O. INTRODUCTION
O. 1 PROBLEMATIQUE
Nous sommes aujourd'hui en présence d'un
véritable clavier des droits de l'homme qui raisonne quelle que soit la
partie du monde concernée, et dont l'existence participe du
caractère sacré de la personne humaine.1(*)
Le droit international relatif aux droits de l'homme vise
à protéger l'ensemble des droits dont chacun a besoin pour mener
une vie pleine, sûre et saine en toute liberté et
sécurité. Ces droits nous confèrent, dignité et
égalité, ils garantissent la possibilité de
répondre à nos besoins fondamentaux que sont l'alimentation, la
santé, l'éducation, le travail...La procédure de garantie
des droits fondamentaux joue à ce titre un rôle majeur pour
veiller au respect de ces droits. Celle-ci se résume à un
ensemble de dispositions, et procédés visant à
empêcher les violations des droits humains, à les sanctionner par
la réparation des dommages subis du fait de ces atteintes.2(*)
Il importe donc que l'application des droits de l'homme
(droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels,
droits de solidarité) déclarés indivisibles par ailleurs
et des libertés fondamentales soit garantie par un système de
protection efficace, dans le cadre des organisations universelles et
régionales, les Etats ayant l'obligation « erga
omnes » de les respecter.3(*)
L'universalisation des droits de l'homme postule
également l'universalisation des procédures : on ne peut pas
prétendre adhérer à un système des valeurs en y
soustrayant ce qui apparait en définitive comme la plus grande
conquête en matière de défense des Droits de l'homme
à savoir la soumission des Etats à des juridictions
internationales.4(*)
Ce dernier aspect mérite de retenir l'attention. Il
implique également qu'on s'y attarde en raison du fait qu'aussi
importants et étendus que soient les droits de l'homme, ce sont les
garanties de leur respect ou les réparations qu'impliqueraient leurs
violations qui sont déterminantes.
Ainsi, la définition conventionnelle des droits de
l'homme, aussi bien sur le plan universel que sur un terrain régional,
appelle un système de mise en oeuvre satisfaisant.
Les auteurs conscients de cette nécessité,
paraissent unanimes à reconnaitre le besoin d'établir, en
même temps que des pactes ou des conventions définissants les
droits de l'homme, un système garantissant leur mise oeuvre au moyen de
procédures internationales appropriées.
Puis si l'on passe du terrain doctrinal à celui de la
pratique, on retrouve en dernière étape, après quelques
flottements ou réactions de la part de certains Etats, ce même
souci de mise en oeuvre5(*).
L'on sait qu'au plan international, le système de
protection des droits de l'homme repose dans son aspect normatif sur la charte
internationale des droits de l'homme. La charte se compose respectivement de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 12 décembre
1948, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
adopté en 1966, entré en vigueur en 1976 ; du pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
adopté et entré en vigueur au même moment que le
précédent ; du premier protocole facultatif se rapportant au
pacte international relatif aux droits civils et politiques portant sur le
recours individuel ; du deuxième protocole facultatif se rapportant
au pacte international relatif aux droits civils et politiques , entré
en vigueur en 1988 et portant sur l'abolition de la peine de mort. Ces
instruments juridiques qui consacrent les normes générales
relatives aux droits de l'homme ont été à l'origine de
plusieurs autres textes internationaux. Dans son aspect institutionnel, l'on
relève le rôle majeur de l'ONU avec ses différentes
composantes. Les organes juridictionnels à vocation universelle,
s'inscrivent également dans cette logique. Il s'agit
précisément de la cour pénale internationale6(*).
Au plan régional, il conviendra de présenter le
système de protection des droits fondamentaux dans le continent
européen, américain et africain. En Europe, le noyau dur de ce
système s'arrime autour de la convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales de septembre
1950 ; de la commission et de la cour européenne des droits de
l'homme. En Amérique, le système repose sur la convention
américaine relative aux droits de l'homme de juillet 1978 ; de la
commission et de la cour inter américaine des droits de l'homme. En
Afrique, le système de protection des droits fondamentaux reposait avant
janvier 20047(*) sur la
charte africaine des droits de l'homme et des peuples d'octobre 1981 ; la
commission africaine des droits de l'homme et des peuples ; la
conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de
l'unité africaine (OUA) devenue l' Union africaine (UA).
Au plan sous-régional africain, la Cour africaine n'est
pas le seul organe judiciaire supra étatique susceptible de veiller au
respect des droits garantis par la Charte africaine et de condamner un Etat
pour la violation de ces droits. C'est aussi le cas de certaines Cours de
justice des Communautés économiques régionales (CER).
Trois des cours de ces CER sur les huit reconnues par l'union africaine (UA)
disposent implicitement ou explicitement d'un mandat de systèmes de
promotion et de protection des droits de l'homme.
Il s'agit du Tribunal de la SADC et de la Cour de justice de
la CEA qui ont compétence pour tous litiges concernant l'application des
Traités constitutifs des Communautés, ces derniers engageant les
Etats au respect des droits garantis par la Charte africaine. La Cour de
justice de la CEDEAO a, elle, une compétence explicite quand au respect
des droits de l'Homme. L'article 9(4) de son Protocole supplémentaire
(adopté en 2005) donne à la Cour compétence pour
connaître des cas de violations des droits de l'Homme commises par un
Etat Partie. Tous ces organes judiciaires des CER africaines garantissent le
droit de recours individuel.8(*)
D'une manière générale, toutes ces
procédures sont identiques : elles ne peuvent être
utilisées que dans des cas où les moyens légaux, au niveau
national, ont été épuisés. Elles ne peuvent pas
être effectuées anonymement et doivent présenter des
informations exactes et objectives etc.9(*)
Par ailleurs, il sied de noter que cette justice
internationale étant déjà en place, il fallait attendre
une période encore plus récente pour que les États
acceptent la compétence d'un juge international pour des litiges les
opposant à des particuliers. Mais, le système international de
protection des droits de l'homme ne fait pas exception à la restriction
du droit procédural international en ce qui concerne l'accès des
individus à la justice internationale. Que ce soit au niveau des
mécanismes de l'Organisation des Nations Unies (ONU) ou des autres
systèmes régionaux des droits de l'homme, le droit de recours
individuel fait généralement l'objet d'une clause facultative, la
compétence de ces organes à examiner des requêtes
individuelles étant soumise à la déclaration de la
reconnaissance de cette compétence par les Etats concernés.
C'est ainsi que les requêtes ou communications
individuelles adressées à la commission africaine des droits de
l'homme et des peuples, à la défunte commission européenne
des droits de l'homme, à la commission interaméricaine des droits
de l'homme, au comité des droits de l'homme de l'ONU ou à la Cour
internationale de justice10(*), par exemple, font l'objet d'un filtrage avant leur
enregistrement ou leur notification aux Etats contre lesquels elles sont
introduites.
Ayant remporté la bataille pour l'entrée en
vigueur de la Cour, celle pour son effectivité commence. Elle implique
plusieurs facteurs notamment la ratification du Protocole par le plus grand
nombre d'Etats et l'acceptation du droit de recours individuel.11(*)
Au cours de cette étude, nous allons nous appesantir
essentiellement sur la manière dont le Protocole créant la Cour
africaine aborde la question de l'accès des individus à la Cour
africaine. Il nous faudra ensuite faire un aperçu de l'application de
la Charte africaine par les juridictions sous-régionales et entrevoir
les relations qui existeront entre celles-ci et la Cour africaine.
En effet, le Protocole créant la Cour prévoit la
compétence obligatoire de la Cour pour toutes les affaires
portées devant celle-ci par la Commission africaine, les Etats parties
ou une organisation intergouvernementale africaine, et une compétence
facultative de la Cour en ce qui concerne les affaires soumises par un individu
ou une organisation non gouvernementale. On pourrait bien entendu regretter le
caractère purement facultatif de la compétence de la Cour
concernant les requêtes individuelles.
Cette compétence n'étant que facultative, elle
est soumise à la volonté préalable de l'Etat accusé
de violations des droits de l'Homme. En fait, les individus et ONG ayant le
statut d'observateur auprès de la Commission africaine peuvent saisir
directement la Cour si et seulement si l'Etat en cause, partie au Protocole, a
fait une déclaration au titre de l'article 34.6 du Protocole autorisant
une telle démarche.
Il s'agit ici d'une des limitations principales du
système africain de protection des droits de l'Homme. En effet,
l'expérience de la Commission africaine et celle des autres cours
régionales, nous a montré que les Etats sont peu enclins à
déposer des plaintes contre d'autres Etats. Cette possibilité n'a
été que très peu utilisée par les Etats, ceux-ci
hésitant à s'attaquer à leurs homologues par peur d'effet
boomerang. Un exemple : en 1999, la République démocratique du
Congo a porté une communication devant la Commission contre le Burundi,
l'Ouganda et le Rwanda pour dénoncer les violations graves et massives
des droits de l'Homme et des peuples commises par les forces armées de
ces trois pays dans les provinces congolaises de l'est touchées par un
mouvement de rébellion depuis août 1998. Elle n'a jamais
été utilisée dans le système interaméricain
et seulement une vingtaine de fois contre 57100 plaintes individuelles devant
la Cour européenne12(*). En d'autres termes, si les Etats parties au
Protocole ne font pas la déclaration au titre de l'article 34.6,
l'activité de la Cour sera fortement réduite. Et la cour a fait
bon usage de cette disposition de l'article 34.6 lors de son premier
arrêt et a conclu à son incompétence parce que le
Sénégal n'avait pas encore fait la déclaration en vertu de
l'article que nous venons de citer13(*).
Or, la capacité de la Cour de recevoir des
communications individuelles est fondamentale pour sa crédibilité
dans son rôle de lutte contre l'impunité et de protection des
droits de l'Homme sur le continent. Pourtant, parmi les Etats ayant
ratifié le Protocole, seuls le Burkina Faso, le Mali, le Malawi, la
Tanzanie et le Ghana ont fait une déclaration au titre de l'article
34.6.
Alors, à l'aune de toutes ces considérations et
notant d'une part, que le principe de création de cette instance
judiciaire continentale constitue une avancée relative en matière
de protection des droits de l'homme et qu'il est loin d'avoir
réglé tous les problèmes liés à
l'effectivité de l'autorité et à l'étendue des
compétences de celle-ci. D'autre part, que les Cours de justice des CER
africaines que ce soit la CJCEDEAO14(*) , la CJCAE15(*) ou le Tribunal de la SADC16(*)se fondent sur les droits
garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples pour
rendre leurs arrêts et que plusieurs pays africains étant
simultanément membres de plusieurs CER, une possibilité de
chevauchement et de conflit de compétences existe, plusieurs
questionnement surgissent.
En premier lieu, le droit de saisine des individus et des
ONG, étant limité aux Etats l'ayant explicitement
accepté, il s'agit ici d'une des limites majeures de la Cour,
même si les individus et les Organisations non gouvernementales (ONG)
peuvent tenter de contourner cet obstacle par le biais de la Commission
africaine en faisant bon usage de l'article 5.2 du Protocole pour les Etats
ayant au moins ratifié le Protocole. La capacité de la Cour de
recevoir des communications individuelles est fondamentale pour sa
crédibilité. Or, il ne faut surtout pas compter sur la bonne foi
des Etats. Nous constatons avec l'Association pour la prévention de la
torture17(*) qu'avec cette
disposition de l'article 34.6 nous ne pensons pas que les Etats vont
déborder d'enthousiasme pour se bousculer à faire la
déclaration de reconnaissance de la cour à recevoir des
requêtes individuelles. En plus, on ne peut non plus s'imaginer que d'un
coup les Etats vont sortir de leur léthargie voire de leur
complicité passive pour s'indigner devant des violations qui se
commettent chez leurs voisins et les dénoncer devant la cour.
En second lieu, à présent, il est difficile
d'entrevoir les relations qui existeront entre les Cours de justice des CER et
la Cour africaine. La concurrence de ces juridictions pourrait amener des
différences d'interprétation de la Charte africaine et ainsi
entraîner une protection différente de ces droits.
Sur la base de tous ces développements qui
précèdent, nous soulevons les questions suivantes :
- Sous quelles conditions les personnes physiques ou morales
africaines et les organisations non-gouvernementales peuvent porter le cas
d'une violation d'un droit de l'Homme directement devant la Cour africaine et
devant les juridictions des CER?
- Un Etat ne pourrait-il pas accepter la compétence de
la Cour pour une affaire donnée. En d'autres termes, l'article 34.6 du
Protocole admet-il l'acceptation ad hoc de la compétence de la
Cour ?
- Le glissement des juridictions sous-régionales du
champ économique vers le champ de la protection des droits de l'homme ne
risque-t-il pas de placer les individus dans un désarroi ou de placer la
Cour africaine et ces juridictions dans un forum shopping ?
En réalité, affirmons-le, c'est à ces
questions que le présent travail se propose de répondre, et eu
égard à ces interrogations, quelques hypothèses sont
envisageables.
0.2 HYPOTHESES
- Les personnes physiques et les organisations
non-gouvernementales peuvent, sous certaines conditions, porter le cas d'une
violation d'un droit de l'Homme directement devant la Cour ou indirectement via
la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples.
Pour décider du respect ou non de ces conditions -
étape obligatoire avant l'examen au fond de l'affaire, la Cour peut
s'inspirer des décisions pertinentes de la Commission africaine qui
applique depuis le début de ses travaux les mêmes exigences pour
la recevabilité des communications portées devant elle. Seule
différence, pour qu'une requête soit directement reçue par
la Cour, l'Etat contre lequel un individu ou une ONG porte plainte doit avoir
fait la déclaration au titre de l'article 34.6 du Protocole. Les
juridictions des CER prévoient des conditions d'accès moins
rigoureuses et permettent aux individus d'accéder directement à
la Cour. La CJCEDEAO apparait comme une juridiction de première instance
en supprimant la règle de l'épuisement des recours internes pour
accès à services.
- Conforment au Protocole, la Cour peut permettre aux
individus de la saisir directement à condition que l'Etat en cause ait
fait la déclaration de l'article 34.6 du Protocole. Cette condition
risque de placer la Cour dans un rôle de figurant où les nobles
objectifs qui ont guidé l'adoption même du Protocole seraient
compromis.
Eu égard à cela, seule la saisine indirecte via
la Commission reste possible aux individus et aux ONG pour saisir la Cour. En
plus de ce seul moyen qui reste aux particuliers nous avons envisagé, en
ayant en face le principe de consensualisme qui caractérise la justice
internationale lui-même dérivé de celui de la
souveraineté des Etats18(*), certains mécanismes par lesquels les
individus pourraient accéder directement à la Cour. C'est ainsi
qu'après lecture combinée des articles 5.3 et 34.6 du Protocole
nous avons proposé une bonne solution de compromis pour les Etats
réticents à déposer une telle déclaration. Il
s'agit du forum prorogatum ou juridiction de la Cour au cas par cas
sans que l'Etat en cause n'ait à se lier pour l'avenir comme ils le
feraient avec le dépôt d'une déclaration d'acceptation
facultative. Ayant beaucoup d'honneur à la souveraineté des Etats
nous avons proposé une révision partielle du Protocole qui
porterait suppression de l'article 34.6 qui est contraire aux droits de
l'homme.
- Les chevauchements des compétences entre la Cour
africaine et les juridictions des CER doivent être compris comme une
avancée dans la protection des droits de l'homme et un dialogue en amont
doit exister entre ces juridictions afin d'éviter des
interprétations et des applications dissonantes des droits
protégés par la Charte africaine. Pour enfin aboutir à la
coexistence matérielle des instruments que protègent ces
différentes juridictions et ainsi prévenir autant que faire ce
peu la fragmentation du droit africain des droits de l'homme en
construction.
Les hypothèses étant des réponses
provisoires aux questions de recherche, elles seront soit confirmées,
nuancées ou rejetées à la conclusion du travail. Mais
avant cela, elles doivent faire l'objet d'une vérification.
L'analyse des recours individuels dans le système
africain de protection des droits de l'homme est un sujet qui revêt un
intérêt indéniable.
0.3 INTERET DU TRAVAIL
Ce travail a l'insigne vertu de servir de
référence au citoyen en général et au juriste. Il
présente de ce fait un intérêt à la fois social
(A) et scientifique (B).
A. Intérêt social
L'intérêt social dans le cadre de ce travail est
manifeste dans le sens où, la société est
considérée comme étant l'azur de toutes les implications
qui peuvent découler des décisions des Etats, des organisations
internationales et des juridictions internationales notamment ici la Cour
internationale de justice.
La vie et les activités des populations restent donc
liées au prononcé du juge international face aux droits de
l'homme.
B. Intérêt scientifique
L'intérêt scientifique ici suppose l'apport de
cette étude dans le monde de la science et de la recherche, en ce qui
concerne la problématique du droit de recours individuel devant la Cour
africaine et l'application de la Charte africaine par les juridictions
sous-régionales des CER. Cette étude en fait se propose
d'envisager, dans un premier temps, l'accès direct des individus
à la Cour. Il s'agit pour nous d'examiner d'abord la démarche
scientifique, ensuite le raisonnement juridique et enfin l'appréciation
juridique de la Cour lorsqu'elle est amenée à se prononcer sur sa
saisine et les modalités de sa saisine telles qu'organisées par
les articles 5.3 et 34.6 du protocole.
En effet, il ressort de la lecture combinée des
articles 5.3 et 34.6 du Protocole que la saisine directe de la Cour par un
individu est subordonnée au dépôt par l'Etat
défendeur d'une déclaration spéciale autorisant une telle
saisine. Or, en plus su fait que les Etats africains ne se pressent pas
à faire une telle déclaration, ils sont peu enclins à
saisir la Cour contre les violations commises par leurs pairs alors que ce ne
sont pas des occasions qui manquent.
Face au danger que court la Cour
0.4 METHODOLOGIE DE TRAVAIL
A. METHODES DE TRAVAIL
Le processus méthodologique que nous avons choisi dans
l'élaboration de ce travail est la recherche-action. Cette
méthode n'est pas un simple avatar méthodologique de sociologie
classique, elle exprime au contraire une véritable transformation de la
manière de concevoir et de faire de la recherche en sciences humaines.
Il s'agit là d'une recherche à l'intérieur de la quelle il
y a une action délibérée de la transformation de la
réalité, mais aussi et surtout de produire des connaissances pour
réaliser ces transformations.
B. La recherche documentaire
Les techniques d'enquête renvoient aux conditions
pratiques de collecte d'informations. Nous avons opté dans
l'élaboration de ce travail à la recherche documentaire.
La recherche documentaire consiste à fouiller dans les
ouvrages et dans différentes publications comme les revues ou les
journaux : les textes de loi, les éléments de doctrine et de
jurisprudence qui permettent de cerner et d'apprivoiser l'objet d'une
étude. Ce type de recherche est réalisable dans les
bibliothèques et dans les centres d'études et de recherches. Nous
avons choisi cette technique, parce qu'elle cadre parfaitement avec l'objet de
notre étude. Il s'agit simplement pour nous d'examiner le raisonnement
et la contribution de la Cour lorsque celle-ci est confrontée aux
problèmes des droits de l'homme. Ainsi, pour mieux cerner l'objet de
cette étude, notre attention sera focalisée sur les textes, la
doctrine et la jurisprudence de la Cour en matière des droits de
l'homme. La recherche documentaire s'est déroulée dans les
bibliothèques de l'Institut Catholique de Yaoundé et de
l'APDHAC39(
*),
lesquelles ensemble disposent d'à peu près dix mille ouvrages
dans leur fonds documentaire.
PLAN SOMMAIRE
En plus de l'introduction et de la conclusion, le
présent travail est subdivisé en trois chapitres. La justice
internationale étant Nous avons trouvé nécessaire
d'aborder le premier sous l'angle des exigences qui rendent difficile
l'accès des personnes physiques et des ONG à la Cour africaine et
aux trois cours régionales. Ce chapitre est intitulé : les
conditions de recevabilité des recours individuels dans le
système interafricain de protection des droits de l'homme.
Chapitre I. CONDITIONS DE RECEVABILITE DES RECOURS INDIVIDUELS
DANS LE SYSTEME INTERAFRICAIN DE CONTROLE JUDICIARE DES DROITS DE L'HOMME
Nous examinerons dès l'abord les conditions de
recevabilité pour qu'une requête individuelle soit recevable
devant la Cour africaine qui est le préalable à toute demande en
justice (section Ière). Nous ferons également une analyse
succincte des conditions de recevabilité des recours individuels devant
les Cours de justice des CER (section II).
Section Ière : les conditions de
recevabilité des requêtes devant la Cour
Avant d'apprécier le contenu substantiel de toute
requête, la Cour doit vérifier que les exigences formelles
requises pour la mise en oeuvre de sa juridiction sont satisfaites.
Le protocole ne consacre que trois courts paragraphes
à la question de la recevabilité des requêtes et le
moins que l'on puisse dire est que la manière dont il traite de cette
question importante n'est pas très satisfaisante en raison de son
manque de clarté.
Pour décider du respect ou non des ces exigences, la
Cour se fonde sur le Protocole, la Charte ou même son Règlement
intérieur final adopté la 07 septembre 2010.19(*) Elle peut s'inspirer de la
jurisprudence de la Commission mais avec plus d'attention à l'article
34.6 du Protocole qui n'a pas de correspondant que ce soit dans la Charte ou
dans le Règlement intérieur de la Commission de tel que
révisé par la 47ème session de la commission africaine du
12 au 26 mai 2010 entré en vigueur la 18 août 2010.
Elle pourra aussi se servir de l'expérience
précieuse de ses devancières régionales à savoir la
cour européenne et la cour interaméricaine.
Il sera question dans cette section d'analyser d'abord les
conditions générales qui ont trait à la compétence
(§1), ensuite les conditions spécifiques qui ont trait à la
recevabilité (§2) en nous appuyant surtout sur le Protocole, la
Charte et la jurisprudence de la commission. Un regard sera jeté sur la
manière dont les autres mécanismes de protection examinent ces
exigences quant ils sont devant un recours individuel.
§1: Les conditions
générales de recevabilité
Sous cette section nous traiterons en premier lieu des
conditions relatives à la compétence de la Cour (§1) et en
second lieu des autres conditions générales (§2)
I. Conditions relatives à la compétence de la
Cour
A. La requête doit émaner d'un individu ou d'une
ONG ou de leurs représentants
Cette question est celle de la compétence de la
personnelle ou compétence ratione personae de la cour en matière
des requêtes individuelles ; elle est régie par l'article 5.3
du Protocole.
Selon l'article 5.3 du Protocole : « La Cour
peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales
(ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la Commission
d'introduire des requêtes directement devant elle, conformément
à l'article 34(6) de ce Protocole ».
La requête peut être portée par tout
individu ou peuple20(*). Il n'est pas
forcément la victime ou un membre de la famille de la victime de la
violation des droits de l'Homme portée à la connaissance de la
Cour.
Le plaignant ne doit pas forcément être de la
nationalité de l'Etat contre qui l'affaire est portée devant la
Cour.
La requête peut être portée par toute ONG
ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine. L'ONG
ne doit pas nécessairement avoir un intérêt
spécifique dans l'affaire : elle n'est pas obligée d'être
victime de la violation alléguée devant la Cour pour être
recevable.
Il s'agit ici de l'actio popularis. En d'autres termes,
à la différence des autres cours régionales, la
faculté donnée aux individus et aux ONG de saisir la Cour n'est
pas limitée à un intérêt à agir particulier,
comme celui d'être une victime directe de la violation des droits de
l'Homme. Une fois l'autorisation donnée par un Etat Partie,
conformément à l'article 34.6 du Protocole, tout individu ou ONG
ayant le statut d'observateur à la Commission africaine, quelle que
soit sa nationalité civile ou juridique, peut accéder à
la Cour pour contester les violations des droits de l'Homme commises par cet
Etat21(*).
B. La
requête doit être dirigée contre un Etat partie qui a fait
une déclaration spéciale
Cette condition est relative aux modalités
d'acceptation de cette compétence par un Etat et sont prévues
à l'article 34.6 du Protocole.
La requête doit être dirigée contre un Etat
partie qui a fait une déclaration au titre de l'article 34.6 du
Protocole autorisant une saisine directe des individus et des ONG ayant le
statut d'observateur auprès de la Commission africaine.
Cet article 34.6 se lit : « A tout moment,
à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit
faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour
recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du
présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en
application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait une telle déclaration. »
Cette disposition pose les modalités d'acceptation de
compétence de la cour par un Etat en matière de requêtes
individuelles.
Cette question de compétence a été
spécifiée et distinguée de la question de
recevabilité dans l'arrêt son tout premier arrêt, où
la Cour a affirmé que la condition exigée à l'article
34(6) avait bien trait à la compétence et non à la
recevabilité en ces termes : « La cour
rappelle que la seconde phrase de l'article 34(6) Protocole prévoit
qu'elle ne « ne reçoit aucune requête en application de
l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration ». Le terme
« reçoit » ne doit cependant être entendu ni
dans son sens littéral, comme renvoyant au concept de
« réception », ni dans son sens technique, comme
renvoyant au concept de « recevabilité ». Il doit
plutôt être interprété à la lumière
tant de l'esprit que de la lettre de l'article 34(6) pris dans son
intégralité et en particulier de l'expression
« déclaration acceptant la compétence de la Cour pour
recevoir les requêtes individuelles » figurant dans la
première phrase de cette disposition.de « pouvoir »
de la cour de « connaitre de cette requête. Il ressort donc
clairement de la lecture de cette lecture que l'objectif de l'article 34.6
susmentionné est de régler les conditions pour que la cour puisse
connaître de telles requêtes, à savoir l'exigence du
dépôt d'une déclaration spéciale par l'Etat
concerné, et de tirer les conséquences de l'absence de d'un tel
dépôt par cet Etat ».22(*)
En nous référant à ces deux disposition
à savoir les articles 5.3 et 34.6 on peut dire que la compétence
de la cour quant aux recours individuels n'est subordonnée qu'à
ces deux conditions analysées ci-haut.
Le juge Fatsah OUGUERGOUZ fait remarquer dans l'exposé
de son opinion individuelle joint à l'arrêt de la Cour
susmentionné, que le paragraphe 31 de l'arrêt énonce
cependant, non sans ambiguïté, que pour que la Cour
« puisse connaître d'une requête contre un Etat partie
émanant directement d'un individu, il faut qu'il y ait conformité
avec, entre autres, de l'article 5 et 34.6 du Protocole. Il estime que si la
question ici était celle de la compétence de la cour,
l'expression « entre autres » porte à confusion car
elle laisse entendre que cette compétence est subordonnée
à une ou plusieurs autres conditions qui ne sont pas
précisées. Or, il n'y a pas d'autres conditions à la
compétence en la matière que celle posée par l'article
34.6 et 5.3 estime le Juge.
Le juge ajoute que si toutefois l'expression « entre
autres » visait également les conditions de
recevabilité de la requête, il n'existerait plus de lien logique
entre le paragraphe 31 et le paragraphe 29 de l'arrêt dans lequel la Cour
se propose d'examiner en premier lieu la question de sa compétence. Il
serait surtout difficile de comprendre le sens du paragraphe 39 dans lequel la
Cour donne son interprétation du verbe « recevoir »
utilisé à l'article 34.6 du Protocole. Ainsi, sauf à
préciser le sens de l'expression « entre autres »,
la cour aurait en conséquence dû faire l'économie de cet
ajout.
Le juge dit en définitive que les articles 5.3 et 34.6
doivent être lus dans leur contexte, c'est-à-dire, en particulier,
à la lumière de l'article 3 du même Protocole,
intitulé « compétence de la cour » et dit que
cette compétence doit être distinguée de la saisine et
c'est cette distinction qui explique pourquoi la cour n'a pas rejeté de
plano la requête sur la base d'une absence manifeste de
compétence, et ce, par la voie d'une simple lettre du Greffe, et qu'elle
a pris le temps de se prononcer solennellement par la voie d'un
arrêt.23(*)
Sur ce point nous avons fait une analyse de l'expression
« entre autres » et nous avons trouvé qu'il est
prévu dans le Protocole une disposition qui limite la temporellement la
compétence de la Cour que nous examinons dans le point C.
C. La
condition de l'article 34.3 du Protocole
La requête doit concerner des faits qui relèvent
de la juridiction de l'Etat en cause et qui sont postérieurs à la
date du dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par
ledit Etat. Ainsi, si un Etat a ratifié le Protocole le 1er janvier 2006
en faisant la déclaration au titre de l'article 34.6, le plaignant ne
peut porter une affaire devant la Cour que pour dénoncer une violation
des droits de l'Homme commise par cet Etat après le 1er janvier 2006.
Ici exception doit être faite des disparitions
forcées des personnes constitutif de crime contre l'humanité, qui
ont un caractère continu et donc imprescriptibles car il est admis en
droit international que les disparitions forcées sont des violations
continues.24(*)
II. Les autres conditions
Il faut que la ou les violations
alléguées dans la requête portent sur l'un des droits
garantis par la Charte africaine ou tout autre instrument régional ou
international pertinent relatif à la protection des droits de l'Homme
ratifié par l'Etat en question.
Cette condition a trait à la recevabilité des
requêtes devant la cour et est déduite de la lecture des
dispositions des articles 3 et 7 du Protocole et 60 et 61 de la Charte et
l'article 34 du Règlement de la cour.
Toute requête qui déroge à l'une de ces
conditions sera déclarée irrecevable par la Cour
§2. Les conditions
spécifiques de l'article 6. 2 du Protocole
Outre les conditions générales de
recevabilité, la requête doit remplir certaines conditions
particulières pour être examinée par la Cour. Celles-ci
sont prévues par l'article 6 du Protocole qui renvoie aux dispositions
de l'article 56 de la Charte, relatives aux conditions de recevabilité
des communications devant la Commission africaine.
Puisque l'article 6.2 du Protocole renvoie à l'article
56 de la Charte, les conditions spécifiques de recevabilité d'une
requête d'un individu ou d'une ONG sont les mêmes devant la
Commission et la Cour. Ces conditions de recevabilité de l'article 56
qui correspond à l'article 40 du Règlement intérieur de la
Cour, sont destinées à servir de crible, afin d'assurer que la
Commision consacre son précieux temps à l'examen de violations
importantes conformes aux directives prescrites.
Plus récemment, le non épuisement des recours
internes est devenu la première cause des décisions
d'irrecevabilité25(*).
Ainsi, pour connaître les conditions de
recevabilité des requêtes devant la Cour africaine, il est
nécessaire de se référer à la jurisprudence de la
Commission (présentée ci-après) si toutefois la Cour
décide de la suivre. Disons que la Cour n'est pas obligée de la
suivre. Elle a été créée par un traité
différent de celui qui a crée la Commission à savoir
respectivement le Protocole et la Charte.
En conformité avec les dispositions de l'article 56 de
la Charte auxquelles renvoie l'article 6.2 du Protocole et auxquelles fait
référence l'article 40 du Règlement intérieur de la
Cour, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les
conditions ci-après :
§1. La requête est recevable si elle indique
l'identité de son auteur
Aux termes du premier paragraphe de l'article 56 de la Charte
africaine et de l'article 40.1 du règlement de la Cour, la requête
doit indiquer l'identité de son auteur même si celui-ci demande
à la commission de conserver l'anonymat de l'auteur de la requête
sera garanti par la
Cette exigence est commune à tous les systèmes
régionaux de protection des droits de l'homme. Elle a été
prévue par l'article 3...(1) littera a de la convention
européenne, l'article 46.1 littera d de la Convention
interaméricaine et l'article 3 du Protocole facultatif au PIDCP.
L'obligation de décliner l'identité peut
être mal interprétée. On a fait valoir, à tort, que
c'est l'identité de la victime ou des victimes, véritables
requérants, qui doit être déclinée. La
jurisprudence européenne va dans ce sens. (...) En revanche, la
jurisprudence du système Africain, par une approche libérale de
la disposition sous examen, fournit une interprétation plus conforme
à l'objet et au but de la Charte. Ce qui est recherché au stade
de la recevabilité, c'est moins l'identité des victimes que celle
des personnes par lesquelles les victimes agissent ; identité
indispensable en effet, pour le déroulement de la procédure et le
suivi du dossier. Ainsi, à l'occasion de l'examen groupé de
plusieurs communications concernant les violations des droits de l'homme en
Mauritanie la Commission a précisé que si les auteurs des
communications doivent décliner leur identité, il n'est pas
requis qu'ils soient personnellement victimes ou que des membres de leur
famille le soient. (...) 26(*)
Il n'est donc pas nécessaire que les noms des victimes
soient indiqués, l'identité de la personne physique ou morale
agissant en leur nom suffit. D'ailleurs, la Commission a innové dans
son règlement actuel, plus particulièrement l'article 93.2
littera b et 3, tel que révisé par la Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples lors de sa 47e session ordinaire tenue
à Banjul (Gambie) du 12 au 26 mai 2010 et entré en vigueur le 18
août 201027(*) .On observera
que selon une certaine jurisprudence de la défunte commission
européenne, n'est pas anonyme la requête dont le dossier contient
des éléments dont le dossier contient des éléments
permettant d'identifier le requérant28(*).
L'obligation d'indiquer l'identité du requérant
vise à faciliter la correspondance entre la Commission et le
requérant en vue du suivi de la procédure pour une protection
effective des droits de l'homme et des peuples.
§2. La requête est recevable si elle est
compatible avec l'Acte constitutif de l'UA et la Charte
Pour être recevable selon l'article 56.2 de la Charte,
la requête doit se référer aux dispositions de la Charte
africaine ou de la Charte de l'OUA supposées avoir été
violées. Cette condition est posée dans des termes sensiblement
différents par le paragraphe 2 de l'article 40 du Règlement de la
Cour qui exige en effet que la requête soit compatible non seulement avec
la Charte mais également l'acte constitutif de l'UA. Dans ces conditions
il est semble que cette compatibilité doive être
appréciée à l'égard de ces deux instruments.
Soulignons que le Protocole de la Cour admet également
comme recevable les requêtes fondées sur la violation d'un
instrument international ou régional de protection des droits de l'Homme
ratifié par l'Etat en cause. Les deux autres systèmes
régionaux prévoient cette condition presque dans les mêmes
termes.29(*)
On peut observer quant à ce que pour être
compatible avec la Charte toute communication doit simplement rentrer dans le
cadre de la compétence rationae materiae, rationae personae, rationae
loci et rationae temporis de la commission ; dans le cas présent,
de la Cour ; en r&alité c'est principalement la
compétence matérielle et personnelle de cette dernière qui
risque de soulever les plus sérieuses contestations30(*).
La compétence matérielle de la Cour n'est
donc pas « liée » à celle de la Commission qui
ne peut pour sa part connaître que de l'interprétation et
de l'application des droits garantis par la charte africaine (article
45, § 2). L'originalité de l'article 3 du protocole
réside dans le fait que la Cour pourra connaître de
l'interprétation et de l'application non seulement du protocole
lui-même, ce qui paraît aller de soi, bien que celui-ci ne
consacre aucun droit de l'homme, mais également et surtout de tout
autre instrument conventionnel relatif aux droits de l'homme «
ratifié par l'État concerné »31(*).
La commission en traitant de la question a montré que
les allégations portées dans les communications doivent
renseigner prima facie sur la disposition de la Charte qui a été
violée. La Commission a déclaré irrecevable la
communication Korvah C. Libéria en considérant que les cinq
affaires relatées dans cette communication ne constituent pas des
violations des droits de l'homme aux termes des dispositions de la Charte.32(*)
Cette condition l'article 56.2 donne à la Cour un
important pouvoir de filtrage des requêtes en intégrant - de
manière conceptuellement discutable comme on vient de le
démontrer- à la recevabilité des considérations
tenant au fond. Dans le système européen, il est également
donné à la Cour européenne l'occasion de connaitre des
questions du fond abordées dans les décisions de
recevabilité33(*).
En témoigne par exemple la décision
d'irrecevabilité rendue sur base de cette disposition dans l'affaire
Katangese People's Congress C. Zaire. La demande d'indépendance du
Katanga n'avait aucun fondement au regard de la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples.34(*)
Dans cette affaire la question de la sécession du
Katanga ne put franchir ce premier obstacle. Le Congrès du peuple
Katangais demanda à la commission de reconnaître le droit du
« peuple katangais » à une indépendance
souveraine, qui lui permettrait ainsi de faire sécession de l'Etat du
Zaire. Cette demande était fondée sur l'article 20.1 qui
prévoit que tous les peuples ont droit à
l'autodétermination. La commission déclara que cette
revendication ne pouvait être considérée comme une
affirmation de la violation de l'article 20. Les raisons soulevées par
la Commission sont entre autre qu'elle est tenue de défendre
l'intégrité territoriale et la souveraineté de tous les
Etats de l'OUA ; que le trame « peuples n'est pas défini
dans la Charte et la commission s'est abstenue d'en donner une
définition... la conséquence de cette décision est que le
terme « peuples » se voit conférer un sens
articulé autour de l'Etat. Par ailleurs, bien que la commission ait
déclaré la demande katangaise irrecevable, le raisonnement
adopté implique que ce droit pourrait être étendu à
des groupes de personnes, se trouvant au sein d'un Etat, qui sont
persécutés, dont les droits sont constamment violés et
à qui on refus une participation réelle au gouvernement. Dans ces
conditions le peuple Katangais pourrait être considéré
comme « des peuples »35(*).
Rappelons que la position de la Commission dans cette affaire
n'a pas échappé aux critiques. Non seulement le congrès
pouvait être considéré comme « peuple »
mais aussi son droit dont se prévalait le Congrès du peuple
katangais, à savoir son droit à l'autodétermination,
était bel et bien reconnu et protégé par la Charte. Mais,
la Commission maintient que le Katanga est tenu d'user d'une forme
d'autodétermination qui soit compatible avec la souveraineté et
l'intégrité territoriale du Zaïre. Nous
pensons qu'avec la naissance de la cour africaine des droits de l'homme et des
peuples, il y aura une volonté de rompre avec le passé. Que
Halidou OUEDRAOGO considère comme une époque où la vie
politique du continent était dominée par les Etats autocratiques
à parti unique et où l'OUA estimait que les droits de l'homme
relevaient des affaires intérieures des Etats.36(*)
Nous pensons enfin que sur ce point la Commission a
interprété de manière restrictive la Charte africaine. La
commission a profité ainsi de l'équivocité de la Charte en
matière de l'étendue de la Compétence matérielle de
la Commission. Comme la question de compatibilité a trait à la
compétence ratione materiae de la Commission, il serait juste
qu'elle se réfère non seulement aux dispositions des articles
45-2,3 et 56-237(*) qui
confinent sa compétence aux seules dispositions de la Charte mais aussi
aux dispositions des articles, 60 et 61 qui prévoient une
compétence de la Commission ouverte à sur le droit international
relatif aux droits de l'homme et des peuples. La commission peut aussi prendre
en considération comme moyens auxiliaires de détermination des
règles de droit les autres conventions...
Les articles 60 et 61 de la Charte relatifs aux principes
applicables ont déjà fait objet d'une précision par la
Commission. Ceci d'autant que la Commission africaine lors de ses
28e et 29e sessions a adopté une méthode
d'« interprétation enrichie » de la Charte en s'inspirant
explicitement de la jurisprudence du Comité des droits de l'homme de
l'O.N.U.38(*), des
dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et
pratiques39(*) et de la
jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de
l'homme dans une affaire Huri-Laws c. Nigeria du 6 novembre
200040(*).
Nous estimons que la Cour disposant d'une compétence
universelle lui permettant d'appliquer tous les instruments de droits de
l'homme pertinents en vertu des articles 3 et 7 du Protocole de Ouagadougou,
dont on ne sait pas encore si l'on doit s'en réjouir ou s'en
alarmer41(*) , ne
profitera pas de cette équivocité sur sa compétence
déduite de l'article 56-2 de la Charte.
§3. La requête est recevable si elle ne contient
pas des termes outrageants à l'égard de l'Etat mis en cause, de
ses institutions ou de l'UA
Conformément à l'article 56.3 de la Charte,
l'auteur de la requête doit indiquer les éléments de son
dossier sans insulter quiconque. Cette condition est qualifiée
d'obligation de courtoisie par certains doctrinaires africains.42(*)
C'est une condition qui ne s'intéresse qu'au seul
aspect formel de la requête ; celle-ci dans son libellé devra
être respectueuse à la fois de l'Etat mis en cause ou de ses
institutions et de l'UA.
Dans la Communication 65/92 - Ligue camerounaise des droits de
l'Homme c/ Cameroun, la Commission africaine a déclaré l'affaire
irrecevable en raison de l'usage d'expressions telles que « régime
de la torture » et « gouvernement de barbarisme ». Le langage
insultant rend une communication irrecevable, indépendamment de la
gravité des faits dénoncés.
Cette condition telle qu'apportée par le
Règlement de la Cour est plus imprécise.
§4. La Requête doit être
documentée
La requête est recevable si elle ne se limite pas
exclusivement à rassembler des informations diffusées par des
moyens de communication de masse. Cette exigence est visée à
l'article 56.4 de la Charte. Elle tend à éviter que certains
plaignants ne se fondent sur de simples allégations voire de fausses
informations sans en vérifier la véracité43(*).
Cette condition a trait à la réalité des
faits rapportés par la communication ; elle est trop
singulière mais trouve semble-t-il sa raison d'être dans
l'existence dans le système africain d'une actio popularis. ...
il s'agit donc d'éviter que de telles dénonciations ne reposent
sur des simples rumeurs publiques ou sur des informations écrites ou
radiodiffusées qui en pareilles situations proviennent le plus souvent
de l'étranger. La même disposition prend d'ailleurs soin de
préciser que toute allégation en la matière doit
être faite preuve à l'appui.
Cette condition de recevabilité est en
définitive peu sévère dans la mesure où il est rare
qu'une communication, quelque soit son objet, ne contienne pas au moins un
élément propre à établir la véracité
des faits allégués, comme par exemple la copie d'un jugement ou
des extraits de la correspondance échangée lors des
différents recours internes ou encore, dans la pire des
hypothèses, des témoignages dont celui de la ou des
victimes44(*). Cette
condition ne figure que dans les instruments africains.
Dans la Communication 147/95 et 149/96 - Sir Dawda K. Jawara
c/ Gambie, le gouvernement soutenait que la communication devrait être
déclarée irrecevable parce qu'elle était basée
exclusivement sur des informations diffusées par les médias.
Selon la Commission : « tout en étant peu commode de se fier
exclusivement aux nouvelles diffusées par les moyens de communication de
masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une
communication parce que certains des aspects qu'elle contient sont basés
sur des informations ayant été relayées par les moyens de
communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise
l'expression « exclusivement ». Il ne fait point de doute que les
moyens de communication de masse restent la plus importante, voire l'unique
source d'information. Le génocide au Rwanda, les violations des droits
de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour n'en citer que quelques
uns, ont été révélés par les moyens de
communication de masse. La question ne devrait donc pas être de savoir si
l'information provient des moyens de communication de masse, mais plutôt
si cette information est correcte. Il s'agit de voir si le requérant a
vérifié la véracité de ses allégations et
s'il a pu le faire étant donné les circonstances dans lesquelles
il se trouve ». La commission a conclu à la satisfaction
à cette condition par le requérant en ces
termes : « L'on ne peut dire que la communication sous
examen est exclusivement basée sur des nouvelles diffusées par
les moyens de communication de masse dans la mesure où elle n'est pas
uniquement basée sur la lettre du Capitaine Ebou Jallow. Le plaignant
allègue des exécutions extra judiciaires et a joint à la
communication une liste de certaines des victimes alléguées. La
lettre du Capitaine Ebou Jallow ne fait pas état de cette information.
»45(*)
§5. Condition de l'épuisement des préalable
des voies de recours
La requête est recevable si toutes les voies de recours
internes sont épuisées :
A. Le principe
Cette condition prévue à l'article 56.5 de la
Charte est celle qui pose le plus de difficultés. L'épuisement
des voies de recours internes suppose qu'une affaire concernant la violation
d'un droit de l'Homme doit passer par tous les niveaux de juridiction nationaux
avant de pouvoir être portée devant la Cour.46(*)
L'obligation d'épuiser les voies de recours internes
fait partie du droit international coutumier, reconnu en tant que tel par la
jurisprudence de la Cour internationale de justice47(*). Elle se rencontre aussi dans d'autres traités
internationaux relatifs aux droits de l'homme : le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques48(*)
et son protocole facultatif49(*), la
Convention américaine des droits de l'homme50(*).
Justification du principe
La commission trouve plusieurs justifications à la
règle de l'épuisement des voies des recours.
Selon la commission :
- Elle est «
fondée sur le principe qu'un gouvernement devrait être
informé des violations des droits de l'Homme afin d'avoir
l'opportunité d'y remédier avant d'être appelé
devant une instance internationale. »51(*)
- La justification de
la règle de l'épuisement des recours internes tant dans la Charte
que dans les autres instruments internationaux des droits de l'homme est de
s'assurer qu'avant que le cas ne soit examiné par un organe
international, l'Etat visé a eu l'opportunité de remédier
à la situation par son propre système national52(*).
- (...) la condition
relative à l'épuisement des recours internes avant toute saisine
d'une instance internationale est fondée sur le principe selon lequel,
l'Etat défendeur devrait avoir eu l'opportunité de réparer
les torts causés à la victime par ses propres moyens, dans le
cadre de son propre système judiciaire53(*)
- (...) l'une des
justifications de cette exigence est que l'Etat mis en cause doit être
informé des violations des droits de l'homme dont il est accusé
afin d'avoir l'opportunité de pouvoir les redresser et sauver sa
réputation qui serait inévitablement ternie s'il était
appelé devant une instance internationale54(*)
La Commission - qui pratique les mêmes critères
de recevabilité que la Cour - s'est prononcée à plusieurs
reprises sur la condition d'épuisement des voies de recours internes et
en a clarifié la portée.
Définition du recours interne
La Commission a précisé que les recours internes
dont fait mention l'article 56 de la Charte comprennent les « recours
introduits devant les tribunaux d'ordre judiciaire », y compris toutes les
possibilités d'appel.
Dans la Communication- 221/98 Alfred B. Cudjoe c/ Ghana , le
requérant invoquait la résiliation abusive de son contrat de
travail à l'ambassade du Ghana en Guinée. La Commission a
considéré qu'il n'était pas suffisant que le
requérant ait déposé une plainte devant la Commission
ghanéenne des droits de l'Homme. La saisine de cette instance non
judiciaire aurait dû se prolonger par une action devant les tribunaux, et
puisque cela n'avait pas été fait, la communication portée
devant la Commission a été jugée irrecevable.
Ainsi, Si une affaire est portée devant les
juridictions internes, et que la procédure est toujours en cours au
moment de l'examen de la requête par la Cour, les recours internes ne
sont pas épuisés55(*).
Et toute requête n'ayant pas été préalablement
portée à la connaissance des juridictions internes, ne peut-elle
faire l'objet d'un examen par une juridiction internationale56(*).
La FIDH57(*) ajoute
pour sa part que si le plaignant n'a pas fait appel d'une décision dans
les délais fixés par les lois, la Commission considère
que la communication est irrecevable, en faisant référence
à la jurisprudence des organes européens de protection des droits
de l'Homme58(*).
Il en découle que les Etats n'ont pas à
répondre de leurs actes devant un organisme international avant d'avoir
eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique
interne.
L'épuisement des recours non-judiciaires n'est pas
nécessaire59(*)
La Commission n'exige pas l'épuisement des recours
internes quand ceux-ci sont d'une nature non-judiciaire. Dans la Communication-
60/91 Constitutional Rights Project c/ Nigeria la commission a
déclaré que, la décision - en l'occurrence la condamnation
à mort - rendue par un tribunal spécial pouvait être
confirmée ou annulée par le gouverneur militaire.
Considérant que le pouvoir du gouverneur était « une voie de
recours discrétionnaire et extraordinaire d'une nature non-judiciaire
» et que « l'objectif du recours est d'obtenir une faveur et non de
réclamer un droit », la Commission a décidé qu'
« il serait incorrect d'obliger les plaignants à user des voies de
recours qui ne fonctionnent pas de façon impartiale et qui ne sont pas
tenus de statuer conformément aux principes de droit. »
La preuve de l'épuisement des voies de recours
C'est au requérant de mettre à la disposition
de la Cour toute information concernant l'épuisement des recours
internes Le requérant a la charge de la preuve initiale, c'est à
dire qu'il doit mettre à la disposition de la Cour les informations
nécessaires pour prouver que les voies de recours internes ont
été épuisées. A plusieurs reprises, des
communications portées devant la Commission ont été
déclarées irrecevables quand les plaignants ont omis de
répondre aux questions concernant l'épuisement des voies de
recours internes.
D'un point de vue pratique, il est recommandé aux
plaignants de toujours joindre aux requêtes les copies des
décisions des juridictions nationales. Comme par exemple la copie d'un
jugement ou des extraits de la correspondance échangée lors des
différents recours internes.
C'est dans ce sens que, saisie par N°005/2011 Daniel
Amare et Mulugeta Amare c/ Mozambique Airlines et République du
Mozambique, la Cour a écrit aux requérants pour faire observer
que la requête ne comportait pas d'indication attestant de
l'épuisement des voies de recours internes.
B.
Exceptions ou tempéraments à la règle de
l'épuisement des voies de recours internes
La requête est recevable même si les voies de
recours internes ne sont pas épuisées dans les cas qui
suivent.
1er tempérament : Lorsque la Cour africaine
considère que les recours internes sont inapplicables ou inefficaces
(s'ils n'offrent pas des perspectives de réussite), indisponibles
(lorsqu'ils ne peuvent être utilisés sans obstacle par le
requérant) ou discrétionnaires, la condition de leur
épuisement n'est plus nécessaire pour que la requête soit
jugée recevable.
La Commission s'est appuyée sur de nombreuses
situations particulières pour recevoir sur ces fondements de multiples
communications.60(*)
Mais attention, pour considérer positivement ces
exceptions, la Commission ne se fie pas uniquement à des affirmations
gratuites des plaignants accompagnées d'une absence d'effort concret en
vue de l'épuisement des dits recours. Il faut pouvoir prouver la
véracité des faits allégués permettant une
exception. La preuve peut être amenée soit par une tentative de
saisine des tribunaux nationaux, soit par la présentation d'un cas
précis analogue pour lequel les actions en justice s'étaient
révélées, en fin de compte, ineffectives.61(*)
2ème tempérament : ... les violations
sont graves et massives
Le premier type de cas soumis à cette exception
concerne les violations graves et massives des droits de l'Homme. Les quatre
communications introduites par plusieurs ONG contre le Zaïre (aujourd'hui
République démocratique du Congo) entre 1989 et 1993 faisaient
état de très nombreux cas d'arrestations arbitraires, de
tortures, d'exécutions extrajudiciaires et de restrictions aux
libertés fondamentales.
La commission a déclaré les communications
recevables :
« La Commission n'a jamais considéré que
la condition d'épuisement des voies de recours internes s'appliquait
à la lettre lorsqu'il n'est ni pratique ni souhaitable que le plaignant
saisisse les tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation. Cela est le
cas dans les présentes communications étant données
l'ampleur et la diversité des violations des droits de l'Homme
».62(*)
Cela implique que dans des cas de violations graves et
massives des droits de l'Homme, l'épuisement des voies de recours
internes peut être considéré comme inapplicable.63(*)
Mais, contre exemple, dans l'Affaire 299/05 Anuak
Justice Council c/ Ethiopie, alors que le plaignant alléguaient la
perpétration de meurtres en masse et l'incapacité des
juridictions éthiopiennes d'octroyer des réparations effectives,
la Commission n'a pas hésité à qualifier cette description
de « calomnieuse » et à déclaré l'affaire
irrecevable pour défaut d'épuisement des voies de recours
internes.
3ème tempérament : l'état d'urgence
entrave l'administration de la justice
Dans la Communication- 129/94 Civil Liberties Organisation c/
Nigeria Le plaignant soutenait que l'application normale de la loi avait
été rendue difficile à cause de l'état d'urgence
décrété dans le pays. Du fait de la situation politique
qui prévalait au Nigeria, la Commission a jugé recevable la
communication estimant qu'en pareil cas, « la procédure de recours
internes serait trop longue, mais aussi qu'elle ne produirait aucun
résultat. »
Là encore, l'application de cette exception peut
être assortie de la condition d'une tentative de saisine des tribunaux,
comme cela a été exigée dans l'affaire 220/98 Law Office
of Ghazi Suleiman c/ Soudan.
4ème tempérament : l'existence de clauses
dérogatoires empêche tout recours
Dans le cas de l'existence de clauses dérogatoires qui
interdisent aux tribunaux d'examiner des décrets et des décisions
de la branche exécutive, la Commission a considéré que ces
clauses rendent les recours internes « inexistants, inefficaces ou
illégaux. »64(*)
C'était notamment le cas au Nigeria dans les années 1990,
où le gouvernement militaire a adopté une série de clauses
dérogatoires.
5ème tempérament : l'épuisement des
recours internes n'est pas « logique »
Le plaignant n'est pas obligé d'épuiser les
recours internes quand cela ne parait pas logique. Par exemple, la Commission a
considéré qu'un plaignant qui s'était évadé
d'une prison du Ghana et réfugié en Côte d'Ivoire et qui
prétendait que sa détention était illégale, n'avait
pas, compte tenu de la nature de la plainte, à retourner dans son pays
d'origine pour porter son cas devant les tribunaux ghanéens. La
communication a ainsi été jugée recevable.65(*)
6ème tempérament : l'accès à
la justice est inéquitable
Communication- 241/01 Purohit et Moore c/ Gambie
La Commission africaine a estimé dans cette affaire
que :« les dispositions générales prévues par la loi
qui pourraient offrir un recours à toute personne lésée
par la faute d'autrui, sont accessibles aux riches et à ceux qui peuvent
se payer les services d'un avocat privé. L'on ne peut toutefois pas
affirmer comme une vérité générale qu'il n'existe
pas dans le pays les voies de recours internes mais elles existent pour ceux
qui ont les moyens de les utiliser ».
La Commission africaine a considéré que dans
l'affaire en question, qui concernait les conditions de détention et de
traitement des malades mentaux en Gambie, les recours existant n'étaient
pas « réalistes » et étaient donc inefficaces pour
cette catégorie de personnes. La communication a donc été
jugée recevable.
7ème tempérament : les recours internes
sont inefficaces ou inaccessibles
Dans les affaires où la victime d'une violation des
droits de l'Homme a été contrainte à fuir son pays, la
Commission considère qu'elle n'est pas obligée d'épuiser
les voies de recours internes. Dans la Communication Rights International c/
Nigeria, un étudiant avait été arrêté et
torturé dans un camp de détention militaire au Nigeria.
La Commission a estimé que :
« Dans ce cas particulier, l'étudiant
était dans l'incapacité de faire usage d'une quelconque voie de
recours interne, suite à sa fuite en République du Bénin
par peur pour sa vie et à l'octroi du statut de réfugié
par les Etats-Unis d'Amérique. »66(*)
Pourtant, la Commission a pris une décision contraire
dans l'Affaire 247/02 Institut des droits humains et développement en
Afrique c/ République démocratique du Congo, en estimant qu'un
réfugié congolais aurait du épuiser les voies de recours
en République démocratique du Congo à travers un conseil.
8ème tempérament : La requête est
recevable si les procédures internes sont anormalement
prolongées
Selon l'article 56.5 de la Charte africaine, l'exigence
d'épuisement des recours internes ne s'applique pas si ceux-ci se
prolongent d'une façon anormale. La Commission n'a pas défini le
délai qui constitue une « prolongation anormale ».
Cela lui permet de garder une certaine flexibilité
pour considérer chaque situation dans ses spécificités.
Dans l'affaire Kenya Human Rights Commission c/ Kenya, un délai d'un an
et 10 mois n'a pas été considéré comme une
prolongation anormale.67(*)
En revanche, dans l'affaire 199/97 Odjouoriby Cossi
Paul c/ Bénin, le fait qu'un appel au niveau national est pendant depuis
3 ans a été considéré comme une prolongation
anormale de procédure. De même dans la communication 250/02
Liesbeth Zegveld et Mussie Ephrem c/ Erythrée, la Commission a
déclaré une affaire recevable après 18 mois de
détention sans poursuite formelle.
§6. La requête est recevable si elle est transmise
à la Cour dans un délai raisonnable à compter de
l'épuisement des voies de recours internes
Cette condition doit s'entendre en relation avec la
précédente : le point de départ du délai est
« la dernière décision qui a épuisé les
voies de recours adéquates et efficaces offertes par le système
juridictionnel d'un Etat.
En cas d'absence de tels recours, il faut prendre en compte
la date de l'acte juridique ou matériel incriminé68(*).
Jusqu'en 2010 la Commission africaine ne s'est pas
prononcée sur cette condition de recevabilité prévue
à l'article 56.6 de la Charte. Les décisions de la Cour
européenne sur ce point peuvent éclairer la position future de la
Cour africaine : la requête doit être présentée dans
un délai de six mois à compter de la décision interne
définitive.
Mais, faisant preuve de pragmatisme, le système
européen fait courir ce délai à partir du rendu public de
la décision ou au jour de la notification de la décision à
la personne intéressée.
Les décisions de la Cour européenne sur ce
point peuvent éclairer la position future de la Cour africaine : la
requête doit être présentée dans un délai de
six mois à compter de la décision interne
définitive.69(*) Or, L'article 35.1 de la Convention
EDH exige du requérant qu'il introduise sa requête auprès
de la Cour dans un délai de six mois à compter de la date de la
décision interne définitive rendue sur la question litigieuse. La
Cour européenne reconnait : « Un simple courrier
d'un requérant sera considéré comme une
«requête» aux fins de la règle des six mois si l'objet
de la requête est suffisamment clair ».70(*)
§7. La requête est recevable si la
prétendue violation n'a pas été réglée
conformément aux principes de la Charte africaine et autres instruments
internationaux
1. La requête est recevable si la même affaire
n'a pas été réglée par une autre instance
internationale
Cette condition renvoie au concept de la chose jugée et
suggère que les règlements intervenus sur la base de la Charte
africaine sont revêtues de la force y relative.
Pour utiliser un vocabulaire proprement juridique, la
communication ne sera déclarée irrecevable sur la base de
l'article 56.7 que si il y a à la fois identité de parties, de
cause et d'objet entre la cas rapporté et un cas déjà
réglé conformément à ce même article.
La Cour aura l'occasion de nous éclairer sur ce point
dans l'affaire lui soumise par Requête N°011/2011
Révérend Christopher Mtikila c/ République unie de
Tanzanie qui a déjà fait objet d'une décision
auprès de la Cour de justice de l'EAC.
2. La requête est recevable même si la
violation a été réglée par l'amélioration
de la situation
S'appuyant sur sa jurisprudence, la Commission a toujours
traité les communications en statuant sur les faits
présentés au moment de la requête.71(*)
Par conséquent, même si la situation
s'est améliorée depuis le dépôt de la communication,
la communication reste recevable.
Sur ce même fondement, la Commission, dans sa
communication 62/92, 68/92 et 78/92 Krishna Achutan et Amnesty International c/
Malawi, a estimé qu'un nouveau gouvernement hérite des
engagements internationaux du gouvernement qui l'a
précédé, y compris de la responsabilité de ses
méfaits.
3. La requête est recevable même si l'affaire a
été soumise devant une autre instance
On observera d'emblée que l'article 56.7 de la Charte
et 40.7 du Règlement de la Cour ne visent que les cas déjà
réglés par les voies qu'il mentionne et non pas ceux simplement
déjà soumis à celles-ci. Une telle formulation n'interdit
donc pas la litispendance et ne permet à l'Etat mis en cause de soulever
l'exception y relative pour décliner la compétence de la
commission, ni à celle-ci de se déclarer motu proprio
incompétente sur cette base72(*).
On peut toutefois observer que la saisine concomitante sur
une même affaire d'une autre instance internationale, comme le
Comité des droits de l'Homme des Nations unies ou le Comité
contre la torture, a rendu irrecevable une requête portée devant
la Commission africaine. Le cumul des procédures ne peut être
admis en ce qu'il transformerait l'un des instruments internationaux de
protection des droits de l'Homme en instance de réexamen ou d'appel d'un
autre. Ainsi la communication 69/92 Amnesty international c/ Tunisie a
été déclarée irrecevable par la Commission
africaine, celle-ci étant déjà en cours d'examen
conformément à la procédure 1503 du Règlement des
Nations unies. Nous pensons que la Commission s'est exclusivement
référée à son Règlement intérieur son
article 114.3 littera f actuel article 39.2 littera j.
Cette condition ne pouvait être valablement
exigée dans la mesure où elle n'est pas mentionnée dans le
texte de la Charte qui seul doit prévaloir ici. Une solution contraire
peut néanmoins prévaloir si une disposition prévue par le
seul Règlement profitait à l'individu.
Elle aurait pu connaitre de cette affaire bien que cette
dernière soit en cours devant le comité des nations unies. Un ouf
de soulagement a été apporté dans ce sens par la
décision de la Cour de justice de la CEDEAO rendue dans l'affaire Hissen
Habré le 14 mai 2010. Nous aborderons avec plus de détails cette
décision dans la section 2 sous ce chapitre.
