à‰thique et pratiques communicationnelles de l' à‰glise Catholique pour la pacification de l'espace public au Burkina Faso( Télécharger le fichier original )par Anicet J. Laurent QUENUM Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise en sciences de l 2002 |
3.2.6 Edition 2001 de la journée diocésaine des moyens de communications sociales : sous le signe de la paixLa célébration de cette journée a été marquée le 13 mai 2001, par un office religieux à la cathédrale de Bobo-Dioulasso. L'archevêque de la ville, Mgr Anselme SANOU, qui présidait les cérémonies s'est employé à démontrer que la communication n'est pas un outil neutre encore moins inoffensif. C'est une arme à double tranchant capable de servir la paix mais aussi d'exalter et d'entretenir la haine dans les coeurs. Elle peut égarer les peuples mais peut aussi aider à tisser la fraternité et susciter l'Espérance. Ce qui fait dire au prélat Burkinabè que le but suprême de la communication, c'est de déboucher sur une Bonne Nouvelle et de permettre aux hommes et femmes de marcher ensemble dans le dialogue et la compréhension. Et cela est possible pour peu que les moyens de communication sociale soient utilisés judicieusement. A priori, le regard de l'Eglise sur les moyens de communication est donc positif. « Elle ne se contente pas de juger ou de condamner, mais elle considère plutôt ces instruments non seulement comme des produits du génie humain, mais également comme d'immenses dons de Dieu et de véritables signes des temps »50(*) D'où cette exhortation en direction des communicateurs chrétiens appelés justement à être des communicateurs de paix plutôt que d'attiser le feu de la xénophobie, du racisme et de l'ostracisme. Pour réussir une telle oeuvre, il ne suffira pas d'être un bon technicien, mais un technicien habité d'un supplément d'âme. Et pour ce type de professionnel de l'information et de la communication, la quête du merveilleux et du sensationnel doit avoir une autre consonance. 3.2.7 Les moyens humains d'une politique de communication et l'exigence de formation des prêtres à la communicationLe premier représentant de l'Eglise de Bobo-Dioulasso confirme ce qu'on pouvait souhaiter, à savoir que la formation à la communication représente pour l'archidiocèse plus qu'un souci. D'ailleurs, cette tendance à la formation des prêtres et religieuses aux techniques de la communication ne s'est jamais aussi bien dessinée pour le diocèse. Présentement, quelques prêtres sont en formation, soit à Rome, soit à l'ICAO (Institut Catholique de l'Afrique de l'Ouest) à Abidjan, en cote d'Ivoire. Il y'a une génération de prêtres qui ont été envoyés pendant deux années d'affilées au Centre de Man en Cote d'Ivoire pour des stages en communication. L'une des paroisses de la ville de Bobo-Dioulasso (Saint Vincent de Paul), est tenue par un prêtre qui a suivi une formation de communication à Angers, en France, en même temps qu'un autre de ses collègues qui enseigne actuellement dans une école catholique de la place. Devant l'ampleur des mutations des cours, il convient de former les pasteurs de demain et travailler à l'émergence d'une véritable pastorale des médias. Mais quels médias ? Puisque l'Eglise doit marcher au rythme de son temps, il va de soi qu'il ne s'agit plus aujourd'hui d'apprendre aux prêtres à calligraphier leurs homélies, mais plutôt de savoir se servir de l'outil informatique, à tirer aussi bien profit de l'utilisation du courrier électronique que de la recherche en ligne. Parallèlement, ils doivent apprendre à intervenir dans un micro et à savoir comment se tenir devant une caméra. En fait de formation, le Père Pierre Babin51(*) suggère deux pistes : une formation à caractère intellectuel, réflexif et expérientiel à partir de documents ; et une formation pratique constituée de stages dans les divers domaines des communications. Ces stages pourront lier l'immersion dans la culture médiatique et une vie spirituelle liée à l'expérience. En effet, comme cela a été écrit et souligné à double trait dans l'une des parutions des Actes de la famille diocésaine52(*),« ce serait pour l'Eglise de renoncer à une occasion providentielle et accepter de diminuer l'efficacité apostolique de ses futurs prêtres et disciples que de négliger d'inclure dans la formation de ses prêtres, de ses religieux et religieuses, le puissant avantage de la communication » Il est important que tout prêtre s'imprègne des notions essentielles de communication. Du moins, un minimum de principes est nécessaire à la pratique du prêtre qui fait quasi quotidiennement office de prédicateur dans l'exercice de son ministère. A cette occasion, le prêtre du haut de l'autel, se confond pratiquement tantôt à un pédagogue tantôt à un tribun. Or, dans l'un ou l'autre des cas, il emprunte beaucoup à la communication à cette différence fondamentale que l'homélie du prêtre relève davantage d'une communication de type vertical, on-interactive et plutôt directive. Cela est d'autant plus vrai si l'on réalise que le contenu même de la communication de l'officiant ne souffre déjà d'aucune contestation et qu'en plus, l'émetteur se soucie à peine de savoir quel sera l'impact de sa communication sur les récepteurs. v A l'évidence, la communication n'est pas un acte anodin même si elle est naturelle à l'homme. Au-delà de la compétence technique, elle requiert une qualité d'esprit, un code moral dont l'un des paliers est la vérité. Celle-ci est effet essentiel à des relations humaines voire politique saines, sincères et authentiques. Raison pour laquelle, à la faveur d'un certain sens commun du bien, on la retrouve au coeur de l'éthique chrétienne de la communication qui, à son tour, se révèle un précieux instrument de pacification de l'espace public. C'est en étant armée de cette éthique chrétienne de la communication que l'Eglise catholique a pu aborder avec confiance et espoir le redoutable pari de la restauration du dialogue rompu et de la réconciliation au Burkina Faso. La communication de crise (ou de paix) est forcément exigeante du point de vue du respect de l'éthique de la parole. Car, c'est par les éléments de sa communication (paroles, faits et gestes) que l'artisan de paix se distinguera du pyromane. Une fois encore, il convient de ne jamais perdre de vue que, si des moyens de communication ont un immense et indéniable pouvoir en tant qu'instrument de changement ou de manipulation, leur grandeur, leur portée sociale, en revanche, ne vaut que par ce que valent les hommes chargés de les utiliser. Face à de tels instruments serviables, au gré des contingences, il n'y a pas de défis plus grands que de les rendre capables du meilleur. Et c'est justement dans cette construction du meilleur qu'une référence à l'éthique chrétienne de la communication et particulièrement salutaire. Le sociologue burkinabé, Jacques Diaboado THIAMBOBIGA, va pour sa part jusqu'à établir une corrélation entre l'éthique et la démocratie : « aucune société ne peut se construire sans morale, sans règle de conduite. La démocratie va donc de pair avec l'éthique. Mieux, l'éthique constitue le cadre référentiel par excellence de la démocratie moderne »53(*). La section suivante nous renseignera sur l'usage que l'Eglise catholique burkinabé a réussi à faire de cette éthique chrétienne de la communication au profit de l'intérêt commun. La guerre peut être décidée par un petit nombre, mais la paix présuppose l'engagement solidaire de tous. (Jean-Paul II) PRATIQUES DE COMMUNICATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE POUR LA PACIFICATION DE L'ESPACE PUBLIC AU BURKINA FASO La vie politique à l'image de la vie tout court est une alternance de bonheur et de malheurs, de périodes de paix et de non-paix. De même, la vie des nations est rythmée de crises multiformes mettant à nu des désaccords parfois sévères entre citoyens sur des questions de la plus haute importance. La gestion de la démocratie vient en bonne place dans cette gamme de questions « graves » qui ont mis à mal la stabilité politique et la paix sociale au Burkina Faso depuis plus d'une décennie. Par delà la survenue de ces crises, le plus important semble se jouer à travers les modalités de sortie de ces crises et les mécanismes de pacification de l'espace public. C'est à cet exercice que s'est essayé le Burkina Faso ces dernières années avec le concours de l'ensemble de toutes ses forces sociales dont l'Eglise Catholique. A propos justement de l'Eglise catholique, elle a développé dans la perspective de cette pacification de l'espace public, des pratiques communicationnelles marquées par le souci d'un dosage entre l'esprit de tolérance et de devoir de justice et de vérité. D'où le schéma » justice, vérité et réconciliation » avec pour toile de fond, le pardon. Mais à quel niveau de pacification les Burkinabè sont ils parvenus aujourd'hui, soit deux années après la journée nationale de pardon célébrée solennellement le 30 mars 2001 ? Dans cette dernière section de notre étude où tenants et aboutissants de la réconciliation s'expriment, nous tentons de mesurer l'impact de cette journée de pardon sur le climat socio-politique du pays. Aussi nous a-t-il paru impérieux, pour garantir à la démocratie burkinabè des lendemains enchanteurs, d'inscrire l'éducation à la citoyenneté et à la paix dans l'agenda politique du pouvoir et de la société civile dans son ensemble. * 50Cf. inter mirifica, n 1. Evangéli nutiandi,N.45 ; Redemptoris missio. N.37) * 51 Cf. inter mirifica. N 1 ; evangéli nutiandi, n°45 ; redemptoris missio. N°37 * 52 N°189 du 15 avril 1995, (page 11) * 53 Réflexion recueillie à travers des échanges par courrier électronique le 06 mars 2003 |
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