L'enquête des juridictions pénales internationales.( Télécharger le fichier original )par José Tasoki Manzele Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011 |
Chapitre II. Les actes d'enquête accomplis par le Juge ou la juridictionnalisation de la procédure d'enquête
L'implication du juge dans la procédure d'enquête participe de l'idée de la juridictionnalisation de la procédure d'enquête. Cette idée se manifeste dans le contrôle que le juge opère sur les investigations effectuées par le Procureur en vue de la recherche de la preuve du crime. Le contrôle du juge porte soit sur la validation des actes que le Procureur pose au cours de son enquête, soit sur l'autorisation qu'il lui donne en vue d'accomplir ceux-ci en cas d'incapacité avérée d'un Etat à exécuter son devoir de coopérer (Section III). Il peut par exemple ordonner des mesures provisoires lorsque l'urgence d'enquête l'en réclame (Section II). Parfois aussi, c'est le juge qui, sentant l'inertie ou l'impasse dans l'activité du Procureur, oriente autrement ce dernier dans une perspective de constitution des données facilitant la mise en état d'un procès. En l'occurrence, le juge agit et pose des actes judiciaires à ces fins. Il peut par exemple insuffler au pouvoir du Procureur une certaine force de contrainte qui lui manque dans le but d'agir sur les Etats dont il réclame coopération dans le cadre d'exécution des enquêtes par procuration (Section I). Section I. Les enquêtes par procuration du juge à travers les demandes de coopération adressées aux EtatsCette section se répartit en deux paragraphes : le premier se consacre à la notion de la demande de coopération telle que présentée dans le cadre de la justice pénale internationale ; le deuxième prend soin d'en étudier les différents modes d'exécution par les Etats destinataires. Paragraphe I. NotionsLe Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale consacre tout un chapitre (chapitre IX) à la question de coopération internationale et d'assistance judiciaire. Constitué de 17 dispositions, ce chapitre IX est davantage corroboré et mis en application par 22 dispositions du Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale (règles 176-197). Moins abondants que le Statut de Rome, le Statut portant création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et celui pour le Rwanda ne consacrent qu'une seule disposition à la question de coopération et d'entraide judiciaire : article 29 pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et article 28 pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le Règlement de procédure et de preuve des juridictions ad hoc a complété ces deux dispositions statutaires par les articles 54 à 61. La demande de coopération est une commission rogatoire.- Qu'il s'agisse de la Cour pénale internationale ou des juridictions pénales internationales ad hoc, la demande de coopération internationale et d'entraide judiciaire n'est pas sans rappeler ce que certains Etats appelleraient dans leur droit interne la commission rogatoire1027(*). Le lexique des termes juridiques définit la commission rogatoire comme étant l'« (...) Acte par lequel un magistrat délègue ses pouvoirs à un autre magistrat ou à un officier de police judiciaire, pour qu'il exécute à sa place un acte d'instruction (...) »1028(*). Cette définition nous semble peu heureuse. Elle suppose en effet l'existence d'une délégation des pouvoirs par un magistrat à un autre, alors qu'en réalité le magistrat commissionné rogatoirement dispose des mêmes pouvoirs que son collègue. Tout au plus cette définition tient-elle, en droit français, en ce qui concerne un juge du tribunal appartenant au même ressort que le juge d'instruction qui le commissionne rogatoirement1029(*). Peut-être tient-elle encore, toujours en droit français, en ce qui concerne l'officier de police judiciaire1030(*) dont les pouvoirs sont inférieurs à ceux d'un magistrat dans l'administration de la justice. Le magistrat peut donc requérir l'officier de police judiciaire pour l'accomplissement d'un devoir d'enquête qu'il précise. En l'occurrence, l'officier de police judiciaire est tenu de déférer à cette réquisition et de faire rapport de l'exécution de ces devoirs au magistrat qui a délégué ses pouvoirs. Dans pareil cas, en droit congolais, l'on parlerait plutôt de la réquisition d'information1031(*) et non de la commission rogatoire. La commission rogatoire est un outil d'entraide judiciare1032(*).- La commission rogatoire est donc une procédure par laquelle une autorité judiciaire, généralement un magistrat, adresse une demande à une autre, relevant d'un ressort autre que le sien, de bien vouloir accomplir ou exécuter en son nom et pour son compte un devoir judiciaire1033(*). Cette commission rogatoire peut comporter plusieurs devoirs judiciaires tels par exemple une enquête, une vérification de pièces, un transport sur les lieux, une perquisition, une audition ou un interrogatoire. L'autorité judiciaire requérante peut donc solliciter d'une autre soit la réunion et la communication de tous les éléments de preuve dont elle a besoin pour l'évolution de son enquête, soit uniquement la communication des objets et documents dont elle examine elle-même la teneur et la pertinence dans le cadre de son enquête1034(*). Il s'agit d'un outil dont la nécessité apparaît dans le cadre de l'élaboration de la politique criminelle des Etats, tant au niveau interne qu'international. Au niveau international précisément, les Etats y recourent pour s'entraider