L'intervention de l'État
constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente?
Mémoire de François VOIRON
Master II Droit Européen des
Affaires
Année universitaire 2010/2011
Table des matières
RÉSUMÉ 1
INTRODUCTION 3
PARTIE I : L'APPLICABILITÉ DE LA PROHIBITION DES
ENTENTES Ë L'ÉTAT 7
SECTION 1 : LA NOTION D'ENTREPRISE EN DROIT COMMUNAUTAIRE 7
§1 : L'appréciation fonctionnelle de l'existence
d'une activité économique 8
§2 : L'exclusion de certains types d'activités
10
SECTION 2 : LA SOUMISSION DE L'ÉTAT AU DROIT NATIONAL DE
LA CONCURRENCE 12
§1 : Une définition fonctionnelle proche du droit
communautaire 12
§2 : Les difficultés spécifiques
liées au principe de séparation des ordres juridictionnels
14
SECTION 3 : L'OBLIGATION DE COOPÉRATION LOYALE DES
ÉTATS ET L'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE AU POUVOIR NORMATIF
17
SECTION 4 : LE RÉGIME PARTICULIER DE L'ARTICLE 106 DU
TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE 20
PARTIE II: LA JUSTIFICATION D'ENTENTES
ANTICONCURRENTIELLES PAR UNE INTERVENTION DE L'ÉTAT 25
SECTION 1 : L'ADMISSION DE LA JUSTIFICATION EN DROIT NATIONAL
25
§1 : L'article L.420--4 II du Code de Commerce:
l'exemption préalable par décret 26
A. L'exemption collective 27
B. L'exemption individuelle 29
§2 : L'article L.420--4 I 1° du Code de Commerce:
l'ordre de la loi 31
A. Le principe d'inapplication de la prohibition aux ententes
résultant d'un texte législatif 31
B. Le caractère limité de l'exemption 32
1 . L'interprétation stricte des textes à l'origine
de l'exception 32
2 . L'exigence d'un lien de causalité entre le texte et la
pratique 35
3 . L'influence restrictive du droit communautaire 37
SECTION 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'INTERVENTION DE L'ÉTAT
EN DROIT COMMUNAUTAIRE 40
§1 : La justification d'une entente imposée par
une intervention de l'État 40
§2 : La difficulté d'obtention d'une
inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de
l'Union Européenne 43
BIBLIOGRAPHIE 46
OUVRAGE S 46
ARTICLES 46
SITES INTERNET 47
TEXTES 47
JURISPRUDENCES 48
Résumé
L'interaction entre l'action étatique et le droit
prohibant les ententes anticoncurrentielles est susceptible de poser deux types
de questions qui seront traitées par l'analyse qui suit.
En premier lieu, il convient de se demander si l'État
peut être considéré comme destinataire du droit de la
concurrence et y être soumis. Cette première problématique
nous amènera à dissocier les règles applicables selon les
différents types d'activités étatiques.
Pour les activités étatiques pouvant être
qualifiées d'économiques car exercées par une entreprise
au sens fonctionnel du droit de la concurrence, la prohibition des ententes
s'applique sans distinction selon la nature publique ou privée de
l'entité à l'origine de la pratique. Le pouvoir normatif de
l'État est également soumis au droit communautaire de la
concurrence en vertu du principe de coopération loyale : l'État
doit respecter l'interdiction des ententes faute de commettre un manquement et
d'engager sa responsabilité. Certaines exceptions sont néanmoins
prévues en ce qui concerne les activités ayant un objectif
purement social et celles faisant intervenir des prérogatives de
puissance publique. Une inapplication du droit de la concurrence est
également envisagée pour les services d'intérêt
économique général dans la mesure oü l'irrespect des
règles de concurrence est indispensable à leur fonctionnement.
L'implication de l'État dans une activité n'est
donc en elle-même pas exonératoire du respect du droit de la
concurrence, même si des dispositifs spécifiques sont
prévus pour tenir compte des objectifs particuliers que peut
revêtir l'action étatique.
En second lieu, il est nécessaire de s'interroger sur
la possibilité pour les entreprises participant à une entente
anticoncurrentielle de justifier leur comportement par une intervention
étatique. Des mécanismes particuliers sont prévus en droit
national et en droit communautaire pour tenir compte de ces cas particuliers.
L'objectif commun de ces règles est de tenir compte de l'absence
d'autonomie des entreprises du fait de l'intervention étatique et de
garantir leur sécurité juridique.
En droit national, deux types d'exceptions textuelles sont
prévus. Il s'agit tout d'abord d'exempter préalablement, de facon
individuelle ou collective, les ententes anticoncurrentielles, par le biais
d'un décret. Le Code de Commerce prévoit également une
exception tirée de l 'ordre de la loi permettant la non-application de
la prohibition des ententes si elles résultent d'un texte
législatif.
En droit communautaire, faute d'exception prévue dans
les textes, la jurisprudence a défini les modalités dans
lesquelles une entreprise peut se voir exemptée de sanctions lorsque
l'entente à laquelle elle a participé résulte d'une
intervention de l'État.
Les conditions de ces mécanismes sont donc similaires
mais possèdent cependant certaines différences. Leur application
reste en tout état de cause difficile à obtenir afin de ne pas
créer d'exemption trop large à la faveur des entreprises et de
l'interventionnisme étatique.
Introduction
Confronter un objectif de concurrence libre et non-faussée
avec l'intervention étatique conduit de prime abord à identifier
une contradiction de principe.
Cette apparente opposition trouve à s'exprimer
principalement en ce qui concerne les aides d'État, domaine oü
l'empire du droit de la concurrence dans le giron de l'État s'exerce
à plein. En effet, l'État peut, par son intervention sous forme d
'aides, fausser le jeu de la concurrence existant sur un marché en
accordant un avantage à une ou plusieurs entreprises par rapports
à leurs concurrents. Ainsi, des dispositions spécifiques c
réant des obligations à la charge des États membres
existent dans le Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne et conditionnent la légalité des aides
accordées par les États à l'octroi préalable d'une
autorisation par la Commission Européenne.
L'opposition entre l'objectif de libre concurrence et la
politique étatique trouve également à exister en
matière d'interdiction des abus de position dominante, notamment pour
les secteurs économiques faisant l'objet d'un monopole national, mais
elle existe aussi en ce qui concerne les problématique d'ententes.
L'entente anticoncurrentielle est concue comme une action
collective ayant pour objet de fausser ou d'entraver le jeu de la concurrence,
formalisée dans un accord ou résultant seulement d'une pratique
de concertation. Ce type de pratiques est prohibé à la fois dans
l'ordre juridique communautaire et dans l'ordre juridique interne. L 'article
101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne
dispose ainsi que Ç Sont incompatibles avec le marché
intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes
décisions d 'associations d 'entreprises et toutes pratiques
concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre
États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l 'intérieur
du marché intérieur È. Quoique rédigé
différemment, l'article L.420-1 du Code de Commerce contient la
méme prohibition: Ç Sont prohibées même par l
'intermédiaire direct ou indirect d 'une société du groupe
implantée hors de France, lorsqu 'elles ont pour objet ou peuvent avoir
pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions,
ententes expresses ou tacites ou coalitions È.
Les interconnexions entre l'interdiction des ententes
anticoncurrentielles et l'intervention de l'État paraissent moins
évidentes: elles sont pourtant importantes. Le principal problème
posé par ces interconnexions concerne la justification d 'une entente
anticoncurrentielle par une intervention étatique. Se pose donc la
question de savoir si
l'État peut, dans l'exercice de son autorité,
affranchir les entreprises du respect de leurs obligations de respect du droit
de la concurrence en général, et de la prohibition des ententes
en particulier.
En premier lieu, se pose le problème de
l'applicabilité de la prohibition des ententes aux activités de
l'État (entendu largement comme l'État et ses
démembrements et l'ensemble des autorités publiques). Il n'est en
effet pas possible de conclure à l'absence de relations entre
l'État et le droit des ententes, seulement du fait que la section du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne contenant les
normes relatives aux ententes et abus de position dominante soit
intitulée ÇLes règles applicables aux entreprises
È, par opposition au droit des aides d'État destiné
aux organes de la puissance publique. En effet, les dispositions aussi bien
nationales que communautaires prohibant les ententes s'adressent à
l'entreprise définie par la jurisprudence communautaire comme une
Ç entité exercant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode
de financement È1. L'activité économique
consiste à offrir des biens et services sur un marché, et
subsiste méme en l'absence de but lucratif.
Cette définition fonctionnelle et économique
n'accorde aucune importance à la forme de l'entreprise ou à son
statut juridique (il ne s'agit pas obligatoirement d'une société
commerciale ou d'un commercant). Dès lors, il est possible que l'action
de l'État, par le biais de différents types de
démembrements, soit considérée comme une activité
économique d'entreprise soumise en tant que tel au droit de la
concurrence, dès lors qu'elle ne fait pas appel à des
prérogatives de puissance publique. Il existe donc bel et bien des
rapports entre la prohibition des ententes et l 'intervention étatique,
dont la complexité résulte principalement de la place
ambiguë qu'occupe le droit de la concurrence.
En effet, au sein de l'organisation juridique classique sous
forme de branches, le droit de la concurrence n'est jamais concu ni comme un
pur droit privé ni comme un pur droit public, mais davantage comme un
droit économique empruntant des aspects à chacune des branches,
publique et privée. Ce manque de clarté dans le positionnement de
la matière est dü à plusieurs facteurs. Tout d'abord, le
droit de la concurrence s'adresse à la fois aux entreprises et aux
États. Il gouverne donc à la fois des rapports
entre personnes privées et des rapports entre personnes privées
et publiques. En second lieu, le droit de la concurrence possède un
double aspect de sanction et de réparation. En effet, l'objectif des
sanctions
1 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre
Macrotron GmbH, C-41/90.
2 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21
février 1984, Oztürk contre RFA.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente? (dont le pénal reconnu par Cour des 'Homme
2
caractère est la Européenne Droits de l , tout
comme l 'Union Européenne 3
la Cour de Justice de et la Cour de Cassation4) n'est
pas de
protéger des personnes privées (concurrents,
clients, consommateursÉ) mais bien de sauvegarder une forme
d'intérêt général, l'ordre public économique.
A l'inverse, le versant civiliste du droit de la concurrence permet à
des entreprises et/ou des consommateurs de demander réparation du
préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait des pratiques
anticoncurrentielles de leurs concurrents ou fournisseurs.
En conséquence, le droit de la concurrence entretient
des rapports complexes avec les différentes formes que peut emprunter
l'intervention de l'État puisqu'il ne les gouverne pas
complètement mais n 'y est pas non plus totalement étranger. La
complexité de ces rapports est particulièrement topique en ce qui
concerne les ententes anticoncurrentielles ou cartels.
En second lieu, un problème parallèle se pose
lorsque l'État met en Ïuvre des dispositions de politique
économique allant à l'encontre des règles de concurrence
et de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles.
L'entreprise soumise à une norme nationale
anticoncurrentielle se retrouve dans une position extrêmement
délicate puisqu'elle doit appliquer ladite norme mais reste soumis e
à la prohibition des ententes. Dès lors, quelque soit son
attitude, elle se trouvera en infraction vis-à-vis de l'une des deux
normes.
De plus, la qualification du comportement anticoncurrentiel
d'entente nécessite un élément intentionnel
caractérisé par un concours de volontés entre entreprises
indépendantes (par le biais d'un accord, d'une décision expresse
ou taciteÉ). Est-il toujours possible de qualifier un tel comportement
si l'entreprise est contrainte de l'adopter du fait d'une norme nationale ?
L'autonomie de l 'entreprise dans la décision d'enfreindre le droit de
la concurrence n'est-elle alors tout simplement annihilée? Cette
circonstance particulière oblige à ce que ce type de situations
soit pris en compte de facon spécifique par les législations et
les autorités de concurrence.
La question de savoir si l'intervention de l'État
constitue un fait justificatif de l'entente soulève donc deux types de
problématiques.
2 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21
février 1984, Oztürk contre RFA.
3 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH contre
Commission, C-185/95.
4 Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 5 octobre
1999, SNC Campenon Bernard et autres.
Tout d'abord, l'État est-il soumis, dans l'exercice de
ses différentes activités, au respect de la prohibition des
ententes anticoncurrentielles? L'État est-il destinataire des normes de
droit de la concurrence dans le cadre de ses activités?
D'autre part, l'intervention de l'État à
l'encontre de la libre concurrence fait-elle échapper les comportements
des entreprises à la prohibition des ententes anticoncurrentielles ?
Existe-t-il une forme d'exemption tirée de l'action étatique ?
Afin de répondre à ces interrogations, ii
convient de déterminer de quelle manière l'interdiction des
ententes constitue une contrainte de l'action étatique (Partie I) avant
d'analyser la facon dont l'intervention étatique peut constituer un fait
justificatif d'une entente anticoncurrentielle pour les entreprises, à
la fois en droit interne et en droit communautaire (Partie II).
Partie I : L'applicabilité de la prohibition des
ententes à l'État
La première question à se poser pour
déterminer si l'intervention de l'État constitue un fait
justificatif de l'entente est celle de savoir si le fait que l'État
intervienne dans un domaine contredit l'application normale de la prohibition
des ententes.
Pour y répondre, il est indispensable de s'interroger
sur les modalités de détermination du champ d'application de la
prohibition des ententes et donc plus largement du droit de la concurrence,
à la fois d'un point de vue communautaire (Section 1) et d'un point de
vue national (Section 2), pour déterminer si l'État peut
être un sujet de droit de la concurrence.
De plus, il convient de déterminer si l'État,
même lorsque ses activités échappent à
l'interdiction des ententes, n'est pas tenu d'une obligation
générale de respect du droit de la concurrence communautaire en
vertu de son obligation de coopération loyale vis -à-vis de
l'Union Européenne (Section 3).
Enfin, il semble nécessaire de vérifier si les
conditions spécifiques applicables aux services d'intérêt
économique général permettent de faire échapper
à la stricte application du droit de la concurrence certaines
activités particuliéres identifiées par l'État
(Section 4).
