REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
UNIVERSITE DE LUBUMBASHI
Ecole de Criminologie
Les relations entre OPJ et APJ :
Analyse criminologique de la Pratique
de l' « OPJ
debout »
Par : MUTOMBO NGOY BANZE Albert
Travail présenté et défendu en vue
Promoteur : de l'obtention du Diplôme
d'Etudes
Prof. Raoul KIENGE-KIENGE Approfondies en
Criminologie
Co-promotrice :
Prof. Sara LIWARENT
Octobre 2007
Épigraphe
« Je suis Officier de Police Judiciaire de
métier et j'en suis fier. Mais, je suis plus fier, infiniment plus fier
d'être un criminologue. Celui-là s'investit en
« juge » tandis que celui-ci contextualise les faits pour
mieux les comprendre sans les juger. »
M.N.B.
Dédicace
· A tous les Officiers et Agents de Police Judiciaire
qui ont contribué à la construction de ce savoir en
qualité des acteurs participants.
· A tous les militants de la justice comme modèle
pratique non prescrite de régulation sociale des conflits visant
l'harmonie, la tranquillité et la paix sociale.
· A eux donc, je dédie ce travail.
REMERCIEMENTS
Si l'on signe seul, on n'écrit jamais seul,
écrit Monjandet D. (1996 : 6), C'est typique pour
cette recherche. Sa réalisation n'a été rendue possible
qu'avec le concours à la fois scientifique, matériel et financier
de plusieurs personnes.
Dès cet instant, nous trouvons l'opportunité
de nous acquitter d'un agréable devoir, celui de remercier du fond de
notre coeur, le Professeur Raoul KIENGEKIENGE qui a
accepté volontier de diriger de mains de maître, cette recherche,
nonobstant ses nombreuses fonctions administratives et
académiques.
Une pensée éblouissante enracinée au
fond de notre coeur s'adresse spécialement au Recteur de
l'Université de Lubumbashi, le professeur KAUMBA LUFUNDA
PRINCE et le Professeur émérite Françoise
DIGNEFFE pour leur initiative à la création de l'Ecole
de criminologie qui, autrefois rêve mais aujourd'hui une
réalité produisant des fruits savoureux et enviés. Chers
professeurs, que cette recherche vous couronne des succès.
Que les membres du corps scientifique, académique
et administratif soient félicités pour leur mérite
élogieux apporté à notre formation. Que chacun trouve sa
pierre à travers cette recherche.
Que le professeur SARA LIWARENT soit
particulièrement remerciée pour avoir contribué à
distance à la production de cette recherche par ses remarques et
suggestions combien pertinentes et enrichissantes. Les verbes nous manquent
pour vous exprimer notre gratitude.
A ma bien aimée KABULO MONGA
Françoise, une femme vertueuse, qui la trouvera ? Votre
sacrifice est aujourd'hui récompensé.
A ma progéniture : GUJA, JERRIJA,
DIVIJA, BELIJA, OLIJA, BENAJA, ABEJA, NEROJA. Que ce travail vous
serve de modèle.
A tous les miens, cette recherche est le fruit de votre
soutien et nous unit à jamais.
Que tous ceux qui, de près ou de loin, ont
contribué à la réalisation de cette recherche et dont nous
taisons par commodité le nom, l'expression nous manque pour vous
témoigner notre reconnaissance.
Fait à Lubumbashi, le 20 juillet 2007
MUTOMBO NGOY BANZE Albert
TABLE DES MATIERES
Épigraphe
I
Dédicace
II
REMERCIEMENTS
III
TABLE DES MATIERES
IV
INTRODUCTION GENERALE - 1
-
CHAPITRE
1 :
CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE
ET SA MISE EN CONTEXTE - 8
-
I. CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE
- 9 -
1.1. LA CONCEPTION ET LA MISE EN TRAIN DE
L'OBJET DE RECHERCHE
- 9 -
1.2. L'ÉTAT DE LA QUESTION
- 13 -
1.2.1.Thèses et mémoires
- 13 -
1.2.2. Ouvrages policiers
- 15 -
1.2.3. Ouvrages juridiques
- 15 -
1.3. DÉTERMINANTS DE LA
RECHERCHE
- 16 -
1.4. DÉLIMITATION DU CHAMP DE
RECHERCHE
- 17 -
1.4.1. Du point de vue spatial
- 17 -
1.4.2. Du point de vue temporel
- 17 -
1.4.3. Du point de vue conceptuel
- 17 -
1.5. PROBLÉMATIQUE
- 18 -
1.5.1. La mise au point
- 18 -
1.5.2. Fixation de la
problématique
- 19 -
1.5.3. La pertinence de l'acteur social et
l'organisation
- 22 -
1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE
- 23 -
II. MISE EN CONTEXTE
HISTORICO-SOCIO-ECONOMIQUE DE L'OBJET D'INVESTIGATION
- 26 -
2.1. CONTEXTE HISTORIQUE
- 26 -
2.1.1. Epoque précoloniale
- 27 -
2.1.2. Epoque coloniale
- 28 -
2.1.2.1. La Force Publique
- 28 -
2.1.2.2. La police des chemins de fer et les corps
de police territoriale
- 29 -
2.1.2.3. La Gendarmerie
- 30 -
2.1.3. Epoque post coloniale
- 31 -
2.1.3.1. Les corps de police provinciale
- 31 -
2.1.3.2. Police nationale congolaise :
première formule
- 32 -
2.1.3.3. La gendarmerie nationale
- 32 -
2.1.3.4. La Garde civile
- 33 -
2.1.3.5. Police Nationale Congolaise :
Nouvelle formule
- 36 -
2.2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE
- 37 -
2.2.1. Epoque précoloniale
- 37 -
2.2.2. Epoque coloniale
- 38 -
2.2.3. Epoque post coloniale
- 39 -
2.2.3.1. De 1960 à 1965
- 39 -
2.2.3.2. De 1965 - 1970
- 39 -
2.2.3.3. De 1970 - 1996
- 39 -
2.2.3.4. De 1996 à nos jours
- 44 -
2.3. PROLOGUE SUR LA POLICE JUDICIAIRE
- 46 -
2.3.1. Police judiciaire quid ?
- 47 -
2.3.2. Missions et importance de la police
judiciaire
- 47 -
2.3.3. Evolution de Police Judiciaire
- 48 -
2.3.3.1. Police judiciaire coutumière
- 48 -
2.3.3.2. La Police judiciaire selon le droit
des « autres »
- 49 -
2.3.4. Conditions de validité des actes
posés par les OPJ
- 51 -
CHAPITRE
2 :
DISPOSITIFS
METHODOLOGIQUES
ET CADRE
REFERENTIEL -
55
-
I. CADRE METHODOLOGIQUE
- 56 -
1.1. LE TRACÉ DE LA RECHERCHE
- 56 -
1.2. JUSTIFICATION METHODOLOGIQUE
- 57 -
1.3. LE CHOIX DES TECHNIQUES DE
RÉCOLTE DES DONNÉES
- 62 -
1.3.1. La participation observation
- 62 -
1.3.2. L'entretien semi-directif
- 64 -
1.3.3. Technique documentaire
- 67 -
1.4. ECHANTILLONNAGE
- 67 -
1.4.1. Le choix de
l'échantillon
- 67 -
1.4.2. Sélection des acteurs
pertinents
- 68 -
1.4.3. La saturation
- 69 -
1.5. LA MISE EN oeUVRE DU TRAVAIL DE
TERRAIN
- 69 -
1.5.1. L'insertion personnelle sur le
terrain
- 69 -
1.5.1.1. La posture du chercheur
- 69 -
1.5.1.2. L'exigence linguistique
- 75 -
1.5.2. Mise en train des techniques de recueil
des données
- 76 -
1.5.2.1. Observation in situ
- 76 -
1.5.2.2. L'entretien semi-directif
- 77 -
1.6. ANALYSE DES DONNÉES
- 79 -
1.7. LES CONSIDÉRATIONS
ÉTHIQUES ET CRITIQUES DE LA RECHERCHE
- 80 -
II. CADRE REFENTIEL DE RECHERCHE :
SOUS-COMMISSARIAT DE POLICE KAFUBU
- 83 -
2.1. DESCRIPTION DU SITE
- 83 -
2.2. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU
SOUS-COMMISSARIAT KAFUBU
- 85 -
2.3. « BAKONZI BAKEYI, BAKONZI
BATIKALI »
- 89 -
2.3.1. « Balinga pete, balinga pete
baboma mboka »
- 90 -
2.3.2. Le
« Nkunzi »
- 93 -
2.3.3. Police, « mosala
te »
- 94 -
2.3.4. « Kubambisha
touche »
- 95 -
2.4. POLICE NAYO INAKATAKA MAMBO YA
BANTU
- 98 -
2.4.1. « Les
plaintes »
- 98 -
2.4.1.1. La recevabilité et l'enregistrement
d'une « plainte »
- 98 -
2.3.1.2. Le télescopage des
« plaintes »
- 100 -
2.3.1.3. Le tracé d'une
« plainte »
- 101 -
2.4.2. Les traitements des
« plaintes »
- 103 -
2.3.2.1. Le « Mukwao » ou
« l'embouchi » (c'est le piège)
- 103 -
2.3.2.2. La police : « Tribunal de
paix »
- 106 -
2.3.2.3. Le « un-quatre »
tient le « quatre-deux » en état
- 108 -
2.3.2.4. Affaire « un-quatre »
transformée en affaire « quatre-deux » et vice
versa
- 109 -
2.3.2.5. Police : instance de tension
- 110 -
2.3.2.6. Le parquet : « Mpwila
mambo »
- 111 -
2.3.2.7. « Mabuso »
- 112 -
2.3.2.8. Les relations entre les policiers et les
impliqués en garde à vue
- 113 -
2.3.2.9. L'OPJ entre le marteau et l'enclume
- 115 -
2.4.3. L'issue des
« plaintes »
- 117 -
2.5. LA POLICE ET SES RELATIONS
- 120 -
CHAPITRE
3 :
ANALYSE CRIMINOLOGIQUE DE LA
PRATIQUE
DE L'« OPJ
DEBOUT » - 122 -
I. L' « OPJ
DEBOUT » : UN MODELE PRATIQUE NON PRESCRIT DE REGULATION SOCIALE
POLICIERE
- 123 -
1.1. « BISO TOSALISAKA BANGO NA
KUNDELPAIN MPO BAYOKANA »
- 125 -
1.1.1. « Le
Piquet »
- 125 -
1.1.2. « La main dans le
sac »
- 129 -
1.1.3. « La
Garde »
- 130 -
1.1.4. Le « Tshitshani ou le
Tshambuluka »
- 132 -
1.1.5. Le « Kibeta »ou
« Kiwanja »
- 133 -
1.1.6. Le
« mabuso »
- 134 -
1.1.7. Le « mawindo » ou
« bokila »
- 135 -
1.2. LÉGITIMATION POLICIÈRE
DE LA PRATIQUE DE L' « OPJ DEBOUT »
- 136 -
1.3. « TOZALI BANYAMA NA
NGUNDA»
- 140 -
1.3.1. Les pesants de la pratique
- 140 -
1° Le
« disappro »
- 141 -
2° Les patrouilleurs
« pirates »
- 142 -
3° « Les pirates du
marché pirate »
- 143 -
4° Le
« millième »
- 144 -
5° « Kosumba nyei na
secteur »
- 145 -
6° L' « infracata
provoquée ou similée »
- 146 -
1.3.2. « Lorsque nous pensons
à toutes ces souffrances, il nous arrive à oublier le devoir
de protéger la population »
- 147 -
II. LES DIFFERENTES SUBSTITUTIONS DE L'
« APJ »
- 148 -
2.1. « APJ SUBSTITUT DE
L'OPJ »
- 148 -
2.2.
« APJ MAGISTRAT »
- 149 -
2.3. « APJ
JUGE »
- 151 -
2.4. « APJ
LÉGISLATEUR »
- 153 -
2.5. « APJ
DÉPÉNALISTE »
- 155 -
2.6. « APJ
L'ETAT »
- 155 -
III. LES OPPOSITIONS BINAIRES
- 156 -
3.1. « OPJ ET
« APJ »
- 156 -
3.2. « ORALITÉ » ET
« ÉCRIT »
- 157 -
3.3. « LA NORME SOCIALE »
ET « LA NORME JURIDIQUE »
- 158 -
3.4. « L'ARBRE À PALABRE ET
« TRIBUNAL »
- 158 -
3.5. « L'ANORMAL » ET
« LE NORMAL »
- 159 -
3.6. « DÉTENTION »
ET « LIBERTÉ
- 160 -
3.7. « LE UN-QUATRE » ET
« LE PÉNAL »
- 160 -
3.8. « POLICE » ET
« ARMÉE »
- 161 -
3.9. « CONNAISSANCE » ET
« IGNORANCE »
- 161 -
IV. LES « ATOUTS ET LES
BOULES » MOBILISES PAR LES POLICIERS « APJ -
OPJ »
- 162 -
4.1. LES
« ATOUTS »
- 162 -
4.2. LES
« BOULES »
- 164 -
4.2.1. Le
« parapluie »
- 165 -
4.2.2. Les « réseaux
protecteurs »
- 165 -
4.2.3. Le
« téléphone » ou
« Kapraza »
- 168 -
V. LA NATURE DES RELATIONS ENTRE
« OPJ » ET « APJ »
- 169 -
5.1. LES RAPPORTS DE FORCE ENTRE LES DEUX
ACTEURS
- 169 -
5.2. LA
« TREIZALITÉ »
- 182 -
5.2.1. Les « types de
treizalité »
- 183 -
5.2.1.1. La
« treizalité » horizontale
- 183 -
5.2.1.2. La
« treizalité » verticale
- 186 -
5.2.2. Les formes de
« treizalités »
- 186 -
5.2.2.1. « La treizalité du
pouvoir »
- 186 -
5.2.2.2. « La treizalité
financière »
- 186 -
5.2.2.3. « La treizalité
relationnelle »
- 187 -
5.2.2.4. « La treizalité tribale
ou ethnique »
- 187 -
5.2.2.5.
« La treizalié du poste ou
détachement »
- 187 -
5.2.2.6.
« La treizalité sexuelle »
- 188 -
5.2.3. Le « degré de
treizalité »
- 188 -
VI. LA RECHERCHE DES LOGIQUES, DES SENS ET
DES REPRESENTANTIONS
- 189 -
6.1. LES LOGIQUES
- 189 -
6.2. LE CHAMP SÉMANTIQUE
- 190 -
6.3. L'IMAGE DE LA POLICE
- 197 -
6.3.1. La « militarisation
policière »
- 197 -
6.3.2. La « tribunalisation
policière »
- 198 -
6.3.3. La « précarité
induit la treizalité »
- 199 -
VII. LES PERSPECTIVES OU PISTES DE
RECHERCHE
- 201 -
CONCLUSION GENERALE - 205
-
BIBLIOGRAPHIE - 210
-
I. OUVRAGES
- 211 -
II. ARTICLES D'OUVRAGES ET DE REVUES
- 214 -
III. COURS, THESES ET MEMOIRES
- 215 -
INTRODUCTION GENERALE
La présente étude porte sur la question des
pratiques policières à travers les règles du jeu entre
l'Officier de Police Judiciaire, « OPJ », et l'Agent de
Police Judiciaire, « APJ », dans l'exercice de leur
travail.
Ce faisant, le point de départ le plus obligé
d'une recherche scientifique repose sur l'observation qui suscite la question
centrale.(1(*))
Avant d'y arriver, une mise au point de la démarche
conceptuelle s'impose. Nous avons ciblé quelques cas susceptibles
d'éclairer et de fixer le lecteur à ce propos.
Un adage dit : « un ventre affamé
n'a point d'oreille ». A l'antipode, nous disons qu'il en a.
Pour comprendre l'affamé, il faut le placer dans son contexte.
Mêmement, « un muet parle » puisqu'il
s'exprime et communique. S'il en était autrement, comment parvient-il
à nommer sa progéniture ?
Aussi, « un grain de maïs grillé
peut-il germer ». Impossible pour un esprit borné, cette
pensée traduit la perte d'un avantage actuel au profit des relations qui
produiront des merveilleux fruits dans le futur.
Ces belles démonstrations veulent simplement renseigner
que la recherche scientifique va au-delà des apparences et des
connaissances vulgaires. Sans doute, nous permettent - elles de rendre compte
de façon illustrée et métaphorique de « la
position constructiviste » comme une position de
« méfiance » par rapport aux
évidences qui sont trompeuses, aux cadrages des objets qui sont des
morceaux choisis et à la réalité des objets
eux-mêmes qui sont les accords sociaux figés puisque la
réalité sociale est construite. (KAMINSKI D, 2005 : 6).
Nous alignant dans cette perspective, il sied de la soutenir
par quelques illustrations empiriques permettant au lecteur de bien
s'imprégner de la portée réelle de cette étude.
« Il est 9 :00 heures, vendredi, 2
février au sous-commissariat de police. Le commandant est absent et le
chef de poste fait son office. « Bakonzi bakeyi, bakonzi
batikali » c'est le principe de continuité de
service. »
Monsieur OLALA porte plainte contre Mr. SANTOS,
un transporteur grec de l'axe Lubumbashi - Kasenga pour la perte de son sac de
fretins. Le chef de poste reçoit la plainte et envoie trois policiers.
Sur le lieu, Mr. SANTOS qui se préparait pour voyager, il sollicita
l'arrangement à l'amiable. Après négociation, OLALA
accepta et une décharge fut établie et les deux parties offrirent
8000 FC aux policiers. »
« 21 mars, vers 22 : 30, Mr KIBALAMETE qui
rentrait chez-lui à Kinkaville, a été intercepté
par les patrouilleurs. Après la fouille, ils lui ont pris 15.000 FC et
20 $ U.S. pour circulation à des heures tardives. »
« Non loin du Bar « Joli
Soir » NGOYA et KABEDI, vivant grâce à la prostitution,
s'étant bagarrées pour un amant, les patrouilleurs qui passaient
par là, les arrêtent pour les acheminer au commissariat.
Chemin faisant, elles sont libérées après
avoir payé l'une 5.000 FC et l'autre l'acte sexuel. »
Sans doute, le lecteur non avisé trouvera-t-il ces
actes anormaux, insensés et inacceptables. A ce propos, GOFFMAN E. sous
la plume de VAN CAMPENHOUDT stigmatise que : « traiter un
comportement comme insensé, c'est se placer dans l'impossibilité
d'y comprendre quoi que ce soit » (2001 : 34)
Sous cette perspective, l'agissement des policiers n'est
insensé que dans la vision de la personne qui omet de le contextualiser.
Restituées dans ce cadre, les pratiques paraissent adaptées aux
circonstances et sont parfaitement normales et sensées ; Loin de
nous l'idée de les vanter puisqu'il y en a qui clochent et sont
pesantes, mais néanmoins contribuent au maintient fonctionnel et
à la pérennité de la police comme organisation.
Parmi elles, il y en a qui contribuent à l'harmonie
sociale comme un modèle particulier de rendre justice en
réconciliant les deux parties en situation problème, telles sont
les pratiques à valoriser dans cette recherche.
Sous d'autres cieux, il sied de comprendre et de retenir que
les pratiques policières cessent d'être insensées et
anormales lorsqu'elles sont saisies de l'intérieur, restituées et
placées dans leur contexte. (VAN CAMPENHOUDT L., 2001 : 34)
Du reste, étant à la fois sujet observant et
observé, il faut savoir et comprendre que les recherches scientifiques,
s'il y a les plus complexes, parmi elles, retenons celle où l'acteur
analyse de l'intérieur sa propre institution, son propre métier
ou profession. A ce sujet, ALBARELLO L., écrit :
« Faire émerger un projet scientifique de
recherche n'est pas chose aisée lorsqu'on est soi-même partie
prenante de l'action. Que de pertes de temps et d'hésitation, que de
découragement lorsqu'il s'agit de concevoir son projet,
c'est-à-dire d'identifier précisément ce que l'on
cherche » (2004 : 12)
Sans doute, cette posture place-t-elle le chercheur entre le
marteau et l'enclume. Faut-il dévoiler son métier ?
La police étant une organisation
discrétionnaire, la dévoiler, revient à décortiquer
ses méfaits, c'est se dénuder. Faut-il s'investir au nom de la
science ou se laisser voiler en ne présentant que ses
intérêts et mérites ?
Voiler ses méfaits au profit de ses mérites
serait la production d'un savoir erroné et teinté de jugement des
valeurs. Alors devant cette situation, comment contourner les contraintes
liées à la déontologie et au secret
professionnel ?
A ce sujet, la voie indiquée est de prendre la distance
en tant que chercheur professionnel avec l'objet de recherche par l'usage des
méthodes et techniques appropriées de récolte des
données. En révélant les pesants du métier, c'est
une manière d'ouvrir une piste de réflexion pour les
améliorer dans le cadre de réforme de la police. Au regard de la
prise de distance de la posture du chercheur, ALBARELLO précise ce qui
suit : « Le chercheur professionnel doit s'investir en
acteur - chercheur pour prendre la distance avec les
évidences » (2004 : 20 - 21).
Nous alignant dans une perspective constructiviste, notre
démarche consiste à mobiliser le cadre juridique à
déconstruire pour construire la réalité sociale de la
police à travers les règles du jeu entre
« OPJ » et « APJ » dans l'exercice de
leur travail judiciaire. C'est à ce juste titre qu'il nous revient
d'épouser la pensée de FAGET. J. (2002 : 11-12) lorsqu'il
évoque les expressions « la justice pénale et
« la sociologie des organisations ».
La première traduit l'ensemble des organes participant
à la production symbolique et instrumentale des décisions de
justice. Pour le cas échéant, la police est un de ces organes et
en constitue la première instance ; la pratique de l'OPJ debout en
constitue son avant-garde.
FAGET précise que : « l'appareil
judiciaire est un épicentre d'un jeu complexe de régulations
sociales qui n'ont pas seulement une fonction répressive, mais
d'organisation du contrôle social et de
prévention » (2002 : 11)
Quant à la sociologie des organisations, elle
éclaire l'analyse de la police en termes d'un fonctionnement d'ensemble
humains ordonnés et hiérarchisés en vue d'assurer la
coopération des membres pour atteindre les buts définis.
Ainsi, la connaissance des logiques et des modes
opératoires de la justice pénale, indique l'auteur, ne peut donc
se concevoir sans son appui. (2002 : 12).
La présente recherche part d'une piste de
réflexion dénichée à travers la thèse de
Raoul KIENGEKIENE. En analysant la gestion de la
« délinquance » des jeunes à Kinshasa,
l'auteur démontre que la police dispose de plusieurs ressources du
contrôle social.
Il précise : « la norme juridique
n'est qu'un aspect des normes et l'absence d'une loi ne signifie pas un vide
juridique » (2005 : 31).
L'auteur renchérit et stigmatise qu'il n'y a pas que la
norme pénale comme mode de règlement des conflits, l'exigence de
la réparation et de la conciliation en est aussi un (2005 : 53).
Sur ce, nous épousons cette dernière perspective
comme piste de recherche pour analyser le travail de la Police Judiciaire
à travers les relations entre « OPJ » et
« APJ ». De ces relations, découle la pratique de
l'OPJ debout comme mode singulier de règlement des conflits. C'est
à travers les différents jeux de pouvoir que l'APJ
« renverse » l'ordre hiérarchique pour s'investir en
« OPJ » que nous appelons dans le jargon policier
« OPJ debout » qui régule les situations
problèmes à sa portée dans l'ombre.
Cette recherche se veut dans son analyse, considérer la
police comme « organisation » et les policiers comme
« acteurs sociaux » (DEBUYST. C, 1990 : 25- 26).
Police comme organisation, celle-ci est une construction abstraite et
idéale. Elle peut être façonnée, modifiée et
adaptée par les acteurs qui entrent en jeu en interagissant aux buts
définis par elle lorsqu'ils sont contraires à leur
visée.
Les policiers comme acteurs, ne sont pas de sujets passifs,
mais actifs. C'est ainsi que dans leur manière d'être et de faire
pour rendre justice, les policiers se comportent en acteurs sociaux ; ils
tordent et torturent les missions, les lois et la procédure
pénales. A ce sujet, interagissant dans la justice pénale, ils
transforment les faits civils en faits pénaux et vice versa, selon les
intérêts en présence.
En plus, mobilisant les ressources et stratégies de
couverture, selon les circonstances et les aspirations du moment, ils traitent
et clôturent certains conflits à leur niveau sans se
référer chacun à son chef hiérarchique.
Sous d'autres cieux, ils arrivent aussi à inventer et
à interpréter les infractions à leur guise et selon leur
visée. C'est comme le cas de la circulation à des heures tardives
érigée en infraction par les policiers patrouilleurs. Nous
confirmons cette pensée avec Raoul KIENGEKIENGE lorsqu'il
écrit : « il n'y pas que l'Etat qui produit les
normes, les acteurs en produisent aussi ». (2005 : 31)
Pour ce tandem « OPJ - APJ », la norme
n'est pas seulement celle que le droit pose, les habitus et les coutumes
s'imposent aussi. Dans le cas d'espèce, en tant qu'acteurs sociaux et
sujets historiques, les policiers ont la marge de liberté et des
manoeuvres pour réguler les situations problèmes. Tout
dépend des « clients » en présence pour
utiliser telle ou telle recette régulatrice.
La pratique de l' « OPJ debout »
comme nous mode régulateur des conflits, nous permet de
réfléchir sur la finalité de la justice pénale.
Nous avons tablé sur la recherche de DAYEZ B., qui éclaire
à ce sujet que : « le jugement est à la fois
vérité et contre vérité ... Il n'atteint jamais
l'objectif que la loi lui assigne. » (1999 : 15)
Le juge dit la justice, mais ne la rend pas. Le tribunal n'est
pas un lieu de vérité, mais d'argumentation et de logique
où prime la question de responsabilité de l'acte posé.
La finalité de la justice est selon l'optique de cette
recherche, la quête de l'harmonie entre individus vivant en
société. Là où il y a des hommes, les
problèmes ne manquent jamais. S'il n'y a pas un sage dans un village,
précise l'adage « Luba Shankadi », même
un aveugle peut s'ériger en arbitre pour trancher le problème.
C'est dans cette orientation que la réflexion d'EBERHARD C. tombe
à point : « c'est bien nos praxis qui doivent
constituer le centre de notre attention et ne peuvent se comprendre que dans le
grand jeu de nos vies. En dernière analyse, nos vies ne sont pas
esclaves de systèmes quels qu'ils soient. » (2002 :
33).
Ainsi, la pratique de l' « OPJ
debout », comme nous l'avons dit, est-elle un avant-garde du passage
de la réaction sociale diffuse à celle dite formelle dans le
contrôle de la police judiciaire. Concernant la réaction sociale,
chaque communauté conçoit la déviance selon la
façon dont elle établit ses normes. Il est vain d'analyser les
infractions aux règles sans avoir aucune idée du processus de
leur production. La déviance elle-même consiste en conduite
paraissant simplement dangereuses sans nécessairement l'être
(LIANOS M. et DOUGLAS M., 2001 : 148).
Sur ce, les policiers évoluent à la fois dans
les normes formelles et informelles. Ces deux sphères organisationnelles
se renforcent mutuellement. Les dernières sont imposantes et
déterminent la pratique de l'OPJ debout. C'est grâce à ce
sphères que la police fonctionne. En détacher une, revient
à bloquer la machine policière et méconnaître
l'acteur social.
La visée est la recherche de l'essentiel à
travers la pratique dit de l'OPJ debout. Pour ce faire, notre analyse n'a
été rendue possible que par la manipulation des outils
méthodologiques et techniques de recueil des données (MARY M.,
1990 : 4).
La méthode qualitative constitue le coeur de notre
démarche. Elle permet une observation rigoureuse et approfondie de notre
objet. Elle est doublée de l'entretien sémi-directif et
l'analyse du contenu (QUIVY R. et VAN CAMPENOUDT L., 1995 : 194).
Pour rendre intelligible notre discours, nous l'avons
articulé autour de trois axes :
- le premier est centré sur la construction de l'objet
de recherche et sa mise en contexte ;
- le deuxième cerne les dispositifs
méthodologiques et le cadre référentiel ou champ
d'analyse ;
- le troisième et dernier axe présente l'analyse
criminologique de la pratique de « l'OPJ debout ». Il
expose les résultats de recherche.
La conclusion générale met un terme à la
présente. Elle récapitule les principaux résultats de
cette recherche que nous considérons comme notre contribution
scientifique.
CHAPITRE 1
CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE ET SA MISE EN
CONTEXTE
Le contenu de ce chapitre consiste à répondre
à la question de savoir quel est l'objet de cette recherche et sa mise
en contexte ?
Elle implique une réponse à double
dimension : l'objet de recherche (1) et son contexte (2).
I. CONSTRUCTION DE L'OBJET
DE RECHERCHE
Cette partie du travail présente la conception et la
mise en train de l'objet de recherche, cerne l'état de la question, fixe
ses déterminants, délimite son champ, précise la
problématique et les questions de recherche.
1.1. La Conception et la Mise en
train de l'Objet de Recherche
La présente étude rentre dans la perspective de
la finalité de l'Ecole de Criminologie. Nous devons préciser
qu'une recherche peut être menée à titre individuel par les
étudiants en formation, tout comme ce processus peut-être mis en
oeuvre par l'institution. Ce faisant, l'Ecole de Criminologie a recruté
les étudiants professionnels. C'est un atout pour qu'ils puissent
produire un savoir scientifique de l'intérieur qui cadre avec leurs
institutions respectives. Faisant notre cette finalité, notre souci a
été celui de savoir quel objet cerner pour une telle
étude.
Comme toute recherche a comme un point de départ
l'observation empirique, celle-ci suscite un questionnement en vue de
répondre aux interrogations découlant d'une pratique sociale.
C'est du questionnement que dérivent la fixation et la précision
de l'objet. (ALBARELLO, 2004 : 13) Il s'agit d'une longue et
pénible gymnastique intellectuelle qui nécessite la
maîtrise méthodologique, un raisonnement cohérent
doublé d'une formation appropriée. Ainsi, nous a-t-il fallu
d'abord partir du contact de l'existence de plusieurs problèmes
vécus et observés dans le cadre du travail de la police.
A ce sujet, il a été constaté sur terrain
un réel conflit entre l'Officier de Police Judiciaire (OPJ) et l'Agent
de Police Judiciaire dans l'exercice de leur travail. Non pas seulement le
conflit les oppose, mais aussi la nomination et l'avancement en grade
l'amplifient. Par ailleurs, la police est militarisée et contient des
éléments issus de toutes les factions belligérantes
découlant de deux guerres qu'a connues notre pays. En plus, les
différents éléments ont des formations
différentes.
Focalisant notre attention sur le problème de grade, la
situation conflictuelle nous a permis de jeter un regard orienté vers
l'organisation hiérarchique de la police pour y repérer et
localiser le tandem « Officier et Agent de Police Judiciaire (OPJ et
APJ) qui évoluent chacun avec un statut et des rôles
différents et spécifiques.
L'Officier de Police Judiciaire jouit d'une formation
spécialisée, d'une fonction, d'une compétence et d'un
grade y afférents lui conférant sa qualité et sa
compétence en matière judiciaire. Par contre, un agent de police
judiciaire reçoit une formation de base qui comprend la phase militaire
et judiciaire.
Dans la pratique, il a été constaté que
l'Agent de Police Judiciaire évolue et entre en compétition avec
l'officier de Police Judiciaire dans le cadre informel lors de ses
différentes missions : ordinaires et extraordinaires (LUNSUA P.,
2006 : 8-9).
A ce sujet, l'Agent de Police Judiciaire dans l'exercice de
ses différentes missions comme l'arrestation d'un sujet, s'érige
ou se transforme en Officier de Police Judiciaire pour gérer les
situations qui sont de la compétence de ce dernier.
A titre illustratif, l'Agent de Police Judiciaire
envoyé par son commandant qui est un OPJ en vue d'arrêter un
suspect pour abus de confiance, au lieu d'arrêter ce dernier, demande aux
deux parties de s'arranger à l'amiable. S'il réussit
l'arrangement, les deux parties lui donnent son dû et il rentre au
sous-commissariat donner un faux rapport à son chef selon lequel le
suspect est absent de telle manière que la partie plaignante rentre
chez-elle.
Dans cette logique, il parait impérieux de
préciser le concept d' « OPJ debout » dans le
contexte empirique. Il n'est pas à confondre avec le Magistrat debout.
Celui-ci est appelé ainsi par analogie à la procédure
judiciaire qui oblige l'officier du Ministère Public à se tenir
debout chaque fois qu'il prend la parole à l'audience. Il est le chef
judiciaire de l'OPJ, à qui ce dernier rend compte de toutes ses
activités judiciaires.
« L'OPJ debout », quant à lui, tire
sa source dans sa pratique. C'est un APJ qui, sans papier, ni bic, ni bureau,
non assermenté et non habilité, travaillant sous la supervision
de l'OPJ, se permet de gérer les situations problèmes lors de
l'exercice de ses différentes missions de Police Judiciaire, à
l'insu de l'OPJ.
Il est nommé ainsi puisqu'il est expéditif dans
sa pratique. Il ne se met pas debout pour trancher, mais la position
« debout » exprime ici la manière expéditive
de gérer le problème. Il improvise l'arrangement. En cas de non
compromis, le problème est porté auprès de l'OPJ
assermenté.
Par analogie au juge du siège, nous entendons par
« OPJ » un officier ou un sous-officier de la Police
Nationale de première classe qui a sous sa supervision les APJ. Il
dispose d'un bureau. Ayant prêté serment, il est
assermenté, habilité et compétent pour dresser les
procès-verbaux judiciaires et rend compte de ses actes au Procureur de
la République.
Il est OPJ à compétence générale
à l'opposition de l'OPJ à compétence restreinte sur le
plan matériel. (ALANGI EBE, 2006 : 16-19). Pour éviter
l'équivoque dans cette recherche entre ces deux acteurs, nous appelons
« OPJ debout » l'Agent de Police Judiciaire et
« OPJ assis ou assermenté », l'Officier de Police
Judiciaire.
La police est organisée hiérarchiquement sous
réserve des règles par le corps de procédure pénale
en ce qui concerne les missions de la police judiciaire. Elle est placée
sous l'autorité de Ministère Public (LOFIMBO, 2006 : 9).
Sous d'autres cieux lorsque les acteurs se trouvent en conflit avec la loi dans
l'exercice de leurs missions, ils répondent de leurs actes à
l'Auditorat Militaire qui relève du Ministère de la
défense.
La police étant une institution
génératrice de recettes, l' « OPJ
assermenté ou assis » est un Agent de perception qui doit
rendre compte à la Direction Générale des Recettes et
Domaniale qui relève du Ministère des Finances et Budget.
Toutefois, le versement se fait par la voie hiérarchique.
Du reste, l'article 14 de la loi n°80-003 dispose
qu'avant d'entrer en fonction, l'Agent, selon la conception de cette
étude, l' « OPJ debout » est tenu de prêter le
serment suivant : « je jure fidélité au
Président de la République, obéissance à la
constitution et aux lois de la R.D.C. » (KAKESE E. et MBUMBA A.,
2006 : 10).
Vu sous cet angle, l' « OPJ debout » n'a
pas la compétence matérielle et géographique
(territoriale) pour traiter les matières pénales. Par
conséquent, il est même dépourvu de la compétence
restreinte, celle qui est destinée au personnel des entreprises. (ALANGI
EBE, 2006 : 18)
Cependant, il y a lieu de retenir que le manque de
compétence de cet acteur suscite une réflexion à analyser
empiriquement pour prendre la distance. Il en est de même pour l'
« OPJ assermenté ou assis » qui travaille à
la fois dans le formel et l'informel.
La fonction de l' « OPJ assis » a ses
exigences spécifiques. Le policier ne peut exercer effectivement ses
attributions, ni se prévaloir de cette qualité qu'après
avoir été personnellement habilité par le Procureur de la
République et prêté le serment suivant :
«Je jure fidélité au Président
de la République, obéissance à la Constitution et aux lois
de la R.D.C., de remplir fidèlement les fonctions qui me sont
confiées et d'en rendre loyalement compte à l'Officier du
Ministère Public (OMP) (KAKESE E., et MBUMBA A., 2006 :
10)»
Les deux acteurs ayant un statut, des rôles
différents et spécifiques, il a été constaté
dans la pratique, qu'il y a un conflit dans l'exercice de la mission
judiciaire. Ainsi, l'analyse conflictuelle entre les deux acteurs nous a-t-elle
captivé pour y consacrer la recherche sur la pratique qui en
découle.
Nous en sommes arrivé à expliquer les conflits
des rôles et statuts entre « OPJ » et
« APJ » dans l'exercice de la mission de Police
Judiciaire.
La préoccupation est pertinente du point de vue
production scientifique du savoir. Elle est aussi faisable puisqu'elle peut
répondre à la réalité du terrain. Toutefois, elle
pose la difficulté de clarté et de précision. (QUIVY R.,
et CAMPENOUDT L.V., 2006 : 28)
Sans doute, nous limiter uniquement au niveau du conflit entre
les deux acteurs, reviendrait-il à réduire le champ. Celui-ci se
veut plus vaste, mais précis pour ne pas s'écarter de l'objet.
Ainsi l'analyse conflictuelle a-t-elle été sujet
de discussion avec notre promoteur qui nous a guidé d'aller
au-delà des conflits pour aborder l'analyse des
« relations » entre les deux acteurs. Ce concept est vaste
et intégrateur.
Nous nous sommes posé la question suivante :
- Quelles sont les relations que les
« OPJ » entretiennent avec les « APJ »
et quel est l'impact de ces relations sur la mission de la police
judiciaire ?
L'analyse des incidences est essentielle et peut-être
retenue comme question de recherche. Cependant, la question centrale
pêche contre le principe de la concision, c'est pourquoi, elle a
été résumée de cette manière ?
- Quelles sont les relations entre
« OPJ » et « APJ » dans l'exercice de
leur travail judiciaire ?
Cette question centrale est concise, claire et précise.
Elle a l'avantage d'être large puisqu'elle inclut les deux acteurs et
offre la possibilité de s'élargir tout au long de la construction
du savoir. Elle reste le fil conducteur de cette étude puisqu'elle est
dans le possible ou le réalisable et analyse ce qui existe. C'est ainsi
que nous retenons « le travail de la police judiciaire comme notre
objet d'analyse criminologue ».
1.2. L'état de la
question
Il nous permet non seulement de recenser et de fixer la
littérature existante sur la question de recherche en vue
d'opérer une rupture démarcative, mais aussi il ouvre des
nouvelles pistes de réflexion susceptibles d'enrichir et
d'élargir l'objet de recherche. Il permet également de retenir ou
capitaliser certains concepts pouvant être mobilisés dans la
recherche.
Selon notre recension faite sur la littérature
disponible au regard de notre objet de recherche, il n'existe pas
d'études spécifiquement consacrées à la pratique de
l' »OPJ debout ». Néanmoins, certains ouvrages
peuvent nous éclairer. Cette étude est une première
contribution à l'analyse criminologique de cette pratique.
1.2.1.Thèses et
mémoires
- Raoul KIENGEKIENGE INTUDI (2005), le contrôle policier
de la délinquance des jeunes à Kinshasa, Thèse, UCL,
Louvain. Il analyse de l'extérieur, l'écart entre la loi et la
pratique au regard de la délinquance des jeunes. Par contre, celle-ci
analyse de l'intérieur le décalage entre les missions judiciaires
et la pratique de régulation sociale.
Si Raoul a épinglé la capitalisation
horizontale, la présente va au-delà pour cerner également
celle dite verticale. Son étude est un repère qui nous lance dans
une piste de réflexion abordant les relations entre
« OPJ » et « APJ » desquelles
découle la pratique de l' « OPJ debout » comme un
modèle particulier de règlement des conflits.
- Ildefonse TSHINYAMA (2006), la rencontre entre les policiers
et les jeunes délinquants à Lubumbashi, Mémoire de DEA,
Ecole de Criminologie, Université de Lubumbashi. Il exploite le
même phénomène que Raoul, mais dans une perspective
comparative. C'est le contrôle policier qui nous intéresse par les
recettes non prescrites de régulation sociale.
- Norbert LUPITSHI WA NUMBI (2006), les pratiques non
réglementaires dans le réseau automobile des transports en commun
à Lubumbashi, mémoire de DEA, Ecole de Criminologie,
Université de Lubumbashi. Il stigmatise la remise du rapport aux
policiers de roulage par les automobilistes. Ce rapport est une facette de la
pratique sous-étude. Le recoupement nous permettra d'opérer la
« transfectabilité » de cette recherche.
- Honoré NGOY MWENZE (2006), La sécurité
privée au Katanga : pratique et représentation de la DSA
sécurité, mémoire de DEA, Ecole de criminologie,
Université de Lubumbashi. La sécurité privée
recourt à la police. Son étude nous servira à
dégager les relations entre la police et la sécurité
privée.
- Gabin KABUYA (2006). Son étude démontre que
les magistrats recourent aussi à d'autres canaux normatifs que
pénaux. Il en est de même des OPJ dans le contrôle policier.
En plus, elle nous permet de stigmatiser les enjeux des acteurs dans la
détermination de l'issue du dossier.
- NSAMBAY KABAMBA (2006), le travail juridique de la Police
Nationale Congolaise : une étude empirique de la justice
pénale, Mémoire de licence, Université de Kinshasa. Son
étude est menée de l'extérieur et constitue une des
sphères de notre recherche qui embrasse l' « OPJ assis ou
assermenté ». La présente va au-delà de cette
sphère pour cerner la pratique de l' « OPJ debout »
comme point d'ancrage de cette recherche.
1.2.2. Ouvrages
policiers
- MONJARDET, D. (1996), ce que fait la police, Paris, La
Découverte. L'ouvrage présente la triple détermination de
la Police. Dimension organisationnelle (travail), institutionnelle (valeur) et
professionnelle (intérêt). C'est la première dimension qui
nous captive. Il épingle ou décrit les pratiques quotidiennes des
agents de la police qui sont relatives d'une police à l'autre.
- OCQUETEAU F., (2004), Polices entre Etat et marché,
Paris, éd. PSP. Il démontre l'essor de la sécurité
du secteur privé comme une défaillance de l'Etat dans ses
allocations de ressources de protection.
- JOBARD F., (2002), Bavures policières ? La force
publique et ses usages, Paris, La Découverte. L'auteur présente
la violence des policiers exercés sur la population. L'ouvrage nous
permet de lire la police comme une organisation discrétionnaire. En
plus, les auteurs de la violence sont punis administrativement pour cacher les
méfaits de la police.
- SMITS M. (2003), Etudier la police : une
nécessité démocratique, Jurbise, C.E.P. En tant qu'une
nécessité, la police et démocratie ouvrent pour nous une
piste de réflexion d'une recherche ultérieure en termes de
Police, droits de l'homme et démocratie.
1.2.3. Ouvrages
juridiques
- DAYEZ B., (1999), A quoi sert la justice
pénale ? Bruxelles, De Boeck. Elle nous permet de
réfléchir sur la finalité de la justice sociale et nous
permet à soutenir la pratique de l' « OPJ
debout » comme un modèle de justice spécifique par
l'arrangement entre parties en conflit.
- LEVY T., (2004), Eloge de la barbarie judiciaire, Paris,
Odile Jacob. Elle nous permet de soutenir les avantages et
intérêts de la pratique policière de l' « OPJ
debout ».
1.3. DÉTERMINANTS DE LA
RECHERCHE
La question centrale étant fixée, l'objet
déterminé, la démarcation avec les études
précédentes opérée, il est indispensable d'investir
les orientations et les finalités de la recherche. Cette démarche
est capitale puisqu'elle permet d'approfondir et de justifier les
déterminants de l'objet d'investigation.
Faisant nôtre la perspective constructiviste qui suppose
la pluralité du savoir, KAMINSKI D., précise qu'
« elle est utile pour échapper à la croyance qu'il
suffit d'avoir un objet pour faire la recherche, de ne pas croire aux
évidences du sens commun (les hôpitaux servent à soigner
les malades, les prisons à punir les criminels...), c'est-à-dire
échapper le plus possible à la conventionalité des
questions de recherche » (2005 : 13-14).
Dans cette optique, la présente étude a comme
visée la recherche de l'essentiel à travers la pratique
policière de l' « OPJ debout ». elle mobilise deux
orientations inclusives et cumulatives.
· La première visée est la recherche de la
cohérence logique et l'essentiel des faits. Elle analyse d'abord les
relations entre « OPJ » et « APJ » dans
l'organisation policière. Elle analyse ensuite les relations entre les
phénomènes et privilégie la recherche des règles
d'association qui structure les relations sociales. Dans cette optique, elle
vise à démontrer comment la manière de faire de
l' « OPJ » peut créer la pratique de l'
« OPJ debout ». La non distribution implique la non
participation et induit la pratique. L'APJ s'institue en « OPJ
debout » et devient une instance de pouvoir. L'analyse porte sur les
variations et les constances de ces relations en termes de situations à
la fois de conflits et de coopération entre ces deux acteurs. La
participation et la distribution sont mobilisées comme indicateurs
d'analyse (QUIVY R. et CAMPENHOUDT L.V, 2006 : 228-229).
· La deuxième orientation est la recherche des
contradictions. Elle vise la recherche du sens profond pour mettre à
jour des contradictions dans les faits eux-mêmes et dans les
interprétations des phénomènes. Cette perspective permet
de relever les contradictions par les convergences et les divergences. Elle
s'opère par le schème dialectique pour dégager les
incidences des relations entre les deux acteurs dans l'exercice de leurs
missions judiciaires. Elle est une aide qui permet de stigmatiser la pratique
sous-étude comme mode non réglementaire de règlement des
conflits. Elle prend en compte les avantages de la pratique policière
comme intérêts à privilégier ou à
réglementer et ses limites comme pesants à améliorer.
Notre souci est de démontrer comment le conflit est structurant des
objets sociaux.
Ceci étant, quel est le champ d'analyse de cette
recherche et ses contours ?
La réponse à cette question fera le contenu du
point suivant.
1.4. DÉLIMITATION DU
CHAMP DE RECHERCHE
Les objectifs de la recherche étant fixés, il y
a lieu de cerner ses limites d'analyse. Il s'agit de la précision
spatiale, temporelle et conceptuelle de l'objet de notre étude.
1.4.1. Du point de vue
spatial
L'étude portera sur le site d'observation qui est le
sous-commissariat de police de « KAFUBU » dans la commune
de Kampemba à Lubumbashi, comme milieu professionnel et de stage.
1.4.2. Du point de vue
temporel
L'étude rentre dans la période du stage
débuté au mois de janvier de l'an courant. Cependant, le fait a
ses racines plongées dans la nuit du temps et qui seront
éclairées dans la mise en contexte de l'objet de recherche.
1.4.3. Du point de vue
conceptuel
Le travail de police judiciaire est un objet de recherche
très vaste et il importe de préciser le contenu qui nous
intéresse. L'analyse portera sur les relations entre
l' « OPJ assis » et l' « OPJ
debout » dans une situation dynamique autour de la
« participation du pouvoir et de la
« distribution ». De ces relations, découle la
pratique de l »OPJ debout » qui est notre point
d'ancrage.
Le champ étant bien délimité, quelles
sont les lunettes d'approches (ou la grille de lecture) appropriées et
convenables susceptibles de bien appréhender notre objet de
recherche ?
Cette préoccupation fera l'objet dans cette section que
nous abordons. C'est la perspective théorique appelée autrement
problématique.
1.5. PROBLÉMATIQUE
Choisir une problématique est selon KAMINSKI D,
« se donner une orientation théorique, choisir un type de
rapport (le type d'explication au sens large) que l'on va établir entre
son objet de recherche et les « explicans » disponibles. Il
s'agit donc d'une spéculation hypothétique, non pas sur la
réponse à apporter à la question de départ, mais
sur le caché théorique dans lequel on va inscrire sa
question » (2005 :24)
Le même auteur renchérit qu'établir la
problématique de recherche revient à définir trois
éléments :
1° Ce que l'on cherche à expliquer (l'explicancun
ou variable indépendante).
2° Ce avec quoi on veut le mettre (l'explican ou variable
dépendante).
3° Le type de relation entre ces deux premiers
éléments (2005 : 25).
Pour nous, la problématique est cette manière
théorique d'approcher l'objet d'étude. C'est la conception de
l'objet selon une grille de lecture théorique adaptée et
convenable qui servira des lunettes visionnaires.
Ce faisant, notre problématique s'est construite
à trois temps à savoir : le premier est celui de la mise au
point qui consiste à cibler parmi les théories, celle qui
convient à cette recherche, le second consiste à préciser
et à fixer la théorie retenue. Il permet aussi d'adapter notre
question de départ pour la rendre plus fine. Le troisième
dégage la pertinence de la grille retenue.
1.5.1. La mise au point
Notre recherche porte sur les relations entre l'
« OPJ » et l' « APJ » dans l'exercice
de leur travail judiciaire. Sur terrain, il a été constaté
qu'à travers ces relations, l' « APJ » travaille
sous l'ordre hiérarchique de l' « OPJ ». Cependant,
celui-là, au lieu de respecter la procédure et ses missions
judiciaires, il « renverse » l'ordre hiérarchique
pour se substituer à celui-ci. En effet,
l' « APJ » régule à son niveau certains
conflits entre les parties concernées en lieu et place de l'
« OPJ » et à son insu.
Par ailleurs, l' « OPJ », dans l'exercice
de son travail judiciaire n'applique pas seulement et nécessairement les
normes pénales, aussi et surtout les normes non prescrites comme mode de
contrôle policier ou de règlement des conflits. Il se fait aussi
qu'il clôture certains dossiers à son niveau en brisant son
serment selon lequel il doit rendre compte de ses activités judiciaires
à l'Officier du Ministère Public. Il va même au-delà
pour réguler à son instance et clôturer certains
problèmes tels que le viol, vol qualifié, avortement ... dont la
loi et la procédure ne l'autorisent pas.
Devant ce fait, quelle est la grille pertinente et susceptible
de rendre compte de la manière d'agir et de faire de ce tandem
« OPJ - APJ » ?
C'est l'approche actancielle qui a été retenue
dans cette recherche comme point de départ de notre
problématique. Elle est fondée sur l'idée que les
comportements des « acteurs sociaux » ne peuvent
être réduits à des effets de structure ou de
système. (QUIVY R. et VAN CAMPENHOUDT L., 2006 : 91).
Elle est processuelle et analyse le phénomène
comme une réalité en devenir, produite par l'action des humains
ou les contradictions internes du phénomène étudié
(KAMINSKI D., 2005 : 24).
Cette approche semble plus susceptible de rendre compte que
d'autres selon la visée de cette recherche qui tend à valoriser
la pratique de l' « OPJ debout » comme mode
spécifique ou forme non prescrite de règlement des conflits.
L'importance de cette approche a été celle de
nous avoir guidé à cibler la police non pas comme un
système, au contraire comme une « organisation »
animée par les « acteurs » qui sont les
policiers.
1.5.2. Fixation de la
problématique
Ce qui nous intéresse, c'est la manière
spécifique avec laquelle une théorie pose le problème et
interroge les phénomènes à analyser et permet de se poser
à leur propos des questions de recherche qui prolongeront la question
centrale.
Ce faisant, la police comme
« organisation » et les policiers comme « acteurs
sociaux » nous renvoient aux théories qui traitent de
l'interaction entre « l'acteur et l'organisation ».
A ce sujet, le travail de lecture nous a mis sur la piste de
l'analyse stratégique de CROZIER M. et FRIEDBERG E., (1977) dans
l'acteur et le système, qui s'est présentée comme une
grille de lecture pertinente. Cependant, après l'avoir soumise à
une analyse profondément mûrie, elle semble limitée par le
concept « système » qui constitue un enfermement de
l'acteur dans un cadre sans issue. Pour cette raison et celle d'éviter
le débat sur « le système ouvert ou
fermé », cette théorie est mise en jachère.
Toutefois, en cas de pertinence, elle peut servir d'appui ou de
référence.
En parcourant la littérature exploratoire, nous avons
repéré la recherche de MONJARDET D., qui présente une
analyse mieux indiquée « la police comme
organisation ».
Il la conçoit en ces termes : « une
organisation complexe, régie par des règles contraignantes, et
dont les membres sont loin, de partager une vision identique des
finalités de la police en général et de leurs propres
missions en particulier. L'organisation informelle y joue un rôle
déterminant » (1996 : 64).
La police comme organisation est caractérisée
par une division et une spécialisation des tâches, des techniques,
des procédés, des savoirs, une structure hiérarchique et
des normes informelles.
Cette recherche a mobilisé cette grille de lecture pour
expliquer la police comme « organisation » et les
policiers comme « acteurs sociaux » dans les relations
entre « OPJ » et « APJ » au regard de
leur travail judiciaire. Elle nous permet de comprendre et d'analyser la police
dans une perspective microsociologique.
C'est ainsi que nous avons stigmatisé la police en
termes « d'organisation » comme instance
hiérarchique où « OPJ » et
« APJ » sont des « acteurs sociaux »
définis par leurs statuts (grade) et leur rôle (fonction),
mobilisent et coordonnent des ressources (maîtrise de la loi et de la
procédure et les manières de les contourner...) en vue de
réaliser leurs missions judiciaires. Régis par des règles
contraignantes, évoluent dans le jeu de pouvoir, développent les
stratégies pour réaliser leurs attentes personnelles et
divergeant souvent avec celles de l'institution.
Ils sont en contact avec l'extérieur. Les normes et
l'organisation informelles y sont déterminantes et imposantes.
Ce que fait la police, c'est ce que les policiers font et en
font (MONJARDET D., 1996 : 9). Ceci justifie bien la grille de
l'acteur social et l'organisation qui montre les policiers non pas comme les
simples animateurs, mais comme les acteurs sociaux qui font bouger la police et
lui donne un visage particulier où émerge un
« iceberg » dont la partie submergée constitue la
pratique « d'OPJ debout » évoluant dans l'ombre.
C'est ainsi que la nuit soutient le jour, et l'invisible constitue le socle du
visible, c'est comme le latent et le manifeste, le non dit et le dit, le
potentialisé et l'actualisé. C'est l'organisation informelle qui
soutient celle dite formelle.
Cette grille de l'acteur social et l'organisation retenue
comme problématique de cette recherche, dans le sillage de MONJARDET D.,
(1996), éclaire l'analyse des relations entre
« OPJ » et « APJ » qui
débouchent à la pratique dite de l' « OPJ
debout ». L'organisation est un cadre abstrait. En tant que telle,
elle ne fonctionne donc jamais en conformité parfaite avec les normes
qui sont censées la régir, même si celles-ci ne sont pas
contradictoires. Ces failles font que les policiers en tant qu'animateurs
interprètent et adaptent les règles de l'organisation. C'est en
cela qu'ils sont acteurs.
D'après cet auteur, les policiers jouissent d'une
« autonomie » qu'il appelle « pouvoir
d'initiative ». C'est ce que LOUBEL J.L., définit en termes de
« pouvoir d'appréciation »
comme « une prise de décision qui n'est pas
strictement gouvernée par des règles légales, mais qui
comporte un élément significatif de jugement
personnel. » (2006 :210)
MONJARDET insiste plus sur l'organisation que sur l'action des
acteurs. Le pouvoir d'interpréter et d'adapter les règles de
l'organisation ainsi que celui d'initiative ou d'appréciation
dépendent des enjeux du pouvoir, du point de vue de chaque acteur, de
son histoire et de ses projets propres. C'est ici que nous trouvons pertinent
d'enrichir cette grille par celle de DEBUYST (1990 : 25-26).
Cette grille nous permet d'expliquer comment les policiers
sont des « acteurs sociaux » agissants, intervenants et
interagissants dans le secteur pénal selon leur point de vue lorsqu'ils
se trouvent confrontés à des règles contraignantes. Leur
point de vue est fonction de leur histoire et projet propres. Ils sont adultes,
responsables et parents ; ils doivent prendre à charge leurs
familles, s'équiper et aspirer au bien être ; le point de vue
est aussi lié à leur expérience en vue de réaliser
leurs attentes différentes de celle de l'organisation. Sinon, ils
démissionneraient de la police depuis longtemps. C'est grâce
à ces pratiques informelles qu'ils se maintiennent et que la police
fonctionne comme telle.
Par cette problématique, la question de départ
se précise pour se transformer et se prolonger en question de
recherche :
« Qu'est-ce qui est essentiel dans les
relations entre « OPJ » et « APJ » lors
de leur travail judiciaire ? »
Sans doute, elle sera complétée et enrichie par
d'autres questions pour approfondir et élargir l'objet de recherche.
1.5.3. La pertinence de
l'acteur social et l'organisation
L'organisation permet de saisir la police comme un construit
idéal qui a deux sphères dont l'une apparente, impérative,
normative et contraignante. C'est celle qui est visible, apparemment rigide
sans nécessairement l'être. C'est le règne d e prescription
et de ligne de conduite, de décision et de sanction.
Elle exige la conformité. Cependant, elle peut
être corrompue par les acteurs qui interprètent les règles
et les adaptent selon leurs aspirations.
L'autre potentielle, elle sert de pilier fonctionnel à
la première. C'est la sphère de l'adaptation et
d'interprétation des prescriptions. Elle constitue la sphère non
réglementaire. Elle est puissante et déterminante. Sans elle, la
machine policière bloque. Elle assouplit les tensions et ouvre la voie
aux pratiques. Elle constitue le point focal pour cette recherche puisqu'elle
nous permet d'expliquer la pratique de
l' « OPJ debout » qui n'est pas à
considérer comme une déviance, mais comme une adaptation
fonctionnelle valorisée en « déviance
créatrice » puisqu'elle permet aux acteurs de créer
leurs propres lois, d'autres modes de régulation...
