L'enquête des juridictions pénales internationales.( Télécharger le fichier original )par José Tasoki Manzele Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011 |
Conclusion généraleFondamentalement, l'enquête des juridictions pénales internationales a su conserver l'identité originelle que les Etats attribuent dans leur droit interne à cette étape de procédure pénale qui précède le procès. Elle permet en effet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si les charges relevées à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu'une juridiction de jugement soit saisie1477(*). Comme en droit interne, l'enquête des juridictions pénales internationales tend donc à la recherche des crimes et aux preuves de ces faits criminels. S'enquérir des crimes commis et en saisir les traces, c'est le devoir de l'enquêteur. De ce fait et comme son homologue du droit interne, le Procureur pénal international instruit à charge et à décharge1478(*). Le devoir d'enquêter ou d'instruire à charge comme à décharge permet au Procureur pénal international d'étendre son enquête à tous les faits et éléments de preuve utiles pour la détermination de la responsabilité pénale1479(*). Il part d'une base raisonnable pour construire grâce à son enquête une base suffisante pour engager les poursuites1480(*). A cet effet, il pose d'innombrables actes judiciaires dans la mesure de moyens dont il dispose. Il peut donc à cette occasion interroger les personnes accusées1481(*), auditionner les victimes et témoins1482(*), procéder au transport sur les lieux, à la perquisition et aux constatations matérielles1483(*), désigner un expert1484(*), dresser l'acte d'accusation1485(*), rechercher la coopération des Etats et organisations intergouvernementales ou non gouvernementales1486(*), poser tous actes généralement quelconques ou prendre toutes les mesures nécessaires et propres à assurer l'efficacité des enquêtes et des poursuites qui visent les crimes de la compétence du juge pénal international1487(*). Ces différents actes résultent de devoirs et pouvoirs du Procureur pénal international. Ils assurent à la figure du Procureur une visibilité telle que nous n'avons pas hésité de le qualifier de maître d'oeuvre de l'enquête pénale internationale1488(*). A dire vrai, ce qualificatif n'est pas trompeur. C'est plutôt sa dramatisation qui le devient. Car en effet, face à ce Procureur se dresse un Juge1489(*), certes moins visible a priori mais tout aussi agissant que lui dans le concret. Le Juge se présente ainsi en contrepoids pour assurer l'équilibre des pouvoirs et des forces. C'est ainsi que le Procureur recourt à ce Juge pour obtenir la validation ou la ratification des actes de son enquête, surtout quand ceux-ci exigent soit la mise à contribution des Etats dans le cadre de la coopération, soit l'exercice de la contrainte sur la personne de l'accusé, dans le cadre de l'arrestation et la détention avant jugement1490(*), ou sur ses biens, dans un cadre plus global de saisie1491(*). A cette occasion, le Juge intervient pour accorder ou refuser l'autorisation de procéder à certaines mesures de coercition ou de contrainte sollicitées par le Procureur. La pensée originelle de l'enquête se cristallise ainsi sous cette formule : le Procureur est le responsable de la conduite des investigations, il recherche le crime et le criminel, à chaque fois preuve à l'appui ; le Juge encadre et contrôle les diligences du Procureur par la validation ou la ratification de ses actes auxquels il insuffle un supplément de pouvoir et d'autorité. Telle que présentée et moyennant quelques spécificités a priori négligeables qui se sont révélées entre les juridictions ad hoc et la Cour pénale internationale1492(*), la formule qui cristallise l'originalité de l'enquête n'a pas connu de rupture. Néanmoins, en tant qu'elle constitue une étape de procédure pénale, l'enquête des juridictions pénales internationales connaît la même nature de crise qui caractérise globalement la justice pénale. Il s'agit de sa lenteur. Ce dysfonctionnement résulte du fait que la justice pénale est submergée. Cela entraîne comme conséquence immédiate l'engorgement de tous ses rouages. Il semble donc nécessaire d'imaginer une certaine célérité de la réponse pénale1493(*) en vue d'éviter l'engorgement de la justice pénale internationale. De manière tout à fait générale, la lenteur de la justice pénale internationale trouverait solution dans le renforcement du contradictoire, plus exactement le renforcement du droit à l'information qui implique le renforcement du droit d'accès au dossier répressif du Procureur. Ce dernier ne pourra par exemple faire usage de la confidentialité que dans les strictes limites de l'utile et du permis. De manière particulière, les juridictions internationales ad hoc ont résolu le problème d'engorgement qui provoque la lenteur de la justice pénale par l'adoption des article 28 (A) et 65 bis du Règlement de procédure et de preuve. La première disposition a imposé une nouvelle stratégie pénale au Procureur -la poursuite des personnes qui portent la plus lourde responsabilité dans la commission des crimes- et insisté sur l'intérêt de la mesure de délocalisation. La deuxième disposition a instauré le contradictoire de l'enquête et permis d'assurer la préparation rapide des procès. Devant la Cour pénale internationale, le désengorgement comme solution au dysfonctionnement de la justice pénale proviendrait entre autres de l'observance des critères qui fondent la complémentarité de compétence de la Cour pénale internationale. A défaut, elle s'engorgerait. Par ailleurs, la spécificité intrinsèque et globale de toutes les juridictions pénales internationales a suggéré certains accommodements à la formule originelle de l'enquête. En effet, l'avènement des juridictions pénales internationales a permis l'émergence de nouveaux acteurs dans la procédure d'enquête ou à l'occasion de celle-ci. Il s'agit principalement des Etats et du Conseil de sécurité, dont l'intervention dans la procédure d'enquête n'a pas été regardée totalement d'un bon oeil dans le cadre de cette étude. Fondés par les articles 13 et 14 du Statut de Rome à déférer au Procureur de la Cour pénale internationale une situation criminelle dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis, certains Etats exploitent ces dispositions pour instrumentaliser la Cour pénale internationale1494(*). En effet, pour s'assurer une certaine quiétude dans l'exercice de leur pouvoir, certains Etats utilisent la Cour pénale internationale comme un « outil de persécution politique »1495(*). De même, alors que l'obligation de coopérer s'impose à tous les Etats membres des Nations Unies, certains d'entre eux en viennent à s'y opposer ostensiblement et impunément. Ils heurtent de front les dispositions pertinentes des articles 86 et suivants du statut de Rome et bravent du coup et résolument la justice pénale internationale1496(*). Toutes ces actions d'instrumentalisation et de défiance envers les juridictions pénales internationales sont de nature à saper l'action du Procureur, qui n'est plus en mesure d'exercer son devoir d'enquête en toute diligence voulue, indépendance et impartialité.
En ce qui concerne le Conseil de sécurité des Nations Unies, nous n'avons pas manqué de relever que par ses interventions cette institution frappe au coeur même de la procédure d'enquête. Dans un cas, le Conseil de sécurité limite l'action du Procureur par la désignation des personnes contre lesquelles des poursuites doivent être intentées1497(*). Il s'ensuit que l'indépendance du Procureur s'en trouve écornée. Dans un autre cas, le Conseil de sécurité paralyse les enquêtes du Procureur sur fond de l'article 16 du Statut de Rome. S'il est vrai que la pratique de l'article 16 est à ce jour limitée, le recours à cette disposition par le Conseil de sécurité n'a pas manqué d'empiéter sur le judiciaire dans une mesure non conforme à la ratio1498(*). L'avènement des acteurs politiques dans l'administration de la justice pénale internationale -particulièrement en ce qui concerne la Cour pénale internationale dont la vocation est de demeurer pour toujours- n'est pas sans s'accompagner des risques de grippage de la machine judiciaire. Ces risques proviendraient à notre avis de l'usage abusif des pouvoirs que confèrent les Statuts et Règlements de procédure et de preuve à ces acteurs politiques. Ils proviendraient encore à notre avis de la méfiance et la défiance que les Etats afficheraient envers les juridictions pénales internationales, allant jusqu'à les braver ouvertement et sans ménagement. Le grippage de la machine judiciaire n'est pas sans provoquer son blocage ou le déséquilibre dans son fonctionnement. Pour y remédier, il importe d'agir sur les pouvoirs des acteurs en procès, d'une part par la réaffirmation de l'identité originelle de l'enquête (1) et d'autre part par la recomposition des pouvoirs des acteurs en procès (2). 1. Réaffirmer l'identité originelle de l'enquête La réaffirmation de l'identité originelle de l'enquête passe d'abord par la reconnaissance au Procureur de son pouvoir de rechercher les preuves de l'infraction portée à sa connaissance. Tels que disposés, les articles 15, 53 et 54 du Statut de Rome mériteraient d'être maintenus dans leur teneur et formulation. Il en est ainsi des articles 16 et 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et 15 et 17 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda. De même, les dispositions des règlements de procédure et de preuve des juridictions pénales internationales qui se rapportent à l'enquête mériteraient le même traitement. Il découlerait de ce maintien la réaffirmation selon laquelle le Procureur est responsable de l'instruction des situations criminelles et de l'exercice de la poursuite contre les auteurs des crimes qui relèvent de la compétence du juge pénal international. A cet effet et en toute indépendance, il instruit à charge et à décharge en appréciant l'opportunité qu'il y a à engager ou non les poursuites. La réaffirmation de l'identité originelle de l'enquête passe ensuite et enfin par le maintien de la procédure de juridictionnalisation de l'enquête, mécanisme judiciaire qui permet au Juge de s'insérer dans la procédure d'enquête en vue d'assurer le contrôle et la validation des diligences du Procureur. Comme nous l'avons relevé plus haut, la juridictionnalisation de l'enquête est un mécanisme qui tempère les pouvoirs du Procureur autant qu'il assure le filtrage de l'enquête de ce dernier. Le Juge du siège régule et supervise le déroulement de l'enquête, il autorise l'accomplissement des actes de procédure ou les accomplit par lui-même et apprécie la solidité des charges retenues par le Procureur. Il s'érige finalement en rempart contre l'arbitraire ou les dérives éventuelles du Procureur1499(*). La réaffirmation du principe de l'identité de l'enquête des juridictions pénales internationales ne se suffit pas. Après avoir repéré les causes de grippage de la machine judiciaire, il importerait de proposer les modalités procédurales les plus adaptées. Aussi avons-nous préconisé la recomposition des pouvoirs des acteurs en procès qui interviennent au stade de l'enquête. 2. Recomposer les pouvoirs des acteurs en procès La recomposition des pouvoirs des acteurs en procès consiste précisément à reconstruire les pouvoirs des acteurs politiques qui interviennent dans l'administration de la justice pénale internationale, l'objectif étant de rendre à l'enquête ses lettres de noblesse. Le défi de la reconstruction des pouvoirs passe par un préalable qui consiste à recadrer les pouvoirs dont l'utilisation a traduit le grippage de la machine judiciaire (2.1). Par la suite, la recomposition des pouvoirs consistera à l'opération symétrique de « désinvestissement-surinvestissement » des pouvoirs des acteurs en procès (2.2).
Les Etats et le Conseil de sécurité ont reçu, chacun en ce qui le concerne, des pouvoirs dans le cadre de l'administration de la justice.
Si les interventions de l'Etat se remarquent dans le domaine de la saisine de la Cour pénale internationale, il n'en demeure pas moins vrai que la coopération de l'Etat dans le cadre de l'enquête est sollicitée tant par la Cour pénale internationale que par les juridictions ad hoc. L'examen de la décision de renvoi d'une situation criminelle à la Cour pénale internationale par le fait d'un Etat nous a permis de relever que la question de la saisine se trouve désormais aux confins de l'abus et du dévoiement. L'étude pratique de la saisine étatique a révélé que certains Etats n'ont pas voulu gardé jusqu'au bout la logique de la saisine. Cette logique consiste à laisser la saisine introduire définitivement l'instance1500(*) de manière à permettre à l'autorité judiciaire de statuer in rem, c'est-à-dire sur toute la situation criminelle dont elle est sasie. Cette pratique a au contraire révélé que les Etats qui ont saisi la Cour pénale internationale par leur décision de renvoi cherchent à limiter l'action du Procureur aux seules affaires qu'ils lui ont soumises. Ceci n'est pas sans porter atteinte au principe d'indépendance et d'impartialité du Procureur. Dans ce contexte, une autre pratique mériterait de s'imposer. Aussi, le recadrage du pouvoir d'un Etat à saisir la Cour pénale internationale nécessite de la part dudit Etat : 1° La prise en compte de l'idée selon laquelle la saisine de la Cour par un renvoi étatique ne se situe pas au niveau d'une affaire quelconque concernant un ou plusieurs individus précis, mais concerne plutôt une situation criminelle déterminée1501(*). Cela laisse libre cours au Procureur d'apprécier jusqu'à quel niveau il peut étendre son enquête. 2° La motivation de sa décision de renvoi, en indiquant les circonstances pertinentes qui la fondent, avec en annexe des pièces à conviction pertinentes. 3° La démonstration de l'indisponibilité avérée de son système judiciaire pour fonder et justifier la complémentarité de compétence de la Cour pénale internationale. 4° L'institution en formalité préalable et obligatoire de l'intervention d'un haut magistrat dans la procédure de saisine de la Cour pénale internationale, dont l'avis technique doit être exigé comme élément d'annexe à la décision de renvoi. 5° Le renoncement exprès à sa compétence de statuer sur la situation criminelle qu'il a déférée à la Cour pénale internationale. 6° L'acceptation de répondre positivement et sans atermoiement à toute demande de coopération de la Cour pénale internationale liée directement ou indirectement à la situation criminelle qui fait l'objet du renvoi. 7° L'acceptation de se tenir à l'écart ou en dehors du procès qui se tient à l'occasion de sa décision de renvoi.
