à‰thique et pratiques communicationnelles de l' à‰glise Catholique pour la pacification de l'espace public au Burkina Faso( Télécharger le fichier original )par Anicet J. Laurent QUENUM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise en sciences de l 2002 |
CONCLUSION GENERALEPour améliorer sa visibilité et son image dans le champ politique burkinabé, l'Eglise doit certes communiquer, mais surtout communiquer par le bon exemple pour gagner le double pari de la crédibilité et de la confiance. Et moins elle s'y préparera intérieurement et plus ses fils seront déroutés. En clair, le maître devra donner au disciple une bonne raison de le suivre. L'apôtre de la paix doit inspirer la paix aussi bien par son savoir-être que par sa communication. L'Eglise doit de ce fait donner à voir davantage de modèles que de chantres ; elle doit donner à voir ce qui est bon, bien et beau. Ses représentants97(*) ont à relever le défi d'aller au-delà du message prêché et remâché depuis des lustres pour témoigner en actes leur engagement chrétien au milieu des hommes. Car, cette Eglise du troisième millénaire doit non seulement être visible mais surtout admirable. Par ailleurs, la proclamation doit faire place à la conversation voire à la discussion en vertu de ce que l'homme du 3ème millénaire, est de plus en plus réfractaire à une administration verticale et trop magistrale de la vérité. Aussi, peut on espérer que ce changement d'approche communicationnelle qualifiera encore un peu plus l'Eglise à officier en tant que médiateur et facilitateur de dialogue dans l'espace public qui a pour fondement l'exercice d'un droit égal de participation à la vie citoyenne. Il est donc utile que l'action médiatrice de l'Eglise catholique s'éclaire de ce même principe au nom duquel, «on ne saurait répondre à un argument rationnel ou raisonnable par une affirmation autoritaire ou par référence à une révélation ». Fort de cette logique, seul l'argument meilleur, selon l'entendement de HABERMAS, est digne d'arbitrer et de départager les acteurs ou les protagonistes des débats contradictoires qui animent l'espace public. Le moment est venu de bâtir une église moins introvertie, moins frileuse et moins rétive aux contrariétés et aux exigences de la vie publique. La transformation de la société est une oeuvre qui ne peut se réaliser que de l'intérieur même de la société. Et en tant qu'émanation de cette société, elle ne peut rester indifférente aux contradictions politiques qui traversent celle-ci et qui pour une large part, plonge leurs racines dans une crise de l'éthique et de la communication ou de l'éthique communicationnelle. De cela découle les conclusions majeures de ce travail, à savoir que : - Aucune paix durable ne peut s'obtenir en dehors du dialogue assimilable ici à une communication respectueuse des valeurs de vérité, de justice et de dignité humaine ; - La communication (comme le verbe) est l'alpha et l'oméga d'une démocratie pacifiée ; - La crise de la démocratie est aussi dans une large mesure une crise de la communication ; - Dans tout échec de la démocratie, apparaît, peu ou prou, le procès de la communication ; - La démocratie ne peut pas s'appliquer dans la méconnaissance du droit à l'exercice de la contestation et de la contradiction par la communication ; - Le maintien de la paix et l'approfondissement de la démocratie constituent, en définitive, l'endroit et l'envers d'une même étoffe. Pour l'Eglise98(*) en ce troisième millénaire, le défi n'est pas mince dans la mesure où elle est appelée à cheminer avec les hommes dans un monde de plus en plus heurté (politiquement), perverti (moralement), licencieux (culturellement) et déliquescent (socialement) sans jamais se laisser corrompre elle-même. Elle doit se moderniser dans son mode de communication sans pour autant trahir l'intégrité du message évangélique, sans pour autant transiger avec ses racines, sa vocation, ses idéaux humanistes et sa tradition de rempart contre l'intolérance, l'injustice et la violence sous toutes ses formes. D'ores et déjà, ce ne serait pas céder au fatalisme que de penser que le monde va continuer tel qu'il est et qu'il appartiendra à l'Eglise de le joindre sur son terrain. Comme le dit avec perspicacité Mgr Anselme T. SANOU, c'est le monde qui offre à l'église son agenda ; un agenda truffé de rendez-vous avec la démocratie, charriant tout naturellement, son inévitable cortège de tension et de contradiction. En effet, ce n'est pas désespérer d'un espace public pacifié que de prétendre que la démocratie elle-même est, par essence, un système qui se nourrit de discorde et de frictions. Alfred SAUVY va plus loin lorsqu'il soutient que « la démocratie ne consiste pas à s'unir, mais à savoir se diviser. L'unanimité, le plein accord est mauvais signe ». A la limite, cette réflexion