Pour autant, la Commission africaine considère que la
médiation par les institutions politiques telles que l'Union
européenne ou l'OUA ne s'appliquait pas en l'occurrence à
l'article 56.7 de la Charte.73(*)
La Cour a une affaire qui est pendante devant sa juridiction
qui exigera l'examen de cette question de duplication de procédure. En
effet, la Cour a été saisie le 03 mars 2011 par la Commission
africaine sur demande des ONG de la FIDH parmi lesquelles la Ligue libyenne des
droits de l'homme74(*). Au moment de
l'enregistrement de cette requête le 21 mars 2011 par la Cour africaine,
la Cour pénale internationale (CPI) connaissait d'une autre action
portant sur les mêmes faits. A ce sujet Hossam Bahgat dit : «
La plainte déposée par la CADHP n'est pas incompatible ni ne
duplique l'action menée par la Cour pénale internationale (CPI)
sur la Libye. Une plainte devant la Cour africaine vise à établir
la responsabilité de l'Etat pour la violation des droits de l'Homme et
non la responsabilité des individus auteurs des crimes les plus graves
comme pourrait le faire la CPI ».75(*)
§8. La Cour rejette la requête si elle est
manifestement mal fondée
C'est ce que prévoit l'article 38 du Règlement
intérieur final de la Cour.
Ainsi, avant même l'engagement d'une procédure,
dès le premier examen de la requête, la Cour peut estimer que
celle-ci ne repose manifestement sur aucun fondement. Dans ce cas, la Cour peut
rejeter la requête en motivant sa décision sans devoir citer les
parties à comparaître. Simplement, sa décision et les
raisons qui la fondent doivent être communiquées à toutes
les parties. Cette possibilité de rejeter une requête dès
sa réception répond à un besoin de ne pas engorger la Cour
par des procédures qui de toute façon ne connaîtront pas de
suite car ne répondant en rien aux champs de compétence de la
Cour.
Nous pensons que c'est sur cette disposition que la Cour se
serait basée pour rejeter sommairement deux requêtes à lui
soumise en 2011. Il s'agit des requêtes N°006/2011 Juristes de la
bonne gouvernance C/ Cote d'Ivoire et N°005/2011 Daniel Amare et Mulugeta
Amare c/ Mozambique Airlines et République du Mozambique. Nous aurons
l'occasion d'aller plus en détail dans le second chapitre de ce
travail.
Section II : les conditions de recevabilité des
requêtes devant les Cour de justices des CER
Introduction
Le phénomène de la juridictionnalisation du
droit international due à la prolifération des tribunaux
internationaux, n'a pas épargné le régionalisme africain.
L'espace judiciaire africain est actuellement parsemé de plus d'une
douzaine des juridictions à caractère régional ou
sous-régional.76(*)
L'
Union africaine a
reconnu huit communautés économiques régionales (CER) en
tant qu'associations régionales d'Etats africains officiellement
représentatives. Ces huit CER ont été fondées
conformément au Traité instituant la Communauté
économique africaine de 1991. Bien qu'ils soient actuellement encore
plus nombreux, seuls les cadres de coopération régionaux suivants
ont été reconnus par une décision de l'Assemblée
des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA:
· Union du Maghreb arabe (UMA)
· Marché commun de l'Afrique orientale et australe
(MCAOA, en anglais COMESA)
· Communauté des Etats Sahélo-Sahariens
(CEN-SAD)
· Communauté d'Afrique de l'Est (CAE, en anglais
EAC)
· Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale (CEEAC)
· Communauté économique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
· Autorité intergouvernementale pour le
développement (AIGD, en anglais IGAD)
· Communauté de développement de l'Afrique
australe (CDAA, en anglais SADC)
Plusieurs pays africains sont simultanément membres de
plusieurs CER. Par conséquent, une possibilité de chevauchement
et de conflit de compétences existe. Toutefois, les CER telles que la
CEDEAO et la SADC jouent un rôle clé en matière de
promotion de l'intégration régionale en Afrique.
Sur les huit CER officielles, trois disposent de
systèmes destinés à promouvoir et à protéger
les droits de l'homme. La CEDEAO, la CAE et la SADC ont (ou auront
bientôt) des cours de justice sous-régionales expressément
ou implicitement investies d'une juridiction pour prononcer des violations des
droits de l'homme:
- Cour de justice
de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CJCEDEAO) ;77(*)
- Cour de justice de
la Communauté de l'Afrique de l'Est (CJEAC) ;78(*)
- Tribunal de la
Communauté de développement de l'Afrique australe
(TSADC).79(*)
§1. Recevabilité des requêtes individuelles
devant la Cour de Justice de la CEDEAO
A. Conditions résultant des traités de la
CJEDEAO
Les citoyens des Etats membres de la CEDEAO peuvent
déposer plainte, contre des violations des droits de l'homme
perpétuées par des acteurs étatiques, auprès de la
Cour régionale de justice. Les Etats membres de la CEDEAO ont
décidé de donner à la cour, qui existe formellement depuis
1991 et qui, dans les faits, a seulement été mise en place en
2001, un mandat spécifique à cet égard. Des dispositions
de l'article 4 littera g du Traité
révisé, il résulte que la cour, qui siège à
Abuja, Nigéria, statuera conformément aux clauses de la
Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples. Les
décisions sont légalement contraignantes pour les Etats membres
de la CEDEAO.
C'est l'arrêt « Olajide Afolabi vs
Federal Republic of Nigeria » qui a mis en exergue la
nécessité d'élargir la saisine de la Cour aux
requérants individuels. La Cour peut donc être saisie depuis 2005
par tout ressortissant d'un des États-membres, en cas de violation des
protocoles, décisions, traités ou conventions adoptés par
la CEDEAO.
Depuis 2005, la cour est investie de la compétence de
statuer sur les violations des droits de l'homme par le biais d'une
procédure de plainte individuelle. Fait notable, les recours locaux ne
doivent pas nécessairement avoir été épuisés
avant que des cas ne soient portés devant la Cour de justice de la
CEDEAO (1). Ainsi, chaque victime d'une violation des droits de l'homme peut
directement faire appel à la cour, y compris pendant que l'affaire est
soumise à une procédure nationale.
Pour ce faire, il ressort de l'article 10 du Protocole
additionnel (A/SP.1/01/05) du 19 janvier 200580(*) que les requêtes des individus victimes (2) des
violations des droits à cet effet ne seront pas anonymes (3) et ne
seront pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté
lorsqu'elle ont déjà été portée devant une
autre Cour internationale compétente (4).
I. sur le non-épuisement des voies de recours
internes:
La CJCEDEAO reconnait le caractère subsidiaire de sa
juridiction en tant qu'ordre international mais ne fait pas de cette
règle de l'épuisement des voies des recours internes une
condition pour la recevabilité des requêtes individuelles. La
CJCEDEAO a eu à le déclarer dans l'affaire Mani HADIDJATOU C.
L'Etat du Niger81(*)
en faisant une interprétation souple de cette règle.
Dans cet arrêt, la Cour place son raisonnement sur deux
terrains : d'abord sur la distinction entre les juridictions internes et
internationales, ensuite sur l'autonomie de son utilisation de la Charte.
L'État du Niger contestait le fait que d'une part la
procédure civile concernant le divorce était toujours pendante
après un second pourvoi formé par le défendeur, et que
d'autre part la reprise de la procédure pénale était
suspendue à l'échéance de cette procédure
civile.
La CJCEDEAO vise les dispositions de l'article 10 d.
ii du protocole additionnel de 2005 pour évacuer
l'argument tiré de la règle de l'épuisement
préalable des voies de recours internes devant elle. En effet, aux
termes de cet article, il ne s'agit que d'interdire de porter devant la Cour un
contentieux qui serait déjà porté devant une autre cour
internationale compétente, afin d'exclure le cumul de procédures
internationales.
Puis la République du Niger, tout en reconnaissant que
la condition d'épuisement des voies de recours internes ne figure pas au
nombre des conditions de recevabilité des cas de violation des droits de
l'Homme devant la Cour de justice de la CEDEAO, fait valoir que cette absence
est une lacune que la pratique de la Cour devrait combler.
La Cour affirme que la règle de l'épuisement des
voies de recours internes est encadrée par le principe de la protection
des droits au principal par le droit interne et au subsidiaire par les
mécanismes internationaux. La Cour fait donc valoir une
interprétation souple de la règle de l'épuisement des
voies de recours internes, en se fondant sur la jurisprudence de la CEDH
« De Wilde, Ooms et Versyp c/Belgique ». Elle affirme que
le législateur CEDEAO ne fait d'ailleurs pas de cette règle une
condition de recevabilité devant la Cour.
II. la qualité pour agir du requérant
Ceci désigne l'importance qui, s'attachant pour le
demandeur à ce qu'il demande, le rend recevable à le demander en
justice (si cette importance est assez personnelle, directe et légitime)
et à défaut de laquelle le demandeur est sans droit pour agir
(pas d'intérêt, pas d'action).
Aux termes de l'article 10-d i du Protocole
additionnel à la CJCEDEAO, la Cour peut être saisie par toute
personne victime de violations des droits de l'Homme.82(*)
La CJCEDEAO saisie d'une plainte d'une esclave affranchie dans
l'affaire Mani HADIDJATOU C. L'Etat du Niger a
interprété cette condition de la manière qui suit.
La République du Niger arguait que Hadijatou Mani
Koraou étant une wahiya affranchie au moment de sa
requête, elle n'était donc plus esclave, et n'avait donc plus
qualité pour agir, d'autant qu'elle ne l'avait pas fait avant son
affranchissement alors qu'elle aurait pu. Argument particulièrement
lamentable selon lequel la requérante ayant été affranchie
au moment de sa requête aurait de ce fait perdu qualité pour agir
à raison de sa situation d'esclave.83(*)
La CJCEDEAO, après avoir joint les exceptions au fond
conformément à l'article 87 al. 5 de son Règlement de
procédure, rejette ce moyen comme irrecevable, en se fondant sur les
articles 9-4 et 10-d de son Protocole additionnel, aux termes desquels
« la Cour est compétente pour connaître des cas de
violation des droits de l'Homme dans tout État-membre »,
« peuvent saisir la Cour (...) toute personne victime de
violations des droits de l'Homme ». À cela, la Cour
ajoute que « les droits de l'Homme étant inhérents
à la personne humaine, ils sont inaliénables, imprescriptibles et
sacrés et ne peuvent donc souffrir d'aucune limitation
quelconque ».84(*)
III. la requête ne doit pas être
anonyme
L'article 10 littera d i
Protocole additionnel de 2005 se lit comme suit : «...Toute
personne victime de violations des droits de l'homme ; la demande soumise a cet
effet ... Ne sera pas anonyme... »
Dans la pratique chaque demande doit
spécifier :
· le nom et l'adresse du demandeur
· la désignation de la partie contre laquelle la
demande est effectuée
· le sujet des poursuites et un résumé des
allégations en droit sur lesquelles la demande est fondée
· la forme d'injonction sollicitée par le
demandeur
· si approprié, la nature de toute preuve produite
en soutien de la demande
· une adresse de service à l'endroit où la
cour a son siège et le nom de la personne qui est autorisée et a
exprimé la volonté d'accepter de rendre service
· En sus ou en remplacement de la spécification
d'une adresse de service, la demande peut mentionner que le juriste ou l'agent
consent à ce que ce service soit effectué pour lui par
télécopie ou tout autre moyen technique de communication.
IV. principe non bis in idem et litispendance
Aux termes de l'article 10 littera d ii
du Protocole additionnel, la demande soumise par une personne victime
des violations des droits de l'homme ne sera portée devant la CJCEDEAO
lorsqu'elle a déjà été portée devant une
autre Cour internationale compétente.
Ces dispositions visent essentiellement que les individus
n'abusent des possibilités de recours qui leur sont offertes, et qu'une
affaire soit examinée en même temps par plusieurs organes. La
doctrine largement reconnue admet que cette condition a été
expressément posée pour « exclure le cumul de
procédures internationales »85(*)
La CJCEDEAO a eu à éclairer l'opinion sur cette
condition par sa décision en date du 14 mai 2010. Dans cette importante
décision, la juridiction communautaire a, de manière ferme,
posé deux grands principes qui feront désormais date dans
les annales judiciaires. De prime à bord, la Cour dit l'UA n'est pas une
Cour de justice internationale au sens de la loi, et par conséquent, son
rôle n'est pas d'administrer la justice ou de dire le droit. Ensuite,
cette affaire étant déjà sous examen devant le
comité des Nations unies contre la Torture, la Haute juridiction
communautaire aborde la condition posée par l'article sous analyse en
posant que ce Comité n'est pas non plus une juridiction. Son rôle
se limite à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats
signataires, des dispositions issues de la Convention contre la torture. En
tant que tel, il est un simple organe d'alerte dont les
« recommandations » et autres
« injonctions » restent dénuées de toute
force exécutoire.
Rappelons que les « ONG-Défenseurs des droits
de l'homme » avaient volontairement semé la confusion
auprès de l'opinion publique. Avec une parfaite mauvaise foi, ces
dernières n'ont pas hésité à affirmer que les
« recommandations » du Comité des Nations Unies
contre la torture étaient constitutives d'«injonction de l'ONU au
Sénégal ».
Pour ce qui est du mandat de l'Union Africaine que du
rôle du Comité des Nations Unies contre la torture, la Cour de
Justice de la CEDEAO a battu en brèche tous les arguments
développés par l'Etat du Sénégal à l'appui
de l'intrusion de ces deux institutions dans l'affaire Hissein Habré.
La Cour de Justice de la CEDEAO a expliqué dans des
considérants clairs, avec fine pédagogie et force argumentation
juridique, qu'elle est non seulement compétente pour connaître du
contenu de la requête formulée par le Président Hissein
HABRE mais aussi, que le contenu de cette demande concerne bel et bien des cas
de violation des droits de l'homme86(*).
B. Conditions résultant de la Charte
africaine
D'après les articles 4 littera g du
traité révisé et 9. 4 du Protocole additionnel de 2005, la
CJCEDEAO fait de la Charte africaine une partie intégrante de son droit
applicable en statuant conformément à ses clauses. D'ailleurs,
dans sa décision dans l'Affaire Dame Hadijatou Mani Koraou contre la
République du Niger, rendue le 27 octobre 2008, la Cour confirme que
l'article 4(g) du Traité révisé qui précise que les
Etats membres adhèrent aux principes fondamentaux de la Charte africaine
des droits de l'Homme et des peuples, est le souhait du législateur
communautaire d'intégrer cet instrument dans le droit applicable devant
la Cour.
Par ailleurs il sied de préciser que cette juridiction
n'applique pas les conditions de recevabilité des communications telles
que portées par l'article 56 de la Charte jouissant ainsi d'une
autonomie dans l'utilisation des modalités de la Charte. Dans son
arrêt de principe par lequel la CJCEDEAO est entrée dans
l'histoire dans la protection des droits de l'homme sur le continent africain,
la CJCEDEAO statue sur l'autonomie de son utilisation de la Charte87(*).
En effet, la CEDEAO affirme l'intégration de la Charte
africaine dans le droit qu'elle applique (et ce d'autant que tous les
États membres de la CEDEAO ont aussi ratifié la Charte
africaine), mais elle affirme également l'autonomie de la CJCEDEAO dans
les modalités d'utilisation (partie I de la Charte), qu'elle distingue
des principes fondamentaux (partie II de la Charte). En effet, dès lors
que cette seconde partie concerne les modalités d'application de la
Charte par la Commission africaine, qui en outre, n'est pas une juridiction, il
est logique qu'elles ne trouvent pas à s'appliquer à la CJCEDEAO.
Ainsi, la République du Niger affirme que la CJCEDEAO doit se
référer à l'article 4(g)[3] du traité
révisé de la CEDEAO pour appliquer l'article 56-7[4] de la Charte
africaine des droits de l'Homme et des peuples. Il s'agit bien d'une
utilisation pragmatique de la Charte africaine, texte qui ne saurait en
revanche ajouter des contraintes procédurales à celles du
système de la CJCEDEAO.88(*)
bien que si cette CJCEDEAO n'applique pas à la lettre
les conditions de recevabilité prévues ) l'article 56 de la
Charte, il reste à relever que cette Cour s'est fondée sur les
droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples
dans deux affaires importantes, concernant la détention arbitraire d'un
journaliste gambien et la condition de servilité d'une
nigérienne.
Ainsi, L'Affaire Chief Ebrimah Manneh c/ la République
de Gambie, portait sur l'arrestation le 11 juillet 2006 et la détention
d'un journaliste gambien du Daily Observer par les services secrets. Les
avocats du requérant fondaient leur saisine sur le caractère
arbitraire de l'arrestation et de la détention de leur client (art. 6 et
7 de la Charte africaine). La Cour a jugé que la Gambie était
responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du
requérant, enfermé in communicado sans jugement.
§2. Les conditions de recevabilité devant le
Tribunal de la SADC
Introduction
Le Tribunal du Southern African Development
Community (TSADC) est un des organes du SADC établie
conformément à l'article 9 du traité de la SADC. La
composition, les pouvoirs, fonctions, procédures et les questions
liées au Tribunal sont contenues dans le protocole de la SADC
signé le 7 aout 2000 à Windhoek, Namibie. Le protocole fait
présentement partie intégrante du traité de la SADC et par
conséquent n'a pas besoin d'une ratification séparée. La
principale mission du Tribunal est d'assurer le respect et
l'interprétation adéquate du traité de la SADC et des
traités qui lui sont subsidiaires ainsi que le règlement des
différends entre les Etats membres de la SADC. Le siège du
Tribunal se trouve à Windhoek, toutefois l'article 13 du protocole de la
SADC autorise le Tribunal à siéger dans des endroits autres que
celui où se trouve le siège du Tribunal, mais situés dans
le territoire de la SADC. Le tribunal est composé de cinq juges
permanent et de cinq autres servant de manière temporaire et qui peuvent
être appelés à siéger s'il arrivait que l'un des
juges permanent n'est pas disponible. Les premiers juges du Tribunal ont
prêté serment le 18 novembre 2005.
Le tribunal de la SADC est compétent pour traiter de
tous les différends qui surgissent de l'interprétation et de
l'application du traité de la SADC, son protocole ainsi que des autres
instruments subsidiaires. Il est aussi compétent pour traiter de toute
question en rapport avec tout traité ou accord conclu par les membres de
la SADC entre eux ou dans le cadre de la communauté et dont la
compétence est reconnue au tribunal.
Le tribunal n'a pas une compétence spécifique
sur les questions des droits humains mais certaines dispositions du
traité de la SADC font référence aux droits de l'homme
accordant ainsi la compétence au Tribunal dans le domaine. En avril
2003, les membres de la SADC ont signé la Charte sur les droits sociaux
fondamentaux (Charter of Fundamental Social Rights) qui n'est pas
encore entrée en vigueur. Au-delà du fait que des arguments ont
été avancés sur la justiciabilité des dispositions
de la Charte et qu'une mention explicite du Tribunal a été faite
dans ladite Charte, il existe deux possibilités à travers
lesquelles le Tribunal pourrait être saisi pour violation de la Charte.
Premièrement, à l'article 3.2 de la Charte, les Etats membres
« s'engagent à observer les droits fondamentaux dont allusion
a été faite dans la Charte ». Bien que l'engagement lie
les Etats, la Charte ne donne pas une définition précise des
droits fondamentaux auxquels elle fait référence. Ensuite, le
Tribunal pourrait exercer sa compétence sur la Charte si celle-ci est
considérée comme « instrument subsidiaire adopté
dans le cadre de la Communauté ». Ces possibilités
restent encore à être testées au plan juridique.
Les décisions du Tribunal sont définitives,
obligatoires et peuvent être mises en oeuvre. Les Etats membres du SADC
sont mandatés à prendre toutes les mesures pour assurer la mise
en oeuvre des décisions du Tribunal. Les jugements du Tribunal sont
mises en oeuvre dans les Etats membres de la même manière que le
sont les décisions des tribunaux étrangers. Le Tribunal peut
aussi ordonner des mesures temporaires.89(*)
Il n'y a pas de disposition explicite dans le traité de
la SADC ou son protocole sur l'accès au Tribunal par les personnes
physiques et morales à part les Etats parties. De la lecture faite de
l'article 4 du traité créant la SADC, la SADC et ses Etats
membres sont tenus d'agir selon les principes des droits de l'homme, de la
démocratie et des règles de droit. Ces préceptes
constituent la base de l'interprétation du tribunal de la SADC de son
propre rôle.
En sus, le sentiment est lorsqu'un Etat membre viole les
dispositions du traité ou son Protocole qui touchent aux droits humains,
il doit être possible aux personnes physiques et ainsi que morales
d'approcher le Tribunal. Ces dispositions aussi restent à
être testées au plan juridique.
L'Article 15 du Protocole prévoit la saisine par toute
personne physique et morale.
A. Epuisement des voies de recours
internes
Le TSADC dispose d'une juridiction pour les conflits entre
les Etats membres de la SADC et les conflits entre les personnes morales ou
physiques et les Etats membres. Cependant, pour qu'une personne puisse porter
une affaire devant la cour, tous les recours juridiques internes de l'Etat
membre concerné doivent avoir été
épuisés.
Par ailleurs, une personne peut directement
porter une affaire devant le tribunal contre une autre personne aux termes du
droit communautaire (article 15 précité) si l'autre partie
consent à procéder de la sorte. Les personnes peuvent poursuivre
la communauté sur la légalité, l'interprétation ou
l'application du droit communautaire. Une personne peut également faire
traduire un Etat membre en justice eu égard au droit communautaire ou
aux obligations de l'Etat en vertu d'un tel droit une fois que les recours
nationaux ont été épuisés, faisant ainsi du
tribunal une cour d'appel «finale» pour les litiges relatifs au droit
communautaire.
B. Les autres conditions
d'admissibilité
Les poursuites devant le tribunal doivent être
intentées par le biais d'une demande ou d'un accord spécial entre
les parties concernées par lesdites poursuites. Les conditions
d'admissibilité sont les suivantes:
1. La demande doit mentionner: (a) le nom et l'adresse du
demandeur (b) le nom, la désignation et l'adresse du
défendeur (c) la nature précise de la plainte avec une
déclaration succincte des faits (d) la forme de réparation ou
d'injonction sollicitée par le demandeur
2. La demande doit indiquer le nom et l'adresse de l'agent du
demandeur auxquels les communications relatives à l'affaire, y compris
les conclusions et autres documents, doivent être adressées.
3. Toute demande non-conforme aux exigences des sous-points 1
et 2 entraînera l'inadmissibilité de la demande.
4. L'original de la demande doit être signé par
l'agent de la partie qui la soumet.
5. L'original de la demande accompagné de toutes les
annexes auxquelles elle fait référence doit être rempli
avec le greffier en produisant cinq copies pour le tribunal et une copie pour
chaque autre partie concernée par les poursuites. Toutes les copies
doivent être certifiées par la partie qui les remplit.
6. Si la demande sollicite l'annulation d'une décision,
elle doit être accompagnée d'une preuve documentaire de la
décision pour laquelle l'annulation est sollicitée.
7. Une demande effectuée par une personne morale doit
être accompagnée de: (a) l'instrument édictant les
règles relatives à la personne morale ou un extrait récent
du registre des sociétés, entreprises ou associations ou toute
autre preuve de son existence en matière de droit; (b) la preuve que
l'autorité octroyée à l'agent du demandeur lui a
été conférée en bonne et due forme par une personne
autorisée à le faire.
8. (a) Si une demande n'est pas conforme aux exigences des
sous-points 4 à 7, le greffier doit prescrire une période
raisonnable durant laquelle le demandeur est tenu de s'y conformer, en mettant
lui-même la demande en ordre ou en produisant tous les documents
requis. (b) Si le demandeur ne met pas la demande en ordre durant la
période prescrite, le tribunal doit, après avoir entendu les
agents, décider si la non-conformité rend la demande formellement
inadmissible.
§3. La recevabilité des requêtes
individuelles devant la cour de justice de l'EACJ
La Cour est l'instance judiciaire de la Communauté
d'Afrique de l'Est (EAC). Elle associe les rôles d'une cour de justice
pour l'EAC ainsi que celui d'une cour des droits de l'homme et d'appel (reste
à déterminer de manière définitive). La cour
dispose d'une juridiction pour l'interprétation et l'application du
Traité de la Communauté d'Afrique de l'Est de 1999 prévue
par les articles 23 à 27 du traité instituant l'EAC tel
qu'amendé à ce jour. Elle peut disposer d'une juridiction
étendue pour la conclusion d'un protocole à cette fin comme
d'autres juridictions originales, d'appel ou des droits de l'homme comme le
prévoit l'article 27.2 du traité. Le protocole pour objet
d'étendre la juridiction de l'EACJ aux droits de l'homme doit encore
être conclu90(*).
Jusqu'au 31 décembre 2010, aucun Protocole n'avait pas encore
été adopté pour élargir la compétence de la
Cour.
Jusqu'en 2010, cette même dénuée d'un
mandat sur les droits de l'homme aussi clair que celui de
la cour de la
CEDEAO, la Cour de justice d'Afrique de l'Est a cependant un jugement
très progressif des droits de l'homme à son crédit dans
l'affaire Katabazi and others ContreThe secretary-general of EAC and
others. Au courant de l'année 2010, bien que la juridiction
explicite en droits de l'homme de la cour reste à mettre en oeuvre,
cette dernière a été suffisamment courageuse pour garantir
le respect des droits fondamentaux des individus au titre du
traité91(*).
Les renvois à la cour peuvent
être effectués par des personnes morales et physiques
résidant dans tous les Etats membres, par les Etats membres de l'EAC et
par le Secrétaire général de l'EAC. La cour siège
temporairement à Arusha, Tanzanie.
A. Conditions de recevabilité des
requêtes devant la cour de justice de l'EAC
L'activité judiciaire de l'EACJ est très
réduite dans le domaine des droits de l'homme est due à la non
adoption du Protocole devant étendre la compétence de la EACJ
à cet effet et au manque d'allusion aux droits de l'homme dans le plan
stratégique quinquennal de l'EACJ qui ne fait que se
référer aussi à l'éventuel Protocole. La cour ne
disposant pas ainsi d'un mandat explicite, Il appert difficile de
dégager les conditions auxquelles doivent satisfaire les requêtes
individuelles pour être recevables devant l'EACJ. Les Magistrats de cette
dernière n'étant pas collés aux textes à cause de
l'influence du système common law qui prévaut dans les
quatre des cinq pays qui composent l'espace communautaire, l'EACJ est
arrivée à dégager quelques conditions dans les quelques
rares affaires dont elle a eu à connaitre en matière des droits
de l'homme. Entre autres conditions on peut citer le respect de la
chosée jugée qui porte la formule latine de res
judicata.
I. Respect de la Chose jugée
Dans l'affaire Katabazi and Others v Secretary-General of the
East African Community and Another (2007) AHRLR 119 (EAC 2007) aux paragraphes
30-32 de l'arrêt la cour fait une analyse de cette condition en se
référant à la doctrine. La cour résume concentre
ses analyses sur le respect de la chose jugée et sur sa
compétence à reconnaitre des litiges relatifs aux droits de
l'homme.
Un des défendeurs à savoir l'Attorney general of
Uganda soulevait que cette même affaire avait déjà fait
l'objet d'un jugement par la cour constitutionnelle de l'Ouganda et que par
conséquent l'EACJ était incompétente d'y statuer si on
faisait application de la doctrine de la res judicata. Se
référant au cas sous examen, l'Attorney general of Uganda arguait
que la règle res judicata doit s'appliquer parce que même
si les parties ne sont plus les mêmes que dans l'affaire portée
devant la Cour constitutionnelle ougandaise, les faits sont substantiellement
les mêmes92(*). Cette partie soulève ensuite la non
pertinence de la requête de Katabazi et csrts par rapport au mandat de la
cour en se fondant sur l'article 27.1 du traité de l'EAC.
Pour répondre à la question qui nous
préoccupe ici à savoir si l'EACJ peut se déclarer
incompétente en faisant application de la théorie de res
judicata, la cour se réfère à la définition
qui en est faite dans la doctrine largement admise dans les procédures
civiles de ses pays membres. Selon cette doctrine, aucune Cour ne tentera de
donner suite à un litige qui oppose les mêmes parties pour les
mêmes faits et qui aura déjà été reçu
jugement définitif d'une autre cour compétente.
Après présentation de cette doctrine la Cour
dégage trois conditions dégagées de la définition
ci-dessus pour que la res judicata s'applique. La cour parvient
à la conclusion que la res judicata ne s'appliquera pas parce
que la décision prise par la cour constitutionnelle ougandaise
était contraire à la constitution ougandaise et violait pour cela
une règle de droit et par conséquent le traité qu'applique
le traité de l'EACJ93(*).
TABLEAU COMPARATIF DES CES TROIS COURS SOUS REGIONALES
|
COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
|
TRIBUNAL DE LA SADC
|
COUR DE JUSTICE DE L'EAC
|
ETATS MEMRES
|
Bénin ; Burkina Faso ; Cape Vert ; Côte
d'Ivoire ; Gambie ; Ghana ; Guinée ; Guinée Bissau ; Liberia ;
Mali ; Niger ; Nigeria ; Sénégal ; Sierra Léone ; Togo
|
Afrique du Sud ; Angola ; Botswana ;Lesotho;
Malawi ;Maurice ; Mozambique ; Namibie ; République
démocratique du Congo ; Seychelles ; Swaziland ; Tanzanie ; Zambie ;
Zimbabwe.
|
Burundi ; Kenya ; Tanzanie ; Ouganda ; Rwanda.
|
ACTE FONDATEUR
|
La Cour de Justice est prévue aux Articles 6 et 15 du
Traité Révisé de la CEDEAO. Le protocole relatif à
la Cour de justice (signé le 6 juillet 1991) est entré en vigueur
le 5 novembre1996. En janvier 2005, un Protocole supplémentaire a
été adopté amendant plusieurs dispositions du Protocole
de la Cour.
|
Le Tribunal est prévu par l'Article 9(f) du
Traité de la SADC. Le Protocole portant création du Tribunal et
ses Règles de Procédures ont été adoptés en
2000 et sont entrés en vigueur en 2001.Le Tribunal est devenu
opérationnel en Novembre 2005 et prêt à recevoir des
affaires en mars 2007.
|
L'Article 9 du Traité établissant la
Communauté de l'Afrique de l'est prévoit la mise en place de la
Cour. Celle-ci est devenue opérationnelle en novembre 2001. Les
Règles de Procédures ont été adoptées en
2004.
|
SIEGE
|
Abuja (Nigeria)
|
Windhoek (Namibie)
|
Arusha (Tanzanie)
|
COMPETENCE EN MATIERE DES DH
|
Explicite. L'Article 9(4) du Protocole additionnel donne
à la Cour compétence pour connaître des cas de violations
des droits de l'Homme commises par un Etat Partie.
|
Implicite Le Tribunal a compétence pour connaître
des cas relatifs à l'interprétation et l'application du
Traité (art. 14 du Protocole). Le Traité ne fait pas
référence à la Charte africaine des droits de l'Homme et
des peuples, mais il engage les parties au respect des droits de l'Homme,
à la démocratie, à l'Etat de droit, à la non
discrimination.
|
Implicite. Le Tribunal a compétence pour
connaître des cas relatifs à l'interprétation et
l'application du Traité (art. 23 du Traité) qui engage (art.