L'analyse de l'article 16 du Statut de Rome a démontré que dans l'esprit du législateur de Rome et compte tenu de son rôle prédominant en raison du but du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les initiatives du Procureur en matière d'enquête devraient être contrôlées tôt par le Conseil de sécurité et, au besoin, étouffées dans l'oeuf. Cependant et à la même occasion, nous avons relevé et regretté l'application malencontreuse de l'article 16 du Statut de Rome par le Conseil de sécurité. Dans les deux précédents historiques évoqués, le Conseil de sécurité n'a pas observé les conditions d'application de l'article 16 du Statut de Rome. Pour éviter dans l'avenir leur réitération, il importe que le recours au pouvoir de l'article 16 du Statut de Rome par le Conseil de sécurité se resserre dans un cadre qui en pose les conditions. Aussi, le Conseil de sécurité ne peut recourir à l'application de l'article 16 du Statut de Rome que s'il est convaincu de l'existence préalable d'une activité d'enquête ou de poursuite menée par le Procureur de la Cour pénale internationale. Par ailleurs, le Conseil de sécurité se doit de motiver sa demande qu'il formule dans une résolution, en y démontrant objectivement que la continuation de l'enquête par le Procureur constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales. A cet effet, il importe que la Cour pénale internationale dispose en dernier de la parole par son droit au contrôle de la légalité de la demande de sursis du Conseil de sécurité. Ce pouvoir de contrôle permettra dans ce cas à la Cour pénale internationale de vérifier si le Conseil de sécurité des Nations Unies a agi ultra vires1502(*).
Il est un organe de la Cour pénale internationale qui n'a pas fait l'objet d'une étude particulière dans le cadre de cette thèse. Il s'agit de l'Assemblée des Etats Parties1503(*). La raison est que l'Assemblée des Etats Parties n'a pas reçu mission de s'interférer dans la procédure d'enquête. Néanmoins, cet organe peut surgir de l'ombre et s'immiscer dans la procédure d'enquête lorsque la Cour pénale internationale sollicite son assistance dans le cadre de la recherche des solutions en vue de la mise en oeuvre de la répression. Précisément, le statut de Rome a confié à l'Assemblée des Etats Parties la mission d'examiner toute question relative à la non-coopération des Etat lorsque la Cour pénale internationale a été saisie par un Etat ou par le Procureur1504(*). A l'occasion de l'examen de cette mission précise pendant la procédure d'enquête, nous n'avons pas manqué de relever, en terme de résultat, l'inefficacité de la procédure de recours à l'Assemblée des Etats Parties1505(*). L'inefficacité dans cette démarche laisse supposer la renonciation tacite de l'Assemblée des Etats à vouloir résoudre le problème épineux de coopération. Les statistiques de résolutions votées par l'Assemblée des Etats Parties en matière de coopération démontrent qu'il n'existe aucune résolution qui porte une mesure de désapprobation ni de contrainte sur l'Etat mis en cause. Aussi, pour briser cette inertie qui mine pratiquement l'oeuvre de la coopération et, par-dessus tout, l'activité d'enquête du Procureur, il importerait de désinvestir l'Assemblée des Etats Parties. Concrètement, l'opération de désinvestissement de l'Assemblée des Etats Parties passe par le rabotage des pouvoirs que l'article 112 du Statut de Rome a confiés à cet organe, en lui enlevant celui pour lequel la Cour pénale internationale peut solliciter son assistance en matière de non-coopération. Cette opération de rabotage, qui sert d'ajustement des pouvoirs de l'Assemblée des Etats Parties, entraînerait ipso facto la suppression de l'article 112, §2 (f) du Statut de Rome. Le pouvoir ainsi raboté viendra en rajout aux côtés de ceux des pouvoirs que le Statut de Rome reconnaît au Conseil de sécurité. Désormais, le Conseil de sécurité serait investi du pouvoir absolu d'examiner toute question de non-coopération des Etats avec la Cour pénale internationale. L'opération de surinvestissement