Apports et intérêt, perspectives...
Cette étude a permis d'aller au-delà de la
question des pires formes de travail des enfants pour établir un
schéma descriptif global suivant une approche nouvelle prenant en compte
une certaine forme de travail domestique. Par ailleurs, cette étude a
permis de nuancer certaines conclusions établies voir
préétablies par les organismes internationaux s'occupant de la
problématique du travail des enfants (OIT, Unicef, etc.) et qui tendent
à s'universaliser, apparaissant hasardeuses dans le contexte
socioéconomique particulier des pays d'Afrique subsaharienne, et
particulièrement du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire et du Mali.
Le lien immédiat établi entre promotion de la scolarisation et
réduction du travail des enfants, le rapprochement systématique
fait entre pauvreté des ménages, mobilité des enfants et
prévalence du travail enfantine, ne semblent pas toujours
prévaloir de façon indiscutable dans les études de cas de
cette présente analyse. Le travail des enfants apparait comme un
phénomène relevant d'une logique socioéconomique propre
aux sociétés africaines subsahariennes. En outre, les normes
culturelles qui prévalent dans cette partie du monde prédisposent
à certaine une tolérance envers certaines formes de travail des
enfants, considérées comme des gages de socialisation et de
responsabilisation des enfants.
Ces constats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives d'analyse
qui mériteraient d'être explorées. Par ailleurs, les effets
de substitutions entre le travail des enfants et celui des adultes, qui peuvent
influer le comportement de ces derniers relativement à la
décision de participation des enfants au travail, auraient pu
mériter une analyse particulière.
...et recommandations
Au-delà des objectifs fixés, des
éléments idoines de recommandations allant dans le sens d'une
lutte ciblée et efficace contre le travail des enfants sous ces formes
inacceptables se doivent d'être proposés. Ils s'adresseront
essentiellement aux organismes nationaux ou internationaux qui oeuvrent dans le
domaine de la lutte contre le travail des enfants sous ces formes insoutenables
(ou inacceptables). En effet, chercher à mettre un terme au travail des
enfants serait pour les organismes de lutte, une stratégie vouées
à l'échec et la manifestation d'une incompréhension totale
des sociétés subsahariennes62. Cette
réalité est très manifeste au Burkina Faso et au mali,
où nombre de variables liées aux normes socioculturelles ont pu
être mises en évidence dans l'explication du travail des enfants.
Le travail des enfants relève d'une utilité certaine et participe
à l'éducation de ceux-ci. Ce phénomène n'est donc
pas forcément
62 On pourra même parler de "choc
des civilisations".
un mal ou un frein à l'épanouissement de
l'enfant. D'ailleurs, la plupart des enfants qui travaillent sont
également scolarisés. Par conséquent, la scolarisation
n'est pas le simple résultat d'un arbitrage d'avec le travail. Les
organismes de lutte doivent donc faire la part des choses en intégrant
les réalités anthropologiques et sociales des pays
concernés à leur vision, afin d'adapter au mieux leur
stratégies de lutte contre les formes de travail qui méritent
réellement une lutte acharnée : les formes inacceptables de
travail63.
[ R1] Selon la FAO, 70% des enfants travailleurs sont issus
des ménages agricoles. Aussi, les enfants sont beaucoup plus actifs dans
les fermes et les plantations que dans les usines ou autres bureaux. Cette
étude a, en outre, permis de noter que la prévalence du travail
des enfants est sensiblement plus importante dans le monde agricole, en
comparaison aux chiffres nationaux des trois (03) pays étudiés.
Il est donc primordial que les organismes de lutte contre le travail des
enfants surtout sous ses pires formes, dans ces trois (03) pays, multiplient
leurs efforts dans le monde agricole en orientant prioritairement leurs actions
sur les secteurs agricoles et domestique.
[ R2] Le fait pour les enfants de travailler ne semble pas
gêner considérablement leur éducation. La scolarisation est
donc loin d'être un substitut parfait au travail par rapport auquel, elle
n'est d'ailleurs pas en concurrence. Miser sur la seule promotion de la
scolarisation serait ainsi une stratégie vouée à
l'échec. La politique de l'Education Pour Tous (EPT), à travers
une éducation primaire obligatoire doit, en outre, continuer
d'être promue. Toutefois, elle doit venir en complément à
d'autres mesures visant à expliquer le bien-fondé pour les
parents de ne pas exposer leurs enfants à certaines formes de travail
pouvant être dommageables pour le bien-être et
l'émancipation de leurs enfants.
[ R3] Le rôle de la pauvreté parait assez
limité pour les cas particuliers du Burkina Faso et du Mali. En fait,
les normes sociales favorables à l'utilisation de la main d'oeuvre
enfantine jouent un rôle déterminant dans la mise au travail de
ceux-ci. Il faudrait ainsi mettre un accent particulier sur la sensibilisation
des populations en insistant sur l'utilité future, du point de vue de la
maximisation de la satisfaction des ménages d'une scolarisation et / ou
du "non travail" de l'enfant. En Côte d'Ivoire où le niveau de
pauvreté influe significativement la propension des enfants à
travailler, des politiques visant à améliorer le bien-être
des populations en milieux agricoles sont indiquées. Plus
généralement, il apparait que le travail des enfants dans
l'agriculture est surtout lié aux systèmes de subsistance des
ménages
63 Voir le cadre conceptuel.
agricoles et à leur vulnérabilité
économique. Créer d'autres sources de revenus pour les
ménages réduirait la nécessité de faire travailler
les enfants et permettrait à leur famille de les envoyer à
l'école.
[ ] La localisation géographique joue un rôle
essentiel surtout au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire. Dans ce dernier
pays, il apparait que la prévalence du travail enfantine est plus forte
dans les zones de forte intensité de culture cacaoyère. De plus,
l'estimation séquentielle a permis de montrer, à travers l'effet
croisé de la scolarisation et de la localisation, que les pires formes
de travail sont plus présentes dans ces zones. Les conclusions
tirées après la mise en marche du protocole Harkin & Engel
sont ainsi confirmées. Des actions prioritaires doivent donc y
être menées. Toutefois, l'ampleur du travail enfantine est aussi
alarmante dans les autres régions Il est donc nécessaire de
concentrer les efforts déployés aussi bien dans les
régions productrices de cacao que dans les zones hors production cacao.
Au Mali et
surtout au Burkina Faso, ce sont les zones de moyenne et de forte
intensité d'émigration quisont les plus
concernées par le phénomène. Des actions prioritaires
doivent donc y être menées par les organismes
intéressés par la problématique du travail des enfants.
[ 5] Les facteurs explicatifs de l'exposition des enfants aux
pires formes de travail ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre.
Les approches de lutte doivent s'adapter à chaque pays, les
stratégies standards étant a priori vouées à
l'échec. Les stratégies à privilégier doivent, en
outre, mettre l'accent sur la sensibilisation des parents et l'adoption de
mesures légales coercitives de lutte pour une éradication, somme
toute, souhaitable.
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