6(d)) les Etats
à respecter les principes fondamentaux, parmi lesquels
les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des
peuples. L'Article 27(2) prévoit qu'un Protocole pourrait être
adopté pour donner une plus large compétence à la Cour,
notamment en matière de droits de l'Homme.
|
SAISINE PAR LES INDIVIDUS
|
L'Article 10 (d) donne accès à la Cour aux
individus pour demander réparation d'une violation des droits de
l'Homme
|
L'Article 15 du Protocole prévoit la saisine par toute
personne physique et morale
|
La Cour peut être saisie par toute personne physique et
morale résidant dans la communauté
|
Conclusion partielle
En guise de conclusion de ce chapitre, nous disons que les
conditions de recevabilité des requêtes individuelles devant la
Cour africaine sont moins rigoureuses que celles requises par les Cours
européenne et interaméricaine. Au niveau africain ces conditions
sont adaptées et moins rigides dans la mesure où elles n'exigent
pas que la requête soit présentée dans les six mois
à cause de difficulté de transport que connait l'Afrique, ou que
son objet ne soit pas en cours d'examen devant une autre instance
internationale. Si vis-à-vis de conditions exigées par ses paires
le Protocole créant la cour africaine exige des conditions souples, on
ne peut manquer de souligner qu'elle soumet des requêtes étatiques
à des conditions moins rigoureuses que pour celles émanant des
individus et des ONG. De la lecture de l'article 40 de son Règlement
final de 2010 et des paragraphes premier et deuxième de l'article 6.2
que les conditions qu'il pose ne concernent que les seules affaires
portées devant la Cour par un individu ou une ONG. La question qui
reste à résoudre est celle de savoir si les requêtes
interétatiques ne sont soumises à aucun barrage de
recevabilité pour que la Cour en connaisse.
Comparativement aux conditions prévues par les
juridictions sous-régionales, la cour est difficilement accessible. Non
seulement ces cours des CER ne prévoient pas la déclaration
facultative, la compatibilité des demandes aux instruments de
protection, les conditions de délai, elles vont jusqu'à admettre
des requérants sans qu'ils n'aient saisi une seule instance interne.
C'est la règle pour toutes ces CER concernant les litiges entre
particuliers ; et la CJCEDEAO ne prévoit pas cette condition pour
toute affaire dont elle pourra connaitre.
Chapitre deuxième : L'ACCES DES INDIVIDUS A LA
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
Introduction
Pendant très longtemps, une conception absolue de la
souveraineté a prévalu et a entraîné deux
conséquences majeures, notamment en matière de droits de l'homme
: d'une part, la justice est une prérogative de l'État qui est
seul habilité à l'exercer à propos de tout
événement survenant sur son territoire ; d'autre part, un
État ne peut être soumis à aucune autre juridiction
à moins qu'il ne donne son accord. Cet accord a d'abord commencé
pour les litiges opposant des États entre eux ; pour éviter de
recourir à la guerre on a eu tendance à faire appel à des
moyens plus pacifiques dont la justice internationale. C'est déjà
un progrès notable consacré par les conventions de la Haye du 29
juillet 1899 et du 18 octobre 1907 relatives au règlement pacifique des
différends et confirmé par d'autres conventions qui introduisent
l'arbitre ou le juge ; il faut attendre une période encore plus
récente pour que les États acceptent la compétence d'un
juge international pour des litiges les opposant à des
particuliers.94(*)
Que ce soit au niveau de la CIJ ou des autres systèmes
régionaux de droits de l'homme, le droit de recours individuel fait
généralement l'objet d'une clause facultative, la
compétence de ces organes d'examiner les requêtes individuelles
étant soumise à la condition de la déclaration de la
reconnaissance de cette compétence par les Etats concernés
(section I). D'entrée de jeu, disons que l'Afrique ne fait pas exception
à la restriction actuelle du droit procédural des droits de
l'homme. Cette restriction a pour base l'article 34.6 du Protocole (section
II).
Aux fins de garantir un accès direct aux individus
malgré l'absence de la déclaration de l'article 34.6, la question
se pose de savoir si un État peut malgré tout accepter
d'être attrait devant la Cour en exprimant son consentement au cas par
cas, autrement que par le dépôt préalable de la
déclaration prévue à l'article 34. 6 rendant ainsi
possible un éventuel forum prorogatum (section III). D'autres
possibilités pourraient s'offrir comme sur le plan organique avec la
suppression de la Commission africaine comme c'était le cas en 1998 dans
le système européen ou comme il le sera dans le système
interaméricain (section IV). Aussi, entrevoir une révision de la
Charte qui porterait sur la suppression de l'article 34.6 (section V). En
outre, sensibiliser les Etats à ratifier la Charte car nous n'avons pas
un seul autre mécanisme juridique par lequel les individus peuvent
attraire directement les Etats en devant la Cour africaine (VI). Ensuite et
enfin, la cour africaine ayant été créée à
coté d'autres organes judiciaires ayant compétence en
matière des droits de l'homme (section VII), nous examinerons la
coexistence de ce qu'on appelle aujourd'hui les cours africaines des droits de
l'homme (section IX).il nous sera donné par ce travail d'examiner
certaines requêtes individuelles soumises à la Cour (section
II).
Section I : Les recours individuels devant la CIJ et les
autres systèmes régionaux de droits de l'homme
§1. Les allégations des individus devant la
CIJ
L'actuelle Cour internationale de justice (CIJ), dont le
siège est à La Haye (Pays-Bas), a remplacé l'ancienne CPJI
pour devenir l'organe judiciaire principal des Nations Unies.
Composée de 15 juges élus par l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité de l'ONU, elle
est une juridiction réservée aux seuls États pour
résoudre leurs litiges en rendant des arrêts et, accessoirement,
aux institutions des Nations Unies en rendant des avis.
Elle n'est pas ouverte aux individus et ceux-ci ne peuvent
faire valoir leurs droits devant elle que par l'intermédiaire de leur
État d'origine ; en effet, chaque État peut exercer la protection
diplomatique en faveur de ses ressortissants qui lui permet d'endosser leur
requête et de mettre en cause, devant la CIJ, tout autre État qui
aurait porté atteinte à leurs droits. Par cette démarche,
l'affaire de l'individu devient une affaire d'État qui permet d'invoquer
le droit international et les recours ouverts aux États. C'est dans ce
cadre que la CPJI et la CIJ ont eu à connaître d'affaires touchant
directement ou indirectement aux droits de l'homme bien que ces affaires ne
soient pas nombreuses. Il convient, cependant, de noter un regain de faveur de
ces recours comme le montrent quelques affaires récentes mettant
notamment en cause les jugements et condamnations à mort
prononcées contre des étrangers par les juridictions des
Etats-Unis d'Amérique : dans l'affaire LaGrand, un ressortissant
allemand a été arrêté, détenu, jugé,
condamné à mort et exécuté ; dans l'affaire Avena
et autres, ce sont 52 ressortissants mexicains qui ont été
condamnés à mort dans les mêmes conditions, mais n'ont pas
encore été exécutés. Dans ces affaires, l'Allemagne
et le Mexique ont exercé des recours devant la CIJ pour lui demander de
constater que les procédures avaient eu lieu dans des conditions
contestables qui n'avaient pas respecté les droits de la défense
et, surtout , sans que les États concernés aient
été informés des procédures entamées contre
leurs ressortissants afin de leur apporter l'assistance nécessaire. Dans
le cas LaGrand, la CIJ a condamné les États-Unis en 1999 et, dans
le cas Avena et autres, après avoir ordonné à titre
conservatoire, en 2003, le sursis pour les exécutions, elle vient de se
prononcer sur le fond pour condamner les Etats-Unis et demander un
réexamen des verdicts prononcés contre les ressortissants
mexicains. dans le même sens, la Cour vient de rendre son arrêt
dans l'affaire Diallo par lequel elle est parvenue à la conclusion
suivant laquelle la République démocratique du Congo a
violé les obligations lui incombant en vertu des articles 9 et 13 du
Pacte international relatif aux droits civils et politique, des articles 6 et
12 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que de
l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne
sur les relations consulaires95(*).
La base de ces recours se trouve dans la convention de Vienne
sur les relations consulaires de 1963 que la Cour a interprétée
de manière extensive pour dire qu'un État qui juge
pénalement un étranger doit faire en sorte que l'État
d'origine puisse intervenir dès le début des poursuites.
§2. Les recours individuels devant la Cour
européenne
La première cour des droits de l'homme est née
dans le cadre du Conseil de l'Europe et elle a été
instituée par la convention du 4 novembre 1950. La particularité
et la nouveauté de cette initiative résident dans plusieurs
éléments dont l'acceptation de l'accès direct des
individus à une juridiction internationale en permettant l'introduction
directe des requêtes devant la Cour.
A. La cour européenne avant le Protocole
N°11
En effet, dans le système qui prévalait avant
l'adoption du Protocole no 11 en Europe, les affaires tirant leur origine de
requêtes introduites par des personnes physiques ou des organisations non
gouvernementales ne pouvaient être présentées que si l'Etat
intéressé avait déclaré accepter la
compétence de la Commission en la matière. Elles ne pouvaient
être tranchées par la Cour que si l'Etat avait de surcroît
déclaré reconnaître la juridiction de la Cour.
Cependant, on peut noter que la Cour africaine reproduit ce
qui était aussi la réalité dans le système
européen au moment de sa création, où toute requête
individuelle devait nécessairement passer devant la Commission avant,
éventuellement, d'être portée à la connaissance de
la Cour si, et seulement si, l'Etat en cause avait fait une déclaration
préalable d'acceptation. Quand la Convention européenne a
été adoptée en 1950, la disposition entrouvrant la voie
aux requêtes individuelles représentait une nouveauté en
droit international, et plusieurs pays européens ont été
réticents à les accepter. Au moment de l'entrée en vigueur
de la Convention en 1953, seuls 3 des 10 pays ayant ratifié avaient fait
une déclaration acceptant les requêtes individuelles. En 1960, ils
étaient 10 sur un total de 15 pays liés par la Convention. Par la
suite, les Etats réfractaires sont devenus de plus en plus
marginalisés, les nouveaux membres du Conseil de l'Europe acceptant
rapidement tous les engagements de la Convention. Face à ce renversement
de tendance, le Conseil de l'Europe a finalement adopté le Protocole
n°11, entrée en vigueur en novembre 1998, imposant le recours
individuel à tous les Etats parti.
B. La cour européenne après les
Protocoles N°11 et 14
Aujourd'hui la reconnaissance du droit de requête
individuel est obligatoire pour toutes les parties contractantes et la Cour a
automatiquement compétence juridictionnelle à l'égard de
toutes les affaires interétatiques dont elle est saisie.
En Europe, une solution similaire à celle qui est
consacrée par, le protocole créant la Cour africaine était
consacrée par la Convention européenne avant que celle-ci
ne soit amendée par le Protocole No. 9 puis par le Protocole No.11.
Depuis l'entrée en vigueur de ce dernier protocole, tant les Etats
parties, que les individus ou organisations non gouvernementales peuvent porter
une affaire devant la Cour et ce, sans qu'il soit nécessaire que les
Etats parties concernés aient au préalable accepté sa
compétence par le dépôt d'une déclaration
spéciale; cette compétence est en effet désormais
obligatoire.
La Cour européenne souffre depuis quelque temps de son
succès : de plus en plus de citoyens la saisissent pour faire valoir
leurs droits. Le nombre de requêtes a atteint 57100 en 2009, une
augmentation de plus de 500 % par rapport à 2000. L'examen des
requêtes prend souvent des années. Afin de remédier
à ce problème, le Conseil des ministres a adopté en 2004
le Protocole 14, qui amende la Convention européenne. La réforme
prévoit une simplification de la procédure, avec la
possibilité qu'une requête soit déclarée irrecevable
par un juge unique, au lieu du comité de trois juges. Le comité
de trois juges aura la compétence de statuer sur le fond dans des
affaires « répétitives ».
Le but de cette reforme- comme on peut lire au
préambule- est de maintenir et renforcer l'efficacité à
long terme du système... en raison principalement de l'augmentation de
travail de la Cour européenne (cinquième considérant),
tout en sauvegardant le
« rôle prééminent » de la Cour
« dans la protection des droits de l'homme en Europe »
(sixième considérant).
Il ressort des objectifs ci-avant que la refonte mise en
oeuvre par le Protocole N°11 n'a pas suffit à faire face à
la hausse, très marquée, du nombre de requêtes
individuelles présentées à la Cour. Le Protocole N°14
poursuit ces objectifs par l'adoption de mesures touchant au fonctionnement du
système, dont le but est de simplifier la procédure se
déroulant devant la Cour en lui assurant notamment une
rapidité.96(*)
Ces réformes sont nécessaires et bienvenues. La
disposition la plus discutée crée une nouvelle condition de
recevabilité permettant d'écarter une requête quand son
auteur n'a pas subi de « préjudice important qui porte la formule
latine d'exception de minimis ».97(*)
§3. La cour interaméricaine des droits de
l'homme
Si le continent américain a
précédé l'Europe dans la reconnaissance des droits de
l'homme grâce à la Charte constitutive de l'Organisation des
États américains du 30 avril 1948, en revanche, il faut attendre
la convention du 22 novembre 1969 pour instituer une Cour
interaméricaine habilitée à recevoir les requêtes
des personnes pour violation des droits de l'homme. Cette Cour n'est
entrée en fonction qu'en 1978 et elle a eu un démarrage laborieux
dans un continent où ont longtemps prédominé des
régimes autoritaires ; elle est devenue plus active avec la
démocratisation de ces régimes et, sans avoir l'autorité
de son homologue européenne, elle a commencé à prendre
place parmi les institutions fiables de protection des droits de l'homme.
Afin de protéger les individus contre les violations
des droits garantis, la Convention américaine a instauré un
mécanisme de plainte individuelle. En raison de la particularité
du système interaméricain de protection des droits de l'homme, la
contrôle sur plaintes individuelles est un mécanisme à
double vitesse qui peut se matérialiser par un contrôle
juridictionnel effectué par la Cour ou se limiter à un
contrôle quasi juridictionnel assuré par la Commission, soit parce
que ni la Commission ni l'Etat en cause ne souhaitent saisir la Cour, soit,
car l'Etat défendeur n'a pas accepté la compétence
contentieuse de la Cour98(*).
D'aucun n'hésite à affirmer que dans le
système inter américain, seul la commission et les Etats parties
ont la compétence pour saisir la cour. La victime n'a pas de droit de
saisine (directe). Pour contourner ce vide juridique, une pratique s'est
créée, la commission inter américaine joue le rôle
de représentant de la victime auprès de la cour99(*).
Les pétitions individuelles qui allèguent la
violation d'une disposition de la Convention américaine doivent
être déposées auprès de la Commission
interaméricaine. Cette dernière examine la recevabilité de
la requête et peut adopter une décision sur le fond de l'affaire.
Si l'Etat en cause a accepté la compétence contentieuse de la
Cour, la Commission ou l'Etat lui-même, peut saisir la Cour
interaméricaine.
Il faut dire aussi que la compétence ratione
personae des organes de contrôle de la Convention dans le cadre des
pétitions individuelles s'analyse non seulement par rapport à
l'Etat en cause (compétence passive), mais également à la
lumière de la qualité de la victime et de la qualité du
pétitionnaire.
Voulant transposer le modèle européen dans leur
système, des praticiens du droit communautaire américain estiment
que la suppression de la commission européenne a contribué
à garantir le droit de recours des individus d'ester directement devant
la Cour européenne. C'est dans ce sens qu'Antônio Augusto
Cançado Trindade, Président de la Cour interaméricaine des
droits de l'homme estime que sur un plan purement organique, la suppression de
la Commission et l'adoption de la Cour unique ont marqué en Europe un
pas de plus vers la juridictionnalisation. Il dit que l'article 62 du Pacte de
San José de 1969 ainsi que le règlement actuel de la Cour
(entré en vigueur le 1er juin 2001) confèrent aux
individus, le locus standi, c'est-à-dire la capacité
d'ester en justice, grâce à laquelle ils peuvent participer
directement à toutes les phases de la procédure devant la Cour
interaméricaine des droits de l'homme. On pense que telle sera aussi la
tendance dans le système interaméricain de protection des droits
de l'homme si l'on en croit les projections et recommandations de M. Antonio
Augusto Cançado Trindade, Président de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme.100(*)
Section II : Les recours individuels devant la cour
africaine des droits de l'homme et des peuples
La compétence juridictionnelle de la Cour africaine est
quant à elle toujours subordonnée à l'acceptation
préalable des Etats parties au Protocole. On remarquera
spécialement la prudence extrême des Etats africains quant
à la saisine de la Cour. Ne pourront en effet saisir la Cour que l'Etat
(signataire), l'Etat mis en cause, l'Etat dont le ressortissant est victime
d'une violation des droits de l'homme ou des organisations
intergouvernementales africaines. Il est pour l'instant impossible à un
individu de saisir directement cette Cour, à moins que son pays n'ait
déposé déclaration de reconnaissance de la
compétence de la Cour à examiner les requêtes des
particuliers. De ce point de vue, les Burkinabè, les Maliens, les
malawites, les Tanzaniens et les Ghanéens sont encore en avance. Le
mécanisme africain a encore quelques pas à faire vers l'adoption
de ce que M. Antônio Augusto Cançado Trindade, Président de
la Cour interaméricaine des droits de l'homme considère comme un
« mécanisme émancipateur de l'individu à
l'égard de son propre Etat »101(*).
Le texte de référence en Afrique c'est le
Protocole à ses articles 5.3 et 34.6. Le Protocole organise le droit de
saisine directe de la Cour par les individus et ONG à une double
condition : la reconnaissance par l'Etat défendeur de la
compétence de la Cour africaine pour
§1. L'accès des individus et ONG à la
Cour africaine
L'exercice effectif du droit de recours individuel devant la
Cour africaine est lié à l'adoption de mesures dans les domaines
politique, procédural et financier. Ces mesures concernent la
reconnaissance de la compétence de la Cour pour recevoir des
requêtes individuelles, l'adoption par la Cour d'un règlement
intérieur favorisant celles-ci...102(*)
C'est dans ce sens que l'article 5.3 du Protocole
prévoit : « la Cour peut permettre aux individus
ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur auprès de la
Commission africaine d'introduire des requêtes directement devant
elle ».
Le protocole créant la Cour africaine ainsi
prévoit d'une part une compétence obligatoire à
l'égard des requêtes émanant des Etats africains, de la
Commission africaine et des organisations intergouvernementales africaines.
D'une autre part le même Protocole prévoit une compétence
facultative de la Cour de recevoir des requêtes émanant des
individus ou des ONG ayant statut d'observateur devant la Commission
africaine.
Au cours de ce travail nous allons plus nous attarder sur la
compétence facultative de la Cour africaine à recevoir des
requêtes émanant des individus et des ONG ayant statut
d'observateur auprès de la Commission africaine.
La compétence facultative suppose en
réalité, que les parties, avant tout débat au fond,
acceptent par un consentement tacite, à reconnaître la
compétence de la cour. C'est dire que celle-ci ne peut exercer sa
compétence qu'avec le consentement des parties103(*).
Cette compétence facultative permet aux individus et
ONG de saisir la Cour soit directement (B) soit indirectement en contournant
par la commission africaine (A).
A. Saisine indirecte
Il existe un moyen ou du moins une astuce pour les individus
de saisir indirectement la Cour. Les individus et les organisations non
gouvernementales ayant le statut d'observateur auprès de la commission
africaine peuvent faire entendre leur cause devant la Cour bien que l'Etat en
cause n'ait pas fait la déclaration au titre de l'article 34.6 du
protocole. Ceux-ci peuvent présenter des communications devant la
commission africaine sans qu'un Etat partie puisse s'y opposer. La commission
peut décider de porter l'affaire devant la Cour tout dépendra
largement de la volonté de la Commission africaine.104(*) On peut espérer que
celle-ci utilise cette faculté en accord avec la partie
requérante notamment lorsque cette dernière n'a pas la
possibilité de saisir directement la cour.
Saisie par un individu ou une ONG ayant le statut
d'observateur, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la
Cour africaine de deux manières :
- La Commission peut décider de saisir la Cour
(avant même l'examen de la recevabilité de la communication) si la
situation portée à sa connaissance présente des violations
graves et massives des droits de l'Homme commises par un Etat partie au
Protocole de la Cour ;
- La Commission peut décider de saisir la Cour en cas
d'inexécution de ses décisions (mesure provisoire ou
décision au fond) par un Etat partie au Protocole de la Cour105(*).
Dans ces cas, les individus et ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission africaine pourront devenir des
parties à la procédure portée par la Commission devant la
Cour comme l'a décidé la troisième réunion de la
Cour et de la commission du 31 août 2010 comme vient de le confirmer
l'article 28.3 du nouveau Règlement intérieur final de la Cour
adopté le 07 septembre 2010.
Evidement, la Commission africaine ne pourra saisir la Cour
que si l'Etat en cause devant la Commission est partie au Protocole de la
Cour.
Cette première possibilité n'est pas
restée purement textuelle. Pour la toute première fois, la Cour
africaine a été saisie par la Commission africaine. Les ONG de
la FIDH ont saisi la Commission africaine, en vue de saisir la Cour africaine
d'une plainte contre la Libye. Cette plainte répond aux communications
transmises par ces organisations à la Commission requérant une
telle action. En effet, cette affaire désormais connue sous le nom
Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
(requérant) c/ Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et
socialiste (défendeur) a été initiée par
Requête N° 004/2011. Se fondant sur des informations recueillies par
nos organisations, la CADHP a déposé une plainte auprès de
la Cour africaine contre la Libye portant sur la violation grave et massive des
dispositions de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples
ratifiée par la Libye en 1986. La Libye aussi ratifié le
Protocole créant la Cour le 19 novembre 2003. Notamment, la CADHP
dénonce la répression par les forces de sécurité
des manifestations pacifiques de février 2011, l'utilisation excessive
d'armes lourdes contre la population, ainsi que les arrestations et
détentions de manifestants. De l'avis du Requérant, ces actions
sont constitutives de violations graves et généralisées
des droits garantis par les articles 1, 2, 4, 5, 9, 11, 12, 13 et 23 de la
Charte africaine. Le requérant demande à la Cour d'appliquer
à l'encontre du défendeur certaines mesures coercitives106(*). Tenant compte de la
gravité de la situation qui prévalait en Libye, la Cour en vertu
de l'article 27 de son Règlement intérieur
intériméraire.
Face à une telle pratique, on se demande si la
commission africaine peut valablement garantir les intérêts des
individus et ONG lors de la procédure devant la cour africaine ?
Des éléments de réponses peuvent être
apportés par l'illustration du système inter américain
où toute affaire doit passer obligatoirement par la commission avant une
éventuelle recevabilité devant la cour inter américaine.
La solution adoptée par le système africain pose une limite
à l'efficacité de la cour. Cependant on peut noter qu'elle
reproduit ce qui était aussi la réalité dans le
système européen. Au moment de sa création, toute
requête adressée devant la cour européenne devait
nécessairement passer devant la commission avant éventuellement
d'être portée devant la cour si et seulement si, l'Etat en cause
avait fait une déclaration préalable d'acceptation.
La Cour africaine a adopté une solution similaire
à la pratique de la Commission interaméricaine. En effet, la Cour
africaine consultera la Commission africaine sur les amendements touchant au
règlement intérieur. Autre fait important, les deux juridictions
ont convenu que, dans le cas d'une affaire trouvant son origine au niveau de la
Commission africaine, la Cour africaine pourrait entendre l'individu ou l'ONG
à l'initiative de la requête en vertu de l'article 55 de la Charte
africaine (il s'agit des communications soumises par des individus ou des
ONG)107(*). Elle l'a
confirmé dans son Règlement intérieur final à
l'article 28.3 littera c. cet article se lit comme
suit : « La Cour peut également, si elle le
juge nécessaire, entendre, sur la base de l'article 45 du
Règlement intérieur, l'individu ou l'ONG qui a saisi la
Commission en vertu de l'article 55 de la Charte africaine ».
C'est dans cette optique, que la Commission de toute
évidence donnera à la Cour l'occasion d'exercer sa fonction
juridictionnelle. Il n'est pas réaliste d'espérer que par des
recours étatiques, la jurisprudence de la Cour s'étoffe quand
l'on constate que depuis l'existence de la Commission, celle-ci n'a connu
aucune communication d'un Etat contre un autre, alors que ce ne sont pas les
occasions qui ont manqué.
La compétence facultative de la Cour se traduit aussi
par la saisine directe de la Cour par les individus mais cet accès fait
l'objet d'une restriction posée à l'article 34.6 du Protocole.
B. La saisine directe de la Cour par les individus et
ONG
Cette saisine se base sur les articles 5.3 et 34.6 du
Protocole.
Selon l'article 5.3 du Protocole, «la Cour peut
permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission africaine d'introduire des requêtes
directement devant elle».
L'article 34.6 prévoit : « A tout moment
à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit
faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour
recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du
présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en
application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas
fait une telle déclaration ».
A ce titre, les parties ci-après
désignées peuvent valablement déposer un recours devant la
dite cour :
- Les individus personnes physiques qui réunissent les
conditions pour ester en justice.
- Les organisations non gouvernementales ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples.
A la différence des autres cours régionales,
la faculté donnée aux individus et aux ONG de saisir la Cour
n'est pas limitée à un intérêt à agir
particulier, comme celui d'être une victime directe de la violation des
droits de l'Homme.
Une fois l'autorisation donnée par un Etat partie,
conformément à l'article 34.6 du Protocole, tout individu ou ONG
ayant le statut d'observateur à la Commission africaine, quelle que soit
sa nationalité civile ou juridique, peut accéder à la Cour
pour contester les violations des droits de l'Homme commises par cet Etat. Dans
le même ordre d'idées, le Batonnier MATADI considère la
consécration de cette actio popularis comme une arme importante
dans un continent où les citoyens ne sont pas toujours informés
de leurs droits et devoirs. Ainsi les ONG vont agir en leurs lieu et
place108(*).
En ce sens, la Cour devrait rejoindre la jurisprudence de la
Commission africaine qui a expliqué dans une décision (Malawi
African Association et autres c/ Mauritanie) : « Les auteurs d'une
communication ne doivent pas forcément être les victimes ou des
membres de leurs familles. Cette caractéristique reflète une
sensibilité aux difficultés pratiques que peuvent rencontrer les
individus dans les pays où les droits de l'Homme sont violés. Les
voies de recours nationales ou internationales peuvent ne pas être
accessibles aux victimes elles-mêmes ou peuvent s'avérer
dangereuses à suivre ».109(*)
Cependant, cette compétence n'est que facultative car
soumise à la volonté préalable de l'Etat accusé de
violations des droits de l'Homme. En fait, les individus et ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission africaine peuvent saisir
directement la Cour si et seulement si l'Etat en cause, partie au Protocole, a
fait une déclaration (ci-après déclaration facultative) au
titre de l'article 34.6 du Protocole autorisant une telle démarche.
Relevons que cette limitation du droit d'accès des
particuliers au prétoire de la justice internationale des droits de
l'homme soulève quelques observations ; cette tendance peut
présenter bien des avantages que des inconvénients.
I. Avantages, inconvénients et critiques de la
déclaration facultative
En termes d'avantages, cette restriction a pour objectif
d'éviter l'engorgement de dossiers à la Cour africaine. Par
ailleurs, l'institution d'une clause facultative permettra d'assurer un
meilleur suivi pour toutes les affaires pendantes devant la cour.
Sur un autre registre, cette clause constitue une atteinte
grave au droit d'accès à la justice des particuliers. Il aurait
été plus respectueux des droits de l'individu si au moins, si
c'était à l'Etat qui ne reconnaît pas à la Cour,
cette compétence, qu'il revenait de faire une déclaration en ce
sens. La juridictionnalisation du système africain des droits de l'homme
aurait été optimale si l'individu pouvait accéder
facilement à la justice de la Cour. Les rédacteurs du protocole
auraient amorcé une évolution notable du droit procédural
international des droits de l'homme, s'ils avaient pu rendre le système
africain progressiste en ce sens.110(*) Avec l'article 34 paragraphe 6, nous ne pensons pas
que les Etats vont déborder d'enthousiasme pour se bousculer à
faire la déclaration de reconnaissance de la compétence de la
cour à examiner les requêtes des particuliers. Par
conséquent, à défaut d'un nombre significatif de
déclarations, la cour sera essentiellement réduite au seul examen
des communications.111(*)
A ce stade de l'entrée en vigueur du protocole, seuls le
Burkina-Faso, Mali, Malawi, Tanzanie et Ghana (le 5 avril 2011) se sont
conformés aux dispositions de l'article 34-6.
II. Portée de l'article 34.6 du Protocole
L'article 34.6 stipule qu' « [A] tout moment à
partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une
déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les
requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent
Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de
l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration ». Disons d'emblée que la version
française de cet article est différente des versions anglaise,
arabe et portugaise dans la formulation.
Il s'git ici du genre de requêtes soumises directement
à la Cour par un individu ou une organisation non gouvernementale
sans qu'aucune procédure n'ait été engagée
devant la Commission.
Il s'agit ici d'une des limitations principales du
système africain de protection des droits de l'Homme : la
capacité de la Cour de recevoir des communications individuelles est
fondamentale pour sa crédibilité dans son rôle de lutte
contre l'impunité et de protection des droits de l'Homme sur le
continent. Pourtant, parmi les Etats ayant ratifié le Protocole à
savoir 26 Etats africains112(*), seuls le Burkina Faso, le Mali, le Malawi, la
Tanzanie et le Ghana ont fait une déclaration au titre de l'article 34.6
à la date de du dépôt de ce travail113(*).
Ainsi formulée, cette disposition soulève deux
questions114(*).
La première est celle du sens à donner au verbe
« doit » utilisé dans la première phrase,
celui-ci suggérant que le dépôt de la déclaration
par l'Etat partie est pour celui-ci une « obligation » et
non pas une « faculté ».
Ainsi compris, l'article 34.6, obligerait les Etats parties
à faire une telle déclaration après le dépôt
de leur acte de ratification (ou adhésion). Cette prescription n'a
toutefois pas de véritable portée juridique dans la mesure
où aucun délai n'est spécifié. Elle n'a pas non
plus beaucoup de sens quand on la lit à la lumière de son
contexte et en particulier de l'article 5.3, et de la seconde phrase de
l'article 34.6 qui précise que « La Cour ne reçoit
aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un
Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration ». il convient
donc de conclure que le dépôt de la déclaration est
facultatif ; cette conclusion est corroborée par un examen des
travaux préparatoires du Protocole.
La deuxième soulevée par le §6 de l'article
34 est celle de savoir si le dépôt de la déclaration
facultative par les Etats parties est le seul moyen par lequel ceux-ci peuvent
exprimer leur consentement à la compétence de la Cour pour
connaitre d'une requête individuelle dirigée contre eux.
A cet égard on relèvera tout d'abord que
l'article 34.6, n'exige pas que le dépôt de la déclaration
facultative soit « préalable » au
dépôt de la requête ; il prévoit simplement que
la déclaration peut être faite à tout moment à
partir de la ratification ». Rien n'empêche ainsi un Etat
partie de faire cette déclaration « après »
qu'une requête ait été introduite contre lui. En
application du §4 de l'article 34 du Protocole, la déclaration,
à l'instar des actes de ratification ou d'adhésion, entre en
vigueur au moment de son dépôt et déploie ses effets
à cette date.
Il ressort de cette analyse qu'un État partie au
protocole ne peut être attrait directement devant la Cour par un
individu ou une organisation non gouvernementale que s'il a au préalable
fait la déclaration prévue à l'article 34. 6, et par
laquelle il accepte la compétence de la Cour pour connaître de
telles affaires. En d'autres termes, l'individu ne dispose pas d'un
accès direct devant la Cour si l'Etat défendeur n'a pas encore
fait la déclaration de l'article 34.6.
Section III : La juridiction de la Cour africaine au cas
par cas
La Cour n'a pas prévu une telle faculté que ce
soit dans son règlement intérieur intériméraire de
juin 2008 ou son Règlement intérieur final du 07 septembre 2010
en ce qui concerne sa saisine par un individu ou une organisation non
gouvernementale, rendant ainsi possible un éventuel forum
prorogatum.
La convention américaine à son article 62.3,
ainsi que la convention européenne à son article 48 avant
qu'elle ne soit amendée, prévoyaient pareille
possibilité.
Le consentement de l'Etat est la seule condition de la Cour en
matière des requêtes individuelles. Ce consentement peut
être exprimé préalablement à l'introduction d'une
requête dirigée contre lui, par le dépôt de la
déclaration visée au §6 de l'article 36. Il peut se
manifester postérieurement, soit de manière formelle par le
dépôt d'une telle déclaration, soit de manière
informelle ou implicite par la voie du forum prorogatum. Cette
dernière n'est pas aussi étrangère à la Cour
(b) mais elle peut bien l'appliquer en se
référant à la doctrine du forum prorogatum et
à la pratique qui en est faite par les autres juridictions
internationales principalement la CIJ (a).
§1. Le forum prorogatum en droit international
A. Doctrine du forum prorogatum
Forum prorgatum c'est une formule latine
habituellement traduite par l'expression « juridiction
prorogée ». Il s'agit du fait pour l'Etat d'accepter la
compétence d'une juridiction internationale institutionnalisée,
telle la CIJ, postérieurement à la saisine, soit par une
déclaration expresse à cet effet, soit par des actes concluants
impliquant une acceptation tacite. Ces actes concluants peuvent consister en
la participation effective à l'instance, en plaidant sur le fond, ou par
des conclusions au fond ou tout autre acte impliquant absence d'objection
contre une future décision au fond. Un tel comportement vaut, selon
l'opinion de la Cour, acceptation tacite de sa compétence, qui ne peut
plus être révoquée ensuite, en vertu du principe de la
bonne foi ou de l'estoppel115(*).
En effet, le concept original de forum prorogatum, qui nous
vient du droit romain, correspond strictement parlant à une «
prorogation de compétence » : c'est-à-dire l'extension de la
compétence d'un tribunal, qui lui permet de statuer sur un litige qui
n'aurait pas dû être porté devant lui. En droit
international, l'acceptation postérieure de la compétence de la
CIJ par un État a pour effet stricto sensu de créer,
d'établir, la compétence de la Cour116(*).
M. Lauterpacht, juge ad hoc dans l'affaire du
Génocide, a fourni dans son opinion individuelle du 13 septembre
1993, une définition particulièrement claire du forum prorogatum
devant la CIJ en ces termes : « si un État, 1'État A,
introduit une instance contre un autre État, 1'État B, sur une
base de compétence inexistante ou défectueuse, le forum
prorogatum consiste en la possibilité pour 1'État B d'y
remédier en adoptant un comportement valant acceptation de la
compétence de la Cour »117(*).
C'est à la Cour permanente de Justice internationale
(CPJI), l'ancêtre de la CIJ, qu'il revient d'attribuer la
paternité de la transposition du forum prorogatum en droit
international. À l'occasion de la révision, en 1934, de l'article
35 du règlement de la CPJI relatif aux mentions que devrait contenir une
requête introductive d'instance, plusieurs juges avaient insisté
sur le fait que l'institution du forum prorogatum était dans
l'intérêt de la justice internationale, dans la mesure où
elle permettait une certaine souplesse quant aux conditions à remplir
par un État qui voudrait s'adresser à la Cour pour régler
un différend118(*). C'est ainsi que dans la CPJI a
déclaré : « il ne semble point douteux que la
volonté d'un État de soumettre un différend à la
Cour puisse résulter, non seulement d'une déclaration expresse,
mais aussi d'actes concluants. Il paraît difficile de nier que le fait de
plaider le fond, sans faire de réserve sur la compétence, ne
doive être regardé comme une manifestation non équivoque de
la volonté de l'État d'obtenir une décision sur le fond de
l'affaire » (Droits de minorités en Haute-Silésie
(écoles minoritaires)).
B. Le forum prorogatum devant la Cour
internationale de Justice
La compétence du juge international repose uniquement
sur le consentement des États. Pour autant, la déclaration
d'acceptation de la compétence obligatoire de la Cour, en vertu de
l'article 36, paragraphe 2 de son statut, n'est qu'un moyen parmi d'autres
d'expression du consentement d'un État à la compétence de
la CIJ. Mais de toutes ces formes de consentement, l'institution du forum
prorogatum est de loin la plus souple119(*).
Sous l'empire de l'ancien Règlement de la CIJ
(antérieurement au 1er juillet 1978), lorsqu'une instance
était introduite contre un Etat n'ayant pas au préalable
accepté la compétence de la Cour au moyen de la
déclaration facultative et que cet Etat n'acceptait pas la juridiction
de la cour aux fins de ladite instance après y avoir été
invité par le demandeur, il était mis fin à celle-ci par
la voie d'une ordonnance succinte. C'est ce qui été fait pour les
affaires du traitement en Hongrie d'un avion des Etats-Unis
d'Amérique et incident aérien du 7 octobre
1952120(*).
L'article 38.5 du nouveau Règlement de la CIJ a
apporté un vin nouveau dans les vieilles outres. En effet, cet article
prévoit : « Lorsque le demandeur entend fonder la
compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou
manifesté par l'Etat contre lequel la requête est formée,
la requête est transmise à cet Etat. Toutefois, elle n'est pas
inscrite au rôle général de la Cour et aucun acte de
procédure n'est effectué tant que l'Etat contre lequel la
requête est formée n'a pas accepté la compétence de
la Cour aux fins de l'affaire ».
La CIJ ne tardera pas, dès 1948 avec l'affaire du
Détroit de Corfou entre le Royaume-Uni et l'Albanie, à reprendre
à son compte cette institution pratique, dans des formes tout à
fait identiques à la jurisprudence de la CPJI. De 1948 à 1952,
une série d'arrêts vient ainsi confirmer les
caractéristiques principales du forum prorogatum devant la
CIJ :
- D'abord, l'expression du consentement des parties n'est
soumise à aucune condition de forme. Dans l'affaire du
Détroit de Corfou, la CIJ a déduit le consentement de
l'Albanie à sa compétence d'une simple lettre adressée
à la Cour121(*).
- Plus encore, ce consentement peut être exprès
ou implicite. Il peut notamment être déduit de l'attitude des
Parties. Dans l'affaire Haya de la Torre, par exemple, la Cour avait
estimé que plaider sur le fond valait acceptation tacite de sa
compétence122(*).
- A contrario, le simple fait de participer à
l'instance ne saurait constituer une « manifestation non équivoque
», a fortiori lorsque l'objet même de la participation à la
procédure est de contester la compétence. L'une des contreparties
à la souplesse de l'expression du consentement est bien que ce
consentement ne saurait être équivoque. C'est ce qu'on peut dans
l'arrêt sur les exceptions préliminaires in re
Anglo-Iranian Oil Co.123(*).
- Enfin, une fois le consentement des Parties donné
à la Cour, il ne saurait lui être retiré de manière
unilatérale. L'affaire du Détroit de Corfou est très
significative à cet égard et reprend les termes de l'arrêt
de la CPJI dans l'affaire des Droits de minorités en
Haute-Silésie (écoles minoritaires)124(*).
Pour la première fois depuis longtemps, la CIJ a donc
eu l'occasion de réaffirmer, avec l'affaire Djibouti c. France, les
modalités d'application de la doctrine du forum prorogatum.
Dans l'arrêt du 4 juin, les juges de la CIJ ont donc notamment
rappelé que « la compétence de la Cour peut être
fondée sur le forum prorogatum selon des modalités
diverses »125(*)
à cela près que l'attitude de l'État défendeur doit
« pouvoir être regardée comme une «manifestation non
équivoque» de la volonté de cet État d'accepter de
manière «volontaire, indiscutable» la compétence de la
Cour »126(*). Dans
la présente affaire, le consentement de la France avait
été donné en des termes pour le moins explicites, par une
lettre en date du 25 juillet 2006 et adressée au greffe de la CIJ :
« la République française accepte la compétence de la
Cour pour connaître de la requête »127(*).
a. Le forum prorogatum devant la cour
africaine
Il s'agit ici de répondre à la deuxième
question soulevée par le paragraphe 6 de l' article 34 qui est celle de
savoir si le dépôt de la déclaration facultative par les
Etats parties est le seul moyen par lequel ceux-ci peuvent exprimer leur
consentement à la compétence de la Cour pour connaitre d'une
requête individuelle dirigée directement contre eux.
Une courant doctrinal auquel fait partie MUTOY Mubiala
soutient que l'interprétation exacte de l'article 5.3 exclut
l'autorisation au cas par cas128(*).
Cette disposition ne prévoit la compétence de la
cour mais n'en règle pas les modalités telles que prévues
à l'article 34.6. Pour savoir si la cour admet une telle
possibilité il convient de faire une lecture combinée de ces deux
dispositions et non une lecture exclusive de l'une ou de l'autre.
Rappelons tout d'abord que l'article 34.6, n'exige pas que le
dépôt de la déclaration facultative
soit « préalable » au dépôt de la
requête ; il prévoit simplement que la déclaration
peut être faite à tout moment à partir de la
ratification ». Rien n'empêche ainsi un Etat partie de faire
cette déclaration « après » qu'une
requête ait été introduite contre lui. En application du
§4 de l'article 34 du Protocole, la déclaration, à l'instar
des actes de ratification ou d'adhésion, entre en vigueur au moment de
son dépôt et déploie ses effets à cette date.
Si un Etat partie peut consentir à la compétence
de la Cour en déposant « à tout moment » une
déclaration facultative, rien dans le protocole ne s'oppose non plus
à ce qu'il puisse, après le dépôt de la
requête, exprimer son consentement d'une autre manière que par le
biais de la déclaration facultative129(*).
Dans son tout premier arrêt la Cour a
éclairé l'opinion sur la question.
Le 15 décembre 2009, la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples a rendu son premier arrêt, en l'affaire
Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal. La
Cour se déclare incompétente pour statuer sur la requête,
le Sénégal n'ayant pas fait la déclaration acceptant sa
compétence à connaître des requêtes directement
portées devant elle par les individus.
Parlant de cet affaire, le Sénégal ayant
formellement déposé des exceptions préliminaires dans son
« mémoire en réponse » du 9 avril 2009, la
Cour a estimé devoir se conformer aux prescriptions de l'article 52.7 de
son Règlement qui prévoit que « la Cour statue sur
l'exception préliminaire par un arrêt
motivé ».
L'examen par la Cour des exceptions préliminaires du
Sénégal, dans un arrêt, commandait cependant qu'elle traite
la question de sa compétence de manière plus complète en
consacrant notamment des développements à
l'éventualité d'un forum prorogatum. Cette
éventualité est tout au plus évoquée au paragraphe
37 de l'arrêt où la Cour, partant du constat que le
Sénégal n'a pas fait la déclaration facultative, conclut
que cet Etat « n'a pas accepté la compétence de la Cour
pour connaitre sur cette base de requêtes dirigées contre
lui et émanant directement d'individus ou d'ONG »,
suggérant ainsi que le Sénégal aurait pu accepter sa
compétence sur une autre base.
C'est pourtant cette prospective d'un forum
prorogatum, si mince soit-elle, qui explique pourquoi la requête
de Monsieur Yogogmbaye n'a pas été rejetée au lendemain du
10 février 2009 et c'est le dépôt d'exceptions
préliminaires par le Sénégal qui explique pourquoi la Cour
n'a pas mis fin à l'instance par le biais moins solennel d'une
ordonnance ou d'une simple lettre du Greffe130(*).
Section IV. Eventuelle suppression de la Commission
africaine
D'aucun pense qu'avec la suppression de la Commission
africaine les individus auront le jus standi judicio
c'est-à-dire un accès direct à la Cour africaine131(*). En effet, sur un plan
purement organique, la suppression de la Commission et l'adoption de la Cour
unique ont marqué en Europe un pas de plus vers la
juridictionnalisation. Entré en vigueur le 1er novembre
1998, ce Protocole a remplacé les anciennes Cour et Commission qui
fonctionnaient à temps partiel par une Cour unique et permanente. La
Commission continua pendant une période transitoire d'une année
(jusqu'au 31 octobre 1999) de traiter les affaires qu'elle avait
déclarées recevables avant cette date132(*). Dans le système de
Strasbourg, le Protocole N° 11 à la Convention européenne
... a reconnu aux individus le jus standi judicio, droit
d'accès direct à la Cour européenne des Droits de
l'Homme133(*).
Telle sera aussi la tendance dans le système
interaméricain de protection des droits de l'homme si l'on en croit les
projections et recommandations de M. Antonio Augusto Cançado Trindade,
Président de la Cour interaméricaine des droits de
l'homme134(*). Dans le
système de San José, au Costa Rica, les individus se sont vu
conférer en vertu de la Convention américaine relative aux droits
de l'homme, par l'adoption - étape historique - du règlement
actuel de la Cour (article 62 du Pacte de San José de 1969 entré
en vigueur le 1er juin 2001), le locus standi judicio,
c'est-à-dire la capacité d'ester en justice, grâce à
laquelle ils peuvent participer directement à toutes les phases de la
procédure devant la Cour interaméricaine des droits de
l'homme.
Ce pas, l'Afrique se garde bien de le franchir. Nous n'en
voudrons pas trop à l'Afrique pour cette léthargie car la jeune
Cour africaine a encore besoin de l'expertise de la Commission africaine pour
bien interpréter les divers instruments des droits de l'homme qu'elle
est appelée à appliquer.
Section V. La sensibilisation des Etats africains au
dépôt de la déclaration facultative
Nous venons de relever les possibilités offertes aux
individus pour avoir accès à la Cour africaine. Parmi ces
possibilités on peut rappeler la saisine indirecte par la Commission
africaine et l'hypothèse de la théorie du forum
prorogatum. Pour que, d'un côté, une requête
soit recevable devant la Cour et de l'autre, l'activité juridictionnelle
de la Cour ne soit pas seulement conventionnelle, on doit s'assurer que chaque
Etat africain en cause devant la Cour africaine a bien fait la
déclaration au titre de l'article 34.6.
Nous nous retrouvons en face d'aucun mécanisme
juridique contraignant pouvant permettre d'obtenir les ratifications du
Protocole et les déclarations des Etats en en vertu de l'article 34.6
excepté leur propre volonté qui, dans ce cas se traduit
juridiquement par la ratification.
Nous invitons donc tous les Etats africains qui n'ont pas
encore ratifié le Protocole à suivre l'exemple des leurs pairs
qui l'ont déjà fait à savoir : Afrique du sud,
Algérie, Burkina Faso, Burundi, Congo Brazza, Côte d'Ivoire,
Gabon, Gambie, Ghana, Kenya, Lesotho, Libye, Malawi, Mali, Mauritanie,
Mozambique, Ile Maurice, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda,
Sénégal, Tanzanie, Togo, Tunisie et l'Union des Comores.
Pour les vingt et un de ces vingt-six pays cités qui
n'ont pas encore fait la déclaration reconnaissant à la cour la
compétence de connaitre des recours individuels, nous leur adressons nos
encouragements pour les ratification concédées et nous les
encourageons à faire plus en déposant la déclaration
visée par l'article 34.6 comme l'ont déjà fait le Burkina
Faso, la Tanzanie, le Mali, le Malawi et tout récemment en avril 2011,
le Ghana.
Les ONG quant à elles doivent faire un travail de
sensibilisation auprès de la population et des autorités
nationales afin d'encourager tous les Etats africains à ratifier sans
réserve le Protocole et ainsi respecter leurs obligations
internationales relatives à la protection des droits de l'Homme.
Permettant une saisine directe des individus et des ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission africaine.
Section VI. Révision du Protocole et par là
suppression de son 34.6
A défaut pour certains Etats de ratifier le Protocole
et de faire la déclaration en vertu de l'article 34.6, nous proposons
que des actions soient menées en vue de la révision du Protocole
encore que celui-ci attende sa mort prochaine avec la création de la
Cour africaine de justice et des droits de l'homme.
Cette révision pourra ainsi consister plus
spécialement à l'abrogation partielle du Protocole en supprimant
du Protocole l'article 34.6. Ainsi, l'UA pourra, à travers ses Etats
membres, procéder à la révision du Protocole.
Ici encore c'est à la volonté des Etats
africains que nous faisons recours.
Des actions ont déjà vu le jour dans ce sens.
C'est dans cette perspective qu'un africain a actionné l'UA devant la
Cour africaine pour demander la suppression de l'article 34.6 du Protocole.
Il s'agit cette fois d'une requête initiée par un
avocat nigérian en la personne de Femi FOULANA contre l'UA. Cette
requête présente beaucoup d'intérêt pour ce travail
d'autant plus qu'elle vise la reforme du système procédural
africain en matière des droits de l'homme et plus spécialement la
suppression de l'article 34.6 qui a fait coulé pas mal d'encre dans ce
travail.
On se souviendra que par lettre datée du 14
février 2011, le requérant, un avocat nigérian,
spécialiste des droits humains, a introduit une requête dans
laquelle il explique qu'il avait à plusieurs reprises tenté
d'amener le Gouvernement du Nigeria à faire la déclaration
prévue par l'article 34(6) du Protocole. Ces efforts n'ayant pas abouti,
il avait décidé d'initier une requête contre l'UA en tant
que représentant de ses cinquante-trois (53) membres afin de demander
à la Cour de constater l'existence d'une contradiction entre l'article
34(6) du Protocole portant création de la Cour et les articles 1, 2, 7,
13, 26 et 66 de la Charte africaine. Selon le requérant, le fait de
subordonner le droit de saisine de la Cour à une déclaration est
constitutif d'une violation de son droit de faire entendre sa cause garanti par
l'article 7 de la Charte africaine.
Le requérant souhaite les mesures correctives suivantes
:
- UNE DECLARATION constatant que l'article 34(6) du Protocole
portant création de la Cour africaine est illégal, nul et non
avenu, car il est en contradiction avec les articles1, 2, 7, 13, 26 et 66 de
la Chartre africaine.
- UNE DECLARATION affirmant que la Requérant est
habilité à saisir la Cour africaine de plaintes relatives aux
droits humains en vertu de l'article 7 de la Charte africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples.
- UNE ORDONNANCE abrogeant sans délai l'article 34(6)
du Protocole portant création de la Cour africaine.
Conformément aux dispositions de l'article 35 (3) du
Règlement intérieur de la Cour, par lettre datée du 28
mars 2011 adressée au Président de la CUA, la requête a
été notifiée au Conseil exécutif de l'UA et aux
Etats Parties au Protocole portant création de la Cour.
Dans sa réponse, le Défendeur (UA) maintient que
la Cour n'a pas compétence pour connaître de l'affaire, que la
requête est irrecevable, le requérant n'ayant pas qualité
pour agir devant la Cour, et qu'il (le Défendeur) n'est pas partie
à la Charte africaine et au Protocole portant création de la
Cour. Le Défendeur maintient également que le requérant
n'a pas épuisé les voies de recours internes et que les
obligations des Etats Parties à la Charte africaine et au Protocole
portant création de la Cour en vertu de ces deux instruments ne
sauraient transférées au Défendeur.
Dans sa réponse au mémoire de défense,
le requérant affirme que c'est le Défendeur qui a adopté
la Charte africaine et le Protocole portant création de la Cour et que
le Défendeur est poursuivi en tant qu'entité communautaire
représentant ses Etats Membres. La requête se rapporte à la
validité juridique du pouvoir du Défendeur de mettre en oeuvre
l'article 34(6) du Protocole portant création de la Cour, jugé
contraire aux dispositions de la Charte africaine, ainsi qu'aux dispositions
de l'Acte constitutif de l'UA, son propre instrument constitutif, qui lui
impose de respecter les droits humains.
Le requérant affirme que sa requête est conforme
aux dispositions de la Charte africaine, qui lui commande d'assumer ses
devoirs envers sa famille, la société, l'Etat et les autres
communautés légalement reconnues ainsi qu'envers la
communauté internationale. Le requérant estime, en outre,
qu'étant donné que le défendeur ne peut être
poursuivi devant une juridiction interne, la question de l'épuisement
des voies de recours internes ne se pose pas et que, en conséquence, la
requête ne devrait pas être examinée en tant
qu'exception au principe posé. Il a ajouté que l'insertion de la
Charte africaine et de l'Acte constitutif de l'UA dans l'arsenal juridique du
Nigeria doit être considérée comme garantissant au
requérant le droit de saisine directe de la Cour. . L'examen de
l'affaire est programmé au cours de la 22ème Session
ordinaire de la Cour, prévue du 12 au 23 septembre 2011135(*).
Section VII. Étude pratique de quelques affaires
soumises directement par les individus à la cour africaine
Au mois de juin 2011, la Cour africaine avait
été saisie de 11 requêtes, soumises, pour l'essentiel, par
des individus contre des gouvernements et dont l'une se rapporte à une
demande d'avis consultatif.
La Cour africaine a été saisie des affaires
suivantes :
-
Requête N° 001/2011 : Femi Falana c/ Union africaine
-
Requête N° 002/2011 : Soufiane Ababou c/ République
d'Algérie
-
Requête N° 003/2011 : Urban Mkandawire c/ République du
Malawi
-
Requête N° 004/2011 : Commission africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples c/ Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste
-
Requête N° 005/2011 : Daniel Amare & Mulugeta Amare c/
Mozambique Airline & Mozambique
-
Requête N° 006/2011 : Association des Juristes d'Afrique pour la
Bonne Gouvernance c/ Côte d'Ivoire
-
Requête N° 007/2011: Youssef Ababou c/ Royaume du Maroc
- Requête N° 008/2011: Ekollo Moundi Alexandre c/
Cameroun et Nigeria
-
Requête N° 009/2011 : Tanganyika Law Society & Legal and Human
Rights Centre c/ République unie de Tanzanie
-
Requête N° 011/2011 : Révérend Christopher R. Mutikila
c/ République unie de Tanzanie
Bien avant c'est-à-dire en 2008, la Cour avait
déjà réceptionné la requête N°001/2008
de Monsieur Michelot Yogogombaye C/ République du Sénégal.
Ceci après cinq ans d'existence136(*).
§1. Requêtes ayant fait l'objet d'arrêt ou
d'ordonnance de la Cour africaine
A. Requête N° 001/2008
L'instance a été introduite par M. Michelot
Yogogombaye, de nationalité tchadienne, contre la République du
Sénégal, en date du 18 août 2008, « en vue du retrait
de la procédure actuellement diligentée par la République
et l'Etat du Sénégal en vue d'inculper, juger et condamner le
sieur Hissein Habré, ex-chef d'Etat tchadien actuellement
réfugié à Dakar au Sénégal ».
Le requérant, dans son exposé des faits, a
soutenu sa demande en arguant notamment que les deux chambres du Parlement
sénégalais en adoptant une loi portant modification de la
Constitution et «autorisant la rétroactivité des lois
pénale en vue de juger uniquement et seulement le sieur Hissein
Habré avaient violé le sacro-saint principe de
non-rétroactivité de la loi pénale, par ailleurs
consacré, non seulement par la Constitution sénégalaise
mais aussi par l'article 7 (2), de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples.
Dans son mémoire en réponse, le
Sénégal a d'emblée souligné « avec force
n'avoir pas fait la déclaration de reconnaissance de compétence
de la Cour africaine (...) pour connaître des requêtes
individuelles »4 ; avant de contester subsidiairement au requérant
toute légitimité à agir.
Conformément à son règlement, la Cour
africaine a procédé à un examen préliminaire de sa
compétence. Elle « (...) a fait observer que, pour qu'elle puisse
connaître d'une requête contre un Etat Partie émanant
directement d'un individu, il faut qu'il y ait conformité avec, entre
autres l'article 5 (3) et l'article 34 (6) du Protocole »7 Et la lecture
combinée de ces deux articles fait conclure à la Cour africaine
que « sa saisine directe (...) par un individu est subordonnée au
dépôt par l'Etat défendeur d'une déclaration
spéciale autorisant une telle saisine. » Cette conclusion acquise,
la Cour africaine s'est attelée à trancher la contestation sur
l'existence ou pas d'une pareille déclaration. Après consultation
du Président de la Commission de l'UA, dépositaire du Protocole,
la Cour africaine a été convaincue que le Sénégal
ne figure pas au nombre des Etats ayant fait une telle déclaration.
La Cour, dans cette affaire conclut donc logiquement à
son incompétence, laissant dès lors confirmer les limites
à sa compétence, longtemps échafaudées durant sa
période hibernale. Toutefois, la Cour africaine a, autant que faire se
peut, éclairci plusieurs aspects de la procédure applicable
devant elle137(*).
B. Requête N° 004/2011
La requête est initiée par la Commission
africaine (le Requérant) contre la Grande Jamahiriya arabe libyenne
populaire et socialiste (le Défendeur).
Le requérant dans son exposé des faits, a
soutenu sa demande en arguant notamment que, suite à la mise en
détention d'un avocat de l'opposition, des manifestations pacifiques
avaient eu lieu le 16 février 2011, dans la ville de Benghazi,
située dans l'est de la Libye, et que d'autres manifestations avaient
également été organisées le 19 février 2011
à Benghazi, Al Baida, Ajdabiya, Zayiwa et Derna, manifestations qui
avaient été violemment réprimées par les forces
de sécurité, qui avaient ouvert le feu à l'aveuglette sur
les manifestants, tuant et blessant de nombreux individus, que les forces de
sécurité du Défendeur avaient fait un usage
exagéré des armes lourdes et des mitrailleuses contre la
population, notamment par des bombardements aériens ciblés et
tous types d'attaque et que ces actions sont constitutives de graves violations
du droit à la vie et à l'intégrité des personnes
ainsi que de la liberté d'expression, de manifestation et de
réunion. De l'avis du Requérant, ces actions sont constitutives
de violations graves et généralisées des droits garantis
par les articles 1, 2, 4, 5, 9, 11, 12, 13 et 23 de la Charte africaine.
Le 25 mars 2011, la Cour africaine a reconnu prima
facie sa compétence pour connaître de la plainte,
conformément aux articles 3 et 5 du Protocole établissant la
Court africaine ratifié par la Libye en 2003. Par ailleurs, invoquant de
sa propre initiative l'Article 27(2) du Protocole qui se réfère
à « des cas d'extrême gravité ou d'urgence et
lorsqu'il s'avère nécessaire d'éviter des dommages
irréparables à des personnes », la Cour a ordonné des
mesures provisoires. La Cour a demandé à la Libye de s'abstenir
immédiatement de toute action qui aurait pour conséquence la
perte de vies humaines ou des violations de l'intégrité physique
des personnes. Elle a également demandé à la Libye de lui
faire état de toutes mesures prises pour mettre en oeuvre cette
ordonnance dans les 15 jours à compter de la réception de
celle-ci. La date de réception de l'ordonnance par les autorités
libyennes demeure inconnue mais on peut considérer que, 21 jours
après la décision de la Cour, la Libye a failli aux obligations
énoncées dans l'ordonnance de mesures provisoires138(*).
Le défendeur, dans sa réponse résume ses
moyens de la manière qui suit. . Dans sa réponse, le
Répondeur a réfuté toutes les allégations de
violation des droits humains, notamment celles se rapportant à des
attaques menées sans discernement contre des civils. Selon le
Défendeur, il aurait pris toutes les mesures nécessaires pour
protéger les civils des attaques menées par des groupes
armés qui s'étaient emparés des armes et munitions
trouvées dans des casernes militaires. Selon le Défendeur, ces
groupes armés ont reçu de l'aide d'Al Qaeda et d'autres
organisations militaires étrangères et il (le Défendeur)
avait été contraint d'exercer son droit à la
légitime défense, conformément à l'article 51 de la
Charte des Nations Unies.
Le Défendeur ajoute que ces perturbations avaient
provoqué la mobilisation de nombreux jeunes qui avaient attaqué
les casernes, les aéroports et les prisons et, après avoir
libéré les prisonniers, les jeunes avaient
déclenché des affrontements armés avec les
autorités étatiques, ce qui avait contraint l'Etat à
mettre en oeuvre la Loi N° 38, qui autorise les autorités à
faire appel aux forces armées en cas d'attaques armées contre les
biens et les personnes.
Selon le Défendeur, les événements
susmentionnés n'avaient pas été couverts par les
médias, mais les stations satellites diffusent des informations
incorrectes ou fausses et, conscient du danger auquel ces mensonges et
rumeurs peuvent exposer la situation politique et juridique du pays au sein
de la communauté internationale, il avait, dès l'entame, pris
l'initiative de saisir le Conseil des Droits de l'Homme, le Conseil de
Sécurité des Nations Unies, l'Union africaine ... pour demander
la création de commissions d'enquête régionales et
internationales mais, à son grande consternation, seule l'Union
africaine avait réagi favorablement.
Le Requérant invite la Cour à réexaminer
sa décision, à procéder à ses propres
investigations et à mettre le requérant en examen pour
propagation de contrevérités et diffusion de déclarations
mensongères139(*).
Cette affaire est donc à suivre car le requérant
a sollicité une prorogation du délai de notification de sa
réponse jusqu'au 30 septembre 2011.
§2. Requêtes rejetées de plano
Des requêtes citées ci-haut, il y a des
requêtes individuelles qui ont été portées
directement à la Cour contre des Etats qui ont seulement ratifié
le Protocole mais n'ont pas encore fait la déclaration prescrite
à l'article 34.6.
Il s'agit de la
Requête
N° 005/2011 : Daniel Amare & Mulugeta Amare c/ Mozambique Airline
& Mozambique (qui a ratifié le Protocole le 17 juillet
2004140(*)).
L'affaire concerne deux individus. Par cette requête les
requérants allèguent qu'en ou vers novembre 2008, après
s'être procuré les passeports, visas et billets d'avion requis,
ils avaient entrepris un voyage vers Maputo, au Mozambique, via Nairobi, au
Kenya. A l'escale de Nairobi ils ont quitté l'avion d'Ethiopian Airlines
pour emprunte un vol de Mozambique Airline vers Maputo. Cependant, ce vol ne
les a pas conduits à Maputo, mais il a atterri à Pemba au
Mozambique, où ils sont restés bloqués pendant vingt-six
(26) jours. Les requérants allèguent, en outre qu'au cours de
cette période, ils ont été soumis, par les fonctionnaires
des services mozambicains de l'immigration, à diverses situations
difficiles, notamment des demandes de pots-de-vin, auxquels ils ont
résisté, la confiscation de leurs passeports et visas, les 1.000
dollars US dont ils ont été délestés, des tortures
et l'expulsion vers Dar-es-Salaam, en Tanzanie. Suite à l'intervention
des fonctionnaires des services tanzaniens de l'immigration, les
requérants ont été retournés à Pemba, mais
les responsables des services mozambicains de l'immigration les avaient
ensuite rapatriés en Ethiopie.
Après que le Greffier ait écrit aux
requérants pour accuser réception de la requête et faire
observer que la requête ne comportait pas d'indication attestant de
l'épuisement des voies de recours internes, au cours de sa 21ème
Session ordinaire, la Cour a pris la décision de rejeter sommairement la
requête141(*).
§3. Requête renvoyées devant la
Commission africaine
Requête N° 006/2011 : Association des Juristes
d'Afrique pour la Bonne Gouvernance c/ Côte d'Ivoire (qui a
ratifié le Protocole le 07 janvier 2003).
Le requérant, une ONG des droits humains basée
à Douala, au Cameroun, allègue de violations graves et massives,
par les autorités ivoiriennes, des droits de l'homme fondamentaux du
président légal et légitime de la Côte d'ivoire, Son
Excellence Laurent Gbagbo, depuis son enlèvement, le 11 avril 2011,
à sa résidence officielle d'Abidjan, ainsi que de ceux de sa
femme, Mme Simone Ehivet Gbagbo, et de quelques-uns de ses
collaborateurs142(*).
Dans sa décision rendue le 16 juin 2011, la Cour
africaine déclare qu'elle n'a pas compétence pour connaitre de la
requête de l'ONG demanderesse car ne jouissant pas du statut
d'observateur devant la Commission africaine.
La Cour décide enfin de renvoyer l'affaire à la
Commission africaine en application de l'article 6.3 du Protocole en notant que
c'est au vu des allégations contenues dans la requête qu'elle
procède ainsi.
§4. Requêtes offrant perspective d'examen par la
Cour
Parmi ces requêtes il y a celles qui sont
initiées contre des Etats qui ont ratifié le Protocole et ont
fait la déclaration en vertu de l'article 34.6 du Protocole. Il s'agit
des requêtes
Requête
N° 003/2011 : Urban Mkandawire c/ République du Malawi ( a
ratifié la Protocole le 09 septembre 2008 et a fait la
déclaration requise par l'article 34.6), Requête
N° 009/2011 : Tanganyika Law Society & Legal and Human Rights
Centre c/ République unie de Tanzanie et de la
Requête
N° 011/2011 : Révérend Christopher R. Mutikila c/
République unie de Tanzanie ( a ratifié le Protocole le 07
février 2006 et a fait la déclaration).
Ces
trois requêtes ont alors le privilège de franchir la difficile
phase de l'examen préliminaire par la Cour de sa
compétence143(*)
parce que les Etats en causes ont débordé d'enthousiasme et
se sont bousculés à faire la déclaration de la
reconnaissance de la Cour à examiner les requêtes des individus.
Nous saluons le courage de ces Etats et nous incitons les autres Etats
africains à suivre leur exemple.
En jetant un coup d'oeil à celles adressées
contre la Tanzanie, particulièrement pour son importance à cause
de sa pertinence avec les éléments procéduraux à
savoir le principe non bis in idem144(*) nous avons constaté que ces deux
affaires pourront être jointes en une seule parce que portant sur un
même objet et opposant les mêmes parties afin d'éviter
à la Cour un double emploi.
Ces deux affaires décrient la violation du droit
à une candidature indépendante.
Dans ces deux affaires The Tanganyika Law Society
(TLS) et Legal and Human Rights Centre of Tanzania (LHRC Tz) les
requérants visent à dénoncer les dispositions des articles
39, 67 et 77 de la Constitution de la République unie de Tanzanie, telle
qu'amendée par le Huitième (8ème) Amendement
constitutionnel (de 1992) et le Onzième (11ème) Amendement
constitutionnel (de 1994). Ces amendements consacrent une totale
négation du droit des citoyens ordinaires de la Tanzanie d'être
candidats aux fonctions électives de Président, de Parlementaire
ou de Conseiller dans une circonscription locale, à moins qu'ils ne
soient membres d'un parti politique. En d'autres termes, contrairement à
la pratique qui prévaut dans la majeure partie des pays africains, un
Tanzanien ne peut pas briguer une fonction élective en qualité de
candidat indépendant. Ces amendements forcent tous les Tanzaniens
souhaitant participer à la gestion des affaires de leur pays à
adhérer à un parti politique, même lorsqu'ils ne
souscrivent pas aux manifestes, principes, politiques ou pratiques d'un des
partis politiques existants.
Ces dispositions de la Constitution de la Tanzanie
violent les articles 13 (Droit de participer librement à la direction
des affaires publiques de leur pays) et 2 (Droit d'être
protégé contre toute forme de discrimination) de la Charte
africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Ils violent aussi les
articles 3 et 25 du Pacte international relatif aux Droits civils et
politiques. La Tanzanie est partie à ces deux instruments internationaux
des droits humains.
Le droit des Tanzaniens à briguer une fonction
élective en qualité de candidat indépendant a fait l'objet
de procédures judiciaires jusqu'au niveau de la plus haute juridiction
du pays. Le Révérend Christopher Mtikila fut le premier à
tenter de faire appliquer ce droit dans le cadre de l'affaire High Court
Miscellaneous Civil Cause No. 5, de 1993. La Haute Cour avait
tranché en faveur du requérant dans une décision
datée du 24 octobre 1994. Le gouvernement de l'époque avait alors
tenté de contourner la décision de la Haute Cour en
procédant au 11ème Amendement constitutionnel du 2
décembre 1994. Le Révérend Mtikila avait
dénoncé ces Amendements à la Constitution dans l'affaire
High Court Miscellaneous Civil Cause No. 10, 2005. Le 5 mai 2005, la
Haute Cour avait tranché en faveur de Mtikila, affirmant que le
11ème Amendement constitutionnel violait les valeurs et principes
démocratiques garantis par la Constitution de la République unie
de Tanzanie et violait également la doctrine des structures
fondamentales, prévue par la Constitution. Cette doctrine garantit
l'existence, consacrée par la Constitution nationale, de certaines
particularités essentielles et fondamentales que le Parlement n'a pas le
pouvoir d'amender.
En 2009, le Procureur général de la Tanzanie,
Johnson Mwanyika, avait relevé appel de la Décision
susmentionnée de la Haute Cour (Civil Appeal No. 45 of 2009).
C'est le 17 juin 2010 (l'année dernière) que la Cour d'Appel de
Tanzanie (la juridiction suprême du pays) a rendu sa décision,
prenant le contre-pied de la Décision de la Haute en déclarant ce
qui suit :
1. La Doctrine des Structures fondamentales
ne s'applique pas à la
Constitution de la République unie de Tanzanie
2. Le droit à la candidature indépendante
n'existe pas en Tanzanie.
Il ressort manifestement de la décision susvisée
de la Cour d'Appel que les voies de recours relatives au droit de tout
Tanzanien de briguer une fonction politique en qualité de candidat
indépendant ont été épuisées. La seule autre
option légale ou juridique pour garantir la jouissance de ce droit
consisterait à faire appel aux tribunaux internationaux auxquels la
Tanzanie est partie. C'est pour cette raison que TLS, LHRC Tz et plusieurs
citoyens tanzaniens ont décidé de s'adresser à la Cour
africaine des Droits de l'Homme et des Peuples pour faire appliquer ce droit au
profit de tous les citoyens tanzaniens145(*).
Au regard de ce qui précède, ces requêtes
pourront être les premières dans laquelle les requérants
ont des chances raisonnables d'obtenir satisfaction auprès de la
Cour.
C. Requête sui generis
Une autre requête enfin, a été
adressée à la Cour contre le Royaume du Maroc qui n'a pas
ratifié le Protocole ni fait la déclaration, non plus n'a pas
ratifié la Charte africaine moins encore n'est pas membre de l'union
africaine. Il s'agit de la Requête N° 007/2011: Youssef Ababou
c/ Royaume du Maroc. Par cette requête que nous qualifions de
sui generis, le raquerant de nationalité marocaine affirme que
le Maroc a refusé de lui délivrer une Carte d'Identité
nationale et un passeport. Il fait également valoir que cela fait
plusieurs années qu'il tente d'obtenir ces documents auprès du
Consulat du Maroc en Algérie et que ce dernier refuse
systématiquement de ses demandes. Il soutient, par ailleurs, qu'il a en
sa possession toutes les preuves nécessaires pour démontrer
qu'il a effectué toutes les démarches requises sans
succès. Par lettre datée du 15 juin 2011, le Greffe de la Cour
le Greffe a demandé au Bureau du Conseiller juridique d'indiquer si le
Royaume du Maroc est membre de l'Union africaine et, si tel est le cas, s'il a
ratifié le Protocole portant création de la Cour. La Cour attend
la réponse du requérant ainsi que les informations
demandées au Bureau du Conseiller juridique de l'Union
africaine146(*).
Pour cette affaire nous estimons que la Cour devra rejeter
de plano la requête de Monsieur Youssef Ababou parce que l'Etat
défendeur n'a pas qualité pour être attrait devant la Cour,
à défaut de sa part, d'avoir ratifié la Charte africaine
et d'être membre de l'UA. Car, comme dit ci-avant concernant les
conditions générales de recevabilité des requêtes,
une requête doit être dirigée contre un Etat partie qui a
fait une déclaration au titre de l'article 34.6 du Protocole autorisant
une saisine directe des individus et des ONG ayant le statut d'observateur
auprès de la Commission africaine.
Conclusion partielle
Si certaines plûmes autorisées et exercées
considèrent que le droit de recours individuel a été
perçu comme distorsion de l'ordre juridique international indûment
réduit à une dimension purement interétatique, afin de
rétablir la position centrale réservée à la
personne humaine dans le droit des gens147(*) , le mécanisme africain a encore
quelques pas à faire vers l'adoption de ce que M. Antônio Augusto
Cançado Trindade, Président de la Cour interaméricaine des
droits de l'homme considère comme un « mécanisme
émancipateur de l'individu à l'égard de son propre Etat
»148(*).
Le recours individuel semble de ce point de vue
procéder d'une sorte « d'atout incompressible » du
système européen des droits de l'homme149(*).
Le droit de requête individuelle, assorti toutefois de
garanties contre les abus, est le moyen le efficace d'assurer le respect des
droits de l'homme.
C'est ainsi que reconnaissant l'importance de ce droit pour
l'effectivité de la garantie des droits de l'homme certaines plumes
autorisées et exercées n'ont pas hésitées de
s'inquiéter de l'avenir réservé à leur
système une fois si ce droit était en péril. Dans ce sens
certains praticiens expriment leur crainte de voir le droit de recours
individuel devenir « largement illusoire »150(*) ; d'autres encore
s'insurgeant contre le système procédural dominant, vont
jusqu'à dire que l'idée même de la restriction du droit au
recours individuel paraît contraire à celle des droit de l'homme.
Il ne saurait y avoir gradation dans les atteintes à
sanctionner151(*).
Chapitre III : LE GLISSEMENT DES CER AFRICAINES DU CHAMP
ECONOMIQUEE VERS LE CHAMP DELA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
L'encrage de la Charte dans les esprits est de plus en plus
frappant. En témoigne par exemple l'invasion progressive du domaine de
la protection des droits de l'homme, jadis considéré comme la
citadelle imprenable des juridictions ou quasi-juridictions
spécialisées, par les juges des communautés
économiques régionales. Cet appétit grandissant pour le
contentieux des droits humains est fort à propos dans la mesure
où, par le jeu du droit de pétition individuel, il favorise la
consolidation d'une jurisprudence africaine des droits fondamentaux152(*).
La diffusion de l'influence de la Charte africaine dans le
cadre et dans les activités des communautés régionales
d'Afrique est l'une des réussites les plus remarquables dans le
système africain des droits de l'homme.
La diffusion de l'influence de la Charte dans le cadre et les
activités dans l'organisation sous-régionale est un
phénomène devenu commun dans la seconde moitié du
20ème siècle suivi du renouveau de
l'intégration régionale. La reconnaissance grandissante de la
Charte dans le traité fondateur et dans les autres instruments des
organisations sous-régionales et internationales est un bel exemple qui
illustre la diffusion de l'influence de la Charte ; en procédant
à partir de l'hypothèse que l'application de la Charte africaine
est destinée à durer et que cela entraine à la fois des
conséquences négatives et positives153(*).
Ces conséquences se traduisent d'une part, dans leur
volet positif, par le glissement des CER du terrain économique à
celui des droits de l'homme (section 1) et d'autre part, dans leur volet
négatif, par un risque de différence d'interprétation dont
la réalisation entrainerait la fragmentation de la Charte (section
2).
Section Ière : Les
litiges des droits de l'homme devant les Cours de justice des CER traitant des
DH
La Cour africaine est établie dans le sillage d'une
demi-douzaine de cours régionales dont l'Afrique peut se targuer
d'abriter le plus grand nombre et qui ne sont pas sans posséder
certaines attributions en matière de protection des droits de la
personne humaine : la Cour de justice de la Communauté
économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Cour
de justice de la communauté des Etats de l'Afrique de l'Est (EAC), le
Tribunal de la South African Development Community (SADC)154(*).
La création et le renforcement des CER, ainsi que
l'harmonisation de leurs politiques, répondent à la
première étape vers la mise en oeuvre de la Communauté
économique africaine, conformément au Traité d'Abuja
(1991), avec dans la ligne de mire l'instauration des Etats unis d'Afrique.
Plusieurs de ces CER ont mis en place des Cours de justice pour régler
des différends relatifs aux violations des traités et actes des
CER (principalement aux portées économiques et monétaires)
par un Etat partie.
Ces Cours de justice peuvent être amenées
à connaître des violations des droits de l'Homme commises par un
Etat partie. En effet, certaines d'entre elles ont une compétence
implicite à cet égard. Pour exemple, les Cours de justice de la
SADC (§3) et de l'EAC (§2) ont compétence pour tous litiges
concernant l'application des Traités constitutifs des
Communautés, ces derniers engageant les Etats au respect des droits
garantis par la Charte africaine155(*). La cour de justice de la CEDEAO elle, a un mandat
clair et explicite en matière des droits de l'homme. (§1)
§1. Le mandat en matière des droits de l'homme de
la CJCEDEAO
La CJCEDEAO dispose d'un mandat clair et explicite en
matière de droits de l'homme comme on a eu à le démonter
dans les lignes qui précédent. C'est d ans ce sens que l'article
3 littera d du Protocole additionnel (A/SP.1/01/05) du 19
janvier 2005 qui amende l'article 9 de l'ancien Protocole
dispose : « La Cour est compétente pour
connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat
membre ».
En tant que cour des droits de l'homme, la CJCEDEAO n'a pas
hésité de recevoir des requêtes émanant des
individus à des conditions même plus souples que celles retenues
par la Cour africaine quant à ce.
On remarque que la CJCEDEAO est plus ouvertes aux individus
ouverte et que les conditions de leur recevabilité tiennent moins
à la qualité de leur auteur de même qu'à la
qualité du défendeur ainsi qu'à l'épuisement des
recours internes.
Dans ce sens, l'article 4 du Protocole additionnel de 2005
amendant l'article 10 de l'ancien Protocole dispose : « peuvent
saisir la cour...1. Tout Etat membre et, a moins que le Protocole n'en
dispose autrement, le Secrétaire Exécutif, pour les recours en
manquement aux obligations des Etats membres ; 2. Tout Etat membre, le
Conseil des Ministres et le Secrétaire Exécutif pour les recours
en appréciation de la légalité d'une action par rapport
aux textes de la Communauté ; 3. Toute personne physique ou morale
pour les recours en appréciation de la légalité centre
tout acte de la Communauté lui faisant grief ; 4. Toute personne
victime de violations des droits de l'homme... 5. Tout membre du personnel des
institutions de la Communauté après épuisement sans des
recours prévus par le Statut et le Règlement du personnel de la
Communauté ; 6. Les juridictions nationales ou les parties
concernées, lorsque la Cour doit statuer a titre préjudiciel sur
l'interprétation du Traite, des Protocoles et Règlements ; les
juridictions nationales peuvent décider elles-mêmes, ou a la
demande d'une des parties au différend, de porter la question devant la
Cour de Justice de la Communauté pour interprétation ».
Dans la perspective de cette disposition la Cour a eu à
recevoir des requêtes opposant des individus à des Etats156(*), opposant des individus
à d'autres individus157(*) et d'autres encore opposant des individus à
des organisations internationales ou à leurs institutions158(*).
Dans les lignes qui suivent nous allons analyser ces
différentes affaires seulement au fond parce qu'une analyse quant
à la procédure à déjà été
faite sous la deuxième section du premier chapitre de ce travail.
A. Affaire Hissein Habre C.
Sénégal
Monsieur Hissein Habré, ancien Président de la
République du Tchad, a saisi la Cour de céans aux fins de voir
constater que l'Etat du Sénégal, a commis des violations des
droits de l'homme à son égard à travers le non
respect des certains principes juridiques fondamentaux.
Sur les violations des droits de l'homme liées
à l'existence d'une procédure contre Monsieur Hissein
Habré la Cour constate qu'en substance ces violations
alléguées par le Requérant sont liées à une
hypothèse et permettent à la Cour de dire qu'elles ne sont que
potentielles159(*).
Sur la violation liée à l'interprétation
du Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, la Cour estime
que s'agissant de manquement à une obligation communautaire par un Etat
membre, le Requérant étant une personne physique, n'est pas
habilité à saisir la Cour au terme de l'article 10 du Protocole
Additionnel; qu'il échet de rejeter le grief allégué par
Monsieur Hissein Habré160(*).
Sur la violation liée au recours effectif, La Cour
conclut que la privation alléguée par Monsieur Hissein
Habré de n'avoir pas pu bénéficier de la
possibilité du contrôle de constitutionnalité de la loi
dont il estime être la source de la violation de ses droits de l'homme,
ne peut s'analyser comme un droit au recours effectif ; car le droit au
recours effectif tel qu'envisagé par le Requérant ne peut
prospérer dans la présente action et la Cour rejette ce
grief161(*).
Sur la violation liée à la séparation des
pouvoirs et à l'indépendance de la justice, La Cour est d'avis
que le principe de la non séparation des pouvoirs n'est pas en
lui-même une violation des droits de l'homme si aucune
conséquence de cette non séparation des pouvoirs ne porte
atteinte à un droit spécifique de l'homme protégé
par les instruments internationaux et elle estime qu'en l'espèce la
simple allégation de l'immixtion des pouvoirs exécutif et
législatif dans le pouvoir judiciaire de l'Etat du Sénégal
tirée de la modification de sa Constitution et de sa loi pénale
n'est pas constitutive d'une violation d'un droit de l'homme spécifique
de Monsieur Hissein Habré si cela ne présente aucun
caractère de violation de l'indépendance de la justice, auquel
cas la Cour conclut que cet argument ne peut prospérer162(*).
Sur la violation tirée du principe de la
non-rétroactivité de la loi pénale, la Cour après
avoir analysé la mandat confié au Sénégal par l'UA
et particulièrement l'expression juridiction complète
contenu dans ce mandat, la Cour ordonne au Sénégal le respect du
principe absolu de non rétroactivité163(*);
La CJCEDEAO rejette toutes autres demandes de Monsieur Hissein
Habré comme étant inopérantes à l'exception de la
demande sur la non rétroactivité, l'existence des
procédures de nature à porte des griefs aux droits de Monsieur
Habré et appelle pour cela la Sénégal à se
conformer au principe de chose jugée, enfin la Cour dit que le
mandat reçu par le Sénégal de l'Union Africaine lui
confère plutôt une mission de conception et de suggestion de
toutes modalités propres à poursuivre et faire juger dans le
cadre stricte d'une procédure spéciale ad hoc à
caractère international telle que pratiquée en Droit
International par toutes les Nations civilisées164(*).
B. Affaire Mani Hadidjatou C. Niger
La requérante fait grief à la République
du Niger d'avoir violé l'article premier de la Charte africaine, aux
termes duquel « Les États membres de l'Organisation de
l'Unités Africaine, parties à la présente Charte,
reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans
cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou
autres pour les appliquer. ». De ce que le Niger n'a pas pris
les mesures visées supra, alors que l'article premier revêt un
caractère obligatoire à l'endroit des États membres,
découlent toutes les autres violations invoquées. En effet, les
dispositions de l'article 1er de la Charte signifient que les
États parties reconnaissent les droits par elle proclamés et
entreprendront d'adopter les lois ou toutes autres mesures afin de leur donner
plein effet.
- sur l'existence d'une discrimination sur le sexe et la
condition sociale
Ce grief tiré de la discrimination n'est, selon la
Cour, "pas imputable à la République du Niger puisqu'elle
émane plutôt de El Hadj Souleymane Naroua qui n'est pas partie
à la présente procédure. Par conséquent, la Cour
conclut que ce moyen est inopérant" (§71).
Pourtant, dans la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme peut être appréhendée à l'aune
du principe de non-discrimination de l'article 14 CEDH dès lors que
l'Etat est passif face à cette situation.
- sur l'existence de l'esclavage subi par la
requérante:
Le grief était fondé sur la violation de
l'article 5 de la Charte africaine, ainsi que d'autres instruments
internationaux relatifs aux droits de l'Homme, lesquels édictent une
interdiction absolue de l'esclavage. En effet, « la prohibition
de l'esclavage est l'un des rares exemples de norme universellement
considérée comme faisant partie de l'ordre public international
contemporain, voire comme norme de jus cogens ».
La CJCEDEAO rappelle la définition de l'esclavage
donnée par la Convention SDN relative à l'esclavage, et elle
énonce les différents instruments internationaux qui font
de l'esclavage une violation grave de la dignité humaine, pour
l'interdire formellement : « la Convention
européenne des droits de l'Homme (art. 4), la Convention
interaméricaine (art. 6), le Pacte international sur les droits civils
et politiques de 1966, ratifié par la République du Niger (art.
8) font de l'interdiction de l'esclavage un droit intangible, i.e. un droit
intangible et absolu ».
À cela on peut rajouter l'article 4 de la
Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (en dépit
de son absence de valeur conventionnelle, mais qui a fortement inspiré
notamment les pactes de 1966 et la Conv.EDH), et l'article 7§2,
c du statut de la Cour pénale internationale, qui fait
figurer depuis 1998 l'esclavage au nombre des crimes contre
l'humanité.
Enfin et surtout, la Cour rappelle que l'esclavage est une
infraction au sens du code pénal nigérien, depuis une loi du 13
juin 2003. Face aux arguments développés par l'État du
Niger, selon lequel l'esclavage dans ce pays serait réduit au statut de
survivance, et que les vicissitudes inhérentes au mariage entre la
requérante et son maître prévaudraient sur sa condition
servile, la Cour oppose une affirmation forte :
« l'esclavage peut exister sans qu'il y ait torture ;
même bien nourri, bien vêtu et confortablement logé, un
esclave reste un esclave, s'il est illégalement privé de sa
liberté par la force ou la contrainte. On pourrait éliminer toute
preuve de mauvais traitement, oublier la faim, les coups et autres actes de
cruauté, le fait reconnu de l'esclavage, i.e. du travail obligatoire
sans contrepartie demeurerait. Il n'y a pas d'esclavage bienveillant.
Même tempérée par un traitement humain, la servitude
involontaire reste de l'esclavage. Et la question de savoir la nature du lien
entre l'accusé et la victime est essentielle ». La
CJCEDEAO, par cette référence adopte une conception plus large de
l'esclavage que ne l'ont fait d'autres juridictions
internationales165(*).
§2. La compétence de la CJEAC à
connaitre des droits de l'homme
En matière des droits de l'homme, la cour de justice
l'EAC ne dispose pas d'un mandat aussi clair que celui de
la cour de la
CEDEAO. La Cour de justice d'Afrique de l'Est a cependant un jugement
très progressif des droits de l'homme à son crédit. Bien
que la juridiction explicite en droits de l'homme de la cour reste à
mettre en oeuvre, cette dernière a été suffisamment
courageuse pour garantir le respect des droits fondamentaux des individus au
titre du traité. C'est ainsi que dans des affaires comme Katabazi
and others C. Secratary General of EAC, Attorney General of Uganda and Another,
Ariviza C. Kenya, la Cour a été appelée à se
prononcer sur les droits de l'homme.
Dans la première affaire l'EACJ a été
saisie d'une requête contre le Secrétaire général de
l'EAC. Cette requête alléguait la violation des articles 6(d),
7(2) and 8(1)(c) du Traité de l'EAC. A l'appui de ces dispositions le
requérant a glissé un argument tiré de l'affaire
Constitutionnal Rights Project and Another C. Nigeria. La question
fondamentale soulevée dans cette affaire était de savoir si la
Cour avait compétence de statuer sur cette requête parce qu'elle
allègue des droits de l'homme.
L'EACJ commence par rappeler que bien qu'elle ne dispose pas
d'une compétence de statuer sur des allégations des violations
des droits de l'homme, elle ne peut certes se priver du rôle
d'interprétation qui lui accordé par l'article 27.1 du
Traité de l'EAC. C'est ainsi qu'elle va tout d'abord procéder
à l'examen de certaines dispositions du Traité notamment les
articles 5(1) (d), 6(d), 7(2) and 8(1)(c) et relever que leur contenu portait
respectivement sur la rule of law, les principes et objectifs de la
communauté est africaine, et l'obligation qui est faite aux Etats de
s'abstenir de toutes mesures qui entraverait la réalisation de ces
objectifs.
La Cour adjoint à ces éléments la
jurisprudence telle que suivie devant la Cour d'appel du Kenya et la Chambre
des Lords.
Dans la deuxième affaire, les requérants
demandaient à la Cour de constater que la procédure de referendum
et la promulgation de la nouvelle constitution Kenyane violaient le
traité de l'EAC.
De l'avis des requérants, leurs allégations se
fondaient sur les articles 5.1, 6.c et d, 7.2, 8.1.C, 27.1 et 29 du
traité de l'EAC, aussi les articles 1, 3, 7.1 et 9.2 de la Charte
africaine.
En sus de leur demande, les requérants sollicitent
à la Cour de faire injonction au Kenya afin qu'il s'abstienne de tout
acte qui entraverait la bonne marche de la présente procédure.
Comme dans l'affaire Katabazi, l'Etat
défendeur clamait l'incompétence de la Cour à statuer sur
des allégations des droits de l'homme. De l'avis du défendeur,
l'EACJ doit se déclarer incompétente parce qu'elle ne peut agir
en dehors de la sphère de compétence lui tracée par
l'article 27.1.
Après analyse des dispositions de son Règlement
intérieur et du Traité de l'EAC, elle parvient à la
conclusion qu'elle compétente de connaitre d'une question lui soumise
par des ressortissants établi sur le territoire communautaire de l'EAC
qui allègue la violation qu'un Etat membre de la communauté a
commis des actes ayant violé le traité de l'EAC.
Il est à noter que par rapport à l'affaire
Katabazi, dans la présente affaire le requérant s'est
basé à la fois sur les dispositions du traité de l'EAC et
sur les dispositions de la Charte africaine.
La Cour n'ayant pas encore rendu sa décision quant au
fond de cette affaire, nous attendons qu'elle nous éclaircisse sur sa
compétence à interpréter la Charte africaine.
Pour clore, nous saluons encore une fois le courage de l'EACJ
qui sans mandat clair s'est lancé que le terrain des droits de l'homme
et ce en prenant des décisions qui incriminent tantôt les Etats
tantôt les institutions de l'EAC. Nous pensons qu'avec l'adoption du
futur protocole, la cour verra son rôle accru jusqu'à devenir plus
qu'une juridiction à caractère économique et
d'intégration, une juridiction des droits de l'homme.
§3. La compétence du TSADC à connaitre des
droits de l'homme
Le TSADC attend toujours l'adoption de la Charte devant
élargir sa compétence pour connaitre des litiges relatifs aux
droits de l'homme. Bien que ce Protocole tarde à venir, le TSADC a
déjà eu à se prononcer sur les droits de l'homme dans
quelques affaires dont notamment opposant certains ressortissants
Zimbabwéen au Zimbabwe. C'est l'affaire Fick and Four Others v
Zimbabwe166(*).
Cette affaire porte devant le TSADC le refus du gouvernement
zimbabwéen, comme dans tant d'autres affaires contre cet Etat, de donner
effet aux décisions prises à son encontre par le TSADC en date du
28 novembre 2008. Les demandeurs avaient requis du tribunal qu'il intime au
gouvernement du Zimbabwe l'ordre de protéger les droits de
propriété et de possession foncière et de lui interdire de
procéder à de nouvelles expulsions de propriétaires
fonciers. Les requérants demandent aussi au TSADC de constater la
défaillance du Zimbabwe et de faire rapport de cette défaillance
au sommet de la SADC. Les requérants se basent ainsi sur l'article 32.4
du Protocole établissant le Tribunal.
Le TSADC après avoir constaté le défaut
du gouvernement en cause de donner effet à ses décisions,
décide de faire rapport au prochain sommet de la SADC. On pense que
comme ce sera le deuxième rapport adressé à ce seul Etat,
une certaine pression s'exercera sur le sommet afin qu'il prenne des actions
visant le gouvernement zimbabwéen167(*).
Notons que ce rapport n'est pas resté stérile.
C'est ainsi que le 25 février 2011, une Haute Cour de l'Afrique du Sud a
officiellement reconnu l'applicabilité des décisions du Tribunal
de la SADC prononcées en faveur des fermiers
dépossédés de leurs terres en vertu de la politique de
réforme foncière mise en oeuvre dans le pays.
L'affaire avait été initiée par les
fermiers Louis Fick, William Campbell et autres contre le gouvernement du
Zimbabwe pour non respect des décisions rendues par le Tribunal de la
SADC les 28 novembre 2008 et 5 juin 2009. Le jugement du 5 juin 2009 constatait
le refus du gouvernement du Zimbabwe de respecter et d'observer la
décision rendue par le Tribunal en date du 28 novembre 2008. Les
demandeurs avaient requis du tribunal qu'il intime au gouvernement du Zimbabwe
l'ordre de protéger les droits de propriété et de
possession foncière et de lui interdire de procéder à de
nouvelles expulsions de propriétaires fonciers.
Il s'agit d'une évolution positive tendant à
garantir l'application des décisions des cours régionales par les
juridictions nationales168(*).
Les droits de l'homme tels qu'appliqués par ces
juridictions sous régionales méritent donc une attention toute
particulière. Il est à prévoir un éventuel conflit
de compétences entre ces juridictions sous régionales avec la
jeune cour africaine qui a vocation continentale en matière des droits
de l'homme.
Section II : La coexistence des « cours
africaines » des droits de l'homme
A priori, la concurrence entre systèmes, et partant
entre juridictions ne devrait pas exister. En effet, « chaque
juridiction créée est censée opérer dans un
espace géographique limité aux contours territoriaux des
Etats membres de la Communauté ou de l'Organisation dont elle
est l'organe de contrôle juridictionnel ». Mais c'est sans compter
avec les chevauchements entre organisations qui génèrent une
concurrence territoriale, ainsi qu'avec le processus inexorable
d'accroissement des compétences ratione materiae des
juridictions qui engendre une concurrence matérielle169(*).
La juridictionnalisation du droit international et
l'accroissement sensible du nombre des tribunaux internationaux au cours des
quinze dernières années se sont accompagnés d'un essor
préoccupant du forum shopping et, au-delà, d'une augmentation des
phénomènes de concurrence de procédures contentieuses dans
l'ordre juridique international.
La prolifération des juridictions internationales nuit
à la cohérence du droit international. Avec l'expansion des
juridictions internationales, il y a certes des avantages, mais nous devrons
aussi nous interroger sur le risque d'un chevauchement des compétences
de ces instances pouvant mener à une possible contrariété
de jugements et au forum shopping.
La concurrence matérielle inter-systémique
également concerne la capacité des organisations
régionales de type économique et de leurs juridictions à
intervenir sur le terrain de la protection des droits de l'homme.
§1. La coexistence matérielle des
juridictions en droit international
Ainsi, quand on sait que ces organisations ont ou auront
à intervenir et à adopter des actes sur des matières
identiques, on imagine sans peine le désarroi du justiciable
confronté à des législations concurrentes et
potentiellement dissonantes. On imagine également sans peine le
désarroi du juge national devant lequel deux ou trois obligations
internationales s'entrechoqueront. Quel droit fera-t-il primer et quel
juge régional saisira-t-il ? Ici, il est patent que la nature des
compétences des Cours pourra influer sur ce dilemme170(*). Au niveau européen
la prolifération des juridictions s'est traduite en concurrence entre la
cour de justice des communautés européennes et la Cour de
Strasbourg. L'Afrique n'est pas en reste avec ce phénomène car il
remporte la palme de la prolifération avec plus d'une demi-douzaine
d'institutions régionales et sous-régionales.
Ces chevauchements se traduisent par une appropriation
subreptice par les Cours des systèmes économiques, de
compétences en matière de droits de l'homme. Si on garde
à l'esprit le fil rouge que constitue le précédent
européen, on réalise que toute juridiction qui organise, de
façon plus ou moins élaborée, l'accès des
particuliers à son prétoire, peut, à terme, être
amenée à se prononcer sur une question de protection des droits
de l'homme car « nulle cloison étanche » ne sépare la
sphère économique (i.e. libre circulation des personnes,
liberté d'établissement, égalité de traitement et
principe de non discrimination) de la sphère de la protection des
droits. La jurisprudence des Cours de Justice des ensembles
régionaux peut à terme toucher cette question d'autant,
qu'en réalité, rares sont aujourd'hui les traités
institutifs des organisations de type économique qui
n'opèrent pas de renvois plus ou moins précis aux droits
de l'homme. A signaler toutefois qu'un seul système, le
centraméricain, prohibe tout empiètement de la Cour SICA sur les
compétences de la CIDH selon l'article 25 de l'Accord de Panamá :
la précision n'est pas inutile quand l'amplitude des
compétences de la Cour centraméricaine laissait au contraire
présager un empiètement inévitable de sa jurisprudence sur
celle de la CIDH (article 22 f) notamment). Ce texte symbolique est la
démonstration éclatante qu'aujourd'hui, au regard d'un
contexte marqué depuis le Sommet de Vienne (1993) par la
« prégnance des droits de l'homme » dans la
rhétorique internationale, les ensembles économiques ne
peuvent pas rester rivés sur la seule donne mercantile. Pour
reprendre l'heureuse formule de Guy Braibant, ils aspirent tous,
tôt ou tard, à devenir des « fonds communs de valeurs
», après n'avoir été que de simples « fonds
communs de placement »171(*).
§2. La coexistence matérielle des cours
africaines des droits de l'homme
Le glissement jurisprudentiel du champ économique vers
le champ de la protection des droits pourrait également se
réaliser suite à une extension significative de
compétences de l'organisation régionale. Le cas de la CEDEAO, de
la SADC et de l'EAC est significatif à cet égard.
D'aucun affirme que les compétences des Cours de
justice des CER en matière de protection des droits de l'Homme ont
été acquises à un moment où la mise en place de la
Cour africaine était encore hypothétique. Il s'agissait donc de
permettre à des instances supra nationales de palier les
déficiences de certaines juridictions nationales en l'absence d'un
mécanisme continental de protection des droits de l'Homme. A
présent, il est difficile d'entrevoir les relations qui existeront entre
les Cours de justice des CER et la Cour africaine.
La coexistence de ces juridictions pourrait amener des
différences d'interprétation de la Charte africaine et ainsi
entraîner une protection différente de ces droits. Cette situation
amènera-t-elle les individus et ONG à choisir leur recours supra
national en fonction des jurisprudences des différentes juridictions?
A cette question il faut dire qu'aucun lien organique ne relie
la Cour africaine aux autres cours régionales. Les cours de justice sont
ainsi amenées à connaitre des litiges en matière des
droits de l'homme en même temps que la Cour africaine.
On peut à cet égard se demander, si saisie d'un
litige en matière de protection des droits de l'Homme, les Cours de
justice des CER auront la volonté de se dé-saisir au profit de la
Cour africaine. La Cour africaine autorisera-t-elle une procédure, en se
fondant sur l'article 56 du Protocole qui permet aux organisations
internationales africaines de saisir la Cour? Par ailleurs, un individu ou une
ONG pourraient-ils saisir la Cour africaine d'une décision prise en leur
défaveur par une Cour de justice d'une CER, ou bien la Cour
considérera-t-elle qu'une telle procédure est contraire au
principe ne bis in idem qui empêche un tribunal de se prononcer sur une
affaire qui a déjà été jugée sur les
mêmes fondements?
Autant de questions qui ne pourront trouver de réponses
que par des décisions jurisprudentielles172(*).
Disons d'emblée que l'égocentrisme
juridictionnel concerne l'attitude instinctive des juridictions à
défendre leur « pré-carré », tant
institutionnel que matériel. Cette logique, consubstantielle au
phénomène institutionnel -- y compris judiciaire -- est,
à mon sens, démultipliée s'agissant des juridictions
régionales. Elle est poussée à son paroxysme à
l'intérieur d'ensembles régionaux où la tension est
perceptible, le rapprochement géographique donnant un relief particulier
à l' « affrontement » : le cas européen est topique sur
le sujet173(*).
Dans le cadre africain, toutes ces trois juridictions sous
régionales ayant vocation, dans le cadre de leurs compétences
matérielles et territoriales respectives, à connaitre des
affaires touchant directement ou indirectement à la protection des
droits de l'homme, il se posera inévitablement le problème de
comptabilité de leurs procédures et jurisprudences respectives
avec celles de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples.174(*) C'est
notamment le cas avec l'affaire Habré qui était pendant à
la fois devant la Cour africaine et devant la CJCEDEAO. On peut ajouter
à cela le fait que ces différentes juridictions statuent
conformément aux clauses de la
Charte
Africaine des droits de l'homme et des peuples.
on s'imagine sans peine le désarroi du
justiciable confronté à des législations concurrentes
et potentiellement dissonantes. On imagine également sans peine le
désarroi du juge national devant lequel deux ou trois obligations
internationales s'entrechoqueront. Quel droit fera-t-il primer et quel
juge régional saisira-t-il ?
Ce problème se résoud en droit international
par la coordination qui passe par la coopération de ces
différentes juridictions. En effet, un certain courant doctrinal estime
que la création d'une culture judiciaire de coopération a
fini par émerger, le juge national prenant à coeur son
office de juge communautaire de droit commun. Cette culture
nécessite l'existence d'un système marqué par un minimum
de centralisation. Celle-ci existe dans les systèmes
d'intégration ; elle fait cependant cruellement défaut
à l'échelle universelle. Tant que le système
international ne sera pas marqué, de jure, par un plus fort
degré de centralisation, tant que la CIJ ne s'extirpera pas
d'une politique judiciaire marquée par une frilosité
symptomatique d'un droit international révolu, il n'y a aucune raison,
d'un point de vue institutionnel, pour que les autres juridictions
internationales, régionales et universelles
spécialisées, doivent révérence et
allégeance à la CIJ175(*).
Par ailleurs, Ces chevauchements matériels ne sont
cependant pas synonymes ipso facto de divergences. Surtout, sur
la base du phénomène de cross fertilization, ils
peuvent constituer un puissant point de dialogue entre les juges.
Si les dialogues des juges ont toujours été
occasionnées par des renvois préjudiciels, intervenant ainsi en
aval, en Afrique, la rencontre est intervenue en aval afin de préserver,
sans paraphraser la Charte des NU, les futurs justiciables africains du
fléau du forum shopping qui en l'espace d'une vie humaine a placé
autant de justiciables européens dans le désarroi
confrontés à des législations concurrentes instituant la
cour de Luxembourg et celle de Strasbourg.
C'est ainsi qu'à l'initiative de la Cour africaine, il
s'est tenu à Arusha le 06 octobre 2010 le Colloque sur les Cours
africaines des droits de l'homme et des institutions similaires avec pour
objectif général d'initier le dialogue judiciaire entre ces
organisations, en vue d'explorer les voies et moyens d'assurer la
coopération et la coordination, notamment l'échange
d'informations et d'expertise entre tous les organismes judiciaires et
quasi-judiciaires continentaux et sous-régionaux chargés de la
promotion et de la protection des droits de l'homme en Afrique.
Outre la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples,
la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, le Comité
africain des experts sur les droits et le bien-être de l'enfant , et des
institutions judiciaires et quasi-judiciaires de droits de l'homme
créées au niveau continental par l'Union africaine, le Colloque
a vu la participation de représentants de haut niveau de la Cour de
justice de la Communauté économique des États de l'Afrique
de l'Ouest, du Tribunal de la Communauté de développement de
l'Afrique austral et de la Cour de justice de l'Afrique de l'Est. Le Forum des
Présidents des Cours suprêmes de la Communauté de l'Afrique
de l'Est a été également représenté à
ce colloque.
Après trois journées de discussions approfondies
et constructives, les participants ont élaboré un
communiqué final où ils ont convenus de ce qui suit :
- Les participants ont réitéré leur
engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme
et des peuples dans le contexte de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples (la Charte africaine), le principal instrument continental de
droits de l'homme et d'autres instruments régionaux et internationaux
pertinents de droits de l'homme.
- Étant donné l'influence du droit international
en matière de droits de l'homme sur l'application à
l'échelon national des droits de l'homme et au regard du fait que les
normes et décisions internationales ne deviennent véritablement
pertinentes qu'une fois qu'elles sont acceptées et mises en oeuvre
à l'échelon national, les participants ont souligné
l'importance d'associer les institutions judiciaires nationales au dialogue sur
la promotion et la protection des droits de l'homme sur le continent. A cet
effet, les participants ont; aux fins d'élargir le dialogue;
recommandé l'organisation de rencontres similaires auxquelles seront
invitées toutes les institutions judiciaires sous-régionales et
nationales.
- Les participants reconnaissent que leurs différentes
institutions sont partie intégrante du système de protection des
droits de l'homme en Afrique et que leur coexistence aux niveaux continental,
sous-régional et national constitue une condition sine qua non pour la
coordination et le renforcement de la promotion et de la protection des droits
de l'homme et des peuples sur le continent. À cet égard, les
participants se sont engagés à partager les informations sur les
décisions pouvant être utilisées par les autres dans le
cadre de leur travail en vue de constituer une riche jurisprudence africaine
sur les droits de l'homme. Ils ont également souligné la
nécessité de mettre en place des mécanismes pour
l'échange approprié d'informations pour faciliter
l'élaboration d'une jurisprudence et approche cohérentes de
droits de l'homme, de façon à éviter qu'une même
affaire fasse l'objet d'examen par deux ou plusieurs juridictions en même
temps.
- Les participants se sont félicités de ce que
le Colloque ait offert un cadre utile pour le partage d'expériences et
d'informations, et encouragent la coopération entre les institutions de
droits de l'homme en Afrique afin d'élaborer une jurisprudence
cohérente de droits de l'homme, ainsi que pour examiner les défis
qui se posent aux juges, aux commissaires et autres experts de droits de
l'homme dans la protection des droits de l'homme en Afrique. À cette
fin, il a été convenu d'institutionnaliser le colloque et de le
tenir tous les deux ans.
- Les participants ont exprimé leur
préoccupation quant aux difficultés que rencontrent les citoyens
africains ordinaires dans les efforts qu'ils déploient pour
accéder à la justice tant au niveau national qu'international.
À cet effet, les participants ont souligné la
nécessité de mettre en place des systèmes adéquats
et durables d'assistance juridique à tous les niveaux.
- Les participants ont exprimé leur
préoccupation quant aux difficultés que rencontrent les citoyens
africains ordinaires dans les efforts qu'ils déploient pour
accéder à la justice tant au niveau national qu'international.
À cet effet, les participants ont souligné la
nécessité de mettre en place des systèmes adéquats
et durables d'assistance juridique à tous les niveaux. décisions,
la Cour africaine, la Commission africaine, le Comité africain sur les
droits et le bien-être de l'enfant, la Cour de justice de la CEDEAO et le
Tribunal de la SADC se sont engagés à collaborer afin de
renforcer l'exécution de leurs décisions et de partager des
informations sur les bonnes pratiques dans ce domaine.
- Aux fins de renforcer la coopération et la
constitution de réseaux ainsi que de préparer le prochain
colloque, les participants ont convenu que les bureaux des institutions
participantes se rencontrent au moins une fois par an. La Cour africaine s'est
vu confier le rôle de secrétariat temporaire avec pour mission,
notamment d'explorer la possibilité d'abriter une base de
données, un portail de communication et un site Internet pour le partage
d'informations, et de préparer le prochain colloque.
- Tout en reconnaissant la nécessité des
échanges de personnel, les participants ont souligné que ces
échanges devraient être dictés par les besoins et la
pertinence. A cette fin, les participants ont convenu que chaque institution
établisse ses priorités en matière d'échange et les
communique aux autres. Les participants ont également souligné
l'importance du partage d'informations, et à cet égard,
exhorté les institutions participantes à améliorer
davantage leur site internet et à établir des liens avec les
autres institutions177(*).
CONCLUSION GENERALE
Les individus jouissent du droit de saisine devant la Cour
africaine mais cela doit se faire en respectant les prescrits de l'article 6.2
du Protocole. Ces conditions sont moins rigides que celles prévues dans
les systèmes européen et américain de contrôle mais
plus rigoureuses que celles prévues dans la Charte pour les
requêtes étatiques. Elles apparaissent encore plus difficiles que
celles prévues pour les cours sous régionales africaines ;
celles-ci permettant un accès direct même sans avoir
épuisé les recours interne.
Après s'être rassuré que sa requête
remplissait les conditions requises pour sa recevabilité, l'individu ou
l'ONG doit se poser la question sur les possibilités lui offertes pour
saisir la Cour africaine. Pour cela, le Protocole lui donne un accès
direct si l'Etat qu'il met en cause est partie au protocole et par là a
fait la déclaration facultative prévue qui reconnait à la
Cour de connaitre des requêtes individuelles adressées à
son égard.
Ce sont les Etats qui décident de souscrire ou non
à la déclaration d'acceptation de juridiction obligatoire des
Cours de protection des droits de l'homme. La déclaration
facultative, révolue du système européen, est
toujours le vestige puissant des souverainetés américaines
et souverainetés africaines. Des citoyens africains ne tardent pas
à la qualifier de contraire aux droits que la Cour est appelée
à protéger.
Les citoyens africains ne pouvant pas saisir directement la
Cour il leur est offert une possibilité organisée par le
Protocole pour accéder à la Cour. Il s'agit du contour par la
commission africaine à la seule condition que l'Etat en cause ait
ratifié le Protocole.
En dehors de ces deux mécanismes prévus par le
Protocole, nous avons envisagé d'autres qui peuvent être
compatibles avec l'esprit du Protocole. C'est le cas de la juridiction de la
Cour au cas par cas sans que l'Etat en cause n'ait à se lier pour
l'avenir que comme il déposerait la déclaration facultative.
C'est seulement à l'échec de ce moyen que nous avons
proposé qu'on peut sensibiliser les Etats à la ratification du
Protocole et au dépôt de la déclaration de l'article 34.6
mais aussi à la révision du Protocole portant suppression de
l'article 34.6.
Bien qu'en vigueur, la Cour africaine ne jouit pas du monopole
de protection des droits de l'homme sur le continent.
Il n'existe plus de doute sur le rôle joué par
les cours de justice des CER dans la protection des droits de l'homme. Leur
présence à côté de la Cour africaine doit être
conçue plus comme un apport de taille seulement si la Cour africaine qui
a plus de notoriété sur le plan continental continue à
prendre le devant en développant un dialogue permanent avec ces Cours
sous-régionales. Ainsi, une coexistence matérielle est
indiquée pour préserver des désarrois aux justiciables et
aux juges internes qui ne sauront plus, en cas de concurrence
matérielle, à quelle législation se confier.
BIBLIOGRAPHIE
I. INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX
1. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 12
décembre 1948
2. La Charte des Nations Unies.
3. L'Acte Constitutif de l'UA 2002.
4. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
1981.
5. La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales tel qu'amendé par les Protocole N°11
et 14 entrés en vigueur respectivement en 1998 et en 2010
6. La Convention américaine des droits de l'homme.
7. Le Protocole relatif à la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples portant création de la Cour africaine
des droits de l'homme et des peuples, 2004
8. Le Règlement intérieur final de la Commission
africaine, 2010
9. Le Règlement intérieur intérimeraire
de la Cour africaine, Juin 2008
10. Le Règlement intérieur final de la Cour
africaine, Septembre 2010
11. Protocole portant création de la Cour Africaine de
justice et des droits de l'homme
12. Protocole relatif à la Cour de justice de la CEDEAO
(signé le 6 juillet 1991) entré en vigueur le 5 novembre1996
tel qu'amendé en 2005,
13. Protocole portant création du Tribunal de la SADC
et ses Règles de Procédures
14. le Traité établissant la Communauté
de l'Afrique de l'est
II. OUVRAGES, ARTICLES, REVUES
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juge africain est entré dans l'Histoire (Cour de justice de la CEDEAO,
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torture, La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples :
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africaine des droits de l'Homme et des peuples créant la Cour,
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Recueil africain des décisions des droits humains, 2000,
Pretoria : P. University Law Press, 2005, 368 p.
8. Centre for Human Rights (Pretoria)/Institut pour
les droits humains et le développement en Afrique (Banjul),
Recueil africain des décisions des droits humains, 2001,
Pretoria : P. University Law Press, 2008, 209 P.
9. Centre for Human Rights (Pretoria)/Institut pour
les droits humains et le développement en Afrique (Banjul),
Recueil africain des décisions des droits humains, 2003,
Pretoria : P. University Law Press, 2010, 203 P.
10. CIFENDE KACIKO (M.), «Les conditions
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économiques de Strasbourg, La protection internationale des droits
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des droits de l'homme (FIDH), Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples. « Guide pratique pour comprendre la cour africaine des
droits de l'homme et des peuples », 2004
15. Fédération internationale des ligues
des droits de l'homme (FIDH), Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples. « Guide pratique pour comprendre la cour africaine des
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problème des pétitions individuelles relatives aux droits de
l'homme » in Annales de la faculté de droit et des
sciences politiques et économiques de Strasbourg, La protection
internationale des droits de l'homme dans le cadre européen Paris,
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africaine des droits de l'Homme et des peuples : une rectification
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matière des droits de l'Homme», in Revue trimestrielle des
droits de l'Homme (Bruxelles), N° 59, juillet 2004, pp. 757-790
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individuelle jointe à l'arrêt Yogogmbaye C. République
du Sénégal, P. 1-2, § 5-12 de l'exposé.
28. OUGUERGOUZ, (Fatsah),
« La cour africaine des droits de l'homme et des peuples - gros plans
sur le premier organe judiciaire africain à vocation
continentale », in Annuaire français de droit
international LU - 2006 - CNRS Éditions, Paris
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innovations apportées en 2004 au système de garantie
instauré par la Convention européenne des droits de
l'homme », in la nouvelle procédure devant la Cour
européenne des droits de l'homme après le protocole N°14
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du droit international au droit des gens, l'accès des individus à
la justice internationale, le regard d'un juge Paris: Pedone, 2008, 190
p., coll. Ouvertures internationales, Préface, Brasilia 24 mai
2008
III. THESES DE DOCTORAT, MEMOIRES DES ET
LICENCE
1. ETOA Laurence-Herve,
L'avènement de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : enjeux et défis ?, mémoire de recherche
pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème
cycle en Droit public, université de paris II, Panthéon Assas,
2004-2005
2. OUGUERGOUZ F., La charte africaine des
droits de l'homme et des peuples. Portée historique, Thèse
de doctorat, 1999, Institut des hautes études de Genève,
Genève
3. WALUPAKAH P., La cour africaine des
droits de l'homme et des peuples : le problème du contrôle
juridictionnel des droits de l'homme en Afrique, U.C.B., Mémoire
de Licence en Droit public, 2007-2008
IV. DISCOURS, RAPPORTS, CONFERENCES ET AUTRES
DOCUMENTS
1.
http://www.echr.coe.int/Fr/discours/Wildhaberdiscours.htm. Discours de
M. Luzius Wildhaber, Président de la cour européenne des droits
de l'homme à l'audience solennelle de la cour européenne à
l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire le jeudi 22 janvier
2004
2.
http://www.echr.coe.int/Fr/discours/Cancado Trindadediscours.htm.
discours de Antonio Cancado Trindade Augusto, président de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme; «le développement du
droit international des droits de l'homme à travers l'activité et
les jurisprudences des cours européenne et interaméricaine des
droits de l'homme, Strasbourg, le 22 janvier 2004
3. Cour européenne des Droits de l'Homme,
« Rapport annuel de 2003, conseil de l'Europe : évolution
ultérieure de la Convention européenne de 1950 »,
Greffe de la Cour européenne des Droits de l'Homme, Strasbourg, 2004.
4. EBOBRAH Solomon, « L'application
de la Charte africaine par les organisations africaines
sous-régionales : des gains, des peines et le futur »,
thème exposé en marge de la conférence 30 ans de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : Retro
perspective, Auditorium, Faculté de Droit, Université de
Pretoria, 11 juillet 2011, Panel 2, 10h 45 - 11h 20
V. SITES INTERNET OU WEBOGRAPHIE
1.
www.africancourtcoalition.org
2.
www.african-court.org
3.
www.apt.org
4.
www.Droishumains.org
5.
www.Droits-fondamentaux.org
6.
www.Echr.coe.Int/FR
7.
www.fidh.org
8.
www.google.fr
9.
www.revue.df.org
10.
www.coe.int
11.
www.claiminghumanrights.org
12.
www.icj-cij.org
13.
www.sadc.int
14.
www.eac.int
15.
www.eccjecowas.int
TABLE DES MATIERES
O. INTRODUCTION
1
O. 1 PROBLEMATIQUE
1
0.2 HYPOTHESES
8
PLAN SOMMAIRE
11
Chapitre I. CONDITIONS DE RECEVABILITE DES RECOURS
INDIVIDUELS DANS LE SYSTEME INTERAFRICAIN DE CONTROLE JUDICIARE DES DROITS DE
L'HOMME
11
Section Ière : les
conditions de recevabilité des requêtes devant la Cour
11
§1: Les conditions générales de
recevabilité
12
I. Conditions relatives
à la compétence de la Cour
12
A. La requête doit émaner d'un
individu ou d'une ONG ou de leurs représentants
12
B. La requête doit être
dirigée contre un Etat partie qui a fait une déclaration
spéciale
13
II. Les autres conditions
16
section 2. Les conditions spécifiques de
l'article 6. 2 du Protocole
16
§1. La requête est recevable si elle
indique l'identité de son auteur
17
§2. La requête est recevable si elle
est compatible avec l'Acte constitutif de l'UA et la Charte
18
§3. La requête est recevable si elle ne
contient pas des termes outrageants à l'égard de l'Etat mis en
cause, de ses institutions ou de l'UA
22
§4. La Requête doit être
documentée
23
§5. Condition de l'épuisement des
préalable des voies de recours
24
A. Le principe
24
B. Exceptions ou tempéraments à la règle
de l'épuisement des voies de recours
internes.........................................................................................................25
1er tempérament : Lorsque la
Cour africaine considère que les recours internes sont inapplicables ou
inefficaces
28
2ème tempérament :
... les violations sont graves et massives
28
3ème tempérament :
l'état d'urgence entrave l'administration de la justice
29
4ème tempérament :
l'existence de clauses dérogatoires empêche tout recours
29
5ème tempérament :
l'épuisement des recours internes n'est pas « logique »
30
6ème tempérament :
l'accès à la justice est inéquitable
30
7ème tempérament :
les recours internes sont inefficaces ou inaccessibles
31
8ème tempérament :
La requête est recevable si les procédures internes sont
anormalement prolongées
31
§6. La requête est recevable si elle est
transmise à la Cour dans un délai raisonnable
32
§7. La requête est recevable si la
prétendue violation n'a pas été réglée
33
1. La requête est recevable si la
même affaire n'a pas été réglée par une autre
instance internationale
33
3. La requête est recevable même
si l'affaire a été soumise devant une autre instance
34
§8. La Cour rejette la requête si elle
est manifestement mal fondée
35
Section II : les conditions de
recevabilité des requêtes devant les Cour de justices des CER
36
Introduction
36
§1. Recevabilité des requêtes
individuelles devant la Cour de Justice de la CEDEAO
37
A. Conditions résultant des
traités de la CJEDEAO
37
§2. Les conditions de recevabilité
devant le Tribunal de la SADC
44
§3. La recevabilité des requêtes
individuelles devant la cour de justice de l'EACJ
47
Conclusion partielle
51
Chapitre deuxième : L'ACCES DES
INDIVIDUS A LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
52
Introduction
52
Section I : Les recours individuels devant la
CIJ et les autres systèmes régionaux de droits de l'homme
53
§1. Les allégations des individus
devant la CIJ
53
§2. Les recours individuels devant la Cour
européenne
54
§3. La cour interaméricaine des droits
de l'homme
57
Section II : Les recours individuels devant la
cour africaine des droits de l'homme et des peuples
58
Introduction
58
§1. L'accès des individus et ONG
à la Cour africaine
60
Section III : La juridiction de la Cour
africaine au cas par cas
67
§1. Le forum prorogatum en droit
international
68
Section IV. Eventuelle suppression de la Commission
africaine
73
Section V. La sensibilisation des Etats africains
au dépôt de la déclaration facultative
74
Section VI. Révision du Protocole et par
là suppression de son 34.6
75
Section VII. études pratique de
quelques affaires soumises directement par les individus à la cour
africaine
77
§1. Requêtes ayant fait l'objet
d'arrêt ou d'ordonnance de la Cour africaine
78
§2. Requêtes rejetées de
plano
81
§3. Requêtes offrant perspective
d'examen par la Cour
83
Conclusion partielle
86
Chapitre III : LE GLISSEMENT DES CER
AFRICAINES DU CHAMP ECONOMIQUEE VERS LE CHAMP DELA PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME
87
Section Ière : Les litiges des droits de
l'homme devant les Cours de justice des CER traitant des DH
87
§1. Le mandat en matière des droits de
l'homme de la CJCEDEAO
88
§2. La compétence
de la CJEAC à connaitre des droits de
l'homme............................93
§3. La compétence du TSADC à
connaitre des droits de l'homme
95
Section II : La coexistence des
« cours africaines » des droits de l'homme
96
§1. La coexistence matérielle des juridictions en
droit international..................................97
§2. La coexistence matérielle des cours
africaines des droits de l'homme
98
CONCLUSION GENERALE
103
BIBLIOGRAPHIE
104
TABLE DES MATIERES
111
* 1 Karel VASAK cité
par Keba Mbaye : Les Droits de l'homme en Afrique, 2ème
édition. P.
* 2 Laurence-Herve ETOA,
L'avènement de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : enjeux et défis ?, mémoire de recherche
pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème
cycle en Droit public, université de paris II, Panthéon Assas,
2004-2005, P. 8
* 3 Au sens d'un
« obiter dictum » de la CIJ dans l'affaire Barcelona
Traction, Light and Power Company Limited, Rec. 1970, arrêt du 05
février 1970 (Belgique C. Espagne)
* 4 MUTOY MUBIALA cité
par Ephraïm KAHAMIRE in Les droits de l'homme dans la région
des Grands Lacs. Réalités et illusions, (S/Dir MUGANGU
Séverin), FIUC, Bruylant academia, UCB- CEGEC, P. 77
* 5 EUSTATHIADES M. C. Th.,
« la mise en oeuvre des droits de l'homme sur le plan international
» in Annales de la faculté de droit et des sciences
politiques et économiques de Strasbourg, La protection
internationale des droits de l'homme dans le cadre européen Paris,
Dalloz, 1961, P.217.
* 6 L-H. ETOA, Op.
Cit.,P. 11
* 7 Le Protocole portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme (ci-après le
Protocole) été adopté le 9 juin 1998 à Ouagadougou,
avant d'entrer en vigueur le 25 juin 2004. Près de deux ans plus tard,
la Conférence de l'Union décidait nommait les juges (V. DOC
UA/Conférence de l'Union, Décision sur l'élection des
membres de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples,
Assembly/AU/dec.100 (VI), 29 janvier 2006, P.1
* 8 Voir article 10 (d) du
protocole relatif à la Cour de justice de la CEDEAO (signé le 6
juillet 1991) entré en vigueur le 5 novembre1996 tel qu'amendé
en 2005, article 15 du Protocole portant création du Tribunal de la SADC
et ses Règles de Procédures, le Traité établissant
la Communauté de l'Afrique de l'est qui prévoit la mise en place
de la Cour et qui dispose dans ses règles de procédures
adoptées en 2004 que la cour peut être saisie par toute personne
physique ou morale.
* 9 Notons à titre
indicatif les prescrits de l'article 6.2 du protocole à la Charte
créant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples par renvoi
à l'article 56 de la Charte, l'article35 de la Convention
européenne des droits et libertés fondamentaux, de l'article 46
de la Convention interaméricaine des droits de l'Homme...
* 10 De celle-ci on peut
noter un regain de faveur de ces recours comme le montrent quelques affaires
récentes mettant notamment en cause les jugements et condamnations
à mort prononcées contre des étrangers par les
juridictions des Etats-Unis d'Amérique : dans l'affaire LaGrand ou dans
l'affaire Avena et cinquante quatre autres ressortissants mexicains ou encore
dans la récente affaire Diallo contre la République
démocratique du congo.
* 11
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme
(FIDH), Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. « Guide
pratique ». ; 2004, P. 1
* 12 Le nombre de
requêtes a atteint 57100 en 2009, une augmentation de plus de 500 % par
rapport à 2000. Cf. FIDH, Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples, édition de 2010 téléchargé sur
www.fidh.org consulté le
15/11/2011
* 13 Voir affaire
Michelot Yogogombaye C. République du Sénégal,
arrêt rendu le 15 décembre 2009 sur requête
N°001/2008
* 14 Dans deux affaires
importantes, concernant la détention arbitraire d'un journaliste gambien
in re Chief Ebrimah Manneh c/ la République de Gambie et la
condition de servilité d'une nigérienne in re Dame Hadijatou
Mani Koraou contre la République du Niger.
* 15 Dénuée
d'un mandat sur les droits de l'homme aussi clair que celui de
la cour de la
CEDEAO, la Cour de justice d'Afrique de l'Est a cependant un
jugement très progressif des droits de l'homme à son
crédit.
* 16 Cf. affaire du
Forum des ONG zimbabwéennes des droits de l'homme C. Gouvernement du
Zimbabwe.
* 17 Association pour la
Prévention de la Torture, « la cour africaine des droits de
l'homme et des peuples ». Présentation, analyse et commentaire
du Protocole à la Charte africaine créant la Cour, Genève,
1999, P.4
* 18 Le consentement de
l'Etat est la condition sine qua non à la compétence de
toute juridiction internationale. Cf. opinion individuelle du juge Fatsah
OUGUERGOUZ jointe à l'arrêt Yogogombaye C. République
du Sénégal, P. 5. Voir aussi Cour permanente de justice
internationale dans son Avis consultatif du 23 Juillet 1923, série B,
P.27 : « Il est bien établi en droit international
qu'aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses
différents avec les autres Etats soit à la médiation soit
à l'arbitrage, soit enfin à n'importe quel procédé
de solution pacifique, sans son consentement »
* 19 Cf. les articles 39 et
52 du Règlement intérieur final de la cour tel qu'il
remplace le Règlement intérieur intérimairede la Cour du 20 juin 2008, suite à l'harmonisation des Règlements intérieurs intérimaires de la Cour et de la Commission effectuée au cours de leurs réunions
en Juillet 2009 à Arusha,
Octobre 2009 à Dakar et Avril 2010 à Arusha.
* 20 Cf. Affaire du Haut
Congrès katangais C. Zaire
* 21 FIDH, Op. Cit.
P.44
* 22 Affaire Michelot
YOGOGOMBAYE C. République du Sénégal au paragraphe 39 de
l'Arrêt rendu le 15 décembre 2009 sur Requête
N°001/2008
* 23 Fatsah OUGUERGOUZ,
Opinion individuelle jointe à l'arrêt Yogogmbaye C.
République du Sénégal, P. 1-2, § 5-12 de
l'exposé.
* 24 Article 7 littera
i du statut de Rome, aussi l'article de la LOI 024-2002 du 10 de 18
novembre 2002 portant Code pénal militaire
* 25 Paul Tavernier,
Récueil juridique des droits de l'homme en Afrique, 1990-2000,
human rights law in Africa series, christof Hens and Paul Tavernier
(editions), Bruylant, P. 379
* 26 Malawi African
association contre Mauritanie, 54/91 ; Amnesty international contre Mauritanie,
61/91 ; Mme Saar Diop, Union Interafricaine des droits de l'homme et RADDHO
contre Mauritanie, 98/93 ; Collectif des veuves et ayants droits contre
Mauritanie, 164/97 ; Association Mauritanienne des droits de l'homme contre
Mauritanie, 210/98, 11 mai 2000, § 79, in Moise CIFENDE KACIKO, «
Les conditions de recevabilité des communications individuelles
devant la Commission africaine es droits de l'homme et des peuples :
portée jurisprudentielle », in Revue de droit International et
de Droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 276 cité par
Providence WALUPAKAH, La cour africaine des droits de l'homme et des
peuples : le problème du contrôle juridictionnel des droits de
l'homme en Afrique, U.C.B., Mémoire de Licence en Droit public,
2007-2008, P. 59
* 27 Le Règlement
intérieur de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples a été adopté lors de sa 2e session
ordinaire tenue à Dakar (Sénégal) du 8 au 13
février 1988 et a été révisé lors de sa
18è session ordinaire tenue à Praia (Cap-Vert) du 2 au 11 octobre
1995
* 28 La décision du
1er septembre 1958 (non publiée), requête N°
361/58 citée par F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., P. 381
* 29 Article 46 (1) littera
b de la Convention interaméricaine et Article 35 de la
convention européenne
* 30 F. OUGUERGOUZ, Op.
Cit., P. 382
* 31 F. OUGUERGOUZ,
« La cour africaine des droits de l'homme et des peuples - gros plans
sur le premier organe judiciaire africain à vocation
continentale », in annuaire français de droit international
LU - 2006 - CNRS Éditions, Paris, P. 227
* 32 Korvah C.
Liberia (2000) AHRLR 140 (ACHPR 1988) para 5.
* 33 Patrick WACHASMANN,
les droits de l'homme,Pp. 159-160, Voy. Notamment affaire Van
Volsem C. Belgique (requête 14641/89)
* 34 Congres du peuple
katangais C. Zaire (2000) AHRLR 72 (ACHPR 1995) para 5-7.
* 35 P. TAVERNIER, Op.
Cit. Pp. 344-350
* 36 Halidou
Ouédraogo : Chef de l'Union inter africaine des droits de l'homme
(UIPH) réseau d'ONU des droits de l'homme des pays africains.
* 37 Article 45-2 «
Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples dans les conditions
fixées par la présente Charte ».
Article 45-3 « Interpréter toute disposition de la
présente Charte à la demande d'un Etat partie, d'une institution
de l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'O.U.A. »
Selon l'article 56-2 les communications autres que celles
étatiques doivent « nécessairement »« être
compatibles avec la Charte de l'OUA ou avec la présente Charte
».
* 38 Voir Civil Liberties
Organisation et autres c. Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 29, sur un
point relatif à la confidentialité des communications entre
l'avocat et son client, aux décisions du Comité dans les affaires
Burgos et Estrella c. Uruguay.
* 39 In re Civil
Liberties Organisation et autres c. Nigeria, concernant le droit à la
présomption d'innocence garanti par l'article 7, § 1b) de la Charte
a précisé que ce droit devait être entendu comme
interdisant de demander à l'accusé de témoigner contre
lui-même ou d'exiger de lui une confession sous contrainte, comme le
prévoient les articles 6, § 2 et 14, § 3g) du
P.I.D.C.P.
* 40 Sitsofé
KOWOUVIH, « La cour africaine des droits de l'homme et des peuples :
une rectification institutionnelle du concept de «
spécificité africaine » en matière de droits de
l'homme » in Observatoire des mutations
institutionnelles et juridiques (OMIJ) explique à la page
19 que Dans cette affaire où il était question d'un avocat d'une
association de défense des droits de l'homme détenu dans une
cellule sordide sans accès aux soins médicaux et à
l'extérieur, la Commission africaine s'est référée
à l'arrêt de la Cour européenne, Irlande c. R.U. de 1978 et
à la décision de la Commission européenne
Urrutikoetxea c. France de 1996 pour préciser que
l'évaluation du degré minimal de souffrance à atteindre
pour constituer un traitement inhumain et dégradant (Art. 5 de la
Charte) devait tenir compte d'éléments tels que la durée
du traitement, l'âge et l'état de santé de la victime.
* 41 Voir plus loin notre
analyse sur les causes qui effarouchent les Etats à signer le Protocole
de Ouagadougou et à déposer la déclaration en vertu de
l'article 34.6
* 42 Moise CIFENDE KACIKO,
Op. Cit., p. 282.
* 43 FIDH, Op. Cit.,
P. 84
* 44 F. OUGUERGOUZ, Op.
Cit. P. 384
* 45 Communication
Sir Dawda K. Jawara c. Gambie, paragraphes
23 à 27, RADH 2000 98 (CADHP 2000)
* 46 FIDH, Op.Cit.,
P. 84
* 47 Par ex. l'affaire
Interhandel (Suisse c. Etats-Unis), arrêt du 21
mars 1959.
* 48 Article 41-1(C).
* 49 Articles 2 et 5-2(b).
* 50 Article 46.
* 51 Communications 25/89,
47/90, 56/91, 100/93 (regroupées); Free Legal Assistance Group, Lawyers'
Committee for Human Rights, Union Interafricaine des Droits de
l'Homme, Les Témoins de Jéhovah c/ Zaïre
* 52 Communication
Sir Dawda K. Jawara c. Gambie, paragraphe
31, RADH 2000 98 (CADHP 2000)
* 53 Communication
Diakité c. Gabon (RADH 2000 87, CADHP 2000),
paragraphe 16
* 54 Communication
Malawi African Association et Autres c. Mauritanie
(RADH 2000 148, CADHP 2000), paragraphe 80
* 55 Communication 18/88,
El Hadj Boubacar Diawara c. Bénin:
« Etant donné que le plaignant avait porté le cas
devant les juridictions béninoises et que la procédure
était encore en cours, la Commission a déclaré la
communication irrecevable pour non-épuisement des voies de recours
internes, conformément à l'article 56(5) de la Charte et à
l'article 103(l) du Règlement Intérieur de la
Commission ».Voir également Communication 135/94,
Kenya Human Rights Commission c. Kenya, RADH 2000 130
(CADHP 1995).
* 56 Voir, dans le
système européen, parmi beaucoup d'autres
précédents Selmouni c. France
[GC], n° 25803/94, CEDH 1999-V, § 74 :
« La Cour rappelle que la finalité de l'article 35
est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou
redresser les violations alléguées contre eux avant que ces
allégations ne soient soumises aux organes de la Convention (..) Les
Etats n'ont donc pas à répondre de leurs actes devant un
organisme international avant d'avoir eu la possibilité de redresser la
situation dans leur ordre juridique interne » ; Kuda
c. Pologne [GC], n° 30210/96, CEDH 2000-XI,
§ 152 ; Andráik et autres c.
Slovaquie (déc.), n° 57984/00 et al.,
CEDH 2002-IX.
* 57 FIDH, Op.
Cit., P.85
* 58 Communication 90/93,
Paul S. Haye c. Gambie.
* 59 FIDH, Op. Cit.
P. 85
* 60 En plus des
décisions citées ci-dessous, voir par exemple Communication
71/92, Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme c/
Zambie.
* 61 FIDH, Op. Cit.,
P. 87
* 62 Communications 25/89,
47/90, 56/91, 100/93 ; Free Legal Assistance Group, Lawyers' Committee for
Human Rights, Union Interafricaine des Droits de l'Homme, Les
Témoins de Jéhovah c/ Zaïre.
* 63 Voir aussi
Communications 83/92, 88/93 et 91/93, Jean Y. Degli (au nom de N. Bikagni) c/
Togo, et
Communications 64/92, 68/92, 78/92, Krischna Achuthan pour
Aleke Banda et Amnesty International pour
Orton et Vera Chirva c/ Malawi.
* 64 Communications 137/94,
139/94, 154/96 et 161/97, International PEN, Constitutional Rights, Interights
au nom de Ken Saro-Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c/ Nigeria. Voir
aussi Communication 87/93,
The Constitutional Rights Project c/ Nigeria, Communication
129/94, Civil Liberties Organisation c/ Nigeria,
Communications 105/93, 128/9, 130/94 et 152/96, Media Rights
Agenda and Constitutional Rights Project
c/ Nigeria.
* 65 Communication 103/93,
Alhassan Abubakar c/ Ghana.
* 66 Communication 215/98,
Rights International c/ Nigeria. Voir aussi Communication 232/99, John
D. Ouko c/ Kenya.
* 67 Communication 135/94,
Kenya Human Rights Commission c/ Kenya.
* 68 P. WACHASMANN, Op.
Cit. P. 159
* 69 SIDIKI kaba, Op.
Cit., P.57
* 70 Papageorgiou c.
Grèce (1997).
* 71 Voir Communications
27/89, 46/91 et 99/93 Organisation mondiale contre la torture et l'Association
internationale de juristes démocrates, Commission internationale de
juristes, Organisation mondiale contre la Torture, Union Interafricaine des
Droits de l'Homme c / Rwanda.
* 72 F. OUGUERGOUZ, Op.
Cit., P. 387
* 73 Communication 59/91,
Emgba Mekongo Louis c/ Cameroon.
* 74 Requête N°
004/2011 : Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples c/
Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste
* 76 Mutoy MUBIALA, Le
système régional africain de protection des droits de l'homme,
Bruylant, 2005, P. 102
* 77 La Cour de Justice est
prévue aux Articles 6 et 15 du Traité Révisé de la
CEDEAO. Le protocole relatif à la Cour de justice (signé le 6
juillet 1991) est entré en vigueur le 5 novembre1996. En janvier 2005,
un Protocole supplémentaire a été adopté amendant
plusieurs dispositions du Protocole de la Cour.
* 78 L'Article 9 du
Traité établissant la Communauté de l'Afrique de l'est
prévoit la mise en place de la Cour.
Celle-ci est devenue opérationnelle en novembre 2001.
Les Règles de Procédures ont été adoptées en
2004.
* 79 Le Tribunal est
prévu par l'Article 9(f) du Traité de la SADC. Le Protocole
portant création du Tribunal et ses
Règles de Procédures ont été
adoptés en 2000 et sont entrés en vigueur en 2001.Le Tribunal est
devenu opérationnel en Novembre 2005 et prêt à recevoir des
affaires en mars 2007.
* 80 PORTANT AMENDEMENT DU
PREAMBLE, DES ARTICLES 1ER, 2, 9, 22 ET 30 DU PROTOCOLE (A/P1/7/91) RELATIF A
LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNUATE, ANSI QUE DE L'ARTICLE 4
PARAGRAPHE 1 DE LA VERSION ANGLAISE DUDIT PROTOCOLE
* 81 Arrêt N°
ECW/CCJ/JUD/06/08 du 27 octobre 2008 suite à une requête
déposée le 14 septembre 2007 et par laquelle Hadijatou Mani
Koraou saisit la CJCEDEAO sur le fondement des articles 9-4 et 10 d) du
protocole additionnel du 19 janvier 2005, portant amendement au protocole du 6
juillet 1991 en vue notamment d'une condamnation de la République du
Niger, pour violation des articles 1,2,3,5,6 et 18(3) de la Charte africaine
des droits de l'Homme et des peuples.
* 82 Protocole additionnel
A/SP.01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P.1/7/91 du 06
juillet 1991 relatif à la Cour.
* 83 §54 de
l'arrêt
* 84 §55 et 56 de
l'arrêt
* 85 COHEN-JONATHAN in
« La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et de libertés fondamentales », Economica, Paris 1989,
P.143
* 86 http// :
ambema.over-blog.com/article-la-cour-de-justice-de-la-CEDEAO-donne-raison-à-nouveau-au-président-hissein-habre-5117772.html
communiqué de presse de Maître François SERRES Avocat
à la Cour Paris et Maître Mamadou I. KONATE Avocat à
la Cour Bamako
* 87 Arrêt Mani
HADIDJATOU C. L'Etat du Niger
* 88
CPDH
, « Le juge africain est entré dans
l'Histoire (Cour de justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani
Koraou c/ Niger) »Publié le
10
mai 2009 par Delphine d'ALLIVY KELLY, Pp. 6-7
* 89
www.irda.org/tribunal-sadc/
voir aussi
www.sadc.int/tribunal
* 90 EAST AFRICAN COURT OF
JUSTICE, STRATEGIC PLAN 2010 - 2015, April 2010, P. 4
* 91 Solomon EBOBRAH,
« human rights developpements in african subregional economic
comunities during 2010 » in African human rights law journal,
volume11 N°1 2011, South Africa, Pp. 218-219
* 92 Arrêt Katabazi
§24
* 93 Idem, §30-32
* 94 Ahmed MAHIOU,
« Note sur la justice internationale et les droits de
l'homme » in Justice internationale et scolaire : points de
repère, juillet 2004, Pp. 11-12
* 95 CIJ, arrêt du 30
novembre 2010 in re Ahmdou Sadio Diallo C. RDC.
* 96 Vincenzo STARACE,
« les innovations apportées en 2004 au système de
garantie instauré par la Convention européenne des droits de
l'homme », in La nouvelle procédure devant la Cour
européenne des droits de l'homme après le protocole N°14
(S/dir), Bruylant 2007, Pp.1-2
* 97 FIDH, Op. Cit.,
P. 133, voir aussi protocole n°11 à la convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, texte
portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par
la convention du 11 Mai 1964, article 34 du protocole.
* 98 Ludovic HENNEBEL,
La convention américaine des droits de l'homme. Mécanismes de
protection et étendue des droits et liberté, Bruylant, 2007,
Pp. 122
* 99 Le Professeur Pedro
NIKKEN, le système interaméricain des droits de l'homme. RUDH,
vol.21, 1990, p.105.
* 100 Sitsofé
KOWOUVIH, Op. Cit., P. 14, il cite à ce sujet Antonio Augusto
Cançado Trindade, « Le système interaméricain de
protection des droits de l'homme : Etat actuel et perspectives
d'évolution à l'aube du 21e siècle »,
A.F.D.I., 2000, pp. 549-577, spécialement pp. 572 et s.
* 101 Voir sur ce point le
Discours de Antônio Augusto Cançado Trindade, Président de
la Cour interaméricaine des droits de l'homme; « Le
développement du droit international des droits de l'homme à
travers l'activité et la jurisprudence des Cours européenne et
interaméricaine des droits de l'homme », Strasbourg le 22 janvier
2004. http://
www.echr.coe.int/Fr/Discours/CancadoTrindadediscours.htm
cité par Sitsofé, Op. Cit., P. 14
* 102 M. MUBIALA, Op.
Cit.,P. 106
* 103 ETOA, Op.
Cit, P.
* 104
www.FIDH.org., guide pour
comprendre la cour africaine des droits de l'homme et des peuples 2010, P.
76
* 105 ibidem
* 106 Requête N°
004/2011, Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples c/
Grande Jamahiriya Arabe libyenne populaire et socialiste, §. 1-7
* 107 Troisième
réunion de la Cour africaine et de la Commission africaine du 31/8/2010
www.africancourtcoalition.org
* 108 MATADI NENGA GAMANDA,
Le droit à un procès équitable, éditions
Droit et idées nouvelles, Bruylant, P. 139
* 109 FIDH, Op. Cit.,
P. 74
* 110 Mutoy Mubiala,
Contribution à l'étude comparative des mécanismes
régionaux africains, américains, et européens de
protection des droits de l'homme, revue africaine de droit international
et comparé, vol.9, 1997, p.49-50 cité par ETOA, Op.
Cit.
* 111
www.Apt.org. (site
Consulté le 12 septembre 2011)
* 112 Charte des
ratifications : traités de l'UA relatifs aux droits de l'homme,
état de ratifications au 31 décembre 2010,
http://www.africa-union.org
(site consulté le 07 septembre 2011)
* 113
http://www.chr.co.za/treaties
(site consulté le 30 septembre 2011)
* 114 F. OUGUERGOUZ dans
son opinion individuelle jointe à l'arrêt de la Cour africaine du
15 décembre 2009, §23-39, Pp. 5-8
* 115 Jean SALMON (Ed.),
Dictionnaire du droit international, Bruylant/AUF, Bruxelles, 2001, P.
518 cité par F. OUGUERGOUZ, Op. Cit., P. 7
* 116 V. POULIOT, Op.
Cit., P. 35 ; voir notamment : Bohdan Winiarski, « Quelques
réflexions sur le soi-disant forum prorogatum en droit international
», Mélanges Spiropoulos, 1947.
* 117
www.haguejusticeportal.net/leforumprorogatumdevantlacourinterantionaledejustice/vincentpouliot
se reférant à la Cour internationale de Justice, Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993
(Nouvelles demandes en indication de mesures conservatoires), Opinion
individuelle de M. Lauterpacht, juge ad hoc, p. 416, para. 24.
* 118 Pour la jurisprudence
de la CPJI sur ce point, voir Concessions Mavrommatis à
Jérusalem, Série A, n° 5, Arrêt, 26 mars 1925, p. 27
et Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles
minoritaires), Série A, n° 15, Arrêt n°12, 26 avril
1928, p. 23.
* 119 Mohammed Bedjaoui, F.
OUGUERGOUZ, « Le forum prorogatum devant la Cour internationale
de Justice : les ressources d'une institution ou la face cachée du
consensualisme », in annuaire africain de droit international, 1998,
Volume 5, Pp. 91-114.
* 120 F. OUGUERGOUZ,
Op. Cit., §35, P. 16
* 121 V. POULIOT, Op.
Cit.,P.35 qui cite Détroit de Corfou, Arrêt sur
l'exception préliminaire, 25 mars 1948, C. I. J. Recueil 1947-1948, p.
27.
* 122 Idem, P. 36
citant (colombie C. Pérou) Arrêt du 13 juin 1951 : C. I. J.
Recueil 1951, p. 78, disponible sur :
http://www.icj-cij.org/docket/files/14/1936.pdf
* 123 Ibidem cite
et explique Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), Exception
préliminaire, Arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 114 : « le
principe du forum prorogatum devrait être fondé sur quelque acte
ou déclaration du Gouvernement de l'Iran impliquant un
élément de consentement à l'égard de la
compétence de la Cour. Mais ce Gouvernement n'a pas cessé de
contester la compétence de la Cour. [...] Aucun- élément
de consentement
ne saurait être déduit de l'attitude
adoptée par l'Iran. [...] La Cour en vient donc à la conclusion
qu'elle n'est
pas compétente pour connaître de l'instance
introduite par le Royaume-Uni », disponible sur : http://www.icj-
cij.org/docket/files/16/1996.pdf. Cet arrêt est le
premier dans lequel la CIJ utilise le terme même de « forum
prorogatum », consacrant ainsi son usage.
* 124 Ibidem
* 125 V. POULIOT, Op.
Cit., P.37 citant Cour internationale de Justice, Certaines
procédures pénales engagées en France (République
du Congo c. France), 2003, voir documents sur :
http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/6/188.TD1GUg.html
* 126 Ibidem,
citant Cour internationale de Justice, Activités armées sur le
territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République
démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et
recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 18.
* 127Ibidem,citant
Lettre du 25 juillet 2006
* 128 M. MUBIALA, Op.
Cit., P. 107
* 129 F. OUGUERGOUZ,
Op. Cit., §29, P. 6
* 130 F. OUGUERGOUZ,
Op. Cit., P. 8, § 36-39
* 131 Idem, P.
770
* 132 Cour
européenne des Droits de l'Homme, « Rapport annuel de 2003,
conseil de l'Europe : évolution ultérieure de la Convention
européenne de 1950 », Greffe de la Cour européenne des
Droits de l'Homme, Strasbourg, 2004, P.9
* 133 Discours de
Antônio Augusto Cançado Trindade, Président de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme; « Le développement du
droit international des droits de l'homme à travers l'activité et
la jurisprudence des Cours européenne et interaméricaine des
droits de l'homme », Strasbourg le 22 janvier 2004.
http://www.echr.coe.int/Fr/Discours/CancadoTrindadediscours.htm
* 134
Ibidem,citant Antonio Augusto Cançado Trindade, « Le
système inter-américain de protection des droits de l'homme :
Etat actuel et perspectives d'évolution à l'aube du
21e siècle », A.F.D.I., 2000, pp. 549-577,
spécialement pp. 572 et s.) ;
* 135
http://www.africancourtcoalition.org/images/docs/afr-court/application001/fre.pdf
* 136 Le Protocole portant
création d'une Cour africaine des droits de l'homme (ci-après le
Protocole) été adopté le 9 juin 1998 à
Ouagadougou, avant d'entrer en vigueur le 25 juin 2004. Près de deux ans
plus tard, la Conférence de l'Union décidait nommait les juges
(V. DOC UA/Conférence de l'Union, Décision sur l'élection
des membres de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples,
Assembly/AU/dec.100 (VI), 29 janvier 2006, p.1
* 137 Guy-Fleury NTWARI,
« Note sur le premier arrêt de la Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples ». In Les petits cahiers du Centre Droit
International (CDI) N°1. Vol.I-2010, P. 1-3
* 138 Ordonnance de la Cour
africaine du 25 mai 2011 prescrivant des mesures provisoires à
l'encontre de la Libye cf.
www.african-court.org/order-for-provisional-mesures-against-libya
* 139
http://www.africancourtcoalition.org/images/docs/afr-court/application004/fre.pdf
* 140 Pour les informations
concernant les ratifications du Protocole cf.
www.african-union.org
mais les informations sur les déclarations nous viennent des sources
peu officielles car lé dépositaire de celles-ci n'en publient pas
et la Cour africaine ne dispose pas de liste des pays qui en ont faites. Nous
nous sommes référé à des sources non officielles
comme
www.chr.up.az/treaties
ou
www.africancourtcoalition.org/actu
* 141
http://www.africancourtcoalition.org/images/docs/afr-court/application005/fre.pdf
* 142
http://www.africancourtcoalition.org/images/docs/afr-court/application006/fre.pdf
* 143 Voir articles 39, 52
et 3 du Protocole
* 144 Cette affaire ayant
déjà fait l'objet d'un jugement par la Cour de justice de
l'EAC
* 145 Africain court
coalition/communiqué de presse du dimanche 5 juin 2011
* 146
http://www.africancourtcoalition.org/images/docs/afr-court/application007/fre.pdf
* 147 Antonion Trindade
Cancado, évolution du droit international au droit des gens,
Préface, Brasilia 24 mai 2008
* 148 S. KOWOUVIH, Op.
Cit., P. 770 citant Augusto Antonio Trindade dans son discours de 2004
à l'audience solennelle d'ouverture de l'année judiciaire.
* 149 S. KOUWOUIH, Op.
Cit. P. 699 citant Benoît-Rohmer (F.), « Il faut sauver le
recours individuel... », Dalloz, 2003, chron. p. 2584. Voy. Contra :
Flauss (J.-F.), « Faut-il transformer la Cour européenne des droits
de l'homme en juridiction constitutionnelle? », Dalloz 2003, Chron. p.
1641; Voy. aussi, de Salvia (M.), « L'actuelle Cour européenne des
droits de l'homme : un phénix renaissant de ses cendres », Cahiers
du CREDHO, N° 7, 2001, pp. 25 et s.
* 150 L. WILDHABER, Op.
Cit.cf.
http://www.echr.coe.int/Fr/Discours/Wildhaberdiscours.htm
* 151 S. KOUWOUIH, Op.
Cit., P. 699
* 152 Sofie BAKER DJOUMESSI
KENFACK, « L'application de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples par les juridictions sous-régionales : regards
croisés sur les affaires Koraou C. République du Niger
et Hissein Habre C. République du Sénégal devant
la Cour de justice de la CEDEAO » Institut des relations
internationales du Cameroun
* 153 Solomon EBOBRAH,
« L'application de la Charte africaine par les organisations
africaines sous-régionales : des gains, des peines et le
futur », thème exposé en marge de la conférence
30 ans de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples :
Retro perspective, Auditorium, Faculté de Droit, Université
de Pretoria, 11 juillet 2011, Panel 2, 10h 45 - 11h 20
* 154 F. OUGUERGOUZ,
« La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples - Gros plan
sur le premier organe judiciaire africain à vocation
continentale » In: Annuaire français de droit
international, volume 52, 2006. P. 218
* 155 FIDH, Op. Cit.,
P. 37
* 156 Nous citons à
titre indicatif l'affaire Garba C. Bénin (requête
inscrite sous ECW/CCJ/APP/03/09; jugement ECW/CCJ/JUD/01/10, jugement rendu 17
Février 2010.), Habré C. Sénégal,
(inscrite ECW/CCJ/APP/07/08; jugement ECW/CCJ/APP/02/10, rendu le 14 Mai
2010)., affaire Mani Hadidjatou C. Niger (ECW/CCJ/JUD/06/08 ;
jugement rendu le27 Octobre 2008).
* 157 David C.
Uchwe(Suit ECW/CCJ/APP/04/09; jugement ECW/CCJ/RUL/03/10, rendu le 11 Juin
2010).
* 158 Affaire SERAP
* 159 §28 à
30
* 160§ 31 à
33
* 161 §34 à
36
* 162 §37 à
39
* 163 §40 à 58
de l'arrêt
* 164 §61 de
l'arrêt
* 165 Delphine d'ALLIVY
KELLY, « Le juge africain est entré dans l'Histoire (Cour de
justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/
Niger) » in CPDH, publié le 10 mai 2009
* 166 Case SADC (T)
01/2010.
* 167 S. EBOBRAH, Op.
Cit. P. 249
* 168
www.africancourtcoalition.org
(consulté le 7 septembre 2011)
* 169 L. BOURGOUSEN,
Op. Cit., P. 30
* 170 Laurence
BOURGORGUE-LARSEN, « le fait régional dans la
juridictionnalisation du droit international », in : SFDI,
La juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille,
Paris, Pédone, 2003, Pp.31-32
* 171 Idem, P. 34
citant G. Braibant, « Les enjeux pour l'Union », Vers une Charte
des droits fondamentaux de l'Union (Table ronde du 18 mai 2000
organisée par les professeurs Cohen-Jonathan, Decaux et Dutheil
de la Rochère), Regards sur l'actualité, Paris, La
Documentation française, n° spécial 264, août 2000,
p.11.
* 172 FIDH, Op. Cit.,
P. 39
* 173 L. BOURGORGUE-LARSEN,
Op. Cit., P. 42
* 174 L. BOURGORGUE-LARSEN,
Op. Cit., Pp. 203-264 cité par Mutoy MUBIALA, Op. Cit.,
P. 102
* 175 176 L.
BOURGORGUE-LARSEN, Op. Cit., Pp. 42
* 177
www.african-court.org/clôture-du-colloque-sur-les-cours-africaines-des-droits-de-l'homme-et-des-institutions-similaires-
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