mutuellement en mettant en commun leurs moyens d'action de manière à lutter contre un type de délinquance particulière par la délégation mutuelle des pouvoirs. Ils expriment par là leur souveraineté respective1035(*). Ainsi, un magistrat requiert un autre de procéder aux actes d'enquête qu'il juge appropriés, nécessaires et directement attachés à la recherche de la preuve du crime allégué ou supposé, non sans indiquer la nature dudit crime et l'objet des poursuites. Il s'agit d'une stratégie judiciaire, emportant procuration aux fins d'enquête, qui enfreint le principe de l'incommunicabilité des pouvoirs judiciaires, mais s'avère nécessaire dans la lutte contre la criminalité contre laquelle le territoire peut se présenter en un obstacle majeur. Aussi, dans le cadre du développement ultérieur de la question de coopération internationale et d'entraide judiciaire, nous ne manquerons pas de recourir au terme de commission rogatoire, qui nous paraît techniquement appropriée. B. Contexte : le devoir de coopérer Le caractère nécessaire et absolu du devoir.- Pour autant, la commission rogatoire s'inscrit, en droit international pénal, dans un contexte global de coopération entre les juridictions internationales et les Etats membres des Nations Unies ou ceux ayant ratifié le Statut de Rome. Cette coopération est également envisagée entre les juridictions internationales et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales conformément à leurs compétences ou leur mandat respectifs. A juste titre, les juridictions internationales doivent pouvoir compter sur la coopération de toutes ces entités vers lesquelles elles se tournent chaque fois qu'elles cherchent à accomplir effectivement un devoir d'enquête ou d'instruction sur les crimes, rassembler les éléments de preuve qui pourraient être pertinents à l'élaboration de la ligne d'accusation, citer les témoins à comparaître, faire arrêter les accusés et obtenir leur transfèrement. Les Etats en particulier ont donc l'obligation d'apporter leur collaboration et l'entraide judiciaire nécessaire aux juridictions internationales dans la recherche et la répression des crimes internationaux1036(*), même dans l'hypothèse extrême où ils ne seraient pas parties prenantes à la création de ces juridictions1037(*). Ainsi par exemple, dans sa résolution déférant la situation du Darfour à la Cour pénale internationale, le Conseil de sécurité en avait décidé ainsi : « (...) Décide que le gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour doivent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l'assistance nécessaire conformément à la présente résolution et, tout en reconnaissant que le Statut de Rome n'impose aucune obligation aux Etats qui n'y sont pas parties, demande instamment à tous les Etats et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement (...) »1038(*). Le fondement légal du devoir.- Cette obligation de coopérer s'étend à toutes les phases du procès pénal international1039(*). Il s'agit d'un devoir qui contraint les membres de la communauté internationale d'agir, sur la base d'un lien de droit international, conjointement avec les juridictions pénales internationales aux fins de rechercher et de juger les auteurs des crimes internationaux1040(*). Le lien de droit international qui fonde le devoir de coopérer avec les juridictions pénales internationales résulte, en ce qui concerne les juridictions ad hoc, de la Charte des Nations Unies et des résolutions portant création de ces juridictions. En ce qui concerne la Cour pénale internationale, cette obligation de coopérer résulte du Statut de Rome1041(*). L'obligation de coopérer recouvre précisément deux domaines : l'assistance judiciaire lors des enquêtes, pour le rassemblement et la protection des éléments de preuve, et la coopération en vue de la recherche, l'arrestation et la détention avant procès des suspects et des accusés1042(*). Sa force contraignante découle en effet des dispositions du Chapitre VII et de l'article 25 de la Charte des Nations Unies ainsi que des résolutions susmentionnées du Conseil de Sécurité1043(*). Ne disposant pas de toute façon d'une force de police ou d'une armée propre et autonome pour mettre en exécution les actes liés à l'exercice de ses pouvoirs, les Statuts ont consacré des moyens légaux nécessaires à l'action des juridictions internationales, dont l'efficacité devient désormais tributaire de la coopération des Etats dans le cadre des enquêtes que celles-ci déploient1044(*). Le devoir de coopérer s'impose aux Etats, quelle qu'en soit la forme.- Dans le contexte de la coopération judiciaire entre les juridictions pénales internationales et les Etats, la structure interne de l'Etat sollicité importe peu. Car, il peut s'agir pratiquement d'un Etat fédéré agissant en lieu et place de l'Etat fédéral ou en violation des règles de répartition des compétences entre les deux, l'essentiel étant d'assurer le respect de l'obligation internationale1045(*). C'est ce qui ressort de la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie : « (...) Cela étant, l'article 58 doit être interprété en tenant pleinement compte de sa finalité. Par conséquent, la Chambre conclut que même si le transfèrement a été effectué par le gouvernement de la République de Serbie, et non par les autorités de la République fédérale Yougoslave auxquelles la demande avait été adressée, l'article 58 du Règlement s'applique et l'accusé a donc été transféré conformément aux dispositions du Statut (...) »1046(*).
