaille sous la supervision de celui-là qui est son chef. Mais d'une manière empirique et dans l'ombre, c'est-à-dire dans la sphère informelle, celui qui détient le « véritable » pouvoir c'est le subalterne qui est l' « APJ » puisqu'il a cette capacité de contourner le pouvoir de son chef par la non participation. C'est celui qui opère l'arrestation des impliqués et les lui achemine. Il est comparé à un chien de chasse qui peut attraper un gibier et le consommer en cachette. Ainsi, l'APJ peut bloquer les activités de l'OPJ lorsqu'il n'y trouve pas son compte.

Les enjeux du pouvoir nous permettent d'opérer une rupture épistémologique. Le pouvoir du chef ne vaut que lorsque l'exécutant ou APJ dans le cas qui nous concerne, se soumet ou participe à ce pouvoir. S'il ne participe pas, le pouvoir devient inefficace.

André AKOUN précise que :

« Le pouvoir sert à désigner l'aptitude globale d'un Agent donné à entreprendre les actions efficaces ». (1999 : 414).

Ainsi, les actions peuvent être efficaces pour l'APJ qui « treize » pour son propre compte en régulant les problèmes sur le lieu et en donnant un faux rapport à son chef. Cependant, il est inefficace pour l' « OPJ » qui se voit driblé et traite l' »APJ » d'incompétent et d'incapable.

Quelles sont les conditions de participation ou non participation au pouvoir du chef ?

C'est comme l'image d'un système où tout est lié à tout et la modification d'un élément entraîne celle de l'ensemble. Ainsi, les rôles des acteurs ne sont pas fixés définitivement, par contre, c'est leur distribution qui est définie. Cependant, le critère du choix d'attribution de tel ou tel APJ pour exécuter telle mission judiciaire, relève de l'approche « situationnelle » qui se manifeste de deux manières :

- l'efficacité d'une logique avouée : (petit de confiance qui réussit souvent lorsque les missions lui sont confiées) ;

- l'efficacité inavouée (l'OPJ choisit le plus offrant car dit-on, c'est la fin qui justifie les moyens.

C'est l'enjeu financier qui est misé. « salela ngai na lia », (travaille pour moi pour que je mange) et non que nous mangeons. « Kama chef ashikule na bantu, tutamutoka faux » (Si le chef ne redistribue pas, nous n'allons pas le servir). Les APJ ont un pouvoir, ils contournent aussi l'OPJ en s'investissant en « OPJ debout » lorsqu'ils réalisent la mission du chef sans être distribués.

La nature de relation conflictuelle dans le cas de non participation au pouvoir du chef c'est la répartition inégale du pouvoir et le manque de distribution qui font que l' « APJ » refuse de participer et s'érige en « OPJ debout ».

C'est dans cette optique que le concept d'acteur social intervient. La répartition inégale crée les conflits. Celui qui a le pouvoir a la possibilité de plus « treizer » que celui qui n'en a pas.

C'est dans cette logique que nous trouvons opportun de cerner l'interaction à double sens :

« L' « OPJ » participe au pouvoir de celui qui doit détenir. Il a besoin de l'APJ pour mieux « treizer » en arrêtant l'impliqué. Même s'il ne « treize » pas auprès de l'OPJ, il sait qu'il aura une autre mission d'avoir participé au pouvoir de son chef. Celui-ci lui rétrocède son pouvoir puisqu'il a aidé. Il laisse une part de manoeuvre à ses subalternes pour fermer les yeux au regard de leur pratique. C'est ainsi que l' « OPJ » institue l' « APJ » comme acteur social en lui donnant le pouvoir pour qu'il soit « treizé » par lui. Ce sont des interactions complexes qui n'ont de sens qu'à travers la « treizalité » du pouvoir. C'est cette complexité qui fait que l' « APJ » qui connaît ses missions, fait le contraire. Le faible effectif des policiers affaiblit le mécanisme de contrôle et l' « OPJ » agit en acteur rationnel. S'il punit sévèrement, il se prive de ses instruments de « treizalité » qui sont les « APJ ».

Le pouvoir est négociable. La manière de faire de l' « OPJ » implique la coopération ou le conflit. Celle-là évoque la participation tandis que celui-ci induit la non participation au pouvoir du chef.

La coopération est réelle lorsque l'APJ participe au pouvoir du chef et y trouve la redistribution. Le conflit devient apparent lorsque l'APJ ne participe pas au pouvoir du chef par la remise de l'argent appelée dans le jargon policier « rapport ». Et aussi lorsqu'il donne le « rapport » sans rétrocession.

La rétrocession n'est pas seulement matérielle, elle peut être aussi symbolique. Négocier la confiance du chef, la perception des frais de parking ou la treizabilité de l'espace extérieur de la police, le monnayage de la « plainte », le frais de déplacement « ya makolo » sont des rétrocessions.

Le conflit est sous-jacent de manière permanente. A un moment, il apparaît et à un autre, il disparaît. Il est permanent puisqu'il il y a répartition inégale du pouvoir. Il apparaît lorsque cette répartition ne profite pas aux acteurs (APJ) et disparaît lorsqu'ils en tirent profit.

Dans une logique de « treizalité », le pouvoir est accordé au plus offrant. Il le donne pour que l'autre puisse participer à son pouvoir (collaboration).

Quel est le sens du « rapport »

Le sens du « rapport » se dégage à l'image du chien et du chasseur. C'est le chien qui attrape le gibier pour le chasseur, et en contre partie, celui-ci lui donne les os et les détritus. C'est pourquoi les policiers disent à l' « OPJ » qui ne rétrocède pas : « mbwa ba bwakelaka ye ata mukua » (le chien, on lui jette même un os) pour le travail qu'il a effectué.

Quelles sont les limites qui permettent à l'OPJ de retirer son pouvoir à l'APJ ?

C'est lorsque son propre pouvoir est mis en jeu. Lorsque l'Agent ne coopère pas, le conflit apparaît puisqu'il ne participe pas et ne s'y retrouve pas non plus. Le conflit est une limite à la participation au pouvoir. Il crée l'instabilité économique par la non participation et la perte du pouvoir par l'abus.

Sur ce, le pouvoir devient une ressource qui se négocie même de manière implicite. C'est une autre rupture que nous opérons par la déconstruction du concept pouvoir selon lequel il vient toujours d'en haut c'est-à-dire du supérieur à l'inférieur. Le pouvoir ne vient pas seulement d'en haut, mais aussi, il peut venir d'en bas par la négociation. D'où l'interaction entre « OPJ et APJ ». C'est celui-ci qui détient le véritable pouvoir puisqu'il peut déstabiliser celui-là. Sur terrain, les APJ, refusaient d'enregistrer les plaintes, chassaient parfois les requérants. C'est le cas de refus de plainte dont nous avons abordé dans le deuxième chapitre. Par ailleurs, dépêchés sur le lieu d'arrestation, ils s'érigent en « OPJ debout », profitent pour « treizer » le dossier et rentrent donner le faux rapport au chef « il y a eu résistance ».

Quel est le sens du rapport de pouvoir négocié ?

C'est la capacité de garder le chef dans sa sphère en misant sur sa confiance. L'APJ doit être en bon terme avec son chef. La capacité de négocier avec son chef est une ressource ou un atout. Le chef peut aussi arriver à demander l'excuse à son subalterne. Sur terrain, il a été constaté que l'APJ peut donner conseil à l'OPJ de percevoir 10.000 F.C. d'amende, le chef refuse. Il s'arrange avec un magistrat qui libère l'impliqué et dit à son chef qu'ils ont perdu, or il a déjà « treizé » à son niveau.

Qui donne à l'autre le pouvoir ?

D'emblée, l'on dira que c'est l' « OPJ » qui donne son pouvoir à l'APJ. Mais, il se passe que c'est l'APJ qui donne à son chef le pouvoir et les moyens. A première vue, c'est l'Agent qui doit recevoir, mais il prend la distance, il a une part de manoeuvre. Il utilise les ressources (pouvoir) qu'il peut céder ou geler.

Il y a des situations où c'est l'Agent qui a le pouvoir et d'autres où c'est le chef qui le possède. D'où, la présence d'un pouvoir institutionnel qui se négocie de manière empirique et devient situationnel. Dans ce contexte, c'est l'acteur qui mobilise le plus de ressources qui a le pouvoir. Aussi, le manque de moyens fonctionnels et le moindre effectif policier, constituent-ils un obstacle et une limite de l'exercice du pouvoir de l' « OPJ ».

Il sied de remarquer que toute relation ne se ramène pas en effet à un jeu à somme nulle, dans lequel tout gain de l'OPJ entraîne une perte équivalente de l' « APJ », une coordination d'activité peut aussi fonctionner en étant fondée sur des rapports de pouvoir, inférer des avantages affectifs, quoi que différencié, à l'ensemble des participants. Ainsi, le pouvoir d'un homme consiste dans ses moyens présents d'obtenir quelques biens apparents futur (AKOUN A. et al., 1999 : 414)

L' « APJ » est une instance des gestions des problèmes. Il a une parcelle de pouvoir. Il a la capacité de créer les relations pour mobiliser le pouvoir. C'est dans ce cadre qu'il peut orienter, influencer ou bloquer les activités de l'OPJ s'il n'y trouve pas son compte. « Nakokunda ye, tamubambisha touche ». (je vais l'enterrer, je veux influencer pour qu'il soit surpris la main dans le sac). Il a le pouvoir de nuire.

L'idée de « treizalité » du pouvoir ne date pas d'aujourd'hui, elle a ses racines plongées dans la nuit du temps. Le « mulambu » offert au chef après une chasse fructueuse est une illustration indicative de la « treizalité ». Lorsque l' « OPJ » envoie un policier pour « treizer », celui-ci lui apporte le « mulambu ». Cette idée de « treizalité » a été développée aussi par Raoul KIENGEKIENGE dans sa thèse, il évoque le pouvoir ou l'autorité traditionnelle et le pouvoir européen (2005 : 687).

C'est le chef qui est censé détenir le pouvoir et par conséquent, il reçoit le « mulambu ». Ce sont les « APJ » qui lui donnent ce pouvoir puisqu'ils disposent des moyens et des ressources. Ce sont eux qui arrêtent et acheminent les gibiers à l' « OPJ » à titre de « mulambu » et par conséquent, celui-ci ne redistribue pas, d'où conflit induisant la pratique de l' « OPJ debout ».