Section 1 : La notion d'entreprise en droit
communautaire
L'applicabilité de l'article 101§1 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne est
conditionnée à l'existence d'une entreprise. Néanmoins, la
notion d'entreprise revêt une acceptation autonome en droit
communautaire, détachée des conceptions nationales5
pouvant exister en droit des sociétés ou en droit fiscal. La Cour
de Justice de l'Union Européenne estime en effet qu'une entreprise est
une « organisation unitaire d'éléments personnels, ma
tériels et immatériels rattachée à un sujet
juridiquement autonome et poursuivant de façon durable un but
économique déterminé »6.
Cette définition particuliére de l'entreprise ne
s'attache donc pas aux critéres liés à la structure de
l'entité mais bien à l'existence d'un but ou d'une
activité économique
5
Cour de Justice des Communautés Européennes, 30
janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.
6 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 13 juillet 1962, Mannesmann AG contre Haute
Autorité de la Communauté européenne du charbon et de
l'acier, 19/61.
7
exercée au sein de l'entité en cause , et
possède en cela un caractère fonctionnel. Du fait de ce
caractère fonctionnel, les activités de l'État et de ses
démembrements ne sont pas par principe exonérées du
respect du droit de la concurrence.
L'existence d'une entreprise est subordonnée à
l'exercice d'une activité économique. Cette notion a
été définie par la jurisprudence communautaire comme une
<< activité consistant à offrir des biens ou des
services sur un marché donné >>8. Le
caractère général de cette définition a
obligé les juges de Luxembourg à préciser les contours de
la notion et à en définir les modalités
d'appréciation (§1) ainsi qu'à exclure certains types
d'activités liés à l'intervention de l'État du
champ d'action du droit de la concurrence ( §2).
§1 : L'appréciation fonctionnelle de l'existence
d'une activité économique
En raison de son caractère fonctionnel, la notion d
'activité économique ne tient pas
9
compte de l 'existence d'une personnalité juridiqueet
s'applique aussi bien aux personnes
10
morales qu 'aux personnes physiques . De plus, le statut de
droit public d'une entité ne
11
permet pas en tant que tel d e lui faire échapper au droit
de la concurrence . Il n'existe donc pas d'exemption automatique dès
lors qu'une entité est liée à l'État.
Le premier problème d'application concerne
l'activité à prendre en compte pour identifier une
activité économique. S'agit-il de l'activité
<<aval >> ou de l'activité <<
amont>> ? Le problème des activités d'achat est
l'illustration parfaite de cette problématique : une entité
n'exercant pas une activité économique en aval est-elle soumise
au droit de la concurrence lorsqu'elle effectue des achats sur un marché
concurrentiel oü s'exerce une activité économique ?
7 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre
Macrotron GmbH, C-41/90: << la notion d'entreprise comprend
toute entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statutjuridique de cette entité et de son mode
de financement >>.
8 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 juin 1987, Commission contre Italie, 118/85 (de
manière implicite) puis Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie,
C-35/96.
9 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 28 juin 2005, Dansk Rrindustri A/S et autres,
C-189/02, C-202/02, C-205/02 à C-208/02 et C-213/02.
10 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 12 septembre 2000, Pavel Pavlov et autres contre
Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, C-180/98.
11 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 juin 1987, Commission contre Italie, 118/85.
Le Tribunal de Première Instance des Communautés
Européennes est venu répondre à cette question, à
propos d'organismes chargés de la gestion du système de
santé espagnol, en indiquant que l 'applicabilité du droit de la
concurrence aux achats était subordonnée à
12
l'exercice d 'une activité économique en aval
par l 'entité acheteuse . Par la suite, le Tribunal a affirmé le
caractère général de cette jurisprudence (au-delà
des organismes sanitaires ou sociaux) en précisant qu'il n'était
pas possible de déduire de la nature économique de
l'activité d'achat la nature de l'activité << aval
>> en indiquant à l 'inverse que << le
caractère économique ou non de l 'utilisation ultérieure
du produit détermine nécessairement le caractère de l
'activité d'achat >>13. La Cour a confirmé
cette analyse suite au recours effectué dans cette même
affaire14. Il appartient donc de vérifier le caractère
économique de l'activité << aval >> pour
décider de soumettre ou non l'activité
<<amont>> au droit de la concurrence.
Pour déterminer ensuite si l'activité
<<aval >> d'achat de l'entreprise constitue une
activité économique, il est nécessaire d'effectuer une
analyse multicritères et adaptative selon les particularités de
chaque cas d'espèce.
Tout d'abord, il convient de s'attacher à la
présence ou l'absence de but lucratif pour l'entité en question.
Ce critère n'est pas déterminant en lui-même : l'absence de
but lucratif ne permet pas de préjuger de l'absence d'activité
économique. L'absence de recherche de profits peut néanmoins
constituer un indice sur la nature de l'activité en cause. Ainsi, une
association effectuant une activité non-lucrative peut tout de
même être soumise au droit de la concurrence si son activité
entre en concurrence avec l'activité exercée par des organismes
lucratifs15. En conséquence, l'absence de but lucratif est un
critère
pertinent
mais non suffisant pour écarter l'existence d'une
activité économique.
Pour identifier une activité économique, la
jurisprudence analyse également la nature de cette activité. Pour
ce faire, elle utilise le critère de l'exercice de la même
activité
12 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 4 mars 2003, Federación
Nacional de Empresas de Instrumentación Cient'fica, Médica
Técnica y Dental (FENIN) contre Commission, T-319/99.
13 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 12 décembre 2006, Selex
Sistemi Integrati SpA contre Commission, T-155/04.
14 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA contre
Commission, C-113/07.
15 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 1er juillet 2008, Motosykletistiki
Omospondia Ellados NPID (MOTOE) contre Elliniko Dimosio, C-49/07.
par une entité privée. Il s'agit alors de
vérifier si l'activité exercée par une entité
pourrait être exercée de la même manière par un
opérateur privé. Si tel est le cas, l'existence d'un
marché de biens ou de services est donc démontrée, ce qui
permet de caractériser une activité économique. Ainsi, la
Cour a jugé que l'activité de placement de main d'Ïuvre
pouvait être exercée par des entités privées et donc
qu'elle constituait une activité
16
économique, même si elle était en
l'occurrence exercée par une personne publique . Il en fut de même
pour l'organisation de compétitions sportives par une association sans
but lucratif17, mais à l'inverse pas de l 'élaboration
de normes techniques par un organisme de contrôle18.
Ce critère n'est cependant pas utilisé de facon
autonome, faute de quoi il conduirait à faire une application trop
extensive du droit de la concurrence, notamment pour des activités
étatiques (maintien de l'ordre ou éducation).
Il est donc combiné avec d'autres critères
permettant de circonscrire utilement la notion d'activité
économique et de limiter le champ d'application de l'interdiction des
ententes.
§2 : L'exclusion de certains types
d'activités
Deux exceptions permettent d'écarter la notion
d'activité économique lorsque l'activité en cause
présente certaines particularités tenant à son
caractère social ou à l'utilisation de prérogatives de
puissance publique.
En premier lieu, la jurisprudence Poucet & Pistre
a permis d'écarter l'application du droit communautaire lorsque un
organisme a une fonction exclusivement sociale et n'a pas de but
lucratif19. Un tel organisme ne peut alors être
considéré comme une entreprise au sens du droit de la
concurrence. Cette exclusion trouve une application importante en ce qui
concerne les assurances sociales (risques du travail, maladies
professionnellesÉ) qui
16 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 avril 1991, Klaus Hfner et Fritz Elser contre
Macrotron GmbH, C-41/90.
17 Cour de Justice Européennes, 1
er
des Communautés juillet 2008, Motosykletistiki
Omospondia Ellados
NPID (MOTOE) contre Elliniko Dimosio, C-49/07.
18 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA contre
Commission, C-113/07.
19 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 17 février 1993, Christian Poucet contre
Assurances générales de France et Caisse mutuelle
régionale du Languedoc-Roussillon, C-159/91 et C-160/91.
ressortissent en principe de la compétence des
États dans la gestion de leurs systemes de sécurité
sociale20. Néanmoins, cette exclusion a été
conditionnée par la jurisprudence à la réunion de deux
conditions cumulatives21. L'organisme doit tout d'abord être
gouverné par le principe de solidarité. Cette condition est
remplie notamment lorsque le cofit n'est pas proportionnel au service
(particulierement en ce qui concerne l'inadéquation entre le montant des
cotisations et le risque assuré). L'organisme doit également
subir un certain degré de contrTMle de la part de l'État,
notamment par le biais de la fixation des tarifs, même si l'organisme
peut disposer d'une certaine marge de manoeuvre.
En second lieu, la notion d'activité économique
est incompatible avec l'exercice par un organisme de prérogatives de
puissance publique, c'est-à-dire avec l'exercice de la «mission
d'intérêt général qui reléve des fonctions
essentielles de l'État »22. Cette notion ,
extérieure aux analyses de droit interne, est assez restreinte et
beaucoup moins large que celle de service public. La Cour a
précisé que l'existence de prérogatives de puissance
publique n'était pas incompatible avec la recherche de
bénéfices, mais qu'il était possible de faire une
application distributive de cette exclusion en soumettant au droit de la
concurrence les seules activités ne faisant pas intervenir de
prérogatives de puissance publique (distinction entre les
activités de gestion d'aéroports et les activités de
police du trafic aérien)23. Le critere de l'exercice de la
même activité par une entité privée est
également utilisé pour juger de l'existence de réelles
prérogatives de puissance publique. Cette exclusion a été
principalement appliquée à des activités de contrTMle
anti-pollution ou de police de l'air.
Il est possible de déduire de ce qui précede que
l 'implication de l'État dans une activité ne constitue pas en
elle-même une cause d'inapplication de l'article 101§1 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne. Des lors que
l'activité de l'État est exercée par une entité
pouvant être qualifiée d'entreprise, elle est soumise au droit de
la concurrence comme n'importe quelle activité exercée par une
personne privée.
20 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 5 mars 2009, Kattner Stahlbau GmbH contre Maschinenbau
- und Metall Ð Berufsgenossenschaft , C-350/07.
21 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 21 septembre 1999, Albany International BV contre
Stichting Bedrijfspensioenfonds textielindustrie, C-67/96.
22 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl contre Servizi
ecologici porto di Genova SpA, C-343/95.
23 Cour de J ustice des Communautés
Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris,
C-82/01.
Néanmoins, la jurisprudence a su tenir compte des
particularités de certains types d'activités pour ne pas les
soumettre à cette prohibition. Il n'en reste pas moins que le champ de
ces exceptions est relativement limité et ne couvre en aucun cas
l'ensemble du spectre de l'activité étatique. Qu'en est-il en
droit interne ?
Section 2 : La soumission de l'État au droit
national de la concurrence
Le champ d'application du droit interne de la concurrence est
défini à l'article L.410-1 du Code de Commerce qui dispose que
l'ensemble des régles relatives à la concurrence s'applique
à « toutes les activités de production, de distribution
et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques,
notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public
».
Cette définition du champ d'application de la
prohibition des ententes peut sembler différente de celle
envisagée en droit communautaire, notamment parce qu'elle est
écrite mais surtout du fait qu'elle ne fasse pas appel à la
notion d'entreprise. Néanmoins, les deux définitions sont assez
proches d'une part car elles sont basées sur un critére
fonctionnel, la notion d'activité économique, et d'autre part du
fait de la jurisprudence des autorités nationales qui a rapproché
le droit francais du droit communautaire et a conduit à une large
application du droit de la concurrence aux activités des personnes
publiques (§1). La problématique présente toutefois des
aspects spécifiques liés à la séparation entre les
juridictions administratives et judiciaires (§2).
§1 : Une définition fonctionnelle proche du
droit communautaire
Le Code de Commerce envisage les « activités de
production, de distribution et de services » pour délimiter le
champ d'application des normes nationales de concurrence.
L'application du droit de la concurrence est donc
subordonnée à l'identification de telles activités mais ne
tient pas compte de la forme d'exercice de cette activité ou de la
nature juridique de l'organisme exercant cette activité. Ainsi que le
rappelle la Cour d'Appel de Paris, « cÕest la nature
économique de lÕactivité affectee et non la qualité
de lÕopérateur ou la forme selon laquelle il intervient qui
determine l'application des regles de
concurrence »24. La définition du
champ d'application du droit de la concurrence interne est donc exclusivement
fonctionnelle, tout comme en droit communautaire.
De plus, cette définition recoupe celle d'activité
économique envisagée par le droit communautaire. Même si le
droit francais des ententes ne fait pas
référence à la notion d'entreprise, il
retient la nature économique de l'activité pour déterminer
son application. L'existence d'une entreprise au sens du droit communautaire
étant subordonnée à l'identification d'une activité
économique, les deux définitions concordent donc en pratique.
L'analyse nationale est donc tres proche de celle existante en droit
communautaire. Ainsi, le Conseil de la Concurrence n'hésite pas à
affirmer qu' « en droit communautaire comme en droit national,
l'application des regles de concurrence est fonction de la nature de
lÕactivité exercée, la nature juridique des entités
en cause étant indifférente à l Õappreciation
portée »25.
Cette recherche de cohérence de la part des
autorités et juridictions nationales a conduit à un rapprochement
entre les ordres communautaire et national, de sorte que les
délimitations effectuées par la Cour de Justice de l'Union
Européenne sont également opérantes en droit interne,
notamment en ce qui concerne l'activité des personnes publiques.
Cependant, le droit interne, à l'inverse du droit
communautaire, mentionne explicitement l'application du droit de la concurrence
aux personnes publiques, puisque l'article L.410-1 du Code de Commerce indique
que le droit de la concurrence s'applique aux activités
économiques « qui sont le fait de personnes publiques,
notamment dans le cadre de conventions de delegation de service public
».
En conséquence, les activités publiques ont
été largement soumises aux exigences du droit national de la
concurrence.
Tout d'abord, l'application concerne logiquement les
activités exercées sur un marché concurrentiel,
éloigné du champ des compétences régaliennes. Des
lors que les personnes publiques peuvent être regardées comme
exercant une activité de production, de distribution ou de services sur
un marché, leurs pratiques sont logiquement soumises au contrTMle des
autorités de la concurrence26. Il ne s'agit ici que d'une
application classique de
24
Cour d'Appel de Paris, 8 fevrier 2000, Academie
d'architecture.
25 Conseil de la Concurrence, avis n°98-A-07
du 19 mai 1998 relatif à une demande d'avis sur l'application des regles
de concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de
fouilles archéologiques préventives.
26 Conseil de la Concurrence, decision n°05-D-75
du 22 decembre 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par la
Monnaie de Paris.
la notion fonctionnelle d'activité économique qui
ne tient pas compte de la nature publique ou privée de
l'opérateur.
D'autre part, sont également concernés par le
droit de la concurrence les services publics industriels et commerciaux et les
services publics administratifs, dans la mesure oü ils exercent une
activité économique. En effet, Çle droit de la
concurrence s 'applique à toute activité économique,
indépendamment du statut et des conditions de financement d'un
opérateur, ce qui conduit à ne pas exclure par principe qu 'un
service public administratif puisse intervenir comme opérateur
économique sur un marché È27.
En revanche, lorsque l'activité de la personne publique
passe par un acte administratif, dans le cadre de l'organisation d'un service
public ou de prérogatives de puissance publique, une difficulté
appara»t, liée à la séparation des ordres de
juridictions judiciaire et administratif.
§2 : Les difficultés spécifiques
liées au principe de séparation des ordres juridictionnels
En vertu du principe de séparation entre l'ordre
administratif et l'ordre judiciaire, l'ensemble des actes administratifs
émis par des personnes publiques doit être soumis au juge
administratif. Se pose donc le problème de l'articulation entre cette
compétence exclusive et l'application du droit de la concurrence. Cette
question ancienne a subi d'importantes évolutions depuis une vingtaine
d'années.
La question s'est en premier lieu posée à propos
d'un acte de délégation de service public de l'eau de la Ville de
Pamiers, qui avait entrainé l'éviction d'un concurrent . Ce
dernier porta l'affaire devant le Conseil de la Concurrence, qui refusa
néanmoins sa compétence, estimant que l'acte en question ne
pouvait constituer une activité économique28. La Cour
d'Appel de Paris rendit un arrêt en sens inverse, estimant que la
29
commune était intervenue sur le marché par le
biais du choix d 'un prestataire(ce qui aurait pour effet d'élargir
considérablement le champ d'application du droit de la concurrence).
Le Tribunal des Conflits est venu calmer les ardeurs de la Cour d'Appel de
27 Conseil de la Concurrence, avis n°08-A-13 du
10 juillet 2008 relatif à une saisine du syndicat professionnel
UniCiné portant sur l'intervention des collectivités locales dans
le domaine des salles de cinéma.
28 Conseil de la Concurrence, décision
n°88-D-24 du 17 mai 1988 relative à une saisine et à une
demande de mesures conservatoires émanant de la Société
d'exploitation et de distribution d'eau (SAEDE).
29 Cour d'Appel de Paris, 30 juin 1988, Ville de
Pamiers .
Paris en estimant que l'organisation d'un service public
n'était pas constitutif d'une activité économique et donc
que le choix d'un prestataire n'était pas en mesure de jouer sur la
concurrence30. En effet, pour le Tribunal des Conflits,
l'organisation du service public concerne à la fois le choix du mode de
réalisation (délégation, gestion directeÉ) et le
choix du prestataire lorsqu'une délégation est retenue.
Dès lors, le contrôle de l'acte administratif ressort de la
compétence des juridictions administratives et non pas du Conseil de la
Concurrence. Néanmoins, de manière assez ambiguë, le
Tribunal des Conflits a décidé que le juge administratif saisi de
la légalité d'un tel acte pouvait effectuer son contrôle en
vertu des normes nationales de concurrence. C'est donc davantage la
compétence du Conseil de la Concurrence qui est écartée
plutôt que l'application du droit de la concurrence en elle- même
(qui doit se faire par le biais des juridictions administratives).
Néanmoins, le Conseil d'État a refusé
dans un premier temps d'intégrer le droit de la concurrence au bloc de
légalité servant de référence dans le
contrôle des actes
32
administratifs 31. Cette solution a
été abandonnée en 1997 . Le Conseil d'État n'a
toutefois pas reconnu ni l 'applicabilité du droit de la concurrence aux
actes administratifs ni l'existence d'une activité économique. Il
est donc préférable de parler d'opposabilité du droit de
la concurrence plutôt que d'applicabilité. Il ne s'agit en effet
pas de soumettre l'acte administratif en lui-même au droit de la
concurrence mais bien d'obliger la personne publique à prendre en compte
les effets sur le marché de sa décision. Le juge administratif a
donc pour rôle de veiller à l'effet utile des règles de
concurrence en analysant concrètement les effets des décisions
des personnes publiques.
Cette jurisprudence a donné naissance aux concepts d
'abus de position dominante automatique et d'entente automatique qui permettent
de sanctionner un acte administratif induisant un e pratique
anticoncurrentielle pour les entreprises auxquelles il s'adresse. La notion
d'entente automatique dégagée par le Conseil
d'État33 est donc particulière. En effet, l'acte en
cause ne doit pas rendre automatique l'entente, faute de quoi l'autonomie des
entreprises est anéantie et la pratique n'est pas sanctionnable, mais
doit induire une entente mise en Ïuvre par les entreprises, favoriser sa
conclusion ou renforcer ses effets. Ainsi, cette notion a permis d 'annuler des
décisions d'organismes professionnels auxquels l'État
30 Tribunal des Conflits, 6 juin 1989,
Société d'exploitation et de distribution d'eau (SAEDE)
dit Ç Ville de Pamiers È.
31 Conseil d'État, Sous-sections
réunies, 23 juillet 1993, Compagnie générale des
eaux.
32 Conseil d'État, Section, 3 novembre 1997,
Société Million et Marais.
33 Conseil d'État, Assemblée, 24 mars
2006, KPMG.
prenait 34, 35
part mais également des contrats publics ou des
décisions de police
administrative.36
En matière de gestion du domaine public, le Conseil d
'État est même allé plus loin en reconnaissant
l'applicabilité complète du droit de la concurrence37.
En ce cas, l'illégalité de la décision administrative ne
provient pas du fait qu'elle puisse encourager à une pratique
anticoncurrentielle mais bien de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle
mise en Ïuvre par le gestionnaire du domaine public par le biais de la
décision administrative en cause. En effet, il semble que le Conseil
d'État considère que le gestionnaire du domaine public puisse
être en position d'offreur sur un marché économique
dès lors que les entreprises exercent une activité
économique sur le domaine public. Il existerait dès lors un
marché des concessions d'occupation du domaine public oü le droit
de la concurrence a vocation à s'appliquer, comme l'a reconnu le Conseil
de la Concurrence38.
De son côté, le Conseil de la Concurrence a
dégagé le concept particulier de détachabilité pour
s 'intéresser aux comportements des personnes publiques
détachables
39
d'un acte administratif même si elles y sont
liées . Les comportements des personnes publiques, dès lors
qu'ils sont détachables des prérogatives de puissance publique
qu'elles exercent, sont soumis au droit de la concurrence et de ce fait au
contrôle du Conseil de la Concurrence. Le Tribunal des Conflits
40 a accepté une notion restreinte de
détachabilité en envisageant largement les activités
indissociables des prérogatives de puissance publique et donc soumises
à la simple opposabilité du droit de la concurrence devant le
juge administratif. La détachabilité permet donc de maintenir un
contrôle des activités économiques des opérateurs
disposant de prérogatives de puissance publique, dans la lignée
de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne
n'appliquant le droit de la
34 Conseil d'État, Section, 27 juillet 2001,
CAMIF.
35 Tribunal administratif de Nice, 9 novembre 1998,
Préfet des Alpes-Maritimes contre ville de Nice (pour
constitution d'un lot unique lors d'un marché public) et Tribunal
administratif de N»mes, 21 avril 2008, Société Durand et
autres (même problème pour une délégation de
service public).
36 Conseil d'État, 7 décembre 2005,
Société Ryanair.
37 Conseil d'État, Section, 26 mars 1999,
Société EDA.
38 Conseil de la Concurrence, décision
n° 03-D-09 du 14 février 2003 relative à la saisine de la
société Tuxedo relative à des pratiques constatées
sur le marché de la diffusion de la presse sur le domaine public
aéroportuaire.
39 Conseil de la Concurrence, décision
n°90-D-20 du 12 juin 1990 relative à des pratiques relevées
sur le marché de la banane.
40 Tribunal des Conflits, 18 octobre 1999,
Aéroports de Paris.
concurrence qu'aux activités ne faisant pas intervenir de
prérogatives de puissance publique41.
La séparation des ordres de juridiction fait donc
obstacle à l'apparition d'une définition claire du champ
d'application des dispositions nationales relatives à la concurrence.
Néanmoins, il est possible de voir que le droit de la concurrence
étend au maximum son champ d'application, et que les domaines
échappant à son empire sont restreints et tendent à
s'amenuiser.
A l'instar du droit communautaire, l'intervention de
l'État ou plus largement d'une personne publique n'est donc pas en
elle-même un obstacle à la soumission aux règles de
concurrence. Ainsi, le Conseil d'État, dans son rapport pour 2002,
indique que Çdroit communautaire et droit interne convergent pour
soumettre les activités économiques des personnes publiques au
droit de la concurrence È.
Section 3 : L'obligation de coopération loyale
des États et l'application du droit de la concurrence au pouvoir
normatif
Si l'activité de l'État et de ses
démembrements peut être soumise au droit de la concurrence, selon
l es modalités particulières que nous venons d'étudier, il
n'en reste pas moins que l'État est redevable, à l'égard
des institutions communautaires, d'une obligation de respect du droit
communautaire et donc des dispositions communautaires relatives à la
concurrence lorsque celles-ci sont applicables.
En effet, l'État est tenu de respecter le droit
communautaire. En conséquence, même si une activité n'est
pas en elle-même soumise au droit de la concurrence, il n'en reste pas
moins que l'État (et les personnes publiques) doit respecter le droit de
la concurrence communautaire, notamment dans les actes qu'il édicte.
La Cour de Justice a développé une analyse
consistant à rendre opposable le droit communautaire de la concurrence
à la loi de tout État membre42. En effet, même
si les dispositions pertinentes du traité contiennent des obligations
à la charge des personnes participant à une activité
économique, la Cour indique qu'Ç il n'en est pas moins vrai
aussi
41 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris,
C-82/01.
42 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 novembre 1977, SA G.B. -Inno-B.M. contre Association
des détaillants en tabac (ATAB), 13/77.
que le traité impose aux États membres de ne
pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer
l 'effet utile>> de ces dispositions. Méme si le droit de la
concurrence n'est pas applicable en tant que tel, l'État est donc tenu
de le respecter dans les normes qu'il édicte.
La justification de cette obligation s 'est tout d'abord
appuyée sur l'ancien article 10 du Traité instituant la
Communauté Européenne qui obligeait les États à
<<s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la
réalisation des buts>> du traité, lu en combinaison
avec les articles prohibant les ententes et les abus de position dominante. Cet
article n'a pas survécu à la naissance du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne. Néanmoins, l'actuel article
4.3 du Traité sur l'Union Européenne est rédigé
comme suit: << En vertu du principe de coopération loyale, l
'Union et les États membres se respectent et s 'assistent mutuellement
dans l 'accomplissement des missions découlant des traités. Les
États membres prennent toute mesure générale ou
particulière propre à assurer l'exécution des obligations
découlant des traités ou résultant des actes des
institutions de l'Union. Les États membres facilitent l 'accomplissement
par l 'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de
mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union
>>. Des lors, il semble possible de se baser sur ce principe de
coopération loyale, combiné avec la prohibition communautaire des
ententes (article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne) pour opposer le droit de la concurrence communautaire aux
normes contraires des États. Ainsi, l'État est tenu de respecter
le droit de la concurrence communautaire dans l'édiction de sa
législation au sens large.
L'opposabilité aux États des normes
communautaires de concurrence a permis à la Cour de Justice de l'Union
Européenne de sanctionner un certain nombre de législations
allant à l'encontre de l'interdiction des ententes anticoncurrentielles.
Une telle sanction est néanmoins soumise à la réunion de
deux conditions: une entente doit exister au sens de l'article 101§1 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et cette
entente doit
43
avoir été créée ou ses effets
renforcés par une disposition du droit national . Ainsi, la Cour a
sanctionné la législation italienne imposant à une
organisation professionnelle un tarif unique aux expéditeurs en
douane44.
43 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 1er octobre 1987, ASBL Vereniging van
Vlaamse Reisbureaus, 311/85.
44 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie,
C-35/96.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente? une autre affaire concernant l 'Italie
45
Dans , la Cour a développé un véritable
mode
d'emploi à l'attention des autorités de
concurrence et des juridictions nationales pour appréhender une
législation créant une entente ou renforcant ses effets. Outre
les aspects concernant la possibilité de sanctionner les entreprises
soumises à ce type de législation, la Cour indique clairement aux
autorités nationales qu'elles ont <<l'obligation de laisser
inappliquéeÈ toute norme nationale contraire au droit de la
concurrence communautaire. Cette obligation a été très
bien acceptée en droit interne, notamment par la Cour d'Appel de Paris
qui en faisait déjà application46, et par le Conseil
de la Concurrence qui en a tenu compte la même année dans le cadre
du prononcé mesures conservatoires 47
de .
Cette obligation trouve même à s'appliquer
lorsque l'État délègue son pouvoir normatif à une
institution, notamment à un organisme professionnel ou directement aux
entreprises elles-mêmes48. La Cour indique à cet effet
que l'opposabilité du droit de la concurrence s'applique
également lorsque l'État <<retire à sa propre
réglementation son caractère étatique en
déléguant à des opérateurs privés la
responsabilité de prendre des décisions d'intervention en
matière économique È.
Faute de respecter cette exigence, l'État s'expose
à deux types de procédures.
Tout d'abord, il peut faire l'objet d'une procédure de
manquement devant les juridictions communautaires, afin de le contraindre
à se mettre en conformité avec le droit de la concurrence
communautaire. Le premier arrêt de manquement pour violation du droit
49
communautaire de la concurrence a été rendu par la
Cour en 1996. Si l'État persiste dans sa violation, il peut être
soumis à des sanctions pécuniaires.
D'autre part, l'État peut voir sa responsabilité
extracontractuelle engagée en vertu de la jurisprudence
Francovich50. Il s'agira alors pour des personnes
privées s 'estimant lésées par la violation du droit
communautaire de la concurrence commise par l'État de réclamer
réparation civile devant les juridictions nationales
compétentes.
45 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi
(CIF), C-198/01.
46 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994,
CMS contre France Télécom.
47 Conseil décision n°03 -MC-03 1
er
de la Concurrence, du décembre 2003 relative à une
demande de mesures
conservatoires présentée par la
société Towercast à l'encontre de pratiques mises en
Ïuvre par la société TéléDiffusion de France
(TDF).
48 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 21 septembre 1988, Van Eycke, C-267/86.
49 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie,
C-35/96.
50 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 novembre 1991, Andrea Francovich et Danila Bonifaci
et autres contre Italie, C-6/90 et C-9/90.
Loin d'être absout du respect du droit de la
concurrence, l'État est donc au contraire fortement contraint au respect
des exigences communautaires en termes de concurrence. Non seulement les
dispositions contraires qu'il édicte peuvent être laissées
inappliquées mais il encourt également la sanction des
autorités de l'Union Européenne et sa responsabilité peut
être mise en jeu. Le droit de la concurrence est donc fortement
contraignant pour l'État, même si une exception est
envisagée par le traité en ce qui concerne les services
d'intérêt économique général.
Section 4 : Le régime particulier de l'article
106 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne
L'article 106§1 du Traité sur le Fonctionnement de
l'Union Européenne oblige les États à ne pas enfreindre le
traité dans l'édiction des normes destinées aux
entreprises auxquelles il accorde des droits spéciaux ou exclusifs
(monopoles nationaux). Le droit communautaire ne condamne donc pas par principe
l'existence de monopoles nationaux mais il permet le contrTMle par les
autorités communautaires de la nécessité des droits
spéciaux ou exclusifs qui leur sont accordés, et du respect des
dispositions du traité, notamment l'article 101§1 prohibant les
ententes anticoncurrentielles.
L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de
l'Union Européenne apporte un tempérament au principe posé
au §1 et reconna»t la priorité de l 'intérêt
général sur les normes de concurrence. En effet, il dispose que
« Les entreprises chargees de la gestion de services dÕinteret
economique general ou presentant le caractere dÕun monopole fiscal sont
soumises aux regles des traites, notamment aux regles de concurrence, dans les
limites ou l'application de ces règles ne fait pas echec à
lÕaccomplissement en droit ou en fait de la mission particuliere qui
leur a été impartie. Le developpement des echanges ne doit pas
'etre affecté dans une mesure contraire à lÕinteret de
l'Union ». La place des services d'intérêt
économique général est donc bien prise en compte dans le
traité, d'autant plus depuis que l'article 14 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne reconna»t que ces services
sont une « valeur commune » de l'Union Européenne.
Les États gardent donc une certaine emprise sur les
services d'intérêt économique général et
peuvent adopter dans ce domaine des dispositions contraires au droit
communautaire de la concurrence, y compris à l'interdiction des
ententes
anticoncurrentielles. En effet, les services
d'intérêt économique général ont
été définis par la Commission comme des «
services, tant économiques que non économiques, que les
autorités publiques classent comme étant d'intérêt
général et soumettent à des obligations spécifiques
de service public »51. La définition de ces
services et des dérogations possibles semble donc du complet ressort des
États, de l'aveu même de la Commission.
Néanmoins, il existe des conditions précises
pour bénéficier de telles dérogations.
L'interprétation de ces conditions par la Cour de Justice de l'Union
Européenne est gouvernée par trois grands principes qui ont
toujours été rappelés par la jurisprudence : la
neutralité quant à la forme publique ou privée de la
propriété (garantie par l'article 345 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne), la liberté des
États dans la définition des services devant être
considérés comme d'intérêt général
(sous réserve de l'erreur manifeste et d'un acte précis
précisant les taches du service) et enfin la proportionnalité.
Depuis 198952, la Cour a reconnu la possibilité pour les
juridictions et autorités de concurrence nationales d'apprécier
la satisfaction de ces
conditions et d'appliquer l'article 106§2 du Traité
sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.
En premier lieu, la mission du gestionnaire du service
d'intérêt général doit lui avoir été
confiée par un acte de la puissance publique. Un tel acte est une
condition nécessaire pour bénéficier de l'article
106§2 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne53. La jurisprudence exigeait au départ un
acte de nature législative ou réglementaire mais elle s'est
depuis assouplie et accepte que la mission soit confiée par le biais
d'une simple concession54. L'existence d'un acte n'est cependant pas
suffisante. Cet acte doit définir de façon précise les
missions confiées à l'entreprise, faute de quoi l'existence
même du service d'intérêt économique
général est remise en cause.
En second lieu, la mission de l'entreprise doit être, au
moins partiellement, une mission d'intérêt économique
général. Faute de définition précise de cette
notion, les États disposent d'une certaine latitude dans
l'appréciation de cette condition.
51 Communication de la Commission Européenne
du 21 novembre 2007, Un marché unique pour l'Europe du
XXIèmesiècle - Les services d'intérêt
général, y compris les services sociaux d'intérêt
général: un nouvel engagement européen.
52 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line
Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e.
V., C-66/86.
53 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 14 juillet 1981, Gerhard Züchner contre Bayerische
Vereinsbank AG, 172/80.
54 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 octobre 1997, Commission contre France,
C-159/94.
Les missions d'intérêt général
peuvent être ou non économiques: néanmoins, dans la mesure
oü elles ne sont pas de nature économique (ou non marchandes selon
la terminologie employée par la Commission), elles échappent
totalement aux règles communautaires de concurrence et l'article
106§2 n'a alors pas vocation à s'appliquer.
En ce qui concerne les services de nature économique,
la ligne de partage co ·ncide avec l'existence d'obligations
particulières liées à la nécessité d'assurer
le service même si le fonctionnement normal du marché n'est pas
à même d'y parvenir. L'obligation principalement imposée
par les États est celle de service universel. Il existe en effet des
situations dans lesquelles l'accès équitable à un service
est conditionné à l'existence de droits spéciaux pour une
ou plusieurs entreprises, notamment en raison de l'absence de viabilité
économique du service. Dans ce cas, une procédure d'appel
d'offres permet de désigner une entreprise qui se verra attribuer des
droits spéciaux pour remplir sa mission. Dans certains autres cas,
l'obligation spécifique peut être mise à la charge d'une
seule entreprise, en échange d'une redevance des autres acteurs du
marché en question non - soumis aux mêmes obligations (sous
réserve de la correspondance entre le surcoüt imposé par
l'obligation et la redevance).
En troisième lieu, et c'est ici que s'exerce le plus
fort contrôle de la part des institutions communautaires, l'infraction
aux règles du traité doit être indispensable à
l'exercice par l'entreprise de sa mission d 'intérêt
général. La Cour de Justice, confrontée à cette
question, vérifie que l'exercice de la mission serait en pratique
impossible en l'absence de telles infractions (et ne serait pas simplement
rendu moins aisé). L'article 106§2 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne ne crée donc pas une
dérogation générale pour les entreprises chargées
d'une mission d'intérêt général: seules les
règles faisant échec à leur mission peuvent être
écartées. Le contrôle de proportionnalité
effectué par la Cour lui a permis d'affiner sa jurisprudence. Elle a
ainsi jugé que l'article 106§2 était applicable pour des
compagnies aériennes à qui l'on impose de desservir des
destinations non-rentables55 mais dont le maintien constitue un
objectif d'intérêt général. Néanmoins, la
non-soumission aux règles de concurrence doit être limitée
aux seules missions d'intérêt général. Si une
entreprise est titulaire de telles missions mais exerce également
d'autres missions dissociables, le droit de la concurrence s'applique à
ces
55 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line
Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e.
V., C-66/86.
dernières56. Cette jurisprudence a
également assoupli la condition de nécessité en jugeant
qu'elle était applicable afin de permettre à l'entreprise
d'exercer sa mission Çdans des conditions économiquement
acceptables È. Le caractère nécessaire de la
restriction de concurrence est donc envisagé de manière relative,
sans que l'existence même de l'entreprise ne soit forcément
menacée en l 'absence de restriction. Ainsi, la Cour a accepté
une contribution devant être payée par les entreprises italiennes
de transport express à la poste italienne pour palier à ses
obligations de service universel, dès lors que la contribution est
limitée au coüt supplémentaire induit par le service
universel.
Enfin, en dernier lieu, les restrictions de concurrence en
cause ne doivent pas affecter outre mesure les échanges
intracommunautaires. Comme l'indique la Cour, la pratique ne doit pas Ç
exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur
les courants d 'échanges entre États membres
È57. Si les échanges intracommunautaires sont
affectés, l'article 106§2 est tout simplement rendu inapplicable et
ne permet pas de déroger au droit de la concurrence.
L'article 106§2 du Traité sur le Fonctionnement de
l'Union Européenne, s'il est reconnu applicable, permet de
déroger à l'ensemble des règles du traité, et
notamment à l'article 101§1 prohibant les ententes
anticoncurrentielles, tel fut le cas dans l'affaire Commune
d'Almelo58.
Dès lors, l'intervention de l'État par un acte
confiant des missions de service d'intérêt économique
général à une entreprise peut constituer un fait
justificatif de l'entente, du moins permettre qu'une entente ne soit pas
illicite d'un point de vue communautaire. Cependant, ce n'est pas tant
l'intervention de l'État qui est à l'origine de cette
possibilité de dérogation à l'interdiction de l 'article
101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne,
que l'existence d'une mission de service d'intérêt
économique général. Ce mécanisme reste donc
restreint et spécifique et ne constitue en aucun cas une
possibilité générale de dérogation à la
prohibition des ententes.
56 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 mai 1993, Procédure pénale contre Paul
Corbeau, C- 3 2 0/9 1 .
57 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner contre
Landkreis S·dwestpfalz, C-475/99.
58 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 27 avril 1994, Commune d'Almelo et autres contre NV
Energiebedrijf Ijsselmij , C-393/92.
A l'issue de cette première partie de l'analyse, il est
possible de conclure que la seule participation de l'État à une
activité n'est pas suffisante pour exonérer du respect du droit
de la concurrence en général, et de l'interdiction des ententes
en droit communautaire et national, en particulier, sauf dans les cas
très particuliers oü il existe un service d'intérêt
économique général.
Si l'intervention de l'État ne justifie pas en
elle-même l'irrespect du droit de la concurrence, il convient de se
placer du point de vue des entreprises pouvant être amenées
à participer à une entente, pour vérifier comment
l'intervention de l'État peut constituer pour elles un fait justificatif
de l'entente ou les exonérer de la responsabilité
découlant de leur participation à une entente.
Partie II: La justification d'ententes
anticoncurrentielles par une intervention de l'État
Outre la question de l'applicabilité du droit de la
concurrence aux activités étatiques, un problème connexe
se pose en ce qui concerne les conséquences, du point de vue des
entreprises, de l'intervention de l'État en faveur d'une entente
anticoncurrentielle.
En effet, l'État, lorsqu'il adopte des actes normatifs,
est susceptible de donner naissance à des ententes anticoncurrentielles
, de favoriser leur conclusion ou de renforcer leur efficacité. Ces
ententes sont-elles toujours prohibées? La norme anticoncurrentielle
constitue-t-elle un motif de justification pour les entreprises participant
à ces ententes?
Suivant le point de vue que l'on adopte, les perspectives sur
ces questions sont différentes. Il convient donc d'observer en premier
lieu la situation d'un point de vue interne (Section 1) oü l'influence du
droit communautaire se fait cependant sentir, avant d'envisager la
spécificité que revêt cette question du point de vue du
droit communautaire (Section 2).
Section 1: L'admission de la justification en droit
national
L'intervention de l'État est susceptible de constituer une
justification de l'entente anticoncurrentielle selon deux fondements dont les
critères et les objectifs divergent.
En premier lieu, l'État peut reconna»tre par
décret qu'un accord anticoncurrentiel ne doit pas être soumis
à la prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce en raison de
sa contribution au progrès économique, et prendre, pour assurer
sa viabilité et sa licéité, un décret d'exemption
individuel ou collectif en vertu de l'article L.420-4 II du Code de Commerce (
1).
En second lieu, l'intervention de l'État par le biais
d'un acte législatif est susceptible de constituer une exemption des
pratiques anticoncurrentielles si elle satisfait aux conditions textuelles et
jurisprudentielles permettant de caractériser un ordre de la loi (
2).
§1 : L'article L.420-4 II du Code de Commerce :
l'exemption préalable par décret
La justification d'un accord anticoncurrentiel peut intervenir
en raison de sa contribution au progrès économique. Cette
contribution, reconnue également en droit communautaire (article
101§3 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne), est soumise à des conditions définies
à l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce : l'accord doit
assurer un progrès économique, réserver une partie
équitable du profit dégagé aux utilisateurs, ne pas donner
aux intéressés la possibilité de supprimer la concurrence
pour une partie substantielle du marché concerné et les
restrictions engendrées doivent être indispensables à la
réalisation des objectifs de l'accord.
La reconnaissance de cette contribution au progrès
économique peut se faire ex ante ou ex post. Dans la
majeure partie des cas, les entreprises parties à un accord
présentant des aspects anticoncurrentiels sont invitées à
apprécier par elles-mêmes la satisfaction des conditions ci-dessus
énumérées, d'autant plus depuis que la Commission
Européenne n'accorde plus d'exemption individuelle après
contrTMle de l'accord59. La confirmation de la satisfaction à
ces conditions intervient dans la majeure partie des cas, ex post,
lors de l'examen de l'accord en cause par le juge national ou par
l'Autorité de la Concurrence, dans le cadre d'une procédure
contentieuse.
