Paragraphe 2 : Principe consacrés par la
coutume et confirmés par la jurisprudence internationale
Dans des domaines relevant entièrement de la protection
de l'environnement, le monde a assisté sur plusieurs décennies
à l'émergence lente de règles coutumières. Lesdites
règles ont permis de dégager certains principes importants en
matière d'utilisation partagée de la ressource en eau.
A. les principes résultant de la
coutume.
A ce niveau, un consensus apparaît autour d'importants
principes dégagés par la coutume. Il s'agit de :
· l'obligation de coopérer et de négocier
avec l'intention d'aboutir à un accord ;
· l'interdiction de réaliser des
aménagements susceptibles d'avoir des conséquences dommageables
et durables au détriment d'autres Etats ;
· l'obligation de consultation préalable ;
· l'utilisation équitable des ressources
partagées y compris les eaux souterraines, qui sous tend deux principes,
à savoir : - le principe de l'égalité ;
· l'obligation de ne pas abuser de ses droits ; le bon
voisinage entre ;
· Etats : d'autres principes ont émergé et
rendent ce dernier opératoire :
· le principe d'informer d'urgence, - le principe de
l'assistance, - le principe d'information préalable des projets.
Plusieurs arrêts de la Cour Internationale de Justice
confirment ces orientations (Affaires du Lac Lanoux, des fumées de la
Fonderie de Trail, du Détroit de Corfou, Projet Gabcikovo-Nagymaros).
B. Confirmation des principes par la jurisprudence
internationale
La jurisprudence montre en fait comment les divers principes
sont confirmés dans la réalité par leur application
On dénombre une trentaine de décisions
jurisprudentielles intervenues en matière d'eau depuis le XIXème
siècle. Par exemple, le principe de la communauté
d'intérêts entre États riverains a été
invoqué par la Cour permanente de justice internationale (C.P.J.I.)
à propos d'un litige relatif à la compétence territoriale
de la Commission internationale de l'Oder. En premier lieu : la sentence
arbitrale Grover Cleveland du 22 mars 1888 décide qu'en l'occurrence le
Costa-Rica ne pouvait légitimement empêcher le Nicaragua
d'exécuter à ses frais et sur son territoire des ouvrages, sous
réserve toutefois de ne provoquer aucune inondation ou dommage sur le
territoire costaricain sauf à l'indemniser.
Toutefois, et bien qu'elle soit intervenue dans le domaine de
l'air et non dans celui de l'eau, la décision arbitrale du 11 mars 1941
Fonderie du Trail réglant un litige entre les États-Unis et le
Canada à propos de fumées polluantes provenant d'une usine, pose
le principe de l'utilisation non dommageable de son territoire dès lors
qu'"Aucun État n'a le droit d'user de son territoire ou d'en
permettre l'usage de manière que des nuisances soient
génératrices d'un préjudice sur le territoire d'un
État voisin et si les conséquences en sont
sérieuses".
A quelques décennies de distance, la sentence du 27
septembre 1968 Barrage de Gut impose à un État (toujours le
Canada) constructeur d'un barrage d'indemniser le préjudice
transfrontalier causé aux États-Unis résultant de
l'utilisation d'un cours d'eau international.
A l'occasion d'un litige opposant la Belgique aux Pays-Bas
à propos de prises d'eau en vue de l'alimentation de canaux de
navigation et d'irrigation, la Cour permanente de justice internationale 28
juin 1937 (Utilisation des eaux de la Meuse) avait mis en évidence le
principe de non modification du régime des eaux, "chaque État
(étant) libre d'en modifier le cours, de l'élargir ou de le
transformer et même d'en augmenter le débit à l'aide de
nouvelles adductions pourvu que la dérivation des eaux, l'affluent
visé par le traité et son débit n'en soient pas
modifiés".
Des sentences arbitrales ont permis de mettre en
évidence que des droits en faveur d'une souveraineté territoriale
limitée s'élaborent à l'égard des États
riverains, dans le respect du partage des ressources en eau.
Ainsi, dans l'affaire du Lac Lanoux, le tribunal arbitral
(16/11/1957) a considéré que l'Espagne n'était pas en
droit d'exiger le maintien de l'ordre naturel de l'écoulement des eaux
dans la mesure ou elle n'avait allégué aucune atteinte tangible
portée à ses intérêts par la France, un État
ayant "le droit d'utiliser unilatéralement la part d'un fleuve qui
le traverse dans la limite ou cette utilisation est de nature à ne
provoquer sur le territoire d'un autre État qu'un préjudice
restreint, une incommodité minime qui entre dans le cadre de celle
qu'implique le bon voisinage".
Au début du siècle déjà, une
sentence arbitrale avait argué de l'usage "innocent"(non
répréhensible) des cours d'eau (Affaire FABER ou Sentence du 13
janvier 1903 relative aux fleuves Zulia et Catatumbo), les besoins d'une
population géographiquement privilégiée ne justifiant pas
à eux seuls de porter atteinte aux besoins identiques des autres
habitants riverains d'un cours d'eau international.
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