Le rôle du Commissaire aux Comptes dans l'acte uniforme OHADA( Télécharger le fichier original )par Malam Petel YOUSSOUFA Université de Ngaoudere Cameroun - Master 2 2009 |
PARAGRAPHE II : LE RENFORCEMENT DE L'INDEPENDANCE DU COMMISSAIRE AUX COMPTESCes renforcements passent nécessairement par l'examen des régimes des incompatibilités (A) et par une rémunération assurée du commissaire aux comptes (B) A- L'extension et la sévérité du régime des incompatibilités Les incompatibilités sont désormais plus étendues (1), et son inobservation est sanctionnée sévèrement (2). 1- L'extension du régime des incompatibilités La liberté des commissaires aux comptes est recherchée à travers des nombreuses incompatibilités qui sont désormais posées. Il s'agit de leur assurer une liberté matérielle et morale.86(*)Aussi l'article 697 de l'AUDSCGIE pose-t-il de manière claire que les fonctions du commissaire aux comptes sont incompatibles avec : - Toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ; - Tout emploi salarié, sauf lorsqu'il s'agit d'un enseignement ; - Toute activité commerciale, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée. Par ailleurs, aux termes de l'article 698 du même acte, les fonctions du commissaire aux comptes sont incompatibles avec les activités ou actes de nature à porter atteinte à son indépendance. Ne peuvent pas être commissaire aux comptes : - Les fondateurs, apporteurs, bénéficiaires d'avantages particuliers dirigeants sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leurs conjoints ; - Les parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement des personnes, visées au paragraphe 1 du présent article ; - Les dirigeants sociaux possèdent le 10e du capital ainsi que leur conjoints ; - Les personnes qui, directement ou indirectement ou par personne interposée reçoivent, soit des personnes figurant au paragraphe 1 du présent article, soit de toute société visée au paragraphe 3 du présent article, un salaire ou une rémunération quelconque en raison d'une activité permanente autre que celle de commissaire aux comptes. Il en est de même pour les conjoints de ces personnes ; - Les sociétés de commissaires aux comptes dont l'un des associés, actionnaires ou dirigeants se trouve dans l'une des situations visées aux alinéas précédents ; - Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l'un des dirigeants, soit l'associé ou l'actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux comptes, a son conjoint qui se trouve dans l'une des situations prévues au paragraphe 5 du présent article. Le régime des incompatibilités est désormais plus étendu et plus sévère pour garantir l'indépendance et la crédibilité des commissaires aux comptes. Le respect du régime des incompatibilités est assuré par une sanction pénale.87(*) Enfin les articles 699 et 700 traitent des incompatibilités à la fin des fonctions des commissaires aux comptes. Ainsi, le commissaire aux comptes ne peut être nommé administrateur, administrateur général, administrateur général adjoint, directeur général, directeur général adjoint des sociétés qu'il contrôle moins de cinq années après la cessation de sa mission de contrôle de ladite société. La même interdiction est applicable aux associés d'une société de commissaires aux comptes. Pendant le même délai, il ne peut exercer la même mission de contrôle ni dans les sociétés possédant le 10e du capital de la société contrôlée par lui, ni dans les sociétés dans lesquelles la société contrôlée par lui possède le 10e du capital, lors de la cessation de sa mission de commissaire aux comptes. L'appréciation de la participation se fait au moment de la cessation de la première mission.88(*) 2- La sévérité des sanctions entourant l'inobservation des incompatibilités Si le souci premier de l'AUDSCGIE est la promotion du développement des affaires dans le vieux continent, alors la réalisation effective de ce développement passe nécessairement par une meilleure organisation des sociétés anonymes. C'est seulement ces dernières qui peuvent attirer et fructifier les investissements nationaux et étrangers. Compte tenu de l'ampleur de ces sociétés, le législateur a non seulement imposé à la société d'avoir un commissaire aux comptes et un suppléant, mais il oblige celle faisant appel public à l'épargne d'en designer au moins deux commissaires et deux suppléants. Tel est la quintessence de l'article 702 de l'AUDSCGIE. L'importance de la surface financière que regorgent ces sociétés a conduit le législateur africain à être plus vigilent. Ainsi, il a tenu à organiser les incompatibilités avec la fonction de commissaire aux comptes. L'acte uniforme OHADA sanctionne la violation