incite à penser que l'espace public s'exposerait à l'anesthésie si la démocratie s'accommodait d'une trop grande quiétude. D'autant que, en interrogeant l'histoire contemporaine des peuples, l'on se rend à l'évidence que le vivre-ensemble de toute communauté humaine est dominé par des épisodes récurrents de gestion de conflits et de régulation de l'exercice de la violence. Et cela reste vrai pour le Burkina Faso (voir supra pp. 30-33). Seulement, cette vérité historique n'excuse rien, mais vient plutôt renchérir l'idée selon laquelle, si les conflits sont inhérents à la démocratie, c'est en revanche la capacité de les dominer et à en sortir à temps qui fait le mérite des grandes démocraties, surtout lorsqu'elles se distinguent par leur aptitude à transformer en énergies créatrices les tensions qu'elles entretiennent. Et c'est précisément à ce carrefour-là qu'est attendu le Burkina Faso. Certes, l'Eglise catholique a beaucoup donné ces dernières années, notamment depuis les processus de démocratisation en Afrique de l'Ouest. Chose d'autant plus normale qu'en matière éthique tout comme dans le champ du dialogue humain, elle a beaucoup reçu de par sa vocation. Et « à qui l'on a beaucoup donné, il sera beaucoup demandé »99(*). Dans un monde de délitement total des valeurs, elle a un message fort à délivrer. Mais, la force de ce message est encore loin d'épouser les supports modernes que la technologie offre aujourd'hui dans le domaine de la communication. Sans jouer les prophètes, le destin de l'Eglise en tant que restauratrice de relations brisées, reste intimement liée à celui de la paix tant au Burkina Faso qu'en Afrique. Tout laisse croire qu'elle éclairera de son éthique communicationnelle, marquée du sceau de la vérité et la justice, le chemin vers la démocratie consensuelle/apaisée entendue comme devant être la concrétisation d'un espace public pacifié, celui où chaque citoyen en vient à opter instinctivement pour la solution de l'union sacrée face aux menaces collectives. Car par-dessus tous, l'équation à laquelle nous invite la démocratie consensuelle/apaisée est celle de savoir gérer l'espace public au mieux des intérêts de tous les Burkinabè ? En d'autres termes, comment faire en sorte que tout le monde gagne ensemble dans des compétitions politiques où il n'y aura plus des loups d'un côté et des agneaux de l'autre ? Comment parvenir à la formulation d'un intérêt commun plus profitable à tous les Burkinabè que chaque intérêt privé pris isolement et traduisant la volonté de tous par l'exercice d'une libre communication ? Et pourtant, le pari serait gagné ou tout au moins, les Burkinabè -et pas seulement eux- seraient un peu plus proches du but si, face aux intérêts supérieurs de la nation, chacun réussissait à réprimer son « je » égoïste pour laisser s'épanouir le « nous » rassembleur et fédérateur d'énergie pour le bonheur collectif. Ce bonheur qui, comme l'enseignait déjà ARISTOTE est la finalité de toute cité. A chacun d'y apporter sa pierre. Car autant l'espace public ne peut être pacifié par la volonté de quelques-uns, autant l'ordre mondial ne saurait devenir plus juste et plus équitable par le fait de quelques nations. Et nous voilà ainsi de plain-pied dans une perspective de mondialisation qui donne à notre quête de paix une nouvelle dimension qui transcende les frontières, les drapeaux et les niveaux de revenus. En clair, la paix sera globale ou non ! Vaste chantier sur lequel l'Eglise sera forcément présente pour mener ensemble avec toutes les forces sociales et politiques, le combat pour l'avènement et le triomphe d'un nouvel humanisme face aux assauts impitoyables d'une mondialisation néo-libérale qui s'opère au profit des rapports de domination. Plus que d'autres, l'Eglise catholique est interpellée par les enjeux éthiques de la mondialisation qui lui assigne entre autres responsabilités, d'inventer de nouvelles formes de vie commune à partir d'une laïcité et d'un dialogue interculturel fondé sur le respect des droits humains, la solidarité en faveur des pauvres, l'altérité culturelle et religieuse, etc. Aussi, serait-il intéressant de l'engager (l'Eglise) dans le débat sociologique sur la recherche d'une conciliation entre la culture de l'universel, le multiculturalisme et l'expression des identités. ANNEXE 1. STATISTIQUES GENERALES DE LA PROVINCE ECCLESIASTIQUE DE L'OUEST 2. POTENTIEL DE FORMATION DE L'ARCHIDIOCESE DE BOBO-DIOULASSO 3. PRIERE POUR LES ANIMATEURS DE MEDIAS 4. LE VOCABULAIRE DU PARDON * 97 « Représentants » désignant à la fois le clergé, les religieux, les laïcs, et tous ceux qui professent la fois catholique * 98 L'Eglise comprise ici comme la grande entité regroupant à la fois, le clergé, les religieux et les laïcs * 99 La bible, Luc 12-47 |
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