De même, il importe également peu que ledit Etat oppose à la juridiction internationale quelque obstacle de nature juridique, notamment en raison des ententes qui le lieraient par exemple à l'OTAN ou de celles conclues avec l'Etat d'accueil1047(*). Conformément au principe de primauté du droit international sur le droit interne, il est interdit aux Etats de se prévaloir des dispositions de leur droit interne ou des lacunes de leur droit interne pour justifier le refus d'exécution de leur obligation de coopérer.
Le devoir de coopérer et les entités non étatiques.- L'obligation de coopérer peut s'imposer à une entité autre qu'un Etat, comme par exemple une organisation internationale mise en place par les Etats et dont les opérations, autorisées par le Conseil de sécurité, constituent une des modalités de participation au système de sécurité collective onusien1048(*). C'est ainsi que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie avait adressé une demande de production de documents à la Présidence du Conseil de l'Union européenne et la Commission de la Communauté européenne/Union européenne concernant la mission de contrôle de la Communauté européenne1049(*). L'obligation de coopérer s'impose également à une entité non étatique qui, de facto, exerce pleinement sur un territoire déterminé l'imperium ou le pouvoir exécutif qui revient normalement à un Etat. La meilleure illustration est celle des entités qui ont conclu un accord de paix pour la pacification de l'ancienne République fédérale de Yougoslavie. L'accord de paix ainsi conclu entre les représentants de la République fédérale de Yougoslavie et la Croatie le 12 novembre 1995 fut entériné par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1037 du 15 janvier 1996. Cette résolution a entre autres imposé à toutes les parties l'obligation de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, y compris celle d'arrêter les personnes accusées d'infractions internationales afin qu'elles soient traduites en justice. C'est ainsi que l'Administration transitoire des Nations Unies pour la Slavonie orientale, la Baranja et le Srem occidental en Croatie avait procédé à l'exécution d'un mandat d'arrêt du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie délivré contre l'accusé Slavko DOKMANOVIC en date du 27 juin 19971050(*). Le tribunal avait délivré ledit mandat d'arrêt sur requête de l'accusation qui avait indiqué qu'elle avait des raisons de croire que ledit accusé se trouvait sur le territoire de la Slavonie orientale, administré par l'ATNUSO en application d'une résolution du Conseil de sécurité. De leur côté, les forces multinationales IFOR/SFOR ont procédé à l'arrestation de 15 personnes faisant l'objet de mandats d'arrêt délivrés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie entre le 30 juin 1997 et le 6 juillet 1999. Le même Tribunal avait imposé à la SFOR, au Conseil de l'Atlantique Nord et à l'ensemble des Etats participant à la SFOR l'obligation de transmettre un ensemble de documents à une partie au procès dans le cadre d'une contestation que celle dernière avait élevée relativement aux conditions de son arrestation1051(*). Les accords de coopération conclus avec les juridictions internationales.- Par ailleurs, si, telle que prévue par les instruments internationaux, l'obligation de coopérer peut se suffire en elle-même pour amener un Etat à faciliter l'oeuvre de la répression des juridictions internationales, il n'est pas rare de constater dans la pratique l'existence des accords de coopération judiciaire entre les Etats et les juridictions internationales1052(*), dont les Statuts et Règlements de procédure et de preuve encouragent par ailleurs la conclusion1053(*). Essentiellement fondés sur le volontariat, les accords de coopération visent l'institution et la promotion d'une procédure pénale particulière désignant en droit interne les organes et mécanismes officiels capables d'échanger et de