Chapitre 5
Discussions et perspectives
La nature de ce travail de modélisation de la mRF
était avant tout exploratoire. Seuls deux modèles existaient et
le nombre d'articles portant sur cette zone du cerveau est assez faible. Nous
avons donc forcément dàu faire un certain nombre de choix et
focaliser nos recherches sur certains points qui nous semblaient les plus
essentiels pour initier un tel travail de modélisation. Cependant de
nombreux axes d'études restent a` être explorés, nous
allons les évoquer brièvement dans ce chapitre.
Pour commencer, nous n'avons pas approfondi les
paramètres P(p) et P(l) du r'eseau : nous avons vu dans la
première partie de ce rapport que la litt'erature laissait supposer que
ces valeurs sont inf'erieures a` 0.1. Au cours de nos exp'eriences, nous
n'avons mis ni P(p) ni P(l) dans les contraintes anatomiques, n'eanmoins les
structures des meilleurs individus que nous avons obtenus montrent qu'en
moyenne les valeurs de P(p) et P(l) tournent toutes les deux autour de 0.09.
Cela est en coh'erence avec les donn'ees anatomiques connues de la mRF,
cependant nous avons d'emontr'e a` partir des donn'ees anatomiques connues que
P(l) > 45 × P(p), relation que nous ne retrouvons pas dans nos
r'esultats. Par cons'equent, il serait int'eressant de rajouter cette
contrainte afin de voir les performances des mRF ainsi 'evolu'ees.
Nous avons 'egalement laiss'e de côt'e l'analyse et
l'impact du modèle de population de neurones choisi, le lPDS, que nous
avons d'ecrit dans le chapitre 2.1 : en premier lieu, nous pourrions rendre
libres les paramètres que nous avons fix'es (ô a` 5ms et threshold
a` 0). En second lieu, il existe d'autres modèles de population de
neurones dont nous pourrions comparer l'efficacit'e dans notre modèle de
la mRF par rapport aux lPDS. Enfin, les r'eseaux que nous avons fait 'evoluer
sont de taille assez importante pour une mod'elisation, d'autant plus que nous
les faisons 'evoluer par algorithmes 'evolutionnistes, avec lesquels il est
pr'ef'erable de manipuler des r'eseaux de
faible taille pour des raisons de vitesse de calcul ainsi que
d'aisance d'interpr'etation : par cons'equent, il serait int'eressant de
quantifier l'impact du nombre maximum de neurones que peut contenir un
cluster.
Concernant la tàache incarn'ee, nous avons compar'e
indirectement nos r'esultats avec ceux de Humphries via la comparaison avec les
performances de contrôleurs WTA et al'eatoires. Il serait int'eressant de
comparer directement nos r'esultats avec ceux de Humphries en impl'ementant le
modèle de ce dernier dans notre programme.
En outre, la tàache incarn'ee comporte un certain
niveau d'abstraction : une 'evaluation encore plus pouss'ee de la mRF serait
par exemple de l'incorporer en tant que contrôleur d'une activit'e de
m'etabolisme connue d'un animal, tels les comportements alimentaires et
dipsiques de la souris [Guillot, 1988], et comparer les s'elections op'er'ees
par la mRF avec le comportement r'eel de l'animal.
Autre voie d'exploration, il serait int'eressant d'analyser
les r'eseaux de neurones obtenus suite a` l''evolution afin d'une part de mieux
comprendre comment ils r'eussissent a` r'esoudre une tàache de
s'election, et d'autre part d'essayer d'extraire les similarit'es entre les
r'eseaux obtenus. Dans ce même esprit, nous pourrions 'etudier les
propri'et'es de ces r'eseaux, comme par exemple la pr'esence de structures de
type small-world, scale-free ou autre.
Du côt'e neuro-'evolution, nous avons fait un usage
intensif des algorithmes 'evolutionnistes sans 'evaluer l'utilit'e de ces
derniers ainsi que leur impact sur les r'eseaux obtenus après
'evolution. Parmi les diff'erents aspects qu'il serait utile d'approfondir,
essayer d'introduire de nouveaux objectifs pourrait donner des r'esultats
int'eressants, en particulier :
1. un objectif de generalisation, permettant
de s'assurer que les d'ecisions prises par la mRF dans le cadre des
tàaches originales peuvent se g'en'eraliser a` d'autres tàaches
semblables. Plus pr'ecis'ement, dans la tàache d'esincarn'ee, cela
consisterait a` s'assurer que si nous donnons en entr'ee de la mRF un vecteur
non pr'esent dans l'ensemble de vecteurs d'entr'ee que nous avons utilis'e, par
exemple (0.3, 0.5, 0.68), la mRF donne 'egalement la bonne sortie (0, 0, 1).
Dans la tàache d'esincarn'ee, la g'en'eralisation pourrait se traduire
par 'evaluer la mRF dans des cartes dont la disposition est diff'erente que
celle que nous avons utilis'ee [Pinville et al., 2011].
