Haà¯ti, un panorama socio économique désastreux. Tentatives d'analyses et d'explications(1970-2005)( Télécharger le fichier original )par Jean Luc FENELUS Institut national d'administration, de gestion et des hautes études internationales( INAGHEI) - Licence en adminsitration 2006 |
C- Période des déséquilibres macro et microéconomiquesLa troisième période comme nous l'avons mentionné précédemment est caractérisée par de grands déséquilibres économiques. Ainsi le pays a été choqué par le coup d'Etat du trente septembre 1991. Et, la réaction de la Communauté internationale à l'égard des putschistes a eu des répercussions sévères sur la situation socio-économique de la population. En effet l'embargo commercial imposé par la communauté internationale contre le pouvoir militaire a entraîné une accélération dans le processus du déclin affectant le système productif. La récession qui en est résultée a eu des conséquences déplorables dans tous les secteurs de l'économie haïtienne. L'analyse des données publiées par l'IHSI, indique que l'agriculture haïtienne a connu une diminution de 32% de sa valeur ajoutée de 1990/1991 à 1993/199415(*). A cela s'ajoute la réduction des exportations officielles de 200 millions à moins de 60 millions pour cette même période. De plus, les statistiques disponibles indiquent une diminution de 23% de la valeur ajoutée industrielle globale durant la période de l'Embargo. En effet, le nombre d'industries d'assemblage est passé de 191 à 97 entre 1990 et 1992 et, les branches industrielles tournées vers le marché interne ont connu une diminution importante de leur valeur ajoutée. Les investissements privés sont passés de 9,7% du PIB en 1990 à moins de 6% en 1994. Le niveau des recettes publiques est passé à seulement 3,1% du PIB en 1994 et le déficit du budget du gouvernement central qui avait atteint le chiffre record de 684 millions de gourdes en moyenne annuelle durant la période a été totalement financé par l'augmentation de la dette interne vis à vis de la Banque Centrale aggravant ainsi la dépréciation de la monnaie. Il convient aussi de signaler que la situation du change montre un taux global de dépréciation de la gourde de 46% à la fin de 1994 par rapport à 1990/1991 occasionnant ainsi une perte annuelle de 1.55% pour la période contre 2,8% pour la période antérieure16(*). L'inflation a été très sensible à cette époque au point que le taux enregistré en 1994 était supérieur à 50% et le pouvoir d'achat des salariés s'est retrouvé ainsi diminué de plus de la moitié de sa valeur réduisant par contre la capacité de la majorité de la population à faire face à ses besoins essentiels. L'ensemble de ces difficultés économiques a eu des retombées négatives sur les conditions de vie de la population haïtienne. L'analyse des données publiées par le PNUD en 1995 nous a permis de faire les considérations suivantes : Alors que la moyenne des calories par habitant et par jour est estimée à 2270 calories, la capacité alimentaire d'Haïti n'était capable que de fournir 1145,6 calories pour compenser ce déficit alimentaire, la valeur calorifique journalière des produits alimentaires importés est passée de 430 à 819 durant la même période. La dégradation de la situation alimentaire touche également la carrière scolaire et académique. En matière de scolarisation, il est estimé que 95% des garçons et 89% des filles fréquentent l'école primaire. La disparité est cependant grande entre les zones urbaines et les zones rurales. Par ailleurs, seulement 22% de la population scolarisable ont accès à l'enseignement secondaire. L'inadéquation des programmes d'enseignement, langue de formation (créole/français, la faible qualification des maîtres et l'insuffisance des moyens financiers sont parmi les facteurs qui ont limité le rendement de l'enseignement en Haïti. De plus, l'inefficience traditionnelle de l'Etat dans le secteur de l'éducation et la faiblesse des investissements dans ce domaine font que les écoles et collèges publics ne touchent au plus que 20% du total des scolarisés. Les établissements privés, dont le niveau d'enseignement est peu contrôlé par le Ministère de l'Éducation nationale, pratiquent des tarifs qui excèdent généralement les capacités financières de la majorité des parents, ce qui explique le faible taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire. Les répercussions de la dégradation de la situation économique sur la santé de la population sont également préoccupantes. En 1990, seulement 60% de la population avaient accès aux services de santé primaire. Actuellement, il est estimé que ce taux est inférieur à 50%. L'espérance moyenne de vie à la naissance qui était de 57 ans (67 ans pour l'ensemble de l'Amérique Latine) était en grande partie due au fort taux de mortalité infantile (94/1000 entre 0 et 1 an; 133/1000 entre 0 et 5 ans). Aujourd'hui cette situation s'est aggravée, réduisant l'espérance moyenne de vie à la naissance à 42 ans. Les maladies infectieuses (la tuberculose et les maladies sexuellement transmissibles) sont les plus couramment rencontrées en Haïti. L'accroissement de la population de Port-au-Prince et la bidonvilisation accélérée du milieu urbain aggravent encore davantage cette situation. Il est à cet égard significatif de noter que le nombre de malades atteints du SIDA s'accroît. Cette affection est en passe de devenir la cause principale d'hospitalisation des populations les plus démunies. Les taux de prévalence VIH étaient de 2 à 4% en milieu rural; 3% dans les couches socioprofessionnelles urbaines supérieures ; 6 à 9% dans la population urbaine défavorisée au cours de la période 1994-1996. Aujourd'hui ce chiffre est passé à plus de 12% en Haïti. Il existe à travers le pays 663 établissements de santé dont seulement une centaine dispose de structures d'hospitalisation. Mais malheureusement leur répartition géographique ne correspond pas toujours aux besoins et à la taille des différentes régions du pays. Pour pallier à l'incompétence du gouvernement en matière santé, les ONG se sont impliquées dans le domaine mais malheureusement sans cohérence et coordination. Le Ministère de la Santé Publique avec ces 9 000 salariés représente approximativement 19% de l'ensemble des employés de la fonction publique. Cependant, les professionnels de la santé ne comptent que pour 38% du total et sont concentrés en majeure partie dans la zone métropolitaine17(*). Au vue de ce qui précède nous pouvons dire que l'économie haïtienne connaît de sérieux déséquilibres, parce que les choix opérés par les acteurs politiques ont été mauvais et également les voies de développement privilégiées ont été mal orientées. * 15 BID, Investissement Secteur Loan Paper, 21 mai 1996, p.2. * 16PNUD, Rapport de coopération, 1995, p. 21. * 17 PNUD, Rapport de Coopération pour le développement, 1995, p. 23. |
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