communiquer avec le Procureur, notamment en matière d'arrestation et de remise des délinquants1054(*). Ces accords ont pour but d'assurer la coopération des Etats avec les juridictions pénales internationales en matière d'enquêtes et de poursuites, de telle sorte qu'ils répondent promptement aux demandes que ces dernières formulent. Ils sont donc destinés à faciliter la coopération des Etats dans un cadre plus global et à établir des mécanismes pratiques de coopération et d'assistance nécessaires à la conduite efficace et rapide des enquêtes que mènent les Procureurs internationaux. Conformément aux Statuts et Règlements de procédure et de preuve des juridictions internationales1055(*), un arrangement ou accord peut être aussi conclu entre le Procureur et une organisation intergouvernementale - ou même non gouvernementale- en vue par exemple d'établir un cadre de coopération dans le domaine de la prévention de la criminalité et de la justice pénale, notamment de l'échange d'informations de police et de la réalisation de travaux d'analyse criminelle, de la recherche de malfaiteurs en fuite et de suspects, de la publication et de la diffusion de notices, de la transmission de diffusions1056(*). L'accord conclu avec une organisation intergouvernementale permet aux deux parties de coopérer étroitement et de se consulter sur les questions d'intérêt mutuel, en gardant leurs contacts réguliers et en adoptant des initiatives visant la promotion et la diffusion des principes et valeurs que les Statuts des juridictions pénales internationales véhiculent1057(*). De ces différentes collaborations avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales le Procureur tire toujours des profits inestimables dans le cadre de ses enquêtes1058(*). Les lois nationales d'application en matière de coopération.- Quel que soit le partenaire sollicité par la juridiction pénale internationale, l'accord de coopération judiciaire fonde autant qu'il justifie la mise en oeuvre de la commission rogatoire des juridictions pénales internationales. Il en constitue le vecteur, non le moindre, sans pour autant en être l'unique modalité. Car, en effet, rien ne peut empêcher un Etat, au nom de sa souveraineté et conformément aux prescrits du droit international en la matière, de prendre le devant et, sans attendre l'éventualité d'un accord de coopération, voter une loi interne portant application des dispositions statutaires régissant les juridictions pénales internationales1059(*). Cette loi d'application, comme d'ailleurs l'accord de coopération, permet à l'Etat de se conformer à ses obligations imposées en droit international pour la répression des crimes relevant de la compétence des juridictions pénales internationales. En fait, il ne s'agit pas dans cette loi d'application de répondre à une question de reconnaissance de la compétence du tribunal, mais plutôt d'adopter des mesures internes appropriées pour répondre à la question de coopération judiciaire1060(*). Ainsi votée conformément à son droit interne, la loi d'application sert désormais de base au concours que l'Etat apporte aux commissions rogatoires émanant des juridictions pénales internationales. C. Les formes de la demande de coopération ou de la commission rogatoire Variété et diversité.- La demande de coopération ou la commission rogatoire d'un Juge pénal international se présente en effet sous plusieurs formes, qui résultent justement de la pluralité de formes que revêt le devoir de coopérer avec les juridictions pénales internationales. Un rapport du sénat français en souligne la pertinence, en précisant que les demandes de coopération s'apparentent en bien des points au contenu des coopérations judiciaires en matière pénale, instaurées soit dans le cadre d'accords bilatéraux, soit en application de conventions internationales1061(*). Ces demandes de coopération, poursuit le rapport, peuvent viser l'arrestation et la remise de personnes, l'autorisation