L'acteur et l'organisation suggèrent comme mode
d'appréhension le processus et le sens. A ce propos, la substitution de
l' « APJ » en « OPJ » a un sens
à découvrir (DIGNEFFE F., 1990 : 360) et les relations entre
ces deux acteurs sont porteuses de signification à dévoiler
(CROZIER M. et FRIEDBERG E., 1977 : 16).
La grille nous permet de dégager les logiques et les
représentations des actions des acteurs.
Finalement, les policiers dans l'organisation sont des acteurs
sociaux constamment pris dans l'élaboration de leur propre
identité à travers les règles formelles et informelles.
Celles-ci sont puissantes et déterminantes puisqu'elles permettent la
production des pratiques en tant que réalités se structurant et
en devenir dans l'organisation.
C'est ainsi que les acteurs modèlent les règles
contraignantes de l'organisation policière en général et
du champ pénal de régulation sociale en particulier. Ils les
interprètent, les jaugent, les discernent et les adaptent ou en
créent d'autres selon les occasions en présence et leur point de
vue.
Il sied de préciser que cette problématique
n'est qu'une spéculation hypothétique à soumettre aux
données empiriques. C'est celles-ci qui en dernière analyse
élucideront ses limites et son adaptation en vue de valider la
transferabilité de cette recherche.
1.6. QUESTIONS DE RECHERCHE
La question centrale est le pivot de toute recherche.
Après l'avoir soumise à une analyse profondément
mûrie, nous avons retenu la question suivante comme question de
départ : « Quelles sont les relations entre
« OPJ » et « APJ » dans l'exercice du
travail de police judiciaire ? »
La problématique étant cernée, la
question centrale transformée, précisée et
prolongée en question de recherche, ci-après, il est
impérieux d'en envisager d'autres qui serviront de point d'ancrage
d'hypothèse. Comme il sera intéressant de décortiquer pour
découvrir sur base des données empiriques les
préoccupations suivantes :
1° Qu'est ce qui est nécessaire dans les
relations entre « OPJ » et « APJ » lors
de leur travail de police judiciaire ?
Le point capital de ces relations n'est pas visible, il est
difficilement observable puisqu'il se pratique dans l'ombre. C'est la pratique
de « Kundelpain »qui signifie en
« cachette ». Elle est le point d'ancrage de cette
recherche. Elle stigmatise l'organisation policière comme cadre
imparfait dont les acteurs modèlent et façonnent pour la
fonctionnalité. Sans elle, la machine policière bloque.
Elle surplombe l'organisation observable. Elle est
dénichée dans la sphère informelle qui s'avère
puissante et imposante malgré les contraintes de l'organisation
policière. Ce qui est important, ce n'est pas ce qui est visible, mais
ce qui est caché. La nuit est plus importante que le jour. Tout ce qui
se passe pendant le jour est une projection de ce qui se passe pendant la nuit.
Le jour, c'est l'ombre de la nuit. C'est de la nuit que découle le jour.
C'est comme la fondation et le mur. Celui-ci est visible et parait plus
important que celle-là.
Pourtant, cette apparence n'est qu'un leurre, un trompe oeil.
La fondation est invisible et plus essentielle que le mur puisqu'elle le
soutient. Sans elle, le mur ne résiste pas et peut s'écrouler.
Les deux se soutiennent pour former un édifice solide. S'ils ne se
soutiennent pas l'édifice est fragilisé.
L'essentiel est à dénicher dans la nature, les
enjeux du pouvoir ou règles du jeu, les ressources et stratégies
mobilisées à travers les relations internes et externes de deux
acteurs.
Dans une cohérence logique, ces concepts ciblés
trouveront réponses à travers le corpus de cette recherche en vue
d'éclairer l'essentiel qui s'inscrit dans la posture non prescrite comme
modèle de règlement des conflits dans le contrôle policier.
Ils demeurent des questions de recherche en veilleuse.
2° Quelles sont les pratiques qui naissent de ces
relations, les logiques qui les sous-tendent et les contradictions qui s'en
dégagent ?
Si des pratiques il y en a, nous visons l'essentiel de celle
dite « OPJ debout ». Elle suit la logique de
précarité et de la vulnérabilité sociétale.
Se trouvant au bas de la hiérarchie l' « OPJ
debout » est fragilisé par ses supérieurs en
commençant par l' « OPJ assis » s'il ne distribue
pas. Ce dernier subit les mêmes effets par ses supérieurs et
l'Etat qui ne distribuent pas. D'où le tandem « OPJ assis et
debout » s'institue à l'Etat pour se payer. C'est ainsi que
les deux acteurs mobilisent les sources et stratégies pour
répondre à leurs attentes.
Ce qui est essentiel, n'est pas le fait de capitaliser pour
les intérêts personnels à l'antipode de ceux de
l'organisation, mais c'est ce qui est derrière la capitalisation que
nous devons décortiquer.
Les contradictions qui en découlent permettent de
rendre compte la manière dont les acteurs légitiment leurs actes
non prescrits lors du travail judiciaire. Elles rendent comptent, en
paraphrasant MONJARDET D., et OCQUETEAU F., « ce que fait la police,
c'est ce que les policiers font et en font » (2004 : 75)
Elles permettent de fixer les intérêts, les
pesants, les limites du modèle non réglementaire de justice. Les
contradictions visent le non dit, le no perçu, c'est-à-dire les
significations et le sens des actes. A titre illustratif, les policiers disent
ou chantent : « oyo mosala te, oyo mosala te
bandeko » Ce qui se traduirait « La police n'est
pas un travail mes frères ».
L'idée exprime le travail pénible de la
police.
Si le travail était pénible, comment se fait-il
que le policier ne l'abandonne pas et continuent à travailler avec
zèle ?
La réponse « Esengo ekoya, ya bulo
yango » qui veut dire, « la joie du travail
viendra ». Cette joie et le travail zélé trouvent leur
impulsion dans les pratiques policières qui rentrent dans la
sphère informelle.
3° Comment ces relations influent-elles sur le
fonctionnement de la police judiciaire et quelles en sont les
différentes représentations par les acteurs eux-mêmes en
interaction avec la population ?
La question est très pertinente puisqu'elle nous
renvoie à saisir la police comme un modèle de justice à
deux sphères dont l'une est en « Kundelpain » et
l'autre visible. La police est une instance de justice, un
« tribunal » ou le champ normatif est diversifié.
Tout dépend du jeu des acteurs en présence pour
le recours à telle ou telle recette régulatrice :
pénale, sociale coutumière, habitus... Il n'y a pas que l'Etat
qui produit les normes, les acteurs en produisent aussi. Cette perspective,
nous a permis de souscrire à la grille criminologique de l'acteur social
que nous avons eu le loisir de cerner ses contours dans la phase
précédente.
II. MISE EN CONTEXTE
HISTORICO-SOCIO-ECONOMIQUE DE L'OBJET D'INVESTIGATION
La mise en contexte du phénomène
sous-étude est un préalable scientifique qui n'est pas à
considérer comme une finalité en soi, mais comme un moyen
approprié permettant de comprendre mieux le comportement des policiers
et le fonctionnement de la Police. Celle-ci est envisagée sous une
dimension organisationnelle de régulation sociale.
La mise en contexte nous a permis de nous mettre dans la peau
des acteurs pour les observer, les écouter et comprendre leur agissement
à travers l'évolution historique et le cadre
socio-économique où ils interagissent.
Le phénomène que nous analysons est ancien
puisqu'il a ses racines plongées dans la nuit du temps. Sa
spécificité ou sa singularité est mal identifiée
puisqu'il évolue dans l'ombre. Il peut se comprendre comme produit de
l'histoire et de l'évolution socio-économique permettant aux
acteurs (OPJ assis et debout) d'agir sur les modes de régulation des
situations, la manière d'exprimer leur logique, leur
représentation dans leur manière de faire justice.
Toutefois, retenons que l'analyse de ce qui se passe dans
l'ombre nous interdit toute corrélation mécanique entre pratique
et carrière délinquante, comme l'indique RICORDEAU G.
(2001 : 165)
Par contre, l'attitude scientifique est de valoriser ce qui
est positif dans la pratique de nuit au regard des relations entre
« OPJ assis et debout » dans l'exécution du travail
de police judiciaire.
Notre visée dans ce faisant, c'est l'analyse de la
structuration sociale du comportement des acteurs en recherchant le rôle
essentiel de la pratique de l' « OPJ debout ».
2.1. CONTEXTE HISTORIQUE
L'historique des forces de police est le fruit de notre
synthèse intellectuelle, adaptée et enrichie par d'autres
sources, du cours de « l'histoire et organisation de la
police » dispensé par le professeur (KAUMBA LUFUNDA, 2006).
Pour mieux comprendre les forces de police dans notre pays, il
convient de distinguer les missions militaires de défense et de
sécurité du territoire, de missions de police relatives à
la sécurité publique, à l'ordre public et à la
salubrité publique. A travers l'histoire, la police a toujours
été militarisée et ses missions ont été
exercées par différents corps que voici : la Force Publique,
la Police territoriale, la Gendarmerie, la Police provinciale, la Police
nationale, la Gendarmerie nationale, la Garde civile et la nouvelle formule de
la Police nationale qui est en vigueur.
Avant d'entrer dans le vif, il convient de préciser,
avec le Professeur KAUMBA LUFUNDA Prince ce qui suit :
« Les forces de police sont un maillon du
système global de sécurité d'un état. Leur
organisation évolue avec la conception que l'Etat se fait de l'ordre
publique, en fonction des préoccupations sécuritaires qui
prévalent à telle ou telle période de l'histoire ; le
visage des agents de l'ordre témoigne ainsi le visage de l'Etat et de la
manière dont l'Etat gère les rapports des citoyens à la
loi » (2006 : 1)
Ainsi, les grandes étapes de cette évolution
s'articulent-elles autour des préoccupations de sécurité
se focalisant tantôt sur la sécurité du territoire,
tantôt sur la sécurisation du territoire, tantôt sur la
consolidation de pouvoir, tantôt enfin sur la sécurité des
personnes et des biens et sur le bien-être social.
Sur ce, le cheminement de ces formes s'articulera autour de
trois grandes périodes de l'histoire : la période
précoloniale, l'époque coloniale et l'indépendance.
2.1.1. Epoque
précoloniale
L'histoire nous renseigne qu'avant la colonisation de notre
pays, il comptait et regorgeait plusieurs sociétés
organisées en communautés étatiques et non
étatiques. Les communautés organisaient leurs forces de l'ordre
dans des systèmes non permanents. Il existait autour, du chef des
groupes armés qui assuraient et assumaient le maintien de l'ordre dans
la communauté et qui étaient appelés à la
défendre en cas d'agression comme l'indique (LUNSUA KUNZENZE,
2006 : 7).
Les différentes situations problèmes pouvaient
émerger dans la communauté entre les membres. Elles
étaient traitées par le chef et ses notables autour de l'arbre
à palabre. C'est le principe de l'arrangement à l'amiable. Et les
deux parties en conflit versaient chacune une calebasse de vin de palme et un
régime de banane comme symbole de remerciement aux
« juges » pour le service rendu. Cette forme de
régulation a été rejetée par la colonisation sous
prétexte du droit de non civilisés en faveur du Droit
pénal écrit. Mais, aujourd'hui, elle est valorisée en
Europe par ceux qui l'ont rejetée.
2.1.2. Epoque coloniale
2.1.2.1. La Force Publique
En 1885, la conférence de Berlin consacra la
propriété du territoire du Congo pour le Roi Léopold II.
Peu après la création de l'Etat Indépendant du Congo
(E.I.C), Léopold II créa la Force publique par le décret
du 5 Août 1888. Elle est une institution militaire dotée des
missions militaires d'occupation et de défense du territoire.
Faute d'une force de police, elle en assuma les
premières missions en combattant le commerce des esclaves et en
garantissant la liberté du commerce dans le bassin du fleuve Congo.
Après la première guerre mondiale, la Force
publique fut d'abord glorifiée et ensuite oubliée et
réduite. Son budget s'amenuisa, entraînant la diminution de ses
objectifs et de ses moyens. C'est ainsi que le décret du 10 mai 1919
redéfinit alors ses missions :
- assurer l'occupation et la défense du territoire
colonial ;
- maintenir la tranquillité et l'ordre public ;
- prévenir les infractions ;
- surveiller et assurer l'exécution des lois,
décrets, ordonnances et règlements, spécialement ceux
relatifs à la police et à la sûreté
générale.
Les officiers et sous-officiers étaient officiers de
police judiciaire. Le recrutement se faisait par le volontariat ou par le
système milice.
Le décret du 22 mars 1927 introduisit la distinction
entre troupes campées et troupes en service territorial. Les
premières étaient organisées pour lutter contre l'ennemi,
tandis que les deuxièmes veillaient à l'ordre intérieur et
assuraient ainsi les rôles de la police. Elles exercèrent des
fonctions d'ordre économique et social, en participant à la
création des postes, et intervenant notamment dans des conflits
tribaux.
Indépendamment des commandants militaires gérant
les troupes campées, les administrateurs du territoire qui furent pour
la plupart des militaires, disposaient également d'une force pour
assurer la sécurité publique et le maintien d'ordre
intérieur. C'est ce que (LUNSWA K., 2006 : 7) appelle la
« garde civile blanche qui se manifesta par la création dans
certaines localités, un corps de volontaires européens en guise
de compensation de la puissance accordée aux militaires
indigènes.
2.1.2.2. La police des
chemins de fer et les corps de police territoriale
Instituée par le décret du 10 décembre
1903, la police des chemins de fer était chargée d'assurer
l'ordre et la tranquillité publique, et spécialement d'exercer
une surveillance active et continue sur les magasins, ateliers,
dépôts, wagons de marchandises...
C'est la naissance des services de gardiennage comme le
souligne Prince KAUMBA LUFUNDA (2006 : 2).
Si les responsables des chemins de fer avaient tant besoin
d'une force de sécurité, que dire des administrateurs à
qui incombe cette charge ?
Ne pouvant disposer à leur guise de la Force publique,
ils installèrent progressivement des unités de police en
créant la police des collectivités, celle des Centres
extra-coutumiers ainsi que celle dite urbaine dans certaines grandes ville
comme Léopoldville (Kinshasa) et Elisabethville (Lubumbashi).
Ainsi, l'Ordonnance du 22 mars 1927, institua-t-elle dans les
grands centres le corps de police municipale tandis que le décret du 22
novembre 1928 donna naissance au corps de police administrative,
indépendant de la Force Publique.
Cette situation évolua progressivement jusqu'à
donner lieu à la création des corps de Police Territoriale, par
ordonnance n°21/432 du 10 décembre 1948. Ces corps furent mis en
service des provinces et leur effectivité se réalisera à
partir de 1950.
Notons que le système ne réalisa pas les
résultats escomptés puisqu'il eut des révoltes, trouble et
grèves dans les mines du Katanga ainsi que des mutineries que la Force
ne sut mater (LUNSUA K., 2006 : 7).
Il sied de remarquer que la fonction policière est
prise en considération à partir du moment où les
préoccupations militaires de défense territoriale baissent. C'est
notamment en 1919 et 1948, l'après deux guerres mondiales, dates
repères coïncidant avec la mise en vedette de deux modes d'exercice
de la fonction policière. Il y eut une fonction mixte, propre à
la gendarmerie, à savoir celle des troupes en service territorial, et
celle de la fonction de police proprement dite apparaissant avec la
création des corps de police territoriale.
2.1.2.3. La Gendarmerie
Si la police des chemins de fer était tournée
vers la défense de l'économie et que la police territoriale
cernait la protection des personnes et des biens, c'est parce que le pays et le
pouvoir qui s'y exerçait étaient à l'abri des tribulations
majeures. C'est pourquoi l'accent a été focalisé davantage
sur la population et son bien-être.
Cependant, la situation allait changer à la veille de
l'indépendance. Le 04 janvier 1959, il eut des émeutes dans la
capitale. Les forces de l'Ordre intervinrent dans des manifestations à
caractère politique et il eut des morts. Le pouvoir colonial se sentant
menacé, il fallut réorganiser les forces surtout dans les milieux
urbains où les tensions étaient plus perceptibles.
Le pouvoir colonial décida alors la création
d'une gendarmerie calquée sur le type belge. Elle ne fut pas
exécutée suite à des contraintes budgétaires. C'est
donc toute la Force Publique qui fut responsabilisée pour le maintien et
rétablissement de l'ordre public (MROP) après les
événements du 4 janvier 1959.
Cette force de l'ordre fut alors organisée en troupe de
première intervention pour le service territorial et en troupe
campée comme unité de réserve.
Il eut des émeutes en octobre 1959, à
Stanleyville (aujourd'hui Kisangani, 3ème ville de notre
pays), suivies d'une nouvelle intervention musclée de la Force
publique.
Il a fallu attendre le 11 mai 1960, presqu'à la veille
de l'indépendance, pour voir naître « la
gendarmerie », par l'ordonnance législative n°081/188.
Cette base légale fut le premier texte de service du
maintien et de rétablissement de l'ordre. C'est ainsi que les troupes de
la Force publique en service territorial furent consacrées
« GENDARMERIE » qui signifie étymologiquement, les
gens d'armes. D'où gendarmer a comme acception, se mettre en
colère, s'emporter, réagir vivement, protester (REY A. et al.,
2002 : 504).
La gendarmerie désigne la force militaire
chargée d'assurer le maintien de l'ordre public, l'exécution des
lois ainsi que la sécurité aux armées sur tout le
territoire national. Elle désigne également les bureaux où
les gens d'armes assurent leurs fonctions administratives.
2.1.3. Epoque post
coloniale
2.1.3.1. Les corps de
police provinciale
A l'accession de notre pays à l'indépendance, il
hérita d'un système comprenant aussi bien les unités de la
Force publique que celles des polices territoriales et de la gendarmerie.
Les membres de ces corps avaient pratiquement suivi la
même filière : jeunes éléments de la Force
publique, ils étaient passés aux unités en service
territorial avant d'être convertis en gendarmes. C'est en ce moment
précis que les premiers policiers congolais accèdent aux
fonctions de sous-commissaires de police, réservées autrefois aux
seuls cadres européens, à l'instar des grades d'officiers au sein
de la Force publique.
Quant à leur organisation, les unités de police
provinciale se différencient nettement de la Force publique qui est
devenue Armée Nationale congolaise (ANC) si celle-ci est unitaire et
fortement centralisée, les forces de police par contre échappent
au pouvoir central et relèvent des autorités
politico-administratives provinciales. Ceci va favoriser leur profession
à l'autonomisation et à leur transformation en milices au profit
des détenteurs des pouvoirs provinciaux.
A partir du 5 juillet 1960, l'armée se mutinera et la
police contribua à sa façon à la destruction de
l'unité nationale. La fonction militaire l'emportera sur celle de la
police pour l'intégrité nationale. C'est ainsi que les polices
sécessionnistes deviendront des armées rebelles. La pacification
du pouvoir territoire correspondra avec la restauration du pouvoir et de
l'autorité de l'Etat et nécessitera, comme au lendemain de deux
guerres planétaires et des troubles de 1959, la restructuration des
forces de police ainsi que la réorganisation de l'armée.
Suite à ces incidents, il sera créé par
décret-loi du 13 octobre 1964, une force de police du gouvernement
central, selon l'esprit de la Constitution de Luluabourg, qui viendra en
renfort aux forces de police provinciale et qui, le cas échéant
les matera en cas de leur compromission.
2.1.3.2. Police nationale
congolaise : première formule
Pour mettre fin à la disparité des forces de
police et éviter ainsi les empiètements entre la force du
gouvernement central et celles des provinces, il sera procédé,
après le coup d'Etat du 24 juin 1965 par Joseph Désiré
Mobutu, à la fusion de toutes les forces de police existantes. C'est
ainsi que la première Police Nationale de République
Démocratique du Congo fut créé par l'Ordonnance-loi
n°66-423 du 20 juillet 1966. Elle était forte de 20.000 hommes,
dont plus ou moins 2.000 officiers.
Cette unification obligera l'harmonisation de la
hiérarchie des grades et la standardisation de la formation dans les
différents centres d'instruction disséminés à
travers les provinces. Les officiers devant passer par l'Ecole
Supérieure de Police de Matete à Kinshasa et d'autres suivirent
des spécialisations à l'étranger. Et les cadres
universitaires furent recrutés à partir de 1967, licenciés
en droit, sciences administratives, sciences sociales, ingénieurs en
télécommunication et médecins).
2.1.3.3. La gendarmerie
nationale
Ayant ses exploits comme actifs, l'expérience de la
Police Nationale se buta contre l'insécurité entretenue par les
rebelles, les groupuscules rivaux et les mercenaires. Il fut nécessaire,
devant cette menace, de renforcer l'action de l'armée en lui attribuant
toutes les forces disponibles. Les exigences de type sécuritaire
s'imposaient ainsi que l'intégration des différentes structures
de l'Etat dans le parti unique. C'est ainsi que l'instrument du pouvoir qu'est
la sécurité était concentrée entre les mains du
Chef de l'Etat qui se proclama Ministre de la Défense et commandant en
chef des forces armées. Ayant la main mise du système global de
sécurité, les forces de l'ordre autrefois dépendant du
Ministère de l'Intérieur, passaient au Ministère de la
Défense Nationale.
L'opportunité fut offerte par quelques mouvements de
mécontentement au sein des unités de la Police de Kinshasa. C'est
ainsi que par l'Ordonnance-loi n°72/031 du 31 juillet 1972, la Gendarmerie
et la Police Nationale sont fusionnées pour former la
« GENDARMERIE NATIONALE ». A la même occasion,
l'Ordonnance-loi n°72/033 entraînant la dissolution de la Police
Nationale.
Il se passa qu'un grand nombre de policiers fut mis à
la retraite prématurée ou versé à la vie civile.
Certains officiers ayant intégré cette gendarmerie furent
rétrogradés et humiliés dans les centres d'instruction et
furent par la suite démobilisés.
Contrairement à la Police Nationale, la nouvelle
institution fait partie intégrante de forces armées. Ses membres
sont des militaires et les éléments intégrés de la
police subirent une formation militaire.
Sur ce, elle est une « armée » et
récupère la mission dévolue à la Police et dispose
des officiers de Police judiciaire nommés à la fois par le
Ministre de la défense et celui de la justice. Ils sont
« bifaces » ou « bicéphales »
puisqu'ils sont militaires avant d'être auxiliaires de la justice.
Quant à la formation, elle regorgeait un corps
d'officiers très qualifiés ayant suivi le cursis de l'Ecole
Royale Militaire, les criminologues modelés à l'université
de Liège, ainsi que des techniciens et brevetés d'Etat-Major.
Les conditions de vie dégradantes ainsi que le travail
militaire poussèrent ses agents à la déliquescence morale.
Elle fera l'objet de vives critiques. Les deux guerres du Shaba et celles de
Moba I et II eurent de répercussions sur l'organisation et le
fonctionnement de la Gendarmerie Nationale.
2.1.3.4. La Garde civile
Les quatre guerres qu'a connues le Shaba, aujourd'hui Katanga
(la guerre de 80 jours, celle de six jours à Kolwezi, Moba I et II),
l'émergence du terrorisme international et le trafic des drogues
accolé de nouvelles formes de criminalité, la dislocation de
l'URSS qui suscita de nouvelles stratégies hégémoniques,
militèrent à la création d'une nouvelle force qui devrait
sécuriser les frontières et maintenir l'ordre interne.
Par ailleurs, le comportement des gens d'armes au lendemain de
la première guerre du Shaba poussa le Président MOBUTU à
le déplorer à travers son discours du 24 novembre 1977 en ces
termes :
« Il est inadmissible que l'étranger ou
le citoyen zaïrois qui voit surgir l'ombre du magistrat, du gendarme, se
sente terrorisé plutôt que de se sentir sécurisé. Et
trop souvent, bien des injustices sont commises à l'endroit des
innocents tandis que les véritables coupables courent les rues librement
et orgueilleusement »
Le premier noyau de formateurs et encadreurs était
prêt, la première guerre de Moba survint pour confirmer le besoin
par le constat fait en 1977 à savoir que « nos
frontières ne sont pas seulement perméable, mais elles sont des
véritables passoires ». Cette situation frontalière
précipita la création d'un nouveau corps de police.
Sur ce, la nouvelle force de police aura à assumer les
missions suivantes :
- assurer la défense des frontières ;
- lutter contre la criminalité
économique ;
- traquer les nouvelles formes de
criminalités ;
- constituer un bouclier efficace contre le terrorisme
international.
Ainsi, la GARDE CIVILE sera créée par
l'Ordonnance-loi n°84/036 du 28 août 1984. Le personnel de la
gendarmerie mal encadré et vieilli, la nouvelle force devait se
substituer à la Gendarmerie Nationale pour ne plus mêler les
forces armées aux opérations ordinaires de la police. Le
problème dénominationnel se posa avec acquitté.
L'aléatoire voulu qu'en ce moment précis, la Garde Civile
espagnole fit parler d'elle dans les médias et son nom inspira les
initiateurs de cette nouvelle force. C'est ainsi que naquit la Garde Civile du
Zaïre.
Quant à son organisation et son fonctionnement, ils
sont dictés par l'Ordonnance-loi n°86/227 du 25 juillet 1986
portant règlement d'administration inhérent au personnel, au
fonctionnement et à l'équipement de la Garde Civile du
Zaïre.
C'est vers 1987 que cette force fut effective et se focalisa
sur la lutte contre la fraude douanière. Des résultats probants
et spectaculaires furent obtenus à la grande satisfaction de la
population. Ici au Katanga, à l'époque Shaba, les
éléments de cette force avaient occupé le poste douanier
de Kasumbalesa.
A l'antipode de la Gendarmerie ou gens d'armes, cette nouvelle
force est un corps non militaire qui relevait de la présidence. Ses
agents ne sont soumis ni au règlement de discipline militaire, ni aux
juridictions militaires (Auditorat). Le port d'uniforme, des grades et des
insignes de grade sont différents.
Se substituant à la gendarmerie avec ses missions, la
Garde Civile s'est vue ajouter des missions spéciales relatives à
la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite des stupéfiants, la
fraude douanière et la contre bande. Pour réussir de telles
missions, il faut un corps militaire quoique l'esprit des initiateurs le
déshabille de cet attribut. Pour nous, la Garde Civile fut une force
militarisée.
Nous confirmons ce propos avec le Professeur (KAUMBA LUFUNDA,
2006 : 8) lorsqu'il parle de la formation du personnel. Les
éléments de cette force avaient suivi des formations
spécialisées dans le Centre d'Entraînement des Troupes
Aéroportées (CETA) pour les parachutistes ainsi que dans celui de
Kota-koli pour les commandos. Les types de formation et d'armement sont les
caractéristiques de base de la militarisation suite aux besoins de
sécurité du pouvoir.
Par la suite, ce corps connu des modifications avec
l'avènement de la démocratie pluraliste. Ces modifications
rappellent les préoccupations de la Force Publique à la veille de
l'indépendance lorsque le pouvoir colonial s'est senti en danger. Se
battant sur le plan de l'économie, ce corps allait davantage se
militariser pour s'impliquer énergiquement dans les opérations de
maintien et rétablissement de l'ordre public, en gérant les
manifestations de divers groupes politiques s'opposant au régime
mobutiste.
Dès lors, les éléments de ce corps
étaient désormais justiciables des juridictions militaires. Par
ailleurs, ce corps a réintégré les forces armées en
adoptant les insignes et grades et le Président Général
est remplacé par un commandant Général qui est militaire.
Il sied de remarquer que la Garde Civile comme force, vécut à
couteaux tirés avec la gendarmerie qui fut négligée,
jusqu'à l'avènement de l'Alliance des Forces Démocratiques
pour la Libération du Congo (AFDL) qui ressuscita le 2 août 1997
la Police Nationale Congolaise nouvelle formule ».
2.1.3.5. Police Nationale
Congolaise : Nouvelle formule
Il se fait que la chute de la deuxième
république s'est accompagnée de démantèlement non
seulement des Forces armées, mais aussi des Forces de l'ordre, à
savoir la Gendarmerie nationale et la Garde Civile. Ces deux forces
vécurent à couteaux tirés jusqu'à
l'avènement de l'alliance des Forces démocratiques pour la
Libération du Congo (AFDL) comme le précise bien LUNSUA K.
(2006 : 8)
Dès ses débuts, la Police nationale s'est
démarqué des Forces armées en se dotant de mesures simples
et fonctionnelles. Ainsi donc, à la date du 2 août 1998, l'AFDL
ressuscita la dénomination « Police Nationale Congolaise
nouvelle formule » ses effectifs sont parfaitement
maîtrisés, la rémunération est
régulière sur toute l'étendue du territoire national et
ses rapports avec la population sont cordiaux.
En effet, le rythme et la vitesse de croissance de cette
police a crée ces problèmes structurels pour répondre aux
besoins de la lutte contre la criminalité. C'est pourquoi, pour y parer,
il a été procédé à des recrutements à
la va vite. C'est ainsi qu'au sein de la police, il y est retrouvé les
éléments formés : [les anciens de Forces
Armées Zaïroises, de la Gendarmerie de la Garde Civile,
éléments formés à Maluku et Mvula Matadi,
militaires venus d'Angola (tigres)] ainsi que nombre d'agents volontaristes
dont les insuffisances entament le crédit du corps.
En gros, il s'agit de toutes les forces belligérantes y
compris les mayi-mayi ou forces de résistances qui constituent les
poches de résistances dont les conséquences sont encore
perceptibles aujourd'hui.
A la liste, s'engrènent aussi les
« Kadogo » appelés en Afrique de l'Est et du Centre
les enfants soldats. A ce sujet CHEUZEVILLE H., précise le concept en
ces termes :
« Kadogo est un mot swahili signifiant
« petite chose », chose sans importance. Sans doute le
concept a-t-il été inventé par les chefs de guerre
eux-mêmes. Ce qui est révélateur de peu d'importance qu'ils
attachent aux enfants qu'ils utilisent pour parvenir à leurs fins. Ce
sont des porteurs, des domestiques, des « tueurs » rendus
dociles par les mauvais traitements et le chanvre.
Malades, morts d'épuisements ou au front, on les
abandonne, on les remplace à volonté. Le réservoir semble
inépuisable puisqu'ils sont volés à leurs familles
impuissantes» (2003 : 10)
Renchérit l'auteur :« Même si
tous les enfants dont je raconte ces souffrances n'ont pas été
des enfants soldats, des « Kadogo », tous sont des victimes
sacrifiées à ces guerres absurdes se découlant dans
l'indifférence générale des gouvernements, des grandes
multinationales et des organisations internationales.» (2003 :
10)
A l'heure actuelle, les « Kadogo » ont
cessé de l'être puisqu'ils sont devenus majeurs. Et parmi eux,
certains ont intégré la Police au même titre que les
éléments d'autodéfense populaire (FAP). Ainsi, la Police
comme force, fonctionne dans un premier temps sans texte de base jusqu'au 26
janvier 2002, date à laquelle elle prit une existence légale par
le décret-loi n° 002/2002 en vigueur à ce jour(2(*)) avec ses problèmes
structurels : nomination de grades sans mise en place, ni critères
objectifs, la non maîtrise des objectifs, l'insuffisance de formation, la
perte de confiance dans le chef de la population.
2.2. CONTEXTE
SOCIO-ÉCONOMIQUE
Il sera ici question de décortiquer les conditions
socio-économiques, en tant que cadre de vie où les
différentes forces ont évolué à travers le
temps.
2.2.1. Epoque
précoloniale
L'époque précoloniale est une période non
étatique dans le vrai sens du terme. Chaque communauté
était pourvue d'un chef qui disposait d'une force de l'ordre. Le chef
était censé puissant économiquement.
Disposant des ressources humaines et matérielles, il
pouvait les redistribuer et par contre, il recevait des
« milambu » qui sont des dons. C'est pourquoi, le jugement
entre deux parties en conflit se terminait souvent par l'arrangement à
l'amiable et chaque partie lui versait un pot de vin et un régime de
bananes en guise de remerciement pour le service rendu, à savoir, la
restauration de la paix pour l'harmonie.
Les éléments de force du chef dépendaient
économiquement de lui Ils vivaient grâce à sa
magnanimité et avaient une certaine considération dans la
communauté.
2.2.2. Epoque coloniale
A l'époque coloniale, les conditions
socio-économiques étaient d'une manière
générale bonne.
Nos propos sont corroborés par DIBWE DIA MWEMBU dans
son étude sur le processus d'informalisation, il relate le récit
de Richard NKULU, élément des Forces Armées Zaïroises
qui rappela les conditions de vie relativement bonnes pour les militaires de la
Force publique à cette poque :
« Pendant la période coloniale, le
militaire était pris en charge par le pouvoir public. Les camps
militaires étaient pourvus de cantines qui fournissaient tous les
produits alimentaires comme la farine de maïs, l'huile de palme, l'huile
d'arachides, les haricots, le riz, le sucre, le sel, le lait, la viande, les
poissons frais ... les cantines fournissaient donc tout ce qu'il fallait pour
permettre aux militaires d'avoir un régime alimentaire de trois repas
par jour.
A la fin du mois, il touchait quelque chose qui lui
permettait de payer des habits et de faire quelques
économies.» (2002 : 39)
Toutefois, il y a lieu de signaler qu'à cette
époque, l'Etat a connu aussi le problème de gestion de ces forces
suite à la difficulté financière. C'est comme la
création de la Gendarmerie calquée sur le modèle Belge
n'eut pas lieu à cette époque suite au problème
budgétaire.
2.2.3. Epoque post
coloniale
2.2.3.1. De 1960 à
1965
La situation que connut le pays au lendemain de
l'indépendance eut des conséquences néfastes sur le plan
économique et social.
Il se passa que le départ des Européens
entraîna le rapatriement des capitaux, la chute des investissements, le
ralentissement des activités économiques et le licenciement
massif des travailleurs.
La crise fut amplifiée par les rébellions
(sécessions katangaise par Moïse Tshombé et kasaienne par
Albert Kalonji). Il y eut aussi des mutineries.
Au Katanga, les troubles politiques opposèrent le Nord
et le Sud entre Moïse Tshombé et Janson Sendwe et
provoquèrent non pas seulement le ralentissement et l'arrêt de
certaines activités économiques, mais surtout la réduction
de l'emploi. Aussi les grèves éclatèrent dans les milieux
industriels et furent brutalement réprimées.
Le climat politique et économique malsain,
l'affaiblissement de l'appareil de l'Etat, la détérioration des
conditions de vies ont marqué cette période. C'est une ouverture
à l'économie informelle ou mécanisme de survie. Comme le
dégage DIBWE DIA MWEMBU (2002 : 40)
« l'informalisation » en fut une de ses conséquences
logiques.
2.2.3.2. De 1965 - 1970
Cette période est dite de prospérité
puisque le pays avait atteint son apogée économique.
L'unité de la monnaie zaïre équivalait à 2 Dollars
Américains.
2.2.3.3. De 1970 - 1996
Cette période de prospérité
évoquée ci-haut a laissé vite la place à la crise
engendrée par la politique de zaïrianisation en 1973 qui a
visé et récupéré pour le compte des nationaux, les
entreprises étrangères.
Cette politique va créer une structure
d'inégalité sociale qui a profité aux hauts cadres du
Parti comme acquéreurs. Elle a découragé les investisseurs
et a amplifié les conditions de vie déjà précaires.
Ces conditions seront aggravées par les quatre guerres qu'a connues le
Katanga à savoir : Shaba I et II, Moba I et II.
Dans le secteur économique, les abus sont
enregistrés et les recettes entières de la vente de certaines
ressources minières et énergétiques qui font de ce pays
« un scandale géologique » ne passent pas par les
caisses de l'Etat, mais dans le compte du tenant du pouvoir, comme le
précise KUYU MWISSA (1990 : 166). La privation de la violence
d'Etat n'a pas profité seulement à l'autorité politique,
mais aussi à ceux qui, sous de formes variées, détiennent
une parcelle de pouvoir : officiers supérieurs de l'armée,
policiers, partisans, commerçants, parents amis et connaissances.
(1990 :167)
Cette situation est analysée par le Professeur KAUMBA
LUFUNDA en termes d'un « Etat Kleptocratique » concept
emprunté à Gould. (2006 : 100)
Il ressort de son analyse que le système juridique,
l'ordre social, le fonctionnement des institutions politiques, les programmes
d'action, les projets de coopération : tout était
conçu pour et en fonction du vol. La justice s'alignait dans cette
logique : vol en association où les voleurs solitaires se
retrouvaient en prison pour non respect des règles du jeu... Un tel
état, ne pouvait que faillir car le vol a ses limites : l'âge
des voleurs, dispute de partage, précarité des associations,
incertitudes...
Prince KAUMBA LUFUNDA précise les comportements de
militaires dans un tel état : « Ils s'enrichissent
grâces aux produits du vol, émousse leur courage et leur ardeur et
deviennent inaptes à la guerre. Une armée de pillards, de
voleurs, de commerçants ne peut assurer la protection du Territoire. Le
réflexe du pillard est de s'enfuir, de s'en aller protéger les
butins ou produits pillés, avec le secret espoir de pouvoir en jouir
pendant la période d'accalmie (2006 : 101).
Cet Etat Kléptocratique s'est accompagné de la
privatisation de la violence d'Etat qui a enregistré une
catégorie d'intouchable avec un discours particulier.
« Takupotesha » « je peux te faire
disparaître » contrairement, sous ce régime, beaucoup de
personnes ont disparu pour de conflits individuels sans lien avec l'existence
ou l'organisation de l'Etat, non plus avec le fait
« pénal ».
Nos forces de l'ordre étant constituées des
pillards, après le discours du 24 avril 1990, elles allaient être
confrontées aux problèmes des populations qui allaient
désavouer les autorités politico-administratives :
- la nuit du 10 au 11 mai 1990, il eut massacre des
étudiants au campus de Lubumbashi. C'est l'opération lititi
mboka.
- Les phénomènes BINDO, NGUMA et MANDOVA
promotions qui ont eu lieu en Avril et Mai 1991 sous le gouvernement MULUMBA
LUKOJI, constituent l'explication de la loi tendancielle de baisse de profit.
La redistribution de l'argent aux plus démunis pour préparer les
prochaines élections, n'eut pas de succès comme au Gabon et en
Côte d'Ivoire à cause de la cupidité des dignitaires du
régime.
- Les pillages et leurs retombées : ceux du 23 et
24 septembre 1991 ont failli basculer le régime. La foule et les
militaires affamés recherchaient les vivres et les moyens de les
conserver. Et par après les articles de luxe et les armes, le mouvement
échappait au contrôle de l'autorité. Il a fallu
l'intervention des armées belge et française. Ainsi, le pardon
général fut accordé aux pillards, un gouvernement issu de
l'opposition fut installé et des opposants mis à la tête de
certaines provinces comme KYUNGU WA KUMWANZA au Katanga. Celui-ci
déclenchera le conflit Kasaïen Katangais. Il s'est crée au
Katanga une identité Katangaise cimentée par l'opposition aux
populations non originaires, particulièrement aux Kasaïens
réputés dominants et dominateurs.
Il eut encore d'autres pillages que VATA DIAMBAZA qualifie de
mutinerie de la honte dont il décrit de cette manière :
« Les 28 et 29 janvier 1993, au lieu de signer
l'acte de décès de la dictature agonisante, les soldats ont
préféré les dépôts de nourriture et les
chambres froides, la destruction des patrimoines familiaux. En allant voler et
violer en compagnie de leur épouses et leurs enfants, ils ont
publiquement montré ce qu'ils sont : hommes sans scrupules et sans
idéal » (1993 : 2 - 3)
La misère étant grande, certains soldats ont
emporté deux ou trois oeufs trouvés dans le frigo, un plat de
Bukari entamé ou une marmite de bitoyo (poisson salé) ou de
haricots cuits.
Pour échapper aux pillages et prévenir des
agressions, beaucoup de citoyens ont décidé d'organiser
eux-mêmes leur sécurité. En plus des gardes du corps, ils
ont à leur service des commandos constitués
d'éléments de l'armée à leur charge.
Le même auteur précise que « c'est
le temps des milices privées pour ceux qui en ont le moyen : il est
aussi de tous les dangers pour la majorité de la population, sans
défense, exposée aux exactions et aux attaques des bandits
armés. » (1993 : 2 - 3)
Jean Baptiste AYALA décrit de sa manière les
pillages du 28 - 29 janvier 1993 en ces termes : « les
dégâts dans le secteur sanitaire sont effrayants. Plusieurs
cliniques et hôpitaux ont été pillés et
saccagés. Les pillards ont poussé leur barbarie très loin,
s'en prenant aux prématurés qui ont été
jetés au sol tandis que les couveuses emportées. On a même
vu des malades sous oxygène passés à tabac et leur lit
volés. » (1993 : 6 - 7)
Dès lors, la population crée une rupture avec
les forces de l'ordre. C'est la perte de confiance.
Nous ne pouvons pas passer sous silence la date du 16
février 1992, le dimanche de l'horreur où des chrétiens
manifestant pacifiquement contre la suspension de la Conférence
Nationale Souveraine, sont froidement abattus par les éléments de
forces armées (Vata DIAMBANZA, 1993 : 18 - 19)
Ces événements ont provoqué une crise
sans précédent. Les autorités militaires en furent
conscientes. Suivons le propos du Général MAYELE LIEKO
BOKUNGU (1992 : 6) :
« Dans le temps, le militaire recevait une somme
et les avantages pour ses besoins utilitaires. Aujourd'hui, cette solde,
devenue salaire, ne lui permet pas de nouer les deux bouts du mois. Il est
courant de voir le militaire se partager entre son métier et des
activités « extra-muros » à tous les niveaux
hiérarchiques. D'autres s'illustrent par des abus, tracasseries et
extorsions »
Les chefs hiérarchiques utilisent les subalternes pour
survivre en les louant comme sentinelle auprès des personnes physiques
ou morales privées. Les avantages et la somme obtenus sont
partagés avec le chef. Ce système sera aussi
démontré comme mécanisme monté par le chef
hiérarchique dans la police actuelle qui lui sert de tremplin pour
s'enrichir.
Par ailleurs, les plus gradés s'adonnaient aux
activités plus rentables, ils détournaient et vendaient non pas
seulement les produits vivriers destinés aux militaires, mais aussi les
équipements tels que les véhicules, les armes...
A ce propos, écoutons Richard NKULU sous la plume de
DIBWE DIAMBWEMBU (2002 : 55) :
« D'importantes sommes d'argents étaient
débloquées pour le ravitaillement des cantines. Il y avait des
sacs de farine de froment, des boites de conserves, du riz, du sucre... Je
m'efforçais de me procurer ces articles à un prix
dérisoire auprès de mes supérieurs pour ouvrir un
kiosque...
Les bénéfices ajoutés au salaire me
permettaient un régime à deux repas par jour presque. Ce salaire
étant irrégulier, je vivais grâce à cette
activité..
Un lieutenant comme moi de la Garde Civile me mit sur le
circuit du trafic d'or. Il renchérit, si tu meurs de faim dans ce pays,
tu es parmi les plus grands imbéciles puisque le pays est fabuleusement
riche ...
Le trafic de cobalt à l'époque de KYUNGU WA
KUMWANZA m'a permis d'acheter une parcelle, de la construire et de
l'équiper. J'ai dû même payer une voiture Peugeot de 4.000 $
U.S.»
Cette situation montre l'émergence et la
cristallisation de l'économie informelle, une société
ultra-libérale où chacun est seul responsable de sa survie. C'est
ainsi que les équipements militaires et les armements de Forces
armées furent vendus à l'Est du pays, vers l'Angola (UNITA) et
dans la Province Orientale.
Les autorités dans l'exercice de leur commerce illicite
de vente d'armes disposaient chacune des avions personnels. C'est ainsi que
dans cette mésaventure, un avion Antonov surchargé d'armes et
munitions destinées à l'UNITA, s'écrasa au marché
type K à Ndolo et des milliers victimes parmi les populations civiles
furent dénombrées. (KAUMBA LUFUNDA, 2006 : )
La Garde Civile qui dépendait de la présidence,
se livra à des actions contre-civiles. La confiance s'éternisa et
les forces de l'ordre deviennent ennemies des civiles.
Il ressort du savoir recueilli de la conférence
nationale sur les droits de l'homme(3(*)), sans en épingler toutes, nous pouvons retenir
les violations suivantes :
- Des arrestations arbitraires qui sont contraires au principe
de la liberté ;
- Violation des procédures pénales et civiles. A
ce sujet, il a été constaté, précise le rapport,
qu'avant qu'ils ne soient entendus, que les officiers de sécurité
présentent les suspects à la
Télévision ». Pour nous, c'est une pratique contraire
à la présomption d'innocence. La visée est de ternir
l'image du suspect avant qu'il ne soit criminalisé par le Tribunal.
C'est l'étiquetage du suspect. (ROBERT Ph., 2005 : 71)
Il sied de préciser que la situation décrite se
vit encore aujourd'hui. Le dossier de KIKUYU âgé de 40 ans contre
Dorcas âgée de 9 ans est encore fraîche dans la
mémoire. Traité de violeur, le présumé a
été filmé par la chaîne MWANGAZA. Les deux parties
ont voulu régler le problème au niveau de la police, mais
l'étiquetage ayant amplifié la visibilité de l'acte, le
dossier a suivi son cours normal. L'acte posé par la chaîne est
contraire au principe de présomption d'innocence.
Au regard des services de sécurité, il a
été enregistré :
- la confusion entre missions de sécurité et
celles des services de sûreté ;
- l'immixtion dans les affaires ne relevant pas des
matières spécifiques de la sécurité de l'Etat.
Même aujourd'hui sur terrain, il a été
constaté que les Agents de renseignement traitent les affaires ou les
infractions relevant du Droit commun :
- le Trafic d'influence, des brimades et exactions diverses
sont des pratiques courantes.
2.2.3.4. De 1996 à
nos jours
Si le régime mobutiste a profité à une
bourgeoisie minoritaire et de compradore, la majorité populaire par
contre croupissait dans la misère.
A ce sujet, CHEUZEVILLE H., décrit la situation des
fonctionnaires en ces termes : « ils ne sont pas payés
depuis longtemps et doivent avoir recours à toutes sortes
d'expédients pour pouvoir survivre. Les militaires non plus ne sont plus
payés, mais eux au moins, ils peuvent rançonner la population
pour se nourrir. » (2003 : 173)
Avec l'avènement de l'AFDL en date du 17 mai 1997, il a
été constaté que les militaires étaient bien
payés puisqu'ils touchaient une prime de 100 $ U.S. Il se passe que
même les couches démunies pouvaient consommer les poissons tomsons
appelés « MPIODI » qui autrefois étaient un
luxe.
Cette période du lait et du miel s'est vite
éclipsée puisque la prime n'a pas été
indexée en dollars et est restée insignifiante. A cette
période, il eut mariage entre agents de force de Police et la
population. Un ivrogne pouvait être conduit à son domicile par les
patrouilleurs.
Avant la constitution de la Police c'est l'armée qui
assumait l'ordre par le fouet sur le ventre et l'arme à feu comme moyen
de régulation sociale. C'est-à-dire forme de contrôle
social. A cet effet, le cachot et la prison n'existaient pas. Certains
innocents périrent sans forme de procès, criblés de balles
par des militaires.
Aujourd'hui, la police a évolué pour fonctionner
sur de base légale avec les problèmes liés à
l'organisation, à l'équipement, à la formation et à
la survie du personnel. Il y a divorce entre la police et la population qu'elle
est appelée à protéger.
Quelle police faut-il pour cette république
naissante ?
Nous pensons qu'elle revêtira le type du pouvoir en
place. Ne dit-on pas que la police est le visage de l'Etat.
L'opportunité nous est aussi offerte pour
présenter d'une manière laconique comment a évolué
chronologiquement la précarité à travers la lecture
d'affichage sur les grilles de mission d'habitation dans la ville de
Lubumbashi. Concrètement, nous pouvons retenir ce qui suit :
« Kazi iko » (il y a du travail).
C'est l'époque de l'ascension économique, l'époque avant
la zaïrianisation ou la nationalisation.
« Kazi hakuna » (il n'y a pas
d'emploi). C'est la période de la crise qui s'installe et se
cristallise.
« Simba iko, Tembo iko, Fresco iko » (Ici,
l'on vend de la bière et du succré). Entre-temps, l'on
écrit aussi « Imbwa makali » (chien méchant).
C'est l'économie informel qui se pratique comme mécanisme de
survie.
« munkoyo iko, mayi matalala iko »
(ici l'on vend le munkoyo ou boisson traditionnelle et de l'eau froide). La
crise prend une allure inquiétante puisqu'il était autrefois
inconcevable que l'eau soit vendue en sachet.
« Maheu, loly, sun glace iko » (vente
de ces boissons dont les deux premières sont importées et le sun
glace fabriqué localement). Ceci traduit la persistance de la
précarité et de l'économie informelle.
Propriété gardée par securicor, Force
one, DSA » Ceci traduit le gardiennage privé qui
protège une partie minoritaire de la population. C'est la
sécurité privée qui émerge aujourd'hui.
2.3. PROLOGUE SUR LA POLICE
JUDICIAIRE
La police judiciaire est l'un des auxiliaires de la justice.
Son rôle et son importance dans l'administration de la justice nous
intéressent puisqu'ils cadrent avec notre objet de recherche.
Nul n'ignore que ce monde est secoué par la violence et
les attentats jusque hier insoupçonnés, tels ceux du 11 septembre
2001 perpétrés aux Etats-Unis, ont laissé le monde
perplexe et ont remis en question la politique de prévention criminelle
et le système de sécurité de cette grande puissance.
Par ailleurs, la loi pénale congolaise, elle-même
se trouve quelquefois dépassée tant l'ingéniosité
du criminel s'avère déroutante. Aujourd'hui l'on parle du vol de
courant, vol à l'informatique. Ainsi, la loi pénale doit
être dynamique et doit s'adapter à l'évolution
technologique et à l'émergence de nouveaux types de crime.
Cette littérature ne consiste pas à insinuer que
la police judiciaire s'occupe seulement des faits spectaculaires qui
défrayent la chronique. Soutenir cette proposition serait une aberration
et une position fallacieuse. Elle s'occupe aussi des faits simples et plus
légers comme l'injure pouvant être très délicate et
qu'il convient de traiter avec soin afin d'en constituer un dossier complet car
la finalité étant la recherche de l'harmonie et de la paix dans
la société, reposant sur la tranquillité publique.
Cette partie du travail définit la police judiciaire,
ses missions et son importance, la dualité de la police judiciaire ainsi
que les conditions de validité des actes posés par les OPJ.
2.3.1. Police judiciaire
quid ?
Le responsable d'un Etat dispose du pouvoir de prendre des
mesures de police, destinées à garantir l'ordre social. Il ne
suffit pas seulement de vendre des mesures mais aussi de recruter le personnel
chargé de veiller au respect de ces lois et au maintien de l'ordre
public. C'est la tâche de la Police Nationale Congolaise.
La police administrative veille au maintien de l'ordre public
et à la prévention des infractions. Tandis que la police
judiciaire a pour rôle de rechercher les infractions que la police
administrative n'a pu empêcher de commettre, d'en rassembler les preuves
et d'en livrer les auteurs aux autorités chargées par la loi de
les punir (BOUZAT et PINATEL, 1970 : 1034). Ainsi, la police
administrative est-elle préventive tandis que celle dite judiciaire est
répressive.
La police judiciaire est un service public dont la mission
consiste à rechercher les infractions, à en identifier les
auteurs et à réunir les preuves de leur culpabilité en vue
de rendre possible l'exercice de l'action publique devant les juridictions
répressives ; L'expression désigne à la fois la
fonction et les officiers publics chargés de l'exercer. (HOEFFLER J.,
1956 : 70)
2.3.2. Missions et
importance de la police judiciaire
L'essentiel de la mission de la police judiciaire fait l'objet
des articles 1 à 10 du code procédure pénale et consiste
en :
- la connaissance de l'infraction par le flagrant
délit, la plainte, la dénonciation ou les renseignements
recueillis ;
- la recherche des éléments de l'infraction,
l'interrogatoire de toutes les personnes susceptibles de l'éclairer et
l'arrestation des auteurs et complices de cette infraction (LE CHAT R.,
1959 : 89).
Il sied de remarquer que les OPJ dressent à cette fin
les procès - verbaux qui se terminent par le serment écrit :
« je jure que le présent procès - verbal est
sincère ». Ils sont transmis directement à
l'autorité compétente. Par ailleurs, ils sont aidés dans
leurs missions par les Agents de l'ordre qui sont les Agents de Police
Judiciaires. Ces Agents n'ont pas la qualité d'OPJ.
Du reste, l'importance de la police judiciaire est
considérable dans l'administration de la justice.
Elle se trouve à la base de toute la procédure
criminelle et la répression des infractions dépend en grande
partie du zèle qu'elle apporte à exercer ses fonctions. Elle
désigne la phase préalable qui précède le premier
exercice de l'action publique et la série des actes qui ont pour but
d'éclairer non pas le juge, mais le ministère public (GARRAUD,
1909 : 533)
C'est pour aider le ministère public que la loi a
organisé un rouage auxiliaire qui est la police judiciaire, sans
laquelle, la plupart des crimes resteraient impunis car les OPJ sont les yeux
et les oreilles du ministère public. (1909 : 536)
2.3.3. Evolution de Police
Judiciaire
Il sera question de présenter ici la pertinence de la
police judiciaire telle qu'elle a été mise en pratique par le
Droit coutumier et par le Droit écrit ou le Droit importé ou
encore mieux le Droit des autres.
2.3.3.1. Police judiciaire
coutumière
Il est fallacieux de penser que dans le droit coutumier
congolais, la notion de police judiciaire était méconnue et
inexistante. Avant la colonisation, notre pays avait plusieurs entités
politiques fortement organisées et structurées.
A titre illustratif, le droit coutumier Luba Shankadi de la
province du Katanga, l'organisation judiciaire était bien
structurée. Ainsi, il existait dans chaque village d'une certaine
importance, une sorte de police judiciaire appelée Kalala, Kabama ou
Kankasa. Bien que portant des noms différents, cet organisme avait
partout dans ses attributions la police judiciaire et la recherche des
infractions (LANFANT, 1935 : 80).
C'est donc KALALA ou TSHIKALA qui était le chef de la
police de la localité. Il procédait à la recherche des
éléments de l'infraction avant de conduire l'accusé devant
le tribunal. Dans les territoires de Kabongo et de Sampwe, la police judiciaire
était exercée par le « Senga » qui
instruisait les affaires, entendait les plaignants, témoins et
prévenus, la nuit, et cela dans le plus grand secret. L'enquête
terminée, l'affaire était soumise au chef qui décidait de
la fixer en audience publique. Il jouait également le rôle de
médiateur dans les situations problèmes soumises au Mulopwe
(chef coutumier) et l'apaisait quand il était en colère. (COLLARD
J., 1962 : 3) Cette pratique était la même dans le territoire
de Sampwe (SHOUMEKER, A, 1935 : 97) Toujours dans la province du Katanga,
chez les Bayeke, les fonctions d'officier de police judiciaire étaient
exercées par les Baboni. (GREVISSE, 1937 : 170)
Il sied de remarquer que la police judiciaire
coutumière a cédé le pas au droit écrit pour
subsister non pas d'une manière organisée et structurée,
mais comme une phase intermédiaire par les sages du village qui jouent
le rôle de conseiller pour chercher la paix et l'harmonie avant que
l'affaire ne soit portée au chef. Avec le temps, cette notion restera
dans les oubliettes. Notons que cette notion était connue et
d'application là où le droit pénal se dégageait de
l'arsenal juridique des sociétés traditionnelles (KENGO WA DONDO,
1972 : 22).
2.3.3.2. La Police
judiciaire selon le droit des « autres »
Il s'agit de la police judiciaire telle que définit et
précisée par le code de l'organisation et compétence
judiciaire, qui est un droit importé. Son article premier stipule que
les officiers de Police judiciaire appartiennent au personnel judiciaire.
Le personnel judiciaire comprend les magistrats, les agents de
la police judiciaire des parquets, les officiers de police judiciaire et les
agents de l'ordre judiciaire.
- Les magistrats sont des officiers du ministère
public
- Les agents de la police judiciaire des parquets sont des
inspecteurs judiciaires des parquets. Ce sont des officiers de police
judiciaire qui dépendent directement du ministère public dont ils
sont les bras droits et les collaborateurs immédiats. Selon l'article 3
de ce code qui les régit, ils ont une compétence
générale à la fois matérielle et territoriale.
Contrairement aux magistrats qui dépendent de leur ressort, ces
officiers jouissent d'une compétence territoriale étendue.
- Les officiers de police judiciaire de la deuxième
catégorie sont les agents de l'Etat chargés d'une fonction
administrative et qui ont, en vertu de leur statut ou de la loi, une
compétence d'officier de police judiciaire, les qualifiant pour
constater les infractions de toute nature ou limitée au constat de
certaines catégories d'infraction en rapport avec leurs activités
administratives (RUBENS A. 1970 : 194).
La qualité d'officier de police judiciaire est donc
attribuée à des catégories entières d'agents, soit
attachée à une fonction (1965 : 59).
Ainsi, le seul fait pour une personne d'être
nommée à une fonction à laquelle est attachée la
qualité d'officier de police judiciaire lui confère
automatiquement cette qualité. C'est le cas d'un bourgmestre qui une
fois nommé ou élu selon le cas, il a automatiquement la
qualité de l'OPJ.
C'est dans cette deuxième catégorie où
nous trouvons les officiers de police judiciaire militaire. L'ordonnance du 03
juin 1921 portant nomination des OPJ dispose que certains officiers et sous -
officiers des Forces Armées Zaïroises (FAZ) ont la qualité
d'OPJ. Mais le décret du 18 décembre 1964 portant Code provisoire
de justice militaire est muet sur ce sujet. Il est donc logique qu'à
l'instar des OPJ de la gendarmerie, tous les OPJ de l'armée
relèvent directement de l'auditeur général. Selon
l'article 48 de l'ordonnance-loi n°72/041 du 30 août 1972 portant
organisation de la gendarmerie nationale.
