III. PERSPECTIVES ET SUGGESTIONS
L'orpaillage est une activité qui prend de l'ampleur
dans le département de Kampti. La découverte d'un site
d'orpaillage dans une localité engendre l'abandon de l'école par
la majorité des élèves, une dépravation des moeurs,
des divorces, un taux d'infection à VIH élevé.
L'état sanitaire des orpailleurs et des populations se
détériore à cause de la pollution progressive de
l'environnement. Cette détérioration progressive compromet le
développement socio-économique durable du département. De
nouveaux sites sont fréquemment découverts et aussitôt
abandonnés quand les gains sont faibles. Ces sites, du fait du
retournement du sol et de l'usage des produits chimiques, restent durant des
années inaptes à l'agriculture. Un usage des bio-accumulateurs
comme le mercure et les métaux lourds polluent l'environnement à
court, moyen et long terme. A la longue, la pollution de l'environnement peut
favoriser l'apparition de maladies liées aux bio-accumulateurs comme le
saturnisme. Après l'orpaillage, une grande partie du site de Fofora sera
inapte à toute activité agricole si aucune action de
désinfection n'est entreprise. Les populations autochtones seront sans
doute exposées à la consommation d'eaux souillées par les
polluants fécaux, les métaux lourds et les produits chimiques.
L'après orpaillage sur les différents sites pourrait être
une catastrophe pour les autochtones si aucune précaution n'est prise.
Pour cela, il est urgent de trouver des solutions appropriées.
En effet, des mesures urgentes sont à envisager afin de
préserver l'avenir du site de Fofora et du département. Toute
amélioration des conditions sanitaires et environnementales est
conditionnée par une sensibilisation des orpailleurs et des habitants
des villages voisins ainsi
que du chef-lieu de département de Kampti surtout. Une
simple sensibilisation des orpailleurs sans les autochtones serait vaine du
fait de l'interaction qui existe entre eux.
Pour réduire les problèmes de santé sur
le site, une prise de décision juridique de la part des autorités
étatiques serait bénéfique. L'octroi d'un permis
d'exploitation artisanale devrait être conditionné par la
réalisation d'une étude d'impact environnemental et social. Une
décentralisation du contrôle des sites d'orpaillage vers les
départements par la mise en place d'un comité de suivi du respect
des normes sur les sites d'orpaillage minimiserait les conséquences de
l'orpaillage.
Le respect des normes de fonçage de 1,5 m entre deux
puits consécutifs et une restauration des puits après
fonçage et lavage du stérile devraient être exigé.
Cela favoriserait la baisse des risques d'accidents par effondrement puis la
pollution des eaux de surface par les métaux lourds et les produits
chimiques. La restauration des puits empêchera aussi la stagnation des
eaux servant de nids de vecteurs pathologiques. Après la fermeture, les
puits doivent être recouverts de terre arable puis d'un éventuel
reboisement des zones dénudées. Sur cette lancée les
orpailleurs doivent s'organiser à faire des campagnes de reboisement
annuelle durant les mois de fermeture du site d'or. Pour ce reboisement, il
serait souhaitable d'utiliser des espèces dépolluantes,
c'est-à-dire des plantes consommatrices de métaux lourds et
d'autres produits chimiques.
Il faudrait récupérer les branches les plus
résistantes ayant servi au soutènement des puits
abandonnés ne serait-ce qu'au bord pour les utiliser dans les nouveaux
puits, et recycler celles qui ne servent plus au soutènement pour des
fins de bois de chauffe.
Il est nécessaire d'interdire l'usage de la dynamite
afin de réduire la fragilisation du substratum et donc des
éboulements. De même l'usage de la motopompe pour l'exhaure doit
être fait avec plus de précaution en vu de diminuer la pollution
directe des nappes par les hydrocarbures. Un temps minimum de 20 mn doit passer
avant l'entrée des ouvriers dans les puits après l'exhaure ou le
dynamitage afin d'éviter d'éventuelles asphyxies.
Le traitement au cyanure doit être purement et
simplement interdit sur le site de Fofora. Depuis juin 2010, le cyanure est
interdit sur le site. Ce qui est une belle initiative. Afin de parfaire cela,
les rejets de minerai traité chimiquement doivent être
neutralisés. Cette neutralisation consiste à arroser le tas avec
une solution basique pendant 24h et le rejeter au bout de 4 à 6 mois. Le
cyanure résiduel peut être éliminé par de
l'hypochlorite de calcium avant tout rejet dans la nature.
Il faudrait veiller au respect de la parcellisation du site
d'habitation et, à travers la police économique, à son
respect rigoureux. Cela doit contribuer à délimiter les zones de
traitement,
de logement, de restauration et de commerce. Un respect du
réaménagement environnemental aura sans doute des
conséquences positives sur la santé des orpailleurs et des
populations des villages voisins.
Malgré la fermeture du site d'extraction pendant les
mois de juillet, août et septembre, les efforts de soutènement des
puits et galeries, les orpailleurs restent victimes d'éboulement. Une
meilleure organisation des activités pendant cette période
pourrait éviter certains dégâts. Cette organisation va
consister en une surveillance et une alerte générale en cas de
pluie ou de danger externe.
Sur le plan hygiénique, il faudrait conscientiser les
orpailleurs sur l'importance de l'hygiène individuelle et collective.
Ils devraient faire bouillir l'eau des puits avant toute consommation directe.
Ce comportement contribuera à la baisse de l'infection
bactérienne et parasitaire liée à l'eau. Les responsables
du site devraient procéder à un traitement des eaux de puits pour
éliminer certains métaux lourds.
Les creuseurs devraient emporter avec eux, sur les lieux de
l'extraction, le matériel nécessaire à la vaisselle.
Chaque individu devrait veiller à avoir une bonne hygiène
corporelle. Cinq ans après l'organisation du site de Fofora, une
organisation structurelle pertinente permettra une circulation plus
aisée. La construction des habitats à au moins 2 mètres
d'intervalle permettra d'éviter les incendies d'ampleur. Cette
réorganisation doit tenir compte d'un dépotoir unique des ordures
en aval du site. Une construction des logements et des toilettes en banco
amélioré contribuerait à minimiser les incendies et la
contamination des eaux souterraines. La construction des toilettes devrait se
faire en aval du site et loin des puits alimentaires. Il faudrait creuser des
puits et les couvrir afin d'éviter leur contamination par les eaux de
ruissellement et le vent.
Pour l'usage du mercure, il faudrait faire comprendre ses
méfaits et ses modes d'absorption dans le corps humain. Par la
sensibilisation, on devrait amener les orpailleurs à éviter
l'amalgamation par une personne ayant des blessures sur les mains. Cela
pourrait amoindrir l'absorption cutanée du mercure à travers la
main. Une amalgamation par frottement avec des instruments plus adaptés
pourrait annuler cette absorption. Une proposition d'utilisation du «
retort » à déjà été faite par M. ZONOU
S.E en 2005 sur le site de MaménaFofora sans effet. Jusqu'à
présent cet instrument reste inconnu par les raffineurs. Pour cela, il
faudrait sensibiliser les acheteurs et insister sur les conséquences
sanitaires et environnementales du mercure puis sur les bienfaits
économiques et sanitaires du « retort ». Le « retort
» est un instrument qui sert à brûler l'amalgame or-mercure
dans un circuit fermé. Le gaz de mercure ne s'échappe pas dans la
nature donc n'est pas absorbé par les raffineurs et
n'est pas emporté par l'air. Le mercure condensé
dans est réutilisé pour d'autres amalgamations. Les
entrées et les sorties de mercure doivent être
contrôlées par un comité de gestion. Son stockage et sa
vente devraient être canalisés.
Pour un meilleur suivi des maladies sur les sites
d'orpaillage, il faudrait renforcer les capacités du Centre
Médical (CM/Kampti) en moyens financier et matériel
nécessaire au suivi et à la prise en charge des patients. Une
notation du nom du site d'origine des patients orpailleurs permettra de suivre
finement l'évolution des maladies sur les sites afin de prendre des
décisions appropriées pour chaque site. Il faudrait faire cas de
l'origine précis des orpailleurs dans le registre mensuel. Afin de
faciliter l'accès à la médication, la mise en place d'une
pharmacie ambulante par le CM/Kampti contribuerait à la baisse de
l'automédication.
Dans le cadre de la lutte contre les IST/SIDA, des
sensibilisations sont déjà faites sur le site d'or de Fofora par
la PROMACO et d'autres structures oeuvrant dans ce sens. Une extension dans les
villages voisins et dans le chef-lieu Kampti, permettra de toucher plus de
personnes. Dans cette même logique, il serait nécessaire
d'instaurer dans les écoles et le lycée de Kampti, un programme
sur les inconvénients de l'orpaillage sur la santé et sur
l'avenir du milieu physique et humain.
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