de transit, les enquêtes et poursuites, l'identification d'une personne, le rassemblement de preuves ou l'interrogatoire de personnes poursuivies, le transfèrement temporaire d'un détenu pour recueillir son témoignage1062(*). La loi fédérale suisse sur la coopération avec la Cour pénale internationale du 22 juin 2001 a repris la quintessence de l'article 93, § 1 du Statut de Rome. De manière explicite cette loi dispose que « La coopération peut comprendre tout acte de procédure non interdit, qui permet de faciliter l'enquête et la poursuite pénale relatives à des infractions relevant de la compétence de la Cour ou de récupérer le produit de telles infractions, notamment: l'identification de personnes non inculpées, la détermination du lieu où elles se trouvent ou la localisation de biens; le rassemblement d'éléments de preuve, y compris les dépositions, et la production d'éléments de preuve, y compris les expertises et les rapports dont la Cour a besoin; l'interrogatoire de personnes faisant l'objet d'une enquête ou d'une poursuite pénale; la notification de documents, y compris les pièces de procédure; le transfèrement temporaire de détenus; l'examen de localités ou de sites, y compris l'exhumation et l'examen de cadavres enterrés dans des fosses communes; l'exécution de perquisitions et de saisies; la transmission de dossiers et de documents, y compris les dossiers et les documents officiels; la protection des victimes et des témoins et la préservation des éléments de preuve; l'identification, la localisation, le gel ou la saisie du produit des infractions ainsi que des avoirs et des instruments qui sont liés aux infractions, en vue de leur confiscation éventuelle »1063(*). Ainsi, la demande de coopération émanant d'une juridiction pénale internationale tend à faire entendre des témoins1064(*), ou à opérer des visites domiciliaires, des saisies du corps du crime (corpus delicti) ou des pièces à conviction, ou à tout acte judiciaire généralement quelconque lié à une enquête ou à des poursuites, notamment l'identification d'une personne, le lieu où elle se trouve ou la localisation de biens ; le rassemblement d'éléments de preuve, y compris les dépositions faites sous serment, et la production d'éléments de preuve, y compris les expertises et les rapports dont la cour a besoin ; l'interrogatoire des personnes faisant l'objet d'une enquête ou de poursuites ; la signification de documents, y compris les pièces de procédure ; les mesures propres à faciliter la comparution volontaire devant la cour de personnes déposant comme témoins ou experts ; le transfèrement temporaire de personnes; l'examen de localités ou de sites, notamment l'exhumation et l'examen de cadavres enterrés dans des fosses communes ; l'exécution de perquisitions et de saisies ; la transmission de dossiers et de documents, y compris les dossiers et les documents officiels1065(*) ; la protection des victimes et des témoins et la préservation des éléments de preuve ; l'identification, la localisation, le gel ou la saisie du produit des crimes, des biens, des avoirs et des instruments qui sont liés aux crimes, aux fins de leur confiscation éventuelle, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi1066(*) ; toute autre forme d'assistance non interdite par la législation de l'Etat requis propre à faciliter l'enquête et les poursuites relatives aux crimes relevant de la compétence de la Cour.
Ces différentes formes de coopération sont légalement bien encadrées et donnent à la juridiction pénale internationale le contenu de son action lorsqu'elle est appelée à commander des enquêtes aux Etats membres des Nations Unies ou ceux ayant ratifié le statut de Rome. * 1027 Art. 151 et suivants du code de procédure pénale français ; art. 8, décret congolais du 12 avril 1886 relatif à l'extradition, B.O., 1886, p. 46 ; art. 129-136, arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets en République démocratique du Congo.