Ainsi donc, ils sont tenus, comme tous les autres OPJ, de
transmettre leurs procès-verbaux de constat de plainte ou de
dénonciation à l'autorité judiciaire compétente,
c'est-à-dire que cette autorité soit un auditeur militaire, si le
délinquant est un militaire, soit un magistrat du ministère
public civil si le délinquant ou l'un des délinquants est
civil.
Il sied de préciser que le décret-loi
n°002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution, organisation et
fonctionnement de la Police Nationale Congolaise actuelle, précise dans
le chapitre premier, article 8 que les agents de la PNC des catégories
d'emploi de commandement et de collaboration, jusqu'à la
catégorie de sous-officiers de première classe, ont la
qualité d'officier de police judiciaire à compétence
générale. Tous les autres sont des agents de police judiciaire.
Ils sont tous soumis aux conditions légales pour l'exercice des
fonctions d'officier ou d'agent de police judiciaire.
En effet, selon l'article 4 du code d'organisation et
procédure judiciaire, les OPJ restent soumis au statut de leur fonction
principale tout en étant aussi soumis au régime disciplinaire
propre aux agents de police judiciaire des parquets. Ainsi, cette
dépendance hybride des OPJ a-t-elle souvent géré leur
rendement dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires. En effet, sur les
plans de la carrière, du signalement, du traitement et du régime
disciplinaire, ils relèvent de leur fonctions principales et ont
naturellement tendance à négliger l'aspect judiciaire de telle
manière que l'action de contrôle des officiers du ministère
public qui doit être exercée sur eux en vertu de la loi parait
dérisoire.
2.3.4. Conditions de
validité des actes posés par les OPJ
Les OPJ appartiennent à la famille judiciaire. Ils
constituent le premier chaînon de la répression des infractions
qui suppose la découverte du délinquant et de la
vérité. La réussite de cette double mission repose sur la
police judiciaire.
La police judiciaire est une délégation de la
justice et doit présenter les garanties judiciaires. Pour cela, la
première condition est la compétence. L'OPJ de la PNC qui nous
concerne jouit d'une compétence matérielle générale
et d'une compétence territoriale restreinte. C'est pourquoi, il doit
prêter serment chaque fois qu'il change de ressort.
La deuxième manière de rendre compte de la
validité des actes posés par les OPJ est le serment. C'est le
serment qui impose chaque fois que toutes les opérations couchées
dans un procès verbal doit obligatoirement se terminer par cette
formule : « Je jure que le présent
procès-verbal est sincère ».
Sur ce, les OPJ sont des auxiliaires de la justice. Le serment
leur est imposé parce que les activités qu'ils exercent sont une
opération administrative. De ce fait, ils sont considérés
comme des agents de l'exécutif qui participent accessoirement à
l'exercice du pouvoir judiciaire, c'est-à-dire à l'administration
de la justice (RUBENS, T, 1965 : 67)
Le procès-verbal, sans ce serment, est nul et de
nullité absolue. Or, le contenu peut servir à l'administration de
la justice. Le serment a son sens certes, mais il ne doit pas être une
condition sine qua non.
Signalons aussi que l'usage des violences physiques dans le
but d'obtenir l'aveu s'oppose à la validité de l'acte. Cependant,
il est admis que les OPJ peuvent exercer certaines activités
incompatibles aux fonctions de magistrat. Ils peuvent avoir des relations avec
les repris de justice, se déguiser, procéder à des
filatures, à des embuscades et même adhérer à une
association des malfaiteurs en vue de déjouer leurs plans. (KENGO WA
DONDO, 1972 : 40 - 42)
Ces procédés font parties intégrantes de
la mission générale qui incombe à la police et à
laquelle aucune société ne peut être indifférente
quelle que soit la structure politique, sans se vouer elle-même à
l'anarchie et à la destruction (BESSON A., 1958 : 133).
Ainsi, la recherche de l'efficacité pousse les OPJ
à ne pas respecter le droit fondamental de l'homme. C'est comme la
pratique qui consiste à garder à vue un membre de la famille du
délinquant afin que ce dernier soit obligé de se
présenter. Encore une fois, la recherche de l'efficacité pousse
les acteurs à ne pas respecter la dignité humaine. Un innocent
est sanctionné à la place d'un sien. Tout se passe comme si la
plainte est filiale. La responsabilité est mise au second plan.
Nous ne pouvons pas clôturer cette partie du travail
sans parler des agents de l'ordre. Ils sont des auxiliaires de la justice. Dans
le cadre de cette recherche, ce sont les Agents de Police Judiciaire qui
travaillent sous le commandement de l'OPJ. Ils sont sous ordres et par
conséquent, sont censés de les exécuter dans le cadre des
activités judiciaires.
C'est dans ce contexte que nous présentons cette
recherche qui consiste à montrer comment un APJ se substitue à
l'OPJ pour poser les actes en lieu et place de ce dernier. La compétence
pour lui n'est pas l'habilitation et la prestation de serment, mais son
expérience sur terrain dans la manière de résoudre le
conflit, c'est-à-dire de rendre justice pour créer l'harmonie
sociétale qui n'est que relative et temporaire.
Quant au serment du procès-verbal, il est officier de
police judiciaire debout. Il n'a ni bureau, ni papier, ni bic, il ne dresse pas
le PV. , sa finalité est de résoudre le conflit entre les
individus et enfin de compte, il trouve sa récompense. Il ne vise pas
à obtenir l'aveu, mais la réconciliation, l'arrangement à
l'amiable. C'est pourquoi, il doit avoir de l'art et de l'expérience. De
cette manière, il échappe au recours à la violence
physique. Son plus grand souhait est qu'il arrive à une solution. Ainsi,
l'arrestation n'est-elle pas reléguée au second plan. Elle ne
peut intervenir qu'en de non compromis entre les deux parties. Dès lors,
l'idée de prise en « otage » d'un membre de la
famille du délinquant est obnulée par la recherche de la
nécessité de son action réconciliatrice.
Quelle synthèse pouvons-nous tirer de ce
chapitre ?
Pour comprendre comment l' « APJ »
renverse la « hiérarchie » en se substituant
à l'« OPJ au regard du travail judiciaire, nous avons
mobilisé la police comme « organisation » et les
policiers comme « acteurs sociaux ». Sur ce, la
manière la mieux indiquée pour les comprendre a été
de les contextualiser, une façon pour nous de prendre la distance par
rapport aux évidences.
Du point de vue historique, la Police Nationale Congolaise est
une organisation fortement hiérarchisée. Elle est
militarisée et répond à une logique militaire. Elle est
jeune tout en étant vieille. Elle est jeune par sa création
juridique et veille par sa composition qui regorge les membres de toutes les
forces qu'a connues notre pays. En son sein, nous enregistrons les anciens de
la Force Publique, la Gendarmerie, la Garde Civile, la Division Spéciale
Présidentielle, les éléments de la Force Armée
Zaïroise en général, les factions belligérantes, sans
oublier les militaires. Les retraités militaires, les veuves et
orphelins de la police. Elle est hybride puisque sur papier, elle tient du
militaire et du civil, du professionnel et du non professionnel.
Du point de vue socio-économique, la police
évolue dans un contexte guidé par la précarité
dominée par le souci de « treizer »
c'est-à-dire de capitaliser.
Du point de vue travail judiciaire, la police judiciaire
n'est pas l'apanage du seul droit écrit puisque le Droit coutumier en
disposait également et s'imposait où celui-là
n'était pas d'application. Du reste, la recherche de l'efficacité
est un obstacle au respect de la valeur humaine.
Ceci étant, quelles sont les perspectives
méthodologiques adaptées et convenables pour recueillir et
analyser les données empiriques ?
Cette question est mieux exploitée dans le chapitre qui
suit.
CHAPITRE 2
DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES
ET CADRE REFERENTIEL
Ce chapitre exploite les dispositifs méthodologiques de
recueil des données (1) et présente le sous-commissariat de
Police « KAFUBU » comme poste d'observation et cadre
d'analyse(2).
I. CADRE METHODOLOGIQUE
Il comprend le modèle d'analyse, la justification
méthodologique, le choix des techniques de récoltes des
données, l'échantillonnage, la mise en oeuvre du travail de
terrain, la méthode d'analyse des données et les
considérations éthiques de la recherche.
1.1. Le tracé de la
recherche
C'est la construction du modèle d'analyse. Elle impose
le choix entre deux grandes démarches scientifiques, deux grandes
postures philosophiques (paradigmes criminologiques) deux perspectives
méthodologiques et deux types de résultats diamétralement
opposés et contradictoires. L'enjeu est l'action de la recherche en
termes de mouvement logique de la raison.
La première posture est une démarche
« déductive » ou
« vérification ». Elle s'opère par la
formulation des hypothèses à vérifier. Elle relève
de l'attitude philosophique positiviste. D'après elle, il n'y a qu'une
seule vérité. Elle repose sur le principe du tiers exclu. Elle
est déterministe. La réalité existe en soi, elle est
naturelle et observable. Elle procède par l'expérimentation et
utilise les méthodes quantitatives. Elle vise l'objectivité et la
falsification des hypothèses en cas d'inadéquation avec les
résultats du terrain. Le résultat obtenu est extrapolable,
c'est-à-dire généralisable. Puisque la démarche va
du particulier au général. Cette démarche
« hypothético-déductive » consiste dans le
passage d'une règle à ses applications. Elle a pour but
d'indiquer la recherche de la vérification empirique d'hypothèses
dérivées ou déduites d'une théorie (KAMINSKI D.,
2005 : 29).
La deuxième posture par contre se veut inductive. Elle
procède par des stéréotypes d'ancrage qui sont les
équivalents de l'hypothèse non pas à vérifier, mais
qui sert la voie d'entrée donnant l'accès à la production
des données pertinentes pour la question de recherche que l'on se donne
(2005 : 28).
Elle s'aligne dans une logique philosophique constructiviste.
Elle repose sur le postulat selon lequel, la réalité n'existe pas
en soi. Elle est une oeuvre humaine. Par conséquent, elle est
construite. Elle impose la posture méthodologique du type qualitatif et
subjectif. Elle vise la transferabilité des résultats et non leur
généralisation.
La présente recherche s'inscrit dans la grille
criminologique de l'acteur social. Cette grille s'aligne dans la logique
constructiviste et impose le choix de la démarche inductive comme
modèle d'analyse.
A cet effet, les questions de recherche nous ont servi de
repère pour fixer les stéréotypes d'ancrage dont les
résultats sont exposés dans le corpus du travail,
immédiatement après la mise en oeuvre méthodologique. Les
questions, à travers cette démarche, nous ont permis de
dégager les logiques, les contradictions, les représentations et
les pratiques policières dont celle dite d' « OPJ
debout » qui est le point focal de cette recherche.
1.2. Justification
methodologique
Avant de justifier le choix qui a dicté de mobiliser la
méthode ethnographique du type qualitatif et de dégager sa
pertinence, il nous parait impérieux de préciser la notion de
méthodologie. Celle-ci est un substantif féminin qui
désigne une partie de la logique qui étudie les méthodes
de divers ordre de connaissances. La méthode, quant à elle, est
un substantif féminin étymologiquement construit du grec
« methodos » tiré de méta et d'odas qui
signifie avec voie. Elle désigne une marche raisonnée, qui l'on
suit pour arriver à un but. (AKOUN A., 1974 : 644)
Très large et imprécise, il sera question ici de
stigmatiser la méthode de recherche scientifique. MUCCHIELLI distingue
à ses propos la méthode et la technique. Il précise que
celle-là se veut large et globalisante. Elle est un agencement
spécifique de techniques de traitement, appropriées à la
résolution d'une problématique de recherche. (2004 : 213)
KIENGEKIENGE R. fait remarquer que l'explication par le
chercheur de sa démarche méthodologique rend intelligible les
choix qu'il fait dans la construction de l'objet et permet en même temps
de soumettre la recherche à la critique scientifique rigoureuse sur la
portée et la validité du savoir qu'il construit sur l'objet.
(2005 : 17)
Pour nous, la méthode consiste à répondre
à la question : « comment concevoir l'objet dont on
se livre à l'étude » et les techniques sont les
réponses à celle de savoir « comment
l'atteindre ».
Les opérations et manipulation techniques nous aident
dans la volonté de faire surgir le sens. C'est à ce moment
qu'apparaît la spécificité fondamentale des méthodes
qualitatives qui s'inscrivent dans le paradigme compréhensif,
c'est-à-dire subjectiviste ou interprétatif. (KAUFMAN J.C.,
1996 : 23)
Le chercheur doit être capable d'interpréter et
d'expliquer les phénomènes à partir des données
recueillies. La compréhension n'est qu'un instrument, le but c'est
l'explication du social. (1996 : 23)
La méthode qualitative repose sur
l'herméneutique. Son fondement épistémologique
considère les phénomènes humains comme des
phénomènes de sens qui peuvent être compris par un effort
spécifique tenant à la fois à la nature humaine de ces
phénomènes de sens. Cet effort, MUCCHIELLI A., l'a appelé
l' « empathie » (2004 : 213).
Le même auteur conçoit, définitif et
précise la visée de la méthode qualitative en ces
termes : « elle est une succession d'opération et de
manipulation techniques et intellectuelles qu'un chercheur fait subir à
un objet ou phénomène humain pour en faire surgir les
significations pour lui-même et les autres hommes. (2004 :
212)
Comme nous venons de le démontrer dans le tracé
de la recherche, la démarche inductive dicte le choix de la posture
méthodologique du type qualitatif et subjectif. A cet effet, agir
autrement serait pêché à la règle de contre nature.
La recherche qualitative est une forme d'investigation visant l'avancement des
connaissances théoriques ou pratiques au sujet d'un
phénomène (MUCHIELLI A., 2004 : 193)
Il s'agit d'une approche méthodologique susceptible de
produire un savoir criminologique pertinent par l'échange de
connaissances entre le chercheur et les acteurs qui vivent la
réalité à étudier.
Sa pertinence est justifiée par la logique de la
découverte, de l'exploration et de la construction émergente.
Pour elle, la conceptualisation de l'objet est toujours, en partie, une affaire
de terrain, d'examen in situ, du matériau empirique. (2004 :
196)
Elle permet au chercheur d'aborder le terrain avec des
questions volontairement encombrantes, avec des hypothèses formelles,
avec des prioris théoriques, auxquels ils n'accordent, toutefois qu'une
valeur instrumentale.
En tant que chercheur à la fois observant et
observé, elle permet de découvrir les connaissances nouvelles
échappant à notre horizon de savoir. Elle permet de rendre compte
que les individus participent en permanence à l'édification de la
réalité par leurs actions et réactions réciproques,
leur manière de voir les choses, leur représentation sociale et
interprétation de la vie.
Le choix de la méthode qualitative du type
ethnographique a été dicté à la fois par notre
formation de base anthropologique et notre profession ainsi que sa pertinence.
Cette méthode tire sa source de l'ethnographie. Celle-ci est
l'enquête sur le terrain pour l'établissement de monographie.
C'est l'étude la plus exhaustive possible d'un groupe social pris comme
une totalité. L'ethnographe se veut en quelque sorte le
« biographe d'une seule société de petite dimension, ce
qui lui permet la construction d'une étude exhaustive (AKOUN A.,
1974 : 172 - 173)
Cette méthode présente deux alternatives
diamétralement opposées. La première posture est celle
où le chercheur mène une recherche dans une communauté qui
est différente de la sienne. L'impératif de cette méthode
l'oblige à demeurer pendant longtemps dans la communauté pour
apprendre la langue de ses membres et avoir l'opportunité de recueillir
les données fiables et pertinentes. L'exigence linguistique est un
préalable parce que la langue n'est pas seulement un instrument de
communication, il est aussi un véhicule du vécu quotidien d'une
communauté. La connaissance de la langue du milieu évite le
recours à l'informateur avec tout ce qu'il comporte comme danger de
déformation et surtout s'il est lié au secret, il ne saura pas se
dévoiler. Il s'agit ici d'une enquête menée de
l'extérieur par un chercheur étranger que la communauté
considère comme « outsider ». Il faut qu'il
s'intègre pour qu'il soit « insider ».
La seconde posture est celle où le chercheur
mène une étude de l'intérieur, c'est-à-dire il est
membre de la communauté dont il étudie. Précisions que le
chercheur est un autobiographe, non pas de sa vie, mais plutôt de sa
communauté.
La présente recherche épouse cette
dernière posture qui pourrait être la mieux indiquée et
adaptée ; Le chercheur analyse sa propre communauté.
Celle-ci n'est pas à entendre comme une communauté ethnique ou
linguistique, mais plutôt comme une communauté professionnelle.
Ici, c'est la police qui est prise comme une communauté d'étude
avec une organisation particulière qu'il faudra décortiquer.
La première pertinence de cette méthode est
qu'elle offre au chercheur les atouts privilégiés de part sa
position d'appartenance à la communauté, d'analyser
scientifiquement certains faits auxquels un chercheur de l'intérieur ne
saura pas facilement approcher, comme ceux liés aux
« tabous », «interdits » ou
« secret ».
Toute communauté linguistique ou professionnelle a des
sujets « interdits » ou « secrets »
auxquels on ne touche pas impunément, que l'on soit scientifique ou non.
Le chercheur est buté au dilemme de rechercher la réalité
à tout prix ou de l'abandonner. C'est le hic ou le noeud de cette
recherche. C'est la question de la légitimité même de la
recherche sociale appliquée à certains objets.
La police est une organisation liée au principe du
secret et dispose d'une déontologie professionnelle. La grille de
lecture criminologique mobilisée dans cette recherche de l'acteur social
et l'organisation nous a éclairé sur les deux sphères de
l'organisation policière. L'une est le cadre de pratiques prescrites ou
réglementaires et l'autre de celles dites non prescrites ou non
réglementaires. Pour légitimer cette recherche au regard du
secret professionnel, l'opportunité nous est offerte de
pénétrer le « secret » des pratiques non
prescrites pour en décortiquer les intérêts ou avantages
à élever aux valeurs de la société. C'est le point
focal de cette recherche dont la visée essentielle ne pourra être
atteinte que grâce à la position du chercheur et à la
pertinence de cette méthode menée de l'intérieur.
Par ailleurs, la censure de la recherche libre ne s'exerce
plus au nom de la religion, ou d'une idéologie politique, mais
plutôt au nom de l'éthique considérée comme
l'ensemble des valeurs d'une société.
C'est ici que nous rejoignons l'idée de SHAKESPIRE qui
indique que : « le chercheur est donc appelé sinon
à choisir, du moins à composer avec les valeurs de la
société qui tendent au maintien du statuquo et celles de la
science qui invitent au savoir, à la remise en question des idées
reçues ». (1987 : 2007)
Manifestement, cette méthode nous a permis de cerner en
tant que chercheur acteur professionnel, les représentations, les
logiques, les contradictions et la nature des relations entre « OPJ
assis et debout ». Elle rend compte des pratiques observables qui
rentrent dans la prescription du champ pénal et celles qui
évoluent dans l'ombre comme soutien invisible de celles-là. C'est
le champ non réglementaire de régulation des conflits dans le
contrôle policier qui est plus intéressant et dont nous avons
l'opportunité d'analyser.
Son utilité est la construction d'un savoir
scientifique par l'interaction du chercheur avec les participants grâce
à l'observation et l'entretien. Elle exige l'adaptation de la recherche
aux participants et impose la prise de distance avec l'objet de recherche. Elle
exige l'acquisition d' « attitude neuve ». Il s'en faut
toutefois, pour qu'un chercheur puisse faire « tabula
rasa » de ses connaissances, et se présente à
l'écoute de la réalité (MUCCHIELLI A., 2004 : 197)
C'est une des manières pour cette méthode de valider la
connaissance.
Cette méthode a aussi l'avantage de mettre à
notre portée les informations originales très variées et
diversifiées. Il faut pour cela, acquérir le
« réflexe de la source originale » précise
ALBARELLO L., (2004 : 59)
Elle permet non seulement de dégager la pertinence de
recueillir des données originales auprès des « OPJ et
APJ » dont il s'agit précisément d'épingler les
motivations, les représentations mentales qui les animent et le sens
qu'ils donnent à leurs pratiques, mais aussi la voie de
matérialiser les données et de les manipuler. Cela est
réalisé grâce à l'enquête par entretien.
Dans une méthode qualitative, on distingue
classiquement la phase de recueil et celle de traitement données. Elles
sont développées dans la phase qui suit.
1.3. Le choix des techniques de
récolte des données
La méthode qualitative de type ethnographique a ses
techniques spécifiques et appropriées à savoir :
l'observation participante, l'entretien semi-directif et l'observation
indirecte du type documentaire. Telles sont les techniques ciblées et
mobilisées pour cette recherche. Elles indiquent trois manières
de recueillir les données et que nous avons eu l'opportunité de
manipuler pour les rendre opérationnelles.
1.3.1. La participation
observation
Rien n'est dans l'intelligence qui ne soit entré par le
sens. La vue est un instrument qui nous permet d'acquérir les
connaissances. C'est par l'observation qui consiste à regarder
attentivement et d'une manière raisonnée pour fin de recherche.
Il s'agit de l'observation comme porte d'entrée de la connaissance.
Elle est directe, lorsque le recueil des données
accède à l'objet de connaissance directement sans biais. Elle est
dite indirecte lorsqu'elle accède à la connaissance par
l'instrument (informateur, enquêté ou acteurs participants, les
documents). C'est l'observation directe qui intéresse cette recherche
comme mode de la cueillette de données dans le contexte qualitatif. Elle
vise la compilation de l'information la plus complète possible sur une
situation particulière de la police comme organisation dans le champ non
réglementaire. Ce type d'observation est complété par les
démarches documentaires, ou les entrevues dans les recherches où
on l'utilise par un questionnement des acteurs de telles situations sociales,
afin de pouvoir déterminer le sens de leur action. (LAPERRIERE A.,
2003 : 229) Ceci montre la relation logique entre la grille de lecture
mobilisée, le modèle d'analyse, la méthodologie et les
techniques de recherche.
La motion d'observation directe étant fixée, il
convient d'examiner l'observation participante et par l'entremise de celle-ci,
par inverse appelée « participation observation »
comme technique qui convient pour cette recherche qui analyse l'organisation
policière de l'intérieur. Ces deux techniques relevant du type
ethnographique qualitatif « observation participante » et
« participation observation » utilisent l'observation
directe de façon plus large. Elles vont au-delà de l'observation
directe appelée aussi « observation pure » pour
qu'elles impliquent une série d'approches complémentaires comme
la cueillette documentaire ou les entrevues avec les policiers qui sont les
acteurs participants. L'observation doublée de ces approches permet de
nous révéler le sens des pratiques observées. Les
significations que les policiers attribuent à leurs pratiques sont
essentielles pour l'analyse criminologique.
L'observation participante consiste à participer
réellement à la vie et aux activités des sujets
observés, selon la catégorie d'âge, de sexe ou de statut
dans laquelle le chercheur parvient à se situer par négociation
avec ses hôtes en fonction de ses propres considérations ou de la
place que ceux-ci consentent à lui faire. (MUCCHIELLI A.,
2004 :197)
L'observation participante convient au chercheur qui analyse
adéquatement une situation de l'extérieur. Le chercheur est un
« outsider » puisqu'il est étranger à la
communauté. Il est obligé de s'investir en participant aux
activités communautaires. La finalité du chercheur n'est pas
« la participation » mais plutôt l'
« observation » dictée ou déclenchée
par l'intérêt de la recherche. Dans ce contexte, la participation
devient un moyen d'accéder à l'observation et par
conséquent à l'information. La participation se veut ici une
stratégie d'intégration du chercheur dans la communauté en
vue de camoufler sa visée réelle. Le chercheur est un
« observant participant ». C'est la technique censée
être utilisées par KIENGEKIENGE R., (2005) et TSHINYAMA I., (2006)
dans leur recherche portant sur le contrôle policier sur la
délinquance juvénile, dans une posture menée de
l'extérieur.
Pour le chercheur dont l'objet de recherche porte sur sa
communauté, est censé d'exploiter non pas l'observation
participante, mais plutôt la « participation
observation ». il est avant tout membre de la communauté en
question. Il est « insider » puisqu'il est dans le jeu et
analyse sa communauté de l'intérieur. Il est permanent et
participe à toutes les activités communautaires. Il est avant
tout acteur avant d'être chercheur puisqu'il est participant permanent.
Il ne devient chercheur observant que lorsqu'il s'insère dans la
recherche par le recueil des données.
C'est cette posture qui a été mise en oeuvre
dans la perspective de cette recherche. Elle est la mieux indiquée pour
le chercheur acteur professionnel qui analyse sa communauté. La
communauté est considérée ici comme monde de travail,
à l'instar la police. Cette technique sera mieux
développée dans la phase d'insertion personnelle sur le
terrain.
1.3.2. L'entretien
semi-directif
L'opportunité du recours à l'enquête par
entretien répond à la logique de la démarche
méthodologique du type ethnographique. L'entretien est une communication
verbale entre le chercheur et l'acteur participant en vue de récolter
les données. Dans le cas d'espèce, il permet de rendre compte du
sens et de représentation des pratiques policières
échappés à l'observation directe par la participation
observation.
L'enquête par entretien permet de recueillir les
discours non provoqués ni fabriqués par la question, mais bien
construits par le processus interlocutoire, le prolongement d'une
expérience concrète ou imaginaire. Il révèle la
logique d'une action, son principe de fonctionnement. Il déroule le
cours de chose, propose les éléments contenus dans les
phénomènes étudiés, leurs composants et non leur
contenant, ni leur enveloppe, les rationalités propres aux acteurs,
celles à partir desquelles ils se meuvent dans un espace social, et non
pas ce qui les détermine à se mouvoir dans cet espace social.
Quant aux résultats visés, il ne prend pas en charge le pourquoi,
mais fait apparaître le processus et le « comment ».
(BLANCHET A. et GOTMAN A., 1992 : 40 - 41)
Ainsi, l'entretien peut aussi consister en la méthode
centrale d'une recherche criminologique dans la mesure où l'objet
même de la recherche est constitué par les représentations
sociales du champ pénal. (KAMINSKI D., 2005 : 64) Il se prête
particulièrement à l'analyse du fonctionnement de la police. Il
permet de dégager les contradictions fonctionnelles de la police comme
organisation.
L'entretien peut être administré à un
individu. Il est dans ce cas individuel. Il peut être aussi
administré directement à un groupe d'acteurs participants bien
sélectionnés. C'est l'entretien collectif.
Par ailleurs, l'entretien peut être directif, non
directif ou semi - directif. L'entretien est dit « directif
lorsque le participant de la recherche réagit d'une manière
dirigée. Il est limité dans un cadre bien déterminé
qui l'oriente. Ce type d'entretien restreint la marque de liberté de
l'acteur et son point de vue. Il réagit au questionnement du chercheur
selon un cadre bien tracé. Il implique une grille des questions bien
établies. A l'antipode de cette limite, il a l'avantage de produire les
données précises et voulues. Dans les entrevues, l'acteur est
guidé. Il est « non directif » lorsque le chercheur
laisse une grande marge de liberté aux acteurs de produire un discours
au regard du questionnement. Le chercheur peut poser une seule question qui
concerne l'objet de recherche pour que le participant y réagisse. A
titre, illustratif, l'on demandera au participant d'expliquer la pratique d'OPJ
debout. L'auteur n'est limité que par l'objet de recherche. Il peut
même aller au-delà pour livrer des connaissances pertinentes
auxquelles le chercheur ne s'attendait pas. L'avantage c'est la
découverte. La non directivité ne signifie pas le dialogue
à sens unique. Le chercheur intervient toujours, mais le moins possible,
pour raison de précision et d'éclaircissement. Selon notre avis,
nous pensons qu'il est convenant à la recherche qui approche l'objet par
la grille de l'acteur social.
L'entretien est semi-directif lorsqu'elle est une juste
moyenne entre les deux précédents. Il est directif puisqu'il
impose une grille d'entretien qui fixe le cadre. Mais, il présente comme
avantage la construction des stéréotypes d'ancrage qui se
dégagent dans le corpus du travail. C'est la grille thématique
d'entretien façonnée par le chercheur qui préside à
la construction du corpus. L'avantage est dans le chef du chercheur de viser
les données bien cadrées et bien précises. Sous cet angle,
cette grille limite la marge de liberté et y enferme les acteurs. Il est
aussi non directif puisque les acteurs ont cette marge de liberté de
réagir à travers la grille. Il ne s'agit pas de questions
fermées, mais ouvertes pour solliciter les points de vue, les avis et
les opinions sur leurs pratiques.
La prédilection de cette recherche a comme inclinaison,
l'entretien semi directif que nous trouvons le mieux indiqué au regard
de l'objet sous-étude. Non seulement ce type d'entretien nous fournit
des données bien cadrées, mais aussi, il fixe les limites de
l'acteur et les contourne. A ce sujet, le chercheur demande à l'acteur
à la fin de l'entretien s'il y a les points qui restent obscurs ou qui
n'ont pas été développés.
Sur terrain, il nous est arrivé que certains acteurs
nous fixaient eux-mêmes un rendez-vous pour approfondir l'entretien. Dans
ce cas, ils ont la grande manoeuvre de liberté et d'expression.
L'entretien suivant est un atout pour enrichir le précédent.
D'autres acteurs par contre, s'estimaient satisfaits du contenu de l'entretien
puisque l'objet était censé bien épuiser.
La pertinence de cette technique est qu'elle se veut une
enquête de terrain qui vient en complément à l'observation
directe. Il enrichit les données de l'observation et ouvre au chercheur
une piste de découverte de nouvelles connaissances. Il permet de
dénicher et de décortiquer certains faits ayant
échappé à l'observation directe ou
« pure » ou encore « in situ ».
Cette observation est limitée au champ visuel du
chercheur qui ne peut être que partiel. C'est pourquoi, la construction
scientifique est partielle. Elle est limitée à la vision du
chercheur.
Il est important de rappeler que cette limite, de
l'observation directe est corrigée par l'entretien qui l'enrichit.
L'observation implique deux stratégies. Elle peut être
utilisée par un chercheur de l'extérieur tout comme de
l'intérieur. De l'extérieur, le chercheur est un
« outsider ». Il vise l'observation et la
participation devient une stratégie et un moyen d'acquisition de
connaissance. C'est l'observation participante. L'inverse se produit lorsqu'on
est chercheur acteur professionnel. Il analyse sa communauté de
l'intérieur. C'est la participation observation. Il est participant,
l'observation est suscitée par l'intérêt de recherche. Il
entre sur le terrain par le camouflage qui offre une position privilégie
pour récolter les données.
Le participant -observant est un dilemme. Comment prendre la
distance entre la participation et l'observation ? Cette question sera
analysée dans la phase portant l'éthique de cette recherche.
Néanmoins, le recours à l'observation
« indirecte » est une manière de prendre
distance.
Il sied de retenir que les deux observations se soutiennent.
L'observation directe est la voie directe d'entrée de connaissance
tandis que celle dite indirecte la précise, l'enrichit et lui donne le
sens. L'observation « pure » ou
« directe » complétée par l'entretien
semi-directif et la documentation qui sont les observations indirectes. Ainsi,
parait-il évident que la recherche sous-étude a mobilisé
l'observation « directe » et
« indirecte » sous leurs formes particulières
à savoir : la participation observation, l'entretien semi-directif
et la documentation. Comment avons-nous exploité cette dernière
technique ?
1.3.3. Technique
documentaire
Elle a été exploitée largement dans cette
recherche. Elle nous a permis de fixer l'état de la question. C'est par
le travail de lecture exploratoire qu'il a été pertinent de le
cerner. A titre illustratif, cette technique nous a aidé à cibler
la grille de lecture criminologique de l'acteur et l'organisation sous
l'inspiration du modèle de MONJARDET D. (1996) que nous avons
tenté d'adapter en l'enrichissant par celle de DEBUYST C., (1990).
En définitive, cette technique a enrichit cette
recherche en lui fixant le cadre méthodologique, en ouvrant certaines
pistes de réflexion, en lui servant de cadre de référence
pour appuyer, argumenter, enrichir, certains aspects de la recherche. Sa mise
en train se manifeste à travers le corpus de recherche par la
présence de référence. Le profil bibliographique à
l'annexe de cette recherche justifie la mise en pratique de cette technique.
1.4. Echantillonnage
Cette partie méthodologique comprend le choix de
l'échantillon, la sélection des acteurs et la saturation.
1.4.1. Le choix de
l'échantillon
Il est fonction du souci de recherche. S'il vise la mesure
précise, la représentativité de la population,
l'échantillon sera du type quantitatif. Par contre, si le point
d'ancrage est la recherche de la cohérence logique, nous sommes dans le
type qualitatif. C'est ce dernier qui intéresse cette recherche.
L'échantillonnage de la production des données
qualitatives et de niveau microsociologique s'effectue par cas unique ou par
cas multiple.
L'échantillonnage qui convient pour cette recherche est
celui par « cas unique ». il s'agit de la construction de
l'échantillon de milieu géographique ou institutionnel. Ce type
d'échantillon est le mieux indiqué pour cette recherche. Il
répond à la finalité de l'Ecole de Criminologie qui a eu
comme prédilection d'orienter les recherches des étudiants
professionnels dans leurs institutions respectives pour y mener l'analyse
criminologique de l'Intérieur. A ce sujet, le sous-commissarait de
Police KAFUBU est notre milieu à la fois géographique et
institutionnel puisqu'il constitue le lieu de notre travail en tant que
policier. Il est un atout pour nous. Il est convenable de nous fournir des
données pertinentes et diversifiées de notre objet
d'étude.
1.4.2. Sélection des
acteurs pertinents
En tant qu'officier de Police Judiciaire, le sous-commissariat
de Police KAFUBU est un poste de Police perçu comme un site
d'observation convenable pour l'analyse de notre objet. Il dispose
spontanément les « OPJ » et
« APJ ». Parmi eux, il y a les plus gradés et les
moins gradés, les anciens et les nouveaux ; d'une qualité
diversifiée des policiers. Parmi ces derniers, retenons les
« OPJ » et les « APJ », les policiers
et les policières les plus gradé et les moins gradés et
les sans grade ; les anciens (de l'armée démantelée)
et les nouveaux (insérés récemment dans la police). Les
acteurs étant diversifiés et disponibles et constitués en
soi comme pertinents, cette situation implique l'échantillon
spontané » FELICES LUNA M., (2007).
C'est pourquoi, il est évident de savoir que la
constitution de l'échantillon « spontané »,
implique un mode particulier de s'insérer personnellement sur le terrain
de recherche lorsque le chercheur s'investit en chercheur acteur professionnel
pour étudier sa propre communauté. Il l'analyse de
l'intérieur. Son insertion se fait par l'intérêt et la
finalité de la recherche. Il s'y insère sans aucune
formalité administrative s'il s'agit de son poste de travail. Nous
n'avons pas eu concrètement de formalité administrative pour
débuter la recherche puisque nous avions une recommandation de
l'échelon supérieur autorisant notre formation en criminologie.
Nous étions bien placé pour mieux observer les policiers dans
leur moindre geste et parole à leur insu, dans leur milieu censé
naturel. La pertinence est que cette source peut être féconde des
données quant on cherche à observer les pratiques pour savoir les
comprendre.
Par ailleurs, la recherche menée de l'extérieur
exige des formalités administratives et de stratégies
personnelles pour s'insérer personnellement sur le terrain. C'est le cas
probablement de la recherche de Raoul KIENGEKIENGE (2005) et de Ildefonse
TSHINYAMA (2006) sur le contrôle policier. Bref, de toutes les recherches
menées jusqu'à présent de l'extérieur à
l'Ecole de criminologie de l'Université de Lubumbashi, le cas de la
recherche de BOLAA EWALA (2007) est une recherche menée par le policier
dans une autre unité qui n'est pas sienne. Ce type de recherche exige
aussi les formalités administratives pour le stage de recherche. Une
autre possibilité qui lui est offerte est la permutation temporaire de
son unité à celle de recherche.
1.4.3. La saturation
Elle désigne le moment lors duquel le chercheur
réalise que l'ajout des données nouvelles dans la recherche
n'occasionne pas une meilleure compréhension du phénomène
étudié (MUCCHIELLI A., (2004 : 237 - 23)
La saturation constitue un signal d'alarme ou une alerte pour
le chercheur qu'il peut cesser la collecte des données ou leur analyse
ou encore mieux les deux actions vécues simultanément.
Si dans la posture positiviste, le point de saturation
constitue un signal de représentativité des données dont
la visée est la généralisation des résultats. Par
contre notre modèle d'analyse inductif et constructiviste, la saturation
permet la production d'un savoir riche, adéquat, nuancé,
intimement lié aux contextes à l'intérieur desquels ils
avaient été produits. La vision visée est la production
d'un savoir transférable.
1.5. La mise en oeuvre du
travail de terrain
Cette partie du travail indique la manière dont nous
nous sommes inséré sur le terrain et la mise en train du
dispositif de recueil des données.
1.5.1. L'insertion
personnelle sur le terrain
Deux aspects sont exploités ici à savoir :
la posture du chercheur et l'exigence linguistique des acteurs.
1.5.1.1. La posture du
chercheur
Tablant sur la méthode ethnographique du type
qualitatif que nous avons mobilisée, deux manières se
présentent pour s'insérer sur le terrain
« professionnel ». la première est celle où
le chercheur pour mener une enquête scientifique de l'intérieur de
sa profession, analyse une unité policière qui n'est pas sienne,
selon l'intérêt dicté par la recherche. C'est le cas d'un
policier de l'unité de garde qui analyse l'objet portant sur la Police
d'investigations criminelles. La deuxième posture est celle où le
policier chercheur analyse l'objet de recherche sur sa propre unité et
régulièrement son propre poste ou lieu de travail.
Pour le premier cas, l'insertion sur le terrain oblige au
chercheur le recours à des formalités administratives
auprès de son échelon supérieur. Celui-ci peut lui
accorder l'autorisation de stage ou la permutation ou transfert provisoire pour
seule fin d'enquête.
Pour la deuxième option dans laquelle s'inscrit cette
recherche, le chercheur s'investit en acteur professionnel. Ainsi, ne
s'insère-t-il pas dans le milieu ou terrain de recherche puisqu'il y est
déjà inséré par la profession. Par
conséquent, il n'est pas tenu à des formalités
administratives.
Il sied de remarquer que la méthode ethnographique est
subjective. Sous cet angle, l'opportunité nous est offerte de
procéder personnellement à la substitution momentanément
de l'emploi de « Nous » de majesté par
« je » pronom personnel inaccentué ou atonique qui
indique la personne qui agit ou subit, et par « moi » qui
est tonique et qui, accentue le « je » dans cette phase du
travail. Il y a aussi lieu de mettre en évidence le pronom personnel
« neutre » pour marquer la neutralité de notre
discours. « Il » remplace « mon » et
« je » qui représentent le chercheur.
C'est pour dire que la tradition humaniste a produit une
quantité des processus effectifs de l'enquête de terrain à
la « première personne » EMERSON R., 2003 :
409)
La visée est d'exprimer la subjectivité à
trianguler avec le savoir des acteurs participants « OPJ »
et « APJ » afin de réaliser l'
« intersubjectivité ». D'où la
démonstration et la raison d'être de cette formule à trois
dimensions qui traduisent le même fait.
Subjectivité
Subjectivité
Intersubjectivité
+
=
Négatif
Négatif
Positivité
+
=
Chercheur
Participants
Neutralité
=
+
L'intersubjectivité est synonyme de
l'objectivité dans une perspective positiviste. C'est une manière
de valider ce savoir en tant que chercheur acteur professionnel. Il ne sera
validé que lorsque les acteurs se reconnaissent et s'identifient
à l'objet du travail. A ce moment là, le chercheur aura atteint
la validité de la recherche. Et la recherche matérialisée
devient un miroir où le chercheur et les acteurs s'y mirent pour voir le
reflet de leur manière de travailler. C'est l'un de grands avantages de
la méthode ethnographique. Cependant, elle pose le dilemme de la prise
de distance entre le chercheur et l'objet d'étude. Cet aspect sera
détaillé en profondeur dans la phase d'éthique de
recherche.
Sur ce, je me suis inséré sur le terrain de
quatre manières selon l'exigence du milieu professionnel et celle de la
recherche. Le terrain exige l'adaptation liée au secret du travail et la
recherche implique la validité. La recherche du terrain exige des
stratégies et du savoir faire du chercheur.
1° « Chercheur à
couvert »
Ce concept est puisé dans les empiries. La police
congolaise a toujours été militarisée et l'est encore
aujourd'hui comme force contraignante ou régalienne. Dans les tactiques
militaires, être « à couvert » c'est
être à l'abri, éviter d'être cible, c'est se cacher
pour se protéger. C'est aussi se camoufler pour passer inaperçu.
Par contre, être à découvert, c'est s'exposer comme cible
vu devant l'ennemi.
Dans le premier moment de cette recherche, je me suis
inséré sur le terrain comme un chercheur « à
couvert », masqué, voilé, camouflé pour observer
dans l'ombre. Cette manière de s'insérer sur le terrain
d'enquête sans que les acteurs participants (OPJ et APJ) le sachent, est
une posture privilégiée pour le chercheur professionnel qui a les
atouts d'observer profondément les faits. C'est une opportunité
propice pour tirer les observations fécondes puisque le chercheur les
récolte au moment de leur production dans leur contexte naturel. Si le
chercheur de l'extérieur a des difficultés d'observer surtout ce
qui se passe en « kundelpain » c'est-à-dire en
secret ou en cachette comme la pratique de l'« OPJ
debout », le chercheur acteur professionnel jouit d'une position
privilégiée qui est censée féconde.
Pour suivre la formation criminologique, l'école
exigeait préalablement l'autorisation de l'employeur. L'ayant obtenue de
mon échelon supérieur, dès ce moment là, il
n'était plus nécessaire que je sois présenté
à mes collaborateurs « OPJ et APJ » comme chercheur.
De toutes les façons, ils savaient que j'étudiais et ignoraient
tout sur ma recherche. C'était un secret pour moi puisque
l'enquête sur terrain a été déterminée par
mon calendrier personnel de recherche. Elle coïncide avec mon stage que
j'avais prévu du janvier au mois d'Avril. Le reste du temps
m'était profitable pour enrichir ma recherche. Inaperçu et
ignoré des policiers, j'ai commencé l'observation dans l'
« incognito ». C'est ce qui justifie le concept du
« chercheur à couvert ». C'est cette posture que
j'ai portée dans le premier moment de recherche et d'insertion
personnelle sur le terrain. C'est l'observation in situ qui a primé.
2° « Chercheur à
découvert »
C'est le chercheur dévoilé,
démasqué ou dépisté par soi-même pour raison
de quête de données. C'est le deuxième moment d'insertion.
Après avoir bénéficié des avantages de la
première posture, le respect du calendrier de recherche m'imposait
l'entretien exploratoire avec quelques « OPJ et APJ ». il
fallait dès lors, me présenter à mes collaborateurs comme
étudiant chercheur. D'une manière informelle, j'étais
stagiaire dans mon sous-commissariat de police où je travaille. C'est de
cette manière que j'ai été amené à
réfléchir et à partager avec eux leurs expériences
pratiques dans le champ non réglementaire du contrôle policier.
L'objet étant très glissant et très
délicat, il est lié aux pratiques secrètes à
découvrir. Vu ma position hiérarchique
« OPJ », il y a eu méfiance puisque certains
policiers me prenaient pour un imposteur qui voulait les démasquer et
démanteler leurs pratiques. C'est ainsi que par la stratégie du
« gagne coeur » ou de la mise en confiance,
découlant de mes relations habituelles déjà tissées
depuis longtemps avec eux, que j'ai du contourner la
« méfiance ». Ceci pour dire que le chercheur
professionnel se bute aussi à la méfiance...
Sur ce, le cas de SANTOS décrit dans l'introduction
nous permet d'illustrer le cas de « méfiance ».
Informé du cas, j'avais glané l'information auprès du chef
de poste et du chef d'équipe qui étaient intervenus pour ce
cas ; pour recouper l'information, j'avais demandé à un
policier participant à l'action. J'ai eu du mal à lui arracher ce
qu'ils avaient fait malgré les relations approfondies entre nous ;
il cachait l'information que j'avais déjà, il avait une attitude
de panique. Peur de répercussion, il a cru que j'avais besoin des
informations pour lui créer des ennuis en lui privant la liberté
par la détention. Bien avant, j'avais discuté le bien
fondé de ma recherche avec lui. Mais, il n'a pas eu confiance suite
à ma fonction hiérarchique occupée dans l'organisation. Il
voulu s'assurer s'il y avait un problème. IL me demande
« kuko mambo » qui veut dire « y a t il
un problème ». Il finit par me donner une histoire
décousue. Le lieu n'était pas bien propice puisque c'était
mon bureau malgré mon insistance sur l'importance du bien fondé
de ma recherche, la méfiance n'a pas été balayée.
Le policier s'est méfiée de la recherche en s'accrochant à
ma position hiérarchique. Deux jours après, ne voyant aucun
événement lui survenir à ce propos, dans un endroit
retiré, sous un café, il me relata tous les faits.
Toute cette longue littérature pour tout simplement
dire que la recherche menée de l'intérieur se bute aussi au
problème que pose la « méfiance » si l'objet
à cerner est délicat et est tenu pour secret ou stratégie
de gagne pain dans une situation non réglementaire, la peur de
répercussion ou rebondissement du problème, la crainte de
« mbanu » ou « punition ». La police
est un lieu de coercition d'abord pour les policiers eux-mêmes pour
raison de conformité. C'est ainsi que la police comme corps, ou force,
dispose d'une déontologie spécifique dite déontologie
policière. (LOFIMBO L.S., 2006 : 5-59). DONATIEN KALOMBO (2000) a
aussi partagé ses connaissances sur la déontologie
policière.
Toutefois, il sied de remarquer que le premier moment de
l'insertion sur terrain est celui de l'observation directe dite « in
situ ». Tout est à observer. « C'est une observation
« pure » qui est générale. Le deuxième
moment provoqué par l'entretien exploratoire, c'est celui de
l'observation orientée et sélectionnée. Notre attention a
été braquée sur toutes les situations liées au
champ du contrôle policier : les policiers et leurs manière
de rendre justice dès la plainte jusqu'à son issue. Les
observations sont ici raffinées puisque fixées et
précisées par l'objet de recherche.
3° « Chercheur participant ou
observé »
Pendant les recherches, j'exerçais les activités
professionnelles comme d'habitude. Je recevais les plaintes, je les
gérais jusqu'à leur issue en clôturant certains dossiers
à mon niveau selon les cas et d'autres suivaient leur cour normale par
la voie de transfert au Parquet de Grande Instance.
Je participais tout en ayant l' « oeil »
d'un observateur avisé. J'étais à la fois un participant
actif puisque j'étais plongé dans les activités d'OPJ en
oubliant par moment que j'étais chercheur surtout lorsque l'observation
tendait à la saturation. C'est une limite méthodologique pour la
recherche menée de l'intérieur et la participation devient un
avantage du chercheur externe puis qu'elle est cette opportunité
d'observation et de tisser les relations de mise en confiance pour faciliter
les entrevues.
En faisant ce que font les policiers en tant que policier, je
faisais aussi d`elle ce qu'en font les policiers que nous aurons
l'intérêt à analyser en profondeur au moment opportun.
Même si par moment, je m'oubliais comme chercheur, souvent, je
participais avec l'esprit en éveil tout en m'observant par
l'introspection, je fournissais un effort pour opérer à la fois
une double observation, sur moi-même et sur les actions des
« OPJ et APJ ».
La pertinence est que le chercheur se trouve dans une bonne
position de s'analyser à travers les pratiques professionnelles,
policières dans ce cadre précis. C'est comme s'il s'agissait de
son autobiographie. Autobiographie par analogie métaphorique, le
chercheur s'analyse à travers sa profession et se découvre. La
recherche devient un miroir réflexif de son travail qui constitue une
communauté professionnelle. OEuvre autobiographique au sens strict du
concept, la recherche n'en est pas une puisque ce savoir n'est pas seulement
l'expérience du chercheur participant et s'auto-observant, mais aussi et
surtout elle s'affirme comme la restitution des pratiques par les policiers
participants (OPJ et APJ).
4° « Chercheur
observant »
En tant que participant, l'attention est focalisée plus
sur la participation que sur la recherche. Le chercheur se confond à
l'objet pour s'observer s'analyser. A un certain moment, il fallait prendre
distance avec l'objet en observant les policiers sans provoquer les
événements ou les occasions à exploiter. Il fallait agir
dans le naturel en se laissant guider par le déroulement des
activités policières.
C'est ainsi qu'il m'arrivait le plus souvent que possible de
confier le dossier aux stagiaires pratiques et je m'occupais de l'observation.
Je suivais le déroulement de l'audition et de l'instruction du dossier
du début à la fin. Ils concluaient le dossier en sollicitant mon
avis en secret. C'est une manière d'être observant. Parfois, je
demandais à mes collègues d'instruire mes dossiers et j'en
profitais pour récolter les données utiles. Il m'arrivait surtout
d'assister au déroulement de la majorité des dossiers
traités au sous commissariat. C'est une manière d'être d'un
chercheur observant dans l'étude ethnographique analysée de
l'intérieur.
1.5.1.2. L'exigence
linguistique
La méthode ethnographique exige la maîtrise de la
langue des acteurs. C'est pourquoi elle impose un temps long dans le milieu
pour cette fin. Dans le cas contraire, le chercheur
« outsider » c'est-à-dire hors communauté ou
étranger doit recourir à un interprète ou un informateur
membre de la communauté avec le risque de déformation, de la
méfiance et de rétention de certaines informations
secrètes.
Pour le cas qui nous concerne, l'exigence de la connaissance
de la langue des acteurs est déjà résolue en tant
qu'acteur chercheur professionnel. En réalisant Cette recherche, j'ai
manipulé trois langues avec les policiers.
1° Lingala
La police comme force, est le fruit du
démantèlement de la Gendarmerie et de la Garde Civile qui
représentaient le visage de l'Etat pendant la 2ème
République. Comme la police a été et reste encore
militarisée, le lingala fut la langue de l'armée. Elle fut
terrifiante et intimidante. Ce sont les militaires qui l'ont rendue ainsi. A
titre indicatif, il suffisait seulement d'entendre le mot
« Telema » qui traduit « arrêtez-vous»
pour se sentir dans l'insécurité. La
« sommation », était le propre de gendarmes et des
garde civiles.
Le lingala est une des quatre langues nationales de la R.D.C.
Elle est surtout parlée du côté nord et ouest de la R.D.C.
La langue en tant que véhicule de la culture, elle sert de trait d'union
du bloc Ouest.
2° Swahili
En démantelant les forces de la deuxième
République, l'AFDL du feu président L.D. Kabila utilisant le
swahili qui est aussi une des langues nationales. Il sert de lien du bloc de
l'Est où il est plus parlé. Il avait supplanté le lingala
tout au début de l'occupation. Il était facile d'entendre :
« we takumaliza » qui veut dire « toi,
je veux t'achever ». « Fimbo kitofuni »
se traduisant « fouet sur le nombril » ou alors
« kitambulisho » qui signifie
« pièce d'identité ». Quelques années
après, le lingala refait surface dans la police et évolue en
équilibre avec le swahili.
3° Français
C'est la langue officielle de la police puisque les honneurs
et les rapports administratifs se font en Français. Il y a sous peu, les
honneurs militaires et le commandement se faisait en swahili ou en lingala.
Maîtrisant les trois langues, les entrevues se
réalisaient selon les acteurs en présence. Avec les OPJ, les
entretiens se déroulaient en Français tandis qu'avec les Agents,
le choix était entre le swahili et le lingala. C'est le swahili qui
primait en tant que langue du milieu. C'est grâce à ce
trilinguisme que nous avons pu par l'observation indirecte, récolter les
données empiriques.
1.5.2. Mise en train des
techniques de recueil des données
Il sera question dans cette partie du travail de
présenter la manière dont nous avons récolté les
données de l'observation et des entretiens.
1.5.2.1. Observation in
situ
Pour construire notre savoir, nous avons dans le premier
moment de notre insertion sur le terrain, procédé à
l'observation générale de gestes, paroles et attitudes de tout ce
qui se passait au niveau du sous-commissariat.
La deuxième phase de notre insertion nous a permis de
récolter sur le vif, les données de l'observation
sélectionnée et orientée au regard de notre objet
d'étude. L'observation était centrée sur les paroles ou
discours, gestes produits par les OPJ et APJ lors de l'enregistrement des
plaintes, leur traitement et leur issue.
Concrètement, nous avions plusieurs opportunités
de prendre note sans que les acteurs participants puissent s'en rendre compte.
Nous avions à notre disposition trois grandes notes books. Le premier
carnet nous servait pour la transcription des notes cursives prises sur le vif
et à la dérobée comme aide mémoire pour le compte
rendu détaillé.
La deuxième fiche signalétique résume les
principaux thèmes ou événements de l'unité de
l'observation. Cette fiche nous a été d'une grande utilité
dans le repère des thèmes lors de notre analyse du contenu
exploitée sous une perspective thématique. Il sied de faire
remarquer que les propos des acteurs sont enregistrés entre guillemets
et les traductions sont mises entre parenthèses. Il en est de même
concernant certains concepts que nous avons eu la difficulté de
remplacer par ceux dits neutres. Cette technique nous permet de distinguer avec
notre réflexion personnelle. Celle-ci est consignée dans le
troisième carnet qui est le journal de bord qui présente
l'état de notre subjectivité.
Les fiches sont précieuses et présentent une
double fonction à savoir : elles permettent d'accumuler les
observations prises sur le vif et les idées dans leur fraîcheur
initiale, tout en constituant un instrument pour dépasser les
incertitudes de la pensée (STRAUSS, 1992 : 290), en se
forçant à écrire tout ce qui se passe par la tête
(KAUFMANN J.C (1996 : 79).
Sur ce, la recherche a crée en nous une nouvelle
habitude de se prémunir partout où l'on se trouve d'un carnet
personnel de recherche qui nous a permis d'accoucher toute idée qui
passe à travers la tête et en rapport avec la recherche puisque la
mémoire humaine est infidèle, faillible. Ainsi, donc, nous avons
été emballé par la recherche qui a fait que tout notre
raisonnement soit focalisé sur cette étude. S'agissant d'un
mémoire et non d'une thèse, nous sommes donc limité
à ne pas tout exposer.
1.5.2.2. L'entretien
semi-directif
Rien n'est dans l'intelligence qui ne soit entré par le
sens. La connaissance acquise de l'observation se fait par la vue et ouie.
Quant à l'entretien, la connaissance pénètre par l'
« ouie » c'est-à-dire par l'audition. D'où
pour acquérir les connaissances sous cet angle de vue, il faut savoir
écouter. Savoir écouter implique les stratégies
d'écoute qui permet au chercheur de traiter en temps réel
l'information communiquée par l'interviewé. (BLANCHET A., et
GOTMAN A., 2001 : 78)
Ainsi, savoir écouter, c'est savoir comprendre. Savoir
comprendre, c'est savoir expliquer les faits dans le contexte et les logiques
des acteurs participants. C'est savoir les comprendre et partager ensemble leur
expérience.
Faute de moyens de disposer d'une enregistreuse, nos
différents entretiens ont été transcrits directement avec
l'accord des participants qui intéressés par le sujet qui
concerne directement leur pratique, ils nous ont facilité la tâche
en s'adaptant à notre rythme de transcription. L'interruption se faisait
seulement pour éclairer un fait obscur ou pour enrichir un point
important. Les participants nous demandaient souvent si nous étions
à la page de leur discours et l'on continuait ainsi jusqu'à la
fin. Sur notre initiative, parfois sur celle des intervenants, le rendez-vous
était fixé pour passer à peigne fin notre entretien.
L'avantage de la transcription directe de discours est le gain
du temps dans la récolte des données. L'inconvénient est
que le chercheur est par moment, selon le rythme du discours, plongé
dans sa transcription et a de la peine d'enregistrer les attitudes ou
hésitation de l'acteur. Fort heureusement, ce désavantage est
corrigé par l'analyse thématique qui veut que la manipulation
thématique jette l'ensemble des éléments signifiants dans
une sorte de sac à thèmes qui détruit
définitivement l'architecture cognitive et affective des personnes
singulières. (BARDIN, 1991 : 93)
Du reste, étant emballé par l'allure de la
recherche, nous avons été prudent pour observer les attitudes des
intervenants tout en transcrivant leurs propos.
La scène d'entretien est caractérisée par
la définition des lieux (le décor et ses significations sociales)
et la configuration des places (les positions occupées par les
partenaires de l'entretien). Ainsi, chaque lieu ne communique-t-il pas des
significations susceptibles d'être mises en acte dans le discours de
l'interviewé. La situation commande des rôles et des conduites
spécifiques. (BLANCHET A. et GOTMANN A., 2001 : 70).
Notre premier entretien a eu lieu dans notre bureau. A notre
qualité d'OPJ, en interviewant l'APJ, la production n'a pas
été fameuse. C'est comme si l'APJ est pris au piège pour
décrire ce que l'OPJ lui a toujours reproché et qu'il sait
d'avance que la chaise sur laquelle il est assis, c'est celle où les
différentes personnes en conflits avec la loi s'assoient. Le milieu peut
entraîner la frustration de l'intervenant qui peut se rétracter et
retenir les informations. C'est dans ce contexte que les auteurs
précités précisent que : « Dans le bureau
de l'interviewer, l'entretien sera davantage marqué par ce que les lieux
traduisent de l'intentionnalité professionnelle de
l'interviewé ». (2001 : 70)
Pour contourner cette difficulté, nos différents
entretiens s'effectuaient toujours dans notre site à des moments de
pause et dans les différents véhicules en parking qui sont
confortables et qui nous servent de lieux de repos. En partageant un coca-cola,
ou fumant une cigarette amicale avec des acteurs participants, c'est dans cette
ambiance que nous avons pu réaliser nos entretiens.
