7.2.5. Enquête chez le personnel de santé
7.2.5.1. Caractéristiques
socio-professionnelles du personnel de santé
Cent vingt agents de santé ont pris part à notre
enquête. Nous avons dénombré parmi eux 75
AA (62,5%) et 45 SFE/ME (37,5%). C'est un personnel
féminin à 96,6 %, ce qui est une caractéristique
du personnel des services de SMI au Burkina Faso. La moyenne d'âge a
été de 40,9 ans avec un écart-type de
7,9. Des extrêmes de 22 et 61 ans ont été observés.
Cette moyenne ne varie pas significativement avec le DS (P = 0,07). Soixante
quinze pour-cent des agents avaient au moins 36 ans.
En moyenne, le nombre d'années de service a
été de 14,9 ans avec un écart-type de
8,2. Les extrêmes ont été 1 et 35 ans de services. La
durée moyenne de service apparaît uniforme à travers les DS
(P = 0,11).
Par ailleurs, nos résultats montrent que seulement
18 % des agents ont reçu une formation en rapport avec
la prise en charge médicamenteuse des femmes enceintes lors des 5
dernières années.
7.2.5.2. Sources d'informations du personnel sur les
médicaments
La majorité des agents enquêtés
(95%) utilise comme source d'informations les brochures
commerciales des visiteurs médicaux dans la prescription chez la femme
enceinte. Notre étude rejoint ainsi celle de Zoungrana [100] et celle de
Compaoré et collaborateurs [17] qui ont respectivement trouvé la
même source d'information chez les prescripteurs. Par ailleurs, nous
avons observé dans certaines FS des interruptions intempestives des
consultations par les visiteurs médicaux à des fins de promotion
de leurs produits auprès des prescripteurs. Cette situation a sans doute
sa part de responsabilité dans les insuffisances observées au
niveau des prescriptions. Selon le Guide pratique OMS, les sources commerciales
insistent volontiers sur les caractéristiques favorables des produits,
tout en passant partiellement ou totalement sous silence les défauts
[71]. Selon ce Guide, les données de la littérature confirment
que le praticien est un prescripteur d'autant plus médiocre qu'il se
satisfait d'informations à vocation commerciale.
7.2.5.3. Prescripteurs et connaissance de
médicaments chez la femme enceinte
Nous avons voulu évaluer l'attitude du personnel
vis-à-vis de la prescription de certains médicaments chez la
femme enceinte. La démarche a consisté à les amener
à se prononcer
sur 10 médicaments dont la prescription est plus ou moins
problématique chez la femme enceinte.
- Connaissances sur le Paracétamol
Le paracétamol ne semble pas poser de problème chez
les prescripteurs puisque 97,5 % d'entre eux le prescrivent au premier
trimestre, 95 % au deuxième et troisième trimestre. Effectivement
la littérature s'accorde à dire que le paracétamol est
l'antalgique de choix chez la femme enceinte [49 ; 73 ; 78].
- Connaissances sur l'Aspirine (acide
acétyle salicylique)
Au troisième trimestre de grossesse, 10 agents (soit 12
%) prescriraient l'aspirine contre 22,5 % et 31,5 % des agents qui la
prescriraient respectivement au premier et deuxième trimestre. La faible
proportion d'agents qui prescriraient l'aspirine au troisième trimestre
suggère que certains agents sont avisés de la contre-indication
de l'aspirine au troisième trimestre de grossesse. En effet, l'acide
acétyle salicylique, à l'instar des autres AINS peut
entraîner à partir du sixième mois de grossesse [16 ; 73 ;
78 ; 81] :
* une augmentation du risque d'hémorragie néonatale
par inhibition de la fonction plaquettaire ;
* un risque de fermeture prématurée du canal
artériel avec hypertension primaire néonatale par inhibition des
prostaglandines.
*un allongement de la durée de la grossesse par inhibition
de la synthèse des prostaglandines impliquées dans la
motricité utérine.
- Connaissances sur le Fansidar®
(Sulfadoxine-Pyriméthamine)
Le Fansidar est le médicament préconisé
dans le TPI du paludisme chez la femme enceinte. Il est prescrit à
partir du deuxième trimestre de grossesse (16ème SA)
selon les directives nationales [62]. Le Fansidar® s'est
montré tératogène chez l'animal [73], ce qui justifie son
utilisation à partir du 2ème trimestre de
grossesse.
Dans notre étude, 6 agents soit 5 % le
prescrivent au premier trimestre ce qui est contraire aux recommandations en
vigueur.