du Conseil de sécurité en matière de coopération tend à rendre efficace et réaliste la procédure de l'article 87, §5 et 7 du Statut de Rome. La compétence d'action dont dispose le Conseil de sécurité lui permet d'exercer des pouvoirs de coercition sur les Etats mis en cause, dont le refus de coopérer à divers titres peut être une source de grippage de la machine judiciaire au niveau de l'enquête. Les précédents jurisprudentiels du Conseil de sécurité plaident en sa faveur en ce qui concerne le caractère obligatoire et contraignant de ses résolutions à valeur décisoire1506(*), lesquelles sont créatrices d'obligations dans le chef de tous les Etats membres des Nations Unies1507(*). Les propositions qui précèdent sont révélatrices de l'existence d'une enquête au cours de laquelle s'entrecroisent plusieurs acteurs, intégrés et non intégrés aux juridictions pénales internationales. Si les pouvoirs dont ces acteurs sont revêtus proviennent d'un ordonnancement prévu dans le cadre des Statuts et Règlements de procédure et de preuve, leur usage n'en est pas moins reprochable. Les propositions ainsi formulées tendent à la réévaluation des pouvoirs dans le cadre d'une gouvernance qui esquisse désormais une nouvelle figure de l'enquête. Cette gouvernance assure un équilibre entre les acteurs en procès et préconise un usage rationnel et raisonné des pouvoirs en vue d'une bonne administration de la justice pénale internationale, dont les critères de crédibilité tournent autour d'un Procureur indépendant, d'une politique pénale visible, d'une procédure plus lisible et d'une coopération engageant les Etats au moment même où le Procureur déclenche les enquêtes1508(*). * 1477 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry (dir.), op. cit., p. 337 ; HELIE Faustin, op. cit., p. 39.
* 1478 Art. 54, §1 (b), Statut de Rome ; BASSIOUNI Chérif, op. cit., p. 269 ; BOITARD Joseph-Edouard, Leçons sur les codes pénal et d'instruction criminelle, Paris, 7ème éd., Cotillon, 1856, p. 430 ; Royal Commission on Criminal Justice, 1993, §2.10 : « (...) Il est néanmoins important que la police admette que sa tâche au cours de ses enquêtes inclut le rassemblement et la considération de tous les indices ou preuves pertinents, y compris ceux qui peuvent disculper le suspect (...) », SPENCER John Rason, op. cit., p. 25. * 1479 BASSIOUNI Chérif, loc. cit. * 1480 COTTEREAU Gilles, « Statut en vigueur, la Cour pénale internationale s'installe », Annuaire Français de Droit international, XLVIII-2002, p. 150. * 1481 Voir supra, pp. 212 et s. * 1482 Voir supra, pp. 215 et s. * 1483 Voir supra, pp. 208 et s. * 1484 Voir supra, pp. 228 et s. * 1485 Voir supra, pp. 236 et s. * 1486 Voir supra, pp. 249 et s. * 1487 Art. 54, Statut de Rome ; art. 18, Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ; art. 17, Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda. * 1488 Certains auteurs qualifient le Procureur d'organe-clé de la phase préliminaire [ASCENSIO Hervé et MAISON Rafaëlle, « L'activité des juridictions pénales internationales (2003-2004) », Annuaire Français de Droit International, L-2004, p. 431], y exerçant un rôle moteur dans l'initiative des enquêtes et l'engagement des poursuites (TRACOL Xavier, op. cit, p. 747). * 1489 La Chambre préliminaire, pour la Cour pénale internationale, et la Chambre de première instance, pour les juridictions ad hoc. * 1490 Voir supra, le mandat d'arrêt, pp. 305 et s. * 1491 Voir supra, pp. 225 et s. * 1492 Par exemple, la primauté des juridictions ad hoc sur les juridictions internes pendant que la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions internes.
* 1493 La nécessité de la célérité de la réponse pénale était déjà défendue par Beccaria dans son « Traité des délits et des peines ». Beccaria avait en effet estimé que « Plus le châtiment sera prompt, plus il suivra de près le crime qu'il punit, plus il sera plus juste et utile » [BECCARIA Cesare, Traité des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1979 (1ère éd. 1773), pp. 102-104].
* 1494 JORDA Claude, « Du jugement des responsabilités devant la Cour pénale internationale et de quelques réflexions sur les perspectives de la justice pénale internationale », DANTI-JUAN Michel (dir.), op. cit., p. 221. L'auteur se pose en effet la question de savoir si on peut éviter le risque d'instrumentalisation de la Cour pénale internationale par le biais de la saisine d'un Etat Partie au Statut de Rome. Si cette question est posée par un praticien du droit, plusieurs fois Juge des juridictions pénales internationales, c'est que de plus en plus il existe un danger qui guette la justice pénale internationale par ce mode de saisine de la Cour. Pour Claude JORDA, il existe en effet un risque que la Cour devienne une sorte de « Cour alibi à la bonne conscience universelle » sommeillant sur quelques procès prétextes ou « procès utiles » (ibid). * 1495 Le Procureur devient un outil de persécution politique [CHIAVARO Mario (dir.), op. cit., p. 360]. Voir les situations de la R.C.A., de la R.D.C. ou de l'Ouganda devant la Cour pénale internationale. * 1496 Le refus par la R.D.C. de coopérer avec la Cour pénale internationale dans l'affaire Bosco NTANGADJA et celui affiché par le Tchad, puis par le Kenya dans l'affaire Omar Al BACHIR. * 1497 Nous avons évoqué la stratégie d'achèvement des travaux. Voir cette thèse, supra, pp. 180 et s. * 1498 CONDORELLI Luigi et VILLALPANDA Santiago, op.cit., p. 232. * 1499 Rapport du Comité préparatoire pour la création d'une cour criminelle internationale, Assemblée générale, 51ème session, mars-avril et août 1996, Doc. A/51/22, Supplément n° 22, Vol. I, § 228. * 1500 SALMON Jean (dir.), op ; cit., p. 1017.
* 1501 KIRSH Philippe, «Referral by States Parties» CASSESE Antonio, GAETA Paola et JONES John R.W.D. (eds.), op. cit., p. 623.
* 1502 CONDORELLI Luigi & VILLALPANDO Santiago, «Referral an deferral by the Security Council» in CASSESE Antonio, GAETA Paola et JONES John R.W.D. (eds.), op. cit., p. 648: « (...) In exercising its power of the judicial review of the resolution requesting the deferral, the Court will establish the legality or otherwise of the Security Council's action. In so doing, the Court will also be entitled to ascertain that the Security Council has not exceeded its competence according to the Charter (...)». * 1503 Au sens strict, l'Assemblée des Etats Parties n'est pas un organe de la Cour pénale internationale en tant que juridiction. L'article 34 du Statut, qui énumère les organes de la Cour (la Présidence ; une Section des appels, une Section de première instance et une Section préliminaire ; le Bureau du Procureur ; le Greffe), ne fait aucunement allusion à l'Assemblée des Etats Parties. Peut-être le devient-elle si la Cour pénale internationale est regardée comme une organisation internationale (VAURS CHAUMETTE Anne-Laure, op. cit., p. 298).
* 1504 Art. 112, §2 (f), Statut de Rome. * 1505 Si bien que, dans la pratique, l'Union africaine commence à jouer le contre-rôle de l'Assemblée des Etats Parties en contrariant l'oeuvre de la coopération (voir supra, p. 308, note 1245).
* 1506 Résolution 731 (1992), 21 janvier 1992, §2 et 3, [Doc. N.U. S/RES (1992)] : « (...) Déplore vivement le fait que le Gouvernement libyen n'ait pas répondu effectivement à ce jour aux demandes ci-dessus de coopérer pleinement pour l'établissement des responsabilités dans les actes terroristes susmentionnés contre les appareils assurant les vols 103 de la Pan Am et 772 de l'Union de transports aériens (...) Demande instamment aux autorités libyennes d'apporter immédiatement une réponse complète et effective à ces demandes afin de contribuer à l'élimination du terrorisme international... ». Face au refus par la Libye d'exécuter la résolution 731, le Conseil de sécurité a voté la résolution 748 (1992), du 31 mars 1992 [Doc. N.U. S/RES (1992)] dans laquelle il a imposé à la Libye un embargo aérien, un embargo en matière d'armement militaire et une réduction des missions diplomatiques. * 1507 Art. 25, Charte des Nations Unies ; LAFRANCHI Marie-Pierre, « La valeur juridique en France des résolutions du Conseil de sécurité », Annuaire Français de Droit International, XLIII, 1997, p. 35 ; C.I.J., Avis consultatif, Les réparations des dommages subis au service des Nations Unies, 11 avril 1949, Recueil 1949, p. 178. * 1508 JORDA Claude, op. cit., p. 225. |
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