La grande difficulté pour cette analyse, c'est la
recherche du grand thème qui constitue le grand sac où l'on
fourre les autres thèmes. C'est ici où le chercheur doit
être réflexif et doit s'investir en bricoleur. Mais, il ne s'agit
pas de n'importe quel bricolage, mais d'un bricolage scientifique adapté
au milieu de recherche, à la manière d'approcher l'objet et les
instruments servant à recueillir les données.
1.6. Analyse des
données
Il s'agit bien de l'analyse des données de
l'observation ainsi que de l'entretien. L'analyse de l'exploitation des
données utilisée dans la présente recherche est celle dite
thématique à la fois verticale et horizontale. Elle vise la
cohérence et la mise en oeuvre des modèles explicatifs de
pratiques ou de pratiques ou de représentations, et non pas de l'action.
(BLANCHET A., et GOTMAN A., 2001 : 98)
Cette analyse a la particularité comme nous l'avons dit
plus haut dans la mise en train de l'entretien de jeter l'ensemble des
éléments signifiants dans une sorte de sac à thèmes
qui détruit définitivement l'architecture cognitive et affective
des personnes singulières. (BARDIN, 1991 : 93)
L'analyse thématique défait la
singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d'un
entretien à l'autre, se réfère au même thème.
Les dimensions utilisées dans cette analyse sont
considérées comme des thèmes. L'analyse est dite
« verticale » lorsqu'elle consiste à passer en revue
les « thèmes » abordés par chaque sujet
séparément pour en faire la synthèse. Par opposition
à l'analyse thématique « verticale »,
l'analyse thématique « horizontale » relève
les différentes formes sous lesquelles le même thème
apparaît d'un sujet à l'autre.
Concrètement, pour établir les thèmes et
construire la grille d'analyse, nous avons procédé à la
lecture minutieuse de chaque entretien, un par un. L'identification et la
construction de la grille d'analyse se sont effectuées à partir
des stéréotypes d'ancrage de la recherche qui permettront la
constitution de notre corpus. Ainsi, l'unité thématique n'est pas
définie à priori, elle est par contre une construction sur base
du noyau de sens repérable en fonction de la problématique et des
points d'ancrage de la recherche. Dès lors, une fois
sélectionnée pour l'analyse d'un corpus, les thèmes
constituent le cadre stable de l'analyse de tous les entretiens. (BLANCHET A.
et GOTMAN, 1992 : 98)
La grille d'analyse étant hiérarchisée en
thèmes principaux et secondaires que nous désignons en termes des
thèmes et sous thèmes, susceptibles de nous fournir les
informations pour en repérer les éléments significatifs et
factuels en vue de minimiser les informations non contrôlées.
Après cette tâche, il suffisait de découper les
énoncés correspondant et les classer dans les rubriques ad hoc.
Ces énoncés sont des unités de signification complexe et
de longueur variable.
Il sied de faire remarquer que certains éléments
plus importants étaient soulignés et mis entre guillemets pour
nous servir de référence. Ainsi, les guillemets fixent le
discours des acteurs tandis que les parenthèses présentent leur
traduction en Français. En définitive, toute cette longue
littérature sur l'analyse thématique des données, se
dégage dans le corpus qui prend sa posture empirique par la
présentation du cadre référentiel.
1.7. Les considérations
éthiques et critiques de la recherche
Au regard des considérations éthiques, nous nous
sommes imposé une discipline rigoureuse en respectant dans la mesure du
possible, les exigences d'une recherche scientifique. Le contrôle
personnel de la validité intérieure a été pour nous
un cheval de bataille tandis que le contrôle externe sanctionné
par la validité de la publication soutenue par le résultat
jugé transférable, a constitué pour nous un cheval de
parade.
La présente recherche, comme nous ne cessons de le
rappeler, rentre dans une posture constructiviste. Sous cet angle, elle
crée une rupture avec le sens commun. C'est dans cette optique que nous
avons présenté notre épigraphe selon lequel, l'OPJ juge
les faits tandis que le criminologue les contextualise pour les comprendre sans
les juger. C'est cette pensée qui a conduit de stigmatiser la
visée de cette recherche qui consiste à creuser dans les
pratiques informelles pour en dégager l'essentiel de la pratique de l'
« OPJ debout » comme modèle non prescrit de
régler les conflits entre les individus vivant dans la
communauté.
Le souci de la validité interne nous a poussé
à une introspection qui consistait à faire chaque fois une
réflexion rétrospective centrée sur la cohérence
entre la question de recherche, l'approche théorique mobilisée,
le modèle d'analyse, la méthode et technique de recueil des
données ainsi que leur analyse.
Nous pensons avoir présenté cette recherche avec
minutie en présentant les détails des informations et la
manière dont elles sont empiriquement récoltées.
Par ailleurs, nous avons aussi présenté d'une
manière précise, les différentes sources d'informations
dans la collecte des données. Nous pensons aussi avoir respecté
l'anonymat des acteurs participants et leur point de vue dans la manière
d'enregistrer les données que dans celle de les présenter. Par
surcroît, nous avons aussi fourni un effort dans la rédaction pour
utiliser les concepts neutres en évitant ceux susceptibles d'apporter
les jugements de valeurs. A défaut de trouver un équivalent
neutre, il nous arriver aussi d `utiliser ce concepts teintés de
jugement en les mettant entre guillemets surtout s'ils relèvent des
données empiriques.
Il sied de signifier que cette manière de faire une
autocritique de la recherche implique l'idée de
crédibilité et de transparence de la recherche. L'homme
étant imparfait, sa construction quoi que prétendue scientifique
en est un témoignage matériel. Il en est de même pour cette
recherche. L'idéal d'un chercheur est de présenter une recherche
respectueuse qui tient compte d'une description parfaite et d'une analyse
interprétative qui fait que les acteurs participants puissent se
découvrir, s'identifier et se reconnaître à travers la
recherche non pas singulièrement, mais d'une manière globale en
tant que membre de la communauté analysée.
L'objet et la méthode imposent des limites à la
recherche. Parmi, elles, nous pouvons épingler celle qui s'aligne au
souci du savoir. En préparant cette étude, nous avons
été animé par le souci non pas de savoir, mais
plutôt celui de savoir plus et de tout savoir sur la question de
recherche. Ce souci que nous avons aussi considéré comme l'une
des finalités de recherche est limitée par la question
centrale.
Sur ce, le souci du savoir plus et de tout savoir quoi que
limité, offre des opportunités d'ouvrir les brèches comme
nouvelles pistes de recherche ultérieure. C'est pourquoi, en
élaborant cette étude, nous avons pensé à cerner
aussi la déontologie policière et la discipline militaire.
Déontologie policière parce que la police est un corps de l'ordre
ou de commandement. Elle a une déontologie appropriée. Et la
discipline militaire puisque la police est militarisée. Cette discipline
n'est autre que la manifestation de l'extériorisation des
règlements militaires.
La déontologie policière et la discipline
militaire dictent la ligne de conduite des policiers. Si la première se
limite au rôle directif, la seconde par contre va au-delà de
prévention et s'affirme répressif. C'est le cas de violation des
consignes souvent utilisées comme élément de preuve pour
en punir l'auteur « transgressant », relève du
règlement militaire qui régit aussi la police. Le fil conducteur
de la recherche est la question centrale. Aborder ces deux notions en termes
spécifiques et en profondeur c'est outrepasser l'objet de recherche.
C'est dans ce contexte que ces notions sont mises en jachères pour des
études futures ;La présente recherche reste dans la posture
du travail judiciaire en visant l'essentiel de la pratique de l'
« OPJ debout ».
Une autre limite est celle liée à la
documentation. Nous avions à notre portée plusieurs ouvrages sur
la police et surtout d'éditions très récentes. Pour
éviter la gloutonnerie livresque, nous nous sommes limité
à ceux qui touchent d'une manière ou d'une autre, à notre
objet de recherche. L'inconvénient est l'absence des vieux documents
auxquels renvoient les nouveaux comme référence. Pour
éviter les sources de seconde main, il n'y a qu'à s'abstenir
puisque les moyens font défaut pour les commander.
Nous avions aussi cerné la limite liée à
notre « être » ou l'être du chercheur. En
qualité de chercheur participant observant et observé, il est
difficile d'échapper à la subjectivité. C'est pourquoi
cette recherche est à la fois partiale et partielle. Partiale puisque
liée à notre propre vision par opposition à partielle qui
fait que cette construction ne soit qu'une partie du savoir puisqu'il se passe
que notre « mémoire » en tant qu'humain, est
faillible, imparfaite et incapable de nous restituer toute la pensée qui
traverse notre esprit. L'on ne peut évoquer que ce qui est
présent à l'esprit. C'est pourquoi dans la phase finale de la
recherche, de nouvelles idées viennent basculer les idées
déjà conçues et fixées.
Comme remède à cette faculté de l'oubli,
une nouvelle culture du chercheur se cristallise en nous. C'est la maladie de
disposer à tout moment et à tout lieu d'un bic et d'un carnet,
à défaut, d'un crayon et d'un papier pour noter toute idée
qui passe par la tête et qui est en rapport avec notre recherche. C'est
dans ce contexte que nous avons produit ce savoir.
Si le sous-commissariat de Police KAFUBU a été
ciblé comme cadre référentiel et site d'analyse, notre
observation est allée au-delà de ce site. Pour recouper les
données de l'observation, il nous était arrivé d'observer
la pratique policière au stade, au marché pirate et pendant la
patrouille.
II. CADRE REFENTIEL DE
RECHERCHE : SOUS-COMMISSARIAT DE POLICE KAFUBU
Dans le cadre référentiel de recherche, il sera
tracé le dessin de l'organisation et du fonctionnement de la police sur
terrain dont les OPJ et APJ en sont les animateurs pertinents. Sur ce, les
matériaux empiriques récoltés sur le champ en traduisent
les faits concernant la police comme instance du contrôle social.
2.1. Description du site
Le sous-commissariat de police de Kafubu est l'un de sept
postes opérationnels du commissariat de Kampemba. Il est situé au
n°1 de l'Avenue Mungomba, actuellement propriété
privée de Monsieur Kapata, un sujet grec et commerçant de
Lubumbashi. C'est dans le quartier Kafubu dont tire le nom du poste. Par
ailleurs Kafubu et le nom de la rivière qui longe la bordure sud-Est du
dit quartier dans la commune Kampemba.
Celle-ci est une de sept communes que regorge la ville
cuprifère de Lubumbashi. Elle est réputée en
activités économiques et plus précisément
commerciales et industrielles. Le quartier Kafubu est réputé par
les activités commerciales et plus singulièrement le
marché des poissons salés et fumés. La partie commerciale
est une ancienne exploitation commerciale grecque. Autrefois florissante, avec
l'avènement de la nationalisation, les grecs sont partis au profit de
zaïrois, aujourd'hui congolais. La situation économique
précaire a fait que les magasins soient transformés en
dépôt des denrées alimentaires agricoles (arachides,
haricots, maïs) et surtout les produits de la pêche (poissons
séchés et fumés). C'est la vente des poissons qui fait la
renommée du Quartier Kafubu, surtout la partie commerciale
appelée dans le jardon local « Njanja ».
Nous pensons que c'est la présence de ces
activités qui a motivé l'implantation du poste de police dans une
logique à la fois préventive et répressive à
laquelle s'ajoute celle de service générateur des recettes. Le
poste est situé entre « l'Arrêt Mandevu » et
« Apollo » sur la route autrefois Munama, aujourd'hui
Kapwasa, derrière le Bureau de la Sonas Kampemba. Il est en face du
temple des Saints des Derniers Jours ou « le Mormon ».
Il occupe une surface d'à peu près 50/100 m. Cet
espace sert aussi de garage et de parking pendant la nuit. C'est dans cette
optique que cet espace constitue l'objet de « treizer »
capitalisation à raison de 500 FC pour véhicule excepté le
camion dont le frais varie entre 1500 et 2500 FC pour le gardiennage d'une
nuit.
Le sous-commissariat occupe l'ancienne boyerie qui lui a
été cédée à titre gratuit pour raison de
service public. Le bâtiment a 3 portes en face et une derrière qui
fait office de lieu d'aisance. La première porte donne la voie au corps
de garde qui fut la douche dont les traces sont encore visibles sur le
pavement. Le corps de garde est une salle très exiguë et sert
à la fois de cachot des détenus du sexe féminin et des
mineurs. Il constitue l'office des Agents de police sous le commandement du
chef de poste.
La deuxième porte constitue le bureau du
sous-commissariat. Il a deux pièces reliées par une porte.
L'entrée est l'office des OPJ tandis que l'anti-chambre est le bureau du
commandant en place. La salle des OPJ contient deux tablettes, deux chaises et
quatre tabourets, tandis que celle du commandant est garnie d'une tablette,
d'une chaise et de deux tabourets, un calendrier et la photo de l'occupant
pendue sur le mur. Une grande armoire abrite les différents documents
rangés en pile.
La troisième porte c'est l'Amigo dont l'écriture
à la couleur vive sur le mur peint en blanc, au dessus de la porte,
indique l'Hôtel Amigo pour héberger ses clients qui sont les
personnes en conflit avec la loi. Il a une dimension de 2/1,5 m. Il n'a pas de
fenêtres, mais une porte métallique dont la partie
supérieure permet d'aérer le cachot. Sur la façade
latérale peinte en blanc, on peut lire ces écriteaux en
bleu : Police Nationale Congolaise, Commissariat de Kampemba, Sous
commissariat de Kafubu.
2.2. Organisation et
fonctionnement du sous-commissariat Kafubu
A titre de rappel, le sous commissariat de Kafubu est un poste
de police. Il relève du commissariat de Kampemba. Celui-ci est l'un des
sept commissariats du commandement ville appelé autrement District
police ville de Lubumbashi qui est le Bataillon. C'est la police territoriale.
Le commandement ville dépend directement de l'Inspection provinciale du
Katanga ainsi que toutes les unités spécialisées de la
Police. L'inspection du Katanga représente l'Inspection
Générale qui collabore directement avec le Ministère de
l'intérieur duquel elle relève.
Les sous-commissariats sont implantés dans les
communes, au niveau de chaque quartier. Faute d'effectifs et de moyens,
certains en sont dépourvus et d'autres sont inopérationnels.
En principe le sous-commissariat est dirigé par un
commandant qui a la qualité d'OPJ et le rang de chef peloton. Le peloton
organique est de 48 éléments tandis que le sous-commissariat ne
dispose au plus que 16 éléments et d'autres n'en disposent que
quatre avec toutes les difficultés que le moindre effectif pèse
sur le fonctionnement. Ce poste compte 4 OPJ en son sein et 2 stagiaires
pratiques.
Si dans le commissariat, les différents OPJ se
relèvent pour assurer la permanence nocturne et diurne les jours
fériés, samedi et dimanche, par contre dans le sous-commissariat,
elle est assurée par le chef de poste qui est un APJ. Pendant la nuit,
c'est lui qui coiffe le sous-commissariat. Présentement, le poste de
police de Kafubu dispose d'un effectif de 16 éléments sous la
disposition du Gradé d'élite chargé de contrôler
leur présence et de repartir les tâches journalières. Il
joue le rôle de mère du poste et c'est lui qui introduit les APJ
au commandant pour le rapport lorsqu'ils ont un problème. Ceci pour dire
que la police suit la logique militaire. Il est à la fois avocat et
accusateur des policiers.
Le sous-commissariat dispose de 16 éléments dont
4 sont détachés. Ces éléments sont organisés
en 3 équipes de 4 éléments. Quand la première
assure la garde, la seconde est chargée de la patrouille et la
dernière assure le piquet d'intervention. La relève s'effectue
après 48 heures pour toutes les équipes. L'effectif est moindre
et l'on constatera qu'il manque une équipe de réserve
destinée à faire la tournée ou renforcer l'équipe
de piquet en cas d'éventualité. L'équipe de garde fait 24
h/24 pendant deux jours, celle de piquet reste sur place de 7 heures à
18 heures.
Il sied de remarquer que le commandant sous-commissariat et
ses OPJ n'assurent ni la garde, ni le piquet, ni la réserve.
Néanmoins, ils assurent la permanence et supervisent la patrouille au
niveau du commissariat selon le rôle mensuel établi pour cette
fin.
Le chef de poste est responsable de la garde. Il est
épaulé par le caporal de poste qui est le gardien de l'Amigo ou
cachot. Il assure la relève en suivant le rôle de veille. Il tient
également à la propreté du bureau, de l'Amigo et de
l'espace extérieur en donnant la corvée aux personnes en
détention. Les autres sont les sentinelles responsables des points
à surveiller. Elles se communiquent les consignes et ne peuvent utiliser
les armes que dans les cas prévus par les dispositions
réglementaires (cas de légitime défense, cas de
nécessité absolue). A l'approche d'une autorité ayant
droit aux honneurs, la sentinelle qui est à l'entrée
prévoit la garde.
Le gardien intervient la nuit en cas de
nécessité, acte les plaintes qui viennent et fait le rapport le
matin au commandant sous-commissariat. La garde est une occasion pour le chef
de poste de faire la pratique de l'OPJ debout. D'ailleurs, pendant la nuit, la
police en tant que service d'intérêt public, tous ceux qui
viennent l'appellent commandant, à moins que la personne connaisse le
rouage de la police. A titre indicatif, deux rivales s'étaient battues
pendant la nuit. La première femme a porté plainte contre sa
rivale. Après avoir payé les frais, la rivale a été
arrêtée et acheminée au sous-commissariat. Le chef de poste
qui assiste souvent au déroulement des différentes auditions a
assez l'expérience pour entendre verbalement les deux parties. Leur mari
étant intervenu et un terrain d'entente a été
trouvé. C'est ainsi que le chef de poste va recourir au principe
d'Archimède qui dit qu'un corps plongé dans l'eau, remonte
verticalement. « Anesha kwangukiya mu mayi, atatokamo wa
kukauka » (elle est déjà tombé dans l'eau,
elle ne va pas en sortir séchée.) Par manque d'argent, le mari a
laissé en gage sa radio cassette à retirer le matin après
avoir payé 10.000 FC d'amende transactionnelle. Comme le chef de poste
s'était déplacé, ledit mari est venu avec ladite somme
pour récupérer sa radio. Il nous demandait de lui indiquer le
commandant qui a fait la permanence la nuit pour lui verser l'argent et
récupérer sa radio. Nous lui avons dit d'attendre le chef de
poste en vue de régler son problème. C'est de cette façon
que nous avons su que le chef de poste a fait la pratique de l'OPJ debout
à notre insu et pendant la nuit.
Dans son fonctionnement, le sous-commissariat se bute à
beaucoup de difficultés. A titre purement illustratif, nous en
indiquerons quelques unes relatives à la logistique, infrastructure,
personnel et équipement.
- Carence des fournitures de bureau, ce qui donne l'occasion
aux OPJ de demander les frais de papiers ou bics au plaignant ou
prévenu.
- Effectif des APJ sensiblement réduit et qui rend
difficile le service de garde, de piquet de patrouille et d'organiser
l'équipe de réserve.
L'effectif réduit surtout par le détachement
augmente le surplus des tâches et prive les repos aux policiers. Il
affaiblit l'autorité et réduit le contrôle en limitant les
punitions au besoin de service ; Pour échapper à la
contrainte des tâches, les policiers créent la rubrique malade ou
congé des circonstances.
- Le détachement rend aussi difficile le service
normal. La plupart de nos agents sont détachés dans les
entreprises minières. C'est un handicape sérieux au
fonctionnement du sous-commissariat.
- Manque d'appareil de communication, le chef de poste est
obligé d'avoir un appareil cellulaire et des unités pour
communiquer chaque 5 heures du matin, la situation de garde et du quartier
Kafubu au commandant sous-commissariat. Celui-ci informe à son tour le
commandant commissariat qui la répercute au commandant ville qui
contacte l'inspecteur provincial qui communique à ses
supérieurs.
- Manque de frais de fonctionnement qui fait que les OPJ
demandent les frais d'instruction, de plainte et de transfert du dossier.
- Manque de véhicule de transport. Les policiers sont
obligés de recourir aux particuliers, ce qui rend difficile et illusoire
toute forme d'intervention en cas d'appel urgent. Lorsqu'ils arrivent en retard
sur le lieu d'appel, ils sont reçus sous le jet des cailloux et de cris
de moquerie « quelle police d'intervention
retardée ?» Les APJ sont obligés d'effectuer de longues
distances à pied, à leurs risques et périls, parfois avec
des détenus qui guettent une occasion pour s'évader. En effet, il
faut passer au commissariat en payant deux trajets pour avoir le numéro
du procès-verbal en vue de se rendre au Parquet pour le transfert.
- Insuffisance d'armes et munitions pour différents
services.
- Affluence des injonctions émanant du Parquet de
Grande Instance, d'Auditorat militaire, le trafic d'influence,
« intimidation » des OPJ dans l'exercice de leurs
fonctions.
- Manque de bureau approprié. C'est l'habitation
privée qui est transformée en bureau. Il se trouve dans un
état de détérioration plus ou moins avancé avec les
mobiliers qui ne permettent pas de travailler à l'aise. Certains
« clients » de la police se mettent debout durant
l'audition par manque de chaises.
- L'inexistence des documents d'identité pour citoyen,
ce qui rend incertains les renseignements fournis par les
« justiciables ». D'aucuns ne disposent que de la carte
d'électeur. Cependant, plusieurs viennent au bureau sans en être
munis.
- Manque d'uniforme pour certains policiers. La plupart
d'entre-eux se débrouillent tant bien que mal dans la friperie où
ils achètent des pantalons bleu marine et des chemises bleu-ciel ainsi
que des bottines de fortune qu'ils peuvent trouver par occasion.
Il y a une certaine discrimination dans la dotation, ce qui
fait que la minorité reçoit la dotation et les autres sont
abandonnés à leur triste sort et doivent se débrouiller.
Dans l'entre-temps, les uniformes de la police sont vendues dans le couloir et
en privé.
Il y a lieu aussi d'indiquer les différents documents
que doit avoir un OPJ conformément aux Articles 2 et 3 de l'Ordonnance
régissant la police judiciaire.
Parmi les documents existants, nous pouvons citer :
- registre de consignation ;
- carnet de convocation ;
- carnet de transmission ;
- registre d'écrou ;
- registre de correspondance ;
- registre des plaintes.
Ces documents ci-après de nature obligatoires n'y
existent pas :
- registre des procès-verbaux ;
- registre général d'officier de Police
Judiciaire (ROS) ;
- registre de dépôt (R.D) ;
- livre de caisse auxiliaire ;
- registre de dommages-intérêts ;
- quittancier de dommages-intérêts et un registre
individuel d'officier de Police Judiciaire.
2.3. « Bakonzi
bakeyi, bakonzi batikali »(4(*))
Selon MONJARDET A., la police est une organisation à la
hiérarchie courte et discontinue, aux tâches
indéterminées qui ne procurent qu'un canevas lâche. C'est
le lieu par excellence de la grande dysfonction entre le pouvoir formel et
l'autorité réelle. On y trouve aussi bien des gradés
détenant et exerçant les deux, ceux qui tentent d'exercer un
pouvoir sans détenir d'autorité, certains ayant l'autorité
sans exercer le pouvoir, et d'autres qui sont démunis de l'un et de
l'autre. (1996 : 74)
La Police Nationale Congolaise dispose d'une organisation
différente de celle décrite par MONJARDET (1996 : 74). En
effet, elle répond à une logique militaire qui nécessite
une organisation fortement hiérarchisée avec le principe
d'unité de commandement et de continuité dans le commandement.
D'où cet adage policier qui tombe à ce propos
« Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali » (les chefs
sont partis en même temps il sont restés). C'est le principe de
continuité.
2.3.1. « Balinga
pete, balinga pete baboma mboka »(5(*))
Les grades et leurs insignes distinctifs sont
déterminés par le Décret n°042/2002 du 11 avril
instituant des grades et insignes distinctifs au sein de la Police Nationale
Congolaise.(6(*))
Selon ce décret, les grades sont classifiés
suivant 6 catégories :
- inspecteur ;
- commissaire ;
- sous-commissaire ;
- brigadier ;
- agents de police
1° La catégorie des Inspecteurs
Divisionnaires comprend trois grades :
- Inspecteur divisionnaire en chef avec trois étoiles
en ligne verticale cadrées par deux palmes croisées dans leur
partie inférieure, en broderie dorée, sur passant de couleur
bleue à porter sur les épaules ;
- Inspecteur divisionnaire dont le jalon a deux
étoiles. Il correspond au Général Major.
- Inspecteur divisionnaire adjoint, il porte le même
insigne que ses supérieurs, mais décoré de deux
étoiles. Il a le rang de Général de Brigade.
2° La catégorie des officier
supérieurs :
- Inspecteur Principal dont l'insigne dispose de trois
têtes de lion en ligne verticale sur un passant noir. Il a le rang de
colonel.
- Inspecteur porte deux têtes de lion sur son galon. Il
a le rang du Lieutenant colonel.
- Inspecteur adjoint : une tête de lion et a le
rang de major.
Il sied de remarquer que notre pays a changé l'ensemble
du lion par celui de Léopard. Il en est de même de notre
équipe nationale qui n'est plus « Simba » (lion),
mais plutôt Léopard. D'où, il faut un changement des
insignes pour cette catégorie d'officiers.
3° La catégorie des officiers
subalternes
- Commissaire principal portant trois rubans dorés
horizontaux sur un passant noir. Il est équivalent du capitaine.
- Commissaire : deux rubans et a le rang d'un
lieutenant
- Commissaire Adjoint : un ruban et a le rang d'un
sous-lieutenant.
4° La catégorie de sous-officiers de
Police : la première classe comprend
- Sous-commissaire principal qui doit porter trois rubans
blancs horizontaux sur passants de couleur noire. Il est équivalent de
l'Adjudant chef.
- Sous-commissaire qui a deux rubans et a le rang d'un
Adjudant de 1ère classe.
- Sous-commissaire adjoint porte un ruban sur ses passants et
a le rang d'un adjudant de 2ème classe.
5° La deuxième classe de
sous-officiers
- Brigadier en chef : trois rubans blancs en forme de
« V renversé » sur passants noirs. Il est
l'équivalent du 1er sergent Major.
- Brigadier : 2 rubans et il est correspondant de Sergent
marjor.
- Brigadier : adjoint : il en porte un et correspond
au sergent de l'armée.
6° La dernière catégorie
comprend :
- Agent de police principal : deux rubans blancs en forme
de « V » sur une bande de couleur noire à porter sur
le bras gauche. Il correspond au caporal de l'armée.
- Agent de Police : un ruban blanc en forme de
« V » à porter sur l'épaule gauche. Il
correspond au militaire de 1ère classe.
- Agent de police adjoint : sans insigne particulier et a
le rang d'un militaire de 2ème classe.
La nomenclature des grades trouve sa place dans cette
recherche non pas comme une finalité en soi, mais un moyen de montrer
comment la police est fortement hiérarchisée comme
l'armée. Evoluant dans une logique militaire, la nomenclature n'est pas
respectée avec rigueur dans la police. Elle est respectée pour
les deux dernières catégories, à savoir le Brigadier et
l'Agent de Police. Pour le reste, c'est la nomenclature de l'Armée qui
est la plus courante, parfois même au niveau de la parade, on entend
toujours, mon Général lorsqu'on rend les honneurs à
l'Inspecteur Provincial. Nous pensons que c'est le complexe
d'infériorité. Les gradés lorsqu'ils sont appelés
Inspecteurs, ils sont mécontents puisqu'il ya risque de confusion avec
les différents inspecteurs de l'enseignement, de Garde Industrielle ou
d'autres services de l'Etat. C'est pourquoi l'appellation de colonel, de Major
est la bien venue pour valoriser le grade et la position hiérarchique.
Il en est de même des commissaires qui préfèrent la
nomenclature de capitaine, lieutenant, Adjudant de peur qu'il ne soient
confondus aux civils ; Or, ils sont paramilitaires. Lorsqu'ils sont
interpellés à l'Auditorat, ils se défendent que la police
est différente de l'armée. Quel paradoxe ?
La nomination et l'avancement en grade est
généralement fonction des études faites, de la formation
suivie, de la bravoure et de l'ancienneté. Notre police étant
constituée des anciens et de nouveaux, de professionnels et de non
professionnels, les veuves et les orphelins de la police ; le conflit
réel entre les anciens et les nouveaux, les combattants et les non
combattants a fait que les grades soient distribués aux uns et
refusés aux autres comme le partage de cacahuettes. Les réseaux,
les affinités tribales et amicales, le système
« masua » (policiers ayant suivi la même formation se
solidarisent) ont largement influencé la nomination de grades actuels.
Cette nomination exerce une grande influence dans la manière de
travailler des policiers. Ils chantent pendant le
« muchaka » (exercice qui consiste à courir) :
« Balinga pete baboma mboka » (ceux qui aiment le
grade ont détruit le pays). Ainsi, les grades sans compétence
induit le travail judiciaire.
Aussi, à grade égal, la fonction prime sur le
grade. A l'absence de fonction, c'est l'ancienneté qui est prise en
compte. Police « eza lokola ma pumbu ya ntaba, ekendaka liboso
mpe ezongaka na sima » (la police est comme les bourses d'un
bouc qui font des navettes vers l'avant et l'arrière). Ceci veut dire
qu'en matière de grade, un supérieur peut être
dégradé et un inférieur primé. C'est la dialectique
de nomination et avancement en grades. Nous avons vécu ce cas dans le
sous-commissariat Kafubu. Le commandant en place a été
remplacé par son subalterne qui a été promu au rang de
commissaire adjoint de police.
2.3.2. Le
« Nkunzi »
C'est le diminutif de « mokonzi » qui
signifie le chef ou le commandant. Obéissant à la logique
militaire, le « nkunzi » implique les honneurs. Le
sous-commissariat est dirigé par un sous-commissaire. Lorsqu'il arrive
aux bureaux, les APJ lui rendent les honneurs dus à son rang en criant
« debout ». Cependant, parmi les OPJ, il y a un
commissaire adjoint qui a le grade supérieur à son chef, mais, il
reçoit les honneurs de son rang, les éléments de garde
crient « A l'ordre » et se mettent debout en signe de
respect hiérarchique. L'un dit qu'il est le chef puisqu'il coiffe le
sous-commissariat et l'autre rétorque qu'il est plus gradé. Qui
rend honneur à qui ?
Le « nkunzi » implique le commandement et
l'obéissance. La police est un service de l'ordre. Vue comme telle, elle
repose sur la discipline non pas policière, mais militaire. Le
manquement à la discipline impose les sanctions sévères.
Sur terrain, cela se traduit par ce fait : « Nani atindiyo
oya awa, po omona pasi ya pamba. Kipande koloko funga ngumi, kipande kilobko,
viniringika, kipande kiloko fimbo, kipande kiloko muna busu »
(Qui vous a dit de venir dans la police pour subir la
souffrance vaine : un petit fait, pomper (exercice physique de pompage),
tantôt rouler dans la boue ou la poussière, tantôt, c'est le
fouet ou matraque sur tout le corps, tantôt c'est le cachot).
Le principe de commandement étant militaire, ces
punitions sont légitimées par la discipline militaire.
« soki discipline ezangi, ba soda bakotombola
botoba » (Sans la discipline, les militaires, ici policiers vont
marcher dans le désordre comme les chèvres). Ainsi, la discipline
« eza kotosa, kozongisa monoko te, eza komemya
bakonzi » (la discipline est une obéissance voulue et
sans réplique aux ordres du chef).
La discipline renforce la soumission et le respect des
règlements en vigueur. Malgré cela, les policiers arrivent
à ne pas du tout les respecter parce qu'ils ont leur point de vue, leur
projets et leur expérience et leur histoire qui font qu'ils discernent
avant tout les règlements pour les contourner ou les appliquer selon les
circonstances du moment. Ils sont le maître du terrain. A ce propos, un
adage de légitimation de refus de règlement tombe à point
« Discipline eza bo umbu te. Batosaka mokonzi, babangakaye
te » (la discipline n'est pas l'esclavage, on obéît
au chef, mais on ne le craint pas) en plus, il y a un garde fou selon lequel,
un ordre mal donné ne s'exécute pas.
L'Agent de Police Judiciaire est avant tout un Agent de
l'Ordre sous le commandement de l'OPJ. L'ordre est hiérarchique et se
donne du haut en bas. C'est ainsi que l'OPJ est censé donné de
l'ordre à l'APJ qui doit l'exécuter « sans
faille » dans le domaine judiciaire.
2.3.3. «
Police, mosala te »
« Oyo mosala ya police, eza mosala
te » (la police n'est pas un boulot, un métier). Il ne
l'est pas à cause des tâches contraignantes et la discipline qui
suit une logique répressive. Comment se fait-il que les policiers
travaillent avec zèle malgré les taches contraignantes et sans
repos : la garde, la patrouille, la tournée, le maintien de l'ordre
... ?
Sur terrain, il a été constaté que les
policiers travaillent avec zèle puisqu'ils vivent au « taux du
jour » et le travail leur procure chaque jour le pain quotidien. En
plus, ils contournent les contraintes de tâches, par l'existence des
rubriques. Pour s'absenter, ils peuvent recourir à la rubrique malade,
la rubrique circonstancielle, motiver un voyage circonstanciel sans voyager.
Du reste, ils passent outre les règlements pour
évoluer dans l'informel en appliquant la pratique de « l'OPJ
debout » parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas traduits à
l'auditorat, mais subiront une punition de corps. Le moindre effectif fait
qu'ils soient vite libérés lorsqu'ils sont privés de
liberté comme mesure disciplinaire. Ils savent aussi qu'ils ne feront
pas le cachot parce qu'il n'y a pas assez de policiers pour faire la patrouille
et le maintien de l'ordre.
Les règlements sont affaiblis par l'effectif moindre
qui fait que les punitions ne soient pas sévères suite aux
exigences des tâches à exécuter. Empiriquement, il a
été observé que les tâches anergissantes,
contraignantes et la prime insuffisante, poussent quelques policiers à
déserter pour prester ailleurs. Certains par contre, ne trouvent pas
d'autres issues. Dans la sécurité privée, l'accès
est difficile puisqu'elle ne recrute pas les policiers ni les anciens
militaires. Ils vivent grâce aux relations qu'ils tissent avec la
population. « Njaa ya mu Congo inaisha kututosha aya dju ya
kuomba » (La famine dans notre pays a fait que nous puissions
nous dépouiller de la honte pour demander sans gène).
D'autres policiers n'ont pas de possibilité de prester
ailleurs puisqu'il n'y a pas d'engagement. Ils ne savent pas où aller
s'estiment stables, le travail facile, noble et respectent le rôle et les
tâches leur confiées par la hiérarchie.
Quelle leçon pouvons nous tirer de l'unité de
commandement et du pouvoir continu ?
La police fonctionne avec des règles paraissant
contraignantes sans nécessairement l'être puisque les policiers
ont une grande part de manoeuvre pour les contourner et travailler avec
zèle.
2.3.4.
« Kubambisha touche »ou « kosimbisa
touche »
« Kubambisha touche » (faire
surprendre quelqu'un la main dans le sac). Nous sommes dans le contexte du
commandement et du pouvoir. « Kubambisha touche » tire son
fondement dans le jeu de football lorsqu'un joueur touche le ballon de sa main.
C'est une touche. Elle est sanctionnée par un coup franc. Si elle est
volontaire, elle peut entraîner le carton rouge qui induit l'exclusion du
jour. Elle est grave lorsqu'elle est commise dans la surface de
réparation, elle entraîne le penalty.
Quel est le sens que nous pouvons cerner de cette
notion ?
Cette notion de « touche »est liée
à celui du pouvoir. Celui-ci est un processus intentionnel affectant au
moins deux acteurs qui, par une redistribution des ressources obtenues par des
stratégies diverses, affecte le niveau relatif de capacité de
l'un et de l'autre d'une manière compatible avec la formule de
légitimité en usage. (BOUDON R. et BOURRICAUD F., 1982 :
464)
La relation du pouvoir présente deux enjeux : le
contrôle du processus coopératif et le partage de
bénéfice qui en résulte. Elle peut être associative
ou hiérarchique. Celle-là parce qu'elle peut être
négociée sous forme d'instruction qui laisse une marge
d'appréciation aux intéressés. Celle-ci parce que le
modèle peut revêtir la forme de commandement. Il vise à
établir une conformité stricte entre les attentes des dirigeants
et le comportement des exécutants. (1982 : 464)
Ce pouvoir hiérarchique nous intéresse dans ce
sens que c'est lui qui lie l'APJ à l'OPJ. Il paraît rigide et
irréversible. Cette rigidité et irréversibilité ne
sont qu'apparentes même sur le plan judiciaire. La barrière entre
OPJ et APJ est fluide puisque sur terrain, l'APJ s'investit en OPJ par la
pratique de l'ombre. Cette préoccupation sera mieux approfondie dans le
troisième chapitre.
A l'antipode de ce pouvoir hiérarchique, celui qui nous
intéresse présentement, c'est le pouvoir comme cette
capacité de freinage ou de sabotage, qui est un pouvoir de nuire
(1982 : 364). Ainsi, « Kubambisha touche »,
c'est le pouvoir de nuire. Le pouvoir de nuire se manifeste lorsque l'APJ ne
trouve pas sa part dans « le treize ou la treizalisation »
(la capitalisation de l'OPJ). A ce sujet les policiers disent
« kazi ya mpunda, shioneye mo, ata imbwa banamutupiyaka
mufupa » (J'ai fait le travail du cheval, je ne m'y retrouve
pas, même chien, on lui jette un os). Le travail sans récompense
est vain. L'on ne dit pas que tout travail mérite salaire ?
Le manque de redistribution peut entraîner le pouvoir de
nuire, de se venger entre APJ eux-mêmes ou entre APJ et OPJ. Lorsqu'il se
partagent mal, il y a mécontentement. Pour exprimer ce
mécontentement, certains disent : « unanibotcher,
unaninyonga, unanigommer, aina mambo, takubambisha touche »
(vous m'vez dupé, vous m'avez roulé, vous m'avez effacé,
ce n'est rien, je vous nuirai). « Kubambisha touche » a le
sens de compromettre une personne à partir d'une faille pouvant
être sanctionnée.
C'est comme ce cas qui s'est passé sur terrain. Un
vendeur de poissons salés a fait arrêter son ami
soupçonné d'avoir soustrait à son insu la somme de 50.000
FC. Après avoir passé deux nuits au cachot, leur chef, le
commandant en place donnera l'ordre au chef de poste de libérer
l'impliqué, faute de preuve, toutefois liberté
conditionnée par le « mulambu », cadeau à
offrir au chef ou le « mabonza » (l'offrande).
Comme il n'y avait pas de distribution, l'OPJ instructeur du
dossier et les APJ ayant participé à l'arrestation de
l'impliqué, mécontents de « salela nga
nalia » (travail pour mois pour que je mange), ont trouvé
une occasion de nuire à leur chef. Les relations `étant
déjà tissées avec la personne qui avait sollicité
la justice, elle sera influencée pour porter plainte contre le chef
hiérarchique à l'Auditorat militaire pour n'avoir pas eu la
réparation. En plus, l'argent a été versé et n'en a
pas bénéficié, elle a saisi cette instance qui
considère la police comme son « Bilanga, mashamba »
(le champ). Le sens de « bilanga » c'est la récolte
non pas de produits agricoles, mais de l'argent liquide ou en nature (biens
gagés).
« Il faut que commandant asanza, aliaki eloko ya
mbwa, préparer mbangu » (il faut que le commandant vomisse, il
a mangé, consommé la nourriture du chien, qu'il prépare sa
fuite). C'est ainsi que nous verrons un inspecteur judiciaire de l'Auditorat
entrer dans le bureau avec ses deux Agents. Par astuce, il sera invité
dans un bistrot pour prendre du sucré et négocier le
problème. Il percevra son « mulambu » ou sa
récolte avec promesse de réparer le fait. Cela fut fait.
« Ndjo vile commandant alibambaka touche »
(C'est de cette manière que le commandant a subi la vengeance,
« asanzaki oyo aliaki » (il avait vomi ce qu'il avait
consommé). C'est une façon de nuire. L'APJ a aussi cette
capacité de « kubambisha touche » ; il en a le
pouvoir puisqu'il a aussi l'expérience.
Par ailleurs, il sied de stigmatiser que l'Inspecteur a
arrangé le problème à la manière de l'OPJ debout,
en dehors du bureau, sans bic ni papier. C'est cet aspect qui sera plus
analysé dans le troisième chapitre. L'inspecteur a
contribué à l'harmonie et à la paix sociale. C'est
l'essentiel dans l'administration de la justice. Le cadre de l'audience est
artificiel et étranger aux impliqués. Il n'est pas une fin en
soi, mais un moyen parmi tant d'autres comme l'arbre à palabre, le
domicile des impliqués..., la rue peut aussi servir de cadre, comme le
marché pour résoudre certains problèmes lorsque les deux
parties peuvent s'entendre, elles-mêmes ou par les intermédiaires.
Bref, la justice peut se faire même dans la rue lorsque les gens se
battent, ils peuvent trouver amicalement un terrain d'entente. C'est
çà sa finalité.
La touche a aussi sa finalité : c'est la sanction
qu'impose l'acte posé dans le but de nuire. La sanction peut se traduire
par la perte de confiance de la part de son chef, par la réprimande, la
punition du corps ou administrative et la plus nuisible, c'est la privation de
liberté. C'est pourquoi la fonction d'OPJ est comparée au couteau
à double tranchant qui peut se retourner contre son auteur.
« Ule anabambanaka, naye banamubambaka », (Celui qui
arrête, peut être aussi arrêté). A titre indicatif, un
OPJ qui ne sait pas conjuguer le verbe manger « je mange, nous
mangeons » peut être trahi par les APJ qui participent sans
être récompensés. Ils peuvent livrer l'information à
leur supérieur pour que le concerné puisse perdre sa
crédibilité. C'est le cas d'un OPJ qui avait un
« dossier ya mafuta » (dossier huilé » ce
qui veut dire rentable). La somme perçue étant
considérable, le commandant informé sans goûter au
délice, il avait signé sa permutation pour un « poste
garage » (poste de réserve ou d'attente), « poste ya
pamba pamba » (poste sans importance), « poste ya
manyuka » (délavé, lessivé) c'est-à-dire
un sous commissariat non viable ou improductif ou encore mieux non rentable et
non « treizable »
2.4.» Police nayo
inakataka mambo ya bantu «(7(*))
Là où il y a les hommes, les problèmes ne
manquent jamais. L'harmonie sociétale n'est que précaire. La
plupart des problèmes sont résolus amicalement et localement
entre les parties. Le recours aux valeurs culturelles joue un rôle
important dans la résolution des problèmes qui se posent au
niveau de famille ou dans le groupe partageant ces mêmes valeurs.
Cependant, d'autres problèmes qui surgissent dans un
groupe hétérogène aux valeurs culturelles
différentes et diversifiées, trouvent parfois localement solution
par l'arrangement à l'amiable, en cas de désaccord, les parties
impliquées recourent à d'autres instances notamment la police et
le Parquet par voie de plainte ou au tribunal par la citation directe ; la
police est l'instance la plus sollicitée de toutes sortes de
problèmes répressifs ou non.
Seront traités respectivement dans cette partie du
travail, la gestion des plaintes, leurs traitements et leurs issues.
2.4.1. « Les
plaintes »
Elles sont la voie par excellence de la reportabilité
sociale. C'est la porte d'entrée dans la sphère
répressive.
2.4.1.1. «
La recevabilité et l'enregistrement d'une plainte »
Si ailleurs, la réception et l'enregistrement d'une
plainte s'effectuent au niveau du secrétariat ou de l'OPJ, au
sous-commissariat de Kafubu, cette opération est l'affaire du corps de
Garde. Cette organisation interne a été conçue pour
permettre au corps de garde de « treizer » la plainte.
Cependant, la grande difficulté se situe au niveau intellectuel des
acteurs dont la majorité ne savent pas écrire ni qualifier
« l'infraction ». Cette rubrique reste vide pour être
complétée par l'OPJ instructeur du dossier. C'est pourquoi la
police est un métier difficile et noble. Etre policier n'est pas facile,
il faut avoir l'intelligence et l'endurance.
Au regard de l'enregistrement des plaintes, il sied de relever
avec Prince KAUMBA LUFUNDA ce qui suit : « Les OPJ
eux-mêmes sont très peu portés à laisser des traces
pour les dossiers qu'ils clôturent souvent par les amendes
transactionnelles exorbitantes et sans aucun rapport avec la gravité des
faits » (2004 : 47)
La plainte peut être à caractère
répressif ou « un quatre » (civil). Les deux types
de plainte sont recevables à la police. Celle-ci traite même les
affaires « un quatre » qui relève de la
compétence du tribunal. Nous en parlerons spécialement en
profondeur dans les lignes qui suivent. L'OPJ est un acteur social puisqu'il va
au-delà de sa compétence pour se substituer à celle du
juge, voire même à celle du législateur. Nous aurons
à le stigmatiser en abordant la pratique de l' « OPJ
debout ».
La plainte est non recevable si elle n'est pas
« visitée », « treizée »
c'est-à-dire, si elle n'est pas motivée ou capitalisée. La
plainte, pour être acceptable, elle est sujet de monnayage. Pour avoir
accès à la justice policière, il faut avoir
le »dix vingt-cinq » (l'argent). Dans le cas contraire, il
faut aller ailleurs, or, le parquet et le tribunal sont les instances plus
coûteuses que la police.
Sur terrain, nous avons assisté à plusieurs cas
de non recevabilité de plainte par manque de
« 10.25 » malgré l'exigence et les actions qui
peuvent en découler pour la non assistance des personnes en danger. Le
cas de la bagarre sanglante entre la famille DIBWE et MABIKA peut
édifier le lecteur. Le conflit entre deux enfants a amené les
deux familles à une bagarre spectaculaire. Etant agressée
à son domicile, la famille DIBWE a dépêché un jeune
homme pour l'intervention. Comme il n'avait pas le
« Kingiya pori » (l'argent qu'on donne
à un tradipraticien pour lui permettre d'aller cherche les racines dans
la brousse en vue de commencer le traitement) . Ici, il s'agit de frais de
plainte ou « 10.25 »
Toutefois, il y a aussi des cas où la police intervient
sans « treizer ». Elle accomplit sa mission sans exiger les
frais. Du reste, le commandant intervient lorsque les gardes se dérobent
de leur mission s'ils ne trouvent pas leur part et ont la méfiance du
plaignant et savent que c'est l'OPJ qui veut y trouver son compte par le
« mulambu » (offrande), ici amende transactionnelle. La
police est l'image de l'église où les fidèles offrent les
aumônes qui ne vont pas chez « Dieu » mais chez le
pasteur ou propriété, dans notre contexte, débouchent dans
les poches de l'OPJ.
Selon les données du terrain et la
pénalité, nous avons aussi trouvé la « plainte
inutile » et « abandon de la plainte ». La
première est celle où le plaignant paie le frais de plainte pour
son enregistrement et le « ya makolo » frais de
déplacement des pieds pour arrêter l'impliqué qui doit
4.000 FC et il en dépense l'équivalent et parfois plus et sans
rien récupérer. La seconde est celle où le plaignant paie
tous les frais dus pour que la police arrête l'impliqué et s'en va
pour ne plus revenir. C'est l'aubaine pour la garde.
2.3.1.2. «
Le télescopage des plaintes »
Le sous-commissariat de Kafubu est circuité par
d'autres services au regard des plaintes. C'est le cas du quartier
administratif qui reçoit les plaintes du droit commun à savoir
civil ou répressif, qu'il traite et clôture à son niveau.
Ce n'est qu'en cas d'échec que le dossier est orienté vers la
police. La finalité de la justice, c'est l'harmonie dictée par
l'entente entre les parties en conflit pour la tranquillité publique. Il
n'y a pas que la police pour réguler les problèmes, d'autres
instances telles que la famille, l'administration du quartier jouent
également ce rôle.
Par ailleurs, l'Agence Nationale de Renseignement, le Bureau
de renseignement militaire, le bureau de renseignement de la police oeuvrant
dans le secteur « Njanja », centre commercial du quartier
Kafubu, reçoivent aussi des plaintes qui échappent à la
comptabilité de la police pour mesurer la distribution de la
criminalité dans une posture « positiviste »
implique le chiffre noir.
Du reste, une même plainte peut être
enregistrée deux ou plusieurs fois dans les registres différents
de services précités.
Tel est le cas d'un dossier traité au sous-commissariat
et transféré au Parquet sans prévenu. Mécontent de
l'issue du dossier, au lieu de se rendre au Parquet, il le trouve inefficace et
porte plainte à la police d'investigation criminelle pour que
l'impliqué soit fouetté. « Mulianja kumuchezesha.
Nilimupeleka ku BSRS anapata discipline ». (Vous l'avez
cajolé, je l'ai acheminé au Bureau de surveillance, recherche et
renseignement, ancienne appellation de la Police d'investigation criminelle
où il a été discipliné).
Il est aussi fréquent au moment où un OPJ
instruit un dossier, un membre de la famille accusée porte aussi plainte
dans une autre unité de la Police telle que le Groupe Mobile
d'Intervention. Conséquence, un même dossier est traité par
deux OPJ différents et à des endroits différents. Les uns
sont arrêtés d'un côté, et les autres de l'autre. La
solution dans ce cas est le transfert de deux dossiers au Parquet pour
célérité et unité d'instruction unique.
2.3.1.3. «
Le tracé d'une plainte »
Le tracé d'une plainte est la voie par laquelle elle
passe avant d'être traitée. A titre purement de renseignement, en
voici les pistes :
- Toutes les plaintes n'arrivent pas au sous-commissariat de
police Kafubu. Il y en a certes, qui sont réglées à
l'amiable et localement par les parties en conflit. Beaucoup de
problèmes qui surgissent en famille, dans une communauté
solidaire, dans une association, sont souvent traités par le groupe et
dans le groupe. C'est dans ce contexte que tombe à point cet
adage : « les linges sales, se lavent en famille ».
Les parties en conflits peuvent appartenir aussi à des
communautés différentes, mais arrivent à les régler
à l'amiable. S'il n'en était pas ainsi,le bureau de police serait
inondé « des plaintes ».
- La police n'est pas l'unique instance de régulation
sociale. Certaines plaintes sont ramenées au Parquet, au tribunal,
à la municipalité communale. Au parquet par la voie de plainte,
au tribunal par citation directe, à la commune par plainte ou par
transfert.
- La police étant la voie d'entrée ou la grande
porte de la reportabilité sociale, beaucoup de plaintes sont
ramenées au sous-commissariat ; parmi elles, il y en a qui sont
traitées par les parties en conflits avec l'assistance d'un policier.
D'où « Bakonzi bakeyi, bakonzi batikali »
(les chefs partent, les chef restent) c'est le principe de continuité du
pouvoir. A l'absence du commandant, c'est le chef de poste qui coiffe le
sous-commissariat. C'est dans ce contexte qu'il reçoit la plainte
assiste les parties en leur prodiguant des conseils et en les orientant vers un
arrangement à l'amiable. Une fois les conflits réglés, les
deux parties lui donnent sa part de « dix. Vingt-cinq »
(l'argent) par cette pratique, le chef de poste est un « OPJ
debout ».
- Les plaintes réellement enregistrées, mais non
traitées par la police puisque abandonnées ou
négligées sans être retirées. D'autres sont
enregistrées et retirées sans être traitées
- Le sous-commissariat reçoit aussi des plaintes lui
transférées par d'autres instances avec lesquelles il circuite ou
télescope. C'est-à-dire, d'autres services de
sécurité lui canalisent ou irriguent les plaintes. C'est comme le
quartier de Kafubu, l'ANR, les différents services de l'Etat oeuvrant
dans cette entité. Quelques plaintes viennent du Parquet en donnant le
devoir à l'OPJ d'instruire.
- Il y a certaines plaines qui sont renvoyées ; il
s'agit des plaintes rejetées et jugées non recevables par les
policiers lors de leurs enregistrements. C'est à ce titre que nous avons
parlé de monnayage de la plainte. Elle doit être motivée
avec le « 10.25 ».
- Les plaintes enregistrées et traitées à
la police. D'autres non enregistrées mais traitées
réellement à la Police. Il y en a aussi exploitées par
d'autres instances avant de parvenir à la police. Souvent, c'est quand
ces instances n'arrivent pas à réconcilier les parties qu'ils
transfèrent les dossiers à la police. Le tracé des
plaintes étant décortiqué, comment sont-elles
traitées ?
2.4.2. «
Les traitements des plaintes »
Il s'agit des plaintes enregistrées ou non, mais
traitées à la police.
2.3.2.1. Le
« Mukwao » ou « l'embouchi » (c'est le
piège)
C'est comme le filet. Pour attraper les gibiers, il faut leur
tendre le piège. C'est comme les poissons qui sont attrapés
à l'aide du filet ou d'une nasse. Le « mukwao »
désigne l'arrestation du concerné. Pour parvenir à cette
fin, le « mukwao » s'opère surtout par trois
documents qui tiennent lieu et place du mandat sans l'être.
- « La
convocation » qui est une simple invitation du
concerné, sert de mandat d'amener. Souvent, l'OPJ écrit sur la
convocation « très urgent et se faire accompagné par
les policiers dès réception ». Pour amener
l'impliqué à se présenter au bureau de la police, au bas
de ce document on y lit cette formule : « Faute
d'obtempérer à la présente le concerné fera objet
d'un mandat d'amener auprès de l'Officier du Ministère
Public ».
Si certains tombent dans le « mukwao »
d'autres par contre en échappent et déchirent même la
convocation. La convocation n'est pas un document adapté à la
culture congolaise. Une fois que la personne est invitée à la
police, il voit le « mabusu » (le cachot) et fait tout pour
échapper à la justice. C'est ici où le droit n'a pas
été contextualisé. Le droit des autres, celui
imposé par la logique et le contexte colonial est loin de s'accommoder
avec notre culture. S'il faut agir toujours conformément à la
loi, en arrêtant sur base d'un mandat d'amener, la police serait
inefficace. C'est la recherche de l'efficacité qui est une des
problématiques du respect des valeurs humaines et des droits
fondamentaux de l'homme qui tient à sa dignité.
Toutefois, il y a aussi des citoyens congolais qui, une fois
la convocation réceptionnée, se présentent à
l'heure et à l'office indiqué. Des tels citoyens sont à
encourager et doivent bénéficier des mesures de relaxion puisque
nous sommes dans un pays entrain de se construire et où il faut surtout
vulgariser les valeurs humaines.
Concernant la mentalité de la population
vis-à-vis de la convocation, il arrive aussi que l'OPJ aspire à
respecter la dignité de l'homme, mais il est poussé de faire le
contraire suite à la méfiance comportementale de certains
invités impliqués. A ce propos, le dossier MUJOS,
dépositaire des poissons salés, invité à la police
pour avoir perdu deux sacs de poissons salés d'un de ses clients, peut
édifier le lecteur. Par insuffisance des preuves, l'OPJ Instruisant lui
confie une convocation pour le jour suivant au nom du principe de
liberté et dont l'arrestation en constitue une exception. Au lieu de se
présenter le lendemain, c'est la réquisition d'information qui
tombera sur la table de l'OPJ. Les interférences sont fréquentes
dans la police. Elles font l'essentiel de la recherche de GUY KAYAMBA (2007).
Dans l'optique de cette étude, elle est assimilée
au « trafic d'influence » qui sera
épinglé un peu plus loin.
Dans la pratique, il arrive aussi que l'OPJ envoie la
3ème convocation en lieu et place de la première et
sans souche dans le seul but de pousser le concerné à se
présenter en craignant le mandat d'amener. Il est aussi courant qu'un
OPJ envoie la première convocation le matin, la deuxième le soir
et la troisième le lendemain matin.
A titre de rappel, l'article 2 de l'ordonnance n°78-289
du 03 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier et
agent de Police judiciaire près les instances de droit commun, la police
judiciaire est chargée de rechercher et de constater les infractions
à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher
les auteurs. C'est dans ce cadre que nous venons de voir qu'un OPJ convoque,
dans ce but de les entendre, les personnes susceptibles d'éclairer
l'enquête. En cas de refus, nous l'avons dit, il peut les y forcer par
mandat d'amener sollicité auprès du magistrat du Parquet. Il ne
peut décerner un tel mandat selon l'esprit procédural en droit
congolais, qu'en cas de flagrance et a une durée de 6 mois non
renouvelable.
- En dehors de la convocation, l'OPJ recourt aussi au
« Bulletin de service » comme un mandat de
justice. La plupart des « mukwao » opérés
à la police, se réalisent par le Bulletin de service
équivalent dans ce contexte au mandat d'amener. Pour les policiers, le
Bulletin de service est un document qui permet l'efficacité de
l'intervention policière. Il est livré sur place par l'OPJ aux
APJ en vue d'opérer les « mukwao » des personnes
impliquées. Il permet de contourner la longue procédure pour
obtenir le mandat d'amener. Et de ce fait, il échappe au contrôle
du magistrat. C'est en qualité d'acteurs sociaux que les policiers
agissent ainsi quoique sachant les punitions qu'ils peuvent encourir. C'est
comme la suspension de ses fonctions ou le retrait définitif de son
habilitation ou une servitude pénale qui tombe sous le coup de l'article
67 du code pénal livre II alinéa 1 qui stipule ce qui suit :
« est puni de servitude pénale d'un an à cinq ans,
celui qui, par violence, cause ou menace, a enlevé, arrêté
ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une
personne quelconque ».
