2.3.2. Le CEF au Cameroun, une expérience du PRASAC
dans la zone septentrionale.
Le CEF a été introduit au Nord Cameroun en 1998
par l'IRAD dans le cadre des activités du PRASAC. Cette introduction du
CEF s'explique par des raisons multiples à savoir : la taille
réduite des exploitations agricoles qui couvrent difficilement leurs
besoins alimentaires et monétaires, la prédominance de
l'incertitude dans la gestion des exploitations où l'avenir est rarement
envisagé audelà d'une campagne, les principales approches de
vulgarisation qui sont devenues descendantes, sectorielles, technicistes et
orientées vers la production et la productivité (Legile,
1999).
L'objectif du CEF est de susciter la réflexion des
paysans volontaires, de les amener à s'interroger sur leurs
pratiques, à favoriser la mesure et la prévision et à
intégrer les aspects technico-économiques dans leur raisonnement
(Djoukam, 2003). Au terme d'une étude sur les exploitations agricoles au
Nord, trois thèmes majeurs du fonctionnement de l'exploitation ont
été identifiés (Legile, 1999) : le
programme prévisionnel (préparation de la
campagne agricole), la sécurité alimentaire (gestion des
récoltes ou stocks de sécurité) et la trésorerie
(utilisation de l'argent perçu sur la vente des produits). Cette
étude a également permis d'élaborer une démarche
d'animation de groupes de paysans basée sur les trois thèmes
cités plus haut. Cette démarche a été mise en
oeuvre dès la fin de l'année 1999 dans les terroirs PRASAC et les
villages suivis par le DPGT (Djamen et al., 2003). Cette
expérimentation a touché en 2002 jusqu'à 28 groupes de
paysans (soit 350 producteurs environ) dont 3 groupes de femmes. En 2003, les
activités de CEF sont arrêtées dans les terroirs PRASAC et
les villages Développement Paysannal et Gestion des Terroirs (DPGT) avec
l'arrêt des financements.
Havard (2002), Djamen et al. (2003), Legile et
al. (2004) notent que la démarche de CEF s'étend sur
trois années minimum, et est adaptée au calendrier des
activités agricoles des paysans. Elle va de la formation aux bases de la
gestion (année 1) au conseil proprement dit (année 3) en passant
par la définition et l'utilisation des indicateurs
technico-économiques (année 2).
Année 1 : de la gestion du quotidien aux
projections à court terme
Cette première année met l'accent sur la
formation des paysans aux bases de la gestion à partir des thèmes
communs à la majorité d'entre eux. Ces thèmes vont des
préoccupations quotidiennes (gestion des récoltes et des revenus
monétaires) à la prévision à court terme
(préparation de la campagne agricole). Elle cherche à initier les
paysans à la prise de notes, notamment par le remplissage des fiches de
suivi des activités de l'exploitation agricole.
Année 2 : amélioration des connaissances
techniques et utilisation d'indicateurs
La deuxième année reprend à la demande
des paysans certains thèmes de l'année 1, et quelques nouveaux
thèmes : lutte contre les adventices, alimentation des animaux,
production de fumure organique etc. Elle développe les analyses
technico-économiques (calcul et discussions de ratios tels que le
rendement et les marges) sur les cultures à partir des données
collectées dans les fiches de suivi.
Année 3 : et au-delà, au conseil
individualisé
Au cours de cette année, il y a mise en place d'un
conseil individualisé. Ce conseil consiste en premier lieu en un
diagnostic participatif de l'exploitation agricole (conseiller et paysan),
suivi de l'analyse et de discussions des projets du paysan pour l'année
à venir. Ensuite, régulièrement et à la demande du
paysan, une mise au point et des ajustements sont effectués avec le
conseiller.
De plus, chaque année, des actions techniques sont
mises en place avec les paysans volontaires à la démarche:
production de semences, tests d'innovations (fumure organique, matériels
agricoles etc.). La figure 3 présente la mise en oeuvre de cette
démarche de CEF proposée par Legile (1999) et adaptée par
l'IRAD/PRASAC.
Année 3
Année 2
Année 1
Au conseil Individuel
De l'animation de groupe
Pour parvenir au diagnostic et au conseil
d'exploitation
À la prise en compte d'indicateurs
technico- économiques
De la formation aux bases de la gestion
Du présent
L'avenir
A
Figure 3. Démarche progressive d'aide à la
décision. Source : Mana (2007) adapté de IRAD/PRASAC
(1999)
Les résultats plutôt satisfaisants obtenus au
Nord Cameroun ont suscité la curiosité de certains projets et
associations dans le « Grand Sud » ainsi que certains responsables
des politiques agricoles du Cameroun (Havard et al., 2006, Legile,
2006). Ainsi, depuis 2006, la démarche conseil est en
expérimentation dans d'autres régions du Cameroun.
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