IV.2.2.2. Réponses obtenues après le
travail de terrain
a) Analyse des réponses obtenues à travers
le contenu du tableau ci-dessous
Dans les tableaux ci-dessous, nous mettons en évidence
quelques cas illustratifs qui, à notre avis, prouvent que les
activités informelles ont continué à marquer leur
présence, en dépit des contraintes et faiblesses liées
à leur fonctionnement. Non seulement ont-elles participé à
la résorption du chômage, mais aussi et, au cas
échéant, ont-elles supplée à la carence de revenu
des familles pauvres.
Pour mettre clairement en évidence cette
pérennité ou survivance, nous mettrons en parallèle quatre
colonnes de contenus sous la forme
« conflictuelle »: de gauche vers
à droite, identification des sous-unités observées,
expression de la volonté politique, formes de résistances des
acteurs, et enfin nos propres observations : avec description du conflit
et solutions trouvées.
Tableau no 14 : Accueil des
différentes opinions des différentes personnes en
rapport avec la pérennité des
activités informelles33(*).
1. Commerce ambulant
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvées
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Commerce ambulant (carton, panier sur la
tête, vendre au bord de la route et couturiers etc.)
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- Revendication du droit à l'espace public par
l'administration municipale de Bujumbura. (kugabanya akajagari mu gisagara)
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-Nous ne pouvons pas quitter cet endroit parce que c'est
là où nous gagnons notre pain quotidien, pour nous et pour notre
famille.
-Il y a moyen de gagner la vie grâce à ce
métier car il fait vivre de nombreuses familles.
(Annexe no1).
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Confrontation incessante entre la police et les vendeurs
ambulants dans les rues se trouvant aux alentours de marché central de
Bujumbura et dans des quartiers. Etre chassé pour revenir, il s'agit
donc d'un conflit entre le droit à l'espace public et
le droit de survie. (Annexe no2)
Pour que cette activité perdure, les acteurs du SI
adoptent les stratégies de : mobilité, pots de vin aux
agents policiers.
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Source : Les auteurs
2. Commerce des fruits et légumes
(Tableau 15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvées
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Commerce des fruits et légumes.
(vendeuses à la sauvette autour du marché central de
Bujumbura)
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-Selon l'Administrateur de la commune urbaine de Rohero,
l'effectif de ces femmes vendeuses est allé croissant et de
préciser qu'avant, elles étaient évaluées entre 13
et 14 et que aujourd'hui elles arrivent à 800 femmes vendeuses.
(MISIGARO Déo, 2010, p.17). Il continue en disant que,
«Si elles refusent de quitter les trottoirs, nous allons
utiliser la force ». (NKURUNZIZA Lyse, 2010, p.13)
(Annexe no3)
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- « Nous sommes traquées
continuellement par la police et nous travaillons la peur au ventre, mais je ne
suis pas prête à quitter cet endroit ».
La décision de nous envoyer dans les marchés
périphériques de la municipalité de Bujumbura ne peut pas
nous permettre de survivre ; donc la clientèle de fruit se trouve
plus au centre-ville qu'à la périphérie de la capitale.
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-Aménagement de nouveaux stands du
coté nord du marché central de Bujumbura « Le grenier
du Burundi» mais une grande partie se voit inoccupé.
(Annexe no4)
-Elles ne sont pas inquiétées par
l'administration municipale. (Annexe no5)
Remarquons que ce n'est pas la première fois que la
mairie accorde une trêve à ces vendeuses. La mesure de les chasser
aux alentours de ce marché a toujours évolué en dents de
scie. Tantôt, elles bénéficient de la compréhension
de la mairie, tantôt elles souhaitent que les conditions dans lesquelles
elles travaillent aujourd'hui soient perçues comme une approbation
définitive de la mairie. Ainsi, elles auront fini d'être des
acrobates.
Dans le cadre de pérenniser leurs activités, les
commerçants, restent chaque fois prêts à fuir à
l'arrivée des agents policiers de peur de confisquer leurs biens
(marchandises).
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3. Transport : vélos et de taxis-motos
(Tableau 15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvées
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Transport : vélos et de
taxis-motos
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- En 2006, le Ministre des Transports a tenté
d'interdire leurs activités mais cette mesure a suscité une vague
de colère ainsi que des troubles sociaux au point que le
Président du Burundi a été contraint de l'annuler
(TRANS-AFRICA, 2009, p.18). En réalité, cette activité
génère des revenus significatifs pour de nombreux Burundais dans
un pays qui tente de se remettre de plusieurs années de guerre
civile.
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Nous sommes des chômeurs, nous n'avons pas d'autres
moyens pour vivre. On nous a envoyé dans les banlieues de la ville,
mais pas de clientèle. «Privés de moyens de subsistance,
nous préférons travailler le matin avant que la police envahisse
les routes » ont-ils déclaré.
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Depuis des mois, les anciens conducteurs de taxi-vélo,
accusés par les autorités, comme ses collègues,
d'être la cause de trop nombreux accidents. Il leur interdit de circuler
en ville. Malgré la décision prise, en sillonnant les routes de
la ville, on remarque que ces transporteurs continuent à fonctionner.
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4. Petits Restaurants (Tableau 15 :
suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvées
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Petits Restaurants
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Les commerçants alimentaires ignorent les règles
élémentaires d'hygiène et de salubrité.
(Annexe no6)
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La vie n'est pas du tout facile pour certaine famille vivant
en mairie de Bujumbura. Ainsi pour pouvoir vivre et faire vivre nos familles,
nous nous débrouillons en plantant des petits restaurants sur des lieux
où passent et travaillent beaucoup de gens même si ce n'est pas
permis par le service d'hygiène. Bien que cela soit fatiguant, nous
parvenons à assurer la vie de nos familles.
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Dans des quartiers comme au côté de marché
central de Bujumbura et celui de Ruvumera, des restaurants poussent comme des
champignons. Condition d'hygiène précaire: utilisation de
récipients très impropres comme nous l'avons constaté dans
certains restaurants et cabarets. Les propriétaires travaillent dans la
clandestinité, en mettant les repas dans des petits sceaux avant de les
acheminent vers le lieu de travail de leurs clients.
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5. Droit d'auteur (audiovisuel)
(Tableau 15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvés
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Droit d'auteur (La lutte contre la
contrefaçon et la piraterie34(*): cas des oeuvres musicales et films)
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La législation relative au droit d'auteur est la Loi
N°1 / 021 du 30 décembre 2005 portant protection du Droit d'auteur
et des droits voisins au Burundi.
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- « Depuis deux ans, j'étais sans
emploi. Aujourd'hui Dieu merci, je travaille et je ne peux pas arrêter
cette activité. Pour moi, c'est une passion et ça donne beaucoup
d'argent sans que je ne sois obligé de faire beaucoup d'effort. et je
sens que ça va continuer à bien
marcher ».
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Les vendeurs des produits sur le marché illégal
des oeuvres musicales ou films sont observés dans les rues de la ville
de Bujumbura, d'autres sont installés dans le marché central,
d'autres dans les kiosques.
La majorité des « vendeurs »35(*) sont en
général les plus jeunes. Ils n'exercent que cette activité
au quotidien et sont des vendeurs ambulants. Un sac au dos et des CD, DVD,VCD
en main, ils écument tous les milieux à la recherche des clients
(bars, restaurants, domiciles, marchés, etc). De temps en temps, ils
sont interpellés par quelque passant intéressé. A
l'interpellation, ils s'arrêtent et vont vers le passant. Celui-ci leur
demande s'ils ont le produit qu'il souhaiterait acheter, ou encore il parcourt
les différents produits disponibles, et s'il est
intéressé, il en achète. Au cas contraire, il passe la
commande ou laisse le vendeur s'en aller, attendant un prochain vendeur qui
passerait par là. Ils font des déplacements incessants pour
échapper aux agents de la police tout en gardant leur produit dans des
petits sacs.