Il sied de remarquer que l'usage de ce Bulletin de service
dans la logique du mandat par les OPJ n'est pas encore sujet à des
sanctions parce que ceux qui ont subi le
« mukwao » ignorent le caractère
« délictueux » de cette démarche. Par
ailleurs, leurs chefs hiérarchiques ferment les yeux sur l'acte
puisqu'ils sont complices et savent qu'ils y tirent profit « le
mulambu » (offrande). Ainsi, le pouvoir disciplinaire est
affaibli par la logique de « 13 » ou treizalisation.
Du reste, même les personnes qui connaissent leurs
droits doutent de saisir les instances judiciaires pour raison des frais de
justice et l'incertitude `obtenir le gain de cause suite à la
cupidité de certains acteurs de la régulation sociale. Le
Bulletin de service est selon son cadre conceptuel, un document administratif
valant l'ordre de mission, destiné à couvrir le
déplacement d'élément de force de l'ordre. C'est un
document justificatif de l'accomplissement de telle ou telle mission
effectuée par les policiers. (MUDEKEREZA M., 2005 : 15)
L'article 17, alinéa 1 et 2 de la Constitution dispose
pour garantir la liberté du citoyen ce qui suit :
« La liberté individuelle est garantie. Elle est la
règle, la détention en constitue l'exception. Nul ne peut
être poursuivie, arrêté, détenu ou condamné
qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit. »
Malgré toutes les dispositions procédurales, les
OPJ sur terrain dressent et signent le Bulletin de service, portant mandat
d'arrestation. Les OPJ légitiment le bulletin -
« mandat » par la rubrique missions spéciales qui y
figurent et qu'ils complètent sous cette formule :
« Rechercher, arrêter et acheminer devant nous les
nommés [ ] pour avoir commis tels faits prévus et punis par
... » Le Bulletin dispose aussi d'une place réservée
à la consigne qui dépend de chaque OPJ. Elle peut
être :
- exécution sans faille. Il s'agit d'une mission
impérative.
- Respect de la loi, courtoisie, mais fermeté. Or le
Bulletin est un acte administratif et non un mandant. D'où il est contra
legen et l'OPJ exige à l'APJ le respect de la loi.
Cette dernière consigne tisse une marge de manoeuvre
d'appréciation de l'APJ exécutant qui peut trouver une
opportunité de réguler les problèmes sur le terrain et
faire un faux rapport à son chef tel qu'il s'est buté à
une résistance. La recherche de l'efficacité poussera l'OPJ de
solliciter le mandat et va se retrouver dans l'aspect réglementaire.
- « L'avis de recherche »
est aussi un autre document portant mandat d'amener. Il est aussi d'usage
à la police comme le Bulletin de service et convocation. Sa partie
conceptuelle et qu'il est émis dans le cas d'un condamné en
fuite, d'un déserteur, d'un infracteur inconnu. Cependant, dans la
pratique ce document est livré même pour arrêter une
personne dont l'adresse est connue et sa fuite non à craindre. Le but
c'est d'arriver à opérer le « mukwao » sous
la recherche de l'efficacité.
2.3.2.2. La police :
« Tribunal de paix »
La police est un service public susceptible d'être
requis par chacun. Ayant participé au colloque sur « le
processus de reforme de la police : Expérience belge et
perspectives congolaises » qui s'est tenu à Lubumbashi le 17
juillet 2007 à l'Ecole de Criminologie de l'Université de
Lubumbashi, avons été intéressé par l'exposé
du Professeur GORUS J portant sur « la police et la nouvelle
gouvernance ».
L'auteur en stigmatisant la reforme de mentalité qui
doit passer par la transparence, précise ce qui suit :
« Beaucoup de congolais s'intéressent à la police pour
résoudre leurs différents problèmes sans passer au
Tribunal. Plusieurs gens ayant des problèmes civils s'adressent à
la police pour appliquer leur droit. C'est le cas de propriétaire
d'immeuble qui sollicite la police pour le déguerpissement du
récalcitrant pensant que c'est la fonction de la police. Les policiers y
participent à cause de précarité, mauvais payement,
mauvaise condition de vie. D'où, il faut une bonne gouvernance, une
meilleure organisation de l'Etat devant créer une meilleure organisation
de la police. Une meilleure police pour assurer une bonne
gouvernance. »
Une réflexion pertinente, certes, qui tient compte du
contexte fonctionnel de la police sous-tendu par la logique de
précarité. Cependant, le professeur analyse les faits
criminologiques avec les lunettes juridiques. Sous cette perspective, la
recherche légale et procédurale obnubilent la finalité de
la justice : la recherche de l'harmonie, de la paix et de la
tranquillité sociétale. Le professeur semble oublier que le droit
congolais tel appliqué, nous a été imposé par le
processus colonial. Il est inapproprié, inadapté et non
contexctualisé et parfois contradictoire vis-à-vis de nos valeurs
culturelles.
A titre purement indicatif, nous pouvons prendre le cas
d'adultère qui n'est recevable que lorsque l'un des conjoints
lésé, porte plainte. Or, selon la coutume, les parents, les
membres de la famille ou de la communauté sont habilités à
accuser. D'où, le professeur doit tenir compte du relativisme juridique
et culturel.
Par ailleurs, il sera énoncé de penser que le
Tribunal est l'unique instance de régulation des problèmes
civils. Beaucoup de problèmes civils sont résolus par
l'arrangement à l'amiable dans la communauté. D'où la non
reportabilité de certains faits et l'existence des chiffres noirs qui
constituent un mal nécessaire au fonctionnement de la justice. Nous
pensons que, sous d'autres cieux, la police a aussi cette fonction qui se fait
dans la sphère non réglementaire.
Il se passe que beaucoup de problème concernant
à titre illustratif, les conflits de bail, orientés vers
l'urbanisme et habitat ou au tribunal ne trouvent pas de solution et que la
procédure est longue et coûteuse, le public pense que la police
peut jouer et joue déjà cette fonction régulatoire des
affaires civiles. L'OPJ joue le rôle d'intermédiaire en respectant
le délai légal de préavis. Après compromis, les
deux parties établissent, sous la directive de la police, l'acte
d'engagement de fin de contrat et le préavis légal que les deux
parties doivent respecter.
La garantie restituée, l'OPJ prélève le
10% et à la date convenue, le récalcitrant quitte la maison. La
police utilise, en tant que force régalienne, une solution
appropriée et dans un délai convenable. C'est cette
expérience qui fait que le public se communique de bouche à
oreilles, pour mon cas avec mon bailleur ou mon locataire, l'affaire a
trouvé solution à la police. « Ushipitishe wakati
yako bure kwenda ku Parquet ao ku Tribunal, utatupa franga, ku la Police
utapata solution. » (Ne perdez pas votre temps inutilement
d'aller au Parquet ou au Tribunal où vous aurez à gaspiller
inutilement votre argent. A la police, vous y trouverez la solution.)
Nous pensons que lorsque les deux parties en conflit en
matière civile trouvent un terrain d'entente à la police, c'est
l'essentiel puisque la finalité de la justice n'est pas la
procédure, celle-ci n'est qu'un moyen, mais s'affirme par la recherche
de la paix. Le professeur GORUS s'aligne dans une posture étiologique
« positiviste ». Les actes illégaux sont
posés par les policiers à cause de leur précarité
et mauvais traitement (salaire). Pour nous, ce n'est pas l'ignorance qui guide
le public à saisir la police dans cette matière mais c'est la
recherche de l'efficacité de la police qui fait que certaines valeurs
humaines ne soient pas respectées par ces acteurs.
Certes, la police actuelle a ses pesants qui font qu'elle est
parfois boudée par la population, tel le déguerpissement sans
mandats. Toutefois, elle a aussi ses mérites. C'est ici que tombe
à point la pensée de MONJARDET, D., qui précise à
ce propos : « Rien n'est plus trompeur que la distinction
d'une « bonne » police, qui protège, opposable
à la mauvaise police, qui réprime. » (1996 :
9)
Le professeur GORUS J., termine son propos par une meilleure
police pour une bonne gouvernance. Nous estimons que parler de la meilleure et
de la bonne serait porter un jugement de valeur. Au tant parler d'une police
convenable pour assurer une juste gouvernance. Il n'existe pas de
« bonne « ou « meilleure »
organisation. Celle-ci étant une construction humaine, elle est
imparfaite. Elle présente des mérites et des failles qui,
ensemble, contribuent au fonctionnement de l'organisation.
Ainsi donc, selon la finalité de la justice, lorsque la
police assure l'harmonie en régulant les problèmes qui se posent
dans la société, elle s'érige en « tribunal de
paix. » C'est dans cette logique que le public se présente
à la police : « tunachoka na ihi mambo mu
cité, tunakuja mutu unge, mutupatanishe » (Nous sommes
fatigués de ce problème, nous venons ici pour nous
réconcilier). La police est un tribunal de paix puisqu'elle
réconcilie. En jetant un coup d'oeil au registre des plaintes pour en
savoir leurs issues, il y a lieu de remarquer que peu de dossiers
évoluent vers le Parquet et la majorité est régulée
sur place. Ceci pour dire que la police est une « instance de la
paix » et l'OPJ un « juge de paix ».
2.3.2.3. Le
« un-quatre » tient le « quatre-deux »
en état
Quelle est la logique qui guide le « Tribunal
policier » quand le « un-quatre » (civil) et le
« quatre-deux » ou le « quarante-deux »
(pénal) se tiennent les mains ?
Il convient de renseigner que la police fonctionne en
utilisant les messages codés appelés « code de
10 » pour garder le secret professionnel. C'est dans ce contexte que
le civil est appelé « un-quatre » et le pénal
« quatre-deux » ou
« quarante -deux ». C'est ainsi au lieu de dire
« arrêter ce civil » les policiers disent
« quarander ce un quatre ».
Si la logique juridictionnelle repose sur le principe selon
lequel, le « quatre-deux » tient le
« un-quatre » en état c'est-à-dire, le
pénal tient le civil en état qui veut que le tribunal sursoit le
civil pour traiter d'abord le pénal, la régulation
policière procède par une démarche contraire. Selon ce
« tribunal de paix policier », c'est le
« un-quatre » qui sursoit le
« quatre-deux ». La logique est guidée par le
« treize » (capitalisation). Pour mieux
« treizer », il faut d'abord procéder à
l'arrangement et à la réparation pour clôturer le dossier
pénal sanctionnée par le « mulambu » (amende
transactionnelle) appelé aussi « mabonza »
(offrande).
Le cas par exemple des coups et blessures avec la destruction
des biens, l'OPJ vise d'abord à trouver un terrain d'entente entre les
deux parties impliquées, par le conseil en condamnant l'auteur pour
l'inviter à la réparation des biens détruits et
réparation des préjudices causés au regard des
lésions corporelles. Sa première tâche est d'obliger
l'auteur à assurer les soins et à restituer les biens
abîmés. Ce n'est qu'en dernière instance qu'il sanctionne
le pénal pour clôturer le dossier.
Ainsi, l'OPJ s'institue en « juge de
paix » et « juge civiliste ». C'est là le
hic de cette recherche qui vise la finalité de la justice. L'avantage
« est de régler les affaires civiles à l'amiable pour
que chaque partie y trouve satisfaction. « Tunakuya ku la police
mutu katiye mambo, mu tu conseiller » (nous venons à la
police pour trancher le problème et nous conseiller). A cet effet,
certains problèmes, civils ou pénaux sont réglés
par le conseil de l'OPJ sans sanctionner. L'OPJ peut s'investir en
« conseiller » selon les circonstances présentes,
c'est le cas des faits bénins.
2.3.2.4. «
Affaire « un-quatre » transformée en affaire
« quatre-deux » et vice versa »
La police perçue comme « tribunal de
paix » et instance de régulation sociale, est saisie aussi
bien pour les affaires civiles que pénales. Elle traite les affaires
pénales et peut orienter les affaires civiles ou les statuer à
son office. Il se passe que, selon les enjeux en présence, l'OPJ arrive
parfois à transformer l'affaire civile en affaire pénale, tel est
le cas de conflit de bail transformé en abus de confiance. C'est ici
où nous rejoignons la réflexion du professeur GORUS Jan lorsqu'il
stigmatise que les actes « illégaux » sont
provoqués par les privés et les policiers y participent à
cause de précarité, mauvais payement et mauvaises conditions de
vie que nous avons stigmatisés par la recherche de l'efficacité
policière.
En effet, les OPJ connaissent la loi et la procédure,
mais ne les appliquent pas nécessairement d'une manière
convenable selon le cas, leur point de vue et les acteurs en présence.
Ils criminalisent même le non coupable pour les
« treizer », ils les savent bien mais le persuadent de sa
culpabilité, profitant de son ignorance pour qu'il verse le
« mulambu ». La bouche qui a tranché,
réparé, se dessèche et qu'il faut mouiller par le
« makonde » (banane), ici, l'argent pour le
service rendu. C'est le cas de la dette qui est une affaire civile
« un-quatre » transformée en affaire pénale
« quatre-deux », c'est-à-dire, en abus de confiance.
L'OPJ sait qu'il faut orienter une telle affaire au Tribunal, mais il persuade
le soit impliqué pour le « treizer ». C'est dans
cette optique qu'une dette non remboursée à
échéance et qui n'a rien de pénal est transformée
facilement en abus de confiance. Egalement, le non remboursement de la garantie
locative à un ancien locataire était géré aussi
comme une affaire pénale.
A l'inverse, une affaire pénale se transforme en civile
lorsque la partie plaignante est partiellement
désintéressée en recevant une partie de son dû. Il
suffit aussi qu'elle accepte une décharge pour que l'affaire devienne
civile et que la concernée paie l'amende. L'OPJ devient juge puisqu'il
met fin au droit de poursuite et contourne le magistrat en clôturant le
dossier à son niveau en le classant sans suite.
2.3.2.5.
Police : « instance de tension »
Comme chaque médaille a son revers, la police a ses
mérites et ses failles, ses intérêts et ses pesants. En
transformant le « un-quatre » en
« quatre-deux » et vice versa, la police devient un
instrument de tension puisque la balance n'est pas respectée. Cette
pratique crée les tensions impliquant la méfiance,
l'indifférence et le manque de confiance. C'est dans cette posture que
la police devient incompétente pour réguler les problèmes.
Malgré ses mérites lui reconnus faisant reconnaître son
rôle fondamental, la population lushoise, comme le précise Prince
KAUMBA LUFUNDA dans l'approche de la criminalité à Lubumbashi, a
une image largement négative de la police influencée par l'image
du temps passé. (2004 : 140)
A titre de rappel, nous avons déjà
évoqué le revers de la police à travers la mise en
contexte historique de notre objet d'étude. Nous en parlerons
spécifiquement dans le troisième chapitre en exposant les pesants
de la police que JOBARD F. stigmatise en terme de violences ou bavures
policières exercées sur la population et qui sont
gérées d'une manière discrétionnaire et moins
spéculaire. (2002 : 7 - 11)
C'est ce que nous appelons dans ce contexte, la couverture
policière qui cadre avec son aspect discret, c'est-à-dire,
lié à un secret professionnel.
2.3.2.6
« .Le parquet : Mpwila mambo »
NSAMBAY KABAMBA considère le Parquet comme le
déversoir des dossiers peu intéressants, compliqués ou
compromettants ou improductifs. (2006 : 40) Nous pensons que le transfert
du dossier au Parquet dépend des enjeux des acteurs et de la
finalité de la plainte. Nous en parlerons un peu plus loin. Pour le
moment, ce qui nous intéresse est l'image du Parquet
considérée comme « Mpuila mambo » (Terminus
de problème)
Le Parquet est « Mpwila mambo » puisqu'il
constitue une voie d'entrée vers la prison appelée
« grand monde » quoi qu'elle soit concrètement
petite. C'est pourquoi, selon les données du terrain, certains
justiciables disent : « ihi mambo tutafika nayo paka ku
mwisho, nakumwisho ya mambo yote, ni ku Parquet » (Avec ce
problème, nous allons en finir, et le terminus de tous les
problèmes, c'est le Parquet).
Il faut remarquer que la population a la crainte du Parquet
à cause de son caractère répressif tel que le mandat
d'arrêt provisoire ou le mandat de dépôt. Toutefois,
renseignons que seul, le Tribunal est censé criminaliser la personne et
non le Parquet.
Contrairement à ce que soutient SAMBAYI KABAMBA, le
Parquet n'est pas seulement le déversoir des affaires compliquées
et improductives, il est le « mpwila mambo » où
toutes affaires sont déversées selon, les enjeux des acteur sen
présence, et qu'il s'agisse des dossiers compliqués ou non,
rentables ou improductifs.
Sur terrain, il a été constaté qu'un
dossier facile et rentable comme l'injure publique est déversé au
Parquet suite à l'intransigeance du plaignant. Il peut aussi arriver que
l'impliqué insiste pour que le dossier soit transféré au
Parquet puisqu'il y a des connaissances. Par contre, beaucoup de dossiers
d'injures se terminent à la police. Il y a aussi les affaires
compliquées comme le viol qui se terminent à la police sur
compromis des parties impliquées ou envoyées au Parquet en cas de
non entente. Il en est de même des dossiers rentables qui sont
transférés ou traités sur place. Par ailleurs, d'autres
dossiers rentables ont été régulés à la
police sans les « treizer » et d'autres
déférés au Parquet. Comme il arrive aussi que les affaires
improductives soient traitées à la police et se terminent par le
conseil. Toute cette longue littérature veut simplement dire que le
Parquet n'est pas un déversoir des dossiers peu intéressants et
improductifs, mais de toutes les affaires les plus faciles et les plus
rentables jusqu'aux plus complexes et improductifs et tous ces types sont aussi
clôturés au niveau de la police.
L'auteur semble ignorer qu'il existe aussi des réseaux
entre OPJ et magistrats. Pour éviter que le dossier intéressant
« ya mafuta », « dossier ya
« kulipa » (rentable) ne lui soit arraché, il le
transfert directement au « magistrat collaborant » en
complicité avec la partie plaignante par la voie de réquisition.
De cette manière, l'OPJ y trouve sa part.
Retournons au civil comme une affaire compliquée, mais
plus rentable, il se clôture aussi à la police. Le viol est
compliqué puisque la procédure et la loi ne prévoient pas
la transaction. Cependant, la finalité de la justice c'est l'harmonie
sociétale. Il peut arriver que la partie lésée oblige
uniquement la réparation. Et pour l'obtenir, la logique veut que
l'acteur soit libre. C'est ainsi que les deux parties peuvent s'entendre pour
réguler ce problème sur place. Souvent, la famille
lésée demande une ou plusieurs chèvres et l'OPJ profite le
10% et exige au coupable de payer une forte amende ou le
« mulambu » considérable puisque dans cette
matière, la loi ne prévoit pas le « mulambu »
mais la « prison ». C'est dans ce contexte que se justifie
la grille de l'acteur social. L'OPJ va au-delà de sa compétence
et de la procédure pour réguler les situations problèmes
à son niveau.
2.3.2.7.
« Mabuso »
Lorsque les APJ opèrent ce
« mukwao », les impliqués sont gardés
à vue dans le « mabuso » c'est-à-dire le
cachot ; il porte plusieurs noms avec des sens particuliers, mais
rapprochés. Ce faisant, le sens et les représentations seront
décortiqués dans le troisième chapitre. Pour le moment,
nous trouvons l'opportunité d'en citer.
« gereza » (enfer)
« jangwa » (désert)
« kota okola » (entrer pour
grandir)
« Nyumba yetu » (notre maison)
« maison de passage »
« Hôtel »
« faculté sans professeur »
« Amigo »...
L'APJ peut miser sur les intérêts présents
ou futurs. C'est en ciblant le futur que cet adage africain tombe à
point : « de même le maïs grillé peut
germer ». Les relations peuvent produire des fruits et de bons un
jour. Ce qu'on a perdu dans le présent, peut nous
bénéficier dans le futur. L'impliqué devient
« Amigo ». Il peut être relâché sans
paiement d'amende. Pendant qu'il est au cachot, il bénéficie la
détente à l'extérieur par de petites corvées qu'il
exécute.
2.3.2.8. «
Les relations entre les policiers et les impliqués en garde à
vue »
Comme les surveillants de prison et les internés
tissent les relations de coopération ou de tension, il en est de
même pour les agents de police chargés d'assurer la Garde des
impliqués. Sur terrain, nous avons pu dénicher trois types de
relations que voici :
1° APJ « avocat »
« Défenseur » « protecteur » de
l'impliqué
Les agents de police arrivent parfois à se familiariser
avec les impliqués. C'est dans le contexte que Prince KAUMBA LUFUNDA
compare ce fait à l'image de « Stockholm »
caractérisé par le développement d'un climat de
familiarité entre les otages et les terroristes. (2004 : 34)
En effet, il arrive que les APJ se familiarisent avec les
impliqués pour partager ensemble la cigarette et le repas. Pendant la
nuit, il extrait le concerné du cachot pour passer la nuit au corps de
garde et le matin, il y retourne. Ainsi, sympathisant avec l'impliqué,
l'APJ se transforme-t-il en « avocat »
défenseur » de l'impliqué. D'avoir participé au
« mukwao », il a la facilité de contacter la partie
plaignante en vue de plaider pour trouver le terrain d'entente et sollicite sa
liberté auprès de l'OPJ instruisant ce dossier. Il peut aussi
intervenir pour réduire le montant de l'amende. Dans ce contexte, il n'y
a rien pour rien dans ce monde.
2° APJ « adversaire » de
l'impliqué
Ce cas se manifeste souvent lorsque l'impliqué a
posé la résistance lors de « mukwao »
(arrestation). Parfois, c'est l'échange des paroles vexatoires entre ce
couple qui engendre l'adversité et l'impliqué subi les mauvais
traitements tels que nous l'avons observés sur le lieu.
« Natafuta kuyamba, munakatala, nami niko muntu shina nyama. Mu
cachot amubakiyake ngozi, mitatoka paka » (je voudrais me
soulager, vous refusez, je suis aussi un homme et non un animal, je finirai par
sortir et je ne dois pas laisser ma peau au cachot). Le policier
rétorque : « shi ulitoka pomba, unatutshambula, sasa
uko wapi, kama niko paka hapa, nachakula autaipata » (Vous
étiez invincible en nous insultant, maintenant où est-ce que nous
en sommes, vous n'aurez pas le repas tant que je suis ici à la
police).
De tels cas sont fréquents au sous-commissariat de
Kafubu. La visite et le repas de l'impliqué sont conditionnés par
le « dix-vingt-cinq » (l'argent). Les visiteurs savent
qu'il faut verser le droit de visite. Pour nous, le monnayage de service est
une « déviance fonctionnelle. » Il arrive aussi que
la visite, la plainte, la libération s'effectuent sans paiement de
« 10-25 » ou amende.
3° L'impliqué « affaire
propre » de l'APJ
Il a été aussi constaté que certains
policiers se rendent justice eux-mêmes. L'APJ MUNGULUMA étant en
conflit avec son voisin pour le problème des enfants, il s'arrange avec
son équipe pour arrêter son voisin et le placer dans le
« mabuso » (cachot) à l'issue du commandant ou de
l'OPJ et sans aucune forme de procès. Une fois le voisin
écroué, il lui dit « nakusukisa, unanichezeyaka,
ujuwe ya kama mungu yulu, police chini » (Je vous ai
prouvé, vous vous moquiez de moi, après Dieu dans le ciel, c'est
nous la police sur la terre.) Quand le commandant passe pour le contrôle
de l' « Amigo » ou « mabuso »,
l'impliqué est soustrait pour y retourner après. Il arrive que
l'APJ se venge en se rendant justice.
4° Policier « serviteur »
de l'impliqué
L'APJ assurant la garde est un serviteur de l'impliqué.
Celui-ci se trouve dans un petit carré qui constitue son monde
fermé. « Natafuta kuyamba, munipe mayi ya kunya, munyujiye
tumbako, bitumbula, munitosheko ni pite mpepo » (je voudrais me
soulager, donnez moi de l'eau à boire, des beignets, sortez-moi d'ici
pour que je prenne aussi de l'air). Ainsi, l'APJ est tenu à satisfaire
tous les besoins de l'impliqué. Il peut même abandonner son poste
pour informer la famille du concerné, lui payer quelques biens de
nécessité (bougies, cigarettes, à manger...).
C'est dans ce contexte que l'APJ est un serviteur de
l'impliqué, lui procure les nécessaires, passe nuit avec lui au
corps de garde quoi qu'il soit étiqueté « de
malfra ». Certains par confiance due à l'excès de
zèle, facilite l'évasion de l'impliqué sans le vouloir et
prend sa place dans le petit carré. C'est pourquoi
« l'excès de zèle » est punissable dans cette
police militarisée.
2.3.2.9. «
L'OPJ entre le marteau et l'enclume »
A titre de rappel, le travail judiciaire le place sous
l'autorité du Ministère Public qui relève du
Ministère de la justice. Sous d'autres cieux, la police étant
militarisée, l'OPJ répond de ses actes à l'auditorat
militaire qui dépend du ministère de la défense.
Concernant les recettes, il doit rendre compte de ses perceptions à la
Direction Générale des Recettes et Domaniale relevant du
Ministère des Finances et Budget en passant par sa voie
hiérarchique. L'OPJ en tant que policier, dépend du
ministère de l'Intérieur.
Sur ce, la position de l'OPJ le place dans une situation
« des pressions » qu'il subit de part et d'autres de ses
supérieurs :
1° Du Ministère
public
L'OPJ dépend du Ministère public auprès
de qui est doit rendre compte de ses activités
« directement ». Ici le concept a le sens du délai
lui imparti par la loi qui ne peut pas dépasser 48 : 00 heures
à moins qu'il sollicite une prorogation ».
Il se passe qu'en pratique, au moment où l'OPJ est
en train d'instruire un dossier, sur demande de l'une des parties, une
réquisition du Ministère public tombe sur la table de l'OPJ qui
se voit dessaisir le dossier. Tel est le cas de Monsieur KALABA, un
transporteur qui n'avait pas bien bâché son camion, une vingtaine
des sacs des fretins ont connu la putréfaction. Au moment où son
chauffeur TSHABALA comparaissait à la police, KALABA s'est
arrangé avec un magistrat qui a envoyé une réquisition
obligeant toute affaire cessante pour le transfert du dossier et du
véhicule saisi contenant les fretins. Ce type d'intervention est
fréquent au sous commissariat.
2° Du commandement de la
police
L'article 9 du code de procédure judiciaire ainsi que
les cours et tribunaux consacrent l' « indépendance de
l'OPJ » en réalité, l'OPJ n'est pas indépendant.
L'indépendance n'est qu'un leurre. A ce sujet, le travail del'OPJ
dépend largement de son chef hiérarchique dans le cadre du
commandement. A titre de renseignement, la réunion qui s'est tenu le 24
janvier 2007 par l'inspection provinciale à l'attention des OPJ peut
édifier le lecteur. Il ressort de cette réunion que l'OPJ de la
Police Nationale n'est pas indépendant sur le plan judiciaire. Il doit
rendre compte de ses activités à son chef administratif. En cas
de refus, il peut être privé de cette qualité en lui
confiant une autre fonction telle que chargé de transmission,
chargé de ravitaillement, chef du camp... Et par conséquent un
OPJ compétent est celui qui verse. Le montant est d'avance fixé,
10 $ par semaine.
Il va de soi que cette situation renforce les
stratégies de l'OPJ en tant qu'acteur social qui discerne le fait et
cherche les moyens de le contourner. Il ne se soumet pas aveuglement, discerne
le fait désavantageux pour les contourner par d'autres voies.
L'enregistrement, l'audition de la plainte et la perception de l'amende
transactionnelle se font à l'absence du chef. Au lieu d'enregistrer cinq
plaintes réelles, il enregistre une ou deux et d'ailleurs en
caractère pénal transformé en
« civil ».
3° De l'Auditorat
L'auditorat intervient souvent à la police et surtout
en matière judiciaire. Parmi ces interventions, relevons celle d'un
inspecteur de la société nationale d'assurance, qui en
état l'ivresse, s'est battu avec le gérant de l'Hôtel
« WA KUMIKOMA » pour avoir refusé de lui accorder
une chambre. Dépêché sur le lieu, l'OPJ a instruit le
dossier et l'inspecteur a pris à charge les premiers soins. Comme
c'était la nuit, il fallait que les deux parties se présentent le
matin pour voir dans quelle mesure clôturer le dossier. Le matin, avant
qu'il n'entre au sous-commissariat, l'OPJ a subi le
« mukwao » tendu par les agents de l'Auditorat.
Menotté, l'OPJ a été ridiculisé et a eu la
liberté grâce au « mulambu ».
4° Agent de Police
Judiciaire
Lorsque l'OPJ instruit le dossier, il doit avoir en tête
qu'il faut le rentabiliser pour se partager avec les APJ participants au
dossier ainsi qu'au commandant. Dans le cas contraire, il perd son poste.
D'où il doit « treizer » son poste pour le
conserver. Si l'APJ ne trouve pas sa part, il peut nuire à l'OPJ par la
voie de « kokunda » (enterrer), appelée
autrement « kubambisha touche » dont la
finalité ou la visée est de faire punir. Les différentes
pressions exercées sur l'OPJ permettent de stigmatiser que la loi et
l'organisation judiciaire des « autres » ne s'adaptent pas
au contexte pratique. Cadre réglementaire paraissant contraignant,
impératif et rigide, ne l'est que par l'apparence. Celle-ci est
trompeuse puisque les limites juridiques sont fluides. Elles permettent aux
acteurs de ce champ d'avoir une marge de manoeuvre pour adapter la loi
pénale et la procédure au contexte du milieu « Naza
mwokonzi » « niko chef » (Je suis le chef).
Le chef a le pouvoir de libérer. Ce pouvoir est limité au point
de vue, l'expérience, la visée guidée par le projet et
l'histoire des acteurs.
2.4.3 «
L'issue des plaintes »
Il sera question ici de cerner le trafic d'influence dans sa
manière d'induire l'issue du dossier ainsi que les trois acteurs
impliqués dans le jeu du champ pénal.
2.3.3.1. « L'OPJ sous la pression
du trafic d'influence »
Nous rejoignons la recherche du Prince KAUMBA LUFUNDA dans sa
recherche sur l'approche de la criminalité dans la ville de Lubumbashi
lorsqu'il explique ce qui suit :
« Certains prévenus exigeaient que le
dossier en cours d'audition soit immédiatement transmis au Parquet de
Grande Instance. Aussi, le magistrat sur réquisition d'information
réclamait-il le transfert du dossier en cours du
traitement. » (2004 : 50)
Nous avons eu à enregistrer plusieurs cas sembables.
Parmi ces interventions, retenons à titre purement d'information celle
de « KILOLO, victime de coups et blessures par ses voisins. Le sous
commissariat informé par téléphone, les coupables seront
arrêtés et acheminés à l'Office. Pendant l'audition,
la soeur du coupable à l'OPJ téléphone pour recevoir
l'ordre de libérer sans condition et immédiatement les coupables.
L'OPJ insiste pour les soins à prendre à charge. Malgré
l'insistance, il céda sous la pression du chef pour conserver son poste.
C'est ainsi que la loi et la procédure étaient foulées au
pied et monsieur Kilolo, victime, sorti attristé et plaintif,
« la loi des autres » telle que appliquée et
limitée par les acteurs, demeura impuissante pour lui rendre justice et
créer l'harmonie. L'OPJ obéit à la logique
militaire : « l'exécution avant tout et la
réclamation après » bien qu'un ordre mal donné
ne s'exécute pas.
Ainsi donc, le trafic d'influence peut déterminer
l'issue du dossier pour qu'il soit clôturer au niveau de la Police ou
transféré au Parquet.
2.3.3.2. « Les enjeux des
acteurs »
Pour déterminer l'issue du dossier, nous avons
ciblé trois acteurs y relatifs : le plaignant, l'impliqué et
l'OPJ.
1° « L'exigence du
plaignant »
C'est le motif de la plainte. Le plaignant parait visiblement
pesant dans le dossier. Il détermine l'issue du dossier par ses
déclarations à travers les attentes de la plainte. La
manifestation de ses aspirations consiste à répondre à la
question comme celle-ci :
« Que voulez-vous que la police fasse pour
vous ?
Cette question peut être aussi formulée de
cette manière : « Que réclamez-vous à la
justice ? »
Cette question oriente l'issue du dossier. A titre de
renseignement, nous avons pu enregistrer ces quelques illustrations :
- « Tunakuya ku la police dju
mutushaurye » (Nous venons à la police pour le
conseil).
« La police-conseil » se limite au conseil
et blâme. Elle est fréquente pour les faits simples et surtout
familiaux.
- « Kupatanisha »
« souci yangu ni mwitupatishe » (souci
est de nous reconcilier).
La police est une instance de paix
- « Kupanda yulu »
(monter)
« Dossier yangu aitaishiya hapa, tupande naye ku
ngazi la djuu, paka ni mu sukise » (Mon dossier ne doit pas se
clôturer à ce niveau de la police, montons avec lui au niveau
élevé, je dois l'achever). La police est un niveau bas. Certains
souhaitent que le dossier suive son cours normal jusqu'au Parquet qu'ils
trouvent efficace en matière répressive.
- « Kuamuwa »
« Tunakuya mwituamuwe » (Nous sommes venus
pour nous juger ». La police est une instance de justice par le
jugement. « La police juge ». Elle sépare le
délinquant du non délinquant. Elle est sélective.
- « Hukumu »
« Paka alale mukasho, tasamba naye
kesho ».
(Qu'il soit incarcéré, je comparaîtrai
avec lui demain »)
Certains plaignants précisent de punir
l'impliqué par le payement d'amende. D'autres sollicitent le cachot de
15 jours plus le fouet tout en ignorant que la détention a des limites.
L'intention ici est de faire souffrir. Certains donnent l'argent aux policiers
pour fouetter l'impliqué.
- « Kulipa »
Il s'agit du payement de la victime qui exige
réparation.
- « Kurumiya »
Le plaignant peut désister et pardonner
l'impliqué. Malgré le désistement, l'OPJ sanctionne
l'impliqué par « mulambu ». Sur terrain l'on a vu
certains plaignants se transformaient en avocat de l'impliqué en
suppliant l'OPJ de le libérer. Celui-ci retorque :
« ulizani uku ni kanisa, anesha kwangukiya mu mayi, inapashwa
alipe. (Vous avez cru que c'est à l'église, il est
déjà tombé dans l'eau et doit payer l'amende. Parfois, le
plaignant paie pour l'impliqué pour clôturer le dossier.
Tout dépend de la visée du plaignant quant
à la formulation de la plainte. C'est le point de vue qui va orienter
l'OPJ. Si la visée est la réparation, le plaignant a tout
intérêt d'éviter la répression puisque les deux sont
incompatibles. Subissant la peine, l'impliqué échappe à la
réparation.
2° « Le poids de
l'impliqué »
Apparemment, il ne fait que subir la pression du plaignant.
Toutefois, il y a ces cas où l'impliqué pèse sur l'issue
du dossier. C'est ici où nous rejoignons la recherche de Gabin Kabuya
qui montre aussi que l'impliqué a aussi du poids (2006 :44)
Nous avons constaté que lorsque la visée du
plaignant est la réparation, l'impliqué se trouve devant une
alternative de choix entre le grand boulevard (Parquet) cheminant dans le
« grand monde » (la prison) et la réparation en vue
de clôturer le dossier sur place.
3° « L'OPJ , le grand
meneur du jeu »
Sa première visée d'un dossier en main est de
voir s'il peut en tirer profit. La procédure judiciaire étant
renversée, le civil tient le pénal en état. Son grand jeu
est d'amener les deux parties sur un terrain d'entente en vue de clôturer
le dossier par le « mulambu ».
Il sied de retenir qu'en arrière plan du
« treize » se localise une nécessité
imposante : l'arrangement à l'amiable qui est le garant de la paix
dans ce contexte. C'est pourquoi l'adage dit « vaux mieux un mauvais
arrangement qu'un bon procès ». En cas de non compromis, le
dossier est transféré avec ou sans prévenu.
Un regard sur l'issue des plaintes sur terrain indique que peu
de dossiers suivent leur cour normal et beaucoup sont clôturés sur
place. La police est à la fois un filtre et une sélection des
impliqués.
2.5. La police et ses
relations
Le sous commissariat Kafubu est en relation d'abord avec
d'autres polices spécialisées surtout dans le cadre de renfort en
maintien de l'ordre. Dans le cadre judiciaire, il y a le télescopage
dont nous avions parlé bien avant. Par ailleurs, il arrive que l'OPJ
soit dessaisi du dossier au profit du bureau de renseignement dans le but de
procéder aux enquêtes approfondies. Encore une fois
l'indépendance de l'OPJ est foulée au pied.
Les privés recourent aussi à la police pour le
gardiennage. C'est le détachement dans le jargon policier. A ce propos,
le phénomène « mining » (la recrudescence des
sociétés minières) dégarnit le sous-commissariat de
ses éléments par le détachement. Celui-ci est payant.
Les policiers sont aussi détachés dans les
institutions publiques pour protéger les infrastructures et le
personnel. (Parquet, mairie...). La police est en relation avec les forces
privées de sécurité (Force one, Mamba Sécurity,
Bras, DSA, Delta Force, Groupe 4 Sécuricor...) où sont
détachés les policiers. C'est ici où nous rejoignons la
recherche d'HONORE MWENZE lorsqu'il soutient que la police travaille dans
l'illégalité avec les sécurités
privées.(2006 : 49 )
En effet, les sécurités privées ne sont
pas autorisées à employer les policiers ou militaires (anciens ou
en service) selon l'esprit de l'article 7 du décret n°98/008
réglementant le gardiennage : « Est prohibé
tout détachement des éléments actifs, des Forces
Armées et de la Police Nationales auprès desdites
sociétés ». Ainsi, cette loi n'est pas rigide
puisqu'on pratique, les policiers sont détachés dans ces forces
qui les paient mieux. Mais, elle est aussi une sorte de garde fou, sinon les
policiers, dans la logique de précarité, déserteraient de
la police au profit de ces forces privées.
Quelle synthèse pouvons-nous tirer de ce
chapitre ?
Le tracé inductif, nous a conduit à la
méthode qualitative du type ethnographique impliquant la
« participation observation » doublée de
l'observation documentaire et de l'entretien semi-directif. Le traitement des
données s'est réalisé par l'analyse thématique
verticalement et horizontalement en dégageant les thèmes
principaux et secondaires qui constituent le corpus empirique.
Le cadre référentiel nous a permis de cerner la
police dans sa sphère réglementaire dont la loi et la
procédure judiciaire en tant que construction émanant des autres,
présentent des limite. Elles paraissent rigides, contraignantes et
imposantes sans nécessairement l'être puisque les acteurs les
contournent par les pratiques non prescrites qui feront l'essentiel du dernier
chapitre.
CHAPITRE 3
ANALYSE CRIMINOLOGIQUE DE LA PRATIQUE
DE L'« OPJ DEBOUT »
Ce chapitre, sans toutefois minimiser les
précédents, il se veut essentiel puisqu'il présente les
résultats des analyses et interprétations des données
réalisées lors de nos investigations empiriques. Il
décortique tour à tour l' « OPJ debout »
comme un modèle non réglementaire de régulation sociale
policière (1), les différentes substitutions de l'
« OPJ debout »(2), les oppositions binaires (3), les
manoeuvres et les « boules » (stratégies)
mobilisées par l' « OPJ debout et OPJ assis ou
assermentés »(4), la nature de leur relation (5), le sens
qu'ils donnent à leurs pratiques et aux événements
auxquels ils sont confrontés dans le cadre de leur travail
judiciaire : les logiques et les représentations selon les sens de
leurs propres expériences (6) et les perspectives de
transférabilité de la recherche.(7)
I. L' « OPJ
DEBOUT » : UN MODELE PRATIQUE NON PRESCRIT DE REGULATION SOCIALE
POLICIERE
Il sera question ici de dégager l'essentiel de la
pratique de l' « OPJ debout » qui répond
à la finalité de la « justice » ou de la
régulation sociale qui consiste à rechercher l'harmonie entre les
deux parties en situation problème. C'est l'intérêt de
cette recherche qui vise à creuser dans la pratique informelle, ce qui
est positif pour le valoriser dans une perspective d'innovation
contextuelle.
A ce propos, POULET Isabelle indique ce qui suit :
« Les « secteurs informels »
oscillent entre valorisation et disqualification. On valorise l'informel au nom
de ses vertus supposées d'expression spontanée d'une forme de
créativité, d'innovation ou de résistance au pouvoir
contraignant et rigide de l'Etat. L'informel s'explique par un trop de
réglementation, un trop d'Etat (...), il ne manque pas des voix pour
dénoncer les effets néfastes d'un manque de droit et de
contrôle par l'Etat des valeurs d'équité,
d'égalité, des droits sociaux qui caractérisent l'Etat.
C'est le retrait de l'Etat que l'on dénonce. »
(1999 : 153-154)
Par ailleurs, tout ce qui parait non prescrit, alimente
l'organisation pour son fonctionnement. C'est dans ce contexte que nous nous
sommes intéressé à la pratique de l' « OPJ
debout » dans le cadre de régulation sociale. A ce sujet, le
même auteur indiqué :
« L'informel s'est étendu avec
« la crise » de l'Etat- providence, identifiée dans
tous les domaines comme à l'origine de la constitution des
« secteurs informels ». C'est là où l'Etat
est mis en cause pour l'inefficacité de ses institutions et la faillite
de ses modes de régulation que l'on découvre le plus
d'informel » (1999 : 155)
Ainsi, le formel ne peut-il se concevoir sans l'informel et
ne peuvent pas être opposés, mais complémentaires puisque
c'est l'ensemble qu'ils constituent les règles du jeu et se soutiennent
mutuellement. Sur terrain, il a été constaté que les
pratiques informelles ou non prescrites n'émergent pas du vide, mais
tirent leur fondement dans les pratiques prescrites. Et à l'inverse,
celles-ci sont soutenues par celles-là pour le fonctionnement de
l'organisation. Le même auteur précise :
« Le formel et l'informel ne sont pas si
séparés, qu'ils sont au contraire et dans tous ces domaines
fortement imbriqués, qu'ils peuvent être
complémentaires. » (1999 : 154)
La pratique de l' « OPJ debout » est une
médaille qui a ses revers ; c'est-à-dire, ses
intérêts et ses pesants. L'on ne peut pas étudier une
médaille en tenant compte de la pile sans la face. C'est dans cette
perspective que cette recherche embrasse les intérêts et les
pesants de la pratique pour des raisons à la fois méthodologique
et pédagogique. Toutefois, il ne s'agit pas d'émettre un jugement
des valeurs, mais de comprendre la pratique dans toutes ses formes en situant
les acteurs dans leur contexte en vue de mieux saisir la réalité
selon le sens et les logiques de policiers expérimentant la pratique.
Il sied de remarquer qu'il est aberrant de distinguer la bonne
et la mauvaise pratique, tout comme la bonne ou la mauvaise police, le bon ou
le mauvais policier puisque c'est le même policier qui pose les actes
« louables » comme le secours ou ceux de tension social
comme le « Disappro » (s'approprier les biens d'un-quatre
par force).
1.1. « BISO
TOSALISAKA BANGO NA KUNDELPAIN MPO BAYOKANA »(8(*))
L' « OPJ debout » c'est la pratique de
« Kundelpain » (en cachette), puisqu'elle s'opère
dans l'ombre « butubutu » (nuitamment) ou pendant la
journée à l'insu de l' « OPJ
assermenté ». Souvent, elle prend appui sur les règles
prescrites comme l'exécution de mandats de justice. Nous en parlerons un
peu plus loin. Ici, nous trouvons opportun de présenter les occasions de
la pratique et sa description dans toutes ses facettes.
1.1.1. « Le
Piquet »
A titre de rappel, le piquet constitue une équipe des
policiers en réserve et prête pour l'intervention à toute
éventualité. A l'absence de tous les cadres, les
éléments de piquet, sous le commandement du chef d'équipe,
au lieu de respecter les consignes et la procédure, ils reçoivent
les plaintes, perçoivent le « ya makolo » (pour les
jambes), frais de plainte et de déplacement. Une fois les
formalités remplies, ils vont opérer le
« mukwao » c'est-à-dire l'arrestation de
l'impliqué ou des personnes impliquées.
Selon les données des entretiens et des observations,
plusieurs opportunités se présentent lors de l'exécution
de « mukwao ». A titre d'information, en voici les
possibilités saillantes :
- Si les éléments du piquet ne sont pas
accompagnés de la partie plaignante, ils se sentent à l'aise. Au
lieu d'arrêter l'impliqué, ils se transforment en OPJ pour
l'auditionner verbalement et se rendre compte de la teneur du problème.
Ils négocient avec l'impliqué en lui présentant les
inconvénients d'être arrêté à la police. Ils
argumentent pour le convaincre de coopérer avec eux afin qu'il reste
arranger à l'amiable avec le plaignant en cherchant un
intermédiaire parmi les connaissances ou les membres de la famille du
plaignant. C'est de cette manière que l'impliqué est
persuadé, donne l'argent aux policiers. Parfois, l'initiative vient de
la population présente. « Vieux, muishane naye, utalala mu
cachot na autatokamo bule » (Mon vieux, autant terminer avec
eux, au lieu d'être arrêté, vous n'allez pas sortir du
cachot sans avoir payé l'amende).
Surtout si c'est le samedi, les policiers persuadent
l'impliqué en ces termes : « aujuwe ya kwamba leo ni
samedi, tuishane, kama tunenda naweye, abata kusambisha, plaignant alimupa
commandant Franga, billet d'écrou iko na ku chunga ».
(Vous oubliez que nous sommes samedi, arrangeons le problème sur place,
si nous vous acheminons à la police, vous serez arrêté sans
être entendu, le plaignant a donné l'argent au commandant pour
vous malmener, votre billet d'écrou est déjà
préparé). Ils emportent le « 10 - 25 »
(l'argent) et donnent le faux rapport au commandant.
A titre de rappel nous avons parlé du policier
« avocat » de l'impliqué. Sur le lieu d'arrestation
ou au domicile de la personne à arrêter, les
éléments de police peuvent lui demander de l'argent pour qu'ils
jouent le rôle d'avocat auprès de l'OPJ qui les a mandatés.
Lorsqu'ils rentrent donner le rapport, ils rassurent l'OPJ que le
concerné n'est pas là, ou soit il passera demain ou soit encore
il y a eu résistance.
- Quelles sont les manoeuvres que les APJ font lorsqu'ils sont
accompagnés de la partie plaignante pour opérer le
« mukwao » ?
Trois possibilités se présentent dans le cas de
la pratique de l' « OPJ debout »
* Pendant le trajet, le chef d'équipe donne les
consignes à la partie plaignante. « Il ne faut pas que
l'impliqué nous perçoit avec vous, il risque de s'enfuir et nous
échapper, votre devoir est de nous indiquer la maison et la personne
à distance en vue de faciliter l'opération d'arrestation. Le
plaignant reste à un endroit indiqué et attend la
suite ».
Lorsque l'équipe arrive au domicile de
l'impliqué, le chef d'équipe l'informe que la police est saisie
de son problème avec tel et qu'il est venu l'arrêter pour
l'acheminer à l'office. Toutefois, il a déjà causé
avec le concerné pour que le problème soit arrangé sur
place. Il lui demande s'il reconnaît le fait et si il est prêt
à négocier pour le résoudre sur place. S'il est d'accord,
le chef d'équipe envoie un agent appelé le plaignant et la
solution une fois trouvée, les deux parties versent la quote-part aux
policiers médiateurs.
A titre d'illustration, ce cas tombe à point :
« MASHIMANGO, menuisier de formation et de
métier, a perçu la somme de 300 $ de mains de Mr. MUNGO pour la
fabrication d'un salon au plus tard dans deux semaines. Il se passe que Mr.
MASHIMANGO n'a pas pu s'exécuter après deux mois depuis leur
convention. La police étant saisie par Mr. MUNGO, les piquets se rendent
à l'atelier du menuiser. En cours de route, le chef d'équipe
demande au plaignant de l'attendre quelque part en vue de faciliter son
opération. Sur le lieu, il demande à MASHIMANGO, s'il
reconnaît le fait et s'il dispose du montant en question ou d'un bien
qu'il peut mettre à la disposition du plaignant pour qu'il lui donne un
délai court afin de parachever son salon. MASHIMANGO étant
d'accord de remettre son poste téléviseur en couleur plus la
magneto, le groupe électrogène et un buffet à titre de
gage à MUNGO en attendant qu'il termine son salon. C'est ainsi que le
chef d'équipe envoya un de ses coéquipiers appeler le plaignant
et l'arrangement fit un succès et les policiers eurent leur part de deux
parties. De retour à l'office, le chef d'équipe fait le rapport
à l'OPJ que le concerné est absent et le plaignant a
trouvé inutile de revenir à l'office. »
C'est un exemple empirique qui illustre une des
manières par lesquelles les policiers de piquet en exécutant le
mandat de justice, s'instituent en OPJ que nous appelons dans le langage
policier « OPJ debout ».
* La deuxième possibilité est celle où le
plaignant refuse de rester à distance et accompagne les policiers au
domicile de l'impliqué. Sur le lieu, seuls les policiers entrent dans la
maison et s'arrangent avec l'impliqué. Celui-ci leur donne leur part et
rentrent au bureau présenter le faux rapport à l'OPJ qu'il y a eu
résistance. C'est à ce moment que le plaignant profite de
l'occasion pour dire à l'OPJ : « Tunamukuta,
banabakata milomo, banamwacha » (Nous l'avons trouvé, il
les a corrompus et l'on laissé). C'est à de telles occasions que
l'OPJ sollicite le mandat au Parquet puisque le bulletin de service n'est pas
un mandat de justice, il est informellement utilisé pour cette fin.
Chaque fois que l'OPJ envoie les agents avec un bulletin de service, il leur
donne cette consigne : « en cas de résistance ou de
trouble, il faut replier, utilisez la sagesse et non la violence ».
C'est une occasion pour les policiers de « treizer » et de
se transformer en « OPJ debout ». Une fois l'arrangement
réussi, ils rentrent donner un faux rapport : « il y a eu
résistance. »
L'informel et le formel se tiennent et se complètent.
Le bulletin de service étant non prescrit, en cas d'échec, l'OPJ
recourt au mandat d'amener sollicité au Parquet en vue d'opérer
le « mukwao ».
* Une troisième possibilité est celle où
dans la maison de l'impliqué, les policiers accompagnés du
plaignant, au lieu de procéder à l'arrestation,
préfèrent jouer le rôle de médiateur.
« Kama munenda ku bureau, we plaignant batakubeba 10%,
batakufunga nawemweyewe dju bakule Franga, mwishane tu hapa »
(Si nous allons à l'office, même vous plaignant vous allez payer
10%, et vous serez arrêté pour que vous payiez
l'argent ».
Sur terrain, le cas suivant issu d'un des entretiens nous a
beaucoup intéressé.
« KILUFYA, un commissionnaire des poissons
salés à Njanja, sollicite 5 sacs de poissons à Mme KITOMPA
d'une valeur de 250 $ à lui verser après la vente. il se passe
que Mr. KILUFYA après avoir vendu les poissons, dissipe 100 $ et verse
à la responsable 150 $. Mécontente, cette dernière se rend
à la police. Après les formalités d'usage, les
éléments de Piquet, sous la conduite du chef d'équipe, se
rendent au domicile de l'impliqué pour son arrestation, en compagnie de
la concernée. Sur le lieu, au lieu de l'arrêter, le chef
d'équipe KISULA préfère jouer à la
médiation. Il informe la plaignante qu'il est très avantageux de
terminer le problème sur place qu'à la police puisqu'elle risque
aussi d'être arrêtée et de gaspiller son argent en versant
10% du montant perçu comme frais proportionnel de justice. Il demande
à KILUFYA si il peut disposer de la moitié et d'un bien à
mettre en gage pour garantir la concernée. C'est ainsi qu'il accepta et
désintéressa KITOMPA avec 50 $ en Francs congolais et lui confia
sa radio cassette « Simba » d'une valeur de 100 $ à
récupérer après épuration. Une décharge fut
établie et l'affaire clôturée. Et les deux parties
donnèrent aux policiers leur quote part et les deux parties sont
satisfaites. »
C'est aussi une autre manière de la pratique de l'
« OPJ debout » par la médiation policière. Le
rôle du policier ici est d'amener les deux parties à trouver un
terrain d'entente pour un arrangement à l'amiable. La visée du
policier est la « treizalité normale »
conditionnée par l'arrangement à l'amiable. A ce sujet, il
ressort du terrain ce qui suit : « Soki batindi biso kokanga
moto, tosalaka makasi po bayokana, tosalisaka bango » (Si nous
sommes envoyés arrêter une personne, nous nous impliquons pour que
les deux parties s'entendent, nous les aidons).
1.1.2. « La main
dans le sac »
C'est une pratique qui s'opère surtout pendant la
tournée. C'est le cas de « flagrance ou réputée
comme telle » dans le jargon juridique. L'équipe arrête
un pic pocket ou « voleur à la tire » pendant la
tournée. Au lieu de l'acheminer à l'office, les policiers
s'investissent en OPJ pour restituer les biens soustraits au
propriétaire. Celui-ci à titre de reconnaissance, leur donne un
peu d'argent. Ils font semblant d'acheminer l'auteur impliqué à
l'office. Agissant en équipe, celle-ci intervient en payant l'argent aux
policiers pour obtenir sa libération.
« Nous sommes samedi du mois d'avril, vers
12 : 00 heures, l'APJ ILUNGA un fin policier se demande comment passer le
week-end pour nourrir sa famille. Il fait une tournée personnelle
contrairement au principe qui soutien l'action de masse ou d'équipe en
vue de mater toute situation éventuelle. Dans un endroit isolé,
il perçoit trois jeunes en train de jouer aux cartes. Le jeu de hasard
étant prohibé, il profite de l'occasion en les surprenant. Son
premier mouvement est de récupérer les cartes et l'argent mis en
compétition. Brusquement et rapidement, il arrête les trois
jeunes. Il les fouillent et récupère tous les contenus de leur
poche. Il les menotte et fait semblant de les acheminer à la police.
Chemin faisant, leurs amis interviennent en suppliant l'APJ ILUNGA à qui
ils versent 10.000 F.C.
Ce récit montre que, sous l'initiative personnelle, un
APJ peut s'instituer en OPJ lorsqu'il trouve un fait punissable par la loi
entrain de se commettre. C'est le « libaku » (la
chance) dans le langage policier.
1.1.3. « La
Garde »
C'est le poste de police ou le sous-commissariat. La pratique
s'opère pendant la nuit. « Bakonzi bakeyi, bakonzi
batikali » (les chefs partent, mais restent). L'expression
traduit la continuité du pouvoir. A l'absence du commandant en place,
c'est le chef de poste qui est le chef d'équipe qui gère les
plaintes la nuit et se transforment en commandant et par surcroît en OPJ.
Il verbalise sans papiers, ni bic, ni registre. Il est debout tout en terminant
le dossier. Parfois, si le bureau est resté ouvert, il l'utilise. Pour
mieux « treizer », ses coéquipiers l'appellent
circonstantiellement commandant et il occupe le bureau de l'OPJ.
Ainsi, il envoie les policiers procéder à des
arrestations, il juge les faits et clôturent le dossier à son
niveau, sauf le cas qu'il trouve « grave et
compliqué » ou celui qui est objet d'une rétention
sociale celui où la reportabilité sociale a une grande
visibilité, qu'il laisse au soin de ses supérieurs.
Par ailleurs, s'il traite le dossier et que l'impliqué
s'avère insolvable, dans ce cas, il l'écroue pour la disposition
du commandant. Il joue presque le rôle de l'officier de permanence avec
une manoeuvre d'appréciation.
A titre de rappel, les dossiers sont difficiles ou
compliqués selon les enjeux des acteurs. D'autres peuvent paraître
difficiles pour les réguler, mais trouvent solution auprès du
chef de poste qui s'investit en « OPJ debout » tel le cas
de « Muviolo » (viol).
« Agée de 13 ans,
« MICHOU », la fillette d'une certaine nommée
« MWABANA » a été victime d'abus sexuel par
« KABA » âgé de 18 ans avec qui, elle a des
relations de voisinage. Vers 17 : 00, à l'absence de leurs parents
respectifs, « KABA » appelle « MICHOU »
et couche avec elle dans leur toilette. Comme la maman de la fille est une
vendeuse au marché, elle rentre vers 19 : 00. En examinant
l'état de sa fille qui avait la fièvre et le mal au bas ventre,
profita pour l'interroger. La fillette relata les faits. Sous l'impulsion de la
colère, « MWABANA » pénétra dans la
parcelle de « KABA » pour le saisir et l'acheminera
à la police sans dialoguer avec les parents du garçon. Le chef de
poste perçut l'argent de la plainte et verbalisant oralement les deux
parties. Pendant qu'il écoutait la mère de la fillette, les
parent de « KABA » arrivèrent et demandèrent
au « commandant » qui est le chef de poste en substitution,
de leur accorder l'occasion de causer avec la mère de Michou. Comme les
deux parties étaient de même tribu et fréquentaient la
même église, elles trouvèrent opportune de retirer la
plainte pour s'arranger en famille. Toutefois, pour y arriver, le chef de poste
joua le rôle de médiateur en convaincant la partie victime
à accepter la négociation avec l'autre partie en vue de
réparer le fait tout en insistant qu'une fois le dossier au Parquet,
elle manquera la réparation et l'impliqué sera certes
transféré vers le grand monde pour y purger sa peine. De ce fait,
elle ne gagnera rien. En plus, sa fillette sera l'objet de publicité et
aura de difficulté de contracter le mariage puisque
désabusée sexuellement. Après réflexion, les deux
parties, sous l'instigation du chef de poste, parvinrent à un compromis
selon lequel, les parent de « KABA » doivent payer à
la famille de « MICHOU » 200 $, deux chèvres et une
pièce de wax CPA comme frais de réparation concernant la perte de
la virginité de la fillette. Comme les parents de l'auteur avaient assez
de moyens, ils verserent auprès de « MWABANA » 100 $
à titre d'acompte et le chef de poste et son équipe
bénéficiaient 50 $ en devise plus 10.000 à titre de
recompense. Ainsi, l'affaire se termina en « Kundelpain »
(en cachette), à l'insu du commandant ».