Le pouvoir est un capital et cela à tous les niveaux. Lorsque les associés ne jouissent pas de ce pouvoir, c'est le conflit. Le pouvoir de l'Etat est objet de « treizalité » et il est reparti d'une manière inégale. Les acteurs s'instituent et s'investissent en « Etat ».

Sur ce, que doit être le critère d'exercice du pouvoir ?

Pour le moment, c'est la « treizalité » du pouvoir et la négociation qui s'en suit constituent la « mal-gouvernance » puisque le pouvoir n'est pas bien exercé. Pour la « bonne gouvernance », c'est la justice sociale impliquant la redistribution équitable selon les ressources de chacun.

Le pouvoir rapporte, puisqu'il est toujours un capital. Pour qu'il ne provoque pas de conflits, le bénéfice du pouvoir doit être réparti selon le pouvoir ou les ressources de chacun, selon son degré de participation. S'il n'y a pas cette justice redistributive, c'est la mal gouvernance qui s'installe ». La justice redistributive était d'usage dans l'ancien temps de l'Afrique des empires et des royaumes. En effet, le chef redistribuait aux chefs de clan.

Nous alignant dans une posture constructiviste, le concept de « mal gouvernance » et celui de « bonne gouvernance » sont critiquables puisque porteurs de jugement de valeur. Ce sont des concepts préalablement construits, connotés, négatifs. En lieu et leur place, nous les substituons respectivement par l' « injuste gouvernance » et « juste gouvernance » qui sont des concepts neutres traduisant l'idée de justice.

A cet effet, « la juste gouvernance » implique la répartition qui accorde des bénéfices aux associés et par contre, le chef reçoit aussi la confiance et le pouvoir. C'est la « nouvelle philosophie » que nous préconisons. Elle repose sur la « Participation, répartition, redistribution et treizalité du pouvoir ». Cela ne vaut pas seulement sur les policiers et les fonctionnaires de l'Etat, mais aussi pour les gouvernants et les gouvernés.

A cet effet, lorsqu'il n'y a pas une « juste » justice du pouvoir, ce fait engendre la « treizalité » des Agents de l'Etat. Puisque le chef domine, il doit recevoir. Or c'est à lui de distribuer. Par ailleurs, la non distribution peut induire la désintégration, la désolidarisation et la non coopération. Ce sont les individus qui se désintègrent puisque leur pouvoir n'est pas connu, ils prennent une distance vis-à-vis du « système » et le pouvoir se complexifie. Il s'affaiblit, dysfonctionne et se fragilise.

L'individu évolue comme un acteur social. Il évolue selon son point de vue situationnel dans un dynamisme impliquant les enjeux en présence. L'acteur évolue dans l'informel qui alimente le système. Il y a des situations où l'agent participe et des cas où il ne participe pas. Ce sont des relations qui se désintègrent suite aux conflits. Le système dans son ensemble résiste puisque l' « APJ » tient à ce que le système continue puisqu'il y tire profit. C'est la pratique informelle qui fait vivre la majorité des congolais.

Ainsi, les concepts de désintégrations et du système ne sont pas pertinents. C'est pourquoi, nous avons mis en jachère l'acteur social et le système de CROIZIER M. et de FRIEDBERG E. (1977).

Ces auteurs ne considèrent pas un acteur comme sujet porteur de point de vue. C'est dans ce cas que nous avons ciblé l'acteur social dans l'optique de DEBUYST C. (1990 : 25-26). L'acteur n'est pas un sujet soumis, mais porteur de point de vue sur lequel il s'appuie pour coopérer ou non. Sous cette posture, l'acteur est situationnel et dynamique.

La répartition de pouvoir et des ressources étant inégale, cette inégalité est comblée par l'idée de distribution. La démocratie doit être fondée sur l'idée de répartition, distribution et coopération. Le point de départ repose sur le pouvoir qui doit être distribué.

La présente recherche est une critique de la notion de liberté selon laquelle le citoyen est un sujet libre qui doit céder son pouvoir au chef. Dans cette logique « positiviste », le citoyen est un sujet de qui le chef attend la soumission. Le citoyen est un sujet soumis et non un acteur social. Son degré de participation est d'argumenter et d'enrichir le pouvoir de l'autre.

Notre démarche étant constructiviste, elle repose sur la visée critique. Pour nous, le citoyen est un acteur social qui a son point de vue, ses normes de conduite, son histoire, son désir de reconnaissance, ses interelations qu'il développe dans la société, ses projets et son expérience. La participation au pouvoir, c'est la distribution. Le pouvoir est en rapport avec l'organisation et non avec le système. La première ressource c'est le territoire ou le sol. Ainsi donc, celui qui a le pouvoir ne doit pas attendre que le citoyen lui donne. Par contre, c'est lui qui est habilité à donner. Le citoyen n'est pas un sujet soumis, mais au contraire un acteur social. Sous cet angle, il est une instance du pouvoir, il exploite et donne au chef. Si celui-ci ne redistribue pas, il agit dans l'informel pour le contourner. C'est le cas de la pratique de l' « OPJ debout ». C'est la manière dont l' OPJ gère les APJ qui induit cette pratique. D'où le principe c'est la redistribution et non l'égalité du citoyen puisque le pouvoir est un capital qui s'exerce sur le sol.

Il va de soi que si le chef ne redistribue pas, il ne reçoit pas la participation. C'est celui d'en haut ou le chef hiérarchique qui doit distribuer sur base de critère des ressources ou pouvoir de chacun et en contre partie, il reçoit la participation. Dans le cas contraire, c'est le conflit qui s'actualise. Dans ce cas, l'acteur ne participe pas, il reprend le pouvoir. Il se décolonise, se désaliène et cesse d'être soumis et s'investit de son pouvoir. C'est dans ce contexte que les Agents de l'Etat « treizent » et s'investissent en « Etat » puisqu'ils ont leur point de vue et doivent vivre.

Ce qui précède illustre l'explication de l'acteur social. La condition de non participation, c'est la non distribution. La participation est conditionnée par la distribution. La non distribution est un obstacle à la participation et induit la rupture qui fait que ceux d'en haut deviennent sujets. C'est la quête de la citoyenneté par rapport à l'Etat. C'est la décolonisation et la recherche de l'identité, pourquoi pas de l'indépendance et de la sécurité de soi et de sa famille.

Comment un congolais touche moins de 100 $ U.S. ou un policier qui perçoit une prime de 30 $ comme salaire mensuel continuent à vivre ?

L'Etat qui opère par une injuste gouvernance dans la distribution et redistribution, fait que le citoyen agit en acteur social, s'autodétermine, se décolonise et s'investit en « Etat » pour se rétribuer par différentes « treizalités » dont il a le pouvoir en agissant dans l'ombre. Le citoyen vit au taux du jour et recourt aux pratiques informelles pour y tirer si pas non para-salaire, néanmoins ses différentes subsides pour vivre et répondre à ses projets. C'est l'informel qui fait fonctionner le formel et c'est de cette manière que les organisations et les institutions fonctionnent.

Empiriquement, la démocratie doit reposer sur la distribution et la participation. C'est la personne qui a le pouvoir important qui doit distribuer. Dans le cas contraire, les agents récupèrent le pouvoir. L'agir humain n'est pas commandé par les idées claires et distinctes. Pour nous, c'est la recherche de la régulation sociale qui s'impose. La régulation sociale a comme fondement l'harmonie sociale, la bonne entente communautaire. C'est dans cette perspective que nous considérons la pratique de l' « OPJ debout » dans son aspect regulatoire non réglementaire qui passe pour l'essentiel de la pratique puisque reposant sur l'arrangement à l'amiable visant l'harmonie communautaire.

Agir contrairement aux idées claires et distinctes, l'on devient irrationnel. C'est comme la loi, perçue comme norme de conduite claire et distincte, elle est rationnelle. Pourtant, par rapport à nous, la loi n'a pas cette connotation puisqu'elle peut diviser. A titre illustratif, une femme qui porte plaine contre son mari pour coups et blessures. Détenir son mari revient à briser l'union. C'est pourquoi l'OPJ procède par le conseil et oblige le mari de soigner sa femme et de lui payer le pagne, c'est la réparation et verse l'argent à l'OPJ pour le service rendu. C'est l'essentiel de la justice : créer l'harmonie et non diviser au nom de la loi. C'est celle-ci qui devient irrationnelle par rapport à la pratique. En plus, la loi des « autres » n'est pas contextualisée ni adaptée, c'est pourquoi elle est transformée et réadaptée selon le contexte et les enjeux des acteurs.

Par ailleurs, la régulation sociale était autrefois appelée « palabre ». Elle procédait par la négociation et l'arrangement à l'amiable ainsi que la médiation. A l'arrivée de l'Européen, il nous a imposé sa loi pour reléguer la nôtre. Ainsi reléguée, il l'appelait le « droit barbare » qui procède de manière irrationnelle. Pour l'Européen la « palabre » était le droit du non civilisé parce qu'elle privilégiait la réconciliation à la répression. Mais aujourd'hui, le droit non civilisé est récupéré par l'Européen. C'est la tendance actuelle en Europe, la médiation est entrain de surgir, d'émerger et de se cristalliser.

Pouvons-nous dire que l'Etat est dysfonctionnel par rapport à la mission de l'institution ?

L'Etat ne dysfonctionne pas, il est entrain de se faire c'est-à-dire de se construire. L'analyse empirique de l'informel nous renvoie à la subjectivité du sujet avec l'idée de participation et de distribution.

Au regard de l'informel, POULET Isabelle écrit ce qui suit :

«  Le formel est ce qui est voulu et décidé par les « décideurs » autorisés. Tout ce qui ne correspond pas à cette représentation tombe dans l'informel qui ne peut être qu'un adversaire à combattre, à contrôler, à récupérer ou à ignorer. Il inquiète ou intéresse pour autant qu'il mette en cause la légitimité et l'autorité ou lui permette de les restaurer. Sinon on l'ignore, il n'a même pas d'existence. » (1999 : 176)

Ce qui nous intéresse dans cette citation c'est le fait que l'informel peut être récupéré dans le formel puisqu'il permet de restaurer l'autorité et la légitimité. Il inquiète aussi par la non distribution et la non participation qui peuvent mettre en cause la légitimité et l'autorité. L'auteur va loin pour dire qu'il peut être ignoré, voire même inexistant. Pour nous, les deux sphères se tiennent la main. L'une ne peut exister sans l'autre. L'informel irrigue le formel. Celui-ci est un construit perçu comme un idéal et qui demande aux sujets de s'y soumettre. Or les sujets sont des acteurs, ils discernent et adaptent ces règles formelles. Si l'on ignore l'informel, il est omniprésent parce qu'il se pratique dans l'ombre.

