De l'inefficacité des missions des organisations internationales dans la résolution de conflit de Darfour( Télécharger le fichier original )par Israël NDUWAYEZU KABIONA Université Libre de Kigali - Licence en droit 2010 |
II.4.6. Les leçons à tirer pour l'avenirDans la mesure où les Européens se sont donnés comme mission d'aider au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, il est clair que des missions telles que la mission de soutien à l'AMIS sont appelées à se renouveler. Si l'UE veut être en adéquation avec ses ambitions et satisfaire aux objectifs qu'elle s'est fixée, elle devra tirer les leçons de cette première expérience, se poser les questions nécessaires à une amélioration de ses relations avec ses partenaires africains. L'UE devra apprendre à être plus exigeante vis-à-vis de ses partenaires africains lorsqu'il s'agira de donner des conseils en contrepartie d'un soutien financier et opérationnel. Sans renoncer au principe de l'appropriation africaine qui par définition est un principe tout à fait louable, l'UE devra fixer des limites à son exclusion et veiller à toujours conserver un droit de regard sur l'utilisation faite de ses deniers et de ses conseils. Imposer des directives serait détruire le principe de l'appropriation africaine, mais accepter de ne pas se faire entendre risquerait d'être tout aussi dangereux. De peur de se faire taxer de néo-colonialisme, le risque serait que l'UE abandonne tout droit de regard et que partant, les résultats obtenus soient très éloignés de ceux que l'on pouvait espérer. La question que l'on doit se poser à ce stade est celle de savoir si l'UE est prête à faire preuve d'un tel courage et d'une telle détermination. Est-elle prête à taper du point sur la table et à s'imposer quand il le faut auprès de ses partenaires ? En cas de réponse négative et en tenant compte des derniers résultats de l'AMIS, on ne peut s'empêcher d'envisager l'hypothèse suivante. Celle d'une division internationale du travail en matière de maintien de la paix. L'idée serait de répartir les différentes missions afférentes au maintien de la paix et de le faire entre les différents acteurs en fonction de leurs compétences respectives. Dans la mesure où les acteurs internationaux intervenant au Darfour ont chacun un domaine de compétences dans lequel ils s'illustrent mieux, l'idée est apparue qu'il serait peut-être plus judicieux de procéder à une division internationale du travail en matière de maintien de la paix. Telle fonction reviendrait à tel acteur plutôt qu'à un autre en raison de ses compétences, de son expérience dans le domaine en cause99(*). L'ONU possède un solide passé dans tout ce qui relève de la médiation et de la planification des opérations. L'OTAN dispose d'importantes capacités militaires. Quant à l'UE, elle dispose d'une expertise reconnue en matière de prévention des conflits ainsi qu'en matière de reconstruction et de stabilisation post-conflit. Elle dispose également d'un formidable réservoir de matières grises dans tout ce qui concerne la planification et la gestion d'opérations. A l'inverse, comme nous l'avons déjà mentionné, l'Union européenne n'a pas été un acteur de premier plan dans l'aboutissement des négociations de paix d'Abuja. Des efforts restent donc à faire en matière d'influence politique et diplomatique de la part des dirigeants européens. Dans ces conditions, en attendant que l'Union renforce ses capacités d'influence et qu'elle augmente ses moyens militaires, il est possible d'imaginer une division des tâches afférentes au maintien de la paix entre les acteurs désireux de s'investir, à savoir l'UE, l'ONU et l'OTAN. Nous pourrions ainsi envisager une division des tâches selon laquelle l'UE se chargerait de la prévention et de la reconstruction / stabilisation post-conflit en étroite collaboration avec l'ONU. Elle pourrait également se charger de l'aspect gestion de crise en collaboration avec l'OTAN selon la répartition suivante : l'UE se chargerait de la formation des personnels et de la planification en coopération avec l'OTAN lorsque l'OTAN et notamment les Etats-Unis se chargeraient des aspects purement militaires de la crise100(*). L'actualité récente du Darfour ne fait confirmer les problèmes évoqués tout au long de cet exposé. L'UE apparaît comme un acteur de second plan par rapport aux Etats-Unis, sa « dispersion étatique » l'empêche de prendre et d'exprimer une position commune. Son manque de courage politique la décrédibilise et l'efface de tout article de presse. Au vu de ces résultats, et en comparaison des objectifs initiaux que s'était fixée l'Union européenne, un constat s'impose. S'il serait exagéré de parler d'un échec de la politique européenne de maintien de la paix en Afrique, s'il est trop sévère de condamner dans son ensemble les méthodes européennes de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, il n'en reste pas moins que l'UE doit ajuster et repenser sa politique étrangère. A l'évidence, les principes qui fondent la spécificité de sa politique n'ont pas porté leurs fruits au Darfour.101(*) Les Européens ont beau se flatter de disposer d'un modèle de gestion de crise fondé sur la prévention, sur le civil plutôt que sur le militaire ; mais ce modèle montre aujourd'hui ces limites. Il n'est évidemment pas question de le remplacer, l'emploi de la force ne trouvant pas sa place dans la philosophie européenne. * 99 Communiqué du 26 octobre 1999 N°232, « le Canada annonce son appui au processus de paix au Soudan », disponible sur l'adresse http://www.dfait-maeci.gc.ca et http://www.acdi-cida.gc.ca, lu ce 23/04/2010. * 100 § 507. Rapport de la Commission Internationale d'Enquête sur le Darfour. 31 Javier 2005. * 101 AFP, "Soudan: l'Accord de cessez-le-feu a pris effet dimanche soir au Darfour", disponible sur l'adresse http://www.lematinonline.com, lu ce 07 mai 2010. |
|