Cet exemple illustre bien la pratique de l'OPJ debout qui est
aussi à mesure de réguler certains faits dont la loi ne
prévoit pas l'amende et la seule issue du dossier est la prison
perçue selon la loi des autres, la peine dorsale ou le noyau dur, le
pivot central du Droit pénal. Ainsi donc, la limite de la pratique est
relative. Elle dépend des enjeux des acteurs et du pouvoir
d'appréciation du policier. C'est dans cette optique que nous rejoignons
la pensée de Jean Louis LOUBET BAYLE lorsqu'il analyse le pouvoir
d'appréciation policière qu'il stigmatise en ces termes :
« Une prise de décision qui n'est pas
strictement gouvernée par des règles légales, mais qui
comporte un élément significatif de jugement
personnel » (2006 : 210)
Nous épousons aussi la réflexion de Idelfonse
TSHINYAMA lorsqu'il écrit concernant les enjeux policiers :
« Dans l'application de la loi, tout
dépend des enjeux. Les acteurs chargés de sa mise en oeuvre,
notamment les policiers, apprécient et voient de quel côté
pèse la balance et agissent en conséquence. »
(2006 : 82)
C'est dans ce contexte que nous avons présenté
dans l'introduction le dossier OLALA contre monsieur Santos comme cas indicatif
et illustratif de la pratique de l' « OPJ debout ».
1.1.4. Le
« Tshitshani ou le Tshambuluka »
Ce sont les termes employés par les policiers dans
l'opération de la lutte contre le marché pirate. Celui-ci
étant une organisation non réglementaire, les policiers recourent
aussi à la pratique non prescrite :
« Twishane » (Qu'on en termine). A ce sujet, les
propos suivants sont d'usages courants : « Baba Pulushi,
shibote tuko ba taux du jour, dju ya nini utanipeleka ku bureau, unirudishiye
marchandise yangu, tuishane, unapenda chef yako ye akule weye na batoto yako na
bangu tulale na njala ? » (Papa policier, nous vivons tous
au taux du jour, pourquoi voulez-vous m'amener au bureau, retournez-moi mes
marchandises, qu'on négocie sur place. Voulez-vous que votre chef mange
et que vous, vos enfants, moi même et les miens passent la nuit à
jeun).
Le « Tshitshani » est un mot tshokwe
déformé. Il découle de Tshitshene signifiant
« paka vile », (comme toujours ; « kufanya
pakavile » (Faisons comme d'habitude). En effet, il y a une sorte de
mariage ou de « coopération » qui s'est
tissée entre les policiers et les marchands pirates. C'est l'habitus qui
se cristallise. Au début, suite à la recherche de
l'efficacité, les policiers arrêtaient les vendeurs pirates qu'ils
acheminaient à l'office. Avec le temps, les relations de
« tension » baissaient et se transformaient en relation de
« coops » diminutif de coopération. Les marchands
comme les policiers recourent à la pratique de
« tshitshani ». « Tufanye paka vile
tunafanyaka » (faisons comme d'habitude). A ce sujet soit les
policiers passent pour récolter l'argent auprès de ces marchands,
soit c'est l'inverse, c'est-à-dire ces derniers délèguent
un membre qui verse le fruit de la cotisation aux policiers.
Le « Tshambuluka » désigne dans le
jargon policier le « marché pirate ». Toutefois, il
signifie « désordre ». Le marché pirate est
un désordre. Les policiers profitent de l'informalité pour
« treizer ». C'est dans le champ policier où la
règle d'or est le chacun pour soi, Dieu pour tous. Heureux celui qui
sait bien « treizer ».
« Un jour, en tenue civile, nous avons
trouvé les policiers en plein opération du marché pirate.
Le chariot était plein de différents colis contenant des
marchandises diversifiées. Un marchand pirate supplia un policier de lui
remettre son colis de fretins contenant 6 mekas (mesurettes). Le policier
mû de pitié, lui retourna son colis en empochant 1000
FC. »
Souvent les policiers saisissent les marchandises des
marchands pirates et peu seulement arrivent au bureau et la plupart sont
filtrées et sélectionnées comme la police le fait avec les
« délinquants » et est perçue comme un grand
entonnoir où reçoit plusieurs délinquants dont le minimum
seulement arrivent au niveau du Parquet.
1.1.5. Le
« Kibeta »ou « Kiwanja »
C'est le stade. Les policiers ont dans leur tâche, la
mission d'assurer le maintien de la discipline populaire. C'est dans ce
contexte que nos éléments sont appelés d'assurer la
sécurité au stade pour éviter la fraude. Le
« tshitshani » et le « tshambuluka »
s'appliquent aussi au stade.
Au lieu d'assurer la discipline populaire, les policiers nous
ont informé qu'ils créent sciemment l'embouteillage aux portes
d'entrées en vue de faciliter l'entrée de leurs
« candidats » qui leur ont donné l'équivalent
de la moitié du prix de ticket. Certains policiers sont
« botchés » c'est-à-dire, ils
perçoivent parfois des billets collés dont une partie de 100 FC
et l'autre de 50 FC sans au préalable opérer leur
vérification puisqu'ils agissent dans la précipitation de peur
d'être arrêtés.
« Le policier KABONGO se fait attrapé la
main dans le sac et il a subi la punition du corps. Il a fait 6 jours de cachot
ferme, nous a-t-il précisé. Et il a été
libéré pour faire la patrouille »
Le cas du Policier KABONGO nous renvoie à la recherche
de JOBARD FABIEN lorsqu'il parle de bavures policières. Les policiers se
couvrent ou se protègent en subissant la punition du corps en cas de
bévue ou de violence. (2002 : 7-11) C'est l'esprit d'équipe
qui est déterminant et qui fait qu'un tel cas soit traité sur
place plutôt que de le transférer à l'Auditorat
militaire.
Ainsi, l'effectif réduit des policiers affaiblit le
mécanisme de contrôle et donne l'occasion aux policiers à
la pratique de l' « OPJ debout » puisque les sanctions
deviennent faibles et inefficaces. Pendant le match, il y a beaucoup de
fraudeur. Certains escaladent la clôture murale au stade à leur
risque et péril. A l'intérieur, certains sont
appréhendés et libérés soit gratuitement, soit en
donnant l'argent aux policiers qui ferment les yeux au lieu de les conduire
auprès de leurs supérieurs pour l'instruction du dossier. Ils
s'instituent en « OPJ debout ». Ainsi, le
« Kibeta » ou « Kiwanja » c'est le
terrain non pas seulement de football pour le joueurs, il est aussi un champs
de récolte pour les policiers.
1.1.6. Le
« mabuso »
Les APJ sont aussi des gardiens de
« détenus ». Selon les données de
l'entretien, certains APJ chargés de garder les personnes au cachot, se
transforment en OPJ pour libérer le détenu après avoir
perçu de lui une somme d'argent. En cas d'interpellation, l'agent se
défend que c'est en acheminant l'implique à la toilette pour se
soulager qu'il s'est évadé. L'APJ a la manoeuvre
d'apprécier le cas avant de passer à l'action. Il jauge la
gravité et les conséquences de l'acte.
« Un certain soir vers 18 : 00, la police
avait été débordée par plusieurs interventions
à exécuter. Une policière était restée au
corps de garde avec une impliquée qui devait payer l'amende pour
être libérée. Au retour du commandant et d'autres
policiers, l'impliquée avait disparue. La policière fut
interpellée et se justifiant qu'elle était restée seule.
Il fallait allumer le brasero pour préparer, c'est pourquoi, elle
s'était déplacée et à son retour, elle n'avait plus
trouvée l'impliquée. Le commandant sut sur le champ que la
policière a pratiqué l' « OPJ debout ».
C'est ainsi qu'il écroua la policière pour 48 heures de cachot
ferme. »
Selon l'organisation réglementaire, c'est l'OPJ qui
arrête et qui libère la personne impliquée. En pratique,
l'OPJ est aussi une instance de pouvoir qui selon son point de vue, peut
libérer un impliqué gardé à vue en acceptant
d'assumer toutes les conséquences.
1.1.7. Le
« mawindo » ou « bokila »
C'est la patrouille. Elle est une occasion de la pratique de
l' « OPJ debout ». Pendant la nuit, lors de la
patrouille, les APJ, repartis dans les équipes et les secteurs,
arrêtent les personnes qu'ils verbalisent sans les amener à
l'office. Ils préfèrent terminer toutes les affaires judiciaires
pendant la patrouille. « bya mu mawindo, bineshiyaka paka mu
mawindo » (les butins de la patrouille se partagent toujours
pendant la patrouille).
S'ils arrêtent une personne la nuit, ils
préfèrent transiger son problème debout dans la rue ou
soit ils font office de l' « OPJ » au domicile de la
personne concernée. A son domicile, les membres de sa famille peuvent
intervenir en suppliant les patrouilleurs d'accepter la somme d'argent en vue
de libérer la personne en question. Parfois la famille n'a pas de
liquidité et emprunte chez les voisins pour décanter la
situation.
En cas d'insolvabilité, ils peuvent laisser
l'impliqué dans un poste de police proche du secteur pour le
récupérer le matin en vue de le « treizer ».
En cas d'échec, ils l'acheminent auprès de leur chef
hiérarchique pour qu'ils puissent aussi y trouver leur compte. Si
celui-ci les « botche » (empoche sans distribuer), ils se
méfient de lui et à l'occasion prochaine, ils le contourne en
coopérant avec un autre plus confiant. Ils ont un principe :
« Na patrouille soki olali, balali yo, mbwa ba bwakelakaye ata
mukuwa » (Dans la patrouille, si vous dormez, on couche sur vous
c'est-à-dire on vous prive le butin. Le chien, on lui jette même
un os). Ceci traduit la justesse et la souplesse dans le partage. Il faut
être « ekenge » (éveillé).
La pratique qui consiste à laisser un impliqué
dans le cachot d'une police proche par les patrouilleurs pour le
récupérer le matin a été aussi
épinglée par Prince KAUMBA LUFUNDA dans sa recherche sur
l'approche de la criminalité dans la ville de Lubumbashi. (2004 :
35)
Voilà au moins épinglées et
illustrées les opportunités et l'essentiel de la pratique de l'
« OPJ debout » comme un modèle policier non prescrit
de régulation sociale. Comment les policiers justifient-ils
eux-mêmes leur pratique selon leur expérience et leur point de
vue ?
1.2. «
Légitimation policière de la pratique de l' OPJ
debout »
La pratique de l' « OPJ debout » tire
sa source de l' « OPJ assermenté » dans sa
manière de gérer les « APJ ». Il ressort de
l'observation et des entrevues empiriques que l' « APJ » se
substitue à l'OPJ lorsqu'il participe au travail judiciaire sans trouver
son compte. Le cas des patrouilleurs qui récupèrent le matin la
personne impliquée laissée dans un poste de police le plus proche
de leur secteur opérationnel en l'acheminant à l'OPJ confiant
tout en contournant celui qu ne sait pas conjuguer le verbe manger au pluriel,
est une illustration saillante qui présente deux façons de
gestion des APJ.
Plus les APJ reçoivent la redistribution, plus ils
participent au travail judiciaire et moins ils se livrent à la pratique
de l' « OPJ debout » pour le profit personnel. Par
ailleurs, cette pratique est un processus qui découle de l'imitation.
L'APJ est appelé à opérer le
« mukwao ».
De ce fait, il est le premier à entrer en contact avec
les deux parties en conflit et il a les sources de premières mains
concernant les conflits. Il voit, il attend, il participe aux
différentes auditions de l'OPJ assermenté. En assistant, il
apprend comment l'OPJ traite les dossiers civils ou pénaux et comment il
transforme le dossier « un-quatre » en dossier pénal
et vice-versa. Dès qu'il trouve l'occasion, sachant bien qu'il n'est pas
bien distribué, il applique ce que l'OPJ fait et il acquiert ainsi
l'expérience et s'érige en médiateur pour arranger les
différents conflits à l'amiable. Ainsi, il s'érige en
« OPJ debout ».
Dans sa pratique, il ne vise pas la procédure, mais le
résultat. C'est qui compte pour lui c'est avant tout
« treizer ». Et une
« treize normale » nécessite un arrangement
à l'amiable pour éviter le rebondissement parce qu'il
opère en « Kundelpain » c'est-à-dire dans
l'ombre. Il fait tout pour éviter les conséquences
négatives « le contre coup ».
Selon les entrevues, la pratique est aussi essentielle
puisqu'elle contribue à l'harmonie sociétale et que les deux
parties y trouvent chacune sa part et sont satisfaites. A ce sujet, nous
soutenons la réflexion de LASCOUMES P., pour avoir écrit ce qui
suit « ...ce qui n'empêche pas les justifications des
activités corrompues (selon nous informelles) d'avoir toujours une
grande efficacité malgré leur caractère réducteur
et souvent fallacieux ». (1999 : 158)
D'après l'empirie, la pratique de l' « OPJ
debout » est une décharge du travail de l' « OPJ
assis ». C'est une façon de le décongestionner puisque
parfois il est afflué de dossiers. La pratique se veut une avant-garde
d'entrée de la réaction sociale formelle ou du contrôle
policier.
A ce sujet, la visée est de régler le
problème avant qu'il ne soit judiciarisé. C'est dans ce contexte
que nous faisons notre la pensée de BRODEUR J.P. lorsqu'il indique
à propos de la police et l'instance judiciaire, ce qui suit :
« En réalité, la coupure entre le
droit et la police est l'une des lacunes les plus visibles de notre
système. Tous les programmes récents de réforme de la
police (...) s'arrêtent avant l'étape judiciaire et se
définissent souvent contre elle, l'objectif explicite de ces
réformes étant de résoudre les problèmes avant
qu'ils ne soient judiciarisés. » (2003 : 347)
De ce qui précède, force nous est de retenir
dans une optique innovatrice et adaptative que la pratique de l'
« OPJ debout » est une nouvelle piste non prescrite de
régulation des situations problèmes avant leur juridiciarisation.
Elle offre plusieurs atouts selon les empiries :
- Elle tend à la déjudiciarisation. La
visée est la recherche de l'harmonie et de la tranquillité
publique. Elle repose sur l'arrangement à l'amiable. L' « OPJ
debout » joue le rôle de
« médiateur » c'est-à-dire facilitateur. La
médiation se fait par la négociation. En cas d'échec, le
dossier suit son cours normal. C'est pourquoi elle est l'avant-garde du
système pénal.
- Elle évite les frais de justice. Si l'administration
de la justice policière est déjà coûteuse par les
différents frais (pour la plainte, « ya makolo pour le
déplacement, les frais d'instruction du dossier, du transfert du
dossier... et que dire de frais de justice au niveau du Tribunal ?
Dans le cadre référentiel, en parlant de la
gestion des plaintes, nous avons pu relever que certaines plaintes
étaient non recevables puisqu'elles n'étaient pas
monnayées. C'est dans ce même cadre que Prince KAUMBA LUFUNDA a
parlé de la non recevabilité des plaintes (2004 : 147). Et
dire qu'au niveau de la police, les dossiers sont souvent clos par les
« mulambu » (amendes transactionnelles) très
exorbitantes et parfois sans aucun rapport avec la gravité du
problème. Que penser si le dossier suivait son cour normal jusqu'au
tribunal ?
Concernant les frais comme un obstacle à
l'accessibilité de la justice au niveau du Tribunal, nous trouvons
opportun de stigmatiser in extenso la pensée d'Alain KOJAN et Didier
KABOMBO dans leur recherche sur « la pauvreté face à la
descente aux enfers de la justice » en retenant ce qui suit :
« La justice coûte chère : la
consignation, les frais d'huissiers, les frais de rédaction des actes de
procédure, les frais de rédaction du jugement, s'exclame plus
d'un congolais.
« Moi, je ne peux pas me rendre dans cette
baraque, renchérit un autre, j'en suis excédé.
« Ces propos de table ou causerie d'affaire
sont alimentés et amplifiés par la pauvreté des personnes
qui interviennent dans l'administration de la justice (OPJ, magistrat, greffier
et huissier). (2006 : 25-26)
Ainsi, les frais de justice limitent la population à
l'accès au tribunal. La pratique de l' « OPJ
debout » devient un palliatif salutaire.
- Comme la pratique décongestionne le travail
judiciaire de l' « OPJ », il en est également de
celui du magistrat et du juge.
- Elle échappe à la lenteur de la
procédure. Elle est dite « debout » puisqu'elle est
rapide dans le gain du temps. Elle trouve une solution immédiate.
- Elle vise la réparation, l'harmonie plutôt que
la peine. Elle est dépénalisante. Elle évite aux
impliqués le cachot et la prison.
- Elle mobilise plusieurs ressources ou recettes de
régulation. Se servant du cadre juridique, elle clôture le dossier
verbal par l'arrangement à l'amiable à l'issue de laquelle les
deux parties sont satisfaites.
- Elle repose sur le principe selon lequel, vaut mieux un
mauvais arrangement qu'un bon procès.
- Elle permet à la personne impliquée
d'échapper aux erreurs judiciaires puisqu'en appliquant la
procédure, il est possible que les erreurs judiciaires se glissent et
qu'un innocent soit criminalisé. A ce sujet, la police est un filtre de
sélection de délinquant.
L' « OPJ assermenté » a la grande part de
manoeuvre en transformant l'affaire « un-quatre » en
affaire pénale.
Quant au niveau du Parquet et du Tribunal, les auteurs
précités renchérissent ce qui suit selon les propos de
certains magistrats tout en les situant dans le contexte de
précarité :
« Je ne suis pas bien
rémunéré, comment veux-tu que je rende une bonne
justice ? Il est vrai qu'un magistrat mis dans les mauvaises conditions
n'est pas à mesure de rendre une bonne justice (pour nous une juste
justice) » (2006 : 26).
- Elle échappe à la fiction juridique.
Concernant l'équité, le droit pénal apparaît
clairement dans le choix de ce qu'il réprime et dans la manière
dont il est appliqué, ne place pas tous les citoyens sur le même
piédestal d'égalité devant la loi (DAYEZ B., 1999 :
118-199)
La pratique sous-étude ne vise pas la
répression, mais la réparation et l'arrangement.
- Elle permet aux impliqués d'échapper au risque
de la détention préventive induisant parfois de graves
discriminations. Cette détention n'est qu'une forme de régulation
qui est susceptible d'incarcérer quelqu'un parce qu'il est pauvre.
Souvent, au niveau de la police, il est constaté que la plupart des
impliqués se retrouvent au Parquet par manque d'amendes.
A ce propos de discrimination, DAYEZ B. précise ce qui
suit :
« L'arrestation d'un magnat financier ou d'un
politicien ou de quelqu'un à vue pouvait laisser croire que personne
n'est à l'abri d'une mise à l'ombre dans le cadre
préventif. Mais ne soyons pas dupés : en matière de
délits financiers sur une grande échelle, le motif du mandat
d'arrêt est trouvé dans les nécessités de
l'instruction. Cela équivaut bien entendu à remettre
l'inculpé en liberté et le risque de récidive n'est pas
évoqué ». (1999 : 119)
- Le chiffre noir que peut induire la pratique est une fiction
puisqu'il est un mal nécessaire pour réguler les situations
problèmes entre les parties impliquées. Il est un
« mal » parce que les tenants de cette pensée
soutiennent qu'il obnubile le chiffre réel dans l'analyse statistique de
la criminalité. Pour nous, l'important n'est pas le chiffre réel
pour développer et élaborer la politique de lutte contre la
criminalité, mais plutôt c'est de savoir bien gérer cette
criminalité à partir de l'amplification des faits.
- La police est un service générateur des
recettes. La pratique est un obstacle et un manque à gagner pour l'Etat.
Ne soyons pas leurrés : la distribution du pouvoir est
inégalement répartie. La redistribution n'est pas
équitable et juste. Les APJ s'instituent à l'Etat pour se
rétribuer. En se transformant en « OPJ debout ». Si
les policiers travaillent avec zèle sans solde et se contente de la
prime, c'est parce qu'il tire profit dans l'ombre grâce à cette
pratique. Sans elles, la machine policière cesse de fonctionner. C'est
dans ce contexte que nous avons évoqué dans le chapitre
précédent que la nuit est plus importante que le jour, la
fondation que le mur, ce que nous réalisons le jour n'est qu'une
projection de ce qui se passe la nuit. Ainsi donc, la pratique non prescrite
n'est-elle pas un soutien et un complément de celle dite
réglementaire qui n'est qu'une construction abstraite et idéale
à laquelle l'on demande aux acteurs de s'y conformer. C'est dans la
logique de l'adaptation de la pratique réglementaire puisque non
contextualisé, et de l'innovation que s'érige et se
développe la pratique non prescrite.
1.3. « TOZALI
BANYAMA NA NGUNDA»(9(*))
1.3.1 «. Les
pesants de la pratique »
Si nous présentons ici les revers de cette pratique, ce
n'est pas dans le but d'émettre un jugement de valeur, mais pour raison
méthodologique et pédagogique. Du point de vue
méthodologique, la logique est soutenue par la recherche des oppositions
binaires, la recherche de contradiction. Sur le plan pédagogique, c'est
le souci de dissection des faits, c'est-à-dire l'analyse des faits dans
leur détail.
Il sied de rappeler qu'il n'existe pas de « bonne ou
mauvaise » pratique. Il serait aberrant d'y croire. Il faut porter
les lunettes criminologiques pour classer toute pratique dans son cadre
contextuel. Quoi que paraissant anormale, elle ne l'est que dans l'optique de
celui qui oublie de la contextualiser. L'anomalie n'est qu'apparente, la
contextualiser, la prtaique est censée et normale. C'est dans cette
perspective que se dégagent les revers de la pratique policière
non prescrite appelée « OPJ debout ».
1° Le
« disappro »
Le « disappro » est un mot composé.
Le « dis » dérive du code policier appelé
code de dix. Et l'appro est le diminutif de l'approvisionnement. Il traduit
l'approvisionnement dans la poche de « un-quatre » (un
civil).
Le disappro est un terme utilisé souvent dans la
patrouille. « motoyo, il faut disapproner ye » (cet homme,
il faut le dépouiller). C'est l'image d'une personne dont on
soulève les jambes en haut et la tête en bas de telle
manière que tous les contenus de ses poches lui tombent pour se
retrouver dans celles des policiers.
Lors de notre investigation sur terrain, nous avons
enregistré plusieurs cas parmi lesquels, celui de
« Kibalamete » exposé dans la partie introductive de
cette recherche. Rentrant chez lui nuitamment, il fut intercepté par les
patrouilleurs qui le fouillèrent systématiquement en
qualité de « suspect ». Après la fouille,
toute la somme d'argent qu'il détenait se retrouva dans les mains de
policiers. Après discussion, les policiers lui restituèrent une
partie.
Présentement, ce cas constitue une restitution
empirique de « disappro ». Cette pratique ne concerne pas
seulement la subtilisation de l'argent, mais aussi tous les effets importants
voire corporels que la personne dispose.
Pour illustrer ce propos, le cas de « Madame
Mulubwa » tombe à point :
« Rentrant d'une fête la nuit vers
22 : 00, à 100 mètres de chez elle, dans sa rue non
électrifiée, elle fut interceptée par les patrouilleurs et
fut tombée dans le « mukwao » (piège)
c'est-à-dire le filet tendu par les policiers. Son sac qui contenait une
somme de 15.000 FC équivalent à 30$, son appareil cellulaire de
marque NOKIA et autres effet, la montre qu'elle portait et ses bijoux se
retrouvèrent dans un laps de temps court dans les mains des
patrouilleurs qui l'ordonnant de vider le lieu en braquant et en armant leurs
armes. Elle détala en vitesse et se retrouva à domicile. Ce n'est
que le matin qu'elle se présenta à l'office de police. Une
plainte stérile puisque les patrouilleurs ne furent pas
identifiés. »
Le « disappro » est opéré
par les patrouilleurs officiellement en service, par les patrouilleurs non
autorisés et par les « un-quatre » qui se
transforment en patrouilleurs.
2° «
Les patrouilleurs pirates »
Ce sont les agents de l'ordre qui s'organisent dans l'ombre
sans l'aval de leur commandant pour faire le « mawindo » ou
le « bokila » (la chasse).
Des tels patrouilleurs sont les chasseurs
« dépouilleurs » des biens de personnes pendant la
nuit. A certains moments, ils dépouillaient même les habits des
victimes en les dénudant pour se les approprier. De telles
opérations sont l'apanage des patrouilleurs « un
quatre » qui se transforment en policiers ou en militaires. Nous en
parlerons dans les lignes qui suivent.
Les patrouilleurs pirates s'illustrent dans le
« disappro » dont la finalité est le
dépouillement de la population.
Prince KAUMBA LUFUNDA en a aussi évoqué dans sa
recherche sur la criminalité à Lubumbashi :
« Les agents de l'ordre (policiers et
militaires) sont eux-mêmes auteurs d'infraction surtout pendant la nuit.
Quelques uns font des patrouilles non autorisées et ne sont pas
identifiés. Parfois, ils extorquent des biens appartenant à des
paisibles citoyens. » (2004 : 35)
Les patrouilleurs pirates se livrent parfois à la
pratique sexuelle avec des femmes et surtout des prostituées. Revenons
au cas des « un-quatre » qui se transforment en
patrouilleurs.
« Le centre commercial
« Njanja » du Quartier Kafubu est longé par une voie
ferrée à destination des usines de la Gécamines et vers la
Zambie. Un groupe de 4 personnes y opéraient en
« disappro » la population. Monsieur MUKOKO fut
tombé dans leur filet. Heureusement pour lui, il reconnut le chef de
bande que les autres du groupe appelaient commandant. Il s'échappa et
porta plainte le matin. GABY le chef de groupe fut arrêté. Il nia
le fait. Après confrontation, il accepta son forfait et supplia l'
« OPJ » de clôturer le dossier à son niveau.
Comme il avait des connaissances dans la haute sphère de la police, des
coups de téléphones ne tardaient pas à retentir. Sous
pression des interventions intempestives, l'OPJ fléchit. Comme il n'y
avait pas à réparer, l'OPJ le libéra tout en percevant le
« mulambu » (une somme d'argent) pour clôturer le
dossier et le classa sans suite. »
GABY trouva sa libération après 48 heures de
garde à vue suite aux différentes interventions. Ce cas illustre
aussi la manière dont l'OPJ est sujet de
« pression » c'est dans ce contexte que nous avons
parlé de l' « OPJ » entre le marteau et l'enclume.
Doit-il respecter l'ordre de se chefs ou appliquer la procédure et la
loi ?
3° « Les
pirates du marché pirate »
Comme il y a des patrouilleurs pirates, nous retrouvons aussi
les pirates du marché pirates. Ce sont les policiers qui, sans
autorisation de leurs chefs, sous leur propre initiative, ils se permettent
d'opérer au marché pirate, non pas pour réprimer les
contrevenants, mais pour coopérer avec eux par la pratique
« Twishane ». « Tufanye paka vile
tunafanyaka ». Faisons comme d'habitude. C'est l'habitus qui
s'installe. Les marchands cotisent pour eux, à défaut ils se
saisissent de leurs marchandises.
« Un jour, l'APJ KALILA et ses deux
coéquipiers opèrent sans autorisation au marché pirate.
Ils se saisissent d'un sac des poissons fumés d'une valeur de 30.000 FC
équivalent à 60 $ U.S. et disparaissent du marché. La
victime croyant que sa marchandise est acheminée à la police et
s'y rendit. Elle fut surprise de ne pas trouver ni sa marchandise, ni les
policiers. Elle décrit ces derniers et l'on sut qu'il s'agissait de
l'APJ KALILA et son groupe. Deux jours après, ils furent
interpellés. Ils reconnurent leur forfait, réparèrent le
fait et subirent la sanction du corps. »
Il sied de remarquer que les mêmes policiers arrivent
des fois à se faire avocats des marchands pirates pour faciliter le
retrait de leurs biens saisis par le commandant à moindre frais
puisqu'ils sont devenus des « coopérants » sur ce
marché. Les policiers et marchands partagent la même
difficulté de survie en vivant grâce à leurs pratiques
« au taux du jour », à chaque jour suffit sa
peine.
4° Le
« millième »
Nous avions déjà parlé du millième
en illustrant dans l'introduction le cas de deux « femmes vivant
grâce au sexe » qui se disputaient un mari non loin d'un bar et
furent surprises par les patrouilleurs. Sous prétexte de se rendre
à l'office, la nommée « KABEDI »
concéda son corps en acceptant l'acte sexuel avec un patrouilleur pour
obtenir sa libération.
Le « millième » désigne le
rapport sexuel dans le jargon policier. Prince KAUMBA LUFUNDA en a aussi
évoqué dans sa recherche : « les patrouilleurs
arrivent parfois à violer les femmes et surtout les prostituées
pendant la nuit en profitant de l'obscurité ». (2004 :
35)
Il ressort de l'entrevue ce récit qui parait mieux
indiqué à titre de connaissance qui montre les
conséquences négatives ou sort réservé aux
policiers au regard de « muviolo » (qui traduit le viol
dans le jargon populaire).
« Les APJ BEYA et IDIAMIN étaient dans
une équipe de patrouille. Vers 21 : 30, l'équipe
perçut dans le quartier Bongonga, dans l'obscurité deux jeunes
filles qui venaient d'un kiosque où elles étaient allées
payer les bougies et deux boites de conserve. Les quatre policiers les
interceptèrent pour les interroger. Pendant que les deux policiers
libéraient les deux filles dont « SANDRA » et
« ARIJA » âgées respectivement de 17 et 15
ans, les APJ BEYA et IDIAMIN s'y opposèrent en forçant les filles
à coucher avec eux derrière un kiosque non opérationnel.
La patrouille se termina comme d'habitude. Lors du partage l'équipe
retrancha une somme d'argent que les filles allaient payer comme caution dans
la quote-part de deux policiers. Au moment de déposer les armes, les
deux policiers furent surpris par la présence de deux filles victimes du
« millième » accompagnées de leur père
et le commandant. Ils furent arrêtés sur le champ. Malgré
l'insistance du commandant auprès des parents des victimes pour la
réparation et la clôture du dossier à la police, ces
deniers restèrent catégoriques. L'OPJ instructeur de ce dossier
recevra la réquisition d'information du Parquet de Grande Instance et le
dossier fut transmis avec les concernés qui furent criminalisés
et versés dans le « grand monde » qu'est la prison
pénitentiaire de la Kasapa où ils croupissent
jusqu'aujourd'hui. »
Un autre cas qui a attiré notre attention est celui du
policier « MUBIKILAYI » alias
« Rambo ».
« Pendant la patrouille, l'APJ RAMBO
accompagné de ses coéquipiers un certains samedi vers minuit.
Postés dans l'ombre tout près d'une église de
réveil charismatique située à Kinkaville, une cellule de
Kafubu, les policiers avaient intercepté une femme âgée.
Comme la fouille était négative, et c'est RAMBO qui y
procéda, il la tira dans ladite église, malgré le conseil
de ses collègues, il y coucha ave elle. Une trentaine de minutes
après, il rejoint son équipe et changea de face ; il braqua
l'arme sur ses coéquipiers en menaçant de les tirer dessus.
Heureusement, un des policiers le désarma au moment où les autres
s'occupaient à le distraire. Il fut ligoté et acheminé
à l'office. Depuis lors, il a perdu ses sens et devient un malade mental
qui menace brutalement toutes les personnes se trouvant à sa
portée.
C'est un exemple qui illustre le revers du
« millième ». Beaucoup de policiers le pratiquent
sans usage de « condom » avec le risque de se faire
contaminer. Il se fait que les policiers sont exposés au VIH à
travers le millième.
5°
« Kosumba nyei na secteur »
Dans la patrouille, les policiers sont repartis selon les
équipes et les secteurs respectifs. « Kosumba na
secteur » (Faire excrément dans le secteur). L'expression
traduit le « disappro » où le
« millième » que les policiers font dans le secteur
d'autres coéquipiers. L'acte posé, ils regagnent leur secteur
pour que ces retombées pèsent sur les autres. C'est dans ce
contexte que les policiers parlent de la violation du secteur. Celle-ci est une
stratégie utilisée par les policiers qui abandonnent leur secteur
lorsqu'ils le trouvent non rentable par l'absence des
« gibiers » (populaiton) puisqu'il s'agit de la chasse, pas
d'animaux, mais de « un-quatre » populaiton civile. Ils
transgressent les consignes et pénètrent dans d'autres secteurs
pour y opérer et passer inaperçus.
« C'est le cas de l'équipe de
« LONGO » qui avait abandonné son secteur au profit
d'un autre secteur. LONGO et son équipe interceptèrent un papa
qui venait tardivement de son travail. Après la fouille de Mr.
« YOLAMA », 100 $ U.S. et 18.000 FC que contenaient ses
poches, se retrouvèrent dans celles des policiers qui lui
braquèrent les armes en l'intimant de disparaître. Nuitamment, il
contacta par téléphone le commandant ville et le matin, on
arrêta d'abord les policiers du secteur où se passa l'acte.
« YOLAMA » n'en reconnaît aucun. En lui
présentant toutes les équipes, il reconnu
« LONGO » et l'équipe fut sanctionné et la
somme restituée à la victime ».
6° L'
« infracata provoquée ou similée »
L' « infracata » est la déformation
du concept « infraction ». L' « infracata
provoquée » désigne l'infraction forcée. Selon
les données du terrain, lorsque les policiers sont dans le
« mawindo », le « bokila » (la chasse)
ici la patrouille, ils provoquent parfois les infractions pour incriminer la
personne cible. L' « infracata » consiste à placer
subtilement une cartouche ou douille ou encore « une boule du
chanvre » dans l'une des poches ou le sac à main de la
personne ciblée en vue de l'incriminer comme détenteur des effets
militaires (douille ou du chanvre). Ils en profitent pour les
« treizer ».
Ces actes paraissent anormaux pour ceux qui oublient de les
placer dans leur contexte. En les y contextualisant, ils sont censés et
normaux. A cet effet, lors de nos différentes entrevues avec les
policiers, nous avons aussi voulu savoir comment ils perçoivent ces
actes.
1.3.2. « Lorsque
nous pensons à toutes ces souffrances, il nous arrive à oublier
le devoir de protéger la population »
La patrouille est une opportunité pour les
« APJ » de se transformer en
« justiciers » appelés « OPJ
debout ». Ainsi, les « prostituées » ne
sont-elles pas arrêtées pour « vagabondage »
et peuvent être amenées parfois à accepter un commerce
sexuel à titre de « caution » ou d'amende
transactionnelle.
Il ressort des entretiens la synthèse suivante :
« Nous sommes mal payés, nous n'avons pas
de solde, mais une prime de 15.000 FC, comment pouvons nous assurer la survie.
Nous passons la nuit dehors sous le froid et la pluie pendant que les autres
dorment tranquillement avec leurs épouses. Nous assumons leur
sécurité contre les voleurs et les
« criminels » à mains armées. Pendant la
patrouille, nous accompagnons certains jusqu'à leur domicile pour les
sécuriser. Il nous arrive qu'ils nous traitent de mendiants, des
pauvres, des sangsues et des voleurs puisque nous leur demandons du
« café ou de la cigarette » (argent pour la survie)
que nous appelons relation publique, lorsque nous pensons à toutes ces
souffrances, il nous arrivent à oublier que nous devons protéger
la population et ses biens. Après Dieu au ciel, c'est nous
« l'Etat » sur la terre. Nous sommes les gardiens de
« un-quatre » et ses biens. En tant que gardiens, leurs
biens et leurs épouses nous appartiennent. C'est pourquoi, quand nous
pensons à cela, nous recourons au « disappro » pour
récupérer nos biens que la population garde pour nous et le
« millième » parce que leurs épouses sont les
nôtres que le « un-quatre » dispose provisoirement.
« Nzambe na likolo, ba yanke na nse » (Dieu dans le ciel,
et nous sur la terre). Nous sommes les « mibali » les
hommes virils. Que la popultion se souvienne des pillages qu'à connus
notre pays au début de la dernière décennie. Ce propos,
conforme bel et bien que nous sommes maîtres du terrain et par
conséquent, les biens des personnes et leurs femmes nous
appartiennent. »
Voilà au moins présentés et
expliqués la médaille et le revers de la pratique de l'
« OPJ debout » dans la perspective contextuelle
policière tels vécus et perçus par les acteurs
eux-mêmes.
Ainsi, la police apparaît-elle comme une organisation
aux règles contraignantes et aux tâches multiples induisant la
rotation des acteurs et services ; la rigidité et le
caractère contraignant des règles incitent leur transgression.
C'est en assurant la garde au poste de police, en exécutant le
« mawindo ou le bokila » (patrouille), en
luttant contre le marché pirate, en assumant la discipline populaire au
stade, en faisant tournée et en assurant le piquet que les
« APJ » se transforment en « OPJ
debout » pour agir en « Kundelpain » (en
tapinois) c'est-à-dire dans l'ombre.
II. LES DIFFERENTES
SUBSTITUTIONS DE L' « APJ »
L'Agent de Police Judiciaire n'est pas un sujet passif qui se
conformerait comme un automate ou un « robot » aux
règles préalablement prescrites par l'organisation
policière. Il s'affirme et se comporte en sujet actif qui analyse les
règles de l'organisation, les jauge pour les discerner en se
référant à son point de vue, son expérience, son
histoire et ses différents projets. C'est un acteur social.
C'est dans cette optique qu'il se substitue à l'
« OPJ » pour se définir comme « OPJ
debout », au « magistrat », au
« juge » et pourquoi pas au
« législateur ». C'est ici où nous faisons
allusion à la recherche de NSAMBAY KAMBAMBA lorsqu'il décrit les
visages pénaux de la police en présentant les différentes
facettes de l' « OPJ » dans son travail judiciaire.
(2006 : 53 - 54)
L' « APJ » s'intéresse moins
à la qualité et à la compétence, c'est le
résultat qui compte pour lui. C'est dans cette optique qu'il se comporte
en acteur social et s'institue ou se substitue en tant qu'instance du pouvoir,
aux différentes autorités des instances judiciaires.
2.1. « APJ substitut
de l'OPJ »
L'article 14 de la loi n°81-003 dispose qu'avant d'entrer
en fonction, l'Agent de Police Judiciaire est tenu de prêter le serment
suivant :
« je jure fidélité au
Président de la République, obéissance à la
constitution et aux lois de la République Démocratique du
Congo » (KAKESSE E. et MBOMBA C., 2006 : 10)
Malgré ce serment, l'APJ le foule à ses pieds
selon son discernement et son point de vue pour s'instituer en
« OPJ »appelé
« OPJ debout » ou substitut de l'
« OPJ » dans la pratique de l'ombre. Beaucoup de cas ont
été étayés à travers cette recherche. A
partir de l'introduction, le cas de Mr. HO ! LALA contre Mr. SANTOS, le
sujet grec et transporteur de l'axe Lubumbashi-Kasenga a été
présenté pour illustrer la pratique de l' « OPJ
debout ». D'ailleurs, c'est cette pratique qui constitue le point
focal de cette recherche dont son illustration est présentée sous
toutes ses formes ou facettes selon les limites de notre connaissance.
Toutefois, ce n'est pas la substitution qui nous
intéresse, mais plutôt le résultat de la pratique
régulatoire qui se manifeste par la recherche de l'harmonie
sociétale. Celle-ci constitue pour nous l'essentiel de la pratique dans
le cadre de l'innovation et de la créativité de la pratique de
régulation sociale non prescrite. C'est l'essentiel qui répond
à la finalité de la justice : la recherche de l'harmonie, la
paix et la tranquillité dans la communauté humaine.
2.2.
« APJ magistrat »
Il ressort de cette recherche que l'OPJ, dans son exercice du
travail judiciaire, agit en acteur social pour aller au-delà de ce qui
lui est prescrit et s'érige au niveau du magistrat.
L' « OPJ » oeuvre dans le monde judiciaire par les
dispositions de la loi organique, celles du code de procédure
pénale et de l'ordonnance n°78/289 du 3 juillet 1978 relative
à l'attribution et à l'exercice des fonctions d'OPJ près
les juridictions de droit commun. (MUSEMA NGANGURA C., 2003 : 77-78)
Par ailleurs, à titre de rappel, avant d'exercer ses
fonctions d' « OPJ », il est tenu à prêter le
serment suivant devant le Procureur de la République de son
ressort :
« je jure fidélité au Président
de la République, obéissance à la Constitution et aux lois
de la République Démocratique du Congo, de remplir
fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d'en rendre
loyalement compte à l'OMP (KAKESSE E. e t MBOMBA C., 2006 : 10)
Nous avons pu dénombrer dans le deuxième
chapitre comment l' « OPJ » transforme les affaires
« un-quatre » en affaire pénale et vice-versa. Il
s'agit des lois des « autres » non contextualisées
et inadaptées que l' « OPJ » tente de
réaménager en vue de l'adaptation contextuelle et
situationnelle.
A ce sujet, il ressort des entretiens ce qui suit :
« Que voulez-vous que je fasse ? s'exclame
l' « OPJ ». Un impliqué qui a une dette de 1000 $ et
disparaît dans la nature. Deux ans après, il
réapparaît. Sa fuite étant à craindre. Le plaignant
se saisit de lui et l'achemine à l'office : « mukimwache
tamoneya wapi ?» (si vous le laissez, je le verrai où ?)
puisqu'il a disparu pendant deux ans. Mon commandant, vous l'arrêtez pour
qu'il me remette dans mes droits et que vous bénéficiez aussi de
votre part pour le service rendu. L' »OPJ » s'investit,
arrête le concerné et l'oblige à s'acquitter. Il arrive que
sa famille intervient, verse la moitié du montant et laisse les biens de
valeur en gage. Ne voyez-vous pas qu'en agissant ainsi, je remets la victime
dans ses droits et les deux parties sont satisfaites et je contribue à
l'harmonie sociétale, conclut l'OPJ. »
Par ailleurs, au lieu de rendre compte loyalement de ses
activités judiciaires à l'officier du ministère public
conformément à la procédure, il clôture certains
dossiers à son niveau sans lui rendre compte.
Quoique l'article 9 du code de procédure pénale
lui reconnaît le pouvoir de proposer à l'impliqué l'amende
transactionnelle pour mettre fin à sa poursuite judiciaire, il
appartient au magistrat qui en dernier instance d'examiner l'opportunité
ou non de poursuite judiciaire. Cependant, dans la pratique, il clôture
le dossier et met fin à la poursuite judiciaire.
En effet, c'est le Ministère Public qui en
dernière instance décide de l'opportunité ou non de
poursuite, mais l'OPJ s'investit pour mettre fin aux poursuites judiciaires
sans tenir compte du fait que l'officier du Ministère Public peut
décider autrement.
Si l'OPJ assermenté se substitue en magistrat en
s'arrogeant de son pouvoir qu'il exerce au niveau de la police, l'APJ
s'investissant en « OPJ debout » s'institue
également en magistrat dans ce sens qu'après arrangement à
l'amiable, il érige un barrage contre la poursuite judiciaire. La
pratique exclut la peine puisque l'acteur n'a pas de cachot ni de prison. La
réussite de sa mission (arrangement à l'amiable) bloque
automatiquement la voie d'entrée dans le système pénal,
à moins qu'il y ait rebondissement.
L'essentiel de la pratique rentre ou répond aussi d'une
manière tacite à l'esprit du législateur qui, selon la
disposition de l'article 9 du code de procédure pénale
présentant la possibilité de clôturer certains dossiers au
niveau de la police et du tribunal par l'amende transactionnelle, avait voulu
désencombrer les tribunaux, éviter certains ennuis ainsi que la
discrimination aux impliqués et surtout éviter la charge
publique.
Ainsi, l' « OPJ debout et OPJ
assermenté » vont au-delà de l'article 9 alinéa
5 du décret du 6 août 1959 qui énonce que l'action publique
est éteinte, à moins que le ministère public en
décide autrement. Ce tandem d' « OPJ » se
reconnaît ce pouvoir de décider sur le sort de l'action publique.
C'est dans cette perspective que dans la pratique du travail judiciaire, ces
deux acteurs se substituent en magistrat.
2.3. « APJ
juge »
Seul, le juge a la qualité, la compétence et la
prérogative de « criminalisation » d'un
impliqué. Les données empiriques montrent le controverse. La
criminalisation n'est pas l'apanage du seul juge, l'APJ et l'OPJ sur terrain
jouissent aussi de ce privilège. Les différents cas illustratifs
exposés à travers cette recherche montrent bel et bien comment
ces acteurs régulent les différents conflits aux situations
problèmes.
Dans leur démarche ou procédure juridique l'
« APJ » et l' « OPJ » tranchent les
différents conflits, incriminent les faits, déterminent la
culpabilité de chaque personne impliquée, les modes de
réparation des dommages causés s'il y en a, trouvent le compromis
et clôturent les différents dossiers à leur niveau. Ainsi,
font-ils leur, la compétence du juge pénal qui est le seul
habilité d'établir la culpabilité et de criminaliser
l'impliqué ou l'acquitter.
En outre, ils transigent même les faits pour lesquels
la loi n'autorise pas à l' « OPJ » encore moins
au magistrat, de proposer le paiement des amendes transactionnelles aux
impliqués puisqu'elle prévoit pour ces faits une peine de
servitude pénale cumulée sans alternative.
C'est le cas de « muviolo » et
« avortement », la loi ne prévoit pas d'amende.
Seule la peine de servitude pénale doit être d'application. Nous
avons pu démontrer comment l' « OPJ debout »
comme l' « OPJ assermenté » ont dans l'ombre, la
grande manoeuvre de clôturer le cas de « muviolo »
à leur niveau ; tout dépend des enjeux des acteurs. Ainsi,
ils se substituent en « juge ». Il en est de même de
l'avortement et bien d'autres faits dont la loi ne prévoit pas d'amende
transactionnelle.
Du reste, seul le « juge » est
habilité selon la procédure, de trancher les affaires
« un-quatre ».
S'il y a des juges « un-quatre (civiles), on les
trouve à la police. La police reçoit beaucoup de
« dossiers » ou problèmes à caractère
« un-quatre » et les régulent le plus rapidement et
souvent de manière satisfaisante. Ainsi, ces acteurs s'arrogent de cette
compétence. C'est pourquoi ils se substituent en « APJ et OPJ
juge ».
Njanja est une cellule du quartier Kafubu où les
activités commerciales sont florissantes ; il alimente le
sous-commissariat des affaires civiles telles que les dettes et les conflits de
bail. Et la plupart de ces problèmes sont régulés sur
place.
Ce n'est pas seulement pour raison d'ignorance que beaucoup de
personnes se rendent à la police pour les affaires
« un-quatre ». C'est aussi pour raison d'efficacité
puisqu'elles y trouvent solution, mais aussi évitent le tribunal pour
raison des frais élevés qui constituent l'obstacle
d'accès. C'est à titre de rappel puisque cet aspect a
été développé largement dans le deuxième
chapitre.
Si les personnes trouvent parfois des solutions à leurs
problèmes civiles ou pénaux. Comment se fait-il que la police ne
puisse pas aussi jouer ce rôle d'intermédiaire pour la recherche
de l'harmonie au cas où les parties n'arrivent pas elles-mêmes
à régler leurs conflits ?
2.4. « APJ
législateur »
La recherche montre que les policiers agissent en acteurs
sociaux, transforment certaines lois pénales et civiles ou
« un-quatre » et vice versa selon les enjeux des acteurs en
présence susceptibles d'orienter l'issue du conflit entre les parties en
déterminant d'autres modes de régulations que pénales. Les
policiers, « OPJ et APJ » adaptent les lois des
« autres », les contextualisent et en innovent d'autres que
pour les comprendre, il faut les restituer dans les logiques, le sens et les
représentations qu'ils s'en font.
Ils transforment les lois « civiles » en
lois pénales dans les conflits de location des maisons, des dettes et de
mariage. Il suffit qu'un mari déserte son toit conjugal pour au moins un
mois, la police lui colle l'étiquette « d'abandon de
famille » sans que le tribunal ne soit saisi de l'acte. Et le fait
est sanctionné par l'amende.
Ils les adaptent selon le contexte et les enjeux de deux
parties en conflit. C'est dans cette ligne de pensée que nous avons
évoqué le cas d'un impliqué qui avait une dette de 1000 $
et qui avait disparu pendant deux mois... Reparaissant, le
« plaignant » l'a acheminé à la police
où l'OPJ, placé dans ce contexte, a transformé la
« dette en « abus de confiance »
c'est-à-dire, de la décriminalisation à l'incrimination.
Jouant son rôle de médiateur ou d'intermédiaire, il a fini
par clôturer le problème par un arrangement. Ainsi, le civil est
sanctionné par le pénal, l'amende transactionnelle.
Parlant de l'amende transactionnelle, la notion a
évolué dans la pratique. Il y a innovation fruit de la
créativité liée à la logique de
précarité. Elle n'est plus perçue seulement en
liquidité, mais aussi et fréquemment en nature. En nature, les
acteurs exigent la perception des biens de valeur à titre de gage pour
la garantie d'un payement proche ou à titre définitive. Une autre
innovation concernant la sanction, c'est le commerce sexuel qui peut être
utilisé quelquefois à titre de « caution » ou
d'amende transactionnelle.
Il n'y a pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs
sociaux en produisent aussi. (KIENGEKIENGE R., 2005 : 31) Monsieur KABILA
qui rentrait chez lui nuitamment, fut intercepté par les patrouilleurs
dans leur « mawindo » ou « bokila » (la
chasse, ici la patrouille) et fut « disapronné ».
Les policiers l'ont criminalisé pour « heure
tardive ». Se promener tardivement est érigé en
« infraction » et est sanctionné par l'amende, le
gage à titre définitif puisque c'est dans la chasse.
« Bya mu patrouille, bineshiyaka paka mu patrouille » (le
butin se partage toujours dans la chasse). Aussi, le cas exceptionnel et
isolé le « commerce sexuel » peut servir
d'amende.
Ainsi, une simple « suspicion » est
érigée en « infraction ». Heure tardive
s'accompagne souvent de « suspicion » ; la notion
d'heure tardive est floue et imprécise. Elle est aussi relative et
commence entre 21 : 000 et minuit selon les acteurs et le secteur à
patrouiller. Dans un quartier où les gens dorment tôt, l'heure
tardive est perçue tôt c'est-à-dire à partir de
21 : 00. Dans un quartier animé où les gens se couchent
tard, elle est aussi prolongée et devient élastique et
débute vers minuit et au-delà.
L'infraction provoquée », c'est le
« treize » provoqué volontairement. Les policiers se
promènent parfois avec les boules de « noix »
« Djamba » « bangi » « boule,
« best » (meilleur)... différentes appellations du
chanvre. Pendant la patrouille, les policiers ciblent la personne qui a
l'argent ou les biens de valeur. Pendant qu'ils la fouillent, l'un d'eux glisse
subtilement une boule du chanvre dans l'une de ses poches pour la brandir et
incriminer la personne. Ils en profitent pour transiger en visant une grande
somme.
Les contraventions routières sont criminalisées
et leurs auteurs incriminés. C'est le champ des policiers où ils
récoltent. Elles constituent aussi les cibles de leur chasse. Selon les
entrevues, pendant la patrouille, les policiers sont à la recherche des
véhicules qui roulent sans phares, le monophare, les motos ou les
vélos sans phare.
Ils opèrent souvent dans les environs des buvettes ou
bars où ils peuvent être en contact avec le « un
quatre ». Parfois, ils tendent le filet où tombent les
personnes ivres et les prostituées. Celles-ci tombent sous le coup de
« vagabondages » dont la liberté peut être
obtenue par le « millième ».
Un jeune homme et une jeune fille trouvés seuls pendant
les heures tardives dans le contexte policier, à un endroit obscur et
isolé, tombent sous le coup d' « attentat à la
pudeur » qui est aussi sanctionné par le
« dix-vingt-cinq » (l'argent).
Voilà montré selon les limites des
données de notre investigation comment les policiers innovent, adaptent
et transforment les normes selon leur point de vue, leur discernement, leur
expérience et leur histoire et projets propres. Ce qui est positif et
essentiel, c'est la recherche de l'harmonie entre les parties en conflit.
2.5. « APJ
dépénaliste »
Il apparaît à travers cette recherche que
l' « APJ » substitut de l' « OPJ »
appelé « OPJ debout » sanctionne aussi certains
faits par les amendes transactionnelles que nous avons appelés
« milambu ». Cependant, il demeure
dépénaliste quoi qu'en pratique il montre à chaque partie
impliqué sa part d'incrimination. Il demeure dépénaliste
puisque mû par le gain, il a tout intérêt à
négocier, à travers un terrain d'entente entre les parties. Il
tient compte aussi de la réparation et cherche à satisfaire la
victime, mais aussi l'impliqué en lui présentant le mauvais
côté du système pénal, le cachot, la prison et les
dépenses y afférentes et l'amène ainsi à un
arrangement à l'amiable et l'évite ainsi la voie de servitude
pénale. L'échec de l'arrangement ouvre la piste du pénal
par le cours normal de l'affaire.
Du reste, il n'a pas de cachot, quoiqu'il en soit gardien. Il
lui arrive aussi en tant qu'instance du pouvoir, de libérer une de
personne en détention. Nous l'avons montré en parlant de la
policière restée seule avec l'impliquée qui n'attendait
qu'à payer l'amende. Il libéra à sa manière et fut
sanctionnée de 48 heures d'amigo (mabuso, cachot).
2.6. « APJ
l'Etat »
L'APJ ne se substitue pas seulement à
l' « OPJ », au « magistrat », au
« juge » et au « législateur »
mais aussi à l' « Etat ». L'APJ devient une
institution puisqu'il s'institue à l'Etat. Il se paie lui-même en
se distribuant. Sur terrain, cet aspect se manifeste par le discours tels
que : « we djo l'Etat, witukatiye mambo »
(c'est vous l'Etat, tranchez ce conflit ». la police est aussi
« l'Etat » « Tunakuya ku l'Etat
etupataniche » (nous venons à l'Etat pour qu'il nous
réconcilie).
L'APJ s'institue en institution policière :
« we djo police, kata mambo » (vous êtes la
police, tranchez le problème). L'APJ est divinisé :
« mwe ndjo ba mungu ba pa dunia, tunakuya mwitusaidiye ku mambo
yetu inetupita kipimo » (vous êtes de Dieu sur la terre,
nous venons pour nous aider à décanter notre problème que
nous avons été incapables de réguler.).
« Kisha mungu, ni mweye l'Etat » (après
Dieu, c'est vous l'Etat). La police est un pouvoir après celui de Dieu).
Il y a séparation entre Dieu et l'homme. Les policiers eux-mêmes
chantent : « Nzambe na likoko, ba yankes na
nse » (Dieu dans le ciel, les policiers sur la
terre ». Les policiers s'affirment en maître du terrain.
L'APJ va au-delà de l'institution pour s'instituer
à la loi. En cas de flagrance, l'APJ s'exprime en ces
termes : « miye ndjo l'Etat,
minakufunga ». je suis l'Etat, je vous arrête ; il
arrête la personne pour la « treizer » à son
nom et non à celui de la loi.
III. LES OPPOSITIONS
BINAIRES
3.1. « OPJ et
« APJ »
C'est la manière de travailler de l'OPJ qui induit la
pratique de l' « OPJ debout ». L'APJ travaille sous la
supervision de l' « OPJ ». Celui-là est l'instrument
de celui-ci pour la « treizalité » (capitalisation).
Par manque de distribution, l'APJ se décolonise et s'institue en
« OPJ debout pour travailler à son propre compte et à
l'insu de l'OPJ qui l'envoie exécuter les différentes missions
judiciaires. Ainsi, les conflits peuvent naître entre ces deux acteurs.
Il n'est que situationnel. C'est-à-dire il peut s'actualiser, se
manifester ou se potentialiser selon le degré de distribution. Plus la
distribution est élevée, plus la participation est active. Moins
l'APJ est distribué, moins il participe au pouvoir de l'OPJ. Absence de
redistribution implique la non participation. Toutefois, l'APJ peut participer
pour conquérir la confiance et avoir l'opportunité de
« treizer » prochainement. Et dans ce cas, il a le pouvoir
tacite de l'OPJ qui ferme les yeux puisqu'il sait qu'il s`agit d'un agent de
confiance.
L'aspect relationnel entre les deux acteurs, sera approfondi
lorsque nous aborderons le rapport de forces entre ces deux acteurs.
3.2.
« Oralité » et
« écrit »
Dans la pratique de l'
« OPJ debout », l'oralité est un substitut
fonctionnel de l'écrit. L'oralité traduit les normes
coutumières qui sont valorisées par l'
« OPJ debout » à l'antipode du droit
écrit qui représente le droit pénal et procédure
pénale que Raoul KIENGEKIENGE nomme « la loi des autres qui
est imposée et inadaptée et non
contextualisée ». (2005 : 33)
L' « OPJ debout » dans sa manière
de rendre justice, se réfère d'abord à la loi des autres
(cadre juridique) pour qualifier les faits. Par après, il recourt
à d'autres recettes autres que ce droit pour les réguler. C'est
ainsi que la norme pénale est une loi parmi tant d'autres. (2005 :
38)
Si l' « OPJ assermenté recourt à
l'audition écrite, l' « OPJ debout » la substitue
par l'audition verbale puisqu'il n'a ni bureau, ni stylo, ni papier. C'est
comme la scène de l'arbre à palabre. Par contre, l' `OPJ
assermenté » a comme arme efficace, son
« procès-verbal » qui est un document de
référence en cas de rebondissement du dossier. C'est avec cette
arme qu'il se défend à l'auditorat en cas d'interpellation.
Ce document appelé
« procès-verbal » contraste avec sa
désignation « verbale ». Au lieu d'être
verbal, il est plutôt écrit. Il a connu cette déformation
à l'époque où ceux qui venaient déposer une
quelconque déclaration ne savaient pas écrire, ils le faisaient
verbalement et c'est le scribe, un prêtre ou une personne lettrée
qui se chargeait d'écrire ce
« procès-verbal ». Celui-ci étant
destiné à la justice et pour le distinguer d'autres documents, il
mentionnait au dessus le terme « pro-Justitia »
c'est-à-dire pour la justice (René ABINDI AGNETO, 2006 :
68).
En effet, le problème de fixation se pose avec
acuité. L'oralité peut se fixer par les chansons populaires, les
proverbes, les devinettes, les proverbes, les adages... Les connaissances
orales se transmettent de génération à
génération. Un vieil homme qui meurt, c'est toute une
bibliothèque qui disparaît. Cet aspect fait que l'écrit
présente un avantage de conservation des faits et s'impose quant
à la fixation. Ne dit-on pas que « les paroles s'envolent et
les écrits restent ».
Ainsi, dans la pratique de l' « OPJ
debout », il a été constaté que la coutume se
substitue à la loi, la norme sociale à la norme juridique,
l'audition verbale à l'audition écrite.
3.3. « La norme
sociale » et « la norme juridique »
La norme sociale a un caractère général,
non contraignant et non répressif. Elle a une dimension plus large que
la norme juridique. Celle-ci est contraignante impérative, impersonnelle
et répressive. La norme sociale trace une ligne de conduite dont la
sanction peut être une désapprobation de l'acte. Tandis que la
norme juridique impose une sanction pénale.
Si l' « OPJ assermenté a la latitude de
recourir à la fois à la norme juridique pour réprimer et
la norme sociale pour l'arrangement à l'amiable, l' « OPJ
debout » quant à loi, écarte la peine et recourt
à la norme sociale pour imposer la sanction non pénale et se
limite à l'amende transactionnelle.
3.4. « L'arbre
à palabre et « tribunal »
La logique de l'arrangement à l'amiable s'allie
à l'arbre du palabre comme mode de régulation sociale à
l'antipode du tribunal qui impose les sanctions pénales et criminalise
l'auteur. La visée de l'arbre à palabre est l'arrangement
à l'amiable entre les deux parties en conflit. Il vise l'harmonie de la
société et non la criminalisation. La réparation des faits
y trouve sa place.
Par contre, le tribunal vise la répression de l'auteur
et la victime n'y a pas sa place. Il est centré sur la recherche de la
« culpabilité » et la responsabilité de
l'acte dans le chef de l'auteur. La pratique de l' « OPJ
debout » repose sur l'adage : « vaut mieux un mauvais
arrangement à l'amiable qu'un bon procès. Dans l'arbre à
palabre, les deux parties procurent au « juge » les bananes
ou une calebasse de vin pour la salive gaspillée, l'énergie
perdue et le service rendu. Tandis que le Tribunal impose la peine d'amende ou
de servitude pénale et non aux deux parties, mais à l'auteur de
l' « infracata ».
3.5.
« L'ANORMAL » ET « LE NORMAL »
L'anormalité et la normalité sont deux notions
relatives. Elles varient dans le temps et dans l'espace.
Le port de mini-jupe est normal dans les
sociétés occidentales et anormal dans les sociétés
africaines de jadis. Pour le moment, le port de mini-jupe est devenu normal en
milieu urbain congolais.
La normalité implique la conformité des faits
par rapports aux valeurs d'une société donnée dans le
temps et dans l'espace. Ne dit-on pas, autres temps, autres moeurs.
L'anormalité quant à elle indique l'inversion des valeurs.
Au regard de l'inversion des valeurs, René ABINDI
AGNETO a illustré ce qui suit que nous restituons in extenso :
« Un jour, dit l'auteur, mon fils rentra de
l'école, il trouva sur la route une vieille femme et pauvre qui peinait
sous le fagot de bois qu'elle portait sur sa tête. Pris de pitié,
l'enfant proposa d'aider l'infortunée. Quelle ne fut sa surprise, au
lieu d'accepter, elle cria au voleur « tu veux prendre mon fardeau et
partir avec. »
A nous de stigmatiser : « autres temps, autres
moeurs. »
Que faire aujourd'hui avec cette inversion des
valeurs ?
Tout ce qui était jadis
« normal » est devenu aujourd'hui
« anormal » et vice versa. A l'école, les enfants
donnent de l'argent en lieu et place des travaux manuels : les
élèves, voire les étudiants, achètent la
réussite et sont fiers d'appeler cela coopération ou
« coop » tout court. A l'hôpital, ni l'infirmier, ni
le médecin, personne ne sait s'occuper d'un malade, même sur le
point de mourir, si l'argent n'est déboursé d'avance. Dans les
bureaux de l'Etat et dans l'administration publique, l'on ne peut avoir un
document si l'on ne glisse pas les pattes de l'huissier jusqu'au directeur. A
la police comme à la justice, la simple convocation ou le mandat ne peut
s'octroyer sans paiement et l'on ne peut gagner le procès sans
casquer. » (2006 : 23)
Il se passe que le « normal » devient
« anormal » et vice-versa. Il en est de même de la
pratique de l'OPJ debout ». Elle est anormale pour ceux qui oublient
ou ne savent la contextualiser dans les logiques, les sens et les
représentations des acteurs. En restituant la pratique dans son
contexte, elle est censée normale.
A ce propos, LITTREL, sous la plume de LANDREVILLE P., et al a
eu le mérite de démontrer que : « ce
déplacement de valeurs a amené un déplacement de
pouvoir : les personnes clés du système judiciaire ne sont
plus les juges, mais les procureurs et les policiers. En d'autres mots, ceux
autour de qui se joue la négociation de culpabilité et de
sentence ». (1986 : 2)
3.6.
« DÉTENTION » ET « LIBERTÉ
La liberté est un principe et la détention se
veut une exception. Si l' « OPJ » utilise les deux notions,
l' « APJ » qui s'institue en « OPJ »,
sa pratique exclut la détention ou la « garde à
vue » puisqu'il n'a pas de cachot, par contre, elle repose sur le
principe de liberté.
La détention et la liberté s'opposent. Pour
réparer, il faut que l'auteur ou l'impliqué soit libre de
mouvement puisque le conflit peut surgir au moment où il est
dépourvu. Il lui faut du temps, dans cette vie de
précarité, pour se débrouiller en vue de répondre
aux exigences matérielles qu'implique la réparation. Si
l'impliqué est incarcéré, il ne saura pas réparer.
D'où la détention obnule, obscurcit ou handicape le processus de
réparation. C'est pourquoi, l'impliqué, comme nous l'avons dit en
faisant allusion à la recherche de GABY KABUYA, a du poids sur le
dossier lorsque la partie victime exige la réparation. C'est dans ce
contexte qu'il a écrit : l'auteur ou le coupable a aussi le
pouvoir qui fait que la victime et le plaignant retire sa plainte.
(2006 : 44)
3.7. « LE
UN-QUATRE » ET « LE PÉNAL »
Le « un-quatre » induit la
réparation et exclut la sanction pénale. Par contre, le
« pénal » est répressif et exclut la
réparation. L' « OPJ » assermenté »
utilise les deux voies et peut les transformer, les modifier et les adapter
selon les enjeux des acteurs (justiciables). L' « OPJ
debout » brandit le « pénal » en
présentant sa face répressive à éviter pour
persuader les impliqués à négocier. Sa pratique exclut le
pénal puisqu'elle est non répressive et mise sur l'arrangement
à l'amiable à l'image de l'arbre à palabre. Et l'argent
qu'il perçoit de deux parties symbolise le
« makonde » (les bananes) et le
« malevu » (vin de palme) en guise de reconnaissance pour
le service rendu.
3.8.
« POLICE » ET « ARMÉE »
La police est un corps organisé qui a pour
finalité la protection des personnes et leurs biens. En dehors de cette
mission essentielle, ce corps s'érige en organe de contrôle
social. La police est une instance de régulation sociale. Par contre
l'armée a pour but essentiel, l'assurance de l'intégrité
territoriale qu'elle est appelée à défendre. C'est dans ce
contexte que les militaires sous le drapeau, hypothèque leur sang pour
la défense du territoire.
La police joue également ce rôle. C'est elle qui
est la première force d'intervention en cas d'agression. Son
intervention est de freiner la progression de l'ennemi en attendant le renfort
de la force armée. Pour la police, la population n'est pas un ennemi,
mais plutôt un adversaire. C'est pourquoi, l'usage d'arme à feu ne
peut être exécuté que dans le cas de
nécessité absolue, telle que la légitime défense
dont la riposte doit être proportionnelle à l'attaque. Pour
l'armée, c'est une logique contraire. La population pour elle n'est pas
adversaire, mais un ennemi potentiel. Il suffit qu'elle se rebelle,
l'armée l'anéantit par la tuerie.
La Police Nationale Congolaise comme force est
militarisée. Elle a en son sein les éléments issus de
toutes les forces armées qu'a connues notre pays depuis la Force
Publique jusqu'à la Force Armée Zaïroise
démantelée par les « Kadogo ». En plus de
cette dernière force, elle enregistre aussi les éléments
de toutes les forces de résistances ou « milices »
issues de deux dernières guerres à savoir, celle de
libération dirigée par L.D. KABILA et celle d'agression
Rwando-Burundaise et Ougandaise. Ce n'est qu'un rappel puisque la police
militarisée a été traitée en détail dans le
premier chapitre dans la partie concernant la mise en contexte de l'objet de
cette recherche et plus précisément le point qui expose le
contexte historique de la police.
3.9.
« CONNAISSANCE » ET « IGNORANCE »
L'adage selon lequel « nul n'est censé
ignorer la loi » laisse entendre que tout le monde la
connaît pour veiller à son respect. Cependant, sur terrain, c'est
le contraire qui se manifeste. Les services de vulgarisation ont une grande
tâche de s'acquitter de leur devoir qui reste encore loin d'être
réalisé. Une autre difficulté est celle liée
à une mosaïque linguistique des populations congolaises. Plus de
400 dialectes que contient le pays, il faut un personnel qualifié,
diversifié, et multiple. C'est une tâche qui implique des moyens
financiers et matériels énormes. La vulgarisation de la loi reste
encore un grand défi et une piste de recherche ultérieure.
L'ignorance de la population fait que les principes de justice
et à l'occurrence celui qui stipule : « nul n'est
censé ignorer la loi » s'appliquent difficilement pour
une population non avisée et non sensibilisée. A ce sujet Jean
Didier KALOMBO précise :
« Nul n'est censé ignorer la loi ne
signifie rien pour des personnes diminuées par la famine, le manque
d'emploi et d'infrastructures convenables et appropriées »
(2006 : 28)
IV. LES « ATOUTS
ET LES BOULES » MOBILISES PAR LES POLICIERS « APJ -
OPJ »
Les atouts constituent les manoeuvres ou les ressources tandis
que les « Boules » traduisent les stratégies.
4.1. LES
« ATOUTS »
L' « OPJ » dans le cadre de son travail
judiciaire, mobilise d'abord le cadre juridique c'est-à-dire, la loi et
la procédure pénales. C'est la loi des
« autres » qui lui permet de qualifier les faits en vue
d'incriminer les impliqués. Ce cadre juridique est un atout persuasif
par son caractère répressif. La menace de la peine pèse
sur les impliqués et les amènent à la négociation
pour que le dossier se clôture à la police.
Mobilisant ce cadre, il recourt aux normes sociales voire
aussi religieuses pour réguler les conflits. L'
« OPJ » comme « APJ » se substituent en
« pasteur » pour prodiguer des conseils, amener la partie
plaignante à accorder le pardon au concerné. Enfin, une fois la
réconciliation terminée, il se déshabille de la soutane
pastorale pour porter la toge du juge en sanctionnant les impliqués par
l'amende transactionnelle. C'est ainsi qu'à défaut de l'amende,
l'OPJ sollicite les biens à gager, sinon, il recourt à
l' « amigo » cachot qui est un instrument de
« treizabilité ».
Mobilisant ces deux cadres (normes juridiques et sociales), il
a la manoeuvre selon les enjeux en présence, de transformer le
« un-quatre » en pénal et vice versa.
Quant à l' « APJ », c'est celui qui
arrête les impliqués et les achemine à l'
« OPJ » pour l'audition. Il participe à toute la
scène de traitement de dossier. Il arrive aussi que
l' « OPJ » lui demande conseil. Lorsqu'il ne trouve
pas son compte, il applique dans l'ombre la fonction de l'
« OPJ » parce qu'il en a l'expérience. C'est dans ce
cadre qu'il est appelé « OPJ debout ». Il s'investit
non pas seulement en « OPJ » mais aussi selon les
circonstances en « magistrat » parce qu'il s'estime
maître du terrain et de l'action publique, en « juge de
paix » par son caractère conciliatif ou de médiateur,
en « législateur » parce qu'il invente aussi ses
propres lois, en « Etat » puisqu'il s'institue à la
police qui est le miroir de l'Etat, aussi, il se paie lui-même à
partir des différentes perceptions découlant de sa pratique.
Les deux acteurs font la campagne contre les instances
judiciaires, à l'occurrence le Parquet et le Tribunal en
présentant leur faille et le risque de perte d'argent et de temps pour
les deux parties. Pour l'auteur, il a le risque d'être
étiqueté « délinquant » et
d'être condamné. Pour le requérant de la justice, l'
« OPJ » comme l' « APJ » évoque
les dépenses en argent et en temps, ainsi que les pesants ou les
méandres de la justice.
A propos des méandres de la justice VINKE Pierre
indique ce qui suit :
« la justice est pauvre, la population est
pauvre. Le coût de la justice pour un citoyen est inabordable et la
pauvreté du système lui-même est abyssale »
(2006 : 21)
Pour renchérir cette réflexion, la pensée
de Jean Didier KALOMBO tombe à point en stigmatisant ce qui
suit :
« la justice, principe qui exige le respect du
Droit et de l'équité n'est qu'un vain mot pour la population
démunie et affamée » (2006 : 28)
Profitant de l'ignorance et de la pauvreté de la
population, les deux acteurs utilisent l'art de persuasion afin d'amener les
deux parties en conflit sur un terrain d'entente derrière lequel se
trouve implanté le décor de
« treizalité ».
Ainsi, la « treizalité »
appelée aussi « treize »,
« treizage » ou « treizalisation », est
une finalité et l'arrangement à l'amiable ou la
négociation ou encore plus la médiation sont des moyens ou des
ressources pour mieux « treizer » puisque les acteurs se
trouvent dans un contexte de précarité qui guide leur
pratique.
La majorité de la population vit grâce à
l'économie de la débrouille. Elle est appelée à
exercer ces activités chaque jour puisque vivant au taux du jour comme
les policiers. C'est pourquoi, dans ce contexte, la justice est
appliquée et adaptée à chaque circonstance. C'est ainsi
qu'au problème courant, il arrive aussi que les populations proposent
des solutions se substituant à la loi. Il en est de même
concernant la pratique judiciaire par la police.
Au regard de la justice populaire, Jean Didier KALOMBO
illustre ce qui suit :
« Lors du décès d'un conjoint,
l'épouse est toujours traitée de sorcière et perd tous ses
droits. Un voleur une fois arrêté, n'est jamais
présenté devant la justice. C'est la population qui tranche et il
arrive qu'il soit brûlé vif.
Par manque de confiance en la justice et par ignorance, la
population recourt à la justice populaire. La pauvreté favorise
le non respect de la loi « ventre affamé n'a point
d'oreille ». Conclut l'auteur. » (2006 : 29)
4.2. LES
« BOULES »
Les « boules » sont un concept tiré
dans le jargon policier qui traduit les stratégies ou les manèges
que les policiers utilisent dans l'exercice de leur travail. Un stratège
est appelé « bouliste » ou
« raisonneur ». Sur terrain, lorsque le policier est
« bouliste » son supérieur lui dit :
« bomba mayele nayo na poche » (Gardez votre
raisonnement dans la poche). Le subalterne n'a pas droit au raisonnement, c'est
son chef qui raisonne en son lieu et place. Il ne lui reste qu'à
exécuter la décision, or la pratique nous montre le contraire qui
traduit la finesse des APJ.
Pour accentuer cette subalternance, les propos comme celui-ci
est d'usage courant : « soldat azalaka matoyi munene na
miso, kasi azalaka na monoko muke » (les militaires, ici le
policier doit avoir de grandes oreilles pour écouter plus, les yeux
grandement ouvert, pour observer l'entourage et une petite bouche pour parler
peu).
Ceci étant, quelles sont les
« boules » mobilisées par les acteurs ?
4.2.1. Le
« parapluie »
Le parapluie est une couverture mobilisée par les deux
acteurs pour être à l'abri des problèmes. L'
« OPJ debout » peut contourner son chef direct pour
« coopérer » avec le commandant commissariat ou les
autorités supérieures de la police. Il devient intouchable.
Ainsi, toutes les décisions prises contre lui par le commandant en place
sont sans effets puisque contredites et anéanties par l'instance
supérieure.
Il en est de même pour l'OPJ assermenté qui pour
garder son poste qu'il estime rentable, coopère mieux avec ses
supérieurs. La coopération ici doit être entendu dans
l'optique de « treizabilité ». l'OPJ doit savoir
conjugué le verbe manger : « Je mange et nous
mangeons » sinon, il perd son poste. Un OPJ compétent n'est
pas celui qui transfert beaucoup de dossiers au parquet, mais plutôt
celui qui sait les gérer et qui verse à l'instance
supérieure les amendes transactionnelles exigées. En
déférant beaucoup de dossiers sans versement, l'OPJ est
traité d'incompétent.
« Parapluie nayo, inatobokaka »
(le parapluie peut se trouer). Il arrive que le
« souteneur » ou le « porapet » ou
encore mieux la personne protectrice soit mutée. Dans ce cas, le
parapluie est troué et les acteurs s'en procurent toujours dans la haute
sphère de la police. Les acteurs n'ont pas seulement des protecteurs
dans la police, mais aussi et surtout dans les instances judiciaires à
savoir le Parquet et l'Auditorat militaire. Ils établissent même
les réseaux pour mieux se protéger et
« treizer ».
4.2.2. Les
« réseaux protecteurs »
L' « OPJ » dans le monde de son travail
judiciaire est souvent sujet de pression que nous avons appelée
« trafic d'influence ». Pour s'y parer, il établit
des réseaux. S'il a un dossier alléchant (ya mafuta),
dossier avec provision ou dossier « treizable », il recourt
à ses connaissances ou « coopérants »
à l'Auditorat militaire ou au Parquet civil de telle manière que
le dossier ne lui soit pas arraché ou en cas de rebondissement, il a une
couverture de protection.
Pour illustrer ce propos, la restitution empirique suivante
peut nous éclairer et nous édifier :
« Il est midi, un certain jeudi du mois de mars,
au sous-commissariat de Police Kafubu. L'OPJ MUNGOBWAKI vient intervenir pour
le cas de son frère arrêté sur base d'un mandat d'amener
pour abus de confiance. L'impliqué refuse l'arrangement et sollicite le
transfert du dossier au Parquet puisque les produits qu'il a reçus pour
vendre ont été volés à la société
Gécamines. Il se passe que l'impliqué a le désire de
laisser le dossier suivre son cour normal pour que le requérant soit
aussi arrêté pour « vol ». En plus, le
requérant avait sollicité le mandat d'amener auprès de son
cousin qui est magistrat. C'est ainsi que l'OPJ MUNGOBWAKI ayant aussi
plusieurs connaissances au Parquet, sollicite son collègue instructeur
de ce dossier pour qu'il le transfère et entête son jeune
frère à ne pas fléchir et lui rassure de son intervention
au niveau du Parquet ».
Profitant de sa présence pour nous entretenir au regard
de l'objet de cette recherche, il nous dira comment il a crée les
réseaux au niveau du Parquet et de l'auditorat militaire. Chaque fois
qu'il a un dossier rentable comme celui de
« contrefaçon », il recourt à ses
connaissances au niveau des instances précitées et nous relate ce
qui suit :
« Un jour, il a été saisi par
monsieur KATAMBO victime d'escroquerie d'une somme estimée à
14.000 $ par un sujet camerounais en complicité avec un congolais.
Accompagné de son collègue, ils ont tendu le piège
à ces deux impliqués et qui a échoué. Par
téléphone, le rendez-vous était fixé dans un
cabinet au centre ville de Lubumbashi. Par le flair, ces deux impliqués
ne s'étaient pas présentés parce qu'ils avaient pressenti
le « mukwao » (le piège).
Comme ils avaient demandé à monsieur KATAMBO
de leur ajouter encore 16.000 $ U.S. pour qu'ils lui fabriquent une valise des
billets en devise, la victime n'a récolté que 6.000 $ qu'il n'a
pu convertir en Francs Congolais. Un autre rendez-vous était
relancé au carrefour pour verser 6.000 $ et il fallait ajouter 10.000 $.
Le rendez-vous était de nouveau fixé au centre ville. Au lieu que
le camerounais se présente, c'est le congolais qui se présenta.
Il fut arrêté. La population intervint pour protester que cette
arrestation était contraire au droit de l'homme puisque les policiers
lui avaient braqué leurs armes. Les deux OPJ s'expliquèrent
à la population qui désapprouvait l'impliqué qui fut
acheminé à l'office de police. Soumis à un interrogatoire
sous les coups de fouet, il cria : « Beauf, c'est vous qui me
maltraitez ». MUNGOBWAKI le reconnaissant, il fallait chercher les
voies et moyens pour le sauver. Il se rappela qu'une semaine avant cet
événement, il avait été invité pour son
mariage qui a été très pompeux. Il conclut que c'est avec
l'argent escroqué que l'impliqué a organisé son mariage.
L'impliqué lui donna 50 $ U.S. et appela sa femme par
téléphone qui compléta 100 $. Pendant qu'il instruisait le
dossier, deux réquisitions dont l'une de l'Auditorat et l'autre du
parquet, tombèrent sur sa table. Il jugea opportun de contacter
l'Auditeur à qui il relata tous les faits ; la réquisition
avait été amenée par le magistrat militaire qui se rendit
compte qu'il s'agissait des « malfaiteurs ». En connivence
avec l'Auditeur, il lui transféra l'impliqué et trouva dans son
office 6 avocats de la partie impliquée. Le requérant et victime
eut peur, frustré par la présence de 6 toges noires, il se
rétracta et préféra perdre, surtout qu'il venait d'une
ville située à + 350 km de Lubumbashi et qu'il n'avait pas
de soutiens. Deux jours après, l'infortuné fut appelé
à l'Auditorat pour recevoir 130 $.
Ainsi, l'OPJ MUNGOBWAKI conclut-il, l' « OPJ
doit avoir des parapluies au Parquet et à l'Auditorat. Lorsqu'il a un
dossier plausible « ya mafuta » pour qu'il ne glisse pas de
ses mains, il saisit soit le magistrat du Parquet, soit celui de l'Auditorat
selon les enjeux en présence, qui lui fournit une réquisition
comme couverture contre les pressions et l'arrachement du dossier. Une fois
l'affaire « treizée », il donne le rapport ici, le
« dix-ving-cinq » ou l'argent au magistrat intervenant ou
parapluie ou encore « couverture » ou « encore
mieux « protecteur ».
La réquisition sert de couverture, même si
une autre venait sous l'instigation de la partie lésée, il
transfert directement le dossier au magistrat
« protecteur » avec qui il coopère puisqu'il sait
qu'il va y trouver sa part.
Parfois, pour éviter la pression et la tracasserie
de l'Auditorat qui perçoit la police comme son champ de récolte
pour « treizer », il sollicite un mandat d'amener ou une
réquisition auprès de son « magistrat coopérant
ou protecteur ». Dans l'entre temps, il perçoit une somme
colossale de plus de 1000 $ de la part de l'impliqué et se dit :
« je suis OPJ frappeur dans le cadre de l'amende ». Il
envoie le dossier au dit magistrat ainsi que la moitié de la somme
perçue, et à ce niveau l'impliqué trouvera sa
liberté.
Enfin, nous a-t-il confié : je fais
cette pratique plusieurs fois et elle est efficace pour mieux tirer le profit
à travers les dossiers. Je sais conjuguer le verbe manger en partageant
le butin avec les chefs du Parquet ou de l'Auditorat. Il peut même garder
les détenus au-delà de 48 heures puisqu'il sait qu'il ne sera pas
inquiété. »
Cette manière de procéder est une pratique
courante dans le chef des OPJ. Il gèle le pouvoir du contrôle
judiciaire pour mieux gérer les situations conflictuelles dans l'optique
du travail judiciaire. Par leur manière de faire, les OPJ
maîtrisent les autorités chargées de contrôler leurs
activités. Ils affaiblissent leur pouvoir et se protègent
c'est-à-dire se sécurisent. Ce qui est stratégie pour l'
« OPJ », l'est aussi pour l' « APJ »
s'investissant en « OPJ debout ». C'est dans ce
contexte que le pouvoir du magistrat est fragilisé. Il ferme les yeux
dans le cas du contrôle lorsqu'il découvre les détentions
irrégulières ou qui ne cadrent pas avec la loi pénale.
4.2.3. Le
« téléphone » ou
« Kapraza »
Les policiers sont des « boulistes » (les
stratèges). Ils utilisent leurs téléphones pour avoir des
dossiers. Comme ils entrent en contact avec les justiciables ainsi que la
population en général qui demande d'avoir leurs numéros
téléphoniques, et les cas échéants, ils appellent
l'OPJ ou l'APJ pour l'intervention. Le téléphone devient non pas
seulement l'instrument mobilisant les dossiers, mais aussi sert à
« treizer » dans ce sens que l'impliqué gardé
à vue peut recourir au téléphone pour solliciter les siens
à verser les amendes.
Il se passe que le téléphone est aussi
utilisé comme instrument de pression par les supérieurs qui
obligent l'OPJ à libérer immédiatement l'impliqué
sans aucune forme de procès avec toutes les conséquences
possibles. Parmi elles, celle-ci concorde avec les faits :
« Une autorité de la police est
intervenue par téléphone pour que l'OPJ libère les siens.
Obtempérant aux ordres hiérarchiques en vue de sauvegarder son
poste, le requerrant de la justice a saisi l'Auditorat militaire où l'
« OPJ » s'est défendu qu'il a libéré
l'impliqué sous pression de son chef hiérarchique. Ce dernier
ayant appris le fait qu'il considère comme mépris, a pesé
de tout son poids pour que les services spéciaux de la police puissent
arrêter l'OPJ concerné. Il n'a trouvé sa liberté que
grâce au coup de téléphone adressé au Procureur qui
verra en personne l'autorité de la police afin que l'OPJ soit
relâché ».
Cette illustration montre bel et bien comment l'
« OPJ » est entre le marteau et l'enclume comme nous
l'avons stigmatisé dans le deuxième chapitre. A cet effet,
lorsqu'il « treize », il n'est pas tranquille puisqu'il
peut avoir un rebondissement du dossier pour être interpellé soit
au Parquet, soit à l'Auditorat. C'est dans ce contexte qu'il est tenu
d'entretenir de bonnes relations avec ses chefs hiérarchiques, les
magistrats du Parquet ou de l'Auditorat pour qu'en cas de problème qu'il
ne soit pas inquiété. Aussi, il est contraint de partager ou de
redistribuer) avec les APJ pour éviter la « touche »
ou le « kokunda » (être enterré) ici, se faire
prendre la main dans le sac.
V. LA NATURE DES RELATIONS
ENTRE « OPJ » ET « APJ »
Il s'agira ici de présenter les rapports de force et la
« treizabilité » de deux acteurs.
5.1. LES RAPPORTS DE FORCE
ENTRE LES DEUX ACTEURS
Les rapports de force sont désignés dans le
cadre de cette recherche par les enjeux du pouvoir. Le terme pouvoir est
employé à satiété et dans une grande
variété d'acception. Très généralement, il
désigne trois notions connexes qui permettent de le
préciser :
- l'allocution des ressources ;
- la capacité de les employer ;
- un plan d'action de ces ressources (BOUDON R. et BOURRICAUD
F. 1982 : 459)
Quelles que soient les modalités du pouvoir, son
exercice est soumis à certaines conditions qui ont pour effet de limiter
le champ d'action de ceux qui en disposent.
Le pouvoir peut donc être traité comme un fait
social puisqu'il ne se réduit pas à la force physique, même
si son emploi ou son évocation constitue une des conditions de son
exercice. Il est social en ce triple sens qu'il repose sur les attentes et des
stratégies, qu'il tend à la réalisation de ces objectifs
communs, enfin il s'exerce selon des procédures plus ou moins
explicites, les règles des jeux concurrents ou coopératifs
(1992 : 464).
Le pouvoir désigne aussi la capacité ou
l'influence exercée sur quelqu'un. Il implique la mobilisation des
ressources qui est un préalable parfois laborieux et incertain.
L'incertitude réside dans la mobilisation de ces ressources exigeant aux
acteurs d'être des stratèges.
Il se définit aussi en termes d'interaction dans ce
sens qu'il impose une relation asymétrique entre au moins deux acteurs.
C'est la capacité qu'une personne a d'obtenir qu'une autre fasse ce
qu'elle n'aurait pas fait d'elle-même et qui est conforme à ses
intimations ou ses suggestions. Et dans ce cas, le pouvoir est dit
légitime lorsqu'il est accepté par la personne qui le subit.
Empiriquement, l'APJ est une instance de gestion des
problèmes. Il a une parcelle de pouvoir. La police devient le lieu ou
l'instance ou encore mieux, le niveau de contrôle où s'exerce le
pouvoir. Celui-ci est une capacité de faire quelque chose ou d'agir sur
quelqu'un ou sur quelque chose. Sous cet aspect, l' « APJ »
a le pouvoir de garder, d'orienter, d'influencer ou de bloquer les
activités d'un « OPJ ».
A titre illustratif, nous avons parlé du cas où
l'APJ a été mécontent par manque de redistribution et a
fait tout pour que l' « OPJ » tombe dans le piège de
l'Auditorat en influençant la partie requérante qui n'avait pas
trouvé satisfaction.
Qui détient le véritable
pouvoir ?
L' « APJ » dispose d'un pouvoir de
« treizalité » professionnelle par rapport à
son supérieur. Celui-ci gère le climat professionnel, soit il
fait de bénéfice, soit il le rend moins efficace. Sur le plan
institutionnel, c'est l' « OPJ » qui a le pouvoir. L'
« APJ » travaille sous la supervision de celui-là
qui est son chef. Mais d'une manière empirique et dans l'ombre,
c'est-à-dire dans la sphère informelle, celui qui détient
le « véritable » pouvoir c'est le subalterne qui est
l' « APJ » puisqu'il a cette capacité de contourner
le pouvoir de son chef par la non participation. C'est celui qui opère
l'arrestation des impliqués et les lui achemine. Il est comparé
à un chien de chasse qui peut attraper un gibier et le consommer en
cachette. Ainsi, l'APJ peut bloquer les activités de l'OPJ lorsqu'il n'y
trouve pas son compte.
Les enjeux du pouvoir nous permettent d'opérer une
rupture épistémologique. Le pouvoir du chef ne vaut que lorsque
l'exécutant ou APJ dans le cas qui nous concerne, se soumet ou participe
à ce pouvoir. S'il ne participe pas, le pouvoir devient inefficace.
André AKOUN précise que :
« Le pouvoir sert à désigner
l'aptitude globale d'un Agent donné à entreprendre les actions
efficaces ». (1999 : 414).
Ainsi, les actions peuvent être efficaces pour l'APJ qui
« treize » pour son propre compte en régulant les
problèmes sur le lieu et en donnant un faux rapport à son chef.
Cependant, il est inefficace pour l' « OPJ » qui se voit
driblé et traite l' »APJ » d'incompétent et
d'incapable.
Quelles sont les conditions de participation ou
non participation au pouvoir du chef ?
C'est comme l'image d'un système où tout est
lié à tout et la modification d'un élément
entraîne celle de l'ensemble. Ainsi, les rôles des acteurs ne sont
pas fixés définitivement, par contre, c'est leur distribution qui
est définie. Cependant, le critère du choix d'attribution de tel
ou tel APJ pour exécuter telle mission judiciaire, relève de
l'approche « situationnelle » qui se manifeste de deux
manières :
- l'efficacité d'une logique avouée :
(petit de confiance qui réussit souvent lorsque les missions lui sont
confiées) ;
- l'efficacité inavouée (l'OPJ choisit le plus
offrant car dit-on, c'est la fin qui justifie les moyens.
C'est l'enjeu financier qui est misé.
« salela ngai na lia », (travaille pour moi pour
que je mange) et non que nous mangeons. « Kama chef ashikule na
bantu, tutamutoka faux » (Si le chef ne redistribue pas, nous
n'allons pas le servir). Les APJ ont un pouvoir, ils contournent aussi l'OPJ en
s'investissant en « OPJ debout » lorsqu'ils
réalisent la mission du chef sans être distribués.
La nature de relation conflictuelle dans le cas de non
participation au pouvoir du chef c'est la répartition inégale du
pouvoir et le manque de distribution qui font que l'
« APJ » refuse de participer et s'érige en
« OPJ debout ».
C'est dans cette optique que le concept d'acteur social
intervient. La répartition inégale crée les conflits.
Celui qui a le pouvoir a la possibilité de plus
« treizer » que celui qui n'en a pas.
C'est dans cette logique que nous trouvons opportun de cerner
l'interaction à double sens :
« L' « OPJ » participe au
pouvoir de celui qui doit détenir. Il a besoin de l'APJ pour mieux
« treizer » en arrêtant l'impliqué. Même
s'il ne « treize » pas auprès de l'OPJ, il sait
qu'il aura une autre mission d'avoir participé au pouvoir de son chef.
Celui-ci lui rétrocède son pouvoir puisqu'il a aidé. Il
laisse une part de manoeuvre à ses subalternes pour fermer les yeux au
regard de leur pratique. C'est ainsi que l' « OPJ »
institue l' « APJ » comme acteur social en lui donnant le
pouvoir pour qu'il soit « treizé » par lui. Ce sont
des interactions complexes qui n'ont de sens qu'à travers la
« treizalité » du pouvoir. C'est cette
complexité qui fait que l' « APJ » qui connaît
ses missions, fait le contraire. Le faible effectif des policiers affaiblit le
mécanisme de contrôle et l' « OPJ » agit en
acteur rationnel. S'il punit sévèrement, il se prive de ses
instruments de « treizalité » qui sont les
« APJ ».
Le pouvoir est négociable. La manière de faire
de l' « OPJ » implique la coopération ou le
conflit. Celle-là évoque la participation tandis que celui-ci
induit la non participation au pouvoir du chef.
La coopération est réelle lorsque l'APJ
participe au pouvoir du chef et y trouve la redistribution. Le conflit devient
apparent lorsque l'APJ ne participe pas au pouvoir du chef par la remise de
l'argent appelée dans le jargon policier
« rapport ». Et aussi lorsqu'il donne le
« rapport » sans rétrocession.
La rétrocession n'est pas seulement matérielle,
elle peut être aussi symbolique. Négocier la confiance du chef, la
perception des frais de parking ou la treizabilité de l'espace
extérieur de la police, le monnayage de la
« plainte », le frais de déplacement
« ya makolo » sont des rétrocessions.
Le conflit est sous-jacent de manière permanente. A un
moment, il apparaît et à un autre, il disparaît. Il est
permanent puisqu'il il y a répartition inégale du pouvoir. Il
apparaît lorsque cette répartition ne profite pas aux acteurs
(APJ) et disparaît lorsqu'ils en tirent profit.
Dans une logique de « treizalité »,
le pouvoir est accordé au plus offrant. Il le donne pour que l'autre
puisse participer à son pouvoir (collaboration).
Quel est le sens du
« rapport »
Le sens du « rapport » se dégage
à l'image du chien et du chasseur. C'est le chien qui attrape le gibier
pour le chasseur, et en contre partie, celui-ci lui donne les os et les
détritus. C'est pourquoi les policiers disent à l'
« OPJ » qui ne rétrocède pas :
« mbwa ba bwakelaka ye ata mukua » (le chien, on
lui jette même un os) pour le travail qu'il a effectué.
Quelles sont les limites qui permettent à
l'OPJ de retirer son pouvoir à l'APJ ?
C'est lorsque son propre pouvoir est mis en jeu. Lorsque
l'Agent ne coopère pas, le conflit apparaît puisqu'il ne participe
pas et ne s'y retrouve pas non plus. Le conflit est une limite à la
participation au pouvoir. Il crée l'instabilité économique
par la non participation et la perte du pouvoir par l'abus.
Sur ce, le pouvoir devient une ressource qui se négocie
même de manière implicite. C'est une autre rupture que nous
opérons par la déconstruction du concept pouvoir selon lequel il
vient toujours d'en haut c'est-à-dire du supérieur à
l'inférieur. Le pouvoir ne vient pas seulement d'en haut, mais aussi, il
peut venir d'en bas par la négociation. D'où l'interaction entre
« OPJ et APJ ». C'est celui-ci qui détient le
véritable pouvoir puisqu'il peut déstabiliser celui-là.
Sur terrain, les APJ, refusaient d'enregistrer les plaintes, chassaient parfois
les requérants. C'est le cas de refus de plainte dont nous avons
abordé dans le deuxième chapitre. Par ailleurs,
dépêchés sur le lieu d'arrestation, ils s'érigent en
« OPJ debout », profitent pour
« treizer » le dossier et rentrent donner le faux rapport
au chef « il y a eu résistance ».
Quel est le sens du rapport de pouvoir
négocié ?
C'est la capacité de garder le chef dans sa
sphère en misant sur sa confiance. L'APJ doit être en bon terme
avec son chef. La capacité de négocier avec son chef est une
ressource ou un atout. Le chef peut aussi arriver à demander l'excuse
à son subalterne. Sur terrain, il a été constaté
que l'APJ peut donner conseil à l'OPJ de percevoir 10.000 F.C. d'amende,
le chef refuse. Il s'arrange avec un magistrat qui libère
l'impliqué et dit à son chef qu'ils ont perdu, or il a
déjà « treizé » à son
niveau.
Qui donne à l'autre le
pouvoir ?
D'emblée, l'on dira que c'est
l' « OPJ » qui donne son pouvoir à l'APJ. Mais,
il se passe que c'est l'APJ qui donne à son chef le pouvoir et les
moyens. A première vue, c'est l'Agent qui doit recevoir, mais il prend
la distance, il a une part de manoeuvre. Il utilise les ressources (pouvoir)
qu'il peut céder ou geler.
Il y a des situations où c'est l'Agent qui a le pouvoir
et d'autres où c'est le chef qui le possède. D'où, la
présence d'un pouvoir institutionnel qui se négocie de
manière empirique et devient situationnel. Dans ce contexte, c'est
l'acteur qui mobilise le plus de ressources qui a le pouvoir. Aussi, le manque
de moyens fonctionnels et le moindre effectif policier, constituent-ils un
obstacle et une limite de l'exercice du pouvoir de l'
« OPJ ».
Il sied de remarquer que toute relation ne se ramène
pas en effet à un jeu à somme nulle, dans lequel tout gain de
l'OPJ entraîne une perte équivalente de
l' « APJ », une coordination d'activité peut
aussi fonctionner en étant fondée sur des rapports de pouvoir,
inférer des avantages affectifs, quoi que différencié,
à l'ensemble des participants. Ainsi, le pouvoir d'un homme consiste
dans ses moyens présents d'obtenir quelques biens apparents futur (AKOUN
A. et al., 1999 : 414)
L' « APJ » est une instance des gestions
des problèmes. Il a une parcelle de pouvoir. Il a la capacité de
créer les relations pour mobiliser le pouvoir. C'est dans ce cadre qu'il
peut orienter, influencer ou bloquer les activités de l'OPJ s'il n'y
trouve pas son compte. « Nakokunda ye, tamubambisha
touche ». (je vais l'enterrer, je veux influencer pour qu'il
soit surpris la main dans le sac). Il a le pouvoir de nuire.
L'idée de « treizalité » du
pouvoir ne date pas d'aujourd'hui, elle a ses racines plongées dans la
nuit du temps. Le « mulambu » offert au chef après
une chasse fructueuse est une illustration indicative de la
« treizalité ». Lorsque l'
« OPJ » envoie un policier pour
« treizer », celui-ci lui apporte le
« mulambu ». Cette idée de
« treizalité » a été
développée aussi par Raoul KIENGEKIENGE dans sa thèse, il
évoque le pouvoir ou l'autorité traditionnelle et le pouvoir
européen (2005 : 687).
C'est le chef qui est censé détenir le pouvoir
et par conséquent, il reçoit le « mulambu ».
Ce sont les « APJ » qui lui donnent ce pouvoir puisqu'ils
disposent des moyens et des ressources. Ce sont eux qui arrêtent et
acheminent les gibiers à l' « OPJ » à
titre de « mulambu » et par conséquent, celui-ci ne
redistribue pas, d'où conflit induisant la pratique de l'
« OPJ debout ».
Le pouvoir est un capital et cela à tous les niveaux.
Lorsque les associés ne jouissent pas de ce pouvoir, c'est le conflit.
Le pouvoir de l'Etat est objet de « treizalité » et
il est reparti d'une manière inégale. Les acteurs s'instituent et
s'investissent en « Etat ».
Sur ce, que doit être le critère
d'exercice du pouvoir ?
Pour le moment, c'est la
« treizalité » du pouvoir et la négociation
qui s'en suit constituent la « mal-gouvernance » puisque le
pouvoir n'est pas bien exercé. Pour la « bonne
gouvernance », c'est la justice sociale impliquant la redistribution
équitable selon les ressources de chacun.
Le pouvoir rapporte, puisqu'il est toujours un capital. Pour
qu'il ne provoque pas de conflits, le bénéfice du pouvoir doit
être réparti selon le pouvoir ou les ressources de chacun, selon
son degré de participation. S'il n'y a pas cette justice redistributive,
c'est la mal gouvernance qui s'installe ». La justice redistributive
était d'usage dans l'ancien temps de l'Afrique des empires et des
royaumes. En effet, le chef redistribuait aux chefs de clan.
Nous alignant dans une posture constructiviste, le concept de
« mal gouvernance » et celui de « bonne
gouvernance » sont critiquables puisque porteurs de jugement de
valeur. Ce sont des concepts préalablement construits, connotés,
négatifs. En lieu et leur place, nous les substituons respectivement par
l' « injuste gouvernance » et « juste
gouvernance » qui sont des concepts neutres traduisant l'idée
de justice.
A cet effet, « la juste gouvernance »
implique la répartition qui accorde des bénéfices aux
associés et par contre, le chef reçoit aussi la confiance et le
pouvoir. C'est la « nouvelle philosophie » que nous
préconisons. Elle repose sur la « Participation,
répartition, redistribution et treizalité du pouvoir ».
Cela ne vaut pas seulement sur les policiers et les fonctionnaires de l'Etat,
mais aussi pour les gouvernants et les gouvernés.
A cet effet, lorsqu'il n'y a pas une
« juste » justice du pouvoir, ce fait engendre la
« treizalité » des Agents de l'Etat. Puisque le chef
domine, il doit recevoir. Or c'est à lui de distribuer. Par ailleurs, la
non distribution peut induire la désintégration, la
désolidarisation et la non coopération. Ce sont les individus qui
se désintègrent puisque leur pouvoir n'est pas connu, ils
prennent une distance vis-à-vis du
« système » et le pouvoir se complexifie. Il
s'affaiblit, dysfonctionne et se fragilise.
L'individu évolue comme un acteur social. Il
évolue selon son point de vue situationnel dans un dynamisme impliquant
les enjeux en présence. L'acteur évolue dans l'informel qui
alimente le système. Il y a des situations où l'agent participe
et des cas où il ne participe pas. Ce sont des relations qui se
désintègrent suite aux conflits. Le système dans son
ensemble résiste puisque l' « APJ » tient à
ce que le système continue puisqu'il y tire profit. C'est la pratique
informelle qui fait vivre la majorité des congolais.
Ainsi, les concepts de désintégrations et du
système ne sont pas pertinents. C'est pourquoi, nous avons mis en
jachère l'acteur social et le système de CROIZIER M. et de
FRIEDBERG E. (1977).
Ces auteurs ne considèrent pas un acteur comme sujet
porteur de point de vue. C'est dans ce cas que nous avons ciblé l'acteur
social dans l'optique de DEBUYST C. (1990 : 25-26). L'acteur n'est pas un
sujet soumis, mais porteur de point de vue sur lequel il s'appuie pour
coopérer ou non. Sous cette posture, l'acteur est situationnel et
dynamique.
La répartition de pouvoir et des ressources
étant inégale, cette inégalité est comblée
par l'idée de distribution. La démocratie doit être
fondée sur l'idée de répartition, distribution et
coopération. Le point de départ repose sur le pouvoir qui doit
être distribué.
La présente recherche est une critique de la notion de
liberté selon laquelle le citoyen est un sujet libre qui doit
céder son pouvoir au chef. Dans cette logique
« positiviste », le citoyen est un sujet de qui le chef
attend la soumission. Le citoyen est un sujet soumis et non un acteur social.
Son degré de participation est d'argumenter et d'enrichir le pouvoir de
l'autre.
Notre démarche étant constructiviste, elle
repose sur la visée critique. Pour nous, le citoyen est un acteur social
qui a son point de vue, ses normes de conduite, son histoire, son désir
de reconnaissance, ses interelations qu'il développe dans la
société, ses projets et son expérience. La participation
au pouvoir, c'est la distribution. Le pouvoir est en rapport avec
l'organisation et non avec le système. La première ressource
c'est le territoire ou le sol. Ainsi donc, celui qui a le pouvoir ne doit pas
attendre que le citoyen lui donne. Par contre, c'est lui qui est
habilité à donner. Le citoyen n'est pas un sujet soumis, mais au
contraire un acteur social. Sous cet angle, il est une instance du pouvoir, il
exploite et donne au chef. Si celui-ci ne redistribue pas, il agit dans
l'informel pour le contourner. C'est le cas de la pratique de l'
« OPJ debout ». C'est la manière dont l' OPJ
gère les APJ qui induit cette pratique. D'où le principe c'est la
redistribution et non l'égalité du citoyen puisque le pouvoir est
un capital qui s'exerce sur le sol.
Il va de soi que si le chef ne redistribue pas, il ne
reçoit pas la participation. C'est celui d'en haut ou le chef
hiérarchique qui doit distribuer sur base de critère des
ressources ou pouvoir de chacun et en contre partie, il reçoit la
participation. Dans le cas contraire, c'est le conflit qui s'actualise. Dans ce
cas, l'acteur ne participe pas, il reprend le pouvoir. Il se décolonise,
se désaliène et cesse d'être soumis et s'investit de son
pouvoir. C'est dans ce contexte que les Agents de l'Etat
« treizent » et s'investissent en
« Etat » puisqu'ils ont leur point de vue et doivent
vivre.
Ce qui précède illustre l'explication de
l'acteur social. La condition de non participation, c'est la non distribution.
La participation est conditionnée par la distribution. La non
distribution est un obstacle à la participation et induit la rupture qui
fait que ceux d'en haut deviennent sujets. C'est la quête de la
citoyenneté par rapport à l'Etat. C'est la décolonisation
et la recherche de l'identité, pourquoi pas de l'indépendance et
de la sécurité de soi et de sa famille.
Comment un congolais touche moins de 100 $ U.S. ou un policier
qui perçoit une prime de 30 $ comme salaire mensuel continuent à
vivre ?
L'Etat qui opère par une injuste gouvernance dans la
distribution et redistribution, fait que le citoyen agit en acteur social,
s'autodétermine, se décolonise et s'investit en
« Etat » pour se rétribuer par différentes
« treizalités » dont il a le pouvoir en agissant
dans l'ombre. Le citoyen vit au taux du jour et recourt aux pratiques
informelles pour y tirer si pas non para-salaire, néanmoins ses
différentes subsides pour vivre et répondre à ses projets.
C'est l'informel qui fait fonctionner le formel et c'est de cette
manière que les organisations et les institutions fonctionnent.
Empiriquement, la démocratie doit reposer sur la
distribution et la participation. C'est la personne qui a le pouvoir important
qui doit distribuer. Dans le cas contraire, les agents récupèrent
le pouvoir. L'agir humain n'est pas commandé par les idées
claires et distinctes. Pour nous, c'est la recherche de la régulation
sociale qui s'impose. La régulation sociale a comme fondement l'harmonie
sociale, la bonne entente communautaire. C'est dans cette perspective que nous
considérons la pratique de l' « OPJ debout » dans
son aspect regulatoire non réglementaire qui passe pour l'essentiel de
la pratique puisque reposant sur l'arrangement à l'amiable visant
l'harmonie communautaire.
Agir contrairement aux idées claires et distinctes,
l'on devient irrationnel. C'est comme la loi, perçue comme norme de
conduite claire et distincte, elle est rationnelle. Pourtant, par rapport
à nous, la loi n'a pas cette connotation puisqu'elle peut diviser. A
titre illustratif, une femme qui porte plaine contre son mari pour coups et
blessures. Détenir son mari revient à briser l'union. C'est
pourquoi l'OPJ procède par le conseil et oblige le mari de soigner sa
femme et de lui payer le pagne, c'est la réparation et verse l'argent
à l'OPJ pour le service rendu. C'est l'essentiel de la justice :
créer l'harmonie et non diviser au nom de la loi. C'est celle-ci qui
devient irrationnelle par rapport à la pratique. En plus, la loi des
« autres » n'est pas contextualisée ni
adaptée, c'est pourquoi elle est transformée et
réadaptée selon le contexte et les enjeux des acteurs.
Par ailleurs, la régulation sociale était
autrefois appelée « palabre ». Elle procédait
par la négociation et l'arrangement à l'amiable ainsi que la
médiation. A l'arrivée de l'Européen, il nous a
imposé sa loi pour reléguer la nôtre. Ainsi
reléguée, il l'appelait le « droit barbare »
qui procède de manière irrationnelle. Pour l'Européen la
« palabre » était le droit du non civilisé
parce qu'elle privilégiait la réconciliation à la
répression. Mais aujourd'hui, le droit non civilisé est
récupéré par l'Européen. C'est la tendance actuelle
en Europe, la médiation est entrain de surgir, d'émerger et de se
cristalliser.
Pouvons-nous dire que l'Etat est dysfonctionnel
par rapport à la mission de l'institution ?
L'Etat ne dysfonctionne pas, il est entrain de se faire
c'est-à-dire de se construire. L'analyse empirique de l'informel nous
renvoie à la subjectivité du sujet avec l'idée de
participation et de distribution.
Au regard de l'informel, POULET Isabelle écrit ce qui
suit :
« Le formel est ce qui est voulu et
décidé par les « décideurs »
autorisés. Tout ce qui ne correspond pas à cette
représentation tombe dans l'informel qui ne peut être qu'un
adversaire à combattre, à contrôler, à
récupérer ou à ignorer. Il inquiète ou
intéresse pour autant qu'il mette en cause la légitimité
et l'autorité ou lui permette de les restaurer. Sinon on l'ignore, il
n'a même pas d'existence. » (1999 : 176)
Ce qui nous intéresse dans cette citation c'est le fait
que l'informel peut être récupéré dans le formel
puisqu'il permet de restaurer l'autorité et la légitimité.
Il inquiète aussi par la non distribution et la non participation qui
peuvent mettre en cause la légitimité et l'autorité.
L'auteur va loin pour dire qu'il peut être ignoré, voire
même inexistant. Pour nous, les deux sphères se tiennent la main.
L'une ne peut exister sans l'autre. L'informel irrigue le formel. Celui-ci est
un construit perçu comme un idéal et qui demande aux sujets de
s'y soumettre. Or les sujets sont des acteurs, ils discernent et adaptent ces
règles formelles. Si l'on ignore l'informel, il est omniprésent
parce qu'il se pratique dans l'ombre.
De ce qui précède, il y a lieu de stigmatiser
que la norme juridique qui est la loi des autres, n'est qu'un aspect des
normes. Sous cette perspective, la norme juridique n'est qu'une norme parmi
tant d'autres. En plus, l'absence d'une loi, n'est pas un vide juridique. A
titre de rappel, nous l'avons énoncé dans l'introduction et
montré dans le deuxième et troisième chapitre qu'il n'y a
pas que l'Etat qui produit les normes, les acteurs aussi en produisent. Ils
articulent les normes réglementaires (officielles) et les normes
sociales ou religieuses.
A ce titre, l'objet d'étude fourni par le droit est-il
réel ?
S'il est vrai, il doit être questionné dans sa
réalité. A ce sujet, la notion du mariage et de l'adultère
peut nous édifier et nous inviter à leur redéfinition au
regard de données empiriques qui présentent le sens et les
représentations des acteurs. C'est à ce sujet que nous disons que
la criminologie améliore le Droit pénal par sa façon de
procéder. D'où la lumière du soleil sur la justice
pénale. La criminologie devient une lampe qui éclaire le droit et
elle est à son service.
Contrairement à la loi « des
autres », et à celle qui a été
façonnée en imitant celle des autres (le code de la famille) sans
miser sur la pratique et les sens qu'en donnent les acteurs, il ressort du
terrain ce qui suit :
« La cohabitation entre l'homme et la femme
pendant au moins 6 mois et surtout que de cette union découle un enfant,
cela suffit pour justifier le mariage. Souvent, lors de l'audition, on pose la
question suivante : êtes-vous marié ? Oui alors
comment : « tuneshakuzala naye mutoto » (J'ai
déjà un enfant avec lui). C'est mon mari.
Le mariage civil est coûteux et l'ignorance des
conjoints au regard de la loi des « autres » font que les
acteurs recourent soit au « cycle long », soit au
« cycle court ».
Le cycle court est une pratique qui consiste à
enceinter une femme pour cohabiter avec elle sans préalablement verser
la dot. « Les propos comme ceux-ci tombent à point :
« Ni bwana yangu »(C'est mon mari)
« Anesha kupeleka mali ? (A-t-il
déjà versé la dot ?)
« Hapana, nakawa naye sana, na bantu bote bana
yuwa » (Non, je cohabite avec lui, il y a longtemps et tout le monde
sait que c'est mon mari). Il s'est déjà présenté
dans ma famille.
Pour cette catégorie, l'union des faits est une
justification de légitimation du mariage. Il arrive aussi que le
conjoint verse la pré-dot.
Pour cette première catégorie, cette union
de fait peut amener le conjoint à se plaindre pour
l'adultère : « Ni bwana yangu, minesha kuzala naye
batoto, kama ninamubamba na mwana muke, ni makoji » (c'est mon mari,
j'ai enfanté avec lui et a déjà prédoté, si
je le trouve avec une autre femme, c'est l'adultère). Il en est de
même pour l'homme qui vit avec une femme dans l'union de faits, il peut
se plaindre pour l'adultère en cas de flagrance de relation sexuelle
avec un autre homme..
La deuxième catégorie est le cycle long qui
nécessite le versement de la dot sans que le mariage ne soit
enregistré à l'Etat civil. Pour les conjoints, le mariage est
valable.
La polygamie est prohibée par la loi des
« autres » alors que la pratique nous renseigne le
contraire.
L'adultère oblige que le conjoint
lésé est seul habilité à se plaindre, mais en
pratique, même les membres de la famille le font à la place du
conjoint.
Quelle est l'attitude de l'OPJ ?
Il mobilise d'abord le cadre juridique pour fixer les
faits. Et ensuite, recourt aux normes sociales, religieuses et culturelles pour
réguler les faits.
Concernant l'adultère, il peut demander au mari de
payer un pagne à sa femme offensée. Il arrive que le mari insiste
pour que les deux femmes soient siennes pour le bien-être de sa
progéniture. Il s'arrange avec la première en lui payant pour
qu'elle reconnaisse sa rivale. Ainsi, la deuxième femme cesse
d'être « Da mwizi » (Soeur voleuse du mari) pour
s'ériger en coépouse. D'où la prohibition de la polygamie
est une fiction.
Dans la pratique, un seul soupçon suffit
d'détablir la culpabilité d'adultère et souvent, au lieu
de porter plainte, la « Da mwizi » est copieusement
rossée et porte plainte pour « victime »
d'administration des coups. Et il arrive fréquemment que le mari
s'arrange avec l'OPJ et les deux « femmes » pour que le
dossier soit clôturé à la Police ».
Cette longue illustration empirique montre la notion du
mariage et d'adultère telle que perçue et régulée
par les acteurs. La notion comme la régulation sont adaptées
selon le contexte des acteurs.
Ainsi, les raisons de la transgression ne sont-elles pas
celles de la désignation. Celle-ci résulte d'un rapport de forces
entre ceux qui cherchent à apposer l'étiquette de déviant
et les ressources de résistance de celui qui risque d'en être
objet (ROBERT P., 2005 : 71)
La femme qui se rend justice en tapant copieusement la voleuse
de son mari, la police lui colle l'étiquette de déviante pour
coups et blessure et y oppose une résistance en légitimant son
acte. Comment et pourquoi peut-elle être incriminée par la voleuse
de son mari, elle qui s'estime victime du vol ?
Dans l'application de la loi, l'APJ et l'OPJ, misent sur les
enjeux des impliqués, apprécient et agissent en
conséquence.
5.2. LA
« TREIZALITÉ »
Elle est un concept thématique tiré du jargon
policier appelé code de dix sous la dénomination
« dix-treize ». Cette dénomination produit le verbe
« treizer » qui veut dire capitaliser et la
« treizalité » ou la
« treizalisation » quant à elles désignent la
capitalisation.
Sur terrain, nous avons pu découvrir deux types et six
formes de « treizalité ». Par ailleurs, nous avons
aussi voulu savoir le degré de treizalité entre acteurs et aussi
au niveau de différentes polices.
5.2.1. Les
« types de treizalité »
5.2.1.1. La
« treizalité » horizontale
La « treizalité » horizontale est
celle qui s'opère à chaque niveau hiérarchique. Chaque
niveau hiérarchique est une instance de
« treizalité ».