De ce qui précède, il y a lieu de stigmatiser que la norme juridique qui est la loi des autres, n'est qu'un aspect des normes. Sous cette perspective, la norme juridique n'est qu'une norme parmi tant d'autres. En plus, l'absence d'une loi, n'est pas un vide juridique. A titre de rappel, nous l'avons énoncé dans l'introduction et montré dans le deuxième et troisième chapitre qu'il n'y a pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs aussi en produisent. Ils articulent les normes réglementaires (officielles) et les normes sociales ou religieuses.

A ce titre, l'objet d'étude fourni par le droit est-il réel ?

S'il est vrai, il doit être questionné dans sa réalité. A ce sujet, la notion du mariage et de l'adultère peut nous édifier et nous inviter à leur redéfinition au regard de données empiriques qui présentent le sens et les représentations des acteurs. C'est à ce sujet que nous disons que la criminologie améliore le Droit pénal par sa façon de procéder. D'où la lumière du soleil sur la justice pénale. La criminologie devient une lampe qui éclaire le droit et elle est à son service.

Contrairement à la loi « des autres », et à celle qui a été façonnée en imitant celle des autres (le code de la famille) sans miser sur la pratique et les sens qu'en donnent les acteurs, il ressort du terrain ce qui suit :

« La cohabitation entre l'homme et la femme pendant au moins 6 mois et surtout que de cette union découle un enfant, cela suffit pour justifier le mariage. Souvent, lors de l'audition, on pose la question suivante : êtes-vous marié ? Oui alors comment : « tuneshakuzala naye mutoto » (J'ai déjà un enfant avec lui). C'est mon mari.

Le mariage civil est coûteux et l'ignorance des conjoints au regard de la loi des « autres » font que les acteurs recourent soit au « cycle long », soit au « cycle court ».

Le cycle court est une pratique qui consiste à enceinter une femme pour cohabiter avec elle sans préalablement verser la dot. « Les propos comme ceux-ci tombent à point : « Ni bwana yangu »(C'est mon mari)

« Anesha kupeleka mali ? (A-t-il déjà versé la dot ?)

« Hapana, nakawa naye sana, na bantu bote bana yuwa » (Non, je cohabite avec lui, il y a longtemps et tout le monde sait que c'est mon mari). Il s'est déjà présenté dans ma famille.

Pour cette catégorie, l'union des faits est une justification de légitimation du mariage. Il arrive aussi que le conjoint verse la pré-dot.

Pour cette première catégorie, cette union de fait peut amener le conjoint à se plaindre pour l'adultère : « Ni bwana yangu, minesha kuzala naye batoto, kama ninamubamba na mwana muke, ni makoji » (c'est mon mari, j'ai enfanté avec lui et a déjà prédoté, si je le trouve avec une autre femme, c'est l'adultère). Il en est de même pour l'homme qui vit avec une femme dans l'union de faits, il peut se plaindre pour l'adultère en cas de flagrance de relation sexuelle avec un autre homme..

La deuxième catégorie est le cycle long qui nécessite le versement de la dot sans que le mariage ne soit enregistré à l'Etat civil. Pour les conjoints, le mariage est valable.

La polygamie est prohibée par la loi des « autres » alors que la pratique nous renseigne le contraire.

L'adultère oblige que le conjoint lésé est seul habilité à se plaindre, mais en pratique, même les membres de la famille le font à la place du conjoint.

Quelle est l'attitude de l'OPJ ?

Il mobilise d'abord le cadre juridique pour fixer les faits. Et ensuite, recourt aux normes sociales, religieuses et culturelles pour réguler les faits.

Concernant l'adultère, il peut demander au mari de payer un pagne à sa femme offensée. Il arrive que le mari insiste pour que les deux femmes soient siennes pour le bien-être de sa progéniture. Il s'arrange avec la première en lui payant pour qu'elle reconnaisse sa rivale. Ainsi, la deuxième femme cesse d'être « Da mwizi » (Soeur voleuse du mari) pour s'ériger en coépouse. D'où la prohibition de la polygamie est une fiction.

Dans la pratique, un seul soupçon suffit d'détablir la culpabilité d'adultère et souvent, au lieu de porter plainte, la « Da mwizi » est copieusement rossée et porte plainte pour « victime » d'administration des coups. Et il arrive fréquemment que le mari s'arrange avec l'OPJ et les deux « femmes » pour que le dossier soit clôturé à la Police ».

Cette longue illustration empirique montre la notion du mariage et d'adultère telle que perçue et régulée par les acteurs. La notion comme la régulation sont adaptées selon le contexte des acteurs.

Ainsi, les raisons de la transgression ne sont-elles pas celles de la désignation. Celle-ci résulte d'un rapport de forces entre ceux qui cherchent à apposer l'étiquette de déviant et les ressources de résistance de celui qui risque d'en être objet (ROBERT P., 2005 : 71)

La femme qui se rend justice en tapant copieusement la voleuse de son mari, la police lui colle l'étiquette de déviante pour coups et blessure et y oppose une résistance en légitimant son acte. Comment et pourquoi peut-elle être incriminée par la voleuse de son mari, elle qui s'estime victime du vol ?

Dans l'application de la loi, l'APJ et l'OPJ, misent sur les enjeux des impliqués, apprécient et agissent en conséquence.

5.2. LA « TREIZALITÉ »

Elle est un concept thématique tiré du jargon policier appelé code de dix sous la dénomination « dix-treize ». Cette dénomination produit le verbe « treizer » qui veut dire capitaliser et la « treizalité » ou la « treizalisation » quant à elles désignent la capitalisation.

Sur terrain, nous avons pu découvrir deux types et six formes de « treizalité ». Par ailleurs, nous avons aussi voulu savoir le degré de treizalité entre acteurs et aussi au niveau de différentes polices.

5.2.1. Les « types de treizalité »

5.2.1.1. La « treizalité » horizontale 

La « treizalité » horizontale est celle qui s'opère à chaque niveau hiérarchique. Chaque niveau hiérarchique est une instance de « treizalité ».

1° La « treizalité » de l'APJ,  

· « Mbongo ya plainte »

Il s'agit des frais de « plainte ». Celle-ci est objet de monnayage comme nous l'avons indiqué dans le deuxième chapitre. Le « client » qui se présente à l'office de la police sans verser 2000 FC de « plainte » équivalant à 4$ est une personne non recevable. Toutefois, selon les circonstances du moment, les policiers parfois enregistrent la plainte sans la « treizer », c'est-à-dire elle est enregistrée à titre gratuit conformément à la loi. Ceci pour dire que « ya plainte » est une perception sans base « légale ». C'est une « déviance » fonctionnelle. Il en est de même de « ya makolo ».

· « Ya makolo »

Il désigne le frais de déplacement. Il est perçu à titre de « ya makolo » (les jambes) de policiers qui doivent se déplacer pour déposer la convocation ou opérer le « mukwao » (arrestation) de l'auteur impliqué.

· « Droit de visite »

Pour visiter la personne en détention, il faut payer 500 FC en vue de causer avec lui. Il en est de même pour lui donner sa nourriture. Celle-ci est aussi monnayée, sinon la personne détenue est privée de la nourriture lui amenée par les siens. Cependant, les policiers négocient le frais de visite et parfois, ils n'exigent rien.

· « Ya Parking »

L'espace de la police est « treizable ». Les différents véhicules de privés ou particuliers sont parkés à la police pour le gardiennage nocturne dans le cadre de la sécurité et le matin, les conducteurs les récupèrent. Le parking est payable et le frais s'élève à 500 FC ou 1 $ par véhicule et au cours d'une nuit.

· « Les relations publiques »

La police est un service d'intérêt public. Pendant la journée ou pendant la nuit, les policiers entrent en contact avec la population. Ils en profitent pour la « treizer » en demandant l'argent pour la bière, la cigarette, le café, le transport... En réalité, cet argent « treizé » sert à la survie. Selon eux, ils ne sont pas de mendiants, ils perçoivent de la population de l'argent sous forme de relations publiques puisqu'ils sont gardiens de cette population qu'ils sont censés protéger.

· « Ya détachement »

Certains policiers sont détachés chez les particuliers avec l'avale de leurs supérieurs et perçoivent leur dû à la fin du mois. Le détachement est aussi objet de treizalité puisque pour être détaché, il faut savoir conjuguer le verbe manger au présent à la fois à la première personne du singulier et du pluriel. C'est le commandant détachant qui perçoit une somme supérieure qu'à celle du détaché. En plus, celui-ci doit faire le rapport à celui-là malgré sa part perçue par le requérrant du service ou le gardé.

· « Le millième »

A titre de rappel, le millième traduit les relations sexuelles. Au lieu que la femme ou la fille impliquée donne le « dix-vingt-cinq » l'argent aux policiers, un d'entre eux peut solliciter de coucher avec elle. Au moment du partage, il lui sera retenu une somme d'argent du profit des autres puisqu'il a déjà bénéficié du millième au détriment de l'équipe.

· « Le disappro »

C'est la fouille systématique d'une personne trouvée suspecte. Il s'agit de la reverser les jambres en l'air et la tête en bas pour que les contenus passent dans les poches des policiers ; La personne qui a de la chance, les policiers lui demandent de partager l'argent qu'elle possède. Parfois, les policiers prennent le ¾, ou la moitié. Certians se fient à la personne qui leur donne selon sa volonté.

· Les « milambu »

C'est l'ensemble des frais que les policiers perçoivent au regard de leurs différentes interventions. C'est dans ce contexte qu'ils perçoivent le frais après l'arrangement à l'amiable, le « tshitshani » ou le « twishane » (comme d'habitude qu'on en termine ici au lieu d'aller à l'office de police). C'est le phénomène « coops » ou coopération qui traduit la solidarité entre policiers et les concernés.

2° La « treizalité de l'OPJ »

· Frais d'instruction du dossier

Ce sont les différentes perceptions qui rentrent dans le cadre de l'instruction du dossier. C'est par exemple l'argent demandé au requérant de la justice pour l'achat des papiers, bics, l'instruction ou l'audition écrite...

· Frais de « parking »

Nous l'avons déjà évoqué en parlant de l'APJ qui « treize » l'espace extérieur. L'OPJ perçoit l'argent du parking sous forme de rapport par l'APJ gardien.