- Connaissances sur le
Vogalène®
Cet antiémétique est bien admis par les
prescripteurs au regard des proportions de 98,3%, 95 % et 94 % d'entre eux qui
se sont prononcés pour sa prescription respectivement au premier,
deuxième et troisième trimestre. Si la
tératogénicité de ce médicament
(métopimazine) n'a pas été prouvée, pour beaucoup
d'auteurs, le traitement médicamenteux des nausées et
vomissements gravidiques si tant est qu'il se justifie, devrait faire appel
à des
molécules bénéficiant de plus de recul
(doxylamine, pyridoxine, dimenhydrinate, métoclopramide) [2 ; 5 ; 8 ; 32
; 44 ; 61 ; 83 ; 85].
- Connaissances sur l'Ibuprofène
L'Ibuprofène tout comme l'acide acétyle
salicylique est contre-indiqué chez la femme enceinte à partir du
sixième mois de la grossesse compte tenu des raisons
précédemment évoquées (voir Aspirine). Dans notre
étude, 19 agents soit 15,8 % prescrivent l'Ibuprofène au
troisième trimestre.
- Connaissances sur la Vitamine A.
Les agents qui se sont prononcés pour la prescription
de la Vitamine A (Rétinol) ont constitué 10,5 %, 15,8 % et 14,2 %
respectivement au premier, deuxième et troisième trimestre. D'une
manière générale les compléments nutritionnels
devraient être prescrits uniquement en cas de carences
avérées.
Le rétinol s'est avéré
tératogène sur plusieurs espèces animales. Chez l'homme,
quelques cas d'effets tératogènes ont été
rapportés [20 ; 73]. Toutefois, il existe une controverse autour de la
tératogénicité de la Vitamine A chez l'homme avec des
études contradictoires [20].
- Connaissances sur le
Methergin®
Aucun agent sur les 120 ne prescrit le
Methergin® (Méthylergométrine) à aucun
trimestre de la grossesse. Effectivement, ce médicament
dérivé de l'Ergot de Seigle est indiqué dans les
hémorragies de la délivrance et du post-partum de par ses
propriétés vasoconstrictrices [73].
- Connaissances sur la Carbocystéine
Selon le Vidal [73], la carbocystéine peut être
prescrite si nécessaire comme fluidifiant bronchique chez la femme
enceinte. Dans notre étude, la proportion d'agents qui prescrivent la
carbocystéine a été de 80 %, 82,5 % et 80,8 %
respectivement au premier, deuxième et troisième trimestre. La
connaissance de cette molécule est donc bonne dans l'ensemble.
- Connaissances sur le Cotrimoxazole
(Sulfaméthoxazole -Triméthoprime)
Ce médicament s'est montré tératogène
chez l'animal. D'autre part, son utilisation en fin de grossesse expose
à un risque d'ictère nucléaire chez le nouveau-né
[73].
Chez le personnel enquêté, 12,5 % prescrivent le
cotrimoxazole au premier trimestre contre 40 % au troisième.
Compte tenu de ces risques potentiels, d'autres alternatives
sont à privilégier dans l'antibiothérapie chez la femme
enceinte, notamment les macrolides, les pénicillines et les
céphalosporines [20 ; 24 ; 78].
- Connaissances sur la Doxycycline.
Les Cyclines d'une manière générale
exposent le nouveau-né à une atteinte des bourgeons dentaires et
du squelette à partir du deuxième trimestre de la grossesse [20 ;
24 ; 25 ; 78 ; 81]. Au premier trimestre, 2,5 % des agents prescrivent la
doxycycline. Aux deuxième et troisième trimestre qui sont des
périodes critiques, plus d'agents la prescrivent avec respectivement 9,2
et 8,3 % de l'ensemble.
Les 6 derniers mois de la grossesse constituent une
contre-indication absolue à l'administration de la doxycycline [73].
L'analyse des réponses des agents enquêtés a
permis d'identifier les médicaments qui semblent leur poser plus de
problèmes. Il s'agit de :
- Association Sulfadoxine - pyriméthamine
(Fansidar®) au premier trimestre de grossesse ;
- Aspirine et Ibuprofène au troisième trimestre de
grossesse ;
- Cotrimoxazole au premier et troisième trimestre de
grossesse ;
- Vitamine A (Rétinol) sur toute la durée de la
grossesse ;
- Doxycycline au deuxième et troisième
trimestre.
Une actualisation des connaissances sur l'utilisation des
médicaments chez la femme enceinte devrait être permanente.
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