1° La
« treizalité » de l'APJ,
· « Mbongo ya
plainte »
Il s'agit des frais de « plainte ».
Celle-ci est objet de monnayage comme nous l'avons indiqué dans le
deuxième chapitre. Le « client » qui se
présente à l'office de la police sans verser 2000 FC de
« plainte » équivalant à 4$ est une personne
non recevable. Toutefois, selon les circonstances du moment, les policiers
parfois enregistrent la plainte sans la « treizer »,
c'est-à-dire elle est enregistrée à titre gratuit
conformément à la loi. Ceci pour dire que « ya
plainte » est une perception sans base
« légale ». C'est une
« déviance » fonctionnelle. Il en est de même
de « ya makolo ».
· « Ya makolo »
Il désigne le frais de déplacement. Il est
perçu à titre de « ya makolo » (les jambes)
de policiers qui doivent se déplacer pour déposer la convocation
ou opérer le « mukwao » (arrestation) de l'auteur
impliqué.
· « Droit de
visite »
Pour visiter la personne en détention, il faut payer
500 FC en vue de causer avec lui. Il en est de même pour lui donner sa
nourriture. Celle-ci est aussi monnayée, sinon la personne
détenue est privée de la nourriture lui amenée par les
siens. Cependant, les policiers négocient le frais de visite et parfois,
ils n'exigent rien.
· « Ya Parking »
L'espace de la police est « treizable ».
Les différents véhicules de privés ou particuliers sont
parkés à la police pour le gardiennage nocturne dans le cadre de
la sécurité et le matin, les conducteurs les
récupèrent. Le parking est payable et le frais
s'élève à 500 FC ou 1 $ par véhicule et au cours
d'une nuit.
· « Les relations
publiques »
La police est un service d'intérêt public.
Pendant la journée ou pendant la nuit, les policiers entrent en contact
avec la population. Ils en profitent pour la « treizer » en
demandant l'argent pour la bière, la cigarette, le café, le
transport... En réalité, cet argent
« treizé » sert à la survie. Selon eux, ils
ne sont pas de mendiants, ils perçoivent de la population de l'argent
sous forme de relations publiques puisqu'ils sont gardiens de cette population
qu'ils sont censés protéger.
· « Ya
détachement »
Certains policiers sont détachés chez les
particuliers avec l'avale de leurs supérieurs et perçoivent leur
dû à la fin du mois. Le détachement est aussi objet de
treizalité puisque pour être détaché, il faut savoir
conjuguer le verbe manger au présent à la fois à la
première personne du singulier et du pluriel. C'est le commandant
détachant qui perçoit une somme supérieure qu'à
celle du détaché. En plus, celui-ci doit faire le rapport
à celui-là malgré sa part perçue par le
requérrant du service ou le gardé.
· « Le
millième »
A titre de rappel, le millième traduit les relations
sexuelles. Au lieu que la femme ou la fille impliquée donne le
« dix-vingt-cinq » l'argent aux policiers, un d'entre eux
peut solliciter de coucher avec elle. Au moment du partage, il lui sera retenu
une somme d'argent du profit des autres puisqu'il a déjà
bénéficié du millième au détriment de
l'équipe.
· « Le disappro »
C'est la fouille systématique d'une personne
trouvée suspecte. Il s'agit de la reverser les jambres en l'air et la
tête en bas pour que les contenus passent dans les poches des
policiers ; La personne qui a de la chance, les policiers lui demandent de
partager l'argent qu'elle possède. Parfois, les policiers prennent le
¾, ou la moitié. Certians se fient à la personne qui leur
donne selon sa volonté.
· Les « milambu »
C'est l'ensemble des frais que les policiers perçoivent
au regard de leurs différentes interventions. C'est dans ce contexte
qu'ils perçoivent le frais après l'arrangement à
l'amiable, le « tshitshani » ou le
« twishane » (comme d'habitude qu'on en termine ici au lieu
d'aller à l'office de police). C'est le phénomène
« coops » ou coopération qui traduit la
solidarité entre policiers et les concernés.
2° La « treizalité de
l'OPJ »
· Frais d'instruction du dossier
Ce sont les différentes perceptions qui rentrent dans
le cadre de l'instruction du dossier. C'est par exemple l'argent demandé
au requérant de la justice pour l'achat des papiers, bics, l'instruction
ou l'audition écrite...
· Frais de
« parking »
Nous l'avons déjà évoqué en
parlant de l'APJ qui « treize » l'espace extérieur.
L'OPJ perçoit l'argent du parking sous forme de rapport par l'APJ
gardien.
· Frais de transfert du dossier au
Parquet
L'administration de la justice n'est pas gratuite, elle exige
des frais. Pour transférer le dossier au Parquet, il faut le frais de
transport et les photocopies du dossier en six exemplaires. Les frais peuvent
s'élever à 5.000 FC, soit 10 $ U.S. que l'OPJ demande en lieu et
place de 2000 FC comme dépenses à effectuer.
· Frais de retrait de plainte ou de
désistement
Lorsque le requérant se ressaisit et désiste sur
sa propre volonté ou sous l'influence de l'impliqué qui lui
demande pardon, il doit désister par écrit et payer pas moins de
5.000 FC.
· Retrait de 10% sur toute somme
perçue
Tout dossier impliquant la remise de l'argent à
l'impliqué ou à l'auteur, l'OPJ retient pour sa part 10%. C'est
le cas de dommage et intérêt élevé à 100.000
FC, L'OPJ a droit à 10.000 FC
· Appropriation des biens saisis
Lorsque les biens sont saisis à titre de gage, l'OPJ
oblige au concerné de dresser un acte de reconnaissance en fixant un
délai pour le retrait et dans le cas contraire, les biens seront mis en
vente aux enchères ou déférés au Parquet. Si le
concerné ne s'exécute pas au temps convenu, l'OPJ se l'approprie
au lieu de les transférer au Parquet ou de les vendre aux
enchères.
· Amende transactionnelle
C'est l'ensemble des frais que l'OPJ perçoit pour
mettre fin à la poursuite judiciaire de l'impliqué. L'amende
transactionnelle se fait en nature ou en espèce. Elle est parfois
relationnisée comme pour dire : le maïs grillé peut
germer. L'OPJ mise sur le gain futur.
5.2.1.2. La
« treizalité » verticale
C'est celle qui s'opère par les instances
supérieures sur les instances inférieures. Celles-ci constituent
l'instrumenta de « treizalité » de celles-là.
Les supérieurs polarisent les subalternes. Elle se fait sous forme de
rapport que les subalternes donnent aux supérieurs. C'est une
chaîne de « treizaltié ». Le chef de poste
« treize » les policiers qui constituent son équipe.
A son tour, il est « treizé » par l'OPJ sous forme
de rapport. L'OPJ est aussi un vassal du commandant sous commissariat qui se
voit aussi treizé par le commadnant compagnie jusqu'à la
sommité de la police. Dans le cas contraire, on perd son poste au profit
du plus offrant.
5.2.2. Les formes de
« treizalités »
5.2.2.1. « La
treizalité du pouvoir »
C'est elle dont nous avons largement exploité en
parlant du pouvoir. L'OPJ comme l'APJ sont des instances du pouvoir. Ils
« treizent » le pouvoir de l'Etat pour s'instituer en lui.
C'est dans ce cadre que les deux acteurs s'érigent en
« magistrat », « juge »,
« législateur » et incarnent même la police
en tant qu'institution. Il s'agit de voir les policiers en tenue, l'on voit
directement la police ou l'Etat.
5.2.2.2. « La
treizalité financière »
Est celle qui concerne l'argent. Elle est aussi appelée
la « treizalité » économique. La
treizalité horizontale et verticale traduisent celle dite
financière ou économique. C'est comme l'amende transactionnelle,
le « ya makolo », les frais de plainte, d'instruction...
5.2.2.3.
« La treizalité relationnelle »
Les relations sont aussi objet de treizalité. Au lieu
de treizer financièrement, l'OPJ parfois renvoie l'avantage qu'il peut
se procurer immédiatement, en les reléguant dans le futur. C'est
ce que nous avons illustré dans l'introduction par l'adage
« mebele makange, amenanga » (les maïs
grillés peuvent germer, c'est-à-dire, l'on profite des relations
qui peuvent payer dans l'avenir sous forme de service ou autres avantages.
C'est dans ce contexte que lorsqu'un policier entre dans un bar pour consommer
une bière, il peut en sortir ivre suite aux offres émanant des
personnes qu'il a aidées. Cette treizalité se fonde sur les
affinités, les amitiés ou connaissances.
5.2.2.4. « La
treizalité tribale ou ethnique »
Elle est fondée sur l'appartenance tribale ou ethnique.
Au nom de l'ethnie, l'OPJ peut refuser de percevoir l'argent. C'est dans ce
sens que l'on dit « Kupite umo, lume lubapu » (si
quelqu'un passe devant dans un sentier, il élimine la rosé. Ceci
traduit que lorsqu'un des siens occupe une place de choix et ici l'OPJ est une
instance de pouvoir, il peut faciliter la tâche aux siens. Dans le cadre
de l'OPJ, il libère sans caution. C'est la
« trezalité » culturelle.
5.2.2.5.
« La treizalié du poste ou
détachement »
Elle concerne le poste, la fonction ou le service. Pour les
conserver, il faut les « treizer ». C'est dans ce cadre que
l'OPJ donne le rapport à son chef hiérarchique pour conserver son
poste ou sa fonction. C'est dans ce sens que nous avons parlé de savoir
bien conjuguer le verbe manger puisque le poste est
« treizable ».
La « treizalité » du poste implique
la puissance et le prestige. A ce propos, cette citation de Wright MILLS sous
la plume de VAN CAMPENOUDT L. tombe à point :
« l'élite, ce n'est pas simplement les
hommes les plus favorisés, car ils ne pourraient pas
« être favorisés » sans les postes qu'ils
occupent au sein de grandes institutions. En effet, ces institutions sont les
bases nécessaires du pouvoir, de la richesse et du prestige, et en
même temps les moyens principaux d'exercer le pouvoir d'acquérir
et de conserver la richesse et d'obtenir le haut degré de prestige que
l'on revendique.
... Les puissants sont évidemment ceux qui peuvent
réaliser leur volonté même si d'autres s'y opposent. Les
policiers et les hauts fonctionnaires disposent de ce pouvoir
institutionnel...
Les membres de l'élite du pouvoir sont
célébrés à causes des postes qu'ils occupent et des
décisions qu'ils peuvent prendre. Ils sont des
célébrités parce qu'ils ont le prestige et ont le prestige
parce que le public pense qu'ils sont puissants ou riches »
(2001 : 213-214).
En effet, le poste est « treizable »
puisqu'il procure l'argent et le prestige. L'OPJ s'estime puissant puisqu'il a
le pouvoir d'arrêter et de libérer. Pour montrer sa puissance et
son prestige, il peut arrêter et libérer parfois sans
« treizer ».
5.2.2.6.
« La treizalité sexuelle »
Le sexe est aussi treizable. Nous l'avons stigmatisé
lorsque nous avons évoqué le « commerce
sexuel » entre les policiers et certaines femmes impliquées et
surtout les femmes nocturnes appelées « Da mwizi »
(voleuses de maris) qui appréhendées pendant la nuit pour
« vagabondage sexuel », étaient
arrêtées et libérées. Le « commerce sexuel
s'érige en « caution » ou amende transactionnelle.
Et par conséquent les bénéficiaires du
« millième » se voyaient réduire sa part lors
du partage des recettes perçues.
Il en est de même concernant certaines détenues
qui acceptaient où initiaient le « millième »
dans le cadre d'obtention de la libération. Si l'initiative vient du
policier, c'est la treizalité du millième. Par contre si elle
vient de la concernée, c'est la « caution » ou
l'amende transactionnelle.
5.2.3. Le
« degré de treizalité »
C'est le supérieur qui a plus la possibilité de
« treizer » que le subalterne. Celui-ci est un instrument
de « treizalité » de celui-là. La
« treizalité » se fait sous forme de
« rapport » qui est la remise de l'argent qu'un subalterne
donne à son supérieur. Le rapport va de
l' « APJ » jusqu'à l'échelon
supérieur.
Toutefois, il y a lieu de renseigner qu'il arrive
occasionnellement que le subalterne trouve une possibilité offerte pour
« treizer » plus que le supérieur. Il peut par
opportunité récupérer pour soi les butins
abandonnés par les « délinquants »
«nazui libaku » (j'ai eu la chance). Grâce au
butin, selon son point de vue, il réalise ses différents projets.
Le gain dépend de la maîtrise de la treizalisation selon les
« boules » et les « manoeuvres » de
chaque policier. C'est celui qui a plus des boules et qui mobilise plus des
manoeuvres qui tire profit.
Aussi, la police des mines et celle de la circulation
routière, offrent beaucoup de possibilité de
« treizalité ». Empiriquement, il a
été constaté que quelques policiers ont dû quitter
le sous-commissariat de Police Kafubu pour ces deux polices
spécialisées sans l'avale de l'autorité
hiérarchique. Il suffisait de « treizer » le S.1.
(le chargé du personnel de la police concernée pour que l'Agent
soit utilisé). Par contre, les policiers de ces deux polices
spécialisées, résistent lorsque le transfert leur est
proposé. Cela montre le degré supérieur de
« treizalité ».
VI. LA RECHERCHE DES
LOGIQUES, DES SENS ET DES REPRESENTANTIONS
La logique renvoie au raisonnement qui guide la pratique ou
l'action des acteurs. Le sens rentre dans le champ sémantique pour
déceler les différentes significations de leurs actions selon
leurs propres sens. Les représentations reflètent l'image mentale
des faits.
6.1. LES LOGIQUES
La pratique de l' « OPJ debout » est
sous-tendue par la logique qui s'inscrit dans le contexte de
précarité. Celle-ci induit la
« treizalité ». Le pouvoir étant
inégalement reparti, le manque de distribution est un frein à la
participation et ipso facto, amène le participant à retirer son
pouvoir pour l'utiliser à ses propres fins en s'instituant en
« OPJ ».
Pour mieux « treizer » l'APJ vise à
tout prix à négocier. Il s'érige en
« diplomate » pour persuader les deux parties à
trouver un terrain d'entente. L'arrangement à l'amiable par la
conciliation ou la médiation (intervention d'une personne influente) est
un préalable pour la « treizalité ».
L' « OPJ » quant à lui, inverse le
principe selon lequel, le pénal tient le
« un-quatre » (civil) en état. Pour lui, c'est ce
dernier qui tient le pénal en état. Il règle d'abord le
problème de réparation pour clôturer la répression
par la sanction qu'est l'amende transactionnelle. C'est la logique liée
à la « treizalité ». La pratique est un
mécanisme de survie guidée par la logique de conciliation que de
répression.
La pratique s'inscrit aussi dans une logique militaire. La
police est militarisée. Les policiers sont des
« mibali » (hommes) ici c'est le sens de
capacité et d'autodétermination. L'APJ se décolonise de
l'OPJ, lui retire son pouvoir, recherche son indépendance et sa
sécurité alimentaire pour se prendre soi-même à
charge. Cette pratique a commencé avec la gendarmerie comme force de
police. Il suffit de retourner en arrière pour revivre le contexte
historique et s'en rendre compte.
6.2. LE CHAMP
SÉMANTIQUE
Il y a plusieurs concepts thématiques qui ont
été largement exploités et leurs sens
décortiqués. Si nous les reprenons ici, c'est pour
décision récapitulative. D'avoir été bien
fignolés, certains n'apparaîtront pas ici.
6.2.1. « La pratique de
l' OPJ debout »
L'initiative de régulation sociale peut émaner
du policier ou des impliqués et parfois de la population. Si elle est
l'oeuvre du policier c'est la « treizalité normale »
ou « treize normal ». Au cas où c'est la population
ou les concernés qui initient l'arrangement du conflit par
l'intermédiaire du policier c'est la maîtrise de la
régulation sociale. C'est ce que Norbert LUPITSHI nomme de
capitalisation et du gel de contrôle policier. (2006 : 48) Pour
nous, c'est la fragilisation du pouvoir policier par la population.
L'argent issu de la « treizalité »
est le « mulambu » (cadeau donné au chef) ;
Ici, il s'agit de récompense à titre de service rendu.
6.2.2. « Le
mabuso »
Il désigne le cachot et a plusieurs significations
empiriques.
· « Le kota
okola »
C'est un concept lingala qui veut dire entrer et grandir. Le
« Kota okola » est un dérivatif de
« kota koli » qui est un centre d'instruction des
commandos. Il est situé dans la province de l'Equateur en
République Démocratique du Congo. La formation y étant
solide, rude et difficile, elle implique une certaine abnégation et un
effort personnel puisqu'elle met l'accent sur l'entraînement physique. Le
cachot devient « kota okola » par la souffrance qu'il
impose.
· « Le
Lubwaku »
Vient du verbe lingala « Kobwaka » qui
veut dire jeter. L'impliqué est un sujet de rejet. Il est exclut.
L'exclusion entraîne la marginalité.
« Lubwaku » a le sens d'exclusion ou rejet de
l'impliqué par la société. Il répond à la
logique exclusiviste et isolationniste.
· « L'Amigo »
Le cachot ici signifie ami. La société a
rejeté l'impliqué, néanmoins le cachot devient son ami
puisqu'il l'accueille.
·
« L' Hôtel »
Le cachot désigne aussi un hôtel sans lit ni
restaurant. Pour en sortir, il faut payer les frais. C'est ici que le principe
d'archimède est employé : « unesha kwangukiya
mu mayi, autatoka wakukauka » (vous êtes plongé
dans l'eau et par conséquent vous êtes mouillé) un corps
plongé dans l'eau remonte verticalement sur la surface. Ce principe
traduit le payement d'amende puisque l'acte est déjà
consommé. Dans ce contexte, l'amende traduit le frais de l'hôtel
qui a hébergé le concerné pendant son séjour
à la police.
· « La faculté sans
professeur »
Le cachot est comparable à une faculté sans
enseignants. C'est l'autodidactie. Le cachot en soit suffit pour que l'individu
se corrige de lui-même. La faculté sans professeur traduit le
même sens que « kota okola ». C'est un lieu de
correction et de réflexion personnelle : lieu
d'automéditation.
· « La maison de
passage »
« Mu cachot amubakiyake ngozi ya muntu »
(dans l'Amigo, il n'y reste pas la peau humaine). Elle traduit la courte
durée de détention. En plus, elle sert de lieu de passage vers le
Parquet. « Yangu mambo aiweze kuichiya apa, mwitusambishe,
mwitutume ku ngazi la dju » (Mon problème ne peut pas se
clôturer à la police, jugez-nous et vous nous transferez aux
instances supérieures).
· « Nyumba yetu »
Pour certains, le cachot devient leur maison
« tunakuya mu nyumba yetu tupumuzike, tutatoka paka, na atuwezi
kwenda ku Parquet (Nous venons dans notre maison pour nous reposer, nous
finirons toujours par en sortir et nous ne pouvons pas aller au Parquet). Le
cachot, au moment où il est une souffrance pour certains, il constitue
un lieu de vie et des repos pour les autres. Il s'agit des habitués de
l'amigo. C'est le cas des enfants de rue et dans la rue.
· « Jangwa »
Le « jangwa » traduit le désert, un
lieu dépourvu de vie. C'est l'image de la mort. Le
« Jangwa » c'est le cachot. Lorsque l'individu y est
gardé à vue, il est dépourvu de tout. Tous les besoins lui
sont privés, voire même élémentaires. Il faut
démander la permission pour les satisfaire.
· « Gereza »
C'est le synonyme de l'enfer. Le cachot est un enfer. Le
« gereza » traduit l'acception de souffrance que le cachot
fait subir aux internés.
6.2.3. Le « client »
Selon les données empiriques, est
« client » toute personne qui vient verser l'argent
à la police, les autres sont des visiteurs, parfois ils sont
« gênants » puisqu'ils viennent solliciter de l'aide
ou des interventions au regard d'un dossier. Au lieu de verser à la
police, par contre c'est la police qui fait le geste d'humanisme pour les
aider.
Le requérant de la justice est client puisqu'il va
verser les frais de plainte et il est bien accueilli avec respect parfois la
chaise lui est laissée et l'OPJ se met debout puisqu'il sait qu'il va
« treizer ».
Aussi, tout celui qui vient répondre à une
convocation est aussi un « client » puisqu'il doit payer
les « frais de convocation ». Tout impliqué est
aussi « client ».
Le « clientélisme » se manifeste
aussi au niveau de « Tshambuluka » et le
« tshitshani » (faisons comme d'habitude)
« Twishane » (qu'on en termine ici). Les policiers
et les « marchands pirates » se solidarisent puisque vivant
tous au « taux du jour », ils partagent les mêmes
conditions de vie qui se maintiennent dans le nom prescrit et deviennent par
« habitus », des clients. Le policier devient le protecteur
du marchand pirate. Il s'érige même en avocat lorsque son client
est pris dans le « mukwao » (le filet ou le piège)
ici l'arrestation.
6.2.4. « Le muviolo »
Le « muviolo » est une déformation
du viol. Selon les acteurs, le muviolo est synonyme de la perte de
virginité. Même si la fille l'avait déjà perdue, du
fait d'être surpris avec elle en tant que fille moins âgée,
il faut réparer la virginité en versant presque la valeur de la
dot. Parfois, tout dépend des enjeux des acteurs, l'auteur verse aux
parents de la victime une pièce de wax, deux chèvres et une somme
d'argent à convenir. Le « muviolo » est
négociable, il induit l'arrangement. C'est dans ce contexte qu'il peut
trouer régulation à la police.
La logique de réparation de la virginité est
liée à l'inquiétude de la famille de la victime concernant
son mariage qui devient incertain. D'où autant en profiter à
l'auteur présent qui a provoqué l'handicape ou l'obstacle.
Le « muviolo » traduit l'idée
d'abîmer la fille, de faire perdre la virginité avant le mariage.
« anesha ku mwarabisha mutoto, nani tena atamuowa ? Pakaye
djo atalipa mali ile bwanayaka alitafutaka kumwoa nayo » (Il a
déjà abimé l'enfant, qui pourra encore la prendre en
mariage, c'est à lui de payer la dot que devrait verser l'homme qui la
prendrait à mariage). Parfois par négociation, l'auteur profite
de l'occasion pour réparer le fait en l'épousant. Sinon,
l'arrangement se fait par payement des frais en compenstion de la dot. C'est
dans ce contexte que le « muviolo » est une
problématique au mariage. « Mushifanye makelele, ni mambo
ya haya, itamufungiya mutoto ma njia, abatamwoa. Mumushungiye asiri, dju ya
kumupa bahati » (Il ne faut pas faire du tapage, c'est une
affaire honteuse qui peut obnubiler sa voie du mariage de votre fille, soyez
discret pour lui donner sa chance de mariage).
Le « muviolo » perçu comme
problématique au mariage de la concernée, Raoul KIENGE KIENGE a
écrit à ce propos :
« Le viol provoque en effet un certain
émoi sur le terrain d'enquête. Il est de nature à
compromettre le mariage de la fille, et par voie de conséquence, entame
aussi bien le droit de la famille de la fille à la dot que la
réputation de la famille, car personne ne voudrait épouser une
fille qui a été victime du viol » (2005 :
137)
6.2.5. « Da muizi»
« Da muizi » traduit la femme voleuse.
L'adultère est synonyme de « vol » du mari.
« Da muizi » est ainsi donc une
« voleuse » des maris. Le mari est une
propriété privée qui n'est pas partageable ni
cédable. Le « vol » d'un mari peut entraîner
une réaction populaire sous l'incitation de la
« victime ».
La criminologie est une science interdisciplinaire. Sous cette
perspective, le vol du mari peut s'expliquer sur le plan biologique. En effet,
la femme qui se préoccupe de nourrir son mari en vue de
récupérer son énergie sous forme de semences germinales,
l'homme les lui prive et les destine à une autre. Quoi de plus normale
que de traiter celle-ci de voleuse de ses semences contenues dans l'homme.
Par ailleurs, l'union des faits est aussi perçue comme
le mariage et surtout si elle a été féconde.
« Ni bwana yangu, bantu bote banesha kudjuwa, minazala naye na
mutoto. Weye unakuya kuniba bwana uko Da mwizi » (C'est mon
mari, tout le monde le sait, j'ai enfanté avec lui , tu viens me voler
le mari, soeur voleuse).
6.2.6. « Les dossiers »
·
« dossier Kimbala »
« Kimbala » désigne le reste du
repas expédié et que l'on peut garder pour manger le lendemain.
Ici le dossier « Kimbala » est un dossier qui est en
jachère. « Niko na kimbala yangu niliacha mu
cachot ». (J'ai mon repas que j'ai laissé au cachot). La
personne gardée à vue en attendant l'issue du dossier est
« Kimbala ». Derrière le
« Kimbala » il y a l'idée de treizalité.
· « dossier Butu butu »
« Butu » désigne la nuit. Il s'agit
d'un dossier qui se traite dans l'ombre c'est-à-dire dans le secret.
C'est le dossier de « Kundelpain » qui échappe
à la visibilité.
· « Dossier ya
mafuta »
Le dossier « huileux » qui traduit la
rentabilité.
· « Dossier ya ba
intervention ou avec parapluie »
C'est le dossier où il y a de pression que nous avons
appelé « trafic d'influence ».
· « Dossier Ya kufunga macho ou
kipofu »
Un dossier aux yeux fermés ou dossier aveugle, est
celui qui est facilement treizable et qui n'a aucun danger éventuel.
· « Dossier ya kutonona
macho »
Dossier aux yeux grandement ouverts, c'est le contraire de ce
qui précède et traduit un dossier susceptible de créer le
problème à l'OPJ qui peut vomir ce qu'il a consommé,
c'est-à-dire restituer l'argent qu'il a perçu. Il est aussi
assimilé au « dossier compliqué » ou
« ya ba interventions ébale ». C'est un dossier
où il y a pression exercée sur l'OPJ.
· « Dossier ya
kundelpain »
C'est le dossier ya « butu butu » qui
s'opère dans l'ombre. Il est pratiqué par l' « OPJ
debout ».
6.2.7. « Le taux du
jour »
Il est lié au problème du vécu quotidien.
Les policiers, les marchands pirates comme la majorité de la population
vivant au jour le jour. Ils sont obligés par les conditions de vie de
sortir chaque joue pour « Kobeta libanga » se tailler la
pierre. Le taux du jour traduit l'idée que voici :
« à chaque jour suffit sa peine ». tout
dépend de ce qu'engendre le jour. Le gain peut être
élevé, moins élevé ou parfois absent. C'est le taux
du jour qui pousse le policier à être régulier sur la lieu
de travail même s'il est en repos puisqu'il doit chercher ou
« treizer » pour la survie. Il vise la treizalisation pour
compléter sa prime de 30 $ U.S. qui ne lui permet pas de nouer les deux
bouts du mois. C'est pourquoi l'on parle « Kula karibu na
kesho » (manger à l'approche du lendemain). Ceci traduit la
précarité qui fait que les gens mangent à des heures
tardives soit entre 22 heures et minuit. « Paka nitoke djo batoto
bakule » (il faut que je sorte pour que les enfants mangent). Si le
policier a de la chance de treizer, il se crie : « Napika
libaku, batoto batayamba djuma mujima » (J'ai eu la chance, avec
l'argent obtenu, les enfants vont chier pendant une semaine. Chier est synonyme
de manger parce que pour chier, il faut manger. C'est un discours de crise.
6.2.8. « Le civil ou le
un-quatre »
Le « un-quatre » signifie
« musenji » c'est-à-dire le non civilisé. Il
représente toute personne qui n'est pas militaire ou policière.
C'est la police qui civilise la population appelée
« musenji ». Le civil prend aussi le sens des personnes qui
transgressent la loi. L anotion de civil traduit aussi l'idée
d'infériorité. La policier est supérieur par rapport au
civil, or, il vit grâce au civil appelé
« musenji », non civilisé.
6.2.9. « L' amende
transactionnelle »
Elle a le sens de « mulambu » lorsqu'elle
est donnée par les deux parties en guise de reconnaissance pour le
service rendu : la conciliation ou l'arrangement à l'amiable du
conflit. Elle a aussi le sens de frais d' « hôtel »
que le concerné paie en vue de sortir de « mabuso »
ou amigo. « Unalala mu hôtel, autatoka bure kwasipo
kulipa » (Vous avez passé nuit à l'hôtel et
vous n'en sortirez pas sans avoir payer le frais).
Certains concepts sont développés dans le cadre
de fixation d'amende transactionnelle :
- Umupike marteau » (il faut le marteler), il s'agit
d'une forte amende.
- Uniache miye nimuuwe » (laissez-moi la tâche
de le tuer) C'est une amende exorbitante. La peine n'est pas individuelle, mais
collective. L'argent qui devrait servir à la famille est versé
à la police pour fin de justice.
- « OPJ frappeur » c'est un OPJ
marteau qui a l'habitude de demande des fortes amendes.
- « Umunyonge » (il faut
l'étrangler).
- « Umunyonye » (il faut le sucer). Ici,
il s'agit de sucer l'argent du client avec la particularité de tout
dépouiller.
- « Umukamune » (il faut le lessiver) dans
le sens de sucer, mais avec une particularité de tout
dépouiller.
- « Kifunga mulango » la prédot. La
prédot traduit la somme insuffisante que possède le
« client » par rapport à l'amende exigée qui
constitue la dot. Le dossier peut être clôturé par la dot ou
la prédot. Ainsi, l'OPJ peut recevoir la prédot et la partie
concernée laisse la prédot un bien en gage pour compléter
la dot et clôturer le problème.
- « Kingiya pori » (motivation). Ici
« kingiya pori a le sens d'une somme moyenne qui peut permettre
l'issue de la clôture du dossier. D'où le sens de
prédot.
Nous mettons en jachères tous ces thèmes qui
pourront être analysés ultérieurement selon les
opportunités pour l'approfondissement de cette recherche.
Elle a également le sens d'une punition qui
répond à la transgression. Elle est perçue sous forme
financière, matérielle et quelquefois et occasionnellement
sexuelle.
6.2.10. « Le policier »
Il a le sens de personnification de l'Etat.
« Wewe djo l'Etat, utukatiye mambo » (C'est vous
qui êtes l'Etat, tranchez le problème). Il est le garant de la
paix. « We djo mulinzi » (c'est vous qui
êtes le gardien). Le policier est « mobali »
(un homme). Ici « mobali » traduit l'idée
de capacité à s'autogérer et à se prendre en
charge. Il est « ligenda » (déformation de
gendarme). Il est « likwata » (celui qui
arrête). Il est le Dieu de la terre. « Mwe djo ba mungu ba
pa dunia » (vous êtes les dieux de la terre). Le policier
est aussi « sukisa tembe » C'est-à-dire,
celui qui mâte les recalcitrants. Il est
« poso », « sokoro »
c'est-à-dire il est militaire. Le policier est militarisé
appelé « sokoro » qui est la
déformation du soldat.
« Policier ni ngivi tena ni
saidiya » (le policier est un voleur et un mendiant) nous disent
les participants d'être traités ainsi par le
« un-quatre ».
6.2.11. Le « un-quatre » ou le
« bilanga » de la police
Le civil constitue le champ de la police. Le champ a le sens
de la récolte. Il traduit l'idée de « treize,
treizalité ou treizalisation ». C'est l'image du poisson dans
l'eau. La police est un poisson qui vit dans l'eau (la population). Il traduit
l'idée du feu président Mobutu lorsqu'il avait parlé de
l'art. 15 qui signifie débrouillez-vous. La protection est
tronquée contre le « dix-vingt-cinq » (l'argent).
6.2.12. « Kusanza » ou
Kutapika »
Il traduit « vomir ». Pour vomir, il faut
d'abor manger ou boire. Lorsqu'on perçoit l'argent, c'est pour
l'utiliser ; manger l'argent, c'est le consommer c'est-à-dire
l'utiliser à des différentes fins avouées ou
inavouées.
« Kusanza » renvoi au rebondissement du
dossier qui oblige la restitution de ce qui a perçu. Il s'agit surtout
de « dossier aux yeux grandement ouverts » ou
« dossier ya ba problème ». C'est le cas aussi de
« Kubambisha touche ». A ce propos les policiers
disent : « oliaki eloko ya mbwa préparez
mbangu » (vous avez mangé les biens du chien
préparez la fuite).
6.3. L'image de la police
La police empiriquement, présente trois images :
elle est militarisée, tribunaliseé, de précarité et
de « treizalité ».
6.3.1. La militarisation
policière
La police présente l'image d'une armée. Elle
obéit à la logique militaire dans son organisation. Une lecture
retrospective contextuelle de cette recherche renseigne qu'à travers le
temps, surtout à l'époque de la gendarmerie, les conditions
socio-économiques dans lesquelles vivaient les gendarmes qui faisaient
l'office des policiers, ont permis aux supérieurs de survivre en vendant
quelquefois les effets militaires. Certains ont profité de leur position
hiérarchique pour utiliser les gendarmes comme des gardes chez les
privés. Quant aux gendarmes sans grade, ils se rabattaient sur la
population civile qui devenait leur champ de récolte pour la survie.
C'est le même tableau qui se dessine aujourd'hui dans cette police biface
qui tient du civil et du militaire.
Aujourd'hui, sans salaire, recevant une prime de 30$ U.S. qui
ne permet pas aux policiers de tenir le coût, ils se rabattent comme les
gendarmes dont certains sont actifs dans la police, sur la population. C'est
dans ce contexte qu'ils rappliquent le « millième »
et le « disappro ». La police est comparée à
un chasseur dont le gibier est la population. C'est le
« mawindo » ou le « bokila » pendant
lequel les policiers tendent le piège « mukwao » ou
l' « ambouchi » pour attraper le gibier.
Ainsi, « la militarisation
policière » présente une image non appréciable
par la population. C'est le jeu du chat et de la souris, la protection
sécuritaire de « Musenji et ses biens » n'est-elle
pas « tronquée, confisquée » ?
La « militarisation policière » ne
reflète pas une « police démocratique » dans
un « Etat démocratique ».
6.3.2. La tribunalisation
policière
A titre de rappel, le premier chapitre a été
centré sur la construction de l'objet et sa mise en contexte. Ainsi,
avons-nous tenté de cerner le contexte dans lequel évolue les
acteurs en vue de comprendre leur manière de faire dans l'exercice du
travail judiciaire. Cette contextualisation nous a permis d'opérer une
rupture avec les évidences en vue de comprendre les logiques et les
représentations des acteurs.
Il ressort des empiries que la police est
tribunalisée :
- La police est un « tribunal ».
« Tunakuya ku la police etukatiye mambo » (Nous
venons à la police pour qu'elle tranche notre problème). Elle est
une instance de l'administration de la justice.
- La police est un « tribunal de paix ».
« Tunakuya mwitu pataniche » (Nous venons pour la
conciliation).
- La police est une « chambre de
conseil ». « Tunakuya ku la police dju ya kwitupa
mashauri ». (Nous venons à la police pour nous
conseiller) au regard de notre conflit.
- La police est un « tribunal de
réparation ». « Anakawiya na deni yangu,
minakuya alipi yeyo huku » (Il a traîné avec ma
dette, je viens pour qu'il me la paie à ce niveau).
« Minapenda anilipe bitu yangu aliaribu na anituziche kilonda ile
aliniumiza » (Je voudrais qu'il me paie les biens qu'il a
détruits et qu'il assure les soins de ma blessure).
- La police est un « tribunal
répressif ». « Uyu muntu alinikoseya, na mutela
huku apikiwe fimbo na alale mu cachot » (Cet homme a
abusé, je vous l'amène pour qu'il soit fouetté et qu'il
passe nuit au cachot) « uyu muntu, mumupe tu leçon, mu mu
discipliner » (Cet homme doit recevoir une leçon de la
police pour qu'il soit discipliné).
- La police est un « tribunal de transit »
« Tufike na huyu muntu paka ku mwisho » (Nous
devons arriver avec cet homme jusqu'à la fin). C'est-à-dire aux
instances supérieures, le parquet et le tribunal.
La « tribunalisation policière »
renvoie à la logique de l'innovation, de la transformation et de la
contextualisation et de l'adaptation des lois des
« autres ». Celles-ci ne constituent plus une
panacée, mais un cadre conceptuel de fixation des faits dont la
résolution rentre dans les normes sociales.
La tribunalisation policière cadre avec la
pensée du feu président MOBUTU selon laquelle
« moto na moto abongisa » (Que chacun, partout
où il travaille, qu'il améliore ou aménage). C'est sous
cette perspective que les policiers aménagent l'organisation
policière en adaptant et en contextualisant la procédure et la
loi pénales.
Ainsi, la pratique d' « OPJ debout » se
veut-elle un « tribunal » intermédiaire entre le
tribunal policier et celui dit populaire (réaction sociale diffuse).
Elle est un avant-garde et une voie de passage de la régulation sociale
diffuse vers la régulation sociale prescrite ou réglementaire.
6.3.3. La
précarité induit la « treizalité »
La précarité et la treizalité
découlent de la démission de l'Etat. Celui-ci est
réputé démissionnaire. La non distribution de l'Etat
amène les acteurs à s'investir à lui. D'où la
personnification de l'Etat. Les règles du jeu entre OPJ et APJ se
résument par la « distribution » et la
participation. La non distribution induit la non participation. C'est la
manière de travailler de l' « OPJ ». C'est comme
l'Etat qui ne distribue pas, pousse les acteurs à s'instituer. C'est
dans ce contexte que nous rejoignons l'Article 15 prôné par le feu
président MOBUTU « débrouillez-vous » et le
« moto na moto abongisa » est transformé par la
treizalité. Qui travaille à l'hôtel, mange à
l'hôtel.
« Nkuzi » chef, nous dit un
participant à l'entretien, nous sommes traités de mendiants
pourquoi l'Etat ne nous dote pas des tenues. L'unique que je possède est
déchirée. Certains nous disent d'abandonner ce métier
parce qu'il n'est pas payant. C'est ce « mosala ya punda »
(c'est le travail d'un cheval), ici un travail sans fruit. Nous vivons en
protégeant la population. « Muchungaji wa ba ngombe djo
anakamunaka maziba na djo anainyonyaka, chef yake bila kujuwa, mu absence ya
commandant, niko na treizaka bila ye kujua » (C'est le berger qui
trait la vache, qui profite du lait sans que son patron le sache, à
l'absence du commandant, je « treize » sans qu'il ne le
sache). « Tatosha « bandit » mu cachot, tunalala
naye mu motoka, ananipa franga yangu, asubuyi, na mu rudisha mu
amigo » (Je peux sortir un détenu
« bandit » pour passer nuit dans un véhicule et le
retourner le matin au cachot après l'avoir
« treizer ».) « Kama muntu eko mu infracata, tuna
« disappronner », l'Etat djo anapenda vile, tuko ba ngivi
autorisés.L'Etat djo ngivi etulipake vile inapasha. Parfois ni
bobenyewe. Banatoshaka mu mifuko yabo banetupa, aina bwizi, ni
« treize » normale ». Ce qui se traduit :
(Si quelqu'un est en infraction, nous le « disappronnons »
(fuille systématique et récupéraiton de ses biens) c'est
l'Etat qui veut cette pratique. Nous sommes de voleurs autorisés. C'est
l'Etat qui est voleur puisqu'il ne nous paie pas comme il faut. Parfois, c'est
la population elle-même qui sort de l'argent dans ses poches pour nous
donner, nous ne somme spas de voleur, mais nous faisons « une
« treizalité » normale)
La police est l'image d'un poisson dans l'eau. Celle-ci
représente la population. C'est l'image d'une police qui vit en harmonie
avec la population qu'elle est censée protéger. Le policier
pendant le « mawindo ou le bokila » peut
acheminer la personne ivre à son domicile et en guise de reconnaissance
celle-ci lui donne le « mulambu ». C'est la police
qu'a connue le pays à l'entrée de Mzee L.D. KABILA. Durant cette
période, le policier touchait une prime équivalent à 100
$. Cette image policière reflète celle de la proximité
vivant en harmonie avec la société.
Quand la prime s'est aménuisée, la police a
changé de face et inverser l'image du poisson dans l'eau. Celle-ci
représente le policier et le poisson la population. Il suffit d'un petit
problème, le poisson est mis hors l'eau, il étouffe et vomit
l'argent. C'est la treizalisation policière. La
« treizalité » est liée à la forme de
l'Etat. La police en est le miroir (MICHEL A., et al., 2005 : I). Le pays
est entrain de se construire. La treizalité est une conséquence
de l'Etat qui gouverne sans distribution, malgré qu'il soit entrepreneur
des entrepreneurs. C'est dans ce cadre que les acteurs s'instituent à
l'Etat et se décolonisent puisqu'ils sont les « yankés
ou les mibali ». C'est-à-dire les hommes capables de se
prendre en charge pour dire non aux conditions inhumaines et à
l'exploitation. C'est pourquoi ils ne sont pas seulement les acteurs sociaux,
mais aussi les sujets historiques capables de transformer leur vie et le cours
de l'histoire. En définitive, la pratique d' « OPJ
debout » répond à une logique de
« treizalisation ou treizalité » derrière
laquelle se trouve un arrangement à l'amiable qui s'impose comme
condition « sine quanon ». L'arrangement ouvre la voie
à l'essentiel de la pratique que nous résumons par la recherche
de l'harmonie dans la société.
VII. LES PERSPECTIVES OU
PISTES DE RECHERCHE
Le processus constructif de l'objet de recherche, nous a
permis de découvrir d'autres pistes de recherche en termes des
facettes.
La lecture exploratoire ouvre de nouveaux horizons de
recherche. C'est dans cette perspective que nous rejoignons la recherche de
Norbert LUPITSHI lorsqu'il parle du rapport en ces termes :
« Le rapport veut dire que les policiers sont
à leur poste de travail et il y a des véhicules qui n'ont pas de
documents recommandés. Alors, les policiers de roulage demandent
à ces véhicules de donner l'argent (le rapport) pour qu'ils ne
les arrêtent pas (...). La remise du « rapport » est
normale car elle nous aide lorsque nous n'avons pas tous les documents de
bord »
Le fait tel que décrit par Norbert LUPITSHI traduit la
pratique de l'« OPJ debout ». Au lieu de constater les
« contraventions »routières, acheminer le conducteur
et son véhicule à son chef hiérarchique, les policiers
demandent le « rapport ». C'est comme le
« Tshitshani » dont nous avions parlé
« Tuishane, tufanye paka ville tunafanyaka »
(Qu'on en finisse, faisons comme nous avons toujours fait). Une
solidarité ou collaboration entre ces deux acteurs se cristallisent.
C'est aussi le « Tshambuluka » ou le règne
du « désordre » assimilable au
« Kimbilite » (arrêt non
réglementaire).
Ainsi, la police de circulation routière
présente les atouts d'une recherche portant sur la pratique de l'
« OPJ debout ». Cette facette que nous venons de
présenter est une ouverture analogue. Cette unité
spécialisée a aussi ses caractéristiques
particulières telle que le degré de
« treizalité » qui est remarquable. C'est le cas de
la remise de rapport. Le « tenta » pouvait être
envisagé comme stratégie d'immobilisation du véhicule et
de son conducteur. Les données empiriques pourraient fournir de
nouvelles connaissances suscitant des nouvelles réflexions.
L'entretien exploratoire quant à lui nous a conduit
à la Police des Mines. C'est dans le contexte du degré de
treizalisation que nous avons évoqué la Police des Mines et celle
de circulation routière. Sous la posture de
« transférabiltié », la Police des Mines est
également une unité qui semble mieux indiquée pour
l'analyse de la pratique de l'« OPJ debout » et les
empiries peuvent nous éclairer la piste de recherche.
« Nous relate le commandant MUNGOBWAKI au regard
de la pratique d'OPJ debout dans cette unité. Un jour, un OPJ ayant
arrêté à Luisha un véhicule de minerais sans
documents, le conducteur lui proposa le « rapport » de
200.000 FC au lieu de 1000 $ que l'OPJ demandait. Sans compromis, l'OPJ lui
colla un APJ pour l'acheminer à l'Etat-major situé à
Lubumbashi. L'APJ demanda au chauffeur de lui donner 200.000 FC et libera le
chauffeur et rentra donner un faux rapport à son chef
hiérarchique : « vous m'aviez piégé, le
chauffeur m'a conduit à l'Auditorat. Un magistrat nous attendait pour
que je sois arrêté. J'ai du sauter du véhicule pour
m'échapper. Mon commandant, c'est de votre faute, il fallait prendre
cette somme de 200.000 FC qu'il nous a proposée. Voilà que nous
avons perdu... »
Cette restitution empirique illustre la facette de la pratique
de l'« OPJ debout » telle qu'elle se produit dans cette
unité. Toutefois, la recherche peut ouvrir de nouvelles connaissances
ainsi que de nouvelles pistes d'investigation.
En misant sur les sphères de l'organisation prescrite
et non prescrite, les services publics constituent un champ vaste aux multiples
facettes de la pratique de « Kundelpain » ou pratique de
l'ombre. Ainsi, les services publics offrent beaucoup d'atouts et ouvrent
plusieurs pistes de recherche concernant les pratiques de
l'informalité.
Quelle leçon pouvons nous tirer de ce
chapitre ?
La police comme organisation fonctionne grâce aux deux
sphères dont l'une visible et l'autre visible. L'invisible (le non
prescrit) puise ses racines dans le visible (le réglementaire) pour
évoluer dans une perspective d'innovation (création des lois)
d'adaptation et de contextualisation de la loi et la procédure
conçues pour les « autres ».
En qualité d'acteurs, l' « APJ »
par la non distribution, se substitue à l'OPJ pour devenir
« OPJ debout ». Les deux acteurs se substituent souvent en
« magistrats », « juges »,
« législateurs » et « Etat ».
La pratique d' « OPJ debout » s'inscrit
dans un contexte de précarité dont la treizalité en est
une conséquence. Elle suscite une question de réforme du droit
congolais.
Un Gouvernement qui ne distribue pas, ne reflète pas
l'image d'un Etat démocratique. C'est dans cette perspective que MANODJE
M. écrit :
« Pas de démocratie sans
démocrates, c'est-à-dire des personnes qui y croient et qui sont
prêts pour son avènement » (2006 : 4)
C'est dans ce même ordre d'idée que la
pensée de LANZA J.K. tombe à point lorsqu'elle
écrit : « Diriger c'est avant tout
servir. » (1993 : 29) C'est ici où nous rejoignons
l'idée du feu président MOBUTU lorsqu'il stigmatisa :
« ...avant tout servir et non se servir... ». Le
souhait que nous pouvons formuler, que cette pensée soit
élevée comme « devise » guidant tout
congolais. Par ailleurs, cette « devise » doit
s'accompagner de la reforme de mentalité devant miser sur la
transparence. Ainsi, un démocrate doit-il savoir servir, partager,
négocier pour l'intérêt du pays.
CONCLUSION GENERALE
La recherche que nous avons le loisir de conclure a
porté sur les relations entre « OPJ et APJ » dans
l'exercice de leur travail judiciaire. Le phénomène
analysé est très ancien et trouve ses racines dans la gendarmerie
comme force de police. Sa spécificité est mal identifiée
puisque évoluant dans l'ombre. Les relations entre ces deux acteurs
tournent autour des règles de jeu axées sur la distribution,
participation et négociation.
La manière de travailler de l'OPJ induit la pratique de
l' « OPJ debout » par manque de distribution. C'est ce qui
fait que l' « APJ » renverse » le rapport
hiérarchique, retire son pouvoir de son chef et s'institue en
« OPJ » pour réguler les différents
problèmes à son insu.
Ce faisant, la visée étant la recherche de
l'essentiel, pour la décortiquer, il nous a fallu placer les acteurs
dans ce contexte où ils évoluent en vue de comprendre leur
manière de faire dans l'exercice du travail judiciaire. Cette
contextualisation nous a permis de rompre avec les évidences en vue de
cerner les logiques et les représentations des acteurs. C'est dans le
contexte que l'analyse de cette pratique interdit toute corrélation
mécanique entre pratique et carrière délinquante.
Il ressort du contexte historique que la police est
militarisée et les acteurs s'inscrivent dans un contexte dominé
par la logique de précarité et de vulnérabilité. La
police est à la fois jeune et vielle. Celle-là par sa
création juridique qui date du 26 janvier conformément au
décret-loi n°002/2002. Celle-ci par sa composition. Elle renferme
en son sein les anciens de la Force Publique, Gendarmerie, Garde civile,
factions belligérantes, anciens ou retraités gendarmes, veuves et
orphelins de la police. Ainsi, la police tient elle du militaire et du civil,
du professionnel et du non professionnel.
La police, dans sa forme organisationnelle, fonctionne
grâce aux deux sphères dont l'une apparente, manifeste et
réglementaire tandis que l'autre potentielle, invisible et perçue
comme le lieu d'émergence de la pratique non prescrite. C'est l'ombre
qui soutient le visible et le non prescrit sous-tend le prescrit. Celui-ci est
puissant et sans lui, la machine policière bloque. Si les acteurs
travaillent avec zèle malgré l'insuffisance de la prime comme ils
n'ont pas de salaire, c'est grâce à la pratique de l'ombre qu'ils
gagnent leur vie. N'eut été elle, il y a belle lurette que les
policiers démissionneraient ou déserteraient massivement de la
police.
Le tracé de cette recherche étant inductif, nous
avons ciblé la méthode qualitative de type ethnographique qui
nous a permis d'être à la fois « observant »
ou « professionnel » et
« observé » ou « participant »
c'est-à-dire à la fois chercheur et acteur. La
« participation observation » et l'observation
participation » nous ont placé dans une position
privilégiée où les opportunités de saisir les faits
étaient nombreuses et profitables. Les observations ont
été complétées et enrichies par les entretiens et
l'observation documentaire qui sont les observations indirectes. Elles nous ont
aidé à découvrir ce qui a échappé à
notre vision d'observation. Les différentes données
récoltées ont été traitées par la
méthode d'analyse thématique.
Il ressort de cette analyse que, de ces relations entre
« OPJ » et « APJ », découlent la
pratique d' « OPJ debout » dont l'essentiel se
résume dans l'arrangement à l'amiable comme mode de
régulation des conflits susceptible d'apporter l'harmonie, la paix et la
tranquillité sociale. C'est la finalité de la justice.
Le manque de distribution entraîne l'APJ à se
substituer à l' « OPJ » pour réguler les
conflits en « Kundelpain » dans l'ombre et en son insu.
Selon les empiries, les deux acteurs évoluent dans les relations autour
des enjeux financiers suite à l'inégalité du pouvoir. L'
« APJ » est une instance du pouvoir. Il est instrument de
« treizalité » de l'OPJ puisqu'il lui fournit le
pouvoir et moyen. Le pouvoir du chef ne vaut que lorsque l'exécutant se
soumet ou participe à ce pouvoir, sinon, il devient inefficace.
D'où, pour combler cette répartition inégale du pouvoir,
c'est l'idée de distribution qui est envisageable. Elle doit
s'accompagner de la répartition et de la coopération, sinon,
c'est le conflit qui s'installe et affaiblit ces relations. Aussi, le
degré de participation renforce-t-il le pouvoir du chef.
La loi des « autres » fut imposée,
elle s'avère inadaptée et non contextualisée. Elle est une
problématique dans son application. C'est ce qui fait que les policiers
transforment la loi civile en loi pénale et vice versa, la modifie
(la dette est érigée en abus de confiance), l'adaptent et la
contextualise selon les circonstances et les enjeux des acteurs. Il arrive
aussi que « le muviolo » fait pénal soit
décriminalisé au profit de l'arrangement et de la
réparation. Ils créent d'autres lois en innovant, aussi d'autres
sanctions non répressives qui équivalent à l'amende, c'est
le « millième » ou commerce sexuel perçu
comme « caution » ainsi que les différents biens en
nature pour mettre fin à la poursuite judiciaire des concernés.
C'est sous ce profil que nous rejoignons la pensée de DAYEZ B. lorsqu'il
écrit :
« Une des caractéristiques essentielles
de la loi pénale est aussi d'être radicalement limitée et
de reconnaître en conséquence au citoyen, au-delà de ses
frontières, une souveraineté, très exactement une
autonomie » (1999 : 10)
Sur ce, c'est ici qu'apparaît la pertinence de l'acteur
social. L' « APJ » se transforme en
« OPJ » pour être appelé « OPJ
debout ». Les deux acteurs, selon les enjeux et les circonstances du
moment liés à leur point de vue, selon leur expérience et
projets propres, dans une logique dominée par la
précarité, ils s'érigent en
« magistrats » (pour s'investir maître de l'action
publique) en « Juges » (ils criminalisent ou
décriminalisent, ils régulent les affaires civiles qui sont,
selon la loi des « autres », l'apanage du seul juge) en
« Législateurs » (ils innovent d'autres lois,
modifient ou adaptent certaines) en « Etat » (ils se
personnifient en « Etat » puisqu'ils sont à la
quête de citoyenneté par rapport à lui. Ils sont à
la recherche de leur identité). Ils s'affirment pour se
décoloniser et dire non à toute forme d'exploitation ou des
conditions inhumaines. En hommes capables, ils s'instituent à l'Etat et
se paient à travers ce phénomène de substitution. C'est ce
qui fait que le Droit pénal suscite la reforme.
La police est militarisée. Les policiers se livrent
à la chasse des civiles qu'ils considèrent comme gibiers à
traquer dont ils tendent le piège
« mukwao ». La police est un tribunal à la
fois de paix, de répression, de correction, un transit pour les
instances supérieures. Elle est dominée par la
précarité induisant les différentes treizalités
financières (économique), culturelles (ethniques ou tribales),
sociales (relationnelles) sexuelles (le millième), de poste
(détachement) et du pouvoir (prestige, puissance et richesse) des
acteurs.
La police est le visage de l'Etat, elle est son miroir. Le
gouvernement qui ne distribue pas, ne reflète pas l'image d'un Etat
démocratique. La police est un marteau entre les mains de l'Etat pour
modeler la population civile. Celle-ci est le champ de la police où
s'opère la treizalité. Le policier à un moment est un
poisson dans l'eau et vit en harmonie avec la population. A un autre, il cesse
d'être poisson et devient l'eau. Il soulève hors de l'eau le
poisson pour qu'il vomisse l'argent. C'est l'idée de treizalité
liée à la précarité de vie. L'au peut se
sécher pour causer du tort aux poissons (population). C'est le cas de
pillage qu'à connu le pays.
Un Etat démocratique doit se fonder sur la
distribution, la participation et la négociation ou la
coopération. La non distribution induit les acteurs à
récupérer leur pouvoir et à transformer les gouvernants en
simples sujets. Leur pouvoir devient inefficace puisque la base ne participe
pas.
La police comme la démocratie congolaise sont
naissantes, jeunes et vulnérables. Elles ont besoin d'une attention
particulière pour croître comme une rose qui a besoin de
l'entretien pour fleurir. Nous pensons avoir produit un savoir où les
concernés peuvent se mirer, s'y identifier et s'y reconnaître
à travers leur pratique. Elle nous a permis à nous
reconnaître et à stigmatiser que le chercheur est un
pèlerin voyageur à la découverte de nouvelles
connaissances. Il trottine, trainale, navigue, plane et chemine vers d'autres
horizons.....
Au terme de cette recherche dans les limites que nous nous
sommes imposées en la préparant, nous l'estimons
incomplète et imparfaite. Toutefois, elle ouvre d'autres pistes de
recherche que nous laissons aux opportunités éventuelles.
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- TSHINYAMA I. (2006), La rencontre entre les policiers et les
jeunes délinquants » à Lubumbashi Mémoire de
DEA, UNILU, Lubumbashi, Ecocrim
Les relations entre « OPJ » et
« APJ » :
Analyse criminologique de la Pratique de
l' « OPJ debout »
Par : MUTOMBO NGOY BANZE Albert
- Assistant social
- Sociologue
- Anthropologue
- Agrégé de l'enseignement et
- Criminologue
Promoteur : Prof. Raoul KIENGE-KIENGE
Co-promotrice : Prof. Sara LIWARENT
Relations entre « OPJ » et
« APJ » dans l'exercice de leur travail judiciaire :
Analyse criminologique de la pratique d' « OPJ debout
».
- Quelles sont les relations entre « APJ »
et « OPJ » dans le cadre du travail judiciaire ?
- Qu'est-ce qui fait que l' « APJ »
renverse la position hiérarchique pour se substituer en OPJ
appelé « OPJ debout » ? Et comment les deux
acteurs se transforment en « Magistrats », en
« Juges », en « législateurs »
et en « Etat » ?
- Quelles sont les règles du jeux des acteurs et
comment transforment-ils la loi « des autres », en
l'adaptant d'une manière contextuelle et innovant d'autres ?
- Quel est l'essentiel qui se dégage de ces relations
et que fait-il que la police soit militarisée, tribunalisée et
dominée par la « treizalité » ?
La présente recherche expose d'une manière
claire et profonde, les réponses à ces différentes
questions dans une perspective empirique d'une police à la fois jeune et
vieille, professionnelle et non professionnelle, civile et militaire.
* 1 ALBARELLO, L.,
(2004 : 13). Les références bibliographiques sont
signalées dans le corps du texte par le nom de l'auteur, suivi de la
date de publication et de la page. La référence complète
est donnée dans l'annexe bibliographique.
* 2 Journal Officiel de la RDC
(2002 : 17-47), Kinshasa, CPR
* 3 Rapport de la CNS
* 4 L'unité de
commandement et le pouvoir continu
* 5 La recherche excessive du
pouvoir détruit le pays
* 6 Journal Officiel de la RDC,
n° Spécial, Avril 2002
* 7 Police comme instance de
régulation sociale
* 8 Nous les aidons dans l'ombre
pour qu'ils s'entendent ». Ceci traduit la finalité de la
Justice policière qui s'opère dans l'ombre
* 9 « Nous sommes les
animaux de la forêt. Cela implique la règle d'or qui fait que les
forts supplantent les faibles. C'est la de la jungle.
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