B - Analyse empirique sur l'endettement et la croissance
économique
Les études recensées en rapport avec le
thème ne sont pas nombreuses. En effet, le lien entre le degré
d'endettement et certaines variables macro-économiques a fait l'objet de
recherches économétriques, bien que la plus part d'entre elles ne
traitent pas spécifiquement le cas du Bénin.
La plupart des modélisations des facteurs
déterminants de la croissance présupposent que le niveau de la
dette influe sur la croissance à la fois directement (en dissuadant les
gouvernants d'entreprendre des réformes structurelles) et indirectement
(en décourageant l'investissement). Mais relativement peu
d'études économétriques ont évalué l'impact
direct du stock de la dette sur l'investissement dans les pays à faible
revenu.
Certaines études faites par Krugman (1988), Sachs
(1989), Froot (1989) et Calvo (1989) ont montré que l'accumulation de la
dette et son service constituent une taxe sur la production future et
découragent l'investissement par l'effet d'éviction. Les travaux
d'Eichengreen B. et de Portes R. (1986) se sont intéressés
à l'identification des déterminants du stock de la dette d'une
trentaine de pays à un moment donné de leur économie. En
effet, l'endettement excessif et le défaut de paiement tendent à
réduire le taux de croissance réelle et la
crédibilité de l'Etat. Aussi, Claessens (1990), Warner (1992) et
surtout Borensztein (1990) ont-ils identifié le service de la dette
comme étant un déterminant qui influence négativement
l'endettement extérieur à travers des modèles
économétriques. Borensztein a conclu par une étude
économétrique sur les données de la dette des Philippines
que l'encours et le ratio du service de la dette/exportations ont globalement
un effet inverse sur la formation du capital privé et incitent
l'endettement du pays.
Par ailleurs, peu d'études donnent une idée
claire du niveau du ratio de la dette au PIB à partir duquel l'impact du
surendettement se fait sentir.
Par contre, une étude de 2002 portant sur 93 pays en
développement durant la période 1969-1998 de Pattillo C., Poirson
H. et Ricci L. confirme solidement l'hypothèse d'une relation entre
l'encours de la dette extérieure et la croissance. Les auteurs
constatent que l'incidence de la dette extérieure sur la croissance du
PIB par habitant commence à être négative à partir
du moment où la valeur actuelle nette (VAN) de la dette dépasse
160-170 % des exportations et 35-40 % du PIB. Leurs simulations
suggèrent que le doublement du niveau de la dette ralentit la croissance
annuelle par habitant d'environ 1/2 à 1 point de pourcentage.
Dans une étude complémentaire de 2004, Patillo
et ses collègues ont appliqué un modèle de
comptabilisation de la croissance à un groupe de 61 pays en
développement durant la période 1969-1998 et constaté que
le doublement du niveau moyen de leur dette extérieure a pour effet de
réduire de près d'un point la croissance tant du capital physique
par habitant que de la productivité totale des facteurs. En d'autres
termes, si l'encours de la dette est élevé, il pèse sur la
croissance en ralentissant aussi bien l'accumulation de capital que la
progression de la productivité totale des facteurs.
En théorie, le service de la dette
extérieure (qui comprend les intérêts et le remboursement
du principal) -- par opposition à l'encours de la dette -- peut en outre
influer sur la croissance en évinçant les investissements
privés ou en modifiant la composition des dépenses publiques.
L'augmentation des charges d'intérêts peut accroître le
déficit budgétaire du pays et réduire ainsi
l'épargne publique. Cela peut, par ricochet, entraîner soit une
hausse des taux d'intérêt, soit l'éviction des
investissements privés, freinant ainsi la croissance économique.
Par ailleurs, l'accroissement du service de la dette peut avoir un effet
négatif sur la croissance en réduisant le montant des ressources
publiques disponibles pour les infrastructures et la formation du capital
humain.
En fait, selon Oxfam International (2001), la charge
élevée du service de la dette est l'un des principaux obstacles
à la satisfaction des besoins humains de base dans les pays en
développement. Mais relativement peu d'études empiriques ont
testé ces hypothèses en évaluant l'effet du service de la
dette sur l'investissement privé ou sur la composition des
dépenses publiques, et les données empiriques à cet
égard ne sont pas concluantes.
Le plus connu des travaux est celui réalisé par
l'auteur Ojo O. K. (1989) qui par
une approche économétrique montre que le rapport de l'encours de
la dette/PIB d'une trentaine de pays africains durant la période de 1976
à 1984 est déterminé par : la variation des exportations
(X), au rapport des importations/PIB, la population (Pop) et au taux de
croissance du PIB (Y). Les résultats statistiques lui permettent de
conclure que le rapport de l'encours de la dette/PIB est lié
négativement à la variation des exportations, au taux de
croissance du PIB et positivement au rapport de l'importations/PIB, et à
la croissance de la population (Pop).
Quant à N'Diaye L. (1993), il fait une
modélisation de l'endettement pour le Sénégal. Il montre
que l'endettement s'explique positivement par le stock de dette
antérieure et négativement par le niveau de déficit de la
balance courante. Aussi, l'appréciation du taux de change moyen CFA/US
diminue le service de la dette. Considérant la quasi-inexistence de
réserves au Sénégal, l'équation essaie d'expliquer
les mouvements monétaires composés du compte d'opération,
du tirage sur le FMI et de la contribution des banques primaires au financement
de la balance des paiements. Il trouve que malgré la faiblesse du
coefficient de corrélation, cette explication des mouvements
monétaires par le compte courant et les investissements directs nets
peut être retenue. Au regard de ce résultat et de
l'évolution de l'encours de la dette en rapport avec le compte courant,
il est difficile de justifier le niveau d'endettement du Sénégal
par la recherche d'un équilibre des grandeurs macro-économiques.
C'est dire que le Sénégal ne s'endette ni pour équilibrer
sa balance courante ni pour accroître ses investissements, car le
modèle montre que l'impact du stock de dette sur ces derniers est
très faible. Il estime en outre que l'explication des mouvements
monétaires (compte d'opération) par le solde de la balance des
paiements courants et les investissements nets directs, n'est pas satisfaisante
du point de vue des résultats statistiques.
AJAYI S. Ibi (1991) analyse l'impact des facteurs
extérieurs et intérieurs de l'endettement du Nigeria. En effet,
il choisit comme déterminants du ratio dette/ exportations les variables
suivantes : les termes de l'échange, le taux de croissance du
revenu des pays industrialisés, le taux d'intérêt
réel, le ratio déficit budgétaire/PIB et le trend. Il
affirme qu'on doit s'attendre à ce qu'une aggravation des
déficits budgétaires accroisse le ratio dette/exportation.
Par ailleurs Coulibaly M. et al (2001) dans une
étude réalisée sur l'endettement du Mali ont montré
que les indicateurs statistiques tels que le taux d'intérêt, le
financement des importations, surtout de biens de consommation courante, et le
processus cumulatif de l'endettement ont un effet positif sur le niveau
d'endettement du Mali.
Aussi, d'autres auteurs ont identifié le
service de la dette comme étant un déterminant qui influence
positivement l'endettement extérieur à travers des modèles
économétriques [Claessens (1990), Warner (1992) et surtout de
Borensztein (1990)]. Borensztein
a conclu par une étude économétrique sur les
données de la dette des Philippines que l'encours et le ratio du service
des dette/exportations ont globalement un effet inverse sur la formation du
capital privé et incitent l'endettement du pays.
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