CONCLUSION GÉNÉRALE
Au terme de cette étude, il serait convenable de faire
un bref rappel de notre problématique et des objectifs qui l'ont
conduite. En effet, nous sommes parti de l'observation selon laquelle
aujourd'hui les LM sont en train de perdre le terrain chez les jeunes
adolescents en général et chez les jeunes adolescents balengs en
particulier. Il arrive aux individus d'éprouver de la gêne ou un
sentiment de honte lorsqu'il faut parler leur langue en public. Ainsi, il est
rare de trouver des personnes capables d'utiliser leur LM comme étant
effectivement leur première langue. Des études (Bitjaa Kody,
2000) ont d'ailleurs montré que l'usage des langues locales dans la
ville de Yaoundé est en voie de disparition jusqu'au sein des
ménages endogamiques, lieux par excellence présumés de
leur usage. De même, une étude réalisée par Person
(cité par Ngamassu, 2006) en 1980 prévoyait l'extinction
irrémédiable de l'ensemble des langues locales au Cameroun et
dans d'autres pays d'Afrique pour les années 2030-2040. Tout se passe
aujourd'hui comme si les individus pour plusieurs raisons
préféraient plus les langues étrangères à
leur propre langue.
Pourtant, comme l'a dit Gfeller (2000), il existe un
attachement personnel ou émotionnel à la langue maternelle et on
devrait logiquement l'aimer et la parler. Il se pose donc ici un
problème d'attitudes vis-à-vis de l'apprentissage et/ou de
l'utilisation de la langue maternelle chez les sujets de notre étude. En
effet qu'est-ce qui explique l'attitude négative des adolescents baleng
de la ville de Yaoundé vis-à-vis de leur langue maternelle ?
Cette situation nous a amené à effectuer une
recherche dans le but de vérifier la relation entre l'environnement
psychosocial et l'attitude négative des adolescents balengs de la ville
de Yaoundé vis-à-vis de leur langue maternelle.
Le cadre théorique de notre travail nous a permis de
décrire dans un premier temps les différentes variables de notre
étude. Nous avons ainsi expliqué les notions d'environnement et
d'attitude d'une part, et présenté quelques
généralités sur la langue maternelle et sur la politique
linguistique au Cameroun d'autre part. Cette partie nous a permis dans un
deuxième temps la compréhension des processus psychosociaux qui
peuvent conduire les individus à abandonner leur langue maternelle au
profit des langues étrangères. De ce fait nous avons
identifié à travers des travaux de plusieurs chercheurs quelques
facteurs psychosociaux liés aux attitudes envers les langues. Nous avons
enfin présenté les théories qui sous-tendent notre
étude.
Cette recension des écrits nous a permis de mieux
cerner la problématique et de poser la question de recherche ainsi:
l'environnement psychosocial des adolescents balengs de la ville de
Yaoundé les prédispose-t-il à une attitude négative
vis-à-vis de leur langue maternelle ? La réponse
provisoire à cette question de recherche ayant servi d'hypothèse
générale est la suivante : l'environnement psychosocial
des adolescents balengs de la ville de Yaoundé les prédispose
à une attitude négative vis-à-vis de leur langue
maternelle.
Cette hypothèse générale a donnée
lieu à quatre hypothèses de recherche à savoir :
HR1 : la manière dont
la LM est pratiquée au sein de la famille prédispose les
adolescents balengs de la ville de Yaoundé à une attitude
négative vis-à-vis d'elle ;
HR2 : la mauvaise promotion
de la LM prédispose les adolescents de la ville de Yaoundé
balengs à une attitude négative vis-à-vis d'elle ;
HR3 :
l'irrégularité des contacts avec la communauté
linguistique prédispose les adolescents balengs de la ville de
Yaoundé à une attitude négative vis-à-vis
de leur langue maternelle ;
HR4 : l'influence des membres
de l'outgroup prédispose les adolescents balengs de la ville de
Yaoundé à une attitude négative vis-à-vis
de leur langue maternelle.
Afin de vérifier ces hypothèses de recherche, un
questionnaire a été mis au point et distribué à 208
adolescents baleng de quelques quartiers de la ville de Yaoundé.
L'enquête s'étant déroulée de la période
allant du 11 juillet au 04 août 2007. Les données ainsi
collectées ont été analysées par le biais de deux
outils statistiques (le test de corrélation Point-Bisérial et
celui de Bravais Pearson) et les résultats interprétés
à la lumière des théories des motivations psychosociales
et de l'influence sociale.
De l'analyse descriptive des données, nous avons
constaté d'une part qu'effectivement, la majorité (soit 73%) des
enquêtés non seulement maîtrise mal leur langue maternelle,
mais aussi, la parle peu. D'autre part, nous avons constaté que, presque
tous les sujets considèrent cette langue comme inutile pour eux
notamment parce qu'ils trouvent qu'elle n'a pas de valeur en tant que langue
d'apprentissage. De même, la majorité évite d'utiliser
cette langue dans les espaces publics. De façon générale,
nous pouvons ainsi conclure que nos sujets manifestent une attitude
négative vis-à-vis de leur langue maternelle, comme nous le
mentionnions à la problématique.
A partir des analyses corrélationnelles, nous avons
constaté que toutes nos hypothèses de recherche sont
significatives à un seuil. Confirmant ainsi notre hypothèse générale.
Au terme de cette étude, nous pouvons affirmer qu'en
procédant à ces différentes analyses nous avons pu
atteindre le but principal de notre recherche et pouvons conclure que
l'environnement psychosocial des adolescents balengs les prédispose
à une attitude négative vis-à-vis de leur langue
maternelle. Autrement dit, un environnement favorable dans ce sens est
susceptible de permettre la formation d'attitudes positives vis-à-vis de
la langue maternelle et inversement, un environnement défavorable
entraîne la formation d'attitudes négatives vis-à-vis de la
langue maternelle.
Cependant, vu la complexité du phénomène
d'attitudes et de comportements langagiers, nous ne pensons pas avoir
épuisé son explication. Partant, il apparaît que de
nombreuses pistes de recherche sont possibles.
Ainsi, pour renforcer les résultats de cette recherche,
nous proposons par exemple de mener une recherche similaire, mais avec des
membres d'autres communautés en visant de faire une comparaison entre
ces groupes.
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