1.3. Les enfants des rues à travers le monde
Les enfants en situation de rue sont présents partout
à travers le monde. Il n'existe pas de recensement précis de ces
enfants, et les chiffres disponibles sont à prendre avec la plus grande
précaution. Des chercheurs se sont intéressés à la
question, mais avec des approches qualitatives.
D'abord, les enfants en situation de rue forment une
catégorie « molle », ou « flottante ». En effet,
cette population est très mobile, ce qui rend son comptage de
manière précise impossible. D'autre part, les chiffres varient en
fonction de la définition et de la typologie utilisée. En effet,
on ne va pas avoir les mêmes chiffres si l'on s'occupe des enfants
dans la rue, où des enfants de la rue (nous avons vu
la différence qui se trouve derrière ces deux appellations).
Ensuite, il faut aussi voir que ces chiffres sont souvent « gonflés
», car ils doivent « défendre une cause ». En effet, ces
estimations sont en grande partie fournies par des associations locales et par
des rapports institutionnels. De ce fait, elles peuvent parfois être
utilisées pour attirer l'attention des médias et de la
population, ou bien être destinées à faciliter l'obtention
de financements, etc. Cette remarque doit être posée en
préalable à la lecture des chiffres émanant de la
littérature institutionnelle de manière générale,
dont il faut prendre et manipuler le contenu avec précaution. Aussi, les
chiffres ne peuvent pas rendre compte de
l'hétérogénéité de la réalité
et de la complexité des différentes situations. C'est dans ce
sens que Daniel Stoecklin met en garde contre ce qu'il appelle «
l'obnubilation statistique »19. En effet, une lecture
quantitative ne doit pas prendre le pas sur une lecture qualitative de la
réalité, car la réalité, constituée de
relations sociales entre les individus sont des éléments que la
statistique ne peut pas prendre en compte. La statistique, sous couvert
d'objectivité, devient aussi instrument qui dépossède les
enfants de la parole. En effet, « l'obnubilation quantitative, dont
l'enjeu est la recherche de légitimité pour intervenir, condamne
ainsi souvent le point de vue des acteurs sociaux, les enfants de la rue
eux-même, à n'être qu'une « opinion » sur un
problème dont la gravité et les solutions proposées pour
le résoudre sont définies par d'autres »20.
Il ne faut pas toutefois balayer toutes les statistiques. Une
fois ces mises en garde énoncées, on peut dire que les chiffres
que nous avons trouvés dans les différents rapports et sites
internet d'organisations restent des indicateurs généraux,
même s'ils sont imprécis, sur la situation de ces enfants. Ils
donnent ainsi un aperçu d'une situation, de manière
chiffrée, sur un territoire donné : pays, ville, quartier... Au
niveau mondial, l'Unicef avance le chiffre vague de plusieurs dizaines de
millions d'enfants des rues à travers le monde21. On les
retrouve dans toutes les grandes villes du
19 Daniel Stoecklin, Enfants des rues en Chine, Paris, Karthala,
2000, p. 30
20 Ibid, p. 35
21 Fonds des Nations Unies pour l'enfance, La situation des
enfants dans le monde 2006, UNICEF, New York, 2005, p. 40
monde : São Paulo, Bombay, Bogota, Phnom Penh , etc.
Ils sont également présents, même si moins important en
nombre, dans les pays développés, dans des villes comme New-York,
Paris, Berlin ou Marseille. D'après les prévisions de l'Unicef et
les observations des associations engagées auprès de ces enfants,
l'accroissement de la population, l'aggravation de la pauvreté,
l'urbanisation grandissante et d'autres facteurs viennent alimenter les
cohortes d'enfants de la rue. Une étude dénombre 7200 enfants
mendiants dans la région de Dakar, dont 90% de talibés. Human
Right Watch avance que 50 000 enfants talibés sont soumis à des
conditions qui s'apparentent à de l'esclavage dans les daaras du
Sénégal.
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