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6. Les changeurs de monnaie (Tableau
15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvées
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Les changeurs de devises de la zone
dite "d'échange préférentiel", située au
centre-ville de Bujumbura, sur le boulevard du Prince Louis Rwagasore et autour
du marché central.
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La loi de 2006 de la BRB oblige les changeurs à
opérer dans des bureaux officiels« Bureaux de change :
FOREX » et à verser des redevances à l'État.
«L'économie informelle est principale cause des
fuites fiscales, ses mouvements monétaires sont invisibles, ces
opérations ne laissent aucune trace. La majorité de leurs
opérations ne sont pas enregistrées et donc non imposables.
L'Etat y perd beaucoup car les bureaux de change ne déclarent que les
devises qu'ils retirent de la BRB ».( MADIRISHA Edouard, 2009,
p.7)
|
Il nous est difficile de louer un bureau de change faute de
moyens, et nous préférons rencontrer nos clients à leurs
lieux de travail, par exemple au parking des agences de transport international
des biens et des personnes.
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Chaque jour, du matin au soir, on rencontre un grand nombre
des changeurs de monnaie en tenant des sachets noirs pleins de devises guettant
en tous sens, en quête d'un client potentiel. Et pour surveiller
l'arrivée des éléments de la police nationale qui
ramassent les liasses de billets et emprisonnent les changeurs.
Certains de ces bureaux sont vides. On n'y voit que des
chaises et un tableau noir où s'affiche le cours de change du jour de la
Banque centrale qui sert de référence. Ils travaillent en
clandestinité, en se métamorphosant en commerçants
ordinaires ou en se déguisant comme s'ils sont des simples passants. La
coopération avec ceux des banques leur permet de trouver facilement du
capital.
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7. Eleveurs (Tableau 15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
|
Formes de résistances des acteurs
|
Observations : Description du conflit et
solutions trouvés
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Eleveurs
Les Propriétaires des vaches en situation de «
déplacées de guerre » dans la Municipalité de
Bujumbura.
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L'Ordonnance ministérielle n°
730/710/770/307/CAB/2006 du 11/04/2006 portant « Mesures
d'évacuation du bétail dans les Communes urbaines de la
Municipalité de Bujumbura » à compter du premier mai
2006 ; elle donne ordre aux éleveurs d'acheminer leur bétail
(près de 15 000 bêtes selon le gouvernement)36(*)au site aménagé
entre les transversales 13 et 16 à Maramvya, Commune Mutimbuzi, avec
double motif que la présence de leurs bovins constituerait un facteur de
pollution du Lac Tanganyika et détruirait en même temps
l'environnement.
(Annexe no7)
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De leur avis, les éleveurs disent que, rien ne justifie
l'acharnement contre les vaches qui viennent de passer plus de 12 ans dans la
Capitale, et cela, par les autorités qui devraient normalement
s'investir pour protéger le peu de vaches ayant survécu à
la guerre.
Nous devons absolument le dire, cette attitude contredit le
programme annoncé par le Gouvernement actuel qui place le repeuplement
du Cheptel parmi les priorités des priorités, déclarent
les éleveurs.
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Malgré l'interdiction d'installation du Cheptel bovin
dans la zone de la Rukoko historiquement réservée à cette
activité et la demande à l'Administration et au Commandant de la
police de l'Environnement, tous les deux en charge de la gestion de cette zone
d'agir pour faire respecter cette loi(remise en état des espaces
naturels et de la biodiversité).
Les éleveurs tiennent à rappeler qu'avant la
crise, leur Cheptel occupait, pour la plupart, la partie de la réserve
RUKOKO aménagée, depuis l'époque de la Monarchie, pour
l'élevage.
Les éleveurs sont convaincus que rien ne justifie le
déplacement systématique des vaches en stabulation permanente.
Certains éleveurs n'ont pas acheminé leurs bétails vers
Maramvya en préférant de les garder dans leur clôture dans
la Capitale qui semblait plus rassurante.
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8. Exploitations de gravier et moellon.
(les extracteurs de gravier et de moellon dans les
rivières) (Tableau 15 : suite)
Sous-unités
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Expression de la volonté politique
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Formes de résistances des acteurs
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Observations : Description du conflit et
solutions trouvés
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Extraction du gravier, du moellon de rivière et du
sable
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Au Burundi, l'Etat est préoccupé par la
protection et l'amélioration de l'Environnement, d'où la
promulgation de la Loi n°1/010 du 30/06/2000 portant Code l'Environnement
de la République du BURUNDI.
La prévention en vue de la protection de
l'Environnement s'observe aussi, dans le domaine de la recherche minière
et d'exploitation des carrières ou des mines. C'est ainsi que le Code
pénal de l'Environnement prévoit, En outre, les travaux, ouvrages
et aménagements le long des cours d'eau et des lacs doivent être
conçus de manière à ne pas porter atteinte aux ressources
naturelles situées dans les eaux sous juridiction burundaise.
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Ce travail nous procure un revenu non négligeable afin
de subvenir à nos besoins .Nous risquons de mourir de faim une fois
arrêter ce travail malgré les conséquences.
Annexe no 8
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Constatation des activités d'exploitations de
gravier et moellon d'une manière
désordonnée dans la rivière Ntahangwa devenue un
véritable chantier. Arriver là, on est accueilli par des camions
entrain de charger du moellon et du sable extraits sur place, malgré la
destruction du lit de cette rivière causant d'érosion. Or,
l'article 35, qui dit que les travaux de recherche minière et
d'exploitation des carrières ou des mines, entrepris conformément
à la législation minière, doivent être
organisés dans le strict respect de l'équilibre environnemental
et que les permis, autorisations ou concessions de recherche ou d'exploitation
des carrières ou des substances concessibles ne peuvent être
octroyés que dans le respect des exigences imposées par la
procédure d'étude d'impact.
Les stratégies prises pour pérenniser cette
activité malgré son interdiction, ils collaborent avec les
autorités en place, en leur offrant de pot de vins.
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* 33 Cas des activités
informelles différentes existant depuis son interdiction dès 2000
jusqu'au mois de
Mars 2010.
* 34 · La
piraterie : c'est la reproduction non autorisée
d'enregistrements originaux, pour le gain commercial, sans le consentement du
propriétaire des droits. La présentation des copies pirates
diffère des albums originaux. Les copies pirates sont souvent des
compilations, par exemple les «meilleurs tubes » d'un
artiste spécifique, ou une collection d'un genre spécifique,
comme les compilations « danse ».
Les contrefaçons : les
contrefaçons sont copiées et présentées de
façon à ressembler d'aussi près que possible à
l'original. Les marques et logos du producteur original sont souvent reproduits
pour abuser le consommateur et lui faire croire qu'il achète un produit
légitime.
* 35. Le
développement exponentiel des activités informelles et/ou
illégales dans la mairie de Bujumbura, comme nous l'avons
constaté, peut être appréhendé comme un indicateur
de l'exode rural au profit de cette ville, et surtout comme une manifestation
du dynamisme des jeunes qui s'y trouvent. Dans cette chaine de distribution et
de vente, les distributeurs s'occupent du recrutement des vendeurs. Ils
gèrent ces vendeurs suivant des contrats verbaux qui stipulent que le
vendeur doit à la fin de chaque soirée, verser une certaine somme
d'argent. Le recrutement de ces vendeurs est un recrutement basé sur des
critères subjectifs de lien d'amitié, de lien de famille. En
quelques mots, pour être recruté par un distributeur, il faut
« passer par quelqu'un ». Selon E.
(distributeur), «nous prenons ces précautions parce qu'il
faut travailler avec des personnes de confiance. Si vous prenez n'importe qui,
il peut vous faire foirer le business». Le lien social apparaît
dans ce cadre comme un déterminant prégnant dans le marché
illégal des oeuvres musicales et films.
* 36.
http://www.syfia-grands-lacs.info,
consulté le 25/5/2010
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