Il existe en droit francais une possibilité de
délivrer par décret une exemption a priori de la conclusion d'un
accord contenant des dispositions anticoncurrentielles puisque l'article
L.420-4 II du Code de Commerce dispose que « Certaines categories
d'accords ou certains accords, notamment lorsqu Õils ont pour objet
dÕaméliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites,
peuvent etre reconnus comme satisfaisant à ces conditions par
décret pris apres avis conforme de lÕAutorité de la
Concurrence ».
Cette faculté d'exemption peut se faire, ainsi que le
texte l'indique, de deux manières : collectivement, pour un ensemble
d'accords (A) ou individuellement, pour un accord en particulier (B).
59 Cette faculté a néanmoins
été transmise aux autorités nationales de concurrence
depuis le règlement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16 décembre
2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence
prévues aux articles 81 et 82 du traité, qui leur permet
d'examiner la satisfaction d'un accord aux conditions de l'article 101§3
du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.
A. L'exemption collective
Depuis 'ordonnance de 1986 60
l , les dispositions du droit francais permettent au Ministre
de l'Économie de légitimer, par le biais d'un décret, une
catégorie d'accords restrictifs de concurrence mais présentant
néanmoins une contribution au progrès économique au sens
de l'article L.420-I 2° du Code de Commerce.
Cette faculté possède son pendant en droit
communautaire puisque la Commission Européenne peut, par le biais de
règlements d'exemption, définir précisément les
conditions dans lesquelles une catégorie d'accords peut
bénéficier de l'exemption pour contribution au progrès
économique.
Les mécanismes aussi bien national que communautaire
ont pour but de préserver la sécurité juridique des
entreprises en substituant à la généralité des
conditions d'exemption du Code de Commerce ou du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne, des critères précis
et adaptés à la catégorie d'accords visée par le
décret ou le règlement. Du fait de ces interventions, les
entreprises souhaitant mettre en place ce type d'accords disposent d'une grille
de lecture précise permettant de s'assurer que leur comportement ne sera
pas considéré par la suite comme prohibé et
sanctionné dans le cadre d'une procédure contentieuse.
Une procédure spécifique à ce type de
décrets est prévue par les dispositions du Code Commerce
61
réglementaires de . Un projet de décret est tout
d'abord réalisé par les
services de la Direction Générale de la
Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Il doit
obligatoirement être publié au Bulletin officiel de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au moins
un mois avant sa transmission à l'Autorité de la Concurrence.
Cette publication permet aux personnes intéressées (organismes
professionnels, associations de concurrence...) de formuler leurs observations
pour transmission à l'Autorité.
La saisine de l'Autorité de la Concurrence pour avis
n'est absolument pas formelle puisqu'un avis conforme de sa part est
nécessaire pour que le décret puisse être effectivement
adopté . Cette exigence de validation par une autorité
administrative indépendante est nécessaire puisqu'elle permet de
se préserver d'exemptions pour des motifs politiques, au
détriment du respect de la préservation d 'une concurrence
effective.
60 er
Article 10§2 de l'ordonnance n°86 -1243 1
du décembre 1986 relative à la liberté des
prix et de la
concurrence.
61 Article R.420-2 du Code de Commerce.
Alors que cette procédure existe depuis vingt cinq ans,
il est nécessaire de constater qu'il n'en a été fait qu'un
usage fort parcimonieux. En effet, seuls deux décrets ont vu le jour
à la faveur de cette procédure. Témoignant de l'attention
particulière apportée au
62
milieu agricole , les deux textes de 1996 concernent des accords
intéressant l'agriculture.
Le premier décret concerne les accords de
développement de productions de qualité63. Il
prévoit une exemption des ententes entre producteurs agricoles ou avec
des entreprises bénéficiant d'une même appellation
d'origine ou d'un même label s'ils sont notifiés au Ministre de
l'Économie et qu'ils visent à adapter l'offre à la
demande. L'exemption est néanmoins soumise à plusieurs exigences.
Les accords ne doivent tout d'abord pas être conclus pour une
durée supérieure à trois ans. D'autre part, ils ne peuvent
contenir que les cinq cas de restrictions de concurrence prévues par le
décret (programmation de la production, limitation des capacités
de production...). Enfin, ils ne peuvent être conclus par des entreprises
en situation de position dominante sur un marché. Sous réserve de
la satisfaction à ces conditions, ces accords sont réputés
exemptés à compter de leur notification au Ministre de
l'Économie.
64
Le second décret concerne les accords de crise,
toujours dans le domaine agricole . Il envisage les accords de crise
passés entre producteurs agricoles (non vinicoles), ou avec des
entreprises d'approvisionnement ou de transformation pour prendre des mesures
d'adaptation aux situations de crise, c'est-à-dire aux situations
d'inadaptation de l'offre à la demande constituant une perturbation
grave du marché. Des conditions précises sont également
prévues puisque ces accords, d'une durée maximale d'un an,
peuvent seulement limiter les capacités
de production ou augmenter les exigences de qualité
pour retrouver un équilibre entre l'offre et la demande. Enfin, ils ne
peuvent comporter de dispositions concernant les prix.
Le champ d'application de ces décrets est donc
limité et leurs conditions d'application strictement définies,
à l'inverse des règlements d'exemption de la Commission
Européenne qui s'appliquent à des domaines beaucoup plus
vastes.
62 Comme l'indique l'insertion à l'article
L.420-4 I 2° du Code de Commerce la loi n°96-588 du 1
er
par juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre
des relations commerciales d'une mention spécifique destinée aux
accords sur des produits agricoles ou d'origine agricole.
63 Décret n°96-499 du 7 juin 1996 relatif
aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de
qualité dans le domaine agricole.
64 Décret n°96-500 du 7 juin 1996 relatif
aux accords entre producteurs agricoles ou entre producteurs agricoles et
entreprises concernant des mesures d'adaptation à des situations de
crise.
Pour surmonter cette lacune, les juridictions nationales font
application, dans leur appréciation des ententes anticoncurrentielles au
regard du droit national, des critères développés par les
règlements d'exemption communautaire. Ainsi, l'Autorité de la
Concurrence65 consent volontiers à appliquer les
critères d'exemption des accords verticaux développés par
le règlement d'exemption communautaire66, notamment la zone
de sécurité existante en deçà d'une part de
marché de 30% du fournisseur.
Néanmoins, pour les accords n'entrant pas dans le champ
d'application des décrets de 1996 et dont les parties prenantes
souhaitent s'assurer de la légalité au regard du droit de la
concurrence, une exemption individuelle est toujours envisageable.
B. L'exemption individuelle
Ce procédé d'exemption se rapproche de la
notification
préalable qui était pratiquée
par la Européenne 2004 67
Commission avant . Il a été introduit dans
l'ordonnancement
68
juridique français à la suite la loi de 1996
de qui a étendu la possibilité valable pour les
Çcategories d'accordsÈ (exemption
collective).
L'objectif de cette procédure est, pour une entreprise,
de faire valider par une autorité administrative le fait qu 'un accord
remplit les conditions de l'article L.420-4 I 2° du Code de Commerce et
contribue effectivement au progrès économique. Ce dispositif
permet de se prémunir a priori des conséquences fâcheuses
qui pourraient résulter de la prohibition d'un accord en cours
d'application alors que les parties concernées estimaient qu'il
bénéficiait de l'exemption. L'objectif est donc ici encore de
garantir une forme de sécurité juridique.
La procédure d'exemption individuelle est proche de
celle valable pour les exemptions collectives, si ce n'est que l'initiative
provient nécessairement des parties à
65 Conseil de la Concurrence, décision
n°01-D-45 du 19 juillet 2001 relative à la saisine
présentée par la Société Casino France.
66 Règlement (UE) n°330/2010 de la
Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101,
paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne à des catégories d'accords verticaux et de
pratiques concertées.
67 La procédure a été
supprimée par le règlement (CE) n°1/2003 du Conseil, du 16
décembre 2002 relatif à la mise en Ïuvre des règles
de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.
68 Loi n°96-588 du 1er juillet 1996
sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.
l'accord et non de l'administration. Les entreprises
souhaitant obtenir un décret d'exemption pour leur accord doivent
déposer un dossier contenant un certain nombre
d'éléments69 permettant de situer l 'accord dans son
environnement juridique et commercial, d'envisager ses objectifs et ses
conséquences. La Direction Générale de la Concurrence, de
la Consommation et de la Répression des Fraudes est ensuite à
même d'instruire la demande.
Elle peut décider de refuser l'exemption en
considérant que l'accord ne contribue pas au progrès
économique, par une décision explicite ou implicite (suite
à un silence de quatre mois à compter de la demande). Cette
décision peut néanmoins être attaquée par les
parties à l'accord devant le Tribunal administratif.
A l'inverse, si la Direction Générale de la
Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
considère que l'accord peut obtenir l'exemption, elle transmettra la
demande pour avis à l'Autorité de la Concurrence avec publication
au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes au moins un mois avant cette transmission, pour
observations, selon la procédure exposée ci-dessus pour les
décrets d'exemption collectifs. Si le décret est finalement
adopté, les personnes pour lesquelles il fait grief pourront toutefois
le contester devant le Conseil d'État.
Cette procédure de sécurisation juridique des
accords restrictifs de concurrence, malgré son utilité
potentielle, n'a pas connu le succès escompté. Peu d'accords ont
en effet été présentés au Ministère de
l'Économie pour recevoir son approbation, notamment en raison du
caractère relativement incertain de son issue. Le seul décret
d'exemption notable qui ait été adopté paiement dans l
omobile 70
concerne les délais de 'industrie aut . En effet, ce
décret a permis de délivrer une exemption
à un accord conclu entre des comités et fédérations
professionnelles du secteur automobile pour réduire les délais de
paiement entre clients et sous-traitants. L'inutilité de l'article L.420
-4 II du Code de Commerce n'est donc pas totale, même si ce type
d'accords est aujourd'hui adopté à la faveur d'une disposition
législative de la Loi de Modernisation de l'Économie71
prévoyant une exemption pour ordre de la loi.
69 Ces éléments sont
détaillés à l'article R.420-1 du Code de Commerce et
concernent l'identification des entreprises concernées et de leur
pouvoir de marché, les produits ou services en cause et l'impact sur la
concurrence.
70 Décret n°2007-1884 du 26
décembre 2007 pris en application de l'article L. 420-4 II du Code de
Commerce, concernant un accord relatif aux délais de paiement dans la
filière automobile.
71 Loi n°2008-776 du 4 aoüt 2008 de
modernisation de l'économie.
§2 : L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce :
l'ordre de la loi
L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce envisage une
dérogation particulière, introduite 'ordonnance 1986
72
par l de , prévoyant l'exonération de certaines
pratiques
anticoncurrentielles liées à une intervention
normative de l'État (A). Il s'agit de tenir compte de l'absence
d'autonomie des entreprises dans l'adoption de leur comportement
anticoncurrentiel, lorsque celui-ci a été dicté par une
disposition normative. Cependant, cette dérogation possède un
caractère limité du fait de la jurisprudence des juridictions
nationales qui en font une interprétation stricte , notamment au regard
des limites posées par le droit communautaire (B).
A. Le principe d'inapplication de la prohibition aux
ententes résultant d'un texte législatif
L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce contient une
exception de principe à la soumission de l'ensemble des activités
économiques à l'empire des articles L.420-1 (entente
anticoncurrentielle) et L.420-2 (abus de position dominante) du Code de
Commerce. Cette exception concerne les cas oü ces pratiques
anticoncurrentielles normalement interdites et sanctionnées
Çrésultent de l 'application d 'un texte législatif ou
d'un texte réglementaire pris pour son application È.
Cette disposition fait totalement échapper les
pratiques en cause à l'application de la prohibition du Code de
Commerce. Il ne s'agit donc pas de tolérer les pratiques
anticoncurrentielles résultant de l'application d'une loi ou méme
de ne pas sanctionner les entreprises qui y participent, mais bien de
décider que les pratiques anticoncurrentielles induites par un texte
législatif ne seront pas soumises à l'interdiction. Cette
disposition est en réalité une transcription en droit de la
concurrence de la théorie pénale des faits justificatifs: le
caractère anticoncurrentiel du comportement n'est pas remis en cause
mais le comportement n'est pas sanctionné.
Du point de vue de l'entreprise ayant recours à des
pratiques anticoncurrentielles, en l'occurrence une entente, il s'agit donc
d'un fait justificatif basé sur l'ordre de la loi.
72 er
Article 10 de l 'ordonnance n86 -1243 du 1décembre 1986
relative à la liberté des prix et de la concurrence.
Du point de vue de la puissance publique, cet article donne un
pouvoir de légitimer une entente et de la faire échapper aux
mécanismes classiques de prohibition, par le biais d'un texte soumis
à la repré sentation nationale.
Si cette exception peut sembler créer une brèche
importante dans l'interdiction des ententes anticoncurrentielles, il faut bien
voir que son interprétation par les juridictions l'a rendu très
difficile à mettre concrètement en Ïuvre.
B. Le caractère limité de l'exemption
L'exception de l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce peut
sembler très large en ce qu'elle permet à l'État de
légitimer n'importe quelle entente. Néanmoins, la jurisprudence a
toujours procédé à une interprétation limitative de
cette exception en se basant sur le texte méme de l'article (1), en
exigeant un lien de causalité très prononcé (2) et enfin
en s'appuyant sur les exigences du droit communautaire (3).
1. L'interprétation stricte des textes à
l'origine de l'exception
L'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce indique clairement
que le fait justificatif des ententes pour intervention de l'État est
limité aux cas oü ces comportements Ç résultent
de l 'application d 'un texte législatif ou d 'un texte
réglementaire pris pour son application È. Cette
rédaction est issue de l'ordonnance de 1986, puisqu'auparavant, et ce
depuis l 'ordonnance de 1945 73, l'exception pouvait provenir d 'un
texte législatif ou d'un texte réglementaire.
Depuis 1986, l'exception doit donc trouver obligatoirement sa
source dans un texte de nature législative, méme si un acte
réglementaire pris pour son application peut venir s'interposer entre la
pratique et la loi.
Le Conseil, puis l'Autorité de la Concurrence, ont
toujours procédé, à l'unisson des autres juridictions
civiles ou administratives, à une interprétation stricte de cette
exigence.
