Particularités du nouveau-né
Il ne peut prendre de décision par lui-même.
Cela a des implications sur certaines décisions qui
impliquent le devenir à long terme. La poursuite d'une
réanimation en présence de lésions
cérébrales graves peut être prise en raison d'un refus des
parents de tout arrêt de soin. Le nouveau-né ne pouvant donner son
avis, si l'équipe médicale prend une décision contraire
elle le fera en pensant que le handicap que l'enfant aura ne justifie pas sa
survie.
De même on peut être devant une situation inverse
avec un risque de handicap qui pour les médecins n'est pas très
important mais qui est insupportable pour les parents qui vont demander
l'arrêt de « l'acharnement thérapeutique ». Le
nouveau-né est ici aussi sujet à la subjectivité des uns
et des autres mais son avis ne peut être obtenu.
Il peut être extrêmement prématuré
et donc la question de sa viabilité peut surgir (12).
La limite de viabilité est fixée par
l'Organisation Mondiale de la Santé à 22 semaines et/ou 500
grammes. Tous les prématurés naissant à ces termes ou
poids ne sont pas égaux et le contexte de la naissance (chorioamniotite,
retard de croissance associé, maturation pulmonaire etc.) va
également intervenir dans cette viabilité et la
décision d'une prise en charge active. Actuellement la
réanimation d'attente, en présence de signes de vitalité
à la naissance et d'un contexte favorable, est pratiquée dans
notre service pour les ages gestationnels compris entre 24 et 25 semaines. Au
delà de 25 semaines tous sont pris en charge. Avant 24 semaines le
contexte de naissance, l'histoire parentale et leurs souhaits sont pris en
compte tout en sachant que le pronostic vital à ces âges est
très compromis.
Des décisions peuvent avoir été prises
avant la naissance. Nous sommes parfois informés avant la naissance de
pathologies graves sans espoir thérapeutique (Anomalies
cérébrales ou cardiaques). La décision d'interruption
médicale de la grossesse est proposée au couple mais ils peuvent
demander à poursuivre la grossesse. Il s'agit parfois d'un déni
de la pathologie anténatale ou d'un espoir que les médecins se
soient trompés mais parfois il s'agit pour eux d'un refus du foeticide
qui est incompatible avec leurs convictions.
Une des particularités de la médecine
pédiatrique et surtout néonatale est que le soigné ne
décide pas pour lui. La prise de décision est rendue parfois
complexe par la relation triangulaire parent enfant soignant.
L'objectif du soin est de guérir le patient ou du moins
soulager sa souffrance mais aussi de s'assurer du bien être des parents.
On le voit bien dans les cas où l'enfant peut être sauvé
mais avec des séquelles tellement importantes
65
que les parents devront réorganiser complètement
leur vie pour s'en occuper. Le principe de bienfaisance à court terme
pour l'enfant, conduit à long terme à une situation de souffrance
pour les parents qui peuvent en vouloir à l'équipe
médicale de s'être acharnée pour rien.
Le statut juridique du nouveau-né, s'il est celui de
toute personne à partir du moment où il est déclaré
vivant et viable, a bénéficié de dispositions
particulières (Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits
des malades et à la fin de vie dite loi Leonetti et Décret
n°2006-120 du 6 février 2006)
Il existe donc toujours une séparation radicale entre
la condition foetale et la condition néonatale en droit français,
mais au-delà de cet aspect, la naissance permet la reconnaissance de
l'enfant par ses parents. Même si en période anténatale le
couple a pu déjà voir son futur enfant par le biais des
échographies, ce n'est vraiment qu'à la naissance, par le
croisement des regards entre l'enfant et ses parents, que sa condition va
changer. Emmanuel Lévinas (13) affirme qu'en définitive,
le surgissement du visage nous convoque à la responsabilité de ce
visage. « Autrui me concerne avant toute dette que j'aurais
contractée à son égard, je suis responsable de lui
indépendamment de toute faute commise vis-à-vis de lui. Cette
relation où l'obligation à l'égard d'autrui prime tout ce
que je pourrais attendre de lui est essentiellement asymétrique
». C'est donc la naissance et la rencontre avec
ce visage qui va changer la condition du foetus et non pas
l'âge gestationnel.
On passe par trois phases : la « naissance » quand
la mère sent son enfant bouger et le voit à l'échographie,
la « connaissance » au moment de l'accouchement et la «
reconnaissance » après avoir établi une relation avec
lui.
Cette reconnaissance est perturbée en période
néonatale si l'hospitalisation a eu lieu avant que l'enfant rentre
à domicile. Il peut y avoir alors des problèmes d'attachement
altérant le lien parent enfant.
De cette spécificité du nouveau-né
découle la notion que sa vie devrait toujours être
respectée, alors que celle du foetus peut être interrompue dans
certains cas.
Tous ces éléments font que la réflexion
éthique est unique dans ce domaine de la médecine.
|