* 1028 GUINCHARD Serge et DEBARD Thiery, op. cit., p. 165. * 1029 Art. 151-152, code de procédure pénale français. * 1030 Art. 81, al. 4, code de procédure pénale : « Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous réserves prévues aux articles 151 et 152 ». * 1031 Art. 99 et suivants, Ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officiers et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun, J.O., n° 15, 1er août 1978, p. 7 ; art. 122, al. 1-2, arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets en République démocratique du Congo. * 1032 SALMON Jean (dir.), op. cit., p. 202. * 1033 HUET André et KOERING-JOULIN Renée, Droit pénal international, Paris, 3ème éd., P.U.F., 2005, p. 361. * 1034 HUET André et KOERING-JOULIN Renée, ibid. * 1035 GHICA-LEMARCHAND Claudia, « La commission rogatoire internationale en droit pénal », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n° 1, 2003, p. 33. * 1036 LEE Roy S. « States'Responses : Issues and Solutions », LEE Roy S. (ed.), op. cit., p. 35; WECKEL Philippe, op. cit., pp. 255-256; Résolutions 808 (1993), 827 (1993) et 955 (1994) adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies sur la base du Chapitre VII de la Charte ; C.I.J., Arrêt, Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie- et- Monténégro), 26 février 2007, Recueil, 2007, § 439-450. * 1037 JIA Bing Bing, « The International Criminal Court and Third States », CASSESE Antonio (ed.), op.cit., p. 164; CONDORELLI Luigi & CIAMPI Annalisa, «Comments on the Security Council Referral of the Situation in Darfur to ICC», op. cit., pp. 592-593. * 1038 Résolution 1593 (2005), 5158ème séance, 31 mars 2005, § 2. * 1039 LEE Roy S. « States'Responses : Issues and Solutions », LEE Roy S. (ed.), op. cit., pp. 36 et s. * 1040 UBEDA Muriel, « L'obligation de coopérer avec les juridictions internationales », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 951 ; JONES John R.W.D. & POWLES Steven, op. cit., p. 836. * 1041 SLUITER Göran, « Cooperation of States with International Criminal Tribunals », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 191-193. * 1042Art. 29, Statut du T.P.I.Y ; art. 28, Statut du T.P.I.R. : « Les Etats collaborent avec le tribunal à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire. Les Etats répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter : l'identification et la recherche des personnes ; la réunion des témoignages et la production des preuves ; l'expédition des documents ; l'arrestation ou la détention des personnes ; le transfert ou la traduction de l'accusé devant le tribunal ». * 1043 T.P.I.Y., App., IT-95-14, le Procureur c/ Tihomir BLASKIC, Arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d'examen de la décision de la chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997, § 26 ; SHRAGA Daphna, « Politics and Justice : The Role of the Security Council », CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 173 ; SLUITER Göran, «Cooperation of States with International Criminal Tribunals», CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 192. * 1044 CASSESE Antonio, « Présentation de la IIIème partie », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 630 ; JONES John R.W.D. & POWLES Steven, op. cit., p. 837 ; SLUITER Göran, «Cooperation of States with International Criminal Tribunals», CASSESE Antonio (ed.), op. cit., p. 187. * 1045 ASCENSIO Hervé et MAISON Rafaëlle, « L'activité des tribunaux pénaux internationaux (2001) », Annuaire Français de Droit International, XLVII-2001, p. 246. * 1046 T.P.I.Y., 1ère Inst., le Procureur c/ Slobodan MILOSEVIC, IT-99-37-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles, 8 novembre 2001, § 46. * 1047 LA ROSA Anne-Marie, « Les forces multinationales et l'obligation de coopérer avec les tribunaux internationaux sous l'angle de l'arrestation », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 688. * 1048 ASCENSIO Hervé et MAISON Rafaëlle, « L'activité des tribunaux pénaux internationaux (1998) », Annuaire Français de Droit International, XLIV-1998, p. 382. * 1049 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-14/2-T, Décision confidentielle et ex parte relative à la requête ex parte aux fins de la délivrance d'une ordonnance adressée à la Mission de contrôle de la Communauté européenne, Le Procureur c/ Dario KORDIC et Mario CERKEZ, 3 mai 2000. * 1050 T.P.I.Y., 1ère Inst., IT-95-13a, le Procureur c/ Slavko DOKMANOVIC, 22 octobre 1997.
* 1051 T.P.I.Y., 1ère Inst. III, IT-95-9-PT, le Procureur c/ Blagoje SIMIC, Milan SIMIC, Miroslav TADIC, Steven TODOROVIC et Simo ZARIC, Décision relative à la requête aux fins d'assistance judiciaire de la part de la SFOR et d'autres entités, 18 octobre 2000 ; voir ASCENSIO Hervé et MAISON Rafaëlle, « L'activité des tribunaux pénaux internationaux (2000) », Annuaire Français de Droit International, XLVI-2000, p. 299. * 1052 Accord de coopération judiciaire conclu entre le Procureur de la Cour pénale internationale et la République démocratique du Congo, 6 octobre 2004 ; Accord relatif au transfert de personnes conclu entre les gouvernement des Etats-Unis d'Amérique et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. * 1053 Art. 54, §3 (d) et 87, §5, Statut de Rome.