Cette condition a tout d'abord conduit à écarter
du champ d'application de l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce l'ensemble
des actes extérieur s à l'administration. Tel est le cas
notamment des conventions ou accords signés entre des
fédérations sportives, des
73 Article 51 de l'ordonnance n45 -1483 du 30 juin
1945.
74
syndicats professionnels même si le Ministre de la
Jeunesse et des Sports y est partie , des
75
contrats signés entre personnes privées , ou des
usages professionnels même s'ils sont reconnus dans un code de
déontologie édité par le syndicat professionnel d'une
profession76. Toute norme ou pratique extérieure a
l'administration ne peut donc en aucun cas permettre de procéder a la
justification d'une entente.
Les exigences de la jurisprudence ne s'arrêtent
cependant pas a l'exigence d'un acte propre a l'administration.
L'interprétation stricte dégagée par la jurisprudence a
ainsi conduit a respecter la lettre de l'article L.420-4 I 1° du Code de
Commerce qui exige un acte législatif ou un acte réglementaire
appliquant un acte législatif. L e texte a l 'origine de la pratique
doit donc être matériellement et formellement une loi ou un acte
réglementaire d'application d'une loi.
La fermeté du Conseil de la Concurrence l'a conduit a
refuser que cette exception soit appliquée pour un acte
réglementaire autonome relevant de l'article 37 de la Constitution. Une
exigence supplémentaire a été posée en ce qui
concerne le rattachement de l'acte réglementaire a la loi, même si
elle est plus ambiguë selon les décisions. Ainsi, le Conseil a
refusé d'appliquer l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce sur
la base d'un
77
arrêté ministériel pris en vertu d 'un
décret d 'application d 'une loi , considérant que l'exigence de
rattachement direct de l'acte réglementaire en cause a la loi
n'était pas satisfaite. Le Conseil de la Concurrence a également
exigé que la loi mise en Ïuvre par un acte réglementaire
contienne le principe de l'exemption et ne se contente pas de renvoyer a
l'adoption du règlement pour décider de l'exemption78.
Dans le cas contraire, le Conseil considère que l'acte
réglementaire n'a pas été pris en application de la loi et
donc que l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce ne peut s 'appliquer.
A l'inverse, d'autres décisions se montrent plus souples dans
l'appréciation de ce lien de rattachement,
74 Conseil de la Concurrence, décision
n°94-D-40 du 28 juin 1994 relative a la situation de la concurrence dans
le secteur de l'assurance ski.
75 Conseil de la Concurrence, décision
n°97-D-71 du 7 octobre 1997 relative a une saisine présentée
par les sociétés Asics France et autres.
76 Conseil de la Concurrence, décision
n°95-D-39 du 30 mai 1995 relative a des pratiques relevées dans le
secteur de la location d'emplacements publicitaires destinés a
l'affichage de grand format.
77 Conseil de la Concurrence, décision
n°94-D-41 du 5 juillet 1994 relative a des pratiques relevées dans
le secteur des volailles sous label.
78 Conseil de la Concurrence, décision
n°07-D-41 du 28 novembre 2007 relative a des pratique s s'opposant a la
liberté des prix des services proposés aux établissements
de santé a l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens
anatomo-cyto-pathologiques.
notamment en faisant application de l'exemption pour un
arrété ministériel sans vérifier le
caractère immédiat de son rattachement à un texte
législatif79.
De méme, l 'application de l'article L.420-4 I 1°
du Code de Commerce a toujours été refusée en ce qui
concerne l'ensemble des comportements que peut adopter l'administration face
à certaines pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, les incitations ou
encouragements80, les tolérances81 approbations
82
ou données par des autorités
administratives n'ont jamais pu constituer une base pour
exempter un comportement anticoncurrentiel. Selon cette logique, la Cour de
Cassation indique que Çla compromission des ma»tres de
l'ouvrage avec les entreprises (...) ne fait pas échec à l
'application des textes invoqués È83.
La sévérité de la jurisprudence fait
qu'il est donc préférable de parler d'exemption par ordre de la
loi que d'exemption du fait de l'intervention de l'État puisqu'un acte
législatif doit obligatoirement intervenir en amont du processus
d'exemption pour que l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce soit
applicable et entraine effectivement l'exonération d'une entente
anticoncurrentielle.
En outre, la jurisprudence a indiqué
l'appréciation temporelle qu'elle faisait de l'exemption en
précisant qu'il n'était possible de justifier une pratique que
par le biais d'un
84
texte entré en vigueur après le commencement des
pratiques anticoncurrentielles . De méme, la Cour d'Appel de Paris a
toujours refusé de légitimer une pratique selon un texte
postérieur mais a néanmoins accepté de réduire le
montant de l'amende en se basant sur le fait qu 'un texte légitimant une
telle pratique soit intervenu peu après le comportement
79 Conseil de la Concurrence, décision
n°04-D-49 du 28 octobre 2004 relative à des pratiques
anticoncurrentielles dans le secteur de l 'insémination artificielle
bovine.
80 Conseil de la Concurrence, décision
n°05-D-10 du 15 mars 2005 relative à des pratiques mises en
Ïuvre sur le marché du chou fleur de Bretagne et Conseil de la
Concurrence, décision n°96-D-14 du 12 mars 1996 relative à
des
pratiques constatées lors des marchés de
fourniture de fioul domestique à la ville de Lavelanet.
81 Conseil de la Concurrence, décision
n°90-D-20 du 12 juin 1990 relative à des pratiques relevées
sur le marché de la banane et Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 30
mai 1995, Société Bedel.
82 Conseil de la Concurrence, décision
n°92-D-44 du 7 juillet 1992 relative à des pratiques
relevées lors de la XXème foire exposition de
Velay-Auvergne.
83 Cour de cassation, 6 octobre 1992, SA
Entreprise Jean Lefebvre et autres.
84 Conseil de la Concurrence, décision
n°93-D-27 du 30 juin 1993 relative à des pratiques
constatées dans le secteur du déménagement.
incriminé85. Si la loi postérieure
n'est pas une cause d'exonération, elle peut donc constituer une
circonstance atténuante au regard de la détermination du montant
de la sanction de la pratique anticoncurrentielle.
2. L'exigence d'un lien de causalité entre le
texte et la pratique
Ainsi que la lettre de l'article L.420-4 I 1° du Code de
Commerce l'indique, la pratique anticoncurrentielle doit résulter du
texte invoqué pour la justifier. Cette exigence impose à l'auteur
des pratiques qui entend se prévaloir d'une exemption pour ordre de la
loi de démontrer en quoi son comportement était la
conséquence immédiate et nécessaire de l'application du
texte en question. En l'absence d'une telle démonstration, l'exemption
est tout simplement inapplicable86.
Tout d'abord, la démonstration de ce lien de
causalité exige que le texte justificatif ait été concu
spécialement comme une dérogation au principe de libre
concurrence. Cette dérogation doit être l'objet du texte et en ce
sens, le texte en question doit revêtir un véritable objet
anticoncurrentiel. Ainsi, si une disposition n'a pas été concue
comme une dérogation explicite aux regles normales de concurrence
interdisant les ententes, en aucun cas elle ne peut servir de base à une
exemption, même si le comportement anticoncurrentiel
87
a été adopté par les entreprises afin de
faire application de cette disposition . Cette exigence implique encore que le
comportement adopté par l'entreprise ait été
spécialement prévu par le texte invoqué. Ainsi,
l'interdiction de vente à perte n'oblige en aucun cas un groupement de
producteurs à mettre en Ïuvre une entente sur les prix: tel n'est
pas
88
l'objectif du texte qui n 'a, au surplus, pas prévu de
légitimer un tel comportement . Il en est de même lorsque le
comportement adopté dépasse le champ d'application de l'exemption
prévue par le texte 89 .
85 Cour d'Appel de Paris, 4 février 1997,
Conseil regional de l 'ordre des architectes d 'Auvergne et de M. Dragoljub
Pavlovic.
86 Conseil de la Concurrence, décision
n°01-D-07 du 11 avril 2001 relative à des pratiques mises en
Ïuvre sur le marché de la répartition pharmaceutique.
87 Conseil de la Concurrence, décision
n°91-D-45 du 29 octobre 1991 relative à la situation de la
concurrence sur le marché de l'exploitation des films dans les salles de
cinéma.
88 Conseil de la Concurrence, décision
n°07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises
en Ïuvre dans le secteur de la distribution de jouets.
89 Conseil de la Concurrence, décision
n°87-D-53 du 1er décembre 1987 relative à la
situation de concurrence dans le domaine des honoraires d'architectes.
DÕautre part, le comportement anticoncurrentiel doit
etre la consequence directe et nécessaire du texte invoqué comme
justification. En d Õautres termes, le texte ne doit laisser aucune
latitude à lÕentreprise pour decider de commettre ou non une
pratique anticoncurrentielle : lÕautonomie de decision de
lÕentreprise doit etre anéantie. Le comportement incriminé
doit donc etre la seule solution pour appliquer le texte en cause. Il ne doit
donc pas exister de comportement non-incriminé permettant de
répondre efficacement aux exigences du texte. Dans le cas contraire, le
comportement litigieux trouve son origine à la fois dans le texte en
question mais également dans la decision de lÕentreprise et
l'exception ne peut alors fonctionner.
Ainsi, le Conseil de la Concurrence a rendu un nombre
important de decisions à propos des mesures spécifiques
imposées aux pharmaciens en matiére de sante publique,
considérant que les obligations imposées ne rendaient pas
obligatoires et automatiques les ententes mises en Ïuvre entre les
officines. Le Conseil
a par exemple considéré que le plafonnement des
remises pouvant etre consenties par les grossistes aux officines
nÕétait pas une cause directe et nécessaire de
lÕentente visant à geler les parts de marché ou à
entraver l'entrée dÕun nouveau concurrent90. De
même, le Conseil de la Concurrence a jugs que l'obligation de garde le
dimanche ne légitimait en rien les ententes entre officines afin que
seule la pharmacie de garde soit effectivement ouverte91.
LÕexigence dÕun lien de causalité
nécessaire et ineluctable est donc trés difficile
à
surmonter pour les entreprises qui souhaitent se prévaloir
de l'exemption de l'article L.420-
4 I 1 du Code de Commerce, particuliérement devant les
autorités de concurrence.
Même si elles parviennent à effectuer la
demonstration de l'existence du lien de causalité direct et
nécessaire, leurs efforts sont parfois anéantis par
lÕinterprétation que font les juridictions nationales du droit
communautaire.
90 Conseil de la Concurrence, decision n01-D-07 du 11
avril 2001 relative à des pratiques mises en Ïuvre sur le
march& de la repartition pharmaceutique.
91 Conseil de la Concurrence, decision n90-D-08 du 23
janvier 1990 relative à des pratiques constatées en
matière de fixation de la durée dÕouverture des pharmacies
libérales.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente?
3. L'influence restrictive du droit communautaire
92 93
Depuis les arrêts Jacques Vabre et Nicolo , les deux
ordres de juridictions français reconnaissent la possibilité pour
le juge d'écarter l'application d'une législation nationale en
vertu d'une norme contraire de droit communautaire.
En vertu du principe de primauté, l'autorité
nationale de concurrence doit laisser inappliquée toute disposition
nationale contraire au droit communautaire , notamment les dispositions
contraires à l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement
de l 'Union Européenne94. Cette contrariété
n'est pas seulement appréciée au regard du traité mais
également de l'ensemble des normes communautaires, y compris les
directives dont le délai de transposition est dépassé.
Appliquant en cela les exigences communautaires, le Conseil de la Concurrence a
refusé de faire application du droit national en raison de sa
contrariété avec une directive non-transposée par la
France et a enjoint des mesures conservatoires au regard des obligations
suffisamment claires, précises et inconditionnelles dictées par
cette directive95.
En conséquence, même lorsque l'application de
l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce est possible, son effet peut
être contrarié par une norme communautaire contraire lorsque le
droit de la concurrence communautaire est applicable au litige.
Le problème de la justification d'une pratique
anticoncurrentielle pour intervention de l'État par la loi étant
envisagé différemment en droit communautaire, il peut en
résulter une inadéquation des conditions entre droit interne et
droit communautaire. Il est donc possible qu'une entreprise parvienne à
démontrer qu 'elle a agi de manière anticoncurrentielle en vertu
de la loi française, mais que sa situation ne satisfasse pas aux
conditions posées par le droit communautaire pour
bénéficier d'une telle exemption. Dès lors,
l'applicabilité de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce peut
être remise en cause en vertu du droit communautaire.
92 Cour de Cassation, Chambre mixte, 24 mai 1975,
Société Jacques Vabre.
93 Conseil d'État, Assemblée, 20 octobre
1989, Nicolo.
94 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi
(CIF), C-198/01.
95 Conseil de la Concurrence, décision
n°03-MC-03 1 er
du décembre 2003 relative à une demande de
mesures conservatoires présentée par la société
Towercast à l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la
société TéléDiffusion de France (TDF).
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente? Ainsi, le Conseil de la con currence refuse d
'exonérer des pratiques au regard du
96
droit national lorsque le droit communautaire est applicable
au cas d 'espèce . En effet, en vertu de la primauté du droit
communautaire, il est inenvisageable de ne pas appliquer l'article 101§1
du Trai té sur le Fonctionnement de l'Union Européenne en vertu
d'exemptions régies par le droit national. Il doit alors être fait
application des dispositions exonératoires communautaires
pertinentes.
De même, en matière d'abus de position dominante
(mais cette solution est également valable pour les ententes), la Cour
d'Appel de Paris a déclaré l'article L.420 -4 I 1° du Code
de Commerce Çsans portéeÈ à propos du
refus par France Télécom de communiquer sa liste
d'abonnés, refus basé sur une disposition législative
prohibant cette communication97.
Du fait de ces critères très exigeants, les
applications du fait justificatif pour ordre de la loi de l'article L.420-4 I
1° du Code de Commerce sont très rares. Le cas le plus significatif
concerne les avocats, à propos de leur obligation d'assurance civile
professionnelle imposée par la loi et un décret d'application.
