2.2.3.3. La conformité
Le processus de conformité est la forme de l'influence
sociale connue par les travaux d'Asch (1931). La conformité peut
être définie comme « la modification d'un
comportement par laquelle l'individu répond aux pressions d'un groupe en
cherchant à se mettre en accord par l'adoption des normes qui lui sont
proposées ou imposées» (Fischer, 1987 : 67). Dans
la conformité, nous trouvons trois éléments
distincts : l'existence de tensions entre les positions antérieures
d'un individu et les pressions auxquelles il est plus ou moins fortement
soumis ; l'adhésion qui s'opère chez l'individu à ce
qui lui est proposé ; enfin le résultat de cette
modification, qui comporte à la fois une part de négation de
certains aspects du comportement antérieur et une part d'affirmation de
soi par l'adoption de comportements nouveaux. Ainsi, dans notre contexte
l'adolescent en abandonnant sa LM s'affirme par l'adoption du
français/anglais comme langue de communication.
Pour Moscovici (1979 : 182), « la
conformité définit le comportement d'un individu ou d'un
sous-groupe lorsque le comportement est déterminé par des normes
et des attentes légitimes du groupe, situation qui conduit l'individu ou
le sous-groupe à assimiler à ses propres jugements et opinions
les jugements et les opinions du groupe réel ou idéal,
indépendamment de tout écart originel. » Il faut
noter que ce changement dans le comportement ou les opinions d'une personne
résulte d'une pression du groupe qui peut être réelle ou
imaginaire.
La conformité ainsi définie varie
selon la conviction de l'individu. Il peut se conformer soit parce qu'il croit
que le groupe possède la meilleur information, soit parce que les normes
du groupe sont contraignantes. Aussi, la conformité revêt-elle,
selon la conviction du sujet, diverses formes qui se manifestent après
un travail cognitif d'interprétation du message auquel il est
exposé. Kelman (1961, cité par Mvessomba, 1998) distinguait
plusieurs réponses possibles à l'influence dont les plus
importantes sont : l'intériorisation, l'identification et le
suivisme.
L'identification est la réponse à l'influence
d'un individu qui désire en priorité être semblable aux
membres du groupe majoritaire. Ce qui est satisfaisant pour lui, ce n'est pas
le comportement même qui résulte de l'influence, mais ce
comportement permet une définition de soi impliquant une relation
satisfaisante aux personnes auxquelles on doit s'identifier. Il s'agit ici
d'adopter le comportement, les attitudes et les opinions de ceux qu'on aime et
à qui on veut ressembler. Cette identification débouche
très souvent sur la conversion que Mead (1963, cité par
Mvessomba, 1998) définit comme « le processus par lequel
un individu en interaction avec d'autres devient comme eux en faisant les
mêmes choses sans que ce processus n'émerge dans ce que nous
nommons conscience ».
La conversion diffère de l'identification dans la
mesure où l'individu adopte sans le savoir, souvent sans le vouloir, les
manières de faire, d'agir et de sentir des personnes de son entourage,
sans y opposer aucune résistance. Avec le suivisme, la résistance
au changement d'attitude est plus consciente.
Dans le suivisme, il y'a l'idée de suivre,
c'est-à-dire venir ou aller après quelques chose ou quelqu'un.
C'est un processus interindividuel qui se joue dans un groupe et qui consiste
comme le dit Moscovici et Paicheler de « faire comme tout le
monde » (1984 : 144), de ressembler aux autres. Dans le
suivisme, l'individu cherche à faire plaisir au groupe en manifestant
ses attitudes et ses opinions par complaisance pour le groupe. Le suiveur ne se
préoccupe pas de la justesse de la position, ni du bien fondé de
l'appariement de son comportement à celui du groupe. Il imite le groupe
pour ne pas être différent de ses membres. Il s'agit de se diluer
dans le groupe, se perdre dans la masse pour ne pas être
marginalisé au sein du groupe.
Un individu se conforme ainsi lorsqu'il modifie sous la
pression d'un groupe ses attitudes ou son comportement pour adopter les
attitudes et les comportements prescrits par le groupe.
A partir de ses travaux, Asch (1955) conclut que la
conformité est le résultat d'un besoin de repérage chez
l'individu, car il s'efforce d'être en harmonie avec les autre
comportements et croyances auxquels il est confronté.
On peut en conclure que moins une personne a confiance en
elle, plus elle est susceptible de subir les pressions en direction de la
conformité. Ceci s'avère cohérent dans notre contexte avec
la notion de vitalité ethnolinguistique chez Giles et al. (1977). Hamers
et Blanc (2000 : 216) considèrent en outre que :
« ...plus un groupe a de vitalité, plus il a de chances de
survivre en tant que groupe distinct, avec une langue distincte; inversement,
moins il fait preuve de vitalité, moins il aura de chances de
survivre. »
Nous avons fait dans les lignes précédentes
référence à l'importance des modèles dominants ou
majoritaires dans la modification des attitudes individuelles ou collectives.
Toutefois, il existe, fort heureusement, des cas où une minorité
peut influencer la majorité ou à défaut résister
à l'influence de la majorité.
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