2. un objectif de diversite, gràace
auquel l''evolution v'erifierait si au sein de chaque population les individus
(i.e. les mRF) ne sont pas tous semblables. Cet objectif permettrait de faire
face au genetic drift (convergence vers un optimum local) souvent constat'e, a`
l'instar de la s'election naturelle qui a vu se former des sous-groupes
gràace aux contraintes g'eographiques. On
peut ainsi trouver autant d'optima locaux que de sous-groupes,
permettant ainsi d'obtenir de meilleurs r'esultats en se rapprochant ainsi de
l'optimum global [Mouret and Doncieux, 2009a, Mouret and Doncieux, 2009b,
Doncieux and Mouret, 2009].
Une autre technique que nous pourrions utiliser pour essayer
d'am'eliorer les r'esultats obtenus par algorithmes 'evolutionnistes serait
d'effectuer l''evolution en plusieurs 'etapes. En effet, lorsque nous essayons
de faire r'ealiser au r'eseau une tàache difficile, l'espace de
recherche 'etant très important l''evolution peut rencontrer des
difficult'es a` franchir certains seuils. Par exemple, nous avons vu que la
variante de la tàache incarn'ee o`u nous nous donnions a` la mRF
directement les variables internes et externes sans calculer de salience
donnait des r'eseaux dont le contraste des vecteurs de sortie 'etait
très faible, même après plus de 1000 g'en'erations. Une
possibilit'e pour aider l''evolution a` optimiser davantage le contraste aurait
pu être dans un premier temps de faire apprendre le calcul des saliences
au r'eseau, et dans un second temps r'esoudre la tàache de survie.
'Etant donn'e que nous avons montr'e dans la tàache d'esincarn'ee que
des r'eseaux de type mRF pouvaient agir comme un WTA, et qu'un contrôleur
WTA peut effectuer la tàache de survie a` partir du calcul des saliences
de façon moyennement efficace (environ 1500 unit'es de temps de survie
sur un maximum de 3000) mais avec un contraste maximum, il est possible que
cette introduction d'un objectif temporaire (apprentissage le calcul des
saliences) dans l''evolution permette de franchir plus facilement des seuils
dans l'optimisation des objectifs de dur'ee de vie et de contraste.
Du côt'e neurophysiologique, la litt'erature donne un
certain nombre de pistes pour 'elaborer des modèles plus fins de la mRF,
en particulier pour mieux prendre en compte la diversit'e des noyaux et des
neurones, diviser la mRF selon ses 3 r'egions (m'esenc'ephalique, pontique,
bulbaire) et consid'erer davantage les fonctions de la mRF. Pour cela, les
diff'erentes 'etudes de l'activit'e neurophysiologique de la formation
r'eticul'ee (RF) repr'esentent une source d'inspiration utile, en particulier
la s'erie d''etudes physiologiques sur la RF r'ealis'ees par JM. Siegel dans
les ann'ees 1970 et 1980. Ainsi,
- [Siegel and McGinty, 1977] a trouv'e que les neurones de la
formation r'eticul'ee pontine (PRF) avaient un taux d'activit'e important en
phase de forte activit'e oculaire constat'ee par 'electro-oculographie, ce qui
est coh'erent avec les 'etudes ant'erieures. Les auteurs montrent 'egalement
l'existence d'un lien entre les d'echarges des neurones de la PRF et
l'activit'e motrice. Les donn'ees trouv'ees suggère un rôle majeur
des neurones de la PRF dans la r'egulation des activit'es motrices. L''etude
donne 'egalement une indication très int'eressante concernant les
projections 'emanant de la PRF : «The PRF's medial zone [...] is the
principal source of pontine reticular projections to the spinal cord; more than
half of its neurons send their axons
directly into the ventral, motor areas of the cord.».
- [Siegel, 1979] montre l'existence chez les chats de trois
classes de cellules dans la RF bulbaire (medullary reticular formation cells),
classification basée sur la corrélation entre leur
décharge et le type de mouvements effectués : une classe
décharge lorsque le mouvement est latéralement asymétrique
(54% des cellules), l'autre décharge lorsque le mouvement est
latéralement symétrique (38% des cellules). Les 8% de cellules
restantes correspondent a` la troisième classe et ne sont pas
liés a` un comportement moteur. Il n'existe pas de corrélation
entre la RF bulbaire et le mouvement oculaire, contrairement a` la RF
pontine.
- [Siegel et al., 1979] signale la présence chez les
chats d'une corrélation entre les décharges des neurones de la
mRF au niveau moelle allongée (appelée medial medullary reticular
formation, en français mRF bulbaire) et de certaines activités
motrices durant les phases d'activitéainsi que pendant le sommeil
paradoxal (REM sleep). L'étude remarque que les 3 types de cellules
précédemment évoquées peuvent également
être retrouvés dans le pont de Varole. Elle donne également
une estimation de leurs proportions ainsi que leur localisation.
A` plus long terme, un de nos objectifs est de connecter notre
modèle de la mRF avec les modèles de ganglions de la base
existants, connexion qui soulèvera a` son tour un nombre important de
problématiques : comment interagissent les réseaux, quel est le
role précis de chacun, etc. Pour anecdote historique, l'article original
présentant le premier modèle de la mRF s'achevait sur un dernier
chapitre de considérations cybernétiques évoquant
précisément ce genre de connexions entre zones du cerveau et en
imaginant leurs équivalents dans un controleur robotique [Kilmer et al.,
1969].
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