· Frais de transfert du dossier au Parquet

L'administration de la justice n'est pas gratuite, elle exige des frais. Pour transférer le dossier au Parquet, il faut le frais de transport et les photocopies du dossier en six exemplaires. Les frais peuvent s'élever à 5.000 FC, soit 10 $ U.S. que l'OPJ demande en lieu et place de 2000 FC comme dépenses à effectuer.

· Frais de retrait de plainte ou de désistement

Lorsque le requérant se ressaisit et désiste sur sa propre volonté ou sous l'influence de l'impliqué qui lui demande pardon, il doit désister par écrit et payer pas moins de 5.000 FC.

· Retrait de 10% sur toute somme perçue

Tout dossier impliquant la remise de l'argent à l'impliqué ou à l'auteur, l'OPJ retient pour sa part 10%. C'est le cas de dommage et intérêt élevé à 100.000 FC, L'OPJ a droit à 10.000 FC

· Appropriation des biens saisis

Lorsque les biens sont saisis à titre de gage, l'OPJ oblige au concerné de dresser un acte de reconnaissance en fixant un délai pour le retrait et dans le cas contraire, les biens seront mis en vente aux enchères ou déférés au Parquet. Si le concerné ne s'exécute pas au temps convenu, l'OPJ se l'approprie au lieu de les transférer au Parquet ou de les vendre aux enchères.

· Amende transactionnelle

C'est l'ensemble des frais que l'OPJ perçoit pour mettre fin à la poursuite judiciaire de l'impliqué. L'amende transactionnelle se fait en nature ou en espèce. Elle est parfois relationnisée comme pour dire : le maïs grillé peut germer. L'OPJ mise sur le gain futur.

5.2.1.2. La « treizalité » verticale

C'est celle qui s'opère par les instances supérieures sur les instances inférieures. Celles-ci constituent l'instrumenta de « treizalité » de celles-là. Les supérieurs polarisent les subalternes. Elle se fait sous forme de rapport que les subalternes donnent aux supérieurs. C'est une chaîne de « treizaltié ». Le chef de poste « treize » les policiers qui constituent son équipe. A son tour, il est « treizé » par l'OPJ sous forme de rapport. L'OPJ est aussi un vassal du commandant sous commissariat qui se voit aussi treizé par le commadnant compagnie jusqu'à la sommité de la police. Dans le cas contraire, on perd son poste au profit du plus offrant.

5.2.2. Les formes de « treizalités »

5.2.2.1. « La treizalité du pouvoir »

C'est elle dont nous avons largement exploité en parlant du pouvoir. L'OPJ comme l'APJ sont des instances du pouvoir. Ils « treizent » le pouvoir de l'Etat pour s'instituer en lui. C'est dans ce cadre que les deux acteurs s'érigent en « magistrat », « juge », « législateur » et incarnent même la police en tant qu'institution. Il s'agit de voir les policiers en tenue, l'on voit directement la police ou l'Etat.

5.2.2.2. « La treizalité financière »

Est celle qui concerne l'argent. Elle est aussi appelée la « treizalité » économique. La treizalité horizontale et verticale traduisent celle dite financière ou économique. C'est comme l'amende transactionnelle, le « ya makolo », les frais de plainte, d'instruction...

5.2.2.3. « La treizalité relationnelle »

Les relations sont aussi objet de treizalité. Au lieu de treizer financièrement, l'OPJ parfois renvoie l'avantage qu'il peut se procurer immédiatement, en les reléguant dans le futur. C'est ce que nous avons illustré dans l'introduction par l'adage « mebele makange, amenanga » (les maïs grillés peuvent germer, c'est-à-dire, l'on profite des relations qui peuvent payer dans l'avenir sous forme de service ou autres avantages. C'est dans ce contexte que lorsqu'un policier entre dans un bar pour consommer une bière, il peut en sortir ivre suite aux offres émanant des personnes qu'il a aidées. Cette treizalité se fonde sur les affinités, les amitiés ou connaissances.

5.2.2.4. « La treizalité tribale ou ethnique »

Elle est fondée sur l'appartenance tribale ou ethnique. Au nom de l'ethnie, l'OPJ peut refuser de percevoir l'argent. C'est dans ce sens que l'on dit « Kupite umo, lume lubapu » (si quelqu'un passe devant dans un sentier, il élimine la rosé. Ceci traduit que lorsqu'un des siens occupe une place de choix et ici l'OPJ est une instance de pouvoir, il peut faciliter la tâche aux siens. Dans le cadre de l'OPJ, il libère sans caution. C'est la « trezalité » culturelle.

5.2.2.5. « La treizalié du poste ou détachement »

Elle concerne le poste, la fonction ou le service. Pour les conserver, il faut les « treizer ». C'est dans ce cadre que l'OPJ donne le rapport à son chef hiérarchique pour conserver son poste ou sa fonction. C'est dans ce sens que nous avons parlé de savoir bien conjuguer le verbe manger puisque le poste est « treizable ».

La « treizalité » du poste implique la puissance et le prestige. A ce propos, cette citation de Wright MILLS sous la plume de VAN CAMPENOUDT L. tombe à point :

« l'élite, ce n'est pas simplement les hommes les plus favorisés, car ils ne pourraient pas « être favorisés » sans les postes qu'ils occupent au sein de grandes institutions. En effet, ces institutions sont les bases nécessaires du pouvoir, de la richesse et du prestige, et en même temps les moyens principaux d'exercer le pouvoir d'acquérir et de conserver la richesse et d'obtenir le haut degré de prestige que l'on revendique.

... Les puissants sont évidemment ceux qui peuvent réaliser leur volonté même si d'autres s'y opposent. Les policiers et les hauts fonctionnaires disposent de ce pouvoir institutionnel...

Les membres de l'élite du pouvoir sont célébrés à causes des postes qu'ils occupent et des décisions qu'ils peuvent prendre. Ils sont des célébrités parce qu'ils ont le prestige et ont le prestige parce que le public pense qu'ils sont puissants ou riches » (2001 : 213-214).

En effet, le poste est « treizable » puisqu'il procure l'argent et le prestige. L'OPJ s'estime puissant puisqu'il a le pouvoir d'arrêter et de libérer. Pour montrer sa puissance et son prestige, il peut arrêter et libérer parfois sans « treizer ».

5.2.2.6.  « La treizalité sexuelle »

Le sexe est aussi treizable. Nous l'avons stigmatisé lorsque nous avons évoqué le « commerce sexuel » entre les policiers et certaines femmes impliquées et surtout les femmes nocturnes appelées « Da mwizi » (voleuses de maris) qui appréhendées pendant la nuit pour « vagabondage sexuel », étaient arrêtées et libérées. Le « commerce sexuel s'érige en « caution » ou amende transactionnelle. Et par conséquent les bénéficiaires du « millième » se voyaient réduire sa part lors du partage des recettes perçues.

Il en est de même concernant certaines détenues qui acceptaient où initiaient le « millième » dans le cadre d'obtention de la libération. Si l'initiative vient du policier, c'est la treizalité du millième. Par contre si elle vient de la concernée, c'est la « caution » ou l'amende transactionnelle.

5.2.3. Le « degré de treizalité »

C'est le supérieur qui a plus la possibilité de « treizer » que le subalterne. Celui-ci est un instrument de « treizalité » de celui-là. La « treizalité » se fait sous forme de « rapport » qui est la remise de l'argent qu'un subalterne donne à son supérieur. Le rapport va de l' « APJ » jusqu'à l'échelon supérieur.

Toutefois, il y a lieu de renseigner qu'il arrive occasionnellement que le subalterne trouve une possibilité offerte pour « treizer » plus que le supérieur. Il peut par opportunité récupérer pour soi les butins abandonnés par les « délinquants » «nazui libaku » (j'ai eu la chance). Grâce au butin, selon son point de vue, il réalise ses différents projets. Le gain dépend de la maîtrise de la treizalisation selon les « boules » et les « manoeuvres » de chaque policier. C'est celui qui a plus des boules et qui mobilise plus des manoeuvres qui tire profit.

Aussi, la police des mines et celle de la circulation routière, offrent beaucoup de possibilité de « treizalité ». Empiriquement, il a été constaté que quelques policiers ont dû quitter le sous-commissariat de Police Kafubu pour ces deux polices spécialisées sans l'avale de l'autorité hiérarchique. Il suffisait de « treizer » le S.1. (le chargé du personnel de la police concernée pour que l'Agent soit utilisé). Par contre, les policiers de ces deux polices spécialisées, résistent lorsque le transfert leur est proposé. Cela montre le degré supérieur de « treizalité ».

VI. LA RECHERCHE DES LOGIQUES, DES SENS ET DES REPRESENTANTIONS

La logique renvoie au raisonnement qui guide la pratique ou l'action des acteurs. Le sens rentre dans le champ sémantique pour déceler les différentes significations de leurs actions selon leurs propres sens. Les représentations reflètent l'image mentale des faits.

6.1. LES LOGIQUES

La pratique de l' « OPJ debout » est sous-tendue par la logique qui s'inscrit dans le contexte de précarité. Celle-ci induit la « treizalité ». Le pouvoir étant inégalement reparti, le manque de distribution est un frein à la participation et ipso facto, amène le participant à retirer son pouvoir pour l'utiliser à ses propres fins en s'instituant en « OPJ ».

Pour mieux « treizer » l'APJ vise à tout prix à négocier. Il s'érige en « diplomate » pour persuader les deux parties à trouver un terrain d'entente. L'arrangement à l'amiable par la conciliation ou la médiation (intervention d'une personne influente) est un préalable pour la « treizalité ».

L' « OPJ » quant à lui, inverse le principe selon lequel, le pénal tient le « un-quatre » (civil) en état. Pour lui, c'est ce dernier qui tient le pénal en état. Il règle d'abord le problème de réparation pour clôturer la répression par la sanction qu'est l'amende transactionnelle. C'est la logique liée à la « treizalité ». La pratique est un mécanisme de survie guidée par la logique de conciliation que de répression.

La pratique s'inscrit aussi dans une logique militaire. La police est militarisée. Les policiers sont des « mibali » (hommes) ici c'est le sens de capacité et d'autodétermination. L'APJ se décolonise de l'OPJ, lui retire son pouvoir, recherche son indépendance et sa sécurité alimentaire pour se prendre soi-même à charge. Cette pratique a commencé avec la gendarmerie comme force de police. Il suffit de retourner en arrière pour revivre le contexte historique et s'en rendre compte.