de ces incompatibilités par le commissaire aux comptes. Ainsi, un commissaire aux comptes qui ne remplirait pas ces conditions ne peut accéder à cette fonction. Et lorsque sa nomination a lieu malgré cette violation, elle est déclarée nulle et de nul effet. Ces incompatibilités constituent une disposition impérative de l'Acte uniforme dont la violation a pour effet d'entrainer la nullité de l'effet. Contrairement à l'article 93 de la loi de 1867 qui validait les délibérations prise par l'assemblée sur le rapport d'un commissaire aux comptes irrégulièrement désigné, l'AUDSCGIE en son article 701 consacre le principe de la nullité de ces délibérations. B- La rémunération et les droits du commissaire aux comptes Dans l'exercice de ses fonctions, il a droit à des honoraires (1), et son statut lui procure certains droits (2) 1- La rémunération du commissaire aux comptes En contre partie de ses prestations, le commissaire aux comptes reçoit des honoraires qui sont à la charge de la société. Le montant de ces honoraires est fixé globalement quelque soit le nombre de ces commissaires, qui se les repartissent entre eux.89(*)Les frais de déplacement et de séjour engagés par les commissaires aux comptes dans l'exercice de leurs fonctions sont à la charge de la société. De même, la société peut allouer au commissaire aux comptes une rémunération exceptionnelle lorsque celui-ci: - exerce une activité professionnelle complémentaire pour le compte de la société à l'étranger ; - accomplit des missions particulières de révision des comptes des sociétés dans lesquelles la société contrôlée détient une participation ou envisage de prendre une participation ; - accomplit des missions temporaires confiées par la société à la demande d'une autorité publique. Le commissaire aux comptes nommé doit établir un programme de travail détaillé tenant compte de l'activité de la société, décrivant les diligences estimées nécessaires de par les prescriptions légales et les pratiques usuelles, et indiquant le nombre d'heures de travail et le montant des honoraires correspondant. En tout état de cause, la rémunération des honoraires est convenue avec la société selon un barème. 2- Les droits du commissaire aux comptes Il s'agit principalement des pouvoirs de contrôle, de vérifications et d'investigations des commissaires aux comptes .l'entrave d'une quelconque manière que ce soit a l'exercice de leur fonctions est sanctionné pénalement.90(*) Il ressort de l'article 718 de l'AUDSCGIE qu'a toute époque de l'année, le commissaire aux comptes opère des vérifications, et exerce tous les contrôles qu'il juge nécessairement dans l'accomplissement des ses missions. Il peut se faire communiquer sur place toute pièce qu'il estime utile à l'exercice de sa mission, et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres des procès verbaux. Les droits du commissaire aux comptes sont en quelque sorte les obligations des dirigeants sociaux, puisqu'il représente les limites à leur pouvoir. Pour l'accomplissement de ses contrôles, le commissaire aux comptes peut se faire assister ou représenter par tels experts ou collaborateurs de son choix, qu'il fait connaitre notamment à la société. Ceux-ci ont les mêmes droits d'investigation que ceux des commissaires aux comptes. Les droits du commissaire aux comptes sont plus étendus. Il peut opérer des investigations même auprès des sociétés mères ou filiales. Pour une meilleure organisation du travail, s'il existe plusieurs commissaires en fonction ; ils peuvent procéder séparément à des investigations, vérifications et contrôles. Tout de même, ils doivent établir un rapport commun. Et en cas de divergence, ils doivent indiquer leurs opinions. Même auprès des tiers qui ont accomplis des opérations pour le compte de la société, il peut recueillir des informations. Aucun secret professionnel ne peut lui être opposé.91(*) Ses droits sont permanents. L'AUDSCGIE fait obligation de le convoquer à toutes les réunions que la société organise. Et lorsqu'il n'est pas convoqué, les décisions prises sont nulles.92(*)Il apparait en définitive comme le protecteur des actionnaires minoritaires, et joue un rôle d'observateur pour le Ministère Public. * 86 F. ANOUKAHA, M.F. SAWADOGO, P.G.POUGOUE et autres, OHADA, op. cit., p. 697. * 87 F. ANOUKAHA, A. CISSE, M. SAMBA, op. cit ,p. 518. * 88 F. ANOUKAHA, M.F.SAWADOGO, P.G.POUGOUE et autres, OHADA, op. cit p. 451. * 89 J.M. NYAMA, Eléments de droit des affaires, presses de l'UCAC, Nouvelle éd. 2002, Yaoundé, p.132. * 90 V. art. 900 de l'AUDSCGIE. * 91 V. art. 720 de l'AUDSCGIE. * 92 V. art. 701 de l'AUDSCGIE. |
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