* 1054 Parfois aussi un accord ad hoc peut être conclu pour assurer sur le territoire d'un Etat l'exécution de la condamnation pénale prononcée par un tribunal pénal international. Voir par exemple la lettre du gouvernement allemand au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, 16 décembre 2008. * 1055 Voir par exemple l'article 54, §3 du Statut de Rome. * 1056 Art. 1er, Accord de coopération judiciaire entre la Cour pénale internationale et la Police criminelle internationale (Interpol). * 1057 Accord de coopération et d'assistance entre la Cour pénale internationale et l'Union européenne, ICC-PRES/01-01-06, 10 avril 2006 (entré en vigueur le 1er mai 2006). * 1058 T.P.I.Y., 15ème rapport annuel à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité des Nations Unies, 4 août 2008 (doc. N.U. A/63/210, S/2008/515), § 84-85 : « (...) En Bosnie-Herzégovine, le Bureau du Haut Représentant, la Force de l'Union européenne et l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord ont continué de collaborer étroitement avec le Bureau du Procureur et de lui apporter leur appui (...) Le Bureau du Procureur est reconnaissant du soutien fourni par les organisations internationales et régionales, comme l'Union européenne, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil de l'Europe, et par les organisations non gouvernementales (...) ». * 1059 Loi germanique sur la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, 10 avril 1995 ; Loi australienne sur les tribunaux internationaux chargés de juger les crimes de guerre, 28 août 1995 (entrée en vigueur), J.O. australien, n° spécial 323, 24 août 1995 ; Loi fédérale autrichienne relative à la coopération avec les tribunaux internationaux, 1er juin 1996 (entrée en vigueur) ; Loi belge relative à la reconnaissance du tribunal international pour l'ex Yougoslavie et du tribunal international pour le Rwanda et à la coopération avec ces tribunaux, 22 mars 1996 ; Loi constitutionnelle croate relative à la coopération de la République de Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ; Loi danoise n° 1099 relative aux poursuites pénales engagées devant le tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de crimes de guerre commis sur le territoire de l'ex Yougoslavie, 21 décembre 1994 ; Loi organique espagnole n° 15/1994 relative à la coopération avec le tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex Yougoslavie, 1er juin 1994 ; Loi finlandaise relative à la compétence du tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de crimes de guerre commis sur le territoire de l'ex Yougoslavie et à l'entraide judiciaire avec le tribunal, 15 janvier 1994/12 ; Loi française n° 95-1 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, 2 janvier 1995 ; Loi hellénique n° 2665 relative à l'application des résolutions n° 827 (1993) et 955 (1994) du Conseil de sécurité des Nations Unies et portant création de deux tribunaux pénaux internationaux chargés de juger les violations du droit international humanitaire qui ont été perpétrées sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda, 15 décembre 1998, J.O. de la République hellénique, n° 279, vol. I, 17 décembre 1998; Décret-loi italien n° 544 portant dispositions relatives à la coopération avec le tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991, 28 décembre 1993 ; Loi norvégienne relative à l'incorporation au droit norvégien de la résolution du conseil de sécurité des Nations unies créant un tribunal pénal international pour l'ex Yougoslavie, 1er juillet 1994 ; Arrêté fédéral suisse relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire, 21 décembre 1995.
* 1060 Loi organique espagnole n° 15/1994 du 1er juin 1994 relative à la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, § 3, exposé des motifs. * 1061 Rapport d'information n° 313 (98-99), Commission des affaires étrangères, 12 avril 1999. * 1062 Rapport d'information n° 313 (98-99), Commission des affaires étrangères, 12 avril 1999 ; WOHLFAHRT Stéphane, « Les poursuites », ASCENSIO Hervé, DECAUX Emmanuel et PELLET Alain (dir.), op. cit., p. 750. Cet auteur abonde dans le même sens. * 1063 Art. 30, loi fédérale suisse, 22 juin 2001. * 1064 Tribunal municipal de VITEZ, Compte rendu n° Krl 13/00 du 15 mars 2000 portant audition du témoin Zrinko TOKIC, IT-95-14/2-T. * 1065 C.P.I., Ch. prél., ICC-01/04-01/07, le Procureur c/ Germain KATANGA et Matthieu NGUNDJOLO CHUI, Décision relative à la demande de la défense déposée le 7 avril 2008 en vertu de l'article 57-3-b du statut de Rome visant à obtenir la coopération de la République démocratique du Congo, 25 avril 2008. * 1066 C.P.I., Ch. prél., ICC-01/04-02/07, le Procureur c/ Matthieu NGUNDJOLO CHUI, Demande adressée à la République démocratique du Congo en vue d'obtenir l'identification, la localisation, le gel et la saisie des biens et avoirs de Matthieu NGUNDJOLO CHUI, 14 novembre 2007. |
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