6.2. LE CHAMP SÉMANTIQUE

Il y a plusieurs concepts thématiques qui ont été largement exploités et leurs sens décortiqués. Si nous les reprenons ici, c'est pour décision récapitulative. D'avoir été bien fignolés, certains n'apparaîtront pas ici.

6.2.1. «  La pratique de l'  OPJ debout »

L'initiative de régulation sociale peut émaner du policier ou des impliqués et parfois de la population. Si elle est l'oeuvre du policier c'est la « treizalité normale » ou « treize normal ». Au cas où c'est la population ou les concernés qui initient l'arrangement du conflit par l'intermédiaire du policier c'est la maîtrise de la régulation sociale. C'est ce que Norbert LUPITSHI nomme de capitalisation et du gel de contrôle policier. (2006 : 48) Pour nous, c'est la fragilisation du pouvoir policier par la population.

L'argent issu de la « treizalité » est le « mulambu » (cadeau donné au chef) ; Ici, il s'agit de récompense à titre de service rendu.

6.2.2. « Le  mabuso »

Il désigne le cachot et a plusieurs significations empiriques.

· « Le  kota okola »

C'est un concept lingala qui veut dire entrer et grandir. Le « Kota okola » est un dérivatif de « kota koli » qui est un centre d'instruction des commandos. Il est situé dans la province de l'Equateur en République Démocratique du Congo. La formation y étant solide, rude et difficile, elle implique une certaine abnégation et un effort personnel puisqu'elle met l'accent sur l'entraînement physique. Le cachot devient « kota okola » par la souffrance qu'il impose.

· « Le  Lubwaku »

Vient du verbe lingala « Kobwaka » qui veut dire jeter. L'impliqué est un sujet de rejet. Il est exclut. L'exclusion entraîne la marginalité. « Lubwaku » a le sens d'exclusion ou rejet de l'impliqué par la société. Il répond à la logique exclusiviste et isolationniste.

· « L'Amigo »

Le cachot ici signifie ami. La société a rejeté l'impliqué, néanmoins le cachot devient son ami puisqu'il l'accueille.

· « L' Hôtel »

Le cachot désigne aussi un hôtel sans lit ni restaurant. Pour en sortir, il faut payer les frais. C'est ici que le principe d'archimède est employé : « unesha kwangukiya mu mayi, autatoka wakukauka » (vous êtes plongé dans l'eau et par conséquent vous êtes mouillé) un corps plongé dans l'eau remonte verticalement sur la surface. Ce principe traduit le payement d'amende puisque l'acte est déjà consommé. Dans ce contexte, l'amende traduit le frais de l'hôtel qui a hébergé le concerné pendant son séjour à la police.

· « La  faculté sans professeur »

Le cachot est comparable à une faculté sans enseignants. C'est l'autodidactie. Le cachot en soit suffit pour que l'individu se corrige de lui-même. La faculté sans professeur traduit le même sens que « kota okola ». C'est un lieu de correction et de réflexion personnelle : lieu d'automéditation.

· « La  maison de passage »

« Mu cachot amubakiyake ngozi ya muntu » (dans l'Amigo, il n'y reste pas la peau humaine). Elle traduit la courte durée de détention. En plus, elle sert de lieu de passage vers le Parquet. « Yangu mambo aiweze kuichiya apa, mwitusambishe, mwitutume ku ngazi la dju » (Mon problème ne peut pas se clôturer à la police, jugez-nous et vous nous transferez aux instances supérieures).

· « Nyumba yetu »

Pour certains, le cachot devient leur maison « tunakuya mu nyumba yetu tupumuzike, tutatoka paka, na atuwezi kwenda ku Parquet (Nous venons dans notre maison pour nous reposer, nous finirons toujours par en sortir et nous ne pouvons pas aller au Parquet). Le cachot, au moment où il est une souffrance pour certains, il constitue un lieu de vie et des repos pour les autres. Il s'agit des habitués de l'amigo. C'est le cas des enfants de rue et dans la rue.

· « Jangwa »

Le « jangwa » traduit le désert, un lieu dépourvu de vie. C'est l'image de la mort. Le « Jangwa » c'est le cachot. Lorsque l'individu y est gardé à vue, il est dépourvu de tout. Tous les besoins lui sont privés, voire même élémentaires. Il faut démander la permission pour les satisfaire.

· « Gereza »

C'est le synonyme de l'enfer. Le cachot est un enfer. Le « gereza » traduit l'acception de souffrance que le cachot fait subir aux internés.

6.2.3. Le « client »

Selon les données empiriques, est « client » toute personne qui vient verser l'argent à la police, les autres sont des visiteurs, parfois ils sont « gênants » puisqu'ils viennent solliciter de l'aide ou des interventions au regard d'un dossier. Au lieu de verser à la police, par contre c'est la police qui fait le geste d'humanisme pour les aider.

Le requérant de la justice est client puisqu'il va verser les frais de plainte et il est bien accueilli avec respect parfois la chaise lui est laissée et l'OPJ se met debout puisqu'il sait qu'il va « treizer ».

Aussi, tout celui qui vient répondre à une convocation est aussi un « client » puisqu'il doit payer les « frais de convocation ». Tout impliqué est aussi « client ».

Le « clientélisme » se manifeste aussi au niveau de « Tshambuluka » et le « tshitshani » (faisons comme d'habitude) « Twishane » (qu'on en termine ici). Les policiers et les « marchands pirates » se solidarisent puisque vivant tous au « taux du jour », ils partagent les mêmes conditions de vie qui se maintiennent dans le nom prescrit et deviennent par « habitus », des clients. Le policier devient le protecteur du marchand pirate. Il s'érige même en avocat lorsque son client est pris dans le « mukwao » (le filet ou le piège) ici l'arrestation.

6.2.4. « Le muviolo »

Le « muviolo » est une déformation du viol. Selon les acteurs, le muviolo est synonyme de la perte de virginité. Même si la fille l'avait déjà perdue, du fait d'être surpris avec elle en tant que fille moins âgée, il faut réparer la virginité en versant presque la valeur de la dot. Parfois, tout dépend des enjeux des acteurs, l'auteur verse aux parents de la victime une pièce de wax, deux chèvres et une somme d'argent à convenir. Le « muviolo » est négociable, il induit l'arrangement. C'est dans ce contexte qu'il peut trouer régulation à la police.

La logique de réparation de la virginité est liée à l'inquiétude de la famille de la victime concernant son mariage qui devient incertain. D'où autant en profiter à l'auteur présent qui a provoqué l'handicape ou l'obstacle.

Le « muviolo » traduit l'idée d'abîmer la fille, de faire perdre la virginité avant le mariage. « anesha ku mwarabisha mutoto, nani tena atamuowa ? Pakaye djo atalipa mali ile bwanayaka alitafutaka kumwoa nayo » (Il a déjà abimé l'enfant, qui pourra encore la prendre en mariage, c'est à lui de payer la dot que devrait verser l'homme qui la prendrait à mariage). Parfois par négociation, l'auteur profite de l'occasion pour réparer le fait en l'épousant. Sinon, l'arrangement se fait par payement des frais en compenstion de la dot. C'est dans ce contexte que le « muviolo » est une problématique au mariage. « Mushifanye makelele, ni mambo ya haya, itamufungiya mutoto ma njia, abatamwoa. Mumushungiye asiri, dju ya kumupa bahati » (Il ne faut pas faire du tapage, c'est une affaire honteuse qui peut obnubiler sa voie du mariage de votre fille, soyez discret pour lui donner sa chance de mariage).

Le « muviolo » perçu comme problématique au mariage de la concernée, Raoul KIENGE KIENGE a écrit à ce propos :

« Le viol provoque en effet un certain émoi sur le terrain d'enquête. Il est de nature à compromettre le mariage de la fille, et par voie de conséquence, entame aussi bien le droit de la famille de la fille à la dot que la réputation de la famille, car personne ne voudrait épouser une fille qui a été victime du viol » (2005 : 137)

6.2.5. « Da muizi»

« Da muizi » traduit la femme voleuse. L'adultère est synonyme de « vol » du mari. « Da muizi » est ainsi donc une « voleuse » des maris. Le mari est une propriété privée qui n'est pas partageable ni cédable. Le « vol » d'un mari peut entraîner une réaction populaire sous l'incitation de la « victime ».

La criminologie est une science interdisciplinaire. Sous cette perspective, le vol du mari peut s'expliquer sur le plan biologique. En effet, la femme qui se préoccupe de nourrir son mari en vue de récupérer son énergie sous forme de semences germinales, l'homme les lui prive et les destine à une autre. Quoi de plus normale que de traiter celle-ci de voleuse de ses semences contenues dans l'homme.

Par ailleurs, l'union des faits est aussi perçue comme le mariage et surtout si elle a été féconde. « Ni bwana yangu, bantu bote banesha kudjuwa, minazala naye na mutoto. Weye unakuya kuniba bwana uko Da mwizi » (C'est mon mari, tout le monde le sait, j'ai enfanté avec lui , tu viens me voler le mari, soeur voleuse).

6.2.6. «  Les dossiers »

· « dossier Kimbala »

« Kimbala » désigne le reste du repas expédié et que l'on peut garder pour manger le lendemain. Ici le dossier « Kimbala » est un dossier qui est en jachère. « Niko na kimbala yangu niliacha mu cachot ». (J'ai mon repas que j'ai laissé au cachot). La personne gardée à vue en attendant l'issue du dossier est « Kimbala ». Derrière le « Kimbala » il y a l'idée de treizalité.

· « dossier Butu butu »

« Butu » désigne la nuit. Il s'agit d'un dossier qui se traite dans l'ombre c'est-à-dire dans le secret. C'est le dossier de « Kundelpain » qui échappe à la visibilité.

· « Dossier ya mafuta »

Le dossier « huileux » qui traduit la rentabilité.

· « Dossier ya ba intervention ou avec parapluie »

C'est le dossier où il y a de pression que nous avons appelé « trafic d'influence ».

· « Dossier Ya kufunga macho ou kipofu »

Un dossier aux yeux fermés ou dossier aveugle, est celui qui est facilement treizable et qui n'a aucun danger éventuel.

· « Dossier ya kutonona macho »

Dossier aux yeux grandement ouverts, c'est le contraire de ce qui précède et traduit un dossier susceptible de créer le problème à l'OPJ qui peut vomir ce qu'il a consommé, c'est-à-dire restituer l'argent qu'il a perçu. Il est aussi assimilé au « dossier compliqué » ou « ya ba interventions ébale ». C'est un dossier où il y a pression exercée sur l'OPJ.

· « Dossier ya kundelpain »

C'est le dossier ya « butu butu » qui s'opère dans l'ombre. Il est pratiqué par l' « OPJ debout ».

6.2.7. «  Le taux du jour »

Il est lié au problème du vécu quotidien. Les policiers, les marchands pirates comme la majorité de la population vivant au jour le jour. Ils sont obligés par les conditions de vie de sortir chaque joue pour « Kobeta libanga » se tailler la pierre. Le taux du jour traduit l'idée que voici : « à chaque jour suffit sa peine ». tout dépend de ce qu'engendre le jour. Le gain peut être élevé, moins élevé ou parfois absent. C'est le taux du jour qui pousse le policier à être régulier sur la lieu de travail même s'il est en repos puisqu'il doit chercher ou « treizer » pour la survie. Il vise la treizalisation pour compléter sa prime de 30 $ U.S. qui ne lui permet pas de nouer les deux bouts du mois. C'est pourquoi l'on parle « Kula karibu na kesho » (manger à l'approche du lendemain). Ceci traduit la précarité qui fait que les gens mangent à des heures tardives soit entre 22 heures et minuit. « Paka nitoke djo batoto bakule » (il faut que je sorte pour que les enfants mangent). Si le policier a de la chance de treizer, il se crie : « Napika libaku, batoto batayamba djuma mujima » (J'ai eu la chance, avec l'argent obtenu, les enfants vont chier pendant une semaine. Chier est synonyme de manger parce que pour chier, il faut manger. C'est un discours de crise.

6.2.8. «  Le  civil ou le un-quatre »

Le « un-quatre » signifie « musenji » c'est-à-dire le non civilisé. Il représente toute personne qui n'est pas militaire ou policière. C'est la police qui civilise la population appelée « musenji ». Le civil prend aussi le sens des personnes qui transgressent la loi. L anotion de civil traduit aussi l'idée d'infériorité. La policier est supérieur par rapport au civil, or, il vit grâce au civil appelé « musenji », non civilisé.

6.2.9. « L' amende transactionnelle »

Elle a le sens de « mulambu » lorsqu'elle est donnée par les deux parties en guise de reconnaissance pour le service rendu : la conciliation ou l'arrangement à l'amiable du conflit. Elle a aussi le sens de frais d' « hôtel » que le concerné paie en vue de sortir de « mabuso » ou amigo. « Unalala mu hôtel, autatoka bure kwasipo kulipa » (Vous avez passé nuit à l'hôtel et vous n'en sortirez pas sans avoir payer le frais).

Certains concepts sont développés dans le cadre de fixation d'amende transactionnelle :

- Umupike marteau » (il faut le marteler), il s'agit d'une forte amende.

- Uniache miye nimuuwe » (laissez-moi la tâche de le tuer) C'est une amende exorbitante. La peine n'est pas individuelle, mais collective. L'argent qui devrait servir à la famille est versé à la police pour fin de justice.

- « OPJ frappeur » c'est un OPJ marteau qui a l'habitude de demande des fortes amendes.

- « Umunyonge » (il faut l'étrangler).

- « Umunyonye » (il faut le sucer). Ici, il s'agit de sucer l'argent du client avec la particularité de tout dépouiller.

- « Umukamune » (il faut le lessiver) dans le sens de sucer, mais avec une particularité de tout dépouiller.

- « Kifunga mulango » la prédot. La prédot traduit la somme insuffisante que possède le « client » par rapport à l'amende exigée qui constitue la dot. Le dossier peut être clôturé par la dot ou la prédot. Ainsi, l'OPJ peut recevoir la prédot et la partie concernée laisse la prédot un bien en gage pour compléter la dot et clôturer le problème.

- « Kingiya pori » (motivation). Ici « kingiya pori a le sens d'une somme moyenne qui peut permettre l'issue de la clôture du dossier. D'où le sens de prédot.

Nous mettons en jachères tous ces thèmes qui pourront être analysés ultérieurement selon les opportunités pour l'approfondissement de cette recherche.

Elle a également le sens d'une punition qui répond à la transgression. Elle est perçue sous forme financière, matérielle et quelquefois et occasionnellement sexuelle.

6.2.10. «  Le  policier »

Il a le sens de personnification de l'Etat. « Wewe djo l'Etat, utukatiye mambo » (C'est vous qui êtes l'Etat, tranchez le problème). Il est le garant de la paix. « We djo mulinzi » (c'est vous qui êtes le gardien). Le policier est « mobali » (un homme). Ici « mobali » traduit l'idée de capacité à s'autogérer et à se prendre en charge. Il est « ligenda » (déformation de gendarme). Il est « likwata » (celui qui arrête). Il est le Dieu de la terre. « Mwe djo ba mungu ba pa dunia » (vous êtes les dieux de la terre). Le policier est aussi « sukisa tembe » C'est-à-dire, celui qui mâte les recalcitrants. Il est « poso », « sokoro » c'est-à-dire il est militaire. Le policier est militarisé appelé « sokoro » qui est la déformation du soldat.

« Policier ni ngivi tena ni saidiya » (le policier est un voleur et un mendiant) nous disent les participants d'être traités ainsi par le « un-quatre ».

6.2.11. Le « un-quatre » ou le « bilanga » de la police

Le civil constitue le champ de la police. Le champ a le sens de la récolte. Il traduit l'idée de « treize, treizalité ou treizalisation ». C'est l'image du poisson dans l'eau. La police est un poisson qui vit dans l'eau (la population). Il traduit l'idée du feu président Mobutu lorsqu'il avait parlé de l'art. 15 qui signifie débrouillez-vous. La protection est tronquée contre le « dix-vingt-cinq » (l'argent).

6.2.12. « Kusanza » ou Kutapika »

Il traduit « vomir ». Pour vomir, il faut d'abor manger ou boire. Lorsqu'on perçoit l'argent, c'est pour l'utiliser ; manger l'argent, c'est le consommer c'est-à-dire l'utiliser à des différentes fins avouées ou inavouées.

« Kusanza » renvoi au rebondissement du dossier qui oblige la restitution de ce qui a perçu. Il s'agit surtout de « dossier aux yeux grandement ouverts » ou « dossier ya ba problème ». C'est le cas aussi de « Kubambisha touche ». A ce propos les policiers disent : « oliaki eloko ya mbwa préparez mbangu » (vous avez mangé les biens du chien préparez la fuite).

6.3. L'image de la police

La police empiriquement, présente trois images : elle est militarisée, tribunaliseé, de précarité et de « treizalité ».

6.3.1. La militarisation policière

La police présente l'image d'une armée. Elle obéit à la logique militaire dans son organisation. Une lecture retrospective contextuelle de cette recherche renseigne qu'à travers le temps, surtout à l'époque de la gendarmerie, les conditions socio-économiques dans lesquelles vivaient les gendarmes qui faisaient l'office des policiers, ont permis aux supérieurs de survivre en vendant quelquefois les effets militaires. Certains ont profité de leur position hiérarchique pour utiliser les gendarmes comme des gardes chez les privés. Quant aux gendarmes sans grade, ils se rabattaient sur la population civile qui devenait leur champ de récolte pour la survie. C'est le même tableau qui se dessine aujourd'hui dans cette police biface qui tient du civil et du militaire.

Aujourd'hui, sans salaire, recevant une prime de 30$ U.S. qui ne permet pas aux policiers de tenir le coût, ils se rabattent comme les gendarmes dont certains sont actifs dans la police, sur la population. C'est dans ce contexte qu'ils rappliquent le « millième » et le « disappro ». La police est comparée à un chasseur dont le gibier est la population. C'est le « mawindo » ou le « bokila » pendant lequel les policiers tendent le piège « mukwao » ou l' « ambouchi » pour attraper le gibier.

Ainsi, « la militarisation policière » présente une image non appréciable par la population. C'est le jeu du chat et de la souris, la protection sécuritaire de « Musenji et ses biens » n'est-elle pas « tronquée, confisquée » ?

La « militarisation policière » ne reflète pas une « police démocratique » dans un « Etat démocratique ».

6.3.2. La tribunalisation policière

A titre de rappel, le premier chapitre a été centré sur la construction de l'objet et sa mise en contexte. Ainsi, avons-nous tenté de cerner le contexte dans lequel évolue les acteurs en vue de comprendre leur manière de faire dans l'exercice du travail judiciaire. Cette contextualisation nous a permis d'opérer une rupture avec les évidences en vue de comprendre les logiques et les représentations des acteurs.

Il ressort des empiries que la police est tribunalisée :

- La police est un « tribunal ». « Tunakuya ku la police etukatiye mambo » (Nous venons à la police pour qu'elle tranche notre problème). Elle est une instance de l'administration de la justice.

- La police est un « tribunal de paix ». « Tunakuya mwitu pataniche » (Nous venons pour la conciliation).

- La police est une « chambre de conseil ». « Tunakuya ku la police dju ya kwitupa mashauri ». (Nous venons à la police pour nous conseiller) au regard de notre conflit.

- La police est un « tribunal de réparation ». « Anakawiya na deni yangu, minakuya alipi yeyo huku » (Il a traîné avec ma dette, je viens pour qu'il me la paie à ce niveau). « Minapenda anilipe bitu yangu aliaribu na anituziche kilonda ile aliniumiza » (Je voudrais qu'il me paie les biens qu'il a détruits et qu'il assure les soins de ma blessure).

- La police est un « tribunal répressif ». « Uyu muntu alinikoseya, na mutela huku apikiwe fimbo na alale mu cachot » (Cet homme a abusé, je vous l'amène pour qu'il soit fouetté et qu'il passe nuit au cachot) « uyu muntu, mumupe tu leçon, mu mu discipliner » (Cet homme doit recevoir une leçon de la police pour qu'il soit discipliné).

- La police est un « tribunal de transit » « Tufike na huyu muntu paka ku mwisho » (Nous devons arriver avec cet homme jusqu'à la fin). C'est-à-dire aux instances supérieures, le parquet et le tribunal.

La « tribunalisation policière » renvoie à la logique de l'innovation, de la transformation et de la contextualisation et de l'adaptation des lois des « autres ». Celles-ci ne constituent plus une panacée, mais un cadre conceptuel de fixation des faits dont la résolution rentre dans les normes sociales.

La tribunalisation policière cadre avec la pensée du feu président MOBUTU selon laquelle « moto na moto abongisa » (Que chacun, partout où il travaille, qu'il améliore ou aménage). C'est sous cette perspective que les policiers aménagent l'organisation policière en adaptant et en contextualisant la procédure et la loi pénales.

Ainsi, la pratique d' « OPJ debout » se veut-elle un « tribunal » intermédiaire entre le tribunal policier et celui dit populaire (réaction sociale diffuse). Elle est un avant-garde et une voie de passage de la régulation sociale diffuse vers la régulation sociale prescrite ou réglementaire.

6.3.3. La précarité induit la « treizalité »

La précarité et la treizalité découlent de la démission de l'Etat. Celui-ci est réputé démissionnaire. La non distribution de l'Etat amène les acteurs à s'investir à lui. D'où la personnification de l'Etat. Les règles du jeu entre OPJ et APJ se résument par la « distribution » et la participation. La non distribution induit la non participation. C'est la manière de travailler de l' « OPJ ». C'est comme l'Etat qui ne distribue pas, pousse les acteurs à s'instituer. C'est dans ce contexte que nous rejoignons l'Article 15 prôné par le feu président MOBUTU « débrouillez-vous » et le « moto na moto abongisa » est transformé par la treizalité. Qui travaille à l'hôtel, mange à l'hôtel.

« Nkuzi » chef, nous dit un participant à l'entretien, nous sommes traités de mendiants pourquoi l'Etat ne nous dote pas des tenues. L'unique que je possède est déchirée. Certains nous disent d'abandonner ce métier parce qu'il n'est pas payant. C'est ce « mosala ya punda » (c'est le travail d'un cheval), ici un travail sans fruit. Nous vivons en protégeant la population. « Muchungaji wa ba ngombe djo anakamunaka maziba na djo anainyonyaka, chef yake bila kujuwa, mu absence ya commandant, niko na treizaka bila ye kujua » (C'est le berger qui trait la vache, qui profite du lait sans que son patron le sache, à l'absence du commandant, je « treize » sans qu'il ne le sache). « Tatosha « bandit » mu cachot, tunalala naye mu motoka, ananipa franga yangu, asubuyi, na mu rudisha mu amigo » (Je peux sortir un détenu « bandit » pour passer nuit dans un véhicule et le retourner le matin au cachot après l'avoir « treizer ».) « Kama muntu eko mu infracata, tuna « disappronner », l'Etat djo anapenda vile, tuko ba ngivi autorisés.L'Etat djo ngivi etulipake vile inapasha. Parfois ni bobenyewe. Banatoshaka mu mifuko yabo banetupa, aina bwizi, ni « treize » normale ». Ce qui se traduit : (Si quelqu'un est en infraction, nous le « disappronnons » (fuille systématique et récupéraiton de ses biens) c'est l'Etat qui veut cette pratique. Nous sommes de voleurs autorisés. C'est l'Etat qui est voleur puisqu'il ne nous paie pas comme il faut. Parfois, c'est la population elle-même qui sort de l'argent dans ses poches pour nous donner, nous ne somme spas de voleur, mais nous faisons « une « treizalité » normale)

La police est l'image d'un poisson dans l'eau. Celle-ci représente la population. C'est l'image d'une police qui vit en harmonie avec la population qu'elle est censée protéger. Le policier pendant le « mawindo ou le bokila » peut acheminer la personne ivre à son domicile et en guise de reconnaissance celle-ci lui donne le « mulambu ». C'est la police qu'a connue le pays à l'entrée de Mzee L.D. KABILA. Durant cette période, le policier touchait une prime équivalent à 100 $. Cette image policière reflète celle de la proximité vivant en harmonie avec la société.

Quand la prime s'est aménuisée, la police a changé de face et inverser l'image du poisson dans l'eau. Celle-ci représente le policier et le poisson la population. Il suffit d'un petit problème, le poisson est mis hors l'eau, il étouffe et vomit l'argent. C'est la treizalisation policière. La « treizalité » est liée à la forme de l'Etat. La police en est le miroir (MICHEL A., et al., 2005 : I). Le pays est entrain de se construire. La treizalité est une conséquence de l'Etat qui gouverne sans distribution, malgré qu'il soit entrepreneur des entrepreneurs. C'est dans ce cadre que les acteurs s'instituent à l'Etat et se décolonisent puisqu'ils sont les « yankés ou les mibali ». C'est-à-dire les hommes capables de se prendre en charge pour dire non aux conditions inhumaines et à l'exploitation. C'est pourquoi ils ne sont pas seulement les acteurs sociaux, mais aussi les sujets historiques capables de transformer leur vie et le cours de l'histoire. En définitive, la pratique d' « OPJ debout » répond à une logique de « treizalisation ou treizalité » derrière laquelle se trouve un arrangement à l'amiable qui s'impose comme condition « sine quanon ». L'arrangement ouvre la voie à l'essentiel de la pratique que nous résumons par la recherche de l'harmonie dans la société.

VII. LES PERSPECTIVES OU PISTES DE RECHERCHE

Le processus constructif de l'objet de recherche, nous a permis de découvrir d'autres pistes de recherche en termes des facettes.

La lecture exploratoire ouvre de nouveaux horizons de recherche. C'est dans cette perspective que nous rejoignons la recherche de Norbert LUPITSHI lorsqu'il parle du rapport en ces termes :

« Le rapport veut dire que les policiers sont à leur poste de travail et il y a des véhicules qui n'ont pas de documents recommandés. Alors, les policiers de roulage demandent à ces véhicules de donner l'argent (le rapport) pour qu'ils ne les arrêtent pas (...). La remise du « rapport » est normale car elle nous aide lorsque nous n'avons pas tous les documents de bord »

Le fait tel que décrit par Norbert LUPITSHI traduit la pratique de l'« OPJ debout ». Au lieu de constater les « contraventions »routières, acheminer le conducteur et son véhicule à son chef hiérarchique, les policiers demandent le « rapport ». C'est comme le « Tshitshani » dont nous avions parlé « Tuishane, tufanye paka ville tunafanyaka » (Qu'on en finisse, faisons comme nous avons toujours fait). Une solidarité ou collaboration entre ces deux acteurs se cristallisent. C'est aussi le « Tshambuluka » ou le règne du « désordre » assimilable au « Kimbilite » (arrêt non réglementaire).

Ainsi, la police de circulation routière présente les atouts d'une recherche portant sur la pratique de l' « OPJ debout ». Cette facette que nous venons de présenter est une ouverture analogue. Cette unité spécialisée a aussi ses caractéristiques particulières telle que le degré de « treizalité » qui est remarquable. C'est le cas de la remise de rapport. Le « tenta » pouvait être envisagé comme stratégie d'immobilisation du véhicule et de son conducteur. Les données empiriques pourraient fournir de nouvelles connaissances suscitant des nouvelles réflexions.

L'entretien exploratoire quant à lui nous a conduit à la Police des Mines. C'est dans le contexte du degré de treizalisation que nous avons évoqué la Police des Mines et celle de circulation routière. Sous la posture de « transférabiltié », la Police des Mines est également une unité qui semble mieux indiquée pour l'analyse de la pratique de l'« OPJ debout » et les empiries peuvent nous éclairer la piste de recherche.

« Nous relate le commandant MUNGOBWAKI au regard de la pratique d'OPJ debout dans cette unité. Un jour, un OPJ ayant arrêté à Luisha un véhicule de minerais sans documents, le conducteur lui proposa le « rapport » de 200.000 FC au lieu de 1000 $ que l'OPJ demandait. Sans compromis, l'OPJ lui colla un APJ pour l'acheminer à l'Etat-major situé à Lubumbashi. L'APJ demanda au chauffeur de lui donner 200.000 FC et libera le chauffeur et rentra donner un faux rapport à son chef hiérarchique : « vous m'aviez piégé, le chauffeur m'a conduit à l'Auditorat. Un magistrat nous attendait pour que je sois arrêté. J'ai du sauter du véhicule pour m'échapper. Mon commandant, c'est de votre faute, il fallait prendre cette somme de 200.000 FC qu'il nous a proposée. Voilà que nous avons perdu... »

Cette restitution empirique illustre la facette de la pratique de l'« OPJ debout » telle qu'elle se produit dans cette unité. Toutefois, la recherche peut ouvrir de nouvelles connaissances ainsi que de nouvelles pistes d'investigation.

En misant sur les sphères de l'organisation prescrite et non prescrite, les services publics constituent un champ vaste aux multiples facettes de la pratique de « Kundelpain » ou pratique de l'ombre. Ainsi, les services publics offrent beaucoup d'atouts et ouvrent plusieurs pistes de recherche concernant les pratiques de l'informalité.

Quelle leçon pouvons nous tirer de ce chapitre ?

La police comme organisation fonctionne grâce aux deux sphères dont l'une visible et l'autre visible. L'invisible (le non prescrit) puise ses racines dans le visible (le réglementaire) pour évoluer dans une perspective d'innovation (création des lois) d'adaptation et de contextualisation de la loi et la procédure conçues pour les « autres ».

En qualité d'acteurs, l' « APJ » par la non distribution, se substitue à l'OPJ pour devenir « OPJ debout ». Les deux acteurs se substituent souvent en « magistrats », « juges », « législateurs » et « Etat ».

La pratique d' « OPJ debout » s'inscrit dans un contexte de précarité dont la treizalité en est une conséquence. Elle suscite une question de réforme du droit congolais.

Un Gouvernement qui ne distribue pas, ne reflète pas l'image d'un Etat démocratique. C'est dans cette perspective que MANODJE M. écrit :

« Pas de démocratie sans démocrates, c'est-à-dire des personnes qui y croient et qui sont prêts pour son avènement » (2006 : 4)

C'est dans ce même ordre d'idée que la pensée de LANZA J.K. tombe à point lorsqu'elle écrit : « Diriger c'est avant tout servir. » (1993 : 29) C'est ici où nous rejoignons l'idée du feu président MOBUTU lorsqu'il stigmatisa : « ...avant tout servir et non se servir... ». Le souhait que nous pouvons formuler, que cette pensée soit élevée comme « devise » guidant tout congolais. Par ailleurs, cette « devise » doit s'accompagner de la reforme de mentalité devant miser sur la transparence. Ainsi, un démocrate doit-il savoir servir, partager, négocier pour l'intérêt du pays.

CONCLUSION GENERALE

La recherche que nous avons le loisir de conclure a porté sur les relations entre « OPJ et APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire. Le phénomène analysé est très ancien et trouve ses racines dans la gendarmerie comme force de police. Sa spécificité est mal identifiée puisque évoluant dans l'ombre. Les relations entre ces deux acteurs tournent autour des règles de jeu axées sur la distribution, participation et négociation.