Certains barreaux avaient obligé leurs membres à souscrire des
assurances collectives de responsabilité professionnelle. Dès
lors, la concurrence était atteinte puisque les avocats étaient
privés de leur liberté de choix et ne pouvaient faire jouer la
concurrence. Néanmoins le Conseil de la Concurrence a
considéré que le système d'adhésion obligatoire
était le plus performant pour répartir les risques et les
coüts entre les avocats et donc que l'exception tirée de l'action
étatique devait s'appliquer en ce qu'elle engendrait comme
conséquence directe et
98
nécessaire l 'adhésion collective obligatoire
à l 'assurance professionnelle .
De plus, les textes de lois se basant explicitement sur
l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pour déroger à
l'interdiction des ententes sont assez rares, si ce n'est en ce qui concerne le
domaine agricole. Néanmoins, le mécanisme pourrait retrouver un
intérêt depuis que la LME a autorisé les organisations
professionnelles à négocier des accords pour mettre en Ïuvre
des délais de paiement dérogatoires par rapport aux délais
de principe. Ces accords susceptibles d'être contraires à la
prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce échapperont
à cette incrimination en vertu de l'ordre de la loi. Au regard des
96 Conseil de la Concurrence, décision
n°06-D-21 du 21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en
Ïuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.
97 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994,
CMS contre France Télécom.
98 Conseil de la Concurrence, décisions
n°03-D-03 et 03-D-04 du 16 janvier 2003 relatives à des pratiques
mises en Ïuvre par le barreau des avocats de Marseille et d'Albertville en
matière d'assurances.
domaines dans lesquels ils ont déjà
été adoptés (bâtiment et travaux publics, bricolage,
jouet, sanitaire, chauffage et matériel électriqueÉ), le
rTMle de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pourrait être
renforcé.
Le fait justificatif prévu par l'article L.420-4 I
1° du Code de Commerce est donc en réalité une exemption
classique prévue pour l'ensemble des types de responsabilité
consistant à ne pouvoir sanctionner un comportement qui a
été dicté par la puissance publique. Néanmoins, ses
conditions d'application et l'appréciation qui en est faite par la
jurisprudence conduisent à restreindre son champ d'application.
Au niveau international, la plupart des États
développés prévoient ce type d'exemptions pour
Çconduite réglementée È99.
Ainsi, le droit antitrust fédéral américain
envisage une immunité en vertu de l'action de l'État si le
comportement anticoncurrentiel est clairement défini comme une politique
de l' État fédéré et si ce dernier surveille
activement son application. De même, l'exemption est prévue par la
législation turque: elle y est concue comme une dérogation
à la loi générale par la loi spéciale. Enfin, le
droit hongrois est assez original puisqu'il prévoit, outre une exemption
pour ordre exprès de la loi, une exemption pour autorisation implicite,
considérant que cette dernière entrave l'autonomie des
entreprises. Bien qu'envisagées de manières différentes,
ces exemptions sont donc largement répandues.
Au niveau communautaire, ce type d'exemption existe mais il
n'intervient pas au même stade du raisonnement. Alors que le droit
interne concoit l'intervention de l'État comme une cause justificative
du comportement anticoncurrentiel, la jurisprudence communautaire tire les
conséquences de l'intervention de l'État au regard de l'autonomie
de décision de l'entreprise ayant adopté un comportement
anticoncurrentiel.
99 Compte rendu de la table ronde sur les moyens
de défense fondés sur une conduite
réglementée, OCDE, Comité de la concurrence, Groupe
de travail n°2 sur la concurrence et la réglementation,
février 2011.
Section 2 : La prise en compte de l'intervention de
l'État en droit communautaire
L'existence d'une entente suppose un accord de volontés
entre au moins deux entreprises indépendantes conduisant à une
coordination plus ou moins planifiée de leurs comportements et allant
à l'encontre du principe d'incertitude.
Dès lors, si une entente existe entre deux
entités non-autonomes, le droit de la concurrence ne peut trouver
à s'appliquer en raison de l'absence de rencontre de volontés
entre entreprises. Ainsi, l'article 101§1 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne ne permet pas de sanctionner des
accords intra -groupe (entre une société mère et des
filiales ou entre filiales) méme s 'ils présentent des
éléments anticoncurrentiels.
De la méme facon, il convient de tirer les
conséquences de l'absence d'autonomie des entreprises participant
à une entente dès lors que celle-ci leur a été
imposée par l'État.
Le droit communautaire ne prévoit pas textuellement une
exception tirée de l'intervention de l'État, faute de quoi il
donnerait un blanc
seing à l'ensemble des États membres pour aller
à l'encontre du droit communautaire. Néanmoins, la jurisprudence
communautaire a tiré les conséquences d'un défaut
d'autonomie des entreprises du fait d'une intervention de l 'État (
§1) méme si cette inapplication de l'article 101§1 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne est en
pratique soumise à des critères strictes et donc difficile
à obtenir ( §2).
§1 : La justification d'une entente imposée par
une intervention de l'État
Alors que l'exemption pour ordre de la loi prévue
à l'article L.420-4 I 1 du Code de Commerce consiste à
empécher l'application de la prohibition des ententes aux comportements
dictés par un texte législatif, le mécanisme d'exemption
pour intervention de l'État existant en droit communautaire intervient
à un stade différent. L'objectif de ces deux mécanismes
reste tout de même identique: garantir un certain degré de
sécurité juridique aux entreprises et ne pas aller à
l'encontre du principe d'interdiction de la Ç pénalisation
retroactive des comportements (nulla poena sine lege)
È100, autrement dit de la légalité des
délits et des peines.
100 Conclusions de l'avocat général M. F.G. Jacobs,
présentées le 30 janvier 2003 dans l'affaire C-198/01.
101
En effet, le droit communautaire a rapidement
su très tirer les conséquences du
défaut d 'autonomie des entreprises du fait de
l'intervention de l'État. Il ne s 'agit pas d'exonérer la
pratique mais de considérer qu'elle n'est tout simplement pas
constituée. Du point de vue communautaire, lorsque des entreprises se
sont entendues conformément à une disposition normative
étatique, le comportement anticoncurrentiel ne leur est plus imputable
du fait de leur défaut d'autonomie. Dès lors, la pratique trouve
son origine non pas dans le comportement des entreprises mais bien dans
l'intervention de l'État, ainsi que
102
l'indique clairement la jurisprudence communautaire . En
conséquence, il ne s'agira plus de mettre en jeu la
responsabilité des entreprises participant à l'entente mais
éventuellement de rechercher la responsabilité de l'État
pour violation du droit communautaire.
La jurisprudence communautaire a précisé que
l'inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement
de l'Union Européenne à des comportements imposés par
l'État devait être maintenue même si la disposition
nationale en cause était contraire au droit communautaire (et devait en
conséquence être écartée en vertu du principe de
primauté). En effet, quelque soit la légalité
communautaire de la norme nationale, non seulement il n'est pas normal de faire
supporter aux entreprises concernées la méconnaissance par
l'État de ses obligations communautaires, mais le défaut
d'autonomie reste toujours constitué même si la
réglementation est illégitime d u point de vue communautaire.
La jurisprudence CIF103 a permis de
clarifier la grille de lecture de la Cour de Justice sur le problème de
la justification d'une entente du fait d'une intervention de l'État.
Elle laisse le soin aux autorités nationales de concurrence d'appliquer
cette jurisprudence aux cas d 'espèce, même si la Cour
précise rigoureusement les critères qu'elles doivent mettre en
Ïuvre, en distinguant deux cas.
Dans le premier cas, la législation nationale en cause
impose la conclusion d'une entente ou élimine toute possibilité
de concurrence, empêchant ainsi les entreprises
101 Cour de Justice des Communautés Européennes, 29
octobre 1980, Van Landewyck et autres contre Commission, 209/78
à 215/78 et 218/78.
102 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et
autres contre Commission , T-387/94 et Cour de Justice des
Communautés Européennes, 11 novembre 1997, Commission et
France contre Ladbroke, C-359/95 et C-379/95: Ç Dans une telle
situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l
'impliquent ces dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises
È.
103 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9
septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.
d'adopter un comportement respectueux de la concurrence, faute
d'enfreindre la norme nationale en cause. Alors, l'autonomie des entreprises
est inexistante dans l'adoption d'un comportement répréhensible
au regard du droit de la concurrence et ce comportement ne peut etre
sanctionné sur la base de l'article 101§1 du Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne. La Cour tire logiquement les
conséquences du défaut d'autonomie et du commandement de la loi,
selon un mécanisme proche de celui existant en droit national.
Néanmoins, cette exonération est limitée aux comportements
qui ont été adoptés avant toute décision d'une
autorité de concurrence déclarant la norme nationale inapplicable
en raison de sa contrariété avec le droit communautaire. En
effet, une telle décision s'impose aux entreprises qui retrouvent alors
leur autonomie, n'étant plus contraintes par la norme dont
l'applicabilité a été écartée par une
autorité compétente.
A l'inverse, si la législation « laisse
subsister la possibilité d 'une concurrence qui serait encore
susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée
par des comportements autonomes desdites entreprises »104,
l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne reste applicable. En ce cas, l'autonomie des entreprises est
sauvegardée, puisqu'elles n'ont été qu'incitées ou
encouragées à adopter un comportement anticoncurrentiel. Des
lors, la décision d'adopter ce comportement leur est imputable et elles
peuvent en conséquences etre sanctionnées. Néanmoins, la
Cour précise que le fait qu'une entente anticoncurrentielle ait
été encouragée ou facilitée par des dispositions
nationales est susceptible de constituer une circonstance atténuante
dans la détermination du montant des sanctions.
La Cour de Justice reconna»t la liberté pour la
Commission Européenne dans le choix des voies de droit
appropriées suivant l'appréciation qu'elle effectue des pratiques
en cause105.
Si la Commission Européenne considere que l'autonomie
des entreprises est maintenue malgré l'intervention de l'État,
elle peut décider de poursuivre les entreprises sur la base de l'article
101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne
(et éventuellement d'engager une procédure de manquement contre
l'État).
En revanche, si elle estime que la réglementation
nationale TMtait toute autonomie aux entreprises dans la décision
d'adopter un comportement anticoncurrentiel, la
104 Considérant n°80 de la jurisprudence
CIF.
105 Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 octobre 1995, Rendo et autres contre
Commission, C- 1 9/93 : « la Commission pouvait, à bon
droit, considérer que la procédure la plus appropriée,
pour examiner la question de la compatibilité de la loi sur
l'électricité avec le traité, était celle du
recours en manquement ».
Commission Européenne ne peut que poursuive
l'État en cause selon la procédure de manquement prévue
à l'article 258 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne.
La Cour de Justice précise à cet égard
que la constatation d'un manquement de l'État n'est pas
nécessaire pour juger de l'absence d'autonomie des entreprises parties
à une entente106. Il peut donc exister une exonération
des comportements pour intervention de l'État sans que la
responsabilité de cet É tat ne soit engagée.
Le principe de l'inapplication de l'article 101§1 du
Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne aux
comportements imposés par l'État est donc clairement posé
par la jurisprudence communautaire. Néanmoins, le caractère
strict des conditions d'appréciation de cette exonération rend
difficile la reconnaissance d'une réelle absence d'autonomie.
§2 : La difficulté d'obtention d'une
inapplication de l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement
de l'Union Européenne
Les juridictio ns communautaires font une
interprétation très stricte des conditions d'inapplication de
l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne pour intervention de l'État. En vertu de cette ligne
de conduite, clairement affirmée et assumée par le juge
communautaire107, les cas oü une entreprise parvient à
se dédouaner en vertu d'une législation nationale sont rares.
Tout d'abord, la jurisprudence communautaire refuse toute
justification fondée sur l'information préalable de l'État
voire méme sur son consentement à la pratique, dès lors
que la pratique n'a pas été réellement imposée par
l'État108. En effet, dans ce cas, l'autonomie des entreprises
existe et c'est leur décision qui est à l'origine de la pratique
et
106 Cour de Justice des Communautés Européennes, 11
novembre 1997, Commission et France contre Ladbroke, C-359/95 et
C-379/95.
107 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline
Services Unlimited contre Commission, T-168/01 : l'exception doit
ôtre Ç appliquée de manière restrictive par le
juge communautaire È.
108 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 septembre 2003, Manufacture
francaise des pneumatiques Michelin contre Commission, T-203/01 : la
validation d'une pratique anticoncurrentielle par la Direction
Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes ne permet pas à l 'entreprise
d'échapper à sa responsabilité.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente ? non pas l'intervention d'une autorité
publique. Ainsi, le Tribunal a refusé l'inapplication de l'article
101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne
à une entreprise dont la pratique anticoncurrentielle avait fait l'objet
d'une approbation par une autorité de régulation sectorielle,
estimant que cette validation ne remettait pas en cause l'autonomie de
l'entreprise de en pratique 109
dans le choix mettre oeuvre ladite . Il a été
jugé de la même
façon en ce qui concerne l'encouragement de
l'État, ou sa participation à la créati on et au
110
maintien de l 'efficacité d 'une entente . En
conséquence, des lors qu'il subsiste une certaine marge de manoeuvre
pour l'entreprise, les juridictions communautaires considerent que la pratique
anticoncurrentielle leur est imputable, même si l'État les a
fortement incitées à la mettre en oeuvre111 ou que la
pratique a été inspirée par la réglementation
nationale.
Par contre, la jurisprudence communautaire n'exige pas qu'il
existe un texte pour imposer un comportement anticoncurrentiel aux entreprises.
Ainsi, la Cour a pu juger que l'autonomie de l'entreprise était
anéantie « s'il appara»t sur la base d'indices objectifs,
pertinents et concordants que ce comportement leur a été
unilatéralement imposé par les autorités nationales par
l'exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace d'adoption
de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes
importantes »112. Par la suite, le Conseil de la
Concurrence a repris cette analyse à son compte pour examiner
l'autonomie d'entreprises participant à une entente113.
D'autre part, la mesure nationale doit imposer la pratique en
amont de sa réalisation, et non pas venir légitimer a posteriori
par une disposition normative une pratique déjà mise en oeuvre,
faute de quoi l'intervention normative de l'État est assimilée
à un simple consentement. Ainsi, la Cour de Justice estime que
« si une mesure étatique reprend les éléments
d'une entente intervenue entre les opérateurs économiques d'un
secteur ou est prise apres consultation et avec l'accord des opérateurs
économiques concernés, ces
109 Commission Européenne, décision
n°2003/707/CE du 21 mai 2003, Deutsche Telekom AG,
COMP/C1/37.451.
110 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 14 décembre 2006, Raiffeisen
Zentralbank ...sterreich AG et autres contre Commission, T-259/02 à
T-264/02 et T-271/02.
111 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 mars 2000, Consiglio Nazionale
degli Spedizionieri Doganali contre Commission , T-513/93.
112 Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et
autres contre Commission , T-387/94.
113
Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-15 du 9
mai 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les
marchés publics relatifs aux lycées d'Ile-de-France.
opérateurs ne pourraient se fonder sur la nature
contraignante de la réglementation, pour échapper à l
'application>> de ententes 114
la
prohibition des . Ce refus subsiste même si la
mesure en question est de nature
législative115.
Enfin, la licéité du comportement au regard du
droit national ne présume en rien de sa licéité au niveau
communautaire. Ainsi, pour les États dans lesquels il existe une
exonération pour ordre de la loi plus souple qu'en droit communautaire,
le fait que les pratiques en cause ne puissent être sanctionnées
en droit national ne permet pas de leur faire bénéficier
automatiquement de l 'exonération reconnue par la Cour de Justice. Tel
peut notamment être le cas lorsque les exigences nationales sont moins
élevées que les standards communautaires, même si les
autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales ont
tendance à aligner leurs exigences sur celles des institutions
communautaires afin que les exemptions qu'elles accordent au regard du droit
national ne soient pas annihilées par le droit communautaire. Ainsi, le
Conseil de la Concurrence a indiqué que du fait Çde la
primauté du droit communautaire, un accord ne peut pas échapper
à l'interdiction stipulée à l 'article 81 CE, s 'il en
réunit les conditions, au motif qu 'il serait autorisé sur le
fondement du droit national >>116.
Même si le fondement de l'exemption est différent
entre le droit interne et le droit communautaire, les méthodes
employées et les effets restent similaires : tirer conséquence du
défaut d'autonomie en exonérant les entreprises de leur
responsabilité pour les comportements imposés par
l'autorité publique, tout en limitant cette exonération aux cas
oü leur autonomie de décision était réellement
anéantie, et non seulement réduite.
114 Cour de Justice des Communautés Européennes, 30
janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.
115 er
Cour de Justice des Communau tés Européennes,
1octobre 1987, ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311/85.
116 Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du
21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le
secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.
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· Site de l'Union Européenne:
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· Site de la Commission Européenne :
ec.europa.eu
· Site de la Cour de Justice de l'Union Européenne:
curia.europa.eu
· Site de l'Organisation de Coopération et de
Développement Économique:
www.oecd.org
· Site de l'Autorité de la Concurrence :
www.autoritedelaconcurrence.fr
· Site du Sénat francais :
www.senat.fr
· Site de la Direction Générale de la
Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes :
www.dgccrf.bercy.gouv.fr
· Site de la revue Concurrences :
www.concurrences.com
· Site d'informations juridiques : www .legalnews.fr
Textes
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Fonctionnement de l'Union Europ éenne, JOUE 30.03.2010, C83/49.
· Version consolidée du Traité instituant la
Communauté Européenne, JOUE 24.12.2002, C325/33.
· Version consolidée du Traité sur l'Union
Européenne, JOUE 30.03.2010, C83/13.
· Reglement (CE) n°1/2003 du Conseil du 16
décembre 2002 relatif à la mise en Ïuvre des regles de
concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE
4.1.2003, L1/1.
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catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées.
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· Décret n°96-500 du 7 juin 1996 relatif aux
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entreprises concernant des mesures d 'adaptation à des situations de
crise, Journal Officiel du 11 juin 1996.
· Décret n°2007-1884 du 26 décembre
2007 pris en application de l'article L. 420 -4 II du Code de Commerce,
concernant un accord relatif aux délais de paiement dans la
filière automobile.
Jurisprudences
Cour de Justice des Communautés
Européennes
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 13 juillet 1962, Mannesmann AG contre Haute
Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l
'acier, 19/61.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 décembre 1975, Suiker Unie et autre contre
Commission, 40/73.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 novembre 1977, SA G.B.-Inno- B.M. contre Association
des détaillants en tabac (ATAB), 13/77.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 29 octobre 1980, Van Landewyck et autres contre
Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 14 juillet 1981, Gerhard Züchner contre Bayerische
Vereinsbank AG, 172/80.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 30 janvier 1985, BNIC contre Clair, 123/83.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 16 juin 1987, Commission contre Italie, 118/85
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 1er octobre 1987, ASBL Vereniging van
Vlaamse Reisbureaus, 311/85.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 21 septembre 1988, Van Eycke, C- 267/86 .
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line
Reisebüro GmbH contre Zentrale zur Bekmpfung unlauteren Wettbewerbs e.
V., C-66/86.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz Elser contre
Macrotron GmbH, C-41/90.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 novembre 1991, Andrea Francovich et Danila Bonifaci
et autres contre Italie, C-6/90 et C-9/90.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 17 février 1993, Christian Poucet contre
Assurances générales de France et Caisse mutuelle
régionale du LanguedocRoussillon, C-159/91 et C-160/91.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 mai 1993, Procédure pénale contre Paul
Corbeau, C-320/91.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 27 avril 1994, Commune d'Almelo et autres contre NV
EnergiebedrijfIjsselmij , C-393/92.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 19 octobre 1995, Rendo et autres contre
Commission, C-19/93.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 mars 1997, Diego Cali & Figli Srl contre Servizi
ecologici porto di Genova SpA, C-343/95.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 23 octobre 1997, Commission contre France,
C-159/94.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 11 novembre 1997, Commission et France contre
Ladbroke, C-359/95 et C-379/95.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 18 juin 1998, Commission contre Italie,
C-35/96.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH contre
Commission, C-185/95.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 21 septembre 1999, Albany International BV contre
Stichting Bedrijfspensioenfonds textielindustrie, C-67/96.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 12 septembre 2000, Pavel Pavlov et autres contre
Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, C-180/98.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 25 octobre 2001, Firma Ambulanz Glöckner contre
Landkreis Südwestpfalz, C-475/99.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris,
C-82/01.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi
(CIF), C-198/01.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 28 juin 2005, Dansk Rørindustri A/S et
autres, C-189/02, C-202/02, C-205/02 à C-208/02 et C-213/02.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 1er juillet 2008, Motosykletistiki
Omospondia Ellados NPID (MOTOE) contre Elliniko Dimosio, C-49/07.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 5 mars 2009, Kattner Stahlbau GmbH contre Maschinenbau
- und Metall - Berufsgenossenschaft, C-350/07.
· Cour de Justice des Communautés
Européennes, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA,
C-113/07.
Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 18 septembre 1996, Asia Motors et
autres contre Commission, T-387/94.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 mars 2000, Consiglio Nazionale
degli Spedizionieri Doganali contre Commission, T-513/93.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 4 mars 2003, Federación
Nacional de Empresas de Instrumentación Cient'fica, Médica
Técnica y Dental (FENIN) contre Commission, T-319/99.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 30 septembre 2003, Manufacture
francaise des pneumatiques Michelin contre Commission, T-203/01.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline
Services Unlimited contre Commission, T-168/01.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 12 décembre 2006, Selex
Sistemi Integrati SpA contre Commission, T-155/04.
· Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes, 14 décembre 2006, Raiffeisen
Zentralbank ...sterreich AG et autres contre Commission, T-259/02 à
T- 264/02 et T-271/02.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente? Cour Européenne des Droits de
l'Homme
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 21 février
1984, Oztürk contre RFA.
Cour de Cassation
Cour de Cassation. Chambre mixte, 24 mai 1975,
Société Jacques Vabre. Cour de cassation, 6 octobre
1992, SA Entreprise Jean Lefèbvre et autres. Cour de
Cassation, Chambre Commerciale, 30 mai 1995, Société
Bedel. Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 5 octobre 1999, SNC
Campenon
Bernard et autres.
Conseil d'État
Conseil d'État, Assemblée, 20 octobre 1989,
Nicolo.
Conseil d'État, Sous-sections réunies, 23 juillet
1993, Compagnie générale des eaux.
Conseil d'État, Section, 3 novembre 1997,
Société Million et Marais.
Conseil d'État, Section, 26 mars 1999,
Société EDA . Conseil d'État, Section, 27
juillet 2001, CAMIF.
Conseil d'État, 7 décembre 2005,
Société Ryanair. Conseil d'État,
Assemblée, 24 mars 2006, KPMG .
Tribunal des Conflits
Tribunal des Conflits, 6 juin 1989, Société
d'exploitation et de distribution d'eau (SAEDE) dit Ç Ville de
Pamiers È.
Tribunal des Conflits, 18 octobre 1999, Aéroports de
Paris.
Cour d'Appel de Paris
Cour d'Appel de Paris, 30 juin 1988, Ville de
Pamiers.
Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994, CMS contre
France Télécom.
Cour d'Appel de Paris, 4 février 1997, Conseil
régional de l 'ordre des architectes d'Auvergne et de M. Dragoljub
Pavlovic.
L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait
justificatif de l'entente? Cour d'Appel de Paris, 8 février 2000,
Académie d'architecture.
Tribunaux administratifs
Tribunal administratif de Nice, 9 novembre 1998,
Préfet des Alpes-Maritimes contre yille de Nice.
Tribunal administratif de N»mes, 21 avril 2008,
Société Durand et autres.
Conseil de la Concurrence
er
Conseil de la Concurrence, décision n°87 -D-53 du
1décembre 1987 relative à la situation de concurrence dans le
domaine des honoraires d'architectes.
Conseil de la Concurrence, décision n°88-D-24,
du 17 mai 1988 relative à une saisine et à une demande de mesures
conservatoires émanant de la Société d'exploitation et de
distribution d 'eau (SAEDE).
Conseil de la Concurrence, décision n°90-D-08 du
23 janvier 1990 relative à des pratiques constatées en
matière de fixation de la durée d'ouverture des pharmacies
libérales.
Conseil de la Concurrence, décision n°90-D-20 du 12
juin 1990 relative à des pratiques relevées sur le marché
de la banane .
Conseil de la Concurrence, décision n°91-D-45 du
29 octobre 1991 relative à la situation de la concurrence sur le
marché de l'exploitation des films dans les salles de cinéma.
Conseil de la Concurrence, décision n°92-D-44 du 7
juillet 1992 relative à des
pratiques relevées lors de la XXème
foire exposition de Velay-Auvergne.
Conseil de la Concurrence, décision n°93-D-27 du
30 juin 1993 relative à des
pratiques constatées dans le secteur du
déménagement.
Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-40 du 28
juin 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur de l
'assurance ski.
Conseil de la Concurrence, décision n°94-D-41 du 5
juillet 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur
des volailles sous label.
Conseil de la Concurrence, décision n°95-D-39 du
30 mai 1995 relative à des pratiques relevées dans le secteur de
la location d'emplacements publicitaires destinés à l'affichage
de grand format.
· Conseil de la Concurrence, décision
n°96-D-14 du 12 mars 1996 relative a des pratiques constatées lors
des marchés de fourniture de fioul domestique a la ville de
Lavelanet.
· Conseil de la Concurrence, décision n°97-D-71
du 7 octobre 1997 relative a une saisine présentée par les
sociétés Asics France et autres.
· Conseil de la Concurrence, avis n°98-A-07 du 19
mai 1998 relatif a une demande d'avis sur l'application des règles de
concurrence, tant nationales que communautaires, aux opérations de
fouilles archéologiques préventives.
· Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-07
du 11 avril 2001 relative au marché de la répartition
pharmaceutique.
· Conseil de la Concurrence, décision n°01-D-45
du 19 juillet 2001 relative a la saisine présentée par la
Société Casino France.
· Conseil de la Concurrence, décisions
n°03-D-03 et 03-D-04 du 16 janvier 2003 relatives a des pratiques mises en
Ïuvre par le barreau des avocats de Marseille et d'Albertville en
matière d'assurances.
· Conseil de la Concurrence, décision n°
03-D-09 du 14 février 2003 relative a la saisine de la
société Tuxedo relative a des pratiques constatées sur le
marché de la diffusion de la presse sur le domaine public
aéroportuaire.
· Conseil de la Concurrence, décision -MC-03 du 1
er
n°03 décembre 2003 relative a
une demande de mesures conservatoires présentée
par la société Towercast a l'encontre de pratiques mises en
Ïuvre par la so ciété TéléDiffusion de France
(TDF).
· Conseil de la Concurrence, décision n°04-D-49
du 28 octobre 2004 relative a des pratiques anticoncurrentielles dans le
secteur de l'insémination artificielle bovine.
· Conseil de la Concurrence, décision n°05-D-10
du 15 mars 2005 relative a des pratiques mises en Ïuvre sur le
marché du chou fleur de Bretagne.
· Conseil de la Concurrence, décision n°05-D-75
du 22 décembre 2005 relative a des pratiques mises en Ïuvre par la
Monnaie de Paris.
· Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21
du 21 juillet 2006 relative a des pratiques mises en Ïuvre dans le
secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.
· Conseil de la Concurrence, décision
n°07-D-15 du 9 mai 2007 relative a des pratiques mises en Ïuvre dans
les marchés publics relatifs aux lycées d' Ile-de- France .
· Conseil de la Concurrence, décision
n°07-D-41 du 28 novembre 2007 relative a des pratiques s'opposant a la
liberté des prix des services proposés aux
établissements
de santé à l'occasion d'appels d'offres en
matière d'examens anatomo-cyto- pathologiques.
· Conseil de la Concurrence, décision n°07-D-50
du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en Ïuvre
dans le secteur de la distribution de jouets.
· Conseil de la Concurrence, avis n°08-A-13 du 10
juillet 2008 relatif à une saisine du syndicat professionnel
UniCiné portant sur l'intervention des collectivités locales dans
le domaine des salles de cinéma.
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