Enjeux et perspectives de la communication corporate dans les multinationales au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Missone Missone Université de Douala - Cameroun - Master 2 2010 |
2-4- Les théories orchestrale et anthropologique de la communicationAlors que domine dans les années 1950 - 60 le modèle linéaire de la communication, certains chercheurs américains vont introduire une vraie rupture épistémologique en concevant la communication comme un processus circulaire. Pour Yves Winkin cité par Valérie Sacriste, la communication est conçue comme un système à multiples canaux auquel l'acteur social participe à tout instant qu'il le veuille ou non (par ses gestes, son regard, son silence). En sa qualité de membre d'une certaine culture, il fait partie de la communication comme le musicien fait partie de l'orchestre. Mais dans ce vaste orchestre culturel, il n'y a ni chef ni partition. Chacun joue en s'accordant sur l'autre. Ainsi, la communication est pour ces acteurs, un processus social, permanent, intégrant de multiples modes de comportement, qu'il convient d'analyser en termes de niveau de complexité, de contextes multiples et de systèmes circulaires. Dès lors communiquer pour l'Ecole de Palo Alto (Californie) ne revient pas à dire quelque chose mais à " entrer dans l'orchestre" c'est à dire à participer à un échange. Sur ce rapport, la communication n'est pas un acte mais un processus. Chacun (l'organisation et son public) est ainsi partie intégrante d'une relation mouvante qu'il façonne et qui le façonne. L'orchestre est structuré autant qu'il est structurant. Prenant l'exemple d'une relation où deux entités prétendent toutes les deux réagir au comportement de leur partenaire, les auteurs de cette théorie pensent qu'elles (les deux entités), n'arrivent pas à voir qu'elles influencent à leur tour, leur partenaire par leur propre réaction. C'est là que se trouve pour l'Ecole de Palo Alto, le sens et l'esprit de la notion de causalité circulaire. Le comportement de chacun (l'organisation et son public), est pris dans un jeu complexe d'implications mutuelles, d'actions et réactions, de connections et d'interdépendance. Si cette approche présente un intérêt certain pour nous, Yves Winkin pense qu'elle soulève également un obstacle épistémologique sérieux que l'approche télégraphique du schéma linéaire. Parce que, la communication est devenue une communion, un partage. Des valeurs pourtant positives et que nous tenons à mettre en relief dans notre analyse. Pour lui, la réflexion dans ce contexte glisse à la morale. Partant de l'épistémologie du terme, Yves Winkin rappelle que la communication est composée de deux racines: cum et munus signifiant mise en commun, partage, communion. De là, il appelle à voir dans la communication un échange symbolique. Communiquer explique-t-il, c'est donner, recevoir, rendre un message verbal ou non verbal. Ce qui implique pour l'anthropologue que la communication est un engagement. Il le définit au sens où Erving Goffman cité par Valérie Sacriste l'entend: "être impliqué dans une activité de circonstance signifie y maintenir une certaine attention intellectuelle et affective, une certaine mobilisation de ses ressources psychologiques, en un mot, cela signifie s'y engager (to be involved in it)". Autrement dit, s'engager, c'est se déclarer responsable et avoir la charge de certaines actions, c'est une promesse, c'est une obligation"39(*) Reprenant la conception d'Erving Goffman, Yves Winkin cité toujours par Valérie Sacriste, considère que : « dès qu'il y a coprésence, il y a communication et effectivement l'obligation de rendre à l'autre ce qu'il a offert". Pour lui, le contre don peut être silencieux c`est à dire un regard, un sourire, etc., mais il ne peut ne pas s'accomplir ». Car la communication est une performance de la culture au sens où Ward Goodenought40(*) l'entend : « La culture d'une société consiste en tout ce qu'il faut savoir ou croire pour se conduire d'une manière acceptable pour les membres de cette société... ». La communication pour lui correspondrait à ce moment de l'offrande (performance cérémonielle) et au processus permanent de mise en oeuvre des règles culturelles. Car poursuit-il, « en communiquant, nous réaffirmons à notre insu les valeurs sociétales et les nombreuses règles de conduite formelles et informelles, implicites et explicites ». Ainsi appréhendée, la communication n'est plus seulement une mise en relation, ni un simple partage. Mais, elle permet de veiller à l'équilibre des échanges. Goodenought termine en relevant que la communication implique un engagement moral qui permet l'équilibre des échanges. Cette lecture à proprement parler, est au centre de notre travail dans la mesure où elle intègre les problématiques sociales, culturelles, et interrelationnelles mises en avant dans notre analyse. * 39 Valérie Sacriste, 2007, P. 98. * 40 Cité par Valérie Sacriste, op. Cit., P. 99 |
|