La manière de travailler de l'OPJ induit la pratique de l' « OPJ debout » par manque de distribution. C'est ce qui fait que l' « APJ » renverse » le rapport hiérarchique, retire son pouvoir de son chef et s'institue en « OPJ » pour réguler les différents problèmes à son insu.

Ce faisant, la visée étant la recherche de l'essentiel, pour la décortiquer, il nous a fallu placer les acteurs dans ce contexte où ils évoluent en vue de comprendre leur manière de faire dans l'exercice du travail judiciaire. Cette contextualisation nous a permis de rompre avec les évidences en vue de cerner les logiques et les représentations des acteurs. C'est dans le contexte que l'analyse de cette pratique interdit toute corrélation mécanique entre pratique et carrière délinquante.

Il ressort du contexte historique que la police est militarisée et les acteurs s'inscrivent dans un contexte dominé par la logique de précarité et de vulnérabilité. La police est à la fois jeune et vielle. Celle-là par sa création juridique qui date du 26 janvier conformément au décret-loi n°002/2002. Celle-ci par sa composition. Elle renferme en son sein les anciens de la Force Publique, Gendarmerie, Garde civile, factions belligérantes, anciens ou retraités gendarmes, veuves et orphelins de la police. Ainsi, la police tient elle du militaire et du civil, du professionnel et du non professionnel.

La police, dans sa forme organisationnelle, fonctionne grâce aux deux sphères dont l'une apparente, manifeste et réglementaire tandis que l'autre potentielle, invisible et perçue comme le lieu d'émergence de la pratique non prescrite. C'est l'ombre qui soutient le visible et le non prescrit sous-tend le prescrit. Celui-ci est puissant et sans lui, la machine policière bloque. Si les acteurs travaillent avec zèle malgré l'insuffisance de la prime comme ils n'ont pas de salaire, c'est grâce à la pratique de l'ombre qu'ils gagnent leur vie. N'eut été elle, il y a belle lurette que les policiers démissionneraient ou déserteraient massivement de la police.

Le tracé de cette recherche étant inductif, nous avons ciblé la méthode qualitative de type ethnographique qui nous a permis d'être à la fois « observant » ou « professionnel » et « observé » ou « participant » c'est-à-dire à la fois chercheur et acteur. La « participation observation » et l'observation participation » nous ont placé dans une position privilégiée où les opportunités de saisir les faits étaient nombreuses et profitables. Les observations ont été complétées et enrichies par les entretiens et l'observation documentaire qui sont les observations indirectes. Elles nous ont aidé à découvrir ce qui a échappé à notre vision d'observation. Les différentes données récoltées ont été traitées par la méthode d'analyse thématique.

Il ressort de cette analyse que, de ces relations entre « OPJ » et « APJ », découlent la pratique d' « OPJ debout » dont l'essentiel se résume dans l'arrangement à l'amiable comme mode de régulation des conflits susceptible d'apporter l'harmonie, la paix et la tranquillité sociale. C'est la finalité de la justice.

Le manque de distribution entraîne l'APJ à se substituer à l' « OPJ » pour réguler les conflits en « Kundelpain » dans l'ombre et en son insu. Selon les empiries, les deux acteurs évoluent dans les relations autour des enjeux financiers suite à l'inégalité du pouvoir. L' « APJ » est une instance du pouvoir. Il est instrument de « treizalité » de l'OPJ puisqu'il lui fournit le pouvoir et moyen. Le pouvoir du chef ne vaut que lorsque l'exécutant se soumet ou participe à ce pouvoir, sinon, il devient inefficace. D'où, pour combler cette répartition inégale du pouvoir, c'est l'idée de distribution qui est envisageable. Elle doit s'accompagner de la répartition et de la coopération, sinon, c'est le conflit qui s'installe et affaiblit ces relations. Aussi, le degré de participation renforce-t-il le pouvoir du chef.

La loi des « autres » fut imposée, elle s'avère inadaptée et non contextualisée. Elle est une problématique dans son application. C'est ce qui fait que les policiers transforment la loi civile en loi pénale et vice versa, la modifie (la dette est érigée en abus de confiance), l'adaptent et la contextualise selon les circonstances et les enjeux des acteurs. Il arrive aussi que « le muviolo »  fait pénal soit décriminalisé au profit de l'arrangement et de la réparation. Ils créent d'autres lois en innovant, aussi d'autres sanctions non répressives qui équivalent à l'amende, c'est le « millième » ou commerce sexuel perçu comme « caution » ainsi que les différents biens en nature pour mettre fin à la poursuite judiciaire des concernés. C'est sous ce profil que nous rejoignons la pensée de DAYEZ B. lorsqu'il écrit :

« Une des caractéristiques essentielles de la loi pénale est aussi d'être radicalement limitée et de reconnaître en conséquence au citoyen, au-delà de ses frontières, une souveraineté, très exactement une autonomie » (1999 : 10)

Sur ce, c'est ici qu'apparaît la pertinence de l'acteur social. L' « APJ » se transforme en « OPJ » pour être appelé « OPJ debout ». Les deux acteurs, selon les enjeux et les circonstances du moment liés à leur point de vue, selon leur expérience et projets propres, dans une logique dominée par la précarité, ils s'érigent en « magistrats » (pour s'investir maître de l'action publique) en « Juges » (ils criminalisent ou décriminalisent, ils régulent les affaires civiles qui sont, selon la loi des « autres », l'apanage du seul juge) en « Législateurs » (ils innovent d'autres lois, modifient ou adaptent certaines) en « Etat » (ils se personnifient en « Etat » puisqu'ils sont à la quête de citoyenneté par rapport à lui. Ils sont à la recherche de leur identité). Ils s'affirment pour se décoloniser et dire non à toute forme d'exploitation ou des conditions inhumaines. En hommes capables, ils s'instituent à l'Etat et se paient à travers ce phénomène de substitution. C'est ce qui fait que le Droit pénal suscite la reforme.

La police est militarisée. Les policiers se livrent à la chasse des civiles qu'ils considèrent comme gibiers à traquer dont ils tendent le piège « mukwao ». La police est un tribunal à la fois de paix, de répression, de correction, un transit pour les instances supérieures. Elle est dominée par la précarité induisant les différentes treizalités financières (économique), culturelles (ethniques ou tribales), sociales (relationnelles) sexuelles (le millième), de poste (détachement) et du pouvoir (prestige, puissance et richesse) des acteurs.

La police est le visage de l'Etat, elle est son miroir. Le gouvernement qui ne distribue pas, ne reflète pas l'image d'un Etat démocratique. La police est un marteau entre les mains de l'Etat pour modeler la population civile. Celle-ci est le champ de la police où s'opère la treizalité. Le policier à un moment est un poisson dans l'eau et vit en harmonie avec la population. A un autre, il cesse d'être poisson et devient l'eau. Il soulève hors de l'eau le poisson pour qu'il vomisse l'argent. C'est l'idée de treizalité liée à la précarité de vie. L'au peut se sécher pour causer du tort aux poissons (population). C'est le cas de pillage qu'à connu le pays.

Un Etat démocratique doit se fonder sur la distribution, la participation et la négociation ou la coopération. La non distribution induit les acteurs à récupérer leur pouvoir et à transformer les gouvernants en simples sujets. Leur pouvoir devient inefficace puisque la base ne participe pas.

La police comme la démocratie congolaise sont naissantes, jeunes et vulnérables. Elles ont besoin d'une attention particulière pour croître comme une rose qui a besoin de l'entretien pour fleurir. Nous pensons avoir produit un savoir où les concernés peuvent se mirer, s'y identifier et s'y reconnaître à travers leur pratique. Elle nous a permis à nous reconnaître et à stigmatiser que le chercheur est un pèlerin voyageur à la découverte de nouvelles connaissances. Il trottine, trainale, navigue, plane et chemine vers d'autres horizons.....

Au terme de cette recherche dans les limites que nous nous sommes imposées en la préparant, nous l'estimons incomplète et imparfaite. Toutefois, elle ouvre d'autres pistes de recherche que nous laissons aux opportunités éventuelles.

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- TSHINYAMA I. (2006), La rencontre entre les policiers et les jeunes délinquants » à Lubumbashi Mémoire de DEA, UNILU, Lubumbashi, Ecocrim

Les relations entre « OPJ » et « APJ » :

Analyse criminologique de la Pratique de l' « OPJ debout »

Par : MUTOMBO NGOY BANZE Albert

- Assistant social

- Sociologue

- Anthropologue

- Agrégé de l'enseignement et

- Criminologue

Promoteur  : Prof. Raoul KIENGE-KIENGE

Co-promotrice  : Prof. Sara LIWARENT

Relations entre « OPJ » et « APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire : Analyse criminologique de la pratique d' « OPJ debout ».

- Quelles sont les relations entre « APJ » et « OPJ » dans le cadre du travail judiciaire ?

- Qu'est-ce qui fait que l' « APJ » renverse la position hiérarchique pour se substituer en OPJ appelé « OPJ debout » ? Et comment les deux acteurs se transforment en « Magistrats », en « Juges », en « législateurs » et en « Etat » ?

- Quelles sont les règles du jeux des acteurs et comment transforment-ils la loi « des autres », en l'adaptant d'une manière contextuelle et innovant d'autres ?

- Quel est l'essentiel qui se dégage de ces relations et que fait-il que la police soit militarisée, tribunalisée et dominée par la « treizalité » ?

La présente recherche expose d'une manière claire et profonde, les réponses à ces différentes questions dans une perspective empirique d'une police à la fois jeune et vieille, professionnelle et non professionnelle, civile et militaire.

* 1 ALBARELLO, L., (2004 : 13). Les références bibliographiques sont signalées dans le corps du texte par le nom de l'auteur, suivi de la date de publication et de la page. La référence complète est donnée dans l'annexe bibliographique.

* 2 Journal Officiel de la RDC (2002 : 17-47), Kinshasa, CPR

* 3 Rapport de la CNS

* 4 L'unité de commandement et le pouvoir continu

* 5 La recherche excessive du pouvoir détruit le pays

* 6 Journal Officiel de la RDC, n° Spécial, Avril 2002

* 7 Police comme instance de régulation sociale

* 8 Nous les aidons dans l'ombre pour qu'ils s'entendent ». Ceci traduit la finalité de la Justice policière qui s'opère dans l'ombre

* 9 « Nous sommes les animaux de la forêt. Cela implique la règle d'or qui fait que les forts supplantent les faibles. C'est la de la jungle.






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore