Sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde divine( Télécharger le fichier original )par Joseph TEMGA Grand Séminaire de Maroua - Fin cycle deThéologie 2006 |
III.3. Le sacrifice du Christ comme acte rédempteur (vv. 9-10)Dans cette dernière phrase de notre péricope (5,9-10), l'auteur exprime les trois conséquences de la passion du Christ étroitement liées entre elles. En effet, le Christ qui, bien qu'il fut Fils apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance « et ayant été rendu parfait(1) il devint pour tous ceux qui lui obéissant cause du salut éternel, (2) ayant été proclamé par Dieu grand prêtre à la manière de Melchisédech(3) »(5,9-10). Pour mieux comprendre cette phrase, le recours au grand exposé du 5,11-10,39 est absolument nécessaire, car l'auteur y développe largement sa pensée sur la valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ. C'est ainsi que les trois conséquences constitueront respectivement l'objet de notre préoccupation en cette sous-partie. III.3.1. La transformation du Christ (v. 9a)Le grand prêtre doit « offrir dons et sacrifices pour les péchés »(5,2). De même le Christ devrait comme tous les grands prêtres juifs remplir cette charge cultuelle pour être prêtre. Son sacrifice a consisté à offrir des « prières et des supplications », c'est à dire son être propre. Il s'est engagé lui-même dans une offrande douloureuse et suppliante à offrir toute sa personne, à travers la passion et la croix , à « celui qui pouvait le sauver de la mort ». On peut dire qu'il s'est offert lui-même en sacrifice sanglant sur la croix. Plus que le sacrifice aaronique qui était rituel, extérieur à celui qui offre ; celui du Christ est personnel et existentiel (cf. He 9,14). Jésus s'offre volontairement en victime sacrificielle (cf.1Cor 5,17). Ceci est manifeste concrètement dans son ministère à travers les paroles de l'institution de l'Eucharistie : « ceci est mon corps donné pour vous... ceci est mon sang...» (cf. Mc10,45, Mt26,26-28, 1Cor11) et son attitude à Gethsémani : « tout est accompli »(Jn 19, 30). L'auteur utilise l'expression « s'offrir soi-même » (7,27) pour caractériser le don de sa personne dans la passivité. En effet par la façon de supporter les souffrances et la mort, le Christ a été extrêmement actif dans sa passion et il a réalisé une oeuvre de transformation positive qui dépasse en valeur la première création49(*). L'auteur traduit cette transformation par « ayant été rendu parfait ». Le Christ, suivant la logique de l'auteur est rendu parfait par Dieu du fait qu'il fut douloureusement éduqué à l'obéissance. L'acte de perfection est accueilli dans la passivité par le Christ. L'emploi du verbe « ôåëåéïù »par l'auteur au passif et dans la forme du participe aoriste retient notre attention. L'aoriste est un temps qui marque le caractère ponctuel d'un évènement, sans idée de durée ni de continuité ni de répétition ni même le plus souvent de temps. Il indique ainsi que l'action se situe dans le passé et est considérée comme terminée. Ainsi l'acte de transformation du Christ est situé dans le passé. Il fut transformé par Dieu au moyen de la passion douloureuse. Le Christ se laisse modeler dans les mains de son père (sens du passif) en lui remettant son esprit. Dire que le Christ s'est sacrificié lui-même, c'est aussi affirmer qu'il est à la fois la victime offerte dans la passivité et le prêtre qui officie activement. Telle est une réalité nouvelle pour la tradition aaronique car les prêtres israélites étant pécheurs ne pouvaient et n'étaient pas dignes de s'offrir eux-mêmes comme « victime sans tâche » (Ex 29,1 et Lv1, 3.10). Seul le Christ qui est « sans péché » (4,5) se trouve digne d'être une victime sacrificielle pouvant être agréable à Dieu. Aucun prêtre n'était aussi digne de faire monter jusqu'à Dieu cette offrande sainte. C'est ainsi que « poussé par l'Esprit éternel, Jésus s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tâche » (He 9,14). La mention de l'Esprit éternel par l'auteur nous rappelle la présence du feu de Yahwé qui symbolisait la consécration sacerdotale des prêtres aaroniques (cf. Lv 9, 24 ;1R18,38 ;2Ch7,1). Pour l'auteur en fait, le vrai sacrifice est une réalisation qui dépasse les forces humaines, il y faut une intervention de Dieu qui transforme l'homme en lui communiquant sa sainteté. La transformation de Jésus est ainsi une oeuvre de l'Esprit. Pour VANHOYE, le fait que Jésus ait affronté les circonstances dramatiques dans la prière est un signe de la manifestation de l'esprit de Dieu. Ainsi, « suscitée et guidée par l'Esprit, la prière a ouvert la situation humaine à l'action de Dieu qui, par l'Esprit, a donné la victoire, à travers l'obéissance douloureuse »50(*). Pour lui, c'est l'esprit qui a inspiré une adhésion parfaite de Jésus à la volonté de Dieu et l'a porté à la solidarité fraternelle avec les hommes jusqu'à la mort. Dès lors, Jésus, par la force de l'Esprit Saint, est transformé de par son amour pour Dieu et pour les hommes. Ce qui montre qu'au-delà du sacrifice sanglant, le sacrifice du Christ est une oeuvre de l'Esprit Saint. Et, c'est cette dimension spirituelle de l'offrande du Christ qui assure au sang du Christ le pouvoir d'agir au plus profond de l'homme, en purifiant les consciences, et en établissant une communion authentique avec Dieu. L'auteur trouve ainsi dans la transformation de Jésus, l'accomplissement de la prophétie de Jérémie 33,31-34 qu'il reporte en He8,8-12. Le sang de Jésus, de valeur expiatoire (cf.Mt26,28 ;He9,15), établit une alliance d'amour entre l'humanité et Dieu. Le sang du Christ versé sur la croix a aboli l'obstacle du péché, obstacle à l'existence d'une véritable alliance. Acte d'obéissance totale envers Dieu et de solidarité extrême envers les hommes, la mort du Christ introduit l'humanité dans la communion définitive avec Dieu et devient une source de « salut pour tous ceux qui lui obéissent »(5,9). * 49 VANHOYE A,. op cit . p. 222 * 50 VANHOYE A., op cit, p 224 |
|