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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Section III. L'ordonnance du Juge accordant au Procureur l'autorisation d'enquêter sur le territoire d'un Etat

Le Juge peut encore intervenir dans la procédure d'enquête et autoriser le Procureur de prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat. Il suffit de démontrer que cet Etat, alors qu'il est manifestement compétent pour agir et exécuter son obligation internationale de coopérer avec le Procureur, est incapable de donner suite à une demande de coopération parce qu'aucune autorité ou composante compétente de son appareil judiciaire n'est disponible pour donner suite à une demande de coopération.

L'incapacité pour l'Etat de coopérer.- Si l'effet générateur des mesures provisoires ordonnées par le Juge demeure l'urgence dans la procédure accélérée en vue de rassembler certains éléments de preuve nécessaires pour l'avenir du procès, l'effet générateur de la décision du Juge en Chambre préliminaire dans le cadre de l'article 57, § 3 (d) loge dans l'incapacité d'un Etat à donner suite à une demande de coopération que le Procureur a formulée. L'incapacité de coopérer résulte de l'indisponibilité de l'appareil judiciaire d'un Etat ou même de son impuissance. Il ne s'agit pas d'un refus volontaire d'exécuter l'obligation de coopérer, mais plutôt d'une impossibilité résultant de la déliquescence ou de l'inaptitude de l'appareil judiciaire d'un Etat à répondre à une demande de coopération du Procureur. L'Etat concerné peut lui-même en dresser constat1205(*). Dans ce cas, l'aveu circonstancié dudit Etat peut le déterminer à déférer au Procureur une situation qui se déroule sur l'ensemble de son territoire, dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence du juge international paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d'enquêter en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes1206(*). Mais l'Etat en question peut aussi, après la requête du Procureur, faire part à la Chambre préliminaire de ses vues sur l'indisponibilité ou l'impuissance de son appareil judiciaire à coopérer1207(*). Il appartient dans ce cas à la Chambre préliminaire d'en dresser constat et d'autoriser le Procureur d'enquêter sur le territoire dudit Etat.

L'appréciation objective de l'incapacité de l'Etat.- La décision de la Chambre préliminaire, qui constate l'indisponibilité ou l'impuissance d'un Etat à coopérer et qui autorise le Procureur à enquêter sur le territoire dudit Etat, est prise par voie d'ordonnance1208(*), à la majorité des juges qui la composent1209(*). Les juges de la Chambre préliminaire se fondent en premier lieu sur les vues de l'Etat aux termes desquelles il avoue son indisponibilité ou son impuissance à coopérer1210(*). Mais bien au-delà, les juges répressifs doivent s'intéresser à toutes les circonstances qui entourent l'aveu d'impuissance ou d'indisponibilité dudit Etat, de manière à asseoir leur décision sur leur propre intime conviction. L'intime conviction des juges se déduira donc des circonstances objectives qui, manifestement et visiblement, laissent écarter dans chaque cas d'espèce la perspective d'une justice sereine et équitable. Il y a en effet lieu de craindre, en ce qui concerne certains Etats, la manifestation d'une volonté larvée de ne pas coopérer avec le Procureur en prétextant l'impuissance ou l'indisponibilité de leur appareil judiciaire. La Chambre préliminaire doit, au cas par cas, tirer des conclusions appropriées à partir des faits avérés et concordants qui démontrent la déliquescence et la déficience de l'appareil judiciaire de l'Etat dont le fonctionnement n'offre aucune perspective raisonnable de succès dans une procédure de coopération, ou force le constat d'établissement de futilité à y recourir1211(*). Pour ce faire, les juges de la Chambre préliminaire pourraient se fonder sur l'environnement délétère dans lequel fonctionne la justice d'un Etat, lequel obstrue le déroulement normal de toute procédure et empêche d'entrevoir une garantie judiciaire quelconque. Ces Juges peuvent également se fonder sur l'état de convalescence ou de fragilité que traverse un Etat post-conflit et qui empêche son système judiciaire, déjà inopérant, de s'épanouir librement. C'est dans cette dernière hypothèse que la justice transitionnelle -dont font partie les juridictions pénales internationales- intervient efficacement pour aborder et assurer la prise en charge de legs des exactions massives qui font partie de l'histoire de cet Etat1212(*). Dans tous les cas, l'appréciation de l'incapacité d'un Etat à coopérer est une question de fait soumise à la souveraine appréciation de la Chambre préliminaire dont les juges se réservent la faculté de statuer en l'occurrence au cas par cas et parcimonieusement.

* 1205 Voir lettre du Président de la R.D.C. adressée au Procureur de la Cour pénale internationale, 3 mars 2004 : « (...) En raison de la situation particulière que connaît mon pays, les autorités compétentes ne sont pas malheureusement en mesure de mener des enquêtes sur les crimes mentionnés ci-dessus ni d'engager les poursuites nécessaires sans la participation de la cour pénale internationale (...) ».

* 1206 Voir la même lettre du 3 mars 2004 ; art. 14, § 1, Statut de Rome.

* 1207 Règle 115, § 1, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 1208 Règle 115, § 3, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 1209 Art. 57, § 2, Statut de Rome.

* 1210 Art. 57, § 3 d) ; Règle 115, § 2.

* 1211 C.D.I., 3ème rapport sur la protection diplomatique, 7 mars 2002, p. 18, § 45

* 1212 Centre International pour la Justice Transitionnelle, http